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Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’
Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’
6-1 - La mémoire des crimes
des pouvoirs communistes
URSS et Europe de l’Est
Étienne Godinot 31.05.2023
La série de diaporamas
‘De l’offense à la réconciliation’
Sommaire : Rappel
Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
1 - Introduction
2 - La mémoire de l’esclavage
3 - La mémoire du colonialisme
4 - La mémoire du génocide des Arméniens
5 - La mémoire de la Shoah
6-1 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
6-2 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis
8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge
9 - La mémoire du génocide du Rwanda
10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie
11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud
12 - La mémoire des guerres
13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses
Série 2 : Justice, pardon et réconciliation
1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus
2 - Pardon et réconciliation entre personnes
3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains
4 - La réconciliation franco-allemande
5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962
5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962
6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est
7 - La Chine. Une volonté de revanche ?
8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains.
9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
La mémoire des crimes
des pouvoirs communistes
Sommaire
Diaporama 6-1
1 - en URSS (1917-1991)
2 - en Europe de l’Est (1945-1991)
Diaporama 6-2
3 - en Chine (depuis 1949)
4 - au Cambodge : voir le diaporama spécifique sur le
génocide commis par les Khmers rouges
5 - en Corée du Nord (depuis 1953)
6 - à Cuba (depuis 1959)
1 - La mémoire des crimes des communistes
en URSS pendant la période soviétique
À rebours de l'idée dominante qui accable Staline, l’historien
Stéphane Courtois établit comment Vladimir Ilitch Oulianov, Lénine
(1870-1924), le jeune intellectuel radical - marqué au fer rouge par
l'exécution de son frère aîné -, a pensé, voulu puis instauré une dictature
idéologique impitoyable.
Il a inventé les concepts (révolution mondiale, dictature du
prolétariat, parti-État, centralisme démocratique, économie planifiée,
terreur de masse) et les instruments (parti unique, police politique,
Armée rouge, Goulag, etc.) du totalitarisme qui a fondé ou fonde les
régimes communistes.
Images du bas : Stéphane Courtois, né 1947, historien, professeur à l'Institut catholique
de Vendée à La Roche-sur-Yon, après une carrière au CNRS. Directeur de collection, il s'est
spécialisé dans l'histoire des mouvances et des régimes communistes. Coordinateur et préfacier
du Livre noir du communisme (1997) auquel ont aussi participé Nicolas Werth (né en 1950,
agrégé d'histoire et chercheur à l'Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP), Jean-Louis Panné,
Karel Bartosek, Andrzej Paczkowski.
Le stalinisme
Après la mort de Lénine en 1924, Staline supplante un à un ses rivaux
politiques, contraints à l’exil ou évincés des instances dirigeantes. S'appuyant
sur la bureaucratisation croissante du régime et la toute-puissance de l’appa-
reil policier, la Guépéou puis le NKVD, il impose progressivement un pouvoir
personnel absolu et transforme l'URSS en un État totalitaire.
Le culte de la personnalité construit autour de sa personne, le secret
systématiquement entretenu autour de ses faits et gestes, le travestissement
de la réalité par le recours incessant à la propagande, la falsification du passé,
la dénonciation délirante de complots, de saboteurs et de traîtres, l’organisa-
tion de procès truqués, la liquidation physique d’adversaires politiques sont
des caractéristiques permanentes de son régime.
Images : - Joseph Staline (1878-1953), né Iossif Vissarionovitch Djougachvili.Il utilise le pseudonyme de
Staline, formé sur le mot russe stal, qui signifie ’acier.’ Acteur marginal de la révolution d'Octobre, il étend
peu à peu son influence politique pendant la guerre civile russe, tissant des liens étroits avec la police
politique, la Tchéka, et devenant, en 1922, secrétaire général du Comité central du Parti communiste. Il
engage l'Union soviétique dans des négociations avec le régime nazi qui aboutissent, en août 1939, à la
signature du pacte germano-soviétique, qui jusqu'en juin 1941 fait de l'URSS une alliée de l'Allemagne
nazie pendant les deux premières années de la Seconde Guerre mondiale. L'invasion allemande de
l'Union soviétique en juin 1941, précipitant cette dernière dans la guerre aux côtés du Royaume-Uni,
alors seul face à l'Allemagne nazie. La victoire militaire finale dans un conflit qui a mis l'URSS au bord du
gouffre, et dont la bataille de Stalingrad est un tournant majeur, confère à Staline un prestige international
retentissant et lui permet d'affirmer son emprise sur un empire s'étendant de la frontière occidentale de la
RDA à l'océan Pacifique.
-Joseph Staline et Joachim von Ribbentrop se serrant la main après la signature du pacte germano-
soviétique au Kremlin le 23 août 1939.
Les déportations massives de paysans
(1930-1932)
Le lancement de la collectivisation forcée des campagnes, décidé au
Plenum du Comité central du Parti communiste de novembre 1929, s’accompagne
de la « liquidation des koulaks en tant que classe » ou « dékoulakisation ». Cette
campagne a un double objectif : « extraire » les éléments susceptibles d’opposer
une résistance active à la collectivisation forcée des campagnes et « coloniser » les
vastes espaces inhospitaliers de la Sibérie, du Grand Nord, de l’Oural et du
Kazakhstan.
Le premier objectif répond à la vision, clairement exprimée par les bolcheviks
dès leur arrivée au pouvoir, selon laquelle la société paysanne, traversée d’antago-
nismes de classe, recèle des « éléments capitalistes » (koulaks ) irrémédiablement
hostiles au régime. Le second objectif s’inscrit dans la mise en oeuvre du 1er Plan
quinquennal, lancé peu de temps auparavant (début 1929) qui prévoit le dévelop-
pement d’un certain nombre de régions vides d’hommes, mais riches en ressources
naturelles, par une main d’œuvre pénale ou déportée.
La « dékoulakisation » prend la forme d’expropria-
tions, de confiscations d’emprisonnements, d’exécutions et
de déportations de masse d’environ 4 millions de paysans.
Images : - « Dégageons le koulak du kolkhoz ! ». Affiche de propagande
soviétique (1930)
- Affiche en faveur de la collectivisation, Tachkent, 1933 : « Renforcez la
discipline de travail dans les fermes collectives. »
Les famines des années 1931-1933
Malgré quelques divergences dans l’analyse de certains
enchaînements et du poids respectif des divers facteurs ayant conduit à
ces famines, les historiens s’accordent à reconnaître que ces événe-
ments tragiques sont le résultat non de conditions météorologiques,
mais bien des politiques mises en œuvre par le régime stalinien depuis
le début de l’année 1930.
Il est aujourd’hui établi qu’en 1931-1933, la population du
Kazakhstan a diminué de 1,7 à 2 millions de personnes. Sur ce
nombre, environ 600 000 ont fui définitivement leur région ravagée par
la famine ; les autres - entre 1,1 et 1,4 million - sont morts de faim ou
d’épidémies.
En 1931, l’Ukraine, le Kouban et la région centrale des Terres
noires sont particulièrement mis à contribution pour livrer leur produc-
tion à l’État. Le terme Holodomor (littéralement « famine », mais qu'on
peut traduire par « extermination par la faim ») désigne la grande famine
qui a lieu en RSS d'Ukraine et dans le Kouban (RSFS de Russie), en
1932 et 1933, et qui fait, selon les estimations des historiens, entre 2,6
et 7 millions de morts.
Images : Paysans ukrainiens expulsés de leur maison dans le village d'Udachne, en Ukraine,
vers 1932-1933
- Soldat de l'armée rouge gardant, fusil à la main, un entrepôt de céréales réquisitionnées durant
l'Holodomor en Ukraine, au début des années 1930.
L’Holodomor en Ukraine
Des activistes venus de Russie et des unités de la police politique
engagent de véritables actions punitives dans les kolkhozes ukrainiens
pour « prendre d’assaut les céréales » par la force, y compris les
semences pour la future récolte et les maigres « avances » en nature
reçues par les kolkhoziens pour leur travail de l’année. Les villages qui
n’ont pas rempli le « plan de collecte » sont « inscrits au tableau noir » :
tous les magasins y sont fermés, les importations de produits alimentaires
ou manufacturés interdites.
Enfin, afin d’éviter un afflux massif des paysans affamés vers les
villes et d’empêcher que la nouvelle de la famine, totalement passée sous
silence, ne se diffuse, la vente des billets de train est suspendue et des
détachements de l’armée et de la police politique déployés autour des
zones affamées pour empêcher tout exode.
Image du bas : Trofim Lyssenko (1898-1976) technicien agricole soviétique. Il est à l'origine d'une
théorie génétique pseudo-scientifique, la "génétique mitchourinienne", qu'il promeut pendant la
période stalinienne, où elle accède en 1948 au rang de théorie officielle exclusive, opposée à une
"science bourgeoise", fausse par essence. Bien qu’il soit resté à son poste à l'Institut de génétique
jusqu'en 1965, son influence sur la pratique agricole soviétique a commencé à décliner après la mort
de Staline en 1953. Le bilan de sa carrière est accablant : « Apport scientifique nul, paralysie de la
biologie et de l'agronomie soviétiques pendant près de trente ans, mise à l'écart et assassinats de
savants mondialement réputés. » Le terme "lyssenkisme" désigne par extension une science
corrompue par l'idéologie, où les faits sont dissimulés ou interprétés de manière scientifiquement
erronée.
1933-1935 : Déportations de peuples
La déportation est une des formes de répression politique en URSS.
Les particularités de ces déportations sont l'absence fréquente de procédure
judiciaire (parfois des procédures expéditives et, pour les responsables
politiques, des procès pour trahison à grand spectacle étaient tenus, après
d'invraisemblables aveux obtenus par la torture) et leur caractère aléatoire :
elles peuvent toucher aussi bien des personnes accusées d'actions concrètes,
supposées hostiles mais de manière absurde (par exemple, accusées de
"complot antisoviétique" pour avoir fourni comme papier-toilette des pages de
journal comportant des photos de Staline), que des groupes de personnes
préalablement définis comme "nuisibles" ou "ennemis" (sur divers critères :
sociaux, économiques, ethniques ou religieux).
Sont ainsi déportés les Coréens des zones frontalières du territoire
d'Extrême-Orient russe, les Balkars, Bulgares, Karatchaïs, Meskhètes,
Kurdes, Nogaïs, Pontiques, Tatars et Tsiganes de Crimée, Allemands de la
Volga, germanophones et Finnois de l'oblast de Leningrad, Karatchaïs,
Kalmouks, Tchétchènes, Ingouches, Arméniens, etc.
Image du bas : 6 000 "éléments socialement nuisibles" sont expédiés, en avril 1933, de Moscou et
de Léningrad vers Tomsk, en Sibérie. Une fois arrivés à destination, les déportés sont envoyés, par
péniche, sans vivres ni outils, sur un îlot désert au milieu du fleuve Ob, où 4 000 d’entre eux meurent de
faim et d’épuisement et de maladie. Certains se livrent au cannibalisme et à la nécrophagie dans un
contexte général d’explosion de la violence.
Les ‘Grandes Purges’ de 1936-1938
Les Grandes Purges ou la Grande Terreur sont une période de
répressions politiques massives en Union soviétique, principalement de
1936 à 1938. Totalement dominé par Joseph Staline, le Parti communiste
utilise alors à grande échelle l'emprisonnement, la torture, la déportation
et la peine de mort pour éliminer ses opposants politiques réels ou
supposés. L'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937 , qui ordonne
de réprimer les « éléments antisoviétiques et socialement dangereux »,
marque le début des purges à grande échelle.
Entre 1929 et 1931, plus de 250 000 communistes sont exclus du
Parti, beaucoup pour "déviationnisme droitier". En 1937, 500 000
membres disparaissent des registres. Sur 139 titulaires et suppléants élus
au Comité central par le "Congrès des Vainqueurs", 98 sont arrêtés et
presque tous exécutés.
À partir de 1936, plusieurs procès spectaculaires sont organisés à
Moscou pour convaincre l'opinion publique intérieure et étrangère de
l'existence d'une vaste conspiration antisoviétique. Presque tous les
bolcheviks au premier plan pendant la Révolution russe de 1917 ou dans
le gouvernement de Lénine sont éliminés. Léon Trotski, en exil au
Mexique, est assassiné par un agent soviétique en août 1940.
Image du haut : Première page (sur 19) de l'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937
La répression et la terreur staliniennes
Vers la fin des années 1930, le pouvoir stalinien liquide presque
toutes les organisations juives, y compris la Yevsektsia, la "section juive"
du Parti communiste soviétique. De nombreuses campagnes et purges
antisémites sont organisées après la Seconde Guerre mondiale,
principalement à partir de 1948. Dans la nuit du 12 au 13 août 1952,
appelée plus tard la "Nuit des poètes assassinés", 13 des écrivains
yiddish les plus importants d'Union soviétique sont exécutés sur l'ordre de
Staline.
Le bilan des purges staliniennes est de 681 692 exécutions en
1936-38 sur 799 455 entre 1921 et 1953.
L’historien Nicolas Werth, dans son livre L’ivrogne et la marchande de fleurs (2009), donne
deux exemples de la terreur stalinienne :
- En octobre 1937, le contrôleur de trains Vdovine, ivre, fracasse une bouteille contre un mur
d’une gare de la banlieue de Moscou, et le projectile brise le cadre du portrait d’un hiérarque. En
novembre 1937, Vdovine tombe sous les balles d’un peloton d’exécution : « Acte terroriste contre
un représentant du pouvoir soviétique. »
- Le même mois, Alexandra Nikolevna, marchande de fleurs dans un cimetière de Leningrad,
ose remarquer publiquement que le nombre des enterrements de nuit a augmenté. A la mi-
décembre, elle est fusillée aux côtés de 234 autres condamnés, tous accusés de « propagande
contre-révolutionnaire ».
Le Goulag
Le terme "Goulag" est un acronyme apparu en 1930 et
formé d'après le russe Glavnoïe Upravlenie Lagerej (GULag) qui
signifie ‘Administration principale des camps’. La police politique placée
à la tête du système pénal développe le Goulag comme instrument de
terreur et d'expansion industrielle. Cette administration pénitentiaire
connaît une croissance constante jusqu'à la mort de Staline, à mesure
que de nouveaux groupes sont incarcérés et déportés, et que ses
prérogatives économiques se développent.
Nicolas Werth et Luba Jurgenson, dans leur ouvrage Le Goulag
(2017) évoquent les chiffres de 20 millions de détenus et 4 millions de
morts entre 1929 et 1954, victimes de maladies et de traumatismes
provoqués par la faim, l'épuisement et le froid, ou sous les balles des
gardiens.
Pendant toute la guerre froide, l'existence du Goulag en tant que
réseau massif de camps de travaux forcés utilisé pour la répression
politique, était niée non seulement par les autorités soviétiques, mais
aussi par la presse communiste internationale.
Images : - Forçats dans une carrière au milieu des années 1930. Staline s’intéressait de près
aux performances des prisonniers qui étaient médiocres compte tenu de leur état physique.
- Les principaux camps du Goulag entre 1923 et 1961, selon les travaux de la fondation russe
‘Memorial’.
L’évolution des camps depuis la période tsariste
Les premiers « camps de concentration » sont créés par les deux
camps en lutte au cours de la guerre civile russe (1917-1921), bolchevi-
ques et blancs. Les protagonistes du conflit reprennent ainsi à leur compte
le système carcéral des camps de travail, les katorgas, qui existaient déjà
sous les tsars pendant l’Empire russe.
Les objectifs assignés aux camps de travail n’ont pas changé depuis
l’époque impériale : éloigner les opposants politiques, et sous Staline, les
marginaux, peupler de façon autoritaire les régions vides, exploiter les
ressources de l’immense Russie, terroriser la population. Staline ajoute
aussi la fonction de rééducation : le travail forcé doit transformer le monde
ancien et forger un "homme nouveau".
Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique compte 84 camps regrou-
pant environ 25 000 prisonniers. Mais bientôt, la place venant à manquer, il
faut créer des camps spécifiquement soviétiques : en 1923, les camps
laboratoires des îles Solovki deviennent un modèle pour le régime. Afin de
stimuler la production, les rations alimentaires sont distribuées en fonction
du travail effectué
Par un décret d’avril 1930, Staline et ses collaborateurs fondent le
Goulag, confiant successivement sa gestion à la GPU (ou Guépéou), au
NKVD, puis enfin au MVD.
L’enfer de Kolyma
L’exploitation des mines d’or de la Kolyma par les prisonniers dés le début des
années 1930 jusqu’en 1953, répond à la volonté de Staline de faire de l’URSS une
puissance industrielle.
Selon l'historien britannique Robert Conquest, le taux de mortalité parmi les
prisonniers atteignait 30 % la première année et à peu près 100 % après deux ans. Les
causes en étaient d'abord les conditions climatiques extrêmes entraînant la mort ou les
gelures ; ensuite des rations alimentaires très insuffisantes ; enfin, les épidémies de
scorbut et de dysenterie, peu ou pas traitées.
En 1930-1932, 2 millions de paysans (soit 380 000 foyers) sont déportés dans des
villages d’exilés, 100 000 dans les camps du Goulag, qui passent, de 1930 à 1935, de
179 000 à près d’un million de détenus.
Pendant la Grande Terreur et Grandes Purges (1936-1938), n'importe qui peut
faire l'objet de la répression. Les purges staliniennes de ces années envoient au Goulag
700 000 personnes, dont 140 000 Polonais, 172 000 personnes d'origine coréenne de la
région de Vladivostok, et 30 000 citoyens soviétiques d'origine finlandaise de la province
de Leningrad.
Photo en haut à droite : La route fédérale russe de Kolyma, la M-56 devenue R-504, appelée « route des
ossements », s’étend sur environ 2,000 kilomètres, et relie Magadan, une ville portuaire sur les côtes de la mer
d’Okhotsk, à Yakutsk, une ville de l’est de la Sibérie. Les prisonniers du Goulag durent travailler par des températures
extrêmes pour construire la route, au travers des marais infestés d'insectes l'été et des champs de glace l'hiver (jusqu’à –
70 ° C). Elle doit son surnom aux corps des prisonniers, enterrés sous la chaussée. En tout, près de 200 000 personnes
sont mortes pendant sa construction, et plus d'un million aurait travaillé sur cette route.
Le Goulag
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la mortalité augmente
fortement dans les camps soviétiques : pendant l’hiver 1941-1942, 25 %
des décès dans les camps sont dus à la famine.
Pendant l’apogée du Goulag (1945-1953), le nombre de détenus
augmente jusqu’en 1950 pour dépasser les deux millions. Des camps
spéciaux sont mis en place et accueillent les prisonniers politiques
condamnés à de longues peines. Le régime crée des lagpounkts
disciplinaires.
Il existe plusieurs types de camps, spécialisés dans divers secteurs
de l’économie : travail agricole, voies ferrées, routes, charbon, minerais,
pétrole, creusement de canaux, etc. Les détenus construisent également
de nombreuses villes : Komsomolsk-sur-l’Amour, Petchora, Inta,
Magadan, Vorkouta, Norilsk, etc.
Les gardes ont l’ordre de tirer sur les fugitifs. Les tentatives
d’évasion ont existé, mais, dans les camps sibériens, les détenus sont
découragés de s’enfuir par l’isolement des camps et les contraintes
naturelles.
Le Goulag
L’humiliation des victimes est multiple : par les crimes fictifs dont elles sont
accusées, par les qualificatifs dont elles sont affublées, par le traitement inhumain
qu’elles subissent, puis par le silence entourant les conditions de leur déportation ou de
leur mort, relayé par tous ceux qui nient l'existence de tels traitements.
Cependant, le Goulag se démarque des camps nazis sur plusieurs points : 1) le
système concentrationnaire soviétique a duré beaucoup plus longtemps que le système
nazi et a comporté plus de 600 camps alors que le système allemand n'a pas dépassé
50 ; 2) les prisonniers soviétiques survivants pouvaient être libérés à l'issue de leur
peine et étaient alors assignés à résidence dans la région par les autorités, dans le but
de peupler des régions lointaines ou de climat difficile, où les non-prisonniers
rechignaient à s'installer.
Les historiens estiment qu’il y eut 2 millions de morts dans les camps et les
colonies du Goulag. Entre nov. 1943 et juin 1944, 900 000 Ukrainiens, Tchétchènes,
Ingouches, Tatars de Crimée, Karatchaïs, Balkars, Kalmouks arrivent dans les camps. À
l'automne 1944, 130 000 Grecs, Bulgares, Arméniens, Turcs et Kurdes sont arrêtés et
déportés.
La police politique des tsars à nos jours
Opritchnik (littéralement ‘homme à part’), organisation de cavaliers
habillés de noir, investie de privilèges spéciaux de police qui répandait la terreur
sous le tsar Ivan le Terrible (1530-1584), peut être considérée comme un
précurseur de services secrets en Russie…
Okhrana : Otdeleniye po okhraneniou obchtchestvennoï bezopasnosti i
poryadka, ‘Section de préservation de la sécurité et de l’ordre publics’. Police
secrète des tsars créée en 1881 par l’empereur Alexandre III pour faire face à la
recrudescence d’attentats politiques et la menace bolchévique. « Prototype de la
police politique moderne » selon Victor Serge, elle compte 1500 agents et
recourt à des agents provocateurs. Elle est dissoute après la révolution de 1917.
Tchéka : acronyme de ‘Commission extraordinaire’, forme abrégée de
‘Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution
et du sabotage auprès du Conseil des commissaires du peuple de la RSFSR’.
Sous l’autorité de Félix Dzerjinski, cette police politique est instaurée en décem-
bre 1917 afin d’espionner les "ennemis du nouveau régime révolutionnaire". Elle
compte 280 000 agents en 1921.
Images :
- Logos d’Okhrana et de la Tchéka, de la GPU et du NKVD
- Felix Dzerjinski (1877-1926), Un des dirigeants bolcheviks de la révolution d'Octobre 1917. Fonde et dirige
la Tchéka. Un des artisans de la ‘Terreur rouge’. Il affirme que « la contrainte prolétarienne sous toutes ses
formes, en commençant par les exécutions capitales, constitue une méthode en vue de créer l'homme
communiste. » La cause de sa mort à 48 ans est incertaine : certaines sources indiquent qu'il aurait été
empoisonné par Staline après avoir découvert un dossier concernant le passé d'agent double de Staline au
sein de l'Okhrana
La police politique
GPU (ou Gépéou) : Gossoudarstvénnoïe Polititcheskoïé Upravlénié
: ‘Direction politique d’État auprès du NKVD de la RSFSR’. Nouveau nom
de la Tchéka en 1922. La première police secrète de l’Union soviétique.
Elle surveille et "démantèle le réseau" d'opposants trotskistes qui deman-
dent une démocratisation du Comité central, met en œuvre la politique de
"dékoulakisation" voulue par Staline, mène des missions de désinformation
(Desinformburo), fait de la recherche en guerre bactériologique. Passant de
60 000 hommes au moment de sa création à 25 000 hommes au moment
où elle est rattachée au NKVD.
NKVD : Narodniï Komissariat Vnoutrennikh Diel ou ‘Commissariat du
peuple aux Affaires intérieures’. En 1934, la GPU est absorbée par ce
service contrôlant la population et les élites pour maintenir l’autorité de
Staline. Le NKVD est responsable des ‘Grandes purges’. Il comprend la
section O.S.S.O. qui a le droit d'ordonner, par simple mesure administra-
tive, l'arrestation puis la déportation dans les camps de travail et de
concentration gérés par le Goulag à partir de 1930.
Images :
- Écussons de la GPU et du NKVD
- Timbre soviétique de 4 kopecks en l’honneur de l’espion Richard Sorge (1895-1944) "héros de
l'Union soviétique" "antifasciste" , infiltré dans le parti nazi puis à l’Abwehr, espion au Japon, pendu
en prison à Tokyo.
Un succès important des services secrets soviétiques fut l'obtention d'informations détaillées
concernant le bâtiment où avait été construite la bombe atomique (projet Manhattan), possible grâce
aux agents infiltrés du KGB, tels Klaus Fuchs et Theodore Hall.
La police politique
MGB : Ministerstvo Gossoudarstvennoï Bezopasnosti (‘Ministère
de la sécurité de l'État’). En mars 1953, peu après la mort de Staline,
Lavrenti Beria réunit le ministère des Affaires intérieures (MVD) et le MGB
en un seul organisme, appelé MVD. Mais peu après, Beria est exécuté et
le MVD est dissous.
KGB : Komitet Gossoudarstvennoï Bezopasnosti, ‘Comité pour la
sécurité de l'État’. Un an après la mort de Staline, le ministère se
transforme en un service de renseignement politique. Il est responsable
de la mort de milliers de personnes considérées comme des opposants
ou des "ennemis du peuple". Ennemi des services secrets occidentaux
(CIA, MI6…) durant la Guerre froide, le KGB élimine tout dissident
politique accusé de "subversion idéologique". Certains experts estiment
que le KGB comptait 1,5 million de collaborateurs, le gouvernement
soviétique affirmant quant à lui que ses services secrets comptaient
480 000 employés dont 217 000 gardes-frontières. Il cesse d’exister en
1991, après la chute du bloc soviétique.
FSB : Federalnaïa Sloujba Bezopasnosti Rossiyskoï Federatsii,
‘Service de sécurité de la Fédération de Russie’, toujours en activité dans
le pays de Vladimir Poutine.
Images
- Emblèmes du KGB et du FSB
- Vladimir Poutine. Officier du KGB, il est en poste à Dresde au moment de la chute du mur de
Berlin.
La psychiatrique punitive
En 1958, le Goulag est rebaptisé "colonie de redressement par le
travail", et placé sous la tutelle du ministère de la Justice de l’URSS.
Plusieurs centaines de dissidents sont enfermés en hôpital psychiatrique*
(psikhushka) relevant du MVD (ministère de l'Intérieur). La psychiatrie
punitive devient un mode de traitement des dissidents politiques à partir des
années 1960. À la fin de l'année 1979, 6 308 personnes sont traitées dans
des établissements de type MVD**.
Les hôpitaux psychiatriques spéciaux comme sont souvent gardés
comme des camps et protégés par des barbelés.
* souvent sous le diagnostic de « schizophrénie torpide » ou « schizophrénie latente »,
« schizophrénie larvée », « schizophrénie lente », « schizophrénie stagnante ». L'article du Code
criminel de la République socialiste fédérative soviétique de Russie le plus souvent utilisé à propos
des dissidents est l'article 70 qui concerne l'« agitation anti-soviétique et la propagande ». La durée du
séjour en hôpital spécialisé était beaucoup plus longue que celle prévue par le tribunal…
** Dnipropetrovsk, Kazan, Leningrad, Minsk, Orlov, Sytchevska, Tcherniakhov, et deux
« maisons de repos », à Kiev et Poltava. Dans la colonie de travail pénitentiaire no 5, qui se trouve
dans l'île de Sviajsk, existe depuis 1956 une section de l'hôpital psychiatrique de Kazan où meurent
3087 prisonniers, entre la fin des années 1930 jusqu'aux années 1970.
Photos :
- Yuri Andropov. En avril 1969, il adresse au Comité central du PCUS un projet d'agrandissement du
réseau des hôpitaux psychiatriques en perfectionnant leur utilisation aux fins de défendre les intérêts
de l'État soviétique et de l'ordre social.
- L'institut Serbski de Moscou ("Centre d'étude de l'État pour la psychiatrie judiciaire")
L’internement psychiatrique pour raisons politiques
Les conditions de séjour dans les hôpitaux sont :
- la surpopulation extrême dans les cellules à l’air vicié,
- l'absence de WC (autorisés pendant des heures déterminées et pendant
quelques minutes pour chaque détenu),
- le manque d'espace pour circuler,
- l’absence d’activité et de visites
- la privation de papier et de stylos, la limitation très stricte d'accès aux
livres ou aux revues,
- l'absence de possibilité de se retrouver dans une même chambre avec
d'autres détenus politiques : ils doivent au contraire se retrouver avec des
détenus atteints de graves maladies mentales, ou qui ont commis des
faits criminels,
- l’alimentation maigre et mauvaise, la privation d’eau, etc.
On cherche à obtenir la rétractation des prisonniers au moyen de
drogues et d’électrochocs. Les produits neuroleptiques sont utilisés de
manière permanente et durant de longues périodes. Les détenus
reçoivent des coups ou subissent le supplice dit de l'« enroulement »*
* le corps est compressé dans des draps humides et froids presque jusqu'à l'étouffement. Puis le
corps est placé près d'un radiateur chaud : en séchant les draps se resserrent autour du corps et
accroissent encore l'impression d'étouffer.
La déstalinisation
La déstalinisation en Union soviétique commence avec
Lavrenti Beria qui prend une mesure d’amnistie partielle après
la mort de Staline en mars 1953. Elle prend un ton officiel le 24
février 1956, lorsque Nikita Khrouchtchev, alors Secrétaire général du
Comité central du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS) divulgue
pendant 4 heures son Rapport sur le culte de la personnalité à la fin du
20ème congrès du Parti. Ce document, écrit par une commission présidée
par le bureaucrate Piotr Pospelov, explique comment s'est développé et
imposé le "culte de la personnalité de Staline" et quelles en ont été,
durant 20 ans, les manifestations et les conséquences.
Pour les dirigeants soviétiques, la déstalinisation consiste à aban-
donner le culte de la personnalité et à dénoncer les "excès" de la période
du stalinisme. En ressort une nouvelle image de Staline - celle d'un tyran
fabriquant jour après jour son propre culte, de plus en plus suspicieux vis-
à-vis de ses collaborateurs, d'un dictateur incompétent, replié sur lui-
même et totalement coupé de son peuple.
Photos : - Khrouchtchev lisant son rapport au 20è congrès du PCUS.
- Lavrenti Beria (1899-1953). Bras droit de Staline, est une figure-clé du pouvoir soviétique de
1938 à 1953. Chef du NKVD, un des responsables du massacre de Katyń. Par la suite membre du
Politburo de 1946 à sa mort, contrôle l'ensemble de la sécurité intérieure et extérieure de l'Union
soviétique. En 1953, alors que Staline a déjà programmé son élimination en montant de toutes
pièces un « complot mingrélien » (sous-groupe ethnique des Géorgiens), la mort du dictateur le
sauve in extremis. À peine trois mois après la mort de Staline, et dans les trois jours qui suivent
l'écrasement de la révolte berlinoise, Beria est arrêté en juin 1953 par la police de Khrouchtchev, et
fusillé six mois plus tard avec six de ses collaborateurs.
La déstalinisation
Sont dénoncés les déportations massives, les arrestations arbi-
traires "d'honnêtes communistes et de chefs militaires traités en ennemis
du peuple", l'incapacité du dictateur dans les préparatifs de guerre, son
caractère irascible, y compris dans ses rapports avec les partis commu-
nistes frères. La biographie officielle qui présente Staline comme "le plus
grand stratège de tous les temps", comme un véritable sage infaillible est
sévèrement critiquée.
Le but aussi pour Khrouchtchev est de se débarrasser des cadres
staliniens, particulièrement Malenkov et Molotov. Initialement secret, le
rapport n‘est publié en Russie qu'à la fin des années 1980 dans le cadre
de la Glasnost.
Khrouchtchev lui-même ne reconnaîtra formellement qu'il était l'auteur du Rapport secret que
six ans après son éviction du pouvoir, dans les Mémoires qu'il rédige peu avant sa mort, en 1970 et
qui sont publiés à l'Ouest la même année, ultime pied de nez de l'ex-Premier secrétaire à ses
successeurs. Longtemps, les Mémoires de Khrouchtchev sont aussi restés le témoignage essentiel
sur la genèse du Rapport secret. L’auteur y enjolive son propre rôle, fait apparaître ses collègues
comme résolument opposés à la divulgation des erreurs et des crimes de Staline, passe sous
silence bien des faits, en déforme d'autres. Il allège plusieurs données du rapport Pospelov et
rajoute les forfaits commis par Staline pendant et après la Seconde Guerre mondiale, mais juste
dans le but de le rendre seul responsable et de dissimuler soigneusement sa propre participation
aux mêmes crimes, ce qui a notamment été révélé en 1992 lorsque les archives ont été pour un
temps ouvertes aux historiens.
Photo du haut : Statue de Staline à Tbilissi (Géorgie)
La déstalinisation
Le corps de Staline, embaumé et jusqu'alors exposé dans le
mausolée de Lénine sur la place Rouge à Moscou, est retiré et inhumé en
1961. Dans le même temps, la ville de Stalingrad est rebaptisée Volgograd.
Presque toutes les statues à l'effigie de Staline disséminées à travers l'URSS
sont démontées.
Les prisonniers politiques sont progressivement réhabilités : en 1957,
parmi les prisonniers des camps, on ne compte plus "que" 2 % de politi-
ques. En 1961,Grigori Tchoukhraï réalise son film Ciel pur, vive critique du
stalinisme. En 1962, Alexandre Soljenitsyne peut publier Une journée d'Ivan
Denissovitch dans la revue littéraire Novy Mir dirigée alors par Alexandre
Tvardovski.
Le rapport constitue néanmoins un choc brutal, notamment pour les « partis frères » de l'Europe
de l'Est, car il met à bas le principe de l'infaillibilité du Comité central. Et certains dirigeants comme
Walter Ulbricht désapprouvent le rapport ; ils ont en effet leur propre culte de la personnalité. Les
Hongrois exigent la destitution du stalinien Mátyás Rákosiet les Polonais et Yougoslaves expriment leur
colère.
D'un autre côté, les dirigeants installés par Staline, de même que les Chinois et les Albanais
manifestent un vif mécontentement face à cette remise en cause : Mao Zedong adopte ainsi un credo
« anti-révisionniste » afin d'éviter, en Chine, toute forme de déstalinisation, assimilée à un écart vis-à-
vis du marxisme-léninisme. La Chine rompt avec l'Union soviétique au début des années 1960. La
République populaire d'Albanie se brouille également avec l'URSS et s'aligne sur la Chine : le régime
d'Enver Hoxha demeure le seul, en Europe, à conserver officiellement des références staliniennes.
Photo du haut : le corps embaumé de Staline dans le mausolée de Lénine
La déstalinisation
Après le limogeage de Khrouchtchev, Léonid Brejnev, plus conser-
vateur, voulant éviter un relâchement des mœurs et souhaitant promou-
voir la grande guerre patriotique contre le nazisme, interrompt la déstali-
nisation et entreprend une réhabilitation progressive de Staline. Il faut
attendre la glasnost portée en URSS par Mikhaïl Gorbatchev à partir de
mai 1986 et l'ouverture des archives pour s’approcher de la vérité.
Lors de son arrivée au pouvoir en 2004, le président de Géorgie
Mikheil Saakachvili lance une politique de déstalinisation : en 2010, il fait
déboulonner une immense statue de Staline qui restait à Tbilissi, et en
2011, il fait voter par le Parlement l’interdiction des symboles soviétiques.
Photos : Budapest 1956. La tête de la statue de Staline abattue
- La grande statue de bronze, de 6 m de hauteur, représentant Staline dans sa ville
natale de Gori, en Géorgie, est déboulonnée secrètement de nuit en juin 2010
.
La mémoire des crimes du stalinisme
Pendant la période de Boris Elstine, les thèmes du tsarisme et du
stalinisme peuvent faire l’objet de recherches historiques, alors
qu’auparavant l’oblitération du passé par la censure en empêchait toute
interprétation.
Ce revirement mémoriel a pour conséquence un rejet de la
révolution d’Octobre, jusqu’alors célébrée comme l’acte fondateur du
système soviétique, présentée désormais comme un coup d’État,
œuvre marginale d’individus isolés. Cette représentation permet de
diaboliser le bolchevisme et, par extension, de jeter le discrédit sur
l’ensemble de la période soviétique afin de se débarrasser du poids du
passé stalinien et du sentiment de culpabilité qu’il suscitait sans
s’interroger sur ce qui l’a rendu possible. Les dirigeants décident de
miser sur la carte du nationalisme pour reconstituer une identité
collective.
Vladimir Poutine impose une vision de l’Histoire centrée sur « la
grandeur de la Russie » qui, grâce à un pouvoir fort au service de
l’esprit national, a permis au pays de s’affirmer en tant que « voie
particulière » dans l’histoire des civilisations.
Photos : - Mémorial de la grande famine de 1932, place Mykhailivska à Kiev.
- Mémorial en hommage aux victimes de l'Holodomor, à Kiev, en Ukraine.
- Le mémorial en l’honneur des victimes du Goulag à Moscou, place Loubianka, est constitué
d’une pierre provenant des îles Solovki, berceau des camps de concentration soviétiques.
Une mémoire officielle sélective
Dans cette lecture du passé, tous les représentants autocratiques
ont leur place, du Tsar à Staline dont la figure est récupérée non en tant
qu’héritier du bolchevisme, mais en tant que restaurateur du pouvoir absolu
de l’État.
Les principaux jalons de la période stalinienne que sont la violence
étatique, la répression des opposants, la famine de 1932-1933 et la terreur
de 1937-1938 sont reconnus mais minimisés, perçus comme les dommages
collatéraux inévitables à l’établissement d’un pouvoir fort dont
l’accomplissement suprême fut la victoire sur l’Allemagne nazie, désignée
comme le mal absolu.
La mémoire du stalinisme reprise dans la mémoire officielle est la
mémoire des victimes et non celle des crimes. Il n’existe aucun consensus
dans la société sur l’identification des bourreaux, ni sur la qualification des
crimes commis.
Images : - Le musée de l'histoire du Goulag est une institution culturelle de l'État de la ville de Moscou
situé jusqu'en 2015 rue Petrovka, et installé depuis dans des bâtiments plus spacieux et modernes
sur la voie Pervy Samotiotchny. Le musée a été ouvert en 2001 sur instruction personnelle de l'ancien
maire de Moscou Iouri Loujkov.
- Monument à la mémoire de la déportation des Tatars de Crimée à Soudak
- Wagon de déportation des Kalmouks, à Elista (Kalmoukie)
Mémoire : Le rôle de la société civile
Aucun procès à l’encontre des acteurs de la terreur stalinienne
n’a eu lieu et donc aucun jugement, pouvant servir d’appui à cette
qualification, n’a été rendu. De même, aucun acte juridique de l’État
où le terrorisme d’État serait qualifié de crime n’a été produit.
Le travail de mémoire, en tant qu’instrument de prise en compte
des conflits d’interprétations du passé, repose donc entièrement sur
la société civile dans la mesure où le pouvoir l’autorise. Depuis 1988,
l’ONG Mémorial se donne spécifiquement comme objectifs de rétablir
la mémoire du stalinisme dans sa complexité, tant en perpétuant la
mémoire des victimes qu’en assumant la nature des crimes commis,
et de la faire s’intégrer dans les consciences collectives.
Photo : - Mémorial du Goulag à Magadan. Cette ville portuaire de 100 000 habitants, sur
l’océan Pacifique, face à la péninsule du Kamtchatka, était le point majeur d’accès des
prisonniers du Goulag, par bateaux depuis Vladivostok, faute d'accès routier dans cette
région très isolée; Les prisonniers étaient destinés aux différents camps de travail de
l’Extrême-Orient russe, disséminés notamment le long du fleuve Kolyma qui se jette dans
l’océan arctique. Le monument de fer et de béton a été érigé en 1996, période où la
construction approximative de la démocratie en Russie permettait la préservation de la
mémoire.
- Monument érigé en hommage aux victimes des Grandes Purges, dans la ville de Donetsk
(Ukraine), en 2013.
La mémoire du Goulag interdite par Poutine
‘Memorial’ est une organisation non gouvernementale russe créée
en 1988 par les dissidents soviétiques, en vue de la défense des droits
humains et de la préservation de la mémoire des victimes du pouvoir
soviétique, notamment stalinien, mais aussi d'exactions plus récentes
commises en Russie comme en Tchétchénie.
Pendant la période de la Perestroïka, après 1991, elle organise une
assistance aux prisonniers politiques, victimes du régime soviétique.
En 2021, ‘Mémorial’ devient un réseau d'organisations sises en
Russie, en Allemagne, au Kazakhstan, en Italie, en Tchéquie, en Belgique,
en France et en Ukraine.
L’organisation est dissoute le 28 décembre 2021 par la Cour suprê-
me russe, aux ordres de Vladimir Poutine, en raison du non-respect
d'obligations découlant de son statut « d'agent de l'étranger ». ‘Memorial’
est aussi accusée de « glorifier le terrorisme et l’extrémisme ». Le maître
du Kremlin entend priver les Russes de tout passé qui ne serait pas
glorieux.
Images : - Logo de l’organisation ‘Memorial’
- Les locaux de l’ONG Memorial à Moscou fermés par des menottes,
Quelques figures de ‘Memorial’
Arseny Roginsky (1946-2017), historien russe d’origine juive et
dissident soviétique. Diplômé de l’université d’histoire et de philologie de
Tartu, en Estonie, il revient enseigner et travailler à la bibliothèque de
Leningrad. De 1975 à 1981, il est rédacteur en chef d'une série samizdat de
documents et d'études historiques intitulée Pamyat (Mémoire). En août 1981,
il est arrêté en vertu de l'article 196 ("la falsification et la production et la
vente de faux documents") du Code pénal de la RSFSR et accusé d'avoir
transféré des documents à l'étranger à des "publications anti-soviétiques"
telles que Pamyat, condamné à 4 ans d'emprisonnement dans un camp de
la région des Komis, non loin de celle d’Arkhangelsk où son père avait été
interné. Réhabilité en 1992, après la chute de l’URSS. Principal fondateur et
Président de l'International Historical and Civil Rights Society Memorial.
Natalia Estemirova, représentante de ‘Memorial’ en Tchétchénie, qui
enquêtait sur des cas très graves de violation des droits humains, est
enlevée et exécutée le 15 juillet 2009,
Iouri Dmitriev, historien, a dressé une liste de 40 000 victimes
exécutées pendant la terreur stalinienne. En septembre 2020, accusé selon
la Justice poutinienne de violences sexuelles envers sa fille adoptive, il est
condamné à 13 ans d’emprisonnement.
La mémoire du communisme en URSS
Livres
La mémoire du communisme en URSS
Documentaires, films
2 - La mémoire des crimes
des pouvoirs communistes
en Europe de l'Est
Sommaire
1 - Albanie
2 - Allemagne de l’Est
2 - Bulgarie
3 - Hongrie
4 - Pays baltes
5 - Pologne
6 - Roumanie
7 - Tchécoslovaquie
8 - Yougoslavie
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-1 - Albanie
En 1939, l’Albanie est annexée par l’Italie de Mussolini. La résistance
albanaise de quelques groupes communistes s'organise autour du Parti
communiste d'Albanie à partir de 1941, sous la direction d'Enver Hoxha et en
liaison avec le mouvement communiste yougoslave de Tito.
Après sa libération en novembre 1944, le pays a un gouvernement
communiste, dont le principal dirigeant est Enver Hoxha, chef du gouverne-
ment et premier secrétaire du Parti communiste d'Albanie. Entre fin 1945 et
début 1946, Hoxha organise la purge des éléments modérés du parti et celle
de nombreux chrétiens comme Mgr Vinçens Prenushi et ses compagnons. La
république populaire d'Albanie est proclamée en janvier 1946.
Dans les années de l'immédiat après-guerre, le régime albanais est
parcouru de tensions : en 1946 et 1947, les partisans d'une ouverture à
l‘Ouest sont éliminés. Une lutte se développe également entre la tendance
d'Enver Hoxha et celle de Koçi Xoxe, proche du régime yougoslave et fort de
son rôle de chef de la police secrète.
Images :
- Henver Hoxha (1908-1985). Sa dictature est considérée comme l'une des plus répressives et des plus
sanglantes de l'histoire contemporaine de l'Europe
- Koçi Xoxe (1911-1949). Ministre de la Défense, instigateur de l'intégration de son pays dans la
confédération yougoslave voulue par Tito, dont il est ami. Écarté du pouvoir en mai 1949 puis exécuté le
11 juin suivant par un peloton d'exécution, à la suite d'un jugement secret orchestré par Enver Hoxha.
La dictature
Fin juin 1948 a lieu la rupture Tito-Staline : l'Albanie dénonce tous ses accords
économiques avec la Yougoslavie et conclut un traité économique avec l'URSS. En
novembre 1948, au congrès du parti, rebaptisé ‘Parti du travail d'Albanie’, Hoxha consolide
son pouvoir en prenant le poste nouvellement créé de Premier secrétaire.
Le gouvernement albanais est le seul d’Europe de l’Est à refuser la déstalinisation
en 1956, ce qui le conduit à rompre avec l'URSS et à rechercher l'alliance de la Chine.
Selon ‘l'Association albanaise des anciens prisonniers politiques’, 5.577 hommes et 450
femmes ont été exécutés par le régime. 34 000 personnes ont été détenues dans des
camps de travail ou des villages d’internement. Environ 100 000 Albanais ont été internés
dans des camps, forcés à travailler dans des mines, des champs, sur des chantiers de
construction et près de 14 000 exils ont eu lieu (bien que l’émigration soit interdite et les
frontières étroitement surveillées) pour une population d'après-guerre de 1 million
d'habitants (et de plus de 3 millions en 1991).
Images :
- Emblème de la Drejtoria e Sigurimit të Shtetit (‘Direction de la sûreté de l’État’), communément appelée Sigurimi,
service de renseignement et la police politique de la République populaire socialiste d'Albanie.
- Logotype du ‘Parti du travail d'Albanie’ (Partia e Punës e Shqipërisë, abrégé PPSh), d'abord nommé ‘Parti communiste
d'Albanie’
La Sigurimi
La Sigurimi, police politique du régime - dont la devise est « Pour le peuple avec le
peuple »… - constitue un réseau d'espionnage interne très efficace et redoutable. Elle a
compté jusqu’à 10 000 agents, et 20 % des Albanais ont collaboré avec elle.
170 cadres dirigeants du Parti sont liquidés et un Albanais sur trois a un jour ou
l'autre affaire à elle. Tout un pays mis en coupe réglée par un régime policier qui a institu-
tionnalisé la surveillance de sa population en distillant la peur de l’ennemi et en verrouillant
ses frontières.
Images :
- Le site de la Sigurimi à Linza, dans la montagne de Dajti, à la périphérie de Tirana. C'est là qu'auraient siégé le
ministère de l'Intérieur et la Sigurimi en cas de guerre.
- Archives de la Sigurimi.
En avril 2015, l'Assemblée albanaise a voté une loi visant à la création d'une haute autorité pour l'accès aux
informations de la Sigurimi. Cette structure publique a démarré ses travaux à l'automne 2017 en rassemblant les dossiers
éparpillés entre les ministères de la Défense, de l'Intérieur, de la Justice et la Sigurimi : 42 millions de pages sur
2,2 kilomètres de rayonnage. Elle offre la possibilité aux Albanais d'avoir accès à leur dossier établi par la police secrète.
Mais en deux ans, et malgré une tendance à la hausse, l'autorité n'a pas été assaillie par les demandes : seulement
1 000 requêtes individuelles - dont 137 émanant de chercheurs et de journalistes - ont été déposées. Seulement
200 000 pages sur 42 millions ont été numérisées. «Et une belle partie des dossiers ont été détruits entre 1989 et 1991.
Les cadres de la Sigurimi avaient anticipé la chute du régime» explique Altin Hoxha, ancien des services de renseigne-
ment et l'un des 5 membres de l'autorité indépendante.
" Continuer à se taire sur le passé, c’est continuer à obéir à la morale de la dictature, continuer à perdre ses
repères moraux ", dit le grand écrivain albanais Ismaïl Kadaré, le premier à demander son dossier.
Dictature et isolement
Les intellectuels sont réprimés. Une forte campagne anti-religieuse
est lancée, Hoxha proclamant l'Albanie « premier État athée du monde ».
1820 lieux de culte catholiques, orthodoxes et musulmans sont détruits et
de nombreux religieux incarcérés ou exécutés.
L'Albanie est isolée du reste du monde. La France, l'Italie, l'Autri-
che et la Suisse sont les seuls pays occidentaux à entretenir des relations
diplomatiques avec l'Albanie pendant la période communiste*. Plusieurs
centaines de milliers de bunkers sont construits jusque dans les années
1980, censés protéger le pays d'invasions extérieures.
* De leur côté, le Royaume-Uni et les États-Unis tentent en 1949-1951, en pleine guerre froide, de
renverser le gouvernement communiste en infiltrant des commandos composés de militants
monarchistes albanais. Leur opération de subversion, nommée Valuable Project, échoue du fait de
l'allégeance de l'agent double Kim Philby à l’URSS.
Images :
- Vincenz Prenushi (1885-1949), archevêque Durrës et primat d'Albanie, torturé, mort en
prison en 1949. 37 de ses compagnons sont tués entre 1945 et 1974.
-Ismaïl Kadaré (né en 1936), écrivain albanais naturalisé français. Étudie les lettres à Tirana
et à Moscou. En 1960, la rupture avec l'Union soviétique l'oblige à revenir en Albanie où il entame
une carrière de journaliste. Après la parution du poème Les Pachas Rouges en 1975, est interdit
de publier des romans. Doit se soumettre à une période de travail manuel, sorte de stage de
rééduca-tion à la chinoise, au fin fond des campagnes. Émigre en France en 1990.
- Bunkers albanais
La fin de la dictature
En 1978, la Chine, ayant renoncé à l'orthodoxie maoïste, se brouille
avec l'Albanie et lui retire son aide. Le régime d'Enver Hoxha se trouve
dépourvu d'alliance étrangère et adopte une politique d’autosuffisance
économique, se traduisant par un appauvrissement de sa population.
Enver Hoxha, septuagénaire, choisit Ramiz Alia pour lui succéder à
la tête du régime, au détriment du premier ministre Mehmet Shehu. Ce
dernier manifestant son opposition, il est éliminé du parti et meurt, officielle-
ment par suicide, en décembre 1981.
À partir de 1989, les régimes communistes européens tombent tous
les uns après les autres. L'Albanie est le dernier bastion communiste à
ignorer les réformes, mais le mécontentement s'accroît dans la population :
en décembre 1990, 5 000 Albanais fuient le pays. Ramiz Alia, conscient de
la nécessité d'un changement pacifique, autorise le multipartisme le 11
décembre. Le ‘Parti démocrate d'Albanie’ reporte les élections de mars
1991.
Images : - Mehmet Shehu (1913-1981), Premier ministre de l'Albanie communiste de 1954 à 1981. Il
est retrouvé mort le 18 décembre 1981, vraisemblablement assassiné sur ordre d'Enver Hoxha avec
lequel il avait des désaccords politiques de plus en plus prononcés, en particulier sur l'isolationnisme
du régime. Sa mort est officiellement considérée comme un suicide. Accusé post mortem d'avoir été
« un agent des services secrets américains, soviétiques, yougoslaves, anglais et italiens », il est
enterré à la fosse commune.
- Renversement de la statue géante d’Henver Hoxha à Tirana le 20 février 1991
La mémoire du communisme
en Albanie
Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement socialiste d’Edi Rama
en 2013, le pays ouvre les archives, les lieux emblématiques de "la
petite Corée du Nord" en l’Europe et débute un travail d’introspection de
ce douloureux passé, "même si cela présente un risque car beaucoup
de gens ont été mouillés par le système policier pendant des décen-
nies", note l'historien Pierre Cabanes. Cette époque est presque
absente de leurs manuels scolaires, elle est évoquée dans le cercle
familial de manière souvent trop partiale.
- Photo n° 1 - La ‘Pyramide de Tirana’, anciennement ‘Musée Enver Hoxha’, est le nom
donné à un bâtiment situé au centre de Tirana. Il a été inauguré sur 17 000 m2 en 1988, pendant
la dictature, pour abriter un musée à la mémoire du leader mort en 1985. Après la chute du
communisme, le bâtiment a cessé de faire office de musée. Sa démolition a été envisagée, mais
aucune décision n'a été prise et la pyramide a notamment abrité une discothèque.
- Photos 2 et 3 - La ‘Maison des feuilles’ (Shtëpia me gjethe, House of Leaves), nom
donné au musée de la police politique situé dans le bâtiment de la Direction de la sureté de
l’État, la Sigurimi. Le Conseil de l’Europe a décerné son ‘Prix du musée 2020’ à ce musée.
Les différentes salles d’exposition présentent du matériel d’écoutes téléphoniques, des appareils
photographiques, des micro miniatures. Dans ces murs ont eu lieu de nombreux interrogatoires
sous la torture et des exécutions de victimes sans aucun procès. Le musée est dédié "aux
victimes innocentes d'espionnage, de persécutions, d'arrestations, de condamnations et
d'exécutions par un régime qui ambitionnait d'instaurer un plein contrôle sur les corps et les
âmes" de ses citoyens, précise une plaque à l'entrée du musée.
Les lieux de mémoire
La nouvelle Albanie compte se défaire de sa mauvaise réputation de
pays de gangs et de mafia. Mue par le rêve de s’arrimer à l’Union europé-
enne, elle s’est lancée dans une vaste opération ‘mains propres’.
Le musée de l’histoire de Gjirokastër, ville natale d’Enver Hoxha, situé
dans la citadelle, comporte une section sur le communisme. Il est avant tout
destiné aux touristes, et rares sont les habitants qui y sont déjà allés ou
pensent s’y rendre un jour. Pour permettre de présenter une image plus
nuancée de l’Albanie, en expliquant les liens existants entre le passé et le
présent (entre communisme/démocratie, totalitarisme/corruption, isolation-
nisme/internationalisme), les professionnels locaux du patrimoine pensent
que la muséification doit se faire par la population, et non par le pouvoir
politique.
Photos : - La « caserne 303 » ou « camp de Spac » était l’un des pires lieux de détention et de travail
forcé de 1968 jusqu’à la chute de la dictature. À l’arrière-plan de la prison en partie en ruine, le
nouveau bâtiment gris construit par la compagnie turque Tete, qui exploite depuis début 2018 la mine
de cuivre dans laquelle les anciens prisonniers étaient condamnés au travail forcé.
- Le ‘Bunk Art 2’, musée souterrain, est installé dans l’ancien abri anti-aérien du ministère de
l’Intérieur construit entre 1981 et 1986. À travers deux grands couloirs desservant 19 salles, il
présente le détail des différentes techniques d’écoute, d’investigation, de répression et de torture
employées par la Sigurimi.
- Le ‘Bunk’Art 1’, est un ancien bunker transformé en musée sur le régime d’Enver Hoxha. On
s’enfonce profondément sous terre dans d’immenses galeries qui semblent interminables. Ici, des
cellules d’emprisonnement.
« Il n’y a pas eu de procès »
«Il n'y a pas eu d'épuration, pas de procès, les anciens leaders et grands respon-
sables sont morts, on apprend à vivre avec ce passé», constate avec fatalisme la
romancière Diana Çuli, ex-membre du Parti social-démocrate. En 1993, le nouveau
pouvoir a bien poursuivi Nexhmije Hoxha, la veuve de l'ex-dictateur. Mais c'est pour
détournement de fonds qu'elle a fini par écoper de 9 ans de prison. Elle n'en purgera que
5. «Le processus de transition est chaotique. Les gens se sont camouflés, ont caché leur
passé et ont d'autres urgences : travailler et manger», remarque Etleva Demollari,
historienne directrice du ‘Musée des Feuilles’.
La directrice de’ l'Institut pour la démocratie, les médias et la culture’ à Tirana,
Jonila Godole, a choisi de travailler avec la jeunesse en tentant de prendre ses distances
avec la propagande et les polémiques : «La mémoire est un problème et il est difficile de
rendre la justice. Hélas, je crois qu'il est trop tard pour changer l'état d'esprit des
anciennes générations, mais en travaillant avec les plus jeunes, on obtient des
résultats.» *
En juin 2014, le Conseil européen a officiellement accordé au pays le statut de
candidat à l’adhésion à l’UE.
* Cette diapo reprend l’article de Libération « En Albanie, la mémoire dans la douleur » d’Arnaud Vaulerin, (29 juillet
2019)
Photo : La mosaïque représentant « L’élan du peuple albanais vers son indépendance et son identité » raconte
l’histoire de la lutte des Albanais contre l’invasion et l’occupation au cours des siècles. Musée national historique,
Tirana.
Le retour du Kanun
Et, si la chute de l’État communiste a permis le multipartisme et
l’ouverture à l’extérieur, elle a aussi causé un vide institutionnel dont les
traces sont encore visibles : sans État stable ni système juridique
fiable, les Albanais se sont tournés vers le code coutumier de Lekë
Dugajini, le Kanun*, qui régit une grande partie de la vie sociale.
Transmis de génération en génération, ce code a toutefois été dévoyé
dans sa mise en œuvre depuis les années 1990, et les vendettas ont
causé la mort de dizaines de milliers de personnes depuis 1991.
Images :
- Kanun est le nom de codes de droit coutumier médiéval auxquels se réfèrent encore
certains clans des territoires d’Albanie du nord, du Kosovo, du Monténégro oriental et de la
Macédoine occidentale.
Il ne se réduit pas à la gjakmarrja, littéralement « reprise du sang », mais est un corpus de
règles en douze livres régissant tous les aspects de la vie quotidienne, de l’organisa-tion de
l’économie à l’hospitalité en passant par la famille, la place de l’homme et de la femme dans la
société, le mariage, la gestion des bien communs… et surtout l’honneur personnel, pierre
angulaire de ce système sophistiqué. Le Kanun est fondé sur quatre piliers : l'honneur,
l'hospitalité, la rectitude, la loyauté.
- Avril brisé, roman d’Ismaïl Kadaré sur le Kanun (1980)
La mémoire des crimes des communistes en Albanie
Livres
La mémoire des crimes des communistes en Albanie
Livres, documentaires et films
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-2 - Allemagne de l’Est
En octobre 1949, les Soviétiques instituent la République démocra-
tique allemande (RDA) dont l’homme fort est Walter Ulbricht (1893-1973),
Secrétaire général du comité central du SED (Sozialistische Einheitspartei
Deutschlands)
Le contrôle du régime sur la population est exercé à partir de 1950
par la Stasi (Staatssicherheit, ‘Sécurité d’État’), qui surveille la vie des
habitants (7 millions de personnes fichées) et élimine les contestataires
repérés par son réseau d’agents (1600 personnes) et d’informateurs non
officiels (plus de 175 000).
Le 16 juin 1953, à la suite d’une augmentation de 10 % des quotas
de production des travailleurs construisant le boulevard Staline, les
émeutes de juin 1953 éclatent à Berlin-Est. Au cours de ces émeutes,
60 000 manifestants s'en prennent aux symboles du pouvoir. L'agitation
gagne le reste du pays dès le lendemain.
Walter Ulbricht fait appel aux troupes soviétiques qui rétablissent
l’ordre en provoquant la mort de 55 personnes et une vague d’arrestations
et de condamnations à la prison de plus de 10 000 personnes.
Le mur de Berlin
Entre 1949 et 1961, plus de 3 millions de personnes, en
particulier les travailleurs qualifiés, émigrent en Allemagne de
l'Ouest, attirés par la prospérité économique et par la démocratie.
La construction du mur de Berlin (ainsi que le renforcement des contrôles
sur le rideau de fer dans sa section interallemande) commence dans la nuit
du 12 au 13 août 1961 avec la pose de grillages et de barbelés autour de
Berlin-Ouest, dispositif progressivement remplacé par un de béton. L'objectif
est d'empêcher l'émigration des citoyens est-allemands vers l'Ouest via le
secteur occidental de la ville.
À partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev met en place en URSS une
politique de glasnost (transparence) et de perestroïka (reconstruction),
destinée à résoudre les graves problèmes socio-économiques que connaît
l'ensemble du bloc de l'Est. Il indique en juillet que l'Union soviétique
n'interviendra pas pour réprimer les mouvements qui agitent la RDA. Entre
septembre 1989 et mars 1990 ont lieu les « manifestations du lundi »
(Montagsdemonstrationen), particulièrement à Leipzig, au cours desquelles
les Allemands de l'Est réclament des réformes et notamment la liberté de
circulation vers l'Ouest. Le pays connaît des tensions internes majeures et
une résistance non-violente qui culminent lors de la chute du mur de Berlin
le 9 novembre 1989.
Images : - Les chars soviétique à Berlin en août 1953 pour mater la révolte populaire
- Parade à la gloire de Staline à Dresde en 1953
La mémoire du communisme en RDA
La mémoire des crimes du stalinisme en RDA est assurée,
- par l’ouverture des archives de la Stasi depuis déc. 1991
- par des monuments, comme le Mémorial du mur de Berlin et le centre
de documentation, dans la Bernauer Straße, ou la chapelle de la
réconciliation,
- par des livres, par ex. Le Compteur de fauche, roman de Jean-Yves
Kerouredan,
- par des documentaires
- par des films, notamment Good bye, Lenin ! (2003) de Wolfgang
Becker, La vie des autres, (2006), film de Florian Henckel von
Donnersmarck et Le Vent de la liberté, (2018), film de Michael Bully
Herbig;
Images : - Les archives de la Stasi : 12 000 mètres linéaires de documents, 16 000 sacs de
documents déchirés
- Le Mémorial de la période communiste et du Mur de Berlin
- Affiche du film La Vie des autres
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-3 - Bulgarie
En septembre 1944, le Front patriotique, alliance du mouvement
corporatiste Zveno, des sociaux-démocrates, de ‘l‘Union agrarienne’ et du
‘Parti communiste’, prend le pouvoir. En juin 1947, Nikola Petkov, diri-
geant de l'Union agrarienne, est arrêté en pleine séance du parlement,
sous l'accusation de tentative de coup d'État et de menées terroristes. Il
est condamné à mort et pendu le 23 septembre.
Les camps d’internement se développent, pour atteindre le nombre
de 45 (Béléné, Skravena, Bogdanovdol, Lovetch, etc.). La police secrète
du régime, le ‘Comité pour la Sécurité de l'État’ (Komitet za Daržavna
Sigurnost, КДС ou KDS), fait régner la terreur dans le pays. La Bulgarie
étant encore une nation essentiellement agricole, une politique de collec-
tivisation des terres est décidée ; le gouvernement impose en outre un
système d'achat obligatoire d'un quota de fournitures d'État, qui s'avère
ruineux pour une grande partie des paysans.
Les purges politiques touchent également la hiérarchie du Parti
communiste : Trajčo Kostov, ancien dirigeant du parti, est arrêté en juin
1949. Avec dix autres membres du parti, il est condamné pour menées
subversives et collusion avec le Royaume-Uni et le régime de Tito ; il est
pendu le 17 décembre, ses coaccusés sont condamnés à de lourdes
peines de prison.
Images : - Nikola Petkov (1893-1947), dirigeant de l’Union agrarienne’, pendu par le régime
communiste. - Emblème du KDS, police secrète du régime, antenne du KGB.
- Trajčo Kostov, (1897-1949), ex-Secrétaire général du PC Bulgare, également pendu
Dictature et nationalisme en Bulgarie
En 1956, un décret-loi autorise la relégation et l'assignation à résidence
de tous les « citoyens douteux », arbitrairement désignés. La politique de
collectivisation des terres liquide en 1958 le reste des exploitations restées
en dehors des fermes collectives. En 1959, un plan quinquennal d'industria-
lisation, inspiré du ‘Grand bond en avant’ de la Chine maoïste, est un échec.
Dans les années 1960-1970. Le pays subit tout comme l'URSS de
Brejnev une stagnation politique et économique. La répression politique reste
prégnante et se signale par des affaires retentissantes comme l'assassinat
du dissident Georgi Markov, dans l'affaire dite du « parapluie bulgare ».
Afin de détourner le mécontentement populaire, le régime communiste
tente en 1984-1985 de jouer la carte du nationalisme en lançant une campa-
gne de « bulgarisation » des noms des citoyens musulmans bulgares, suivie
de nombreuses exactions comme la destruction de mosquées, l’interdiction
d’utiliser le turc en public, etc. Entre mai et août 1989, environ 315 000
Bulgares turcophones sont expulsés vers la Turquie, 400 000 en comptant
leur famille.
Le régime communiste bulgare s’effondre en 1990, après d'importantes
manifestations organisées en nov. 1989 pour protester contre la situation
écologique désastreuse du pays.
Images : - Georgi Markov (1928-1978), dissident assassiné à Londres par les services secrets
bulgares avec l’aide du KGB. Ils font pénétrer un poison, la ricine, dans l de la victime à l'aide d'un
parapluie.
- Todor Jivkov, pendant 35 ans principal dictateur de la Bulgarie communiste. Il tente même par deux
fois, en 1963 et 1973, de faire de son pays traditionnellement russophile une République de l'URSS…
Moscou refuse par peur de complications internationales.
La mémoire de la dictature communiste en Bulgarie
Depuis 2011, la Bulgarie commémore tous les ans,
le 1er février, le souvenir des victimes du régime communiste. En 2022, la
commémoration prend une teinte particulière du fait de la présence,
discrète mais inédite, du président, Roumen Radev, soutenu par le Parti
socialiste bulgare (PSB), héritier direct du Parti communiste d’antan. La
formation politique a été accusée de ne jamais avoir effectué son examen
de conscience sur la question de la répression communiste et de n’avoir
jamais présenté ses excuses aux victimes.
Images :
- Le ‘Musée d'art socialiste’ de Sofia couvre l'histoire de l'ère communiste en Bulgarie. Il a été
ouvert en septembre 2011 au milieu d'une controverse sur le nom, initialement proposé comme
"Musée d'art totalitaire". Il présente 77 sculptures monumentales, 60 peintures et 25 petites pièces
d'arts plastiques.
- Construit entre 1974 et 1981, pendant la période communiste, à 1450 mètres d'altitude sur la
chaîne des Balkans, l'édifice de Buzludzha abrite des mosaïques en ruine. Cette enceinte circulaire
en béton et acier, œuvre de l’architecte Georgi Stoilov, côtoie deux piliers hauts de 70 mètres. À son
faîte, l'étoile rouge en verre de rubis, aujourd'hui décrépie, était jadis visible par temps clair jusqu'en
Roumanie et en Grèce. Ce monument géant du communisme est un casse-tête pour les autorités
qui ne savent qu’en faire : un musée du totalitarisme ? un restaurant panoramique ?
- Le livre Les Dévastés de Theodora Dimova montre comment la dictature totalitaire qui
s'installe à la tête de la Bulgarie traque toutes les « têtes pensantes » opposées au régime :
journalistes, écrivains, religieux, hommes de science, entrepreneurs, etc. Trois femmes voient leurs
époux arrêtés, emprisonnés et torturés ; ils sont exécutés quelques mois plus tard et jetés dans une
fosse commune à Boliarovo.
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-4 - Hongrie
En février 1946, le Royaume de Hongrie est aboli, laissant place à la
nouvelle république de Hongrie. Le maréchal soviétique Kliment Vorochilov
impose la présence des communistes au gouvernement : László Rajk
devient ministre de l’Intérieur et organise la police secrète Államvédelmi
Hatóság (AVH). Le gouvernement est contraint d'appliquer les politiques de
nationalisations préconisées par les communistes. Les mines et les indus-
tries lourdes sont nationalisées, suivies des banques, puis de toutes les
entreprises de plus de 100 salariés.
Mátyás Rákosi, secrétaire général du PC hongrois, adopte la "tacti-
que du salami", qui consiste à éliminer progressivement tous les adver-
saires politiques des communistes en suscitant scissions et fusions parmi
les partis adverses ou en évinçant les politiciens rivaux. Il opère des purges
parmi les opposants, réels ou supposés, les intellectuels et même certains
membres du Parti. En 1949, László Rajk est arrêté, passe en procès,
"avoue" être un agent à la solde de Tito, est exécuté. D'autres membres
importants du Parti, comme János Kádár sont également arrêtés par l'AVH.
En 6 ans, entre 1948 et 1953, près de 1 300 000 personnes comparaissent
devant les tribunaux, 695 623 condamnations sont prononcées, allant de
l'amende à la peine capitale.
- Matyas Rákosi (1892-1971), se voulant "le meilleur disciple de Staline", organise son propre culte de
la personnalité et établit l'un des régimes les plus répressifs du bloc communiste en Europe. Il s'exile
en Union soviétique lors de la révolution hongroise d'octobre 1956.
- L’emblème d’Államvédelmi Hatóság (AVH, ‘Autorité de protection de l'État’), police politique
- Laszlo Rajk (1909-1949)
La répression soviétique en 1956
En tant que proche allié de Staline, Rákosi est fragilisé par la mort
de ce dernier : en juillet 1953, il doit céder la direction du gouvernement
à Imre Nagy. Ce dernier autorise la sortie de prisons d'opposants
politiques, allège le contrôle étatique sur les médias et envisage la
tenue d'élections.
En octobre 1956, des protestations étudiantes sont organisées,
officiellement pour soutenir les ouvriers de Pologne en grève. Les
troupes soviétiques s’approchent de Budapest, mais une partie de
l'armée hongroise fraternise avec les insurgés. Le 4 novembre, les
chars de l'Armée rouge entrent dans Budapest tandis que János Kádár
fonde un contre-gouvernement fidèle à l'URSS. L'insurrection est matée
dans le sang, la répression fait environ 3 000 victimes. Il s'ensuit un
exode de citoyens hongrois vers les pays voisins. Imre Nagy est arrêté
et déporté ; il est exécuté deux ans plus tard.
- Imre Naji (1896-1958), chef du gouvernement de la République populaire de Hongrie, exécuté
par pendaison dans la prison de Budapest. Reçoit des obsèques populaires et nationales en juin
1989, est officiellement réhabilité par le Parti un mois plus tard.
- János Kádár (1912-1989), le principal dirigeant de la République populaire de Hongrie de 1956
à 1988. Il ne remet pas en cause la dictature du parti unique et le suivi de la politique étrangère
soviétique (il participe à l'occupation de la Tchécoslovaquie en 1968), mais libéralise le régime
dans la limite du régime socialiste : il atténue la répression anti-religieuse, diminue la censure et
tolère une dissidence politique.
La mémoire du communisme en Hongrie
Le Memento Park, ouvert à l'automne 1993 dans les environs de
Budapest, abrite 41 statues érigées à la gloire du communisme dans la
capitale hongroise ainsi qu'un centre éducatif sur la période communiste.
La ‘Maison de la Terreur’ est inaugurée en février 2002 au 60 avenue
Andràssy dans les anciens locaux des ‘Croix Fléchées’, le parti pronazi
hongrois qui prit le pouvoir en Hongrie en 1944, puis quartier général de
la police politique du Parti Communiste après 1945. L'objectif déclaré de
l'exposition est d'exposer la réalité de la terreur nazie puis communiste en
Hongrie.
- Image 1 : Les bottes de la statue de Staline abattue lors de l'insurrection de Budapest, en 1956,
conservées aujourd'hui à au Memento Park ou ‘Parc des statues’ (Szobor park) de Budapest. Ce
parc regroupe les statues érigées à la gloire du communisme dans la ville : il est considéré comme
un musée en plein air de l'art totalitaire, mais il attire aussi les nostalgiques du bloc de l'Est.
- Images 2 et 3 : La ‘Maison de la Terreur’ à Budapest. Le visiteur est invité à se déplacer dans 27
pièces différentes relatant l'histoire de l'oppression politique en Hongrie depuis l'occupation
allemande en mars 1944 à l'évacuation des dernières troupes soviétiques en juin 1991.
La ‘Maison de la Terreur’ trouve un équivalent à Prague dans le ‘’Musée du Communisme’, à
Varsovie dans le ‘Musée de l'Insurrection’, en Lettonie dans le ‘Musée des occupations’, dans le
‘Grütas Park’ en Lituanie ou dans le ‘Parc des monuments déchus’ de Moscou.
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-5 - Pays baltes
L’occupation des pays baltes fait référence à l'invasion puis à
l'occupation par l'Armée rouge des trois États baltes : l'Estonie, la Lettonie
et la Lituanie conformément au protocole secret du Pacte germano-
soviétique, le 14 juin 1940, suivie de leur incorporation forcée dans l'URSS
en tant que républiques constitutives : RSS d'Estonie, de RSS de Lettonie
et RSS de Lituanie.
Le 15 et 16 juin 1940, 500 000 soldats soviétiques franchissent la
frontière estonienne et lettone. Parallèlement, les Soviétiques soutiennent
les communistes locaux afin de monter des coups d'État contre les
gouvernements estonien, letton et lituanien. Les petites armées baltes,
isolées car sans soutien occidental, sont désarmées par l'Armée rouge, à
l'exception d'un bataillon estonien qui lutte contre les Soviétiques et les
milices communistes le 21 juin. Après l'invasion, la construction de la ligne
Molotov débute afin de protéger les nouvelles frontières occidentales de
l'URSS. Les administrations de l'État sont liquidées et remplacées par des
cadres soviétiques, opération dans laquelle 34 250 Lettons, 75 000
Lituaniens et près de 60 000 Estoniens sont déportés ou tués.
Carte : Modifications territoriales prévues et effectuées selon le pacte Molotov-Ribbentrop du 23
août 1939
Photo : Chars soviétiques dans le centre de Riga en 1940
Occupation et dictature soviétiques, puis hitlériennes, puis soviétiques
Des élections ont ensuite lieu avec des candidats prosoviétiques
seuls autorisés à se présenter pour de nombreux postes, avec pour
conséquence des "assemblées populaires" qui demandent immédiate-
ment leur admission dans l'URSS, ce qui leur est accordé.
Le 22 juin 1941, le Troisième Reich envahit l'URSS et occupe en
quelques semaines les territoires baltes. Les militaires allemands,
d'abord bien accueillis, se comportent rapidement comme une armée
d'occupation impitoyable : réquisitions de logements dans les villes,
violences contre la population civile, déportation des Juifs et pillages.
En 1944, les territoires baltes sont reconquis lors des contre-
offensives de l'Armée rouge. Après 1944, les Soviétiques mettent en
place un programme d'industrialisation des RSS baltes et déportent
systématiquement quiconque s'opposant à la collectivisation des terres.
Le nombre total de déportés pour la période 1944-1955 est estimé à
plus de un demi-million : 124 000 en Estonie, 136 000 en Lettonie et
245 000 en Lituanie.
Photos : - Le dirigeant du Parti communiste de Lituanie, Antanas Sniečkus, lance les premières
déportations massives de Lituaniens en juin 1941
- Des collaborateurs lituaniens (avec des brassards blancs) arrêtant des Juifs en juillet 1941.
La "révolution chantante"
et les chaînes humaines baltes de 1989 et 1990
Avec l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev (1985) au poste de
Premier secrétaire du PCUS, commencent la glasnost et la perestroïka.
Cette libéralisation entraîne une contestation de la domination sovié-
tique dans les Pays baltes et qui ont subi une politique agressive de
russification et de colonisation de peuplement, de la part du pouvoir
central.
Le 23 août 1989, dans la cadre de la "révolution chantante"
(1985-1991), près de deux millions d’Estoniens, de Lettons et de
Lituaniens se tenant par la main forment une chaîne humaine de
687 km de long, traversant les trois pays baltes (Vilnius, Riga, Tallinn)
pour exprimer leur condamnation du passé et leur espoir en l’avenir.
C’est leur manière de célébrer le 50e anniversaire du pacte Molotov-
Ribbentrop. Signé le 23 août 1939, 60 ans plus tôt, par les ministres des Affaires
étrangères de l’Union soviétique et de l’Allemagne nazie, le protocole de cet
accord secret définissait la répartition des territoires situés entre les frontières de
ces deux pays, dont la Pologne et les trois États baltes.
Au printemps 1990 (11 mars en Lituanie, 30 mars en Estonie, 4
mai en Lettonie), , l'indépendance des pays baltes est proclamée, la
constitution soviétique est abolie par les indépendantistes et remplacée
par des constitutions spécifiques à chacun des États baltes.
Photos : La chaîne humaine balte le 23 août 1989
Chaîne humaine à Šiauliai, Lituanie, le 12 janvier 1990.
Les chaînes humaines baltes ont été classées par l’Unesco en 2009 au « Registre Mémoire du
monde ».
Le retour de la démocratie
Des barricades sont construites ainsi que des postes-frontières
pour délimiter la Russie et la Biélorussie des pays baltes. Pour faire face
à ces proclamations d'indépendance, les autorités soviétiques choisis-
sent en janvier 1991 de "restaurer l'ordre constitutionnel par la force".
Le 8 janvier, Vitautas Landsbergis, chef du gouvernement
démocrate indépendantiste de Lituanie, appelle à une levée en masse
de civils pour protéger la tour de transmission de télévision. L’attaque
des manifestants par les hélicoptères soviétiques est retransmise à la
télévision. 21 civils sont tués et 600 autres blessés, principalement lors
de l'assaut de la tour de Vilnius par les Soviétiques.
À la suite d'importantes manifestations non-violentes (rassemblant
jusqu'à 50 000 personnes dans la capitale lituanienne) et dans tout le
bloc de l'Est (notamment en Pologne et en Ukraine), les troupes
soviétiques, essentiellement constituées de soldats russes, se retirent le
25 janvier 1991.
Photos :
- Vitautas Landsbergis, chef du gouvernement démocrate indépendantiste de Lituanie
- Manifestation antisoviétique à Vilnius en janvier 1991
- La foule bloque les chars soviétiques à Vilnius en janvier 1991
La mémoire des occupations nazie et soviétique
dans les pays baltes
En février-mars 1991, des consultations officielles sont
organisées montrant la forte mobilisation des Baltes pour leur
indépendance : 90 % en Lituanie, 77 % en Estonie et 73 % en
Lettonie. L'échec du putsch soviétique d'août 1991 - où la ligne dure
des communistes ne parvient pas à prendre le pouvoir - permet aux
pays baltes de déclarer leur indépendance politique, que de nombreux
pays occidentaux s'empressent de reconnaître. Ayant perdu toute
marge de manœuvre, Moscou se voit obligé de suivre le mouvement
et reconnaît leur indépendance le 4 septembre 1991, trois mois avant
que ne disparaisse l'Union soviétique.
Les relations entre Russes et Baltes aujourd’hui attestent d’une
histoire violente et complexe, qui remonte bien avant la Seconde
Guerre mondiale. Néanmoins, les occupations successives du pays
par des puissances étrangères ont profondément construit l’identité
nationale de chacun des pays.
- Photos 1 et 2 : ‘Musée de l’occupation’ à Riga (Lettonie). Il retrace l'histoire de la
Lettonie de 1940 à 1990, les 50 ans d'occupation du pays, successivement par les sovié-
tiques, par les nazis, puis par l‘Armée rouge à nouveau. Il attire chaque année plus de
100.000 visiteurs du monde entier. Une partie du musée est consacrée aux émigrés lettons,
car plus de 200.000 Lettons ont fui leur pays en 1944 et 1945 et ont tenté de se construire une
nouvelle vie à l’étranger.
- Photos 3 et 4 : ‘Musée des occupations et de la liberté’ à Tallin (Estonie). Fondé en
1998, il retrace l’histoire des 3 occupations
La mémoire des occupations nazie et soviétique
dans les pays baltes
La Lettonie, par exemple, a été occupée par 7 armées durant
le 20è siècle. Le pays a été durement marqué par les répressions,
représailles, déportations et incorporations dans l’armée des
occupants, de gré ou de force. On estime que les nazis et les
soviétiques y ont fait au total 555 000 victimes, soit un tiers de la
population lettone.
-‘Musée des occupations et des combats de la liberté’ ou ‘Musée du KGB’ à Vilnius
(Lituanie), situé dans les anciens locaux du KGB
- Cellules d’incarcération dans les caves du ‘Musée du KGB’
- Monuments commémoratifs de la voie balte et des chaînes humaines baltes
- Timbre commémoratif des chaînes humaines baltes de 1989
- Mémorial dédié aux victimes de l'assaut de la tour de télévision de Vilnius en janvier 1991
- Pièce émise en 2014 pour les 25 ans de la Voie balte
Destruction ou mise au musée
des monuments soviétiques
Conséquence directe de l'invasion russe en Ukraine en
février 2022, les pays baltes et la Pologne ont décidé de faire table
rase de l'héritage soviétique et communiste. Ces pays, qui
faisaient partie de l'URSS, entendent prendre un peu plus leurs
distances avec la Russie, jugée héritière de l'Union soviétique, en
déboulonnant ou détruisant de nombreux monuments
emblématiques de la période soviético-communiste.
Ainsi, 24 statues ou mémoriaux ont déjà disparu de l'espace
public polonais depuis le mois de mars 2022, sur les 60 qui
existaient encore au début de l'année. L'Estonie a choisi de retirer
en 2022 les 400 monuments soviétiques encore présents sur son
territoire. La Lettonie a quant à elle établi une liste de 69 sites
glorifiant l'Armée rouge à démanteler. Enfin, en ce qui concerne la
Lituanie, tout a été retiré de l'espace public et placé dans les
musées, sauf les stèles portant le nom de soldats tués.
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-6 - Pologne
La Pologne est envahie par les forces allemandes le 1er
septembre 1939, ce qui déclenche la Seconde Guerre mondiale.
Conformément aux accords secrets du Pacte germano-soviétique signé
le 23 août 1939, une semaine avant le début de l'invasion allemande,
l'URSS envahit à son tour la Pologne à partir du 17 septembre.
Des deux côtés, les nazis et le NKVD procèdent à l'éradication de
l'élite polonaise : côté Est, intellectuels, officiers, fonctionnaires, reli-
gieux, propriétaires terriens sont déportés en URSS, voire assassinés
comme à Katyń ; côté Ouest, les nazis entendent ouvertement transfor-
mer les Polonais, considérés comme des "sous-hommes", en un peuple
d'esclaves et plongent le pays dans une terreur meurtrière, responsable
de la disparition en six ans de près de 20 % de la population totale.
À partir de l'été 1941, date du déclenchement de l'invasion de
l'Union soviétique par l'Allemagne qui rompt avec son allié de 1939, la
Pologne devient aussi le terrain principal de la mise en œuvre du géno-
cide des Juifs d'Europe occupée par l'Allemagne nazie.
Images : - Le pacte Hitler-Staline du 23 août 1939
- Le partage de la Pologne par les deux dictatures
Les massacres des Polonais en 1940
Le massacre de Katyń est l'assassinat de masse, par la police
politique de l’Union soviétique (le NKVD), au printemps 1940 dans la
forêt de Katyń, de 4 404 Polonais, essentiellement des officiers d'active
et de réserve (dont des étudiants, des médecins, des ingénieurs, des
enseignants, etc.), et de divers autres membres des élites polonaises
considérées comme hostiles à l’idéologie communiste.
L'URSS nie sa responsabilité dans le massacre dès qu’il est
révélé par les militaires allemands en 1943 ainsi que durant toute la
Guerre froide, et en rend responsable l’Allemagne nazie
Toutefois, en 1990, l'URSS reconnaît que ce massacre avait bien
été ordonné par les responsables soviétiques. Le 26 novembre 2010, la
Douma russe reconnaît la responsabilité directe de Staline en votant une
résolution selon laquelle les documents conservés dans les archives secrètes du
Kremlin prouvent que Staline a bien ordonné personnellement ce massacre.
Les massacres décidés par Béria et Staline au cours du printemps 1940,
concernent environ 22 000 Polonais. Si les exécutions sont perpétrées en au
moins 6 lieux distincts, Katyń reste emblématique en raison de sa médiatisation
durant la Seconde Guerre mondiale. En effet, le charnier de Katyn est découvert
dès 1943, alors que ceux de Kharkov et Kalinine sont exhumés dans les années
1990, après l'ouverture des archives soviétiques.
Image du bas : Le document officiel de Lavrenti Beria, daté du 5 mars 1940, demandant à
Staline l'autorisation d'exécuter les officiers polonais.
La dictature du parti unique
À la fin du second conflit mondial, la Pologne libérée tombe aux
mains de l‘Armée rouge : cette libération aux allures d'occupa-
tion est rythmée par l'arrestation des membres non communistes
de la résistance intérieure polonaise (Armia Krajowa, AK) considérés par les
Soviétiques comme des ennemis.
La Pologne devient une république dite "populaire", mais en fait une
dictature à parti unique, le ‘Parti Ouvrier Unifié Polonais’ (POUP, créé en
décembre 1948), et membre du Pacte de Varsovie. La propagande attribue la
moindre difficulté aux prétendus espions états-uniens. Torturés par les
services de sécurité (UB puis SB), les boucs émissaires doivent s'accuser
lors de procès publics.
La soviétisation ne se limite pas qu'aux institutions politiques, elle vise
aussi l'économie du pays. Les fermes d'État se généralisent. Mais les
méthodes violentes utilisées pour parvenir à cette collectivisation provoquent
des résistances : de nombreux réfractaires, menacés de mort, fuient le pays
ou entrent dans la clandestinité et donc la résistance.
Images :
- Wladyslaw Gomulka (1905-1982). Il dirige la République populaire de Pologne de 1956 à 1970, date à
laquelle il est forcé de démissionner après les émeutes de la Baltique de 1970. Il est alors remplacé par
Edward Gierek. Ici avec Leonid Brejnev (1906-1982), Secrétaire général du Parti communiste de l'Union
soviétique, et donc principal dirigeant de l'URSS de 1964 à 1982.
- Logo du ‘Parti ouvrier unifié polonais’ (Polska Zjednoczona Partia Robotnicza, PZPR), parti
communiste qui exerce le pouvoir de 1948 à 1989 sous le régime de la République populaire de
Pologne (Polska Rzeczpospolita Ludowa, PRL).
- Médaille du Służba Bezpieczeństwa (SB, ‘Service de sécurité’), appelé jusqu'en 1954 Urząd
Bezpieczeństwa (UB), service de renseignement et police secrète du régime communiste polonais
L’effritement du régime
En août 1968, l'armée polonaise est obligée de participer, avec 4
autres pays du bloc de l'Est, à l'occupation soviétique de la Tchécoslo-
vaquie.
À partir de 1967, la crise économique favorise l'ascension, au sein
du POUP, des éléments nationalistes et antisémites. Après la guerre des
Six Jours, et pour faire diversion des grèves ouvrières importantes contre la
hausse des prix alimentaires, le régime lance une campagne antisémite qui
provoque le départ de la majorité des derniers Juifs de Pologne.
En 1980 naît le syndicat indépendant Solidarność (‘Solidarité’), dirigé
par Lech Wałęsa, d'abord interdit, puis reconnu à contre-cœur par les
autorités. Celui-ci regroupe vite plusieurs millions d'ouvriers soutenus par
les intellectuels réformateurs. Le général Wojciech Jaruzelski déclare la loi
martiale dans le 13 décembre 1981 : la plupart des meneurs du syndicat
sont internés pendant plusieurs mois. La mort de Léonid Brejnev en
novembre 1982 à Moscou anticipe leur libération. Malgré l’instauration de
l’état de siège, le pouvoir communiste ne parvient pas à étouffer la fronde
syndicale et les revendications populaires, les grèves et les manifestations
ne faisant que s'amplifier d'année en année.
Images :
- Wojciech Jaruzelski (1923-2014), dernier dirigeant du régime communiste polonais.
- Logo du syndicat ‘Solidarité’
- Obsèques de Jerzy Popieluszko, assassiné en oct. 1984 par la SB, police politique du régime. Il
était prêtre aumônier de Solidarnosc et célébrait des "Messes pour la Patrie" dont les sermons
étaient diffusés sur Radio Free Europe. 500 000 personnes assistent à ses funérailles
La mémoire de la dictature communiste
en Pologne
Le 1er janvier 1990, la IIIe République est proclamée. Les élections
présidentielles au cours de cette même année sont largement remportées par
Lech Wałęsa. En 1993, les troupes russes quittent la Pologne.
Pour se donner les moyens de faire l’histoire de la période commu-
niste, la Pologne s’est donné un instrument spécifique en Europe de l’Est :
‘l’Institut de la mémoire nationale’ (Instytut Pamięci Narodowej - IPN), qui
mêle enquêtes judiciaires et recherche scientifique. Création politique, cet
institut est devenu incontournable dans le paysage universitaire et historio-
graphique polonais. Outre les archives de la sécurité d’État (1944-1990), il
conserve d’autres collections civiles ou militaires concernant les crimes nazis
et communistes commis à l’encontre de citoyens polonais.
Le principal objectif de l’IPN est d'enquêter sur les crimes nazis et
communistes, de conserver la documentation à leur sujet, de fournir cette
documentation au public, de poursuivre en justice ceux qui ont commis ces
crimes et d'éduquer le public à ce sujet. Le principal effort de l'Institut porte
sur les crimes commis par les autorités communistes de la Pologne avant
1989.
Images : Le siège et le logo de ‘l’Institut de la mémoire nationale’
Le devoir et le travail de mémoire
L'un des procès les plus connus intentés par l'IPN concerne le massacre
de Jedwabne en juillet 1941*.
Le pogrom de Jedwabne est le massacre de 800 à 900 habitants juifs de cette localité polonaise et
de ses environs en juillet 1941, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir été longtemps
exclusivement attribué aux Einsatzgruppen (les escadrons de la mort du Troisième Reich), des
historiens mettent en avant la responsabilité de civils polonais, peut-être à l'instigation des troupes
allemandes.
Images
- Le crime et le silence, livre d’Anna Bikont sur le pogrom de Jedwabne
- Witold Pilecki (1901-1948), Descendant d'une famille aristocratique polonaise. Officier de
cavalerie, chef de la Résistance, se fait emprisonner volontairement et s’échappe d’Auschwitz pour
faire un rapport aux Alliés. En avril 1947, commence à recueillir des preuves sur les atrocités
commises par les Soviétiques en Pologne pendant l'occupation de 1939-1941. Arrêté par le pouvoir
communiste, condamné le 3 mars 1948 après un parodie de procès (« espionnage pour l’impéria-
lisme étranger », exécuté d’une balle dans la nuque comme « ennemi du peuple » à Varsovie le 25
mai 1948, après 12 mois d’emprisonnement et de torture.
- Des livres, des films, ‘l’Institut Pilecki’ honorent sa mémoire. La ‘Journée mondiale des héros de la
lutte contre le totalitarisme’ est fixée le 25 mai, date anniversaire de son exécution.
La mémoire des crimes des communistes en Pologne
Livres
La mémoire des crimes des communistes en Pologne
Documentaires et films
La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est
2-7 - Roumanie
Le régime communiste de Roumanie est mis en place en mars 1945 ;
suite au coup d'État du Parti communiste roumain soutenu par l'Armée
rouge. La République est proclamée en décembre 1947 lors de l'abolition du
royaume de Roumanie et de l'abdication du roi Michel.
S'auto-désignant comme une "démocratie populaire", la Roumanie
demeure politiquement alignée sur l'URSS jusqu'en 1964, date à laquelle
elle prend une posture plus indépendante, tout en continuant de faire partie
du bloc de l'Est. Durant cette période, le pays connait un régime totalitaire
d'inspiration marxiste-léniniste :
- le Parti communiste roumain (PCR) est « parti unique et organe dirigeant
de l’État », interdisant de facto la constitution d’associations, syndicats ou
autres structures sociales indépendantes du pouvoir.
- privation des libertés individuelles par un outil policier très développé, sans
garde-fou judiciaire, police politique secrète infiltrant toute la société, la
Securitate : censure, écoute des conversations téléphoniques, ouverture du
courrier, ../..
Images : - Nicolae Ceaucescu (1918-1989), Secrétaire général du Parti communiste roumain (PCR),
président de la République socialiste de Roumanie. Il se décerne les titres de « Conducător », « génie
des Carpates » et « Danube de la pensée », et pratique le népotisme.
- Logo du PCR
- Écusson de la Securitate. Rapportés au nombre d'habitants, ses effectifs sont parmi les plus
importants de toutes les polices secrètes du bloc communiste, si l'on compte les informateurs civils.
Un régime de terreur
maillage territorial, institutionnel et professionnel systématique du pays
par un réseau d’informateurs permanents et payés ou bien occasion-
nels et menacés, arrestations arbitraires, tortures en cours d’interro-
gatoire, internement psychiatrique et déportation des citoyens arrêtés,
avec ou sans "jugement", dans les réseaux de camps de travaux forcés.
Jusqu’en 1964, la Securitate est aussi coutumière des exécutions extra-
judiciaires.
- stricte planification d’État, impliquant non seulement les orienta-tions
macro-économiques et le commerce international, mais aussi tous les
aspects de la production, de la distribution et de la consommation. La
population est confrontée à une pénurie permanente d’énergie, de
denrées, de produits finis et de services.
- violation du droit de propriété, nationalisation généralisée sans
compensation des moyens privés de production, confiscation des
propriétés des citoyens considérés comme « ennemis de l’ordre
socialiste » soit de par leur activité passée, soit du simple fait de
l’origine sociale de leurs ancêtres.
Photos : - Réseau de prisons et de camps en Roumanie et RSS moldave (1945-1989)
- Le ‘Palais du Peuple’ à Bucarest, siège actuel du Parlement : 270 x 240 m, surface au sol de
45 000 m2, 350 000 m2 habitables, 1100 pièces réparties sur 12 étages, 1 million de m3 de
marbre, 600 architectes, 20 000 ouvriers, 10 années et demie de travaux, l'expulsion et le
relogement de 40 000 personnes, etc.
Le bilan de 45 ans de régime communiste
Le régime s'effondre à la chute du bloc de l'Est. L'étincelle qui
allume la Roumanie est une manifestation de solidarité envers un
pasteur hongrois, le 17 décembre 1989 à Timisoara. Un coup d'État met un
terme à la dictature communiste et aux fonctions de Ceaucescu. Le dictateur
et son épouse sont exécutés au terme d’un simulacre de procès de 55
minutes, destiné probablement à sauver les anciens membres du Parti
Communiste : les époux Ceausescu savaient trop de choses et bien des
personnes très haut placées auraient pu être compromises en cas de procès
normal…
La ‘Commission historique d’investigation et d’analyse des crimes du
régime communiste’ mise en place en 2005, a rendu ses conclusions en 2007 :
elle impute au régime 2 215 000 victimes en 45 ans, soit environ 11 % de la
population,
- dont 975 000 victimes directes de la répression (exécutions, morts en
détention pour motifs politiques),
- les autres décès étant dus à la pénurie institutionnalisée, aux disettes
provoquées par les réquisitions, au manque d'énergie et donc de chauffage, au
manque de sécurité dans le travail, à l'emploi massif des prisonniers pour les
travaux dangereux et de grande envergure, au manque de soins aux plus
faibles dû à l'indigence des fournitures médicales et pharmaceutiques.
Images : - Un dossier de la Securitate
- La prison de Pitesti connue pour les expériences de lavage de cerveau et de rééducation par
la torture physique et psychologique pratiquées entre les années 1949 à 1954
La mémoire du communisme en Roumanie
Contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays de l’Est,
seul un nombre très limité de soutiens, ou même de tortionnaires du
régime, a été poursuivi et encore moins condamné. Entre 1989 et
2017, seules trois procédures pour crimes contre l’humanité ont été
ouvertes, dont deux se sont soldées par des condamnations définitives
prononcées en 2016 et en 2017.
Comme des citoyens engagés et des universitaires, la réalisa-
trice Alina Cicani défend l’idée que la démocratie roumaine n’est pas
totalement achevée, car il n’y a pas eu de rupture claire après la chute
du dictateur.
Le ‘Mémorial des Victimes du Communisme et de la Résistance’
comprend le Musée Sighet situé dans la ville de Sighetu Marmației, et
le ‘Centre international d'études sur le communisme’, situé à Bucarest.
Un « Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate »
est mis en place par le régime démocratique, où chaque citoyen peut
consulter son dossier sur demande écrite… si toutefois il a été
conservé (une partie des archives ayant opportunément brûlé en 1990).
Photos :
- Le « mur des 975 000 victimes arrêtées » du régime communiste en Roumanie, dans le
Mémorial de Sighet.
- Statues dans la cour de la prison de Sighet
La mémoire des crimes des communistes en Roumanie
Livres
La mémoire des crimes des communistes en Roumanie
Documentaires et films
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Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 06a. La mémoire des crimes des pouvoirs communistes : URSS et Europe de l’Est

  • 1. Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’ Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’ 6-1 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes URSS et Europe de l’Est Étienne Godinot 31.05.2023
  • 2. La série de diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’ Sommaire : Rappel Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé 1 - Introduction 2 - La mémoire de l’esclavage 3 - La mémoire du colonialisme 4 - La mémoire du génocide des Arméniens 5 - La mémoire de la Shoah 6-1 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes 6-2 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes 7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis 8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge 9 - La mémoire du génocide du Rwanda 10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie 11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud 12 - La mémoire des guerres 13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses Série 2 : Justice, pardon et réconciliation 1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus 2 - Pardon et réconciliation entre personnes 3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains 4 - La réconciliation franco-allemande 5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962 5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962 6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est 7 - La Chine. Une volonté de revanche ? 8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains. 9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
  • 3. La mémoire des crimes des pouvoirs communistes Sommaire Diaporama 6-1 1 - en URSS (1917-1991) 2 - en Europe de l’Est (1945-1991) Diaporama 6-2 3 - en Chine (depuis 1949) 4 - au Cambodge : voir le diaporama spécifique sur le génocide commis par les Khmers rouges 5 - en Corée du Nord (depuis 1953) 6 - à Cuba (depuis 1959)
  • 4. 1 - La mémoire des crimes des communistes en URSS pendant la période soviétique À rebours de l'idée dominante qui accable Staline, l’historien Stéphane Courtois établit comment Vladimir Ilitch Oulianov, Lénine (1870-1924), le jeune intellectuel radical - marqué au fer rouge par l'exécution de son frère aîné -, a pensé, voulu puis instauré une dictature idéologique impitoyable. Il a inventé les concepts (révolution mondiale, dictature du prolétariat, parti-État, centralisme démocratique, économie planifiée, terreur de masse) et les instruments (parti unique, police politique, Armée rouge, Goulag, etc.) du totalitarisme qui a fondé ou fonde les régimes communistes. Images du bas : Stéphane Courtois, né 1947, historien, professeur à l'Institut catholique de Vendée à La Roche-sur-Yon, après une carrière au CNRS. Directeur de collection, il s'est spécialisé dans l'histoire des mouvances et des régimes communistes. Coordinateur et préfacier du Livre noir du communisme (1997) auquel ont aussi participé Nicolas Werth (né en 1950, agrégé d'histoire et chercheur à l'Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP), Jean-Louis Panné, Karel Bartosek, Andrzej Paczkowski.
  • 5. Le stalinisme Après la mort de Lénine en 1924, Staline supplante un à un ses rivaux politiques, contraints à l’exil ou évincés des instances dirigeantes. S'appuyant sur la bureaucratisation croissante du régime et la toute-puissance de l’appa- reil policier, la Guépéou puis le NKVD, il impose progressivement un pouvoir personnel absolu et transforme l'URSS en un État totalitaire. Le culte de la personnalité construit autour de sa personne, le secret systématiquement entretenu autour de ses faits et gestes, le travestissement de la réalité par le recours incessant à la propagande, la falsification du passé, la dénonciation délirante de complots, de saboteurs et de traîtres, l’organisa- tion de procès truqués, la liquidation physique d’adversaires politiques sont des caractéristiques permanentes de son régime. Images : - Joseph Staline (1878-1953), né Iossif Vissarionovitch Djougachvili.Il utilise le pseudonyme de Staline, formé sur le mot russe stal, qui signifie ’acier.’ Acteur marginal de la révolution d'Octobre, il étend peu à peu son influence politique pendant la guerre civile russe, tissant des liens étroits avec la police politique, la Tchéka, et devenant, en 1922, secrétaire général du Comité central du Parti communiste. Il engage l'Union soviétique dans des négociations avec le régime nazi qui aboutissent, en août 1939, à la signature du pacte germano-soviétique, qui jusqu'en juin 1941 fait de l'URSS une alliée de l'Allemagne nazie pendant les deux premières années de la Seconde Guerre mondiale. L'invasion allemande de l'Union soviétique en juin 1941, précipitant cette dernière dans la guerre aux côtés du Royaume-Uni, alors seul face à l'Allemagne nazie. La victoire militaire finale dans un conflit qui a mis l'URSS au bord du gouffre, et dont la bataille de Stalingrad est un tournant majeur, confère à Staline un prestige international retentissant et lui permet d'affirmer son emprise sur un empire s'étendant de la frontière occidentale de la RDA à l'océan Pacifique. -Joseph Staline et Joachim von Ribbentrop se serrant la main après la signature du pacte germano- soviétique au Kremlin le 23 août 1939.
  • 6. Les déportations massives de paysans (1930-1932) Le lancement de la collectivisation forcée des campagnes, décidé au Plenum du Comité central du Parti communiste de novembre 1929, s’accompagne de la « liquidation des koulaks en tant que classe » ou « dékoulakisation ». Cette campagne a un double objectif : « extraire » les éléments susceptibles d’opposer une résistance active à la collectivisation forcée des campagnes et « coloniser » les vastes espaces inhospitaliers de la Sibérie, du Grand Nord, de l’Oural et du Kazakhstan. Le premier objectif répond à la vision, clairement exprimée par les bolcheviks dès leur arrivée au pouvoir, selon laquelle la société paysanne, traversée d’antago- nismes de classe, recèle des « éléments capitalistes » (koulaks ) irrémédiablement hostiles au régime. Le second objectif s’inscrit dans la mise en oeuvre du 1er Plan quinquennal, lancé peu de temps auparavant (début 1929) qui prévoit le dévelop- pement d’un certain nombre de régions vides d’hommes, mais riches en ressources naturelles, par une main d’œuvre pénale ou déportée. La « dékoulakisation » prend la forme d’expropria- tions, de confiscations d’emprisonnements, d’exécutions et de déportations de masse d’environ 4 millions de paysans. Images : - « Dégageons le koulak du kolkhoz ! ». Affiche de propagande soviétique (1930) - Affiche en faveur de la collectivisation, Tachkent, 1933 : « Renforcez la discipline de travail dans les fermes collectives. »
  • 7. Les famines des années 1931-1933 Malgré quelques divergences dans l’analyse de certains enchaînements et du poids respectif des divers facteurs ayant conduit à ces famines, les historiens s’accordent à reconnaître que ces événe- ments tragiques sont le résultat non de conditions météorologiques, mais bien des politiques mises en œuvre par le régime stalinien depuis le début de l’année 1930. Il est aujourd’hui établi qu’en 1931-1933, la population du Kazakhstan a diminué de 1,7 à 2 millions de personnes. Sur ce nombre, environ 600 000 ont fui définitivement leur région ravagée par la famine ; les autres - entre 1,1 et 1,4 million - sont morts de faim ou d’épidémies. En 1931, l’Ukraine, le Kouban et la région centrale des Terres noires sont particulièrement mis à contribution pour livrer leur produc- tion à l’État. Le terme Holodomor (littéralement « famine », mais qu'on peut traduire par « extermination par la faim ») désigne la grande famine qui a lieu en RSS d'Ukraine et dans le Kouban (RSFS de Russie), en 1932 et 1933, et qui fait, selon les estimations des historiens, entre 2,6 et 7 millions de morts. Images : Paysans ukrainiens expulsés de leur maison dans le village d'Udachne, en Ukraine, vers 1932-1933 - Soldat de l'armée rouge gardant, fusil à la main, un entrepôt de céréales réquisitionnées durant l'Holodomor en Ukraine, au début des années 1930.
  • 8. L’Holodomor en Ukraine Des activistes venus de Russie et des unités de la police politique engagent de véritables actions punitives dans les kolkhozes ukrainiens pour « prendre d’assaut les céréales » par la force, y compris les semences pour la future récolte et les maigres « avances » en nature reçues par les kolkhoziens pour leur travail de l’année. Les villages qui n’ont pas rempli le « plan de collecte » sont « inscrits au tableau noir » : tous les magasins y sont fermés, les importations de produits alimentaires ou manufacturés interdites. Enfin, afin d’éviter un afflux massif des paysans affamés vers les villes et d’empêcher que la nouvelle de la famine, totalement passée sous silence, ne se diffuse, la vente des billets de train est suspendue et des détachements de l’armée et de la police politique déployés autour des zones affamées pour empêcher tout exode. Image du bas : Trofim Lyssenko (1898-1976) technicien agricole soviétique. Il est à l'origine d'une théorie génétique pseudo-scientifique, la "génétique mitchourinienne", qu'il promeut pendant la période stalinienne, où elle accède en 1948 au rang de théorie officielle exclusive, opposée à une "science bourgeoise", fausse par essence. Bien qu’il soit resté à son poste à l'Institut de génétique jusqu'en 1965, son influence sur la pratique agricole soviétique a commencé à décliner après la mort de Staline en 1953. Le bilan de sa carrière est accablant : « Apport scientifique nul, paralysie de la biologie et de l'agronomie soviétiques pendant près de trente ans, mise à l'écart et assassinats de savants mondialement réputés. » Le terme "lyssenkisme" désigne par extension une science corrompue par l'idéologie, où les faits sont dissimulés ou interprétés de manière scientifiquement erronée.
  • 9. 1933-1935 : Déportations de peuples La déportation est une des formes de répression politique en URSS. Les particularités de ces déportations sont l'absence fréquente de procédure judiciaire (parfois des procédures expéditives et, pour les responsables politiques, des procès pour trahison à grand spectacle étaient tenus, après d'invraisemblables aveux obtenus par la torture) et leur caractère aléatoire : elles peuvent toucher aussi bien des personnes accusées d'actions concrètes, supposées hostiles mais de manière absurde (par exemple, accusées de "complot antisoviétique" pour avoir fourni comme papier-toilette des pages de journal comportant des photos de Staline), que des groupes de personnes préalablement définis comme "nuisibles" ou "ennemis" (sur divers critères : sociaux, économiques, ethniques ou religieux). Sont ainsi déportés les Coréens des zones frontalières du territoire d'Extrême-Orient russe, les Balkars, Bulgares, Karatchaïs, Meskhètes, Kurdes, Nogaïs, Pontiques, Tatars et Tsiganes de Crimée, Allemands de la Volga, germanophones et Finnois de l'oblast de Leningrad, Karatchaïs, Kalmouks, Tchétchènes, Ingouches, Arméniens, etc. Image du bas : 6 000 "éléments socialement nuisibles" sont expédiés, en avril 1933, de Moscou et de Léningrad vers Tomsk, en Sibérie. Une fois arrivés à destination, les déportés sont envoyés, par péniche, sans vivres ni outils, sur un îlot désert au milieu du fleuve Ob, où 4 000 d’entre eux meurent de faim et d’épuisement et de maladie. Certains se livrent au cannibalisme et à la nécrophagie dans un contexte général d’explosion de la violence.
  • 10. Les ‘Grandes Purges’ de 1936-1938 Les Grandes Purges ou la Grande Terreur sont une période de répressions politiques massives en Union soviétique, principalement de 1936 à 1938. Totalement dominé par Joseph Staline, le Parti communiste utilise alors à grande échelle l'emprisonnement, la torture, la déportation et la peine de mort pour éliminer ses opposants politiques réels ou supposés. L'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937 , qui ordonne de réprimer les « éléments antisoviétiques et socialement dangereux », marque le début des purges à grande échelle. Entre 1929 et 1931, plus de 250 000 communistes sont exclus du Parti, beaucoup pour "déviationnisme droitier". En 1937, 500 000 membres disparaissent des registres. Sur 139 titulaires et suppléants élus au Comité central par le "Congrès des Vainqueurs", 98 sont arrêtés et presque tous exécutés. À partir de 1936, plusieurs procès spectaculaires sont organisés à Moscou pour convaincre l'opinion publique intérieure et étrangère de l'existence d'une vaste conspiration antisoviétique. Presque tous les bolcheviks au premier plan pendant la Révolution russe de 1917 ou dans le gouvernement de Lénine sont éliminés. Léon Trotski, en exil au Mexique, est assassiné par un agent soviétique en août 1940. Image du haut : Première page (sur 19) de l'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937
  • 11. La répression et la terreur staliniennes Vers la fin des années 1930, le pouvoir stalinien liquide presque toutes les organisations juives, y compris la Yevsektsia, la "section juive" du Parti communiste soviétique. De nombreuses campagnes et purges antisémites sont organisées après la Seconde Guerre mondiale, principalement à partir de 1948. Dans la nuit du 12 au 13 août 1952, appelée plus tard la "Nuit des poètes assassinés", 13 des écrivains yiddish les plus importants d'Union soviétique sont exécutés sur l'ordre de Staline. Le bilan des purges staliniennes est de 681 692 exécutions en 1936-38 sur 799 455 entre 1921 et 1953. L’historien Nicolas Werth, dans son livre L’ivrogne et la marchande de fleurs (2009), donne deux exemples de la terreur stalinienne : - En octobre 1937, le contrôleur de trains Vdovine, ivre, fracasse une bouteille contre un mur d’une gare de la banlieue de Moscou, et le projectile brise le cadre du portrait d’un hiérarque. En novembre 1937, Vdovine tombe sous les balles d’un peloton d’exécution : « Acte terroriste contre un représentant du pouvoir soviétique. » - Le même mois, Alexandra Nikolevna, marchande de fleurs dans un cimetière de Leningrad, ose remarquer publiquement que le nombre des enterrements de nuit a augmenté. A la mi- décembre, elle est fusillée aux côtés de 234 autres condamnés, tous accusés de « propagande contre-révolutionnaire ».
  • 12. Le Goulag Le terme "Goulag" est un acronyme apparu en 1930 et formé d'après le russe Glavnoïe Upravlenie Lagerej (GULag) qui signifie ‘Administration principale des camps’. La police politique placée à la tête du système pénal développe le Goulag comme instrument de terreur et d'expansion industrielle. Cette administration pénitentiaire connaît une croissance constante jusqu'à la mort de Staline, à mesure que de nouveaux groupes sont incarcérés et déportés, et que ses prérogatives économiques se développent. Nicolas Werth et Luba Jurgenson, dans leur ouvrage Le Goulag (2017) évoquent les chiffres de 20 millions de détenus et 4 millions de morts entre 1929 et 1954, victimes de maladies et de traumatismes provoqués par la faim, l'épuisement et le froid, ou sous les balles des gardiens. Pendant toute la guerre froide, l'existence du Goulag en tant que réseau massif de camps de travaux forcés utilisé pour la répression politique, était niée non seulement par les autorités soviétiques, mais aussi par la presse communiste internationale. Images : - Forçats dans une carrière au milieu des années 1930. Staline s’intéressait de près aux performances des prisonniers qui étaient médiocres compte tenu de leur état physique. - Les principaux camps du Goulag entre 1923 et 1961, selon les travaux de la fondation russe ‘Memorial’.
  • 13. L’évolution des camps depuis la période tsariste Les premiers « camps de concentration » sont créés par les deux camps en lutte au cours de la guerre civile russe (1917-1921), bolchevi- ques et blancs. Les protagonistes du conflit reprennent ainsi à leur compte le système carcéral des camps de travail, les katorgas, qui existaient déjà sous les tsars pendant l’Empire russe. Les objectifs assignés aux camps de travail n’ont pas changé depuis l’époque impériale : éloigner les opposants politiques, et sous Staline, les marginaux, peupler de façon autoritaire les régions vides, exploiter les ressources de l’immense Russie, terroriser la population. Staline ajoute aussi la fonction de rééducation : le travail forcé doit transformer le monde ancien et forger un "homme nouveau". Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique compte 84 camps regrou- pant environ 25 000 prisonniers. Mais bientôt, la place venant à manquer, il faut créer des camps spécifiquement soviétiques : en 1923, les camps laboratoires des îles Solovki deviennent un modèle pour le régime. Afin de stimuler la production, les rations alimentaires sont distribuées en fonction du travail effectué Par un décret d’avril 1930, Staline et ses collaborateurs fondent le Goulag, confiant successivement sa gestion à la GPU (ou Guépéou), au NKVD, puis enfin au MVD.
  • 14. L’enfer de Kolyma L’exploitation des mines d’or de la Kolyma par les prisonniers dés le début des années 1930 jusqu’en 1953, répond à la volonté de Staline de faire de l’URSS une puissance industrielle. Selon l'historien britannique Robert Conquest, le taux de mortalité parmi les prisonniers atteignait 30 % la première année et à peu près 100 % après deux ans. Les causes en étaient d'abord les conditions climatiques extrêmes entraînant la mort ou les gelures ; ensuite des rations alimentaires très insuffisantes ; enfin, les épidémies de scorbut et de dysenterie, peu ou pas traitées. En 1930-1932, 2 millions de paysans (soit 380 000 foyers) sont déportés dans des villages d’exilés, 100 000 dans les camps du Goulag, qui passent, de 1930 à 1935, de 179 000 à près d’un million de détenus. Pendant la Grande Terreur et Grandes Purges (1936-1938), n'importe qui peut faire l'objet de la répression. Les purges staliniennes de ces années envoient au Goulag 700 000 personnes, dont 140 000 Polonais, 172 000 personnes d'origine coréenne de la région de Vladivostok, et 30 000 citoyens soviétiques d'origine finlandaise de la province de Leningrad. Photo en haut à droite : La route fédérale russe de Kolyma, la M-56 devenue R-504, appelée « route des ossements », s’étend sur environ 2,000 kilomètres, et relie Magadan, une ville portuaire sur les côtes de la mer d’Okhotsk, à Yakutsk, une ville de l’est de la Sibérie. Les prisonniers du Goulag durent travailler par des températures extrêmes pour construire la route, au travers des marais infestés d'insectes l'été et des champs de glace l'hiver (jusqu’à – 70 ° C). Elle doit son surnom aux corps des prisonniers, enterrés sous la chaussée. En tout, près de 200 000 personnes sont mortes pendant sa construction, et plus d'un million aurait travaillé sur cette route.
  • 15. Le Goulag Pendant la Seconde Guerre mondiale, la mortalité augmente fortement dans les camps soviétiques : pendant l’hiver 1941-1942, 25 % des décès dans les camps sont dus à la famine. Pendant l’apogée du Goulag (1945-1953), le nombre de détenus augmente jusqu’en 1950 pour dépasser les deux millions. Des camps spéciaux sont mis en place et accueillent les prisonniers politiques condamnés à de longues peines. Le régime crée des lagpounkts disciplinaires. Il existe plusieurs types de camps, spécialisés dans divers secteurs de l’économie : travail agricole, voies ferrées, routes, charbon, minerais, pétrole, creusement de canaux, etc. Les détenus construisent également de nombreuses villes : Komsomolsk-sur-l’Amour, Petchora, Inta, Magadan, Vorkouta, Norilsk, etc. Les gardes ont l’ordre de tirer sur les fugitifs. Les tentatives d’évasion ont existé, mais, dans les camps sibériens, les détenus sont découragés de s’enfuir par l’isolement des camps et les contraintes naturelles.
  • 16. Le Goulag L’humiliation des victimes est multiple : par les crimes fictifs dont elles sont accusées, par les qualificatifs dont elles sont affublées, par le traitement inhumain qu’elles subissent, puis par le silence entourant les conditions de leur déportation ou de leur mort, relayé par tous ceux qui nient l'existence de tels traitements. Cependant, le Goulag se démarque des camps nazis sur plusieurs points : 1) le système concentrationnaire soviétique a duré beaucoup plus longtemps que le système nazi et a comporté plus de 600 camps alors que le système allemand n'a pas dépassé 50 ; 2) les prisonniers soviétiques survivants pouvaient être libérés à l'issue de leur peine et étaient alors assignés à résidence dans la région par les autorités, dans le but de peupler des régions lointaines ou de climat difficile, où les non-prisonniers rechignaient à s'installer. Les historiens estiment qu’il y eut 2 millions de morts dans les camps et les colonies du Goulag. Entre nov. 1943 et juin 1944, 900 000 Ukrainiens, Tchétchènes, Ingouches, Tatars de Crimée, Karatchaïs, Balkars, Kalmouks arrivent dans les camps. À l'automne 1944, 130 000 Grecs, Bulgares, Arméniens, Turcs et Kurdes sont arrêtés et déportés.
  • 17. La police politique des tsars à nos jours Opritchnik (littéralement ‘homme à part’), organisation de cavaliers habillés de noir, investie de privilèges spéciaux de police qui répandait la terreur sous le tsar Ivan le Terrible (1530-1584), peut être considérée comme un précurseur de services secrets en Russie… Okhrana : Otdeleniye po okhraneniou obchtchestvennoï bezopasnosti i poryadka, ‘Section de préservation de la sécurité et de l’ordre publics’. Police secrète des tsars créée en 1881 par l’empereur Alexandre III pour faire face à la recrudescence d’attentats politiques et la menace bolchévique. « Prototype de la police politique moderne » selon Victor Serge, elle compte 1500 agents et recourt à des agents provocateurs. Elle est dissoute après la révolution de 1917. Tchéka : acronyme de ‘Commission extraordinaire’, forme abrégée de ‘Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage auprès du Conseil des commissaires du peuple de la RSFSR’. Sous l’autorité de Félix Dzerjinski, cette police politique est instaurée en décem- bre 1917 afin d’espionner les "ennemis du nouveau régime révolutionnaire". Elle compte 280 000 agents en 1921. Images : - Logos d’Okhrana et de la Tchéka, de la GPU et du NKVD - Felix Dzerjinski (1877-1926), Un des dirigeants bolcheviks de la révolution d'Octobre 1917. Fonde et dirige la Tchéka. Un des artisans de la ‘Terreur rouge’. Il affirme que « la contrainte prolétarienne sous toutes ses formes, en commençant par les exécutions capitales, constitue une méthode en vue de créer l'homme communiste. » La cause de sa mort à 48 ans est incertaine : certaines sources indiquent qu'il aurait été empoisonné par Staline après avoir découvert un dossier concernant le passé d'agent double de Staline au sein de l'Okhrana
  • 18. La police politique GPU (ou Gépéou) : Gossoudarstvénnoïe Polititcheskoïé Upravlénié : ‘Direction politique d’État auprès du NKVD de la RSFSR’. Nouveau nom de la Tchéka en 1922. La première police secrète de l’Union soviétique. Elle surveille et "démantèle le réseau" d'opposants trotskistes qui deman- dent une démocratisation du Comité central, met en œuvre la politique de "dékoulakisation" voulue par Staline, mène des missions de désinformation (Desinformburo), fait de la recherche en guerre bactériologique. Passant de 60 000 hommes au moment de sa création à 25 000 hommes au moment où elle est rattachée au NKVD. NKVD : Narodniï Komissariat Vnoutrennikh Diel ou ‘Commissariat du peuple aux Affaires intérieures’. En 1934, la GPU est absorbée par ce service contrôlant la population et les élites pour maintenir l’autorité de Staline. Le NKVD est responsable des ‘Grandes purges’. Il comprend la section O.S.S.O. qui a le droit d'ordonner, par simple mesure administra- tive, l'arrestation puis la déportation dans les camps de travail et de concentration gérés par le Goulag à partir de 1930. Images : - Écussons de la GPU et du NKVD - Timbre soviétique de 4 kopecks en l’honneur de l’espion Richard Sorge (1895-1944) "héros de l'Union soviétique" "antifasciste" , infiltré dans le parti nazi puis à l’Abwehr, espion au Japon, pendu en prison à Tokyo. Un succès important des services secrets soviétiques fut l'obtention d'informations détaillées concernant le bâtiment où avait été construite la bombe atomique (projet Manhattan), possible grâce aux agents infiltrés du KGB, tels Klaus Fuchs et Theodore Hall.
  • 19. La police politique MGB : Ministerstvo Gossoudarstvennoï Bezopasnosti (‘Ministère de la sécurité de l'État’). En mars 1953, peu après la mort de Staline, Lavrenti Beria réunit le ministère des Affaires intérieures (MVD) et le MGB en un seul organisme, appelé MVD. Mais peu après, Beria est exécuté et le MVD est dissous. KGB : Komitet Gossoudarstvennoï Bezopasnosti, ‘Comité pour la sécurité de l'État’. Un an après la mort de Staline, le ministère se transforme en un service de renseignement politique. Il est responsable de la mort de milliers de personnes considérées comme des opposants ou des "ennemis du peuple". Ennemi des services secrets occidentaux (CIA, MI6…) durant la Guerre froide, le KGB élimine tout dissident politique accusé de "subversion idéologique". Certains experts estiment que le KGB comptait 1,5 million de collaborateurs, le gouvernement soviétique affirmant quant à lui que ses services secrets comptaient 480 000 employés dont 217 000 gardes-frontières. Il cesse d’exister en 1991, après la chute du bloc soviétique. FSB : Federalnaïa Sloujba Bezopasnosti Rossiyskoï Federatsii, ‘Service de sécurité de la Fédération de Russie’, toujours en activité dans le pays de Vladimir Poutine. Images - Emblèmes du KGB et du FSB - Vladimir Poutine. Officier du KGB, il est en poste à Dresde au moment de la chute du mur de Berlin.
  • 20. La psychiatrique punitive En 1958, le Goulag est rebaptisé "colonie de redressement par le travail", et placé sous la tutelle du ministère de la Justice de l’URSS. Plusieurs centaines de dissidents sont enfermés en hôpital psychiatrique* (psikhushka) relevant du MVD (ministère de l'Intérieur). La psychiatrie punitive devient un mode de traitement des dissidents politiques à partir des années 1960. À la fin de l'année 1979, 6 308 personnes sont traitées dans des établissements de type MVD**. Les hôpitaux psychiatriques spéciaux comme sont souvent gardés comme des camps et protégés par des barbelés. * souvent sous le diagnostic de « schizophrénie torpide » ou « schizophrénie latente », « schizophrénie larvée », « schizophrénie lente », « schizophrénie stagnante ». L'article du Code criminel de la République socialiste fédérative soviétique de Russie le plus souvent utilisé à propos des dissidents est l'article 70 qui concerne l'« agitation anti-soviétique et la propagande ». La durée du séjour en hôpital spécialisé était beaucoup plus longue que celle prévue par le tribunal… ** Dnipropetrovsk, Kazan, Leningrad, Minsk, Orlov, Sytchevska, Tcherniakhov, et deux « maisons de repos », à Kiev et Poltava. Dans la colonie de travail pénitentiaire no 5, qui se trouve dans l'île de Sviajsk, existe depuis 1956 une section de l'hôpital psychiatrique de Kazan où meurent 3087 prisonniers, entre la fin des années 1930 jusqu'aux années 1970. Photos : - Yuri Andropov. En avril 1969, il adresse au Comité central du PCUS un projet d'agrandissement du réseau des hôpitaux psychiatriques en perfectionnant leur utilisation aux fins de défendre les intérêts de l'État soviétique et de l'ordre social. - L'institut Serbski de Moscou ("Centre d'étude de l'État pour la psychiatrie judiciaire")
  • 21. L’internement psychiatrique pour raisons politiques Les conditions de séjour dans les hôpitaux sont : - la surpopulation extrême dans les cellules à l’air vicié, - l'absence de WC (autorisés pendant des heures déterminées et pendant quelques minutes pour chaque détenu), - le manque d'espace pour circuler, - l’absence d’activité et de visites - la privation de papier et de stylos, la limitation très stricte d'accès aux livres ou aux revues, - l'absence de possibilité de se retrouver dans une même chambre avec d'autres détenus politiques : ils doivent au contraire se retrouver avec des détenus atteints de graves maladies mentales, ou qui ont commis des faits criminels, - l’alimentation maigre et mauvaise, la privation d’eau, etc. On cherche à obtenir la rétractation des prisonniers au moyen de drogues et d’électrochocs. Les produits neuroleptiques sont utilisés de manière permanente et durant de longues périodes. Les détenus reçoivent des coups ou subissent le supplice dit de l'« enroulement »* * le corps est compressé dans des draps humides et froids presque jusqu'à l'étouffement. Puis le corps est placé près d'un radiateur chaud : en séchant les draps se resserrent autour du corps et accroissent encore l'impression d'étouffer.
  • 22. La déstalinisation La déstalinisation en Union soviétique commence avec Lavrenti Beria qui prend une mesure d’amnistie partielle après la mort de Staline en mars 1953. Elle prend un ton officiel le 24 février 1956, lorsque Nikita Khrouchtchev, alors Secrétaire général du Comité central du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS) divulgue pendant 4 heures son Rapport sur le culte de la personnalité à la fin du 20ème congrès du Parti. Ce document, écrit par une commission présidée par le bureaucrate Piotr Pospelov, explique comment s'est développé et imposé le "culte de la personnalité de Staline" et quelles en ont été, durant 20 ans, les manifestations et les conséquences. Pour les dirigeants soviétiques, la déstalinisation consiste à aban- donner le culte de la personnalité et à dénoncer les "excès" de la période du stalinisme. En ressort une nouvelle image de Staline - celle d'un tyran fabriquant jour après jour son propre culte, de plus en plus suspicieux vis- à-vis de ses collaborateurs, d'un dictateur incompétent, replié sur lui- même et totalement coupé de son peuple. Photos : - Khrouchtchev lisant son rapport au 20è congrès du PCUS. - Lavrenti Beria (1899-1953). Bras droit de Staline, est une figure-clé du pouvoir soviétique de 1938 à 1953. Chef du NKVD, un des responsables du massacre de Katyń. Par la suite membre du Politburo de 1946 à sa mort, contrôle l'ensemble de la sécurité intérieure et extérieure de l'Union soviétique. En 1953, alors que Staline a déjà programmé son élimination en montant de toutes pièces un « complot mingrélien » (sous-groupe ethnique des Géorgiens), la mort du dictateur le sauve in extremis. À peine trois mois après la mort de Staline, et dans les trois jours qui suivent l'écrasement de la révolte berlinoise, Beria est arrêté en juin 1953 par la police de Khrouchtchev, et fusillé six mois plus tard avec six de ses collaborateurs.
  • 23. La déstalinisation Sont dénoncés les déportations massives, les arrestations arbi- traires "d'honnêtes communistes et de chefs militaires traités en ennemis du peuple", l'incapacité du dictateur dans les préparatifs de guerre, son caractère irascible, y compris dans ses rapports avec les partis commu- nistes frères. La biographie officielle qui présente Staline comme "le plus grand stratège de tous les temps", comme un véritable sage infaillible est sévèrement critiquée. Le but aussi pour Khrouchtchev est de se débarrasser des cadres staliniens, particulièrement Malenkov et Molotov. Initialement secret, le rapport n‘est publié en Russie qu'à la fin des années 1980 dans le cadre de la Glasnost. Khrouchtchev lui-même ne reconnaîtra formellement qu'il était l'auteur du Rapport secret que six ans après son éviction du pouvoir, dans les Mémoires qu'il rédige peu avant sa mort, en 1970 et qui sont publiés à l'Ouest la même année, ultime pied de nez de l'ex-Premier secrétaire à ses successeurs. Longtemps, les Mémoires de Khrouchtchev sont aussi restés le témoignage essentiel sur la genèse du Rapport secret. L’auteur y enjolive son propre rôle, fait apparaître ses collègues comme résolument opposés à la divulgation des erreurs et des crimes de Staline, passe sous silence bien des faits, en déforme d'autres. Il allège plusieurs données du rapport Pospelov et rajoute les forfaits commis par Staline pendant et après la Seconde Guerre mondiale, mais juste dans le but de le rendre seul responsable et de dissimuler soigneusement sa propre participation aux mêmes crimes, ce qui a notamment été révélé en 1992 lorsque les archives ont été pour un temps ouvertes aux historiens. Photo du haut : Statue de Staline à Tbilissi (Géorgie)
  • 24. La déstalinisation Le corps de Staline, embaumé et jusqu'alors exposé dans le mausolée de Lénine sur la place Rouge à Moscou, est retiré et inhumé en 1961. Dans le même temps, la ville de Stalingrad est rebaptisée Volgograd. Presque toutes les statues à l'effigie de Staline disséminées à travers l'URSS sont démontées. Les prisonniers politiques sont progressivement réhabilités : en 1957, parmi les prisonniers des camps, on ne compte plus "que" 2 % de politi- ques. En 1961,Grigori Tchoukhraï réalise son film Ciel pur, vive critique du stalinisme. En 1962, Alexandre Soljenitsyne peut publier Une journée d'Ivan Denissovitch dans la revue littéraire Novy Mir dirigée alors par Alexandre Tvardovski. Le rapport constitue néanmoins un choc brutal, notamment pour les « partis frères » de l'Europe de l'Est, car il met à bas le principe de l'infaillibilité du Comité central. Et certains dirigeants comme Walter Ulbricht désapprouvent le rapport ; ils ont en effet leur propre culte de la personnalité. Les Hongrois exigent la destitution du stalinien Mátyás Rákosiet les Polonais et Yougoslaves expriment leur colère. D'un autre côté, les dirigeants installés par Staline, de même que les Chinois et les Albanais manifestent un vif mécontentement face à cette remise en cause : Mao Zedong adopte ainsi un credo « anti-révisionniste » afin d'éviter, en Chine, toute forme de déstalinisation, assimilée à un écart vis-à- vis du marxisme-léninisme. La Chine rompt avec l'Union soviétique au début des années 1960. La République populaire d'Albanie se brouille également avec l'URSS et s'aligne sur la Chine : le régime d'Enver Hoxha demeure le seul, en Europe, à conserver officiellement des références staliniennes. Photo du haut : le corps embaumé de Staline dans le mausolée de Lénine
  • 25. La déstalinisation Après le limogeage de Khrouchtchev, Léonid Brejnev, plus conser- vateur, voulant éviter un relâchement des mœurs et souhaitant promou- voir la grande guerre patriotique contre le nazisme, interrompt la déstali- nisation et entreprend une réhabilitation progressive de Staline. Il faut attendre la glasnost portée en URSS par Mikhaïl Gorbatchev à partir de mai 1986 et l'ouverture des archives pour s’approcher de la vérité. Lors de son arrivée au pouvoir en 2004, le président de Géorgie Mikheil Saakachvili lance une politique de déstalinisation : en 2010, il fait déboulonner une immense statue de Staline qui restait à Tbilissi, et en 2011, il fait voter par le Parlement l’interdiction des symboles soviétiques. Photos : Budapest 1956. La tête de la statue de Staline abattue - La grande statue de bronze, de 6 m de hauteur, représentant Staline dans sa ville natale de Gori, en Géorgie, est déboulonnée secrètement de nuit en juin 2010 .
  • 26. La mémoire des crimes du stalinisme Pendant la période de Boris Elstine, les thèmes du tsarisme et du stalinisme peuvent faire l’objet de recherches historiques, alors qu’auparavant l’oblitération du passé par la censure en empêchait toute interprétation. Ce revirement mémoriel a pour conséquence un rejet de la révolution d’Octobre, jusqu’alors célébrée comme l’acte fondateur du système soviétique, présentée désormais comme un coup d’État, œuvre marginale d’individus isolés. Cette représentation permet de diaboliser le bolchevisme et, par extension, de jeter le discrédit sur l’ensemble de la période soviétique afin de se débarrasser du poids du passé stalinien et du sentiment de culpabilité qu’il suscitait sans s’interroger sur ce qui l’a rendu possible. Les dirigeants décident de miser sur la carte du nationalisme pour reconstituer une identité collective. Vladimir Poutine impose une vision de l’Histoire centrée sur « la grandeur de la Russie » qui, grâce à un pouvoir fort au service de l’esprit national, a permis au pays de s’affirmer en tant que « voie particulière » dans l’histoire des civilisations. Photos : - Mémorial de la grande famine de 1932, place Mykhailivska à Kiev. - Mémorial en hommage aux victimes de l'Holodomor, à Kiev, en Ukraine. - Le mémorial en l’honneur des victimes du Goulag à Moscou, place Loubianka, est constitué d’une pierre provenant des îles Solovki, berceau des camps de concentration soviétiques.
  • 27. Une mémoire officielle sélective Dans cette lecture du passé, tous les représentants autocratiques ont leur place, du Tsar à Staline dont la figure est récupérée non en tant qu’héritier du bolchevisme, mais en tant que restaurateur du pouvoir absolu de l’État. Les principaux jalons de la période stalinienne que sont la violence étatique, la répression des opposants, la famine de 1932-1933 et la terreur de 1937-1938 sont reconnus mais minimisés, perçus comme les dommages collatéraux inévitables à l’établissement d’un pouvoir fort dont l’accomplissement suprême fut la victoire sur l’Allemagne nazie, désignée comme le mal absolu. La mémoire du stalinisme reprise dans la mémoire officielle est la mémoire des victimes et non celle des crimes. Il n’existe aucun consensus dans la société sur l’identification des bourreaux, ni sur la qualification des crimes commis. Images : - Le musée de l'histoire du Goulag est une institution culturelle de l'État de la ville de Moscou situé jusqu'en 2015 rue Petrovka, et installé depuis dans des bâtiments plus spacieux et modernes sur la voie Pervy Samotiotchny. Le musée a été ouvert en 2001 sur instruction personnelle de l'ancien maire de Moscou Iouri Loujkov. - Monument à la mémoire de la déportation des Tatars de Crimée à Soudak - Wagon de déportation des Kalmouks, à Elista (Kalmoukie)
  • 28. Mémoire : Le rôle de la société civile Aucun procès à l’encontre des acteurs de la terreur stalinienne n’a eu lieu et donc aucun jugement, pouvant servir d’appui à cette qualification, n’a été rendu. De même, aucun acte juridique de l’État où le terrorisme d’État serait qualifié de crime n’a été produit. Le travail de mémoire, en tant qu’instrument de prise en compte des conflits d’interprétations du passé, repose donc entièrement sur la société civile dans la mesure où le pouvoir l’autorise. Depuis 1988, l’ONG Mémorial se donne spécifiquement comme objectifs de rétablir la mémoire du stalinisme dans sa complexité, tant en perpétuant la mémoire des victimes qu’en assumant la nature des crimes commis, et de la faire s’intégrer dans les consciences collectives. Photo : - Mémorial du Goulag à Magadan. Cette ville portuaire de 100 000 habitants, sur l’océan Pacifique, face à la péninsule du Kamtchatka, était le point majeur d’accès des prisonniers du Goulag, par bateaux depuis Vladivostok, faute d'accès routier dans cette région très isolée; Les prisonniers étaient destinés aux différents camps de travail de l’Extrême-Orient russe, disséminés notamment le long du fleuve Kolyma qui se jette dans l’océan arctique. Le monument de fer et de béton a été érigé en 1996, période où la construction approximative de la démocratie en Russie permettait la préservation de la mémoire. - Monument érigé en hommage aux victimes des Grandes Purges, dans la ville de Donetsk (Ukraine), en 2013.
  • 29. La mémoire du Goulag interdite par Poutine ‘Memorial’ est une organisation non gouvernementale russe créée en 1988 par les dissidents soviétiques, en vue de la défense des droits humains et de la préservation de la mémoire des victimes du pouvoir soviétique, notamment stalinien, mais aussi d'exactions plus récentes commises en Russie comme en Tchétchénie. Pendant la période de la Perestroïka, après 1991, elle organise une assistance aux prisonniers politiques, victimes du régime soviétique. En 2021, ‘Mémorial’ devient un réseau d'organisations sises en Russie, en Allemagne, au Kazakhstan, en Italie, en Tchéquie, en Belgique, en France et en Ukraine. L’organisation est dissoute le 28 décembre 2021 par la Cour suprê- me russe, aux ordres de Vladimir Poutine, en raison du non-respect d'obligations découlant de son statut « d'agent de l'étranger ». ‘Memorial’ est aussi accusée de « glorifier le terrorisme et l’extrémisme ». Le maître du Kremlin entend priver les Russes de tout passé qui ne serait pas glorieux. Images : - Logo de l’organisation ‘Memorial’ - Les locaux de l’ONG Memorial à Moscou fermés par des menottes,
  • 30. Quelques figures de ‘Memorial’ Arseny Roginsky (1946-2017), historien russe d’origine juive et dissident soviétique. Diplômé de l’université d’histoire et de philologie de Tartu, en Estonie, il revient enseigner et travailler à la bibliothèque de Leningrad. De 1975 à 1981, il est rédacteur en chef d'une série samizdat de documents et d'études historiques intitulée Pamyat (Mémoire). En août 1981, il est arrêté en vertu de l'article 196 ("la falsification et la production et la vente de faux documents") du Code pénal de la RSFSR et accusé d'avoir transféré des documents à l'étranger à des "publications anti-soviétiques" telles que Pamyat, condamné à 4 ans d'emprisonnement dans un camp de la région des Komis, non loin de celle d’Arkhangelsk où son père avait été interné. Réhabilité en 1992, après la chute de l’URSS. Principal fondateur et Président de l'International Historical and Civil Rights Society Memorial. Natalia Estemirova, représentante de ‘Memorial’ en Tchétchénie, qui enquêtait sur des cas très graves de violation des droits humains, est enlevée et exécutée le 15 juillet 2009, Iouri Dmitriev, historien, a dressé une liste de 40 000 victimes exécutées pendant la terreur stalinienne. En septembre 2020, accusé selon la Justice poutinienne de violences sexuelles envers sa fille adoptive, il est condamné à 13 ans d’emprisonnement.
  • 31. La mémoire du communisme en URSS Livres
  • 32. La mémoire du communisme en URSS Documentaires, films
  • 33. 2 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes en Europe de l'Est Sommaire 1 - Albanie 2 - Allemagne de l’Est 2 - Bulgarie 3 - Hongrie 4 - Pays baltes 5 - Pologne 6 - Roumanie 7 - Tchécoslovaquie 8 - Yougoslavie
  • 34. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-1 - Albanie En 1939, l’Albanie est annexée par l’Italie de Mussolini. La résistance albanaise de quelques groupes communistes s'organise autour du Parti communiste d'Albanie à partir de 1941, sous la direction d'Enver Hoxha et en liaison avec le mouvement communiste yougoslave de Tito. Après sa libération en novembre 1944, le pays a un gouvernement communiste, dont le principal dirigeant est Enver Hoxha, chef du gouverne- ment et premier secrétaire du Parti communiste d'Albanie. Entre fin 1945 et début 1946, Hoxha organise la purge des éléments modérés du parti et celle de nombreux chrétiens comme Mgr Vinçens Prenushi et ses compagnons. La république populaire d'Albanie est proclamée en janvier 1946. Dans les années de l'immédiat après-guerre, le régime albanais est parcouru de tensions : en 1946 et 1947, les partisans d'une ouverture à l‘Ouest sont éliminés. Une lutte se développe également entre la tendance d'Enver Hoxha et celle de Koçi Xoxe, proche du régime yougoslave et fort de son rôle de chef de la police secrète. Images : - Henver Hoxha (1908-1985). Sa dictature est considérée comme l'une des plus répressives et des plus sanglantes de l'histoire contemporaine de l'Europe - Koçi Xoxe (1911-1949). Ministre de la Défense, instigateur de l'intégration de son pays dans la confédération yougoslave voulue par Tito, dont il est ami. Écarté du pouvoir en mai 1949 puis exécuté le 11 juin suivant par un peloton d'exécution, à la suite d'un jugement secret orchestré par Enver Hoxha.
  • 35. La dictature Fin juin 1948 a lieu la rupture Tito-Staline : l'Albanie dénonce tous ses accords économiques avec la Yougoslavie et conclut un traité économique avec l'URSS. En novembre 1948, au congrès du parti, rebaptisé ‘Parti du travail d'Albanie’, Hoxha consolide son pouvoir en prenant le poste nouvellement créé de Premier secrétaire. Le gouvernement albanais est le seul d’Europe de l’Est à refuser la déstalinisation en 1956, ce qui le conduit à rompre avec l'URSS et à rechercher l'alliance de la Chine. Selon ‘l'Association albanaise des anciens prisonniers politiques’, 5.577 hommes et 450 femmes ont été exécutés par le régime. 34 000 personnes ont été détenues dans des camps de travail ou des villages d’internement. Environ 100 000 Albanais ont été internés dans des camps, forcés à travailler dans des mines, des champs, sur des chantiers de construction et près de 14 000 exils ont eu lieu (bien que l’émigration soit interdite et les frontières étroitement surveillées) pour une population d'après-guerre de 1 million d'habitants (et de plus de 3 millions en 1991). Images : - Emblème de la Drejtoria e Sigurimit të Shtetit (‘Direction de la sûreté de l’État’), communément appelée Sigurimi, service de renseignement et la police politique de la République populaire socialiste d'Albanie. - Logotype du ‘Parti du travail d'Albanie’ (Partia e Punës e Shqipërisë, abrégé PPSh), d'abord nommé ‘Parti communiste d'Albanie’
  • 36. La Sigurimi La Sigurimi, police politique du régime - dont la devise est « Pour le peuple avec le peuple »… - constitue un réseau d'espionnage interne très efficace et redoutable. Elle a compté jusqu’à 10 000 agents, et 20 % des Albanais ont collaboré avec elle. 170 cadres dirigeants du Parti sont liquidés et un Albanais sur trois a un jour ou l'autre affaire à elle. Tout un pays mis en coupe réglée par un régime policier qui a institu- tionnalisé la surveillance de sa population en distillant la peur de l’ennemi et en verrouillant ses frontières. Images : - Le site de la Sigurimi à Linza, dans la montagne de Dajti, à la périphérie de Tirana. C'est là qu'auraient siégé le ministère de l'Intérieur et la Sigurimi en cas de guerre. - Archives de la Sigurimi. En avril 2015, l'Assemblée albanaise a voté une loi visant à la création d'une haute autorité pour l'accès aux informations de la Sigurimi. Cette structure publique a démarré ses travaux à l'automne 2017 en rassemblant les dossiers éparpillés entre les ministères de la Défense, de l'Intérieur, de la Justice et la Sigurimi : 42 millions de pages sur 2,2 kilomètres de rayonnage. Elle offre la possibilité aux Albanais d'avoir accès à leur dossier établi par la police secrète. Mais en deux ans, et malgré une tendance à la hausse, l'autorité n'a pas été assaillie par les demandes : seulement 1 000 requêtes individuelles - dont 137 émanant de chercheurs et de journalistes - ont été déposées. Seulement 200 000 pages sur 42 millions ont été numérisées. «Et une belle partie des dossiers ont été détruits entre 1989 et 1991. Les cadres de la Sigurimi avaient anticipé la chute du régime» explique Altin Hoxha, ancien des services de renseigne- ment et l'un des 5 membres de l'autorité indépendante. " Continuer à se taire sur le passé, c’est continuer à obéir à la morale de la dictature, continuer à perdre ses repères moraux ", dit le grand écrivain albanais Ismaïl Kadaré, le premier à demander son dossier.
  • 37. Dictature et isolement Les intellectuels sont réprimés. Une forte campagne anti-religieuse est lancée, Hoxha proclamant l'Albanie « premier État athée du monde ». 1820 lieux de culte catholiques, orthodoxes et musulmans sont détruits et de nombreux religieux incarcérés ou exécutés. L'Albanie est isolée du reste du monde. La France, l'Italie, l'Autri- che et la Suisse sont les seuls pays occidentaux à entretenir des relations diplomatiques avec l'Albanie pendant la période communiste*. Plusieurs centaines de milliers de bunkers sont construits jusque dans les années 1980, censés protéger le pays d'invasions extérieures. * De leur côté, le Royaume-Uni et les États-Unis tentent en 1949-1951, en pleine guerre froide, de renverser le gouvernement communiste en infiltrant des commandos composés de militants monarchistes albanais. Leur opération de subversion, nommée Valuable Project, échoue du fait de l'allégeance de l'agent double Kim Philby à l’URSS. Images : - Vincenz Prenushi (1885-1949), archevêque Durrës et primat d'Albanie, torturé, mort en prison en 1949. 37 de ses compagnons sont tués entre 1945 et 1974. -Ismaïl Kadaré (né en 1936), écrivain albanais naturalisé français. Étudie les lettres à Tirana et à Moscou. En 1960, la rupture avec l'Union soviétique l'oblige à revenir en Albanie où il entame une carrière de journaliste. Après la parution du poème Les Pachas Rouges en 1975, est interdit de publier des romans. Doit se soumettre à une période de travail manuel, sorte de stage de rééduca-tion à la chinoise, au fin fond des campagnes. Émigre en France en 1990. - Bunkers albanais
  • 38. La fin de la dictature En 1978, la Chine, ayant renoncé à l'orthodoxie maoïste, se brouille avec l'Albanie et lui retire son aide. Le régime d'Enver Hoxha se trouve dépourvu d'alliance étrangère et adopte une politique d’autosuffisance économique, se traduisant par un appauvrissement de sa population. Enver Hoxha, septuagénaire, choisit Ramiz Alia pour lui succéder à la tête du régime, au détriment du premier ministre Mehmet Shehu. Ce dernier manifestant son opposition, il est éliminé du parti et meurt, officielle- ment par suicide, en décembre 1981. À partir de 1989, les régimes communistes européens tombent tous les uns après les autres. L'Albanie est le dernier bastion communiste à ignorer les réformes, mais le mécontentement s'accroît dans la population : en décembre 1990, 5 000 Albanais fuient le pays. Ramiz Alia, conscient de la nécessité d'un changement pacifique, autorise le multipartisme le 11 décembre. Le ‘Parti démocrate d'Albanie’ reporte les élections de mars 1991. Images : - Mehmet Shehu (1913-1981), Premier ministre de l'Albanie communiste de 1954 à 1981. Il est retrouvé mort le 18 décembre 1981, vraisemblablement assassiné sur ordre d'Enver Hoxha avec lequel il avait des désaccords politiques de plus en plus prononcés, en particulier sur l'isolationnisme du régime. Sa mort est officiellement considérée comme un suicide. Accusé post mortem d'avoir été « un agent des services secrets américains, soviétiques, yougoslaves, anglais et italiens », il est enterré à la fosse commune. - Renversement de la statue géante d’Henver Hoxha à Tirana le 20 février 1991
  • 39. La mémoire du communisme en Albanie Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement socialiste d’Edi Rama en 2013, le pays ouvre les archives, les lieux emblématiques de "la petite Corée du Nord" en l’Europe et débute un travail d’introspection de ce douloureux passé, "même si cela présente un risque car beaucoup de gens ont été mouillés par le système policier pendant des décen- nies", note l'historien Pierre Cabanes. Cette époque est presque absente de leurs manuels scolaires, elle est évoquée dans le cercle familial de manière souvent trop partiale. - Photo n° 1 - La ‘Pyramide de Tirana’, anciennement ‘Musée Enver Hoxha’, est le nom donné à un bâtiment situé au centre de Tirana. Il a été inauguré sur 17 000 m2 en 1988, pendant la dictature, pour abriter un musée à la mémoire du leader mort en 1985. Après la chute du communisme, le bâtiment a cessé de faire office de musée. Sa démolition a été envisagée, mais aucune décision n'a été prise et la pyramide a notamment abrité une discothèque. - Photos 2 et 3 - La ‘Maison des feuilles’ (Shtëpia me gjethe, House of Leaves), nom donné au musée de la police politique situé dans le bâtiment de la Direction de la sureté de l’État, la Sigurimi. Le Conseil de l’Europe a décerné son ‘Prix du musée 2020’ à ce musée. Les différentes salles d’exposition présentent du matériel d’écoutes téléphoniques, des appareils photographiques, des micro miniatures. Dans ces murs ont eu lieu de nombreux interrogatoires sous la torture et des exécutions de victimes sans aucun procès. Le musée est dédié "aux victimes innocentes d'espionnage, de persécutions, d'arrestations, de condamnations et d'exécutions par un régime qui ambitionnait d'instaurer un plein contrôle sur les corps et les âmes" de ses citoyens, précise une plaque à l'entrée du musée.
  • 40. Les lieux de mémoire La nouvelle Albanie compte se défaire de sa mauvaise réputation de pays de gangs et de mafia. Mue par le rêve de s’arrimer à l’Union europé- enne, elle s’est lancée dans une vaste opération ‘mains propres’. Le musée de l’histoire de Gjirokastër, ville natale d’Enver Hoxha, situé dans la citadelle, comporte une section sur le communisme. Il est avant tout destiné aux touristes, et rares sont les habitants qui y sont déjà allés ou pensent s’y rendre un jour. Pour permettre de présenter une image plus nuancée de l’Albanie, en expliquant les liens existants entre le passé et le présent (entre communisme/démocratie, totalitarisme/corruption, isolation- nisme/internationalisme), les professionnels locaux du patrimoine pensent que la muséification doit se faire par la population, et non par le pouvoir politique. Photos : - La « caserne 303 » ou « camp de Spac » était l’un des pires lieux de détention et de travail forcé de 1968 jusqu’à la chute de la dictature. À l’arrière-plan de la prison en partie en ruine, le nouveau bâtiment gris construit par la compagnie turque Tete, qui exploite depuis début 2018 la mine de cuivre dans laquelle les anciens prisonniers étaient condamnés au travail forcé. - Le ‘Bunk Art 2’, musée souterrain, est installé dans l’ancien abri anti-aérien du ministère de l’Intérieur construit entre 1981 et 1986. À travers deux grands couloirs desservant 19 salles, il présente le détail des différentes techniques d’écoute, d’investigation, de répression et de torture employées par la Sigurimi. - Le ‘Bunk’Art 1’, est un ancien bunker transformé en musée sur le régime d’Enver Hoxha. On s’enfonce profondément sous terre dans d’immenses galeries qui semblent interminables. Ici, des cellules d’emprisonnement.
  • 41. « Il n’y a pas eu de procès » «Il n'y a pas eu d'épuration, pas de procès, les anciens leaders et grands respon- sables sont morts, on apprend à vivre avec ce passé», constate avec fatalisme la romancière Diana Çuli, ex-membre du Parti social-démocrate. En 1993, le nouveau pouvoir a bien poursuivi Nexhmije Hoxha, la veuve de l'ex-dictateur. Mais c'est pour détournement de fonds qu'elle a fini par écoper de 9 ans de prison. Elle n'en purgera que 5. «Le processus de transition est chaotique. Les gens se sont camouflés, ont caché leur passé et ont d'autres urgences : travailler et manger», remarque Etleva Demollari, historienne directrice du ‘Musée des Feuilles’. La directrice de’ l'Institut pour la démocratie, les médias et la culture’ à Tirana, Jonila Godole, a choisi de travailler avec la jeunesse en tentant de prendre ses distances avec la propagande et les polémiques : «La mémoire est un problème et il est difficile de rendre la justice. Hélas, je crois qu'il est trop tard pour changer l'état d'esprit des anciennes générations, mais en travaillant avec les plus jeunes, on obtient des résultats.» * En juin 2014, le Conseil européen a officiellement accordé au pays le statut de candidat à l’adhésion à l’UE. * Cette diapo reprend l’article de Libération « En Albanie, la mémoire dans la douleur » d’Arnaud Vaulerin, (29 juillet 2019) Photo : La mosaïque représentant « L’élan du peuple albanais vers son indépendance et son identité » raconte l’histoire de la lutte des Albanais contre l’invasion et l’occupation au cours des siècles. Musée national historique, Tirana.
  • 42. Le retour du Kanun Et, si la chute de l’État communiste a permis le multipartisme et l’ouverture à l’extérieur, elle a aussi causé un vide institutionnel dont les traces sont encore visibles : sans État stable ni système juridique fiable, les Albanais se sont tournés vers le code coutumier de Lekë Dugajini, le Kanun*, qui régit une grande partie de la vie sociale. Transmis de génération en génération, ce code a toutefois été dévoyé dans sa mise en œuvre depuis les années 1990, et les vendettas ont causé la mort de dizaines de milliers de personnes depuis 1991. Images : - Kanun est le nom de codes de droit coutumier médiéval auxquels se réfèrent encore certains clans des territoires d’Albanie du nord, du Kosovo, du Monténégro oriental et de la Macédoine occidentale. Il ne se réduit pas à la gjakmarrja, littéralement « reprise du sang », mais est un corpus de règles en douze livres régissant tous les aspects de la vie quotidienne, de l’organisa-tion de l’économie à l’hospitalité en passant par la famille, la place de l’homme et de la femme dans la société, le mariage, la gestion des bien communs… et surtout l’honneur personnel, pierre angulaire de ce système sophistiqué. Le Kanun est fondé sur quatre piliers : l'honneur, l'hospitalité, la rectitude, la loyauté. - Avril brisé, roman d’Ismaïl Kadaré sur le Kanun (1980)
  • 43. La mémoire des crimes des communistes en Albanie Livres
  • 44. La mémoire des crimes des communistes en Albanie Livres, documentaires et films
  • 45. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-2 - Allemagne de l’Est En octobre 1949, les Soviétiques instituent la République démocra- tique allemande (RDA) dont l’homme fort est Walter Ulbricht (1893-1973), Secrétaire général du comité central du SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) Le contrôle du régime sur la population est exercé à partir de 1950 par la Stasi (Staatssicherheit, ‘Sécurité d’État’), qui surveille la vie des habitants (7 millions de personnes fichées) et élimine les contestataires repérés par son réseau d’agents (1600 personnes) et d’informateurs non officiels (plus de 175 000). Le 16 juin 1953, à la suite d’une augmentation de 10 % des quotas de production des travailleurs construisant le boulevard Staline, les émeutes de juin 1953 éclatent à Berlin-Est. Au cours de ces émeutes, 60 000 manifestants s'en prennent aux symboles du pouvoir. L'agitation gagne le reste du pays dès le lendemain. Walter Ulbricht fait appel aux troupes soviétiques qui rétablissent l’ordre en provoquant la mort de 55 personnes et une vague d’arrestations et de condamnations à la prison de plus de 10 000 personnes.
  • 46. Le mur de Berlin Entre 1949 et 1961, plus de 3 millions de personnes, en particulier les travailleurs qualifiés, émigrent en Allemagne de l'Ouest, attirés par la prospérité économique et par la démocratie. La construction du mur de Berlin (ainsi que le renforcement des contrôles sur le rideau de fer dans sa section interallemande) commence dans la nuit du 12 au 13 août 1961 avec la pose de grillages et de barbelés autour de Berlin-Ouest, dispositif progressivement remplacé par un de béton. L'objectif est d'empêcher l'émigration des citoyens est-allemands vers l'Ouest via le secteur occidental de la ville. À partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev met en place en URSS une politique de glasnost (transparence) et de perestroïka (reconstruction), destinée à résoudre les graves problèmes socio-économiques que connaît l'ensemble du bloc de l'Est. Il indique en juillet que l'Union soviétique n'interviendra pas pour réprimer les mouvements qui agitent la RDA. Entre septembre 1989 et mars 1990 ont lieu les « manifestations du lundi » (Montagsdemonstrationen), particulièrement à Leipzig, au cours desquelles les Allemands de l'Est réclament des réformes et notamment la liberté de circulation vers l'Ouest. Le pays connaît des tensions internes majeures et une résistance non-violente qui culminent lors de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Images : - Les chars soviétique à Berlin en août 1953 pour mater la révolte populaire - Parade à la gloire de Staline à Dresde en 1953
  • 47. La mémoire du communisme en RDA La mémoire des crimes du stalinisme en RDA est assurée, - par l’ouverture des archives de la Stasi depuis déc. 1991 - par des monuments, comme le Mémorial du mur de Berlin et le centre de documentation, dans la Bernauer Straße, ou la chapelle de la réconciliation, - par des livres, par ex. Le Compteur de fauche, roman de Jean-Yves Kerouredan, - par des documentaires - par des films, notamment Good bye, Lenin ! (2003) de Wolfgang Becker, La vie des autres, (2006), film de Florian Henckel von Donnersmarck et Le Vent de la liberté, (2018), film de Michael Bully Herbig; Images : - Les archives de la Stasi : 12 000 mètres linéaires de documents, 16 000 sacs de documents déchirés - Le Mémorial de la période communiste et du Mur de Berlin - Affiche du film La Vie des autres
  • 48. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-3 - Bulgarie En septembre 1944, le Front patriotique, alliance du mouvement corporatiste Zveno, des sociaux-démocrates, de ‘l‘Union agrarienne’ et du ‘Parti communiste’, prend le pouvoir. En juin 1947, Nikola Petkov, diri- geant de l'Union agrarienne, est arrêté en pleine séance du parlement, sous l'accusation de tentative de coup d'État et de menées terroristes. Il est condamné à mort et pendu le 23 septembre. Les camps d’internement se développent, pour atteindre le nombre de 45 (Béléné, Skravena, Bogdanovdol, Lovetch, etc.). La police secrète du régime, le ‘Comité pour la Sécurité de l'État’ (Komitet za Daržavna Sigurnost, КДС ou KDS), fait régner la terreur dans le pays. La Bulgarie étant encore une nation essentiellement agricole, une politique de collec- tivisation des terres est décidée ; le gouvernement impose en outre un système d'achat obligatoire d'un quota de fournitures d'État, qui s'avère ruineux pour une grande partie des paysans. Les purges politiques touchent également la hiérarchie du Parti communiste : Trajčo Kostov, ancien dirigeant du parti, est arrêté en juin 1949. Avec dix autres membres du parti, il est condamné pour menées subversives et collusion avec le Royaume-Uni et le régime de Tito ; il est pendu le 17 décembre, ses coaccusés sont condamnés à de lourdes peines de prison. Images : - Nikola Petkov (1893-1947), dirigeant de l’Union agrarienne’, pendu par le régime communiste. - Emblème du KDS, police secrète du régime, antenne du KGB. - Trajčo Kostov, (1897-1949), ex-Secrétaire général du PC Bulgare, également pendu
  • 49. Dictature et nationalisme en Bulgarie En 1956, un décret-loi autorise la relégation et l'assignation à résidence de tous les « citoyens douteux », arbitrairement désignés. La politique de collectivisation des terres liquide en 1958 le reste des exploitations restées en dehors des fermes collectives. En 1959, un plan quinquennal d'industria- lisation, inspiré du ‘Grand bond en avant’ de la Chine maoïste, est un échec. Dans les années 1960-1970. Le pays subit tout comme l'URSS de Brejnev une stagnation politique et économique. La répression politique reste prégnante et se signale par des affaires retentissantes comme l'assassinat du dissident Georgi Markov, dans l'affaire dite du « parapluie bulgare ». Afin de détourner le mécontentement populaire, le régime communiste tente en 1984-1985 de jouer la carte du nationalisme en lançant une campa- gne de « bulgarisation » des noms des citoyens musulmans bulgares, suivie de nombreuses exactions comme la destruction de mosquées, l’interdiction d’utiliser le turc en public, etc. Entre mai et août 1989, environ 315 000 Bulgares turcophones sont expulsés vers la Turquie, 400 000 en comptant leur famille. Le régime communiste bulgare s’effondre en 1990, après d'importantes manifestations organisées en nov. 1989 pour protester contre la situation écologique désastreuse du pays. Images : - Georgi Markov (1928-1978), dissident assassiné à Londres par les services secrets bulgares avec l’aide du KGB. Ils font pénétrer un poison, la ricine, dans l de la victime à l'aide d'un parapluie. - Todor Jivkov, pendant 35 ans principal dictateur de la Bulgarie communiste. Il tente même par deux fois, en 1963 et 1973, de faire de son pays traditionnellement russophile une République de l'URSS… Moscou refuse par peur de complications internationales.
  • 50. La mémoire de la dictature communiste en Bulgarie Depuis 2011, la Bulgarie commémore tous les ans, le 1er février, le souvenir des victimes du régime communiste. En 2022, la commémoration prend une teinte particulière du fait de la présence, discrète mais inédite, du président, Roumen Radev, soutenu par le Parti socialiste bulgare (PSB), héritier direct du Parti communiste d’antan. La formation politique a été accusée de ne jamais avoir effectué son examen de conscience sur la question de la répression communiste et de n’avoir jamais présenté ses excuses aux victimes. Images : - Le ‘Musée d'art socialiste’ de Sofia couvre l'histoire de l'ère communiste en Bulgarie. Il a été ouvert en septembre 2011 au milieu d'une controverse sur le nom, initialement proposé comme "Musée d'art totalitaire". Il présente 77 sculptures monumentales, 60 peintures et 25 petites pièces d'arts plastiques. - Construit entre 1974 et 1981, pendant la période communiste, à 1450 mètres d'altitude sur la chaîne des Balkans, l'édifice de Buzludzha abrite des mosaïques en ruine. Cette enceinte circulaire en béton et acier, œuvre de l’architecte Georgi Stoilov, côtoie deux piliers hauts de 70 mètres. À son faîte, l'étoile rouge en verre de rubis, aujourd'hui décrépie, était jadis visible par temps clair jusqu'en Roumanie et en Grèce. Ce monument géant du communisme est un casse-tête pour les autorités qui ne savent qu’en faire : un musée du totalitarisme ? un restaurant panoramique ? - Le livre Les Dévastés de Theodora Dimova montre comment la dictature totalitaire qui s'installe à la tête de la Bulgarie traque toutes les « têtes pensantes » opposées au régime : journalistes, écrivains, religieux, hommes de science, entrepreneurs, etc. Trois femmes voient leurs époux arrêtés, emprisonnés et torturés ; ils sont exécutés quelques mois plus tard et jetés dans une fosse commune à Boliarovo.
  • 51. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-4 - Hongrie En février 1946, le Royaume de Hongrie est aboli, laissant place à la nouvelle république de Hongrie. Le maréchal soviétique Kliment Vorochilov impose la présence des communistes au gouvernement : László Rajk devient ministre de l’Intérieur et organise la police secrète Államvédelmi Hatóság (AVH). Le gouvernement est contraint d'appliquer les politiques de nationalisations préconisées par les communistes. Les mines et les indus- tries lourdes sont nationalisées, suivies des banques, puis de toutes les entreprises de plus de 100 salariés. Mátyás Rákosi, secrétaire général du PC hongrois, adopte la "tacti- que du salami", qui consiste à éliminer progressivement tous les adver- saires politiques des communistes en suscitant scissions et fusions parmi les partis adverses ou en évinçant les politiciens rivaux. Il opère des purges parmi les opposants, réels ou supposés, les intellectuels et même certains membres du Parti. En 1949, László Rajk est arrêté, passe en procès, "avoue" être un agent à la solde de Tito, est exécuté. D'autres membres importants du Parti, comme János Kádár sont également arrêtés par l'AVH. En 6 ans, entre 1948 et 1953, près de 1 300 000 personnes comparaissent devant les tribunaux, 695 623 condamnations sont prononcées, allant de l'amende à la peine capitale. - Matyas Rákosi (1892-1971), se voulant "le meilleur disciple de Staline", organise son propre culte de la personnalité et établit l'un des régimes les plus répressifs du bloc communiste en Europe. Il s'exile en Union soviétique lors de la révolution hongroise d'octobre 1956. - L’emblème d’Államvédelmi Hatóság (AVH, ‘Autorité de protection de l'État’), police politique - Laszlo Rajk (1909-1949)
  • 52. La répression soviétique en 1956 En tant que proche allié de Staline, Rákosi est fragilisé par la mort de ce dernier : en juillet 1953, il doit céder la direction du gouvernement à Imre Nagy. Ce dernier autorise la sortie de prisons d'opposants politiques, allège le contrôle étatique sur les médias et envisage la tenue d'élections. En octobre 1956, des protestations étudiantes sont organisées, officiellement pour soutenir les ouvriers de Pologne en grève. Les troupes soviétiques s’approchent de Budapest, mais une partie de l'armée hongroise fraternise avec les insurgés. Le 4 novembre, les chars de l'Armée rouge entrent dans Budapest tandis que János Kádár fonde un contre-gouvernement fidèle à l'URSS. L'insurrection est matée dans le sang, la répression fait environ 3 000 victimes. Il s'ensuit un exode de citoyens hongrois vers les pays voisins. Imre Nagy est arrêté et déporté ; il est exécuté deux ans plus tard. - Imre Naji (1896-1958), chef du gouvernement de la République populaire de Hongrie, exécuté par pendaison dans la prison de Budapest. Reçoit des obsèques populaires et nationales en juin 1989, est officiellement réhabilité par le Parti un mois plus tard. - János Kádár (1912-1989), le principal dirigeant de la République populaire de Hongrie de 1956 à 1988. Il ne remet pas en cause la dictature du parti unique et le suivi de la politique étrangère soviétique (il participe à l'occupation de la Tchécoslovaquie en 1968), mais libéralise le régime dans la limite du régime socialiste : il atténue la répression anti-religieuse, diminue la censure et tolère une dissidence politique.
  • 53. La mémoire du communisme en Hongrie Le Memento Park, ouvert à l'automne 1993 dans les environs de Budapest, abrite 41 statues érigées à la gloire du communisme dans la capitale hongroise ainsi qu'un centre éducatif sur la période communiste. La ‘Maison de la Terreur’ est inaugurée en février 2002 au 60 avenue Andràssy dans les anciens locaux des ‘Croix Fléchées’, le parti pronazi hongrois qui prit le pouvoir en Hongrie en 1944, puis quartier général de la police politique du Parti Communiste après 1945. L'objectif déclaré de l'exposition est d'exposer la réalité de la terreur nazie puis communiste en Hongrie. - Image 1 : Les bottes de la statue de Staline abattue lors de l'insurrection de Budapest, en 1956, conservées aujourd'hui à au Memento Park ou ‘Parc des statues’ (Szobor park) de Budapest. Ce parc regroupe les statues érigées à la gloire du communisme dans la ville : il est considéré comme un musée en plein air de l'art totalitaire, mais il attire aussi les nostalgiques du bloc de l'Est. - Images 2 et 3 : La ‘Maison de la Terreur’ à Budapest. Le visiteur est invité à se déplacer dans 27 pièces différentes relatant l'histoire de l'oppression politique en Hongrie depuis l'occupation allemande en mars 1944 à l'évacuation des dernières troupes soviétiques en juin 1991. La ‘Maison de la Terreur’ trouve un équivalent à Prague dans le ‘’Musée du Communisme’, à Varsovie dans le ‘Musée de l'Insurrection’, en Lettonie dans le ‘Musée des occupations’, dans le ‘Grütas Park’ en Lituanie ou dans le ‘Parc des monuments déchus’ de Moscou.
  • 54. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-5 - Pays baltes L’occupation des pays baltes fait référence à l'invasion puis à l'occupation par l'Armée rouge des trois États baltes : l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie conformément au protocole secret du Pacte germano- soviétique, le 14 juin 1940, suivie de leur incorporation forcée dans l'URSS en tant que républiques constitutives : RSS d'Estonie, de RSS de Lettonie et RSS de Lituanie. Le 15 et 16 juin 1940, 500 000 soldats soviétiques franchissent la frontière estonienne et lettone. Parallèlement, les Soviétiques soutiennent les communistes locaux afin de monter des coups d'État contre les gouvernements estonien, letton et lituanien. Les petites armées baltes, isolées car sans soutien occidental, sont désarmées par l'Armée rouge, à l'exception d'un bataillon estonien qui lutte contre les Soviétiques et les milices communistes le 21 juin. Après l'invasion, la construction de la ligne Molotov débute afin de protéger les nouvelles frontières occidentales de l'URSS. Les administrations de l'État sont liquidées et remplacées par des cadres soviétiques, opération dans laquelle 34 250 Lettons, 75 000 Lituaniens et près de 60 000 Estoniens sont déportés ou tués. Carte : Modifications territoriales prévues et effectuées selon le pacte Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939 Photo : Chars soviétiques dans le centre de Riga en 1940
  • 55. Occupation et dictature soviétiques, puis hitlériennes, puis soviétiques Des élections ont ensuite lieu avec des candidats prosoviétiques seuls autorisés à se présenter pour de nombreux postes, avec pour conséquence des "assemblées populaires" qui demandent immédiate- ment leur admission dans l'URSS, ce qui leur est accordé. Le 22 juin 1941, le Troisième Reich envahit l'URSS et occupe en quelques semaines les territoires baltes. Les militaires allemands, d'abord bien accueillis, se comportent rapidement comme une armée d'occupation impitoyable : réquisitions de logements dans les villes, violences contre la population civile, déportation des Juifs et pillages. En 1944, les territoires baltes sont reconquis lors des contre- offensives de l'Armée rouge. Après 1944, les Soviétiques mettent en place un programme d'industrialisation des RSS baltes et déportent systématiquement quiconque s'opposant à la collectivisation des terres. Le nombre total de déportés pour la période 1944-1955 est estimé à plus de un demi-million : 124 000 en Estonie, 136 000 en Lettonie et 245 000 en Lituanie. Photos : - Le dirigeant du Parti communiste de Lituanie, Antanas Sniečkus, lance les premières déportations massives de Lituaniens en juin 1941 - Des collaborateurs lituaniens (avec des brassards blancs) arrêtant des Juifs en juillet 1941.
  • 56. La "révolution chantante" et les chaînes humaines baltes de 1989 et 1990 Avec l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev (1985) au poste de Premier secrétaire du PCUS, commencent la glasnost et la perestroïka. Cette libéralisation entraîne une contestation de la domination sovié- tique dans les Pays baltes et qui ont subi une politique agressive de russification et de colonisation de peuplement, de la part du pouvoir central. Le 23 août 1989, dans la cadre de la "révolution chantante" (1985-1991), près de deux millions d’Estoniens, de Lettons et de Lituaniens se tenant par la main forment une chaîne humaine de 687 km de long, traversant les trois pays baltes (Vilnius, Riga, Tallinn) pour exprimer leur condamnation du passé et leur espoir en l’avenir. C’est leur manière de célébrer le 50e anniversaire du pacte Molotov- Ribbentrop. Signé le 23 août 1939, 60 ans plus tôt, par les ministres des Affaires étrangères de l’Union soviétique et de l’Allemagne nazie, le protocole de cet accord secret définissait la répartition des territoires situés entre les frontières de ces deux pays, dont la Pologne et les trois États baltes. Au printemps 1990 (11 mars en Lituanie, 30 mars en Estonie, 4 mai en Lettonie), , l'indépendance des pays baltes est proclamée, la constitution soviétique est abolie par les indépendantistes et remplacée par des constitutions spécifiques à chacun des États baltes. Photos : La chaîne humaine balte le 23 août 1989 Chaîne humaine à Šiauliai, Lituanie, le 12 janvier 1990. Les chaînes humaines baltes ont été classées par l’Unesco en 2009 au « Registre Mémoire du monde ».
  • 57. Le retour de la démocratie Des barricades sont construites ainsi que des postes-frontières pour délimiter la Russie et la Biélorussie des pays baltes. Pour faire face à ces proclamations d'indépendance, les autorités soviétiques choisis- sent en janvier 1991 de "restaurer l'ordre constitutionnel par la force". Le 8 janvier, Vitautas Landsbergis, chef du gouvernement démocrate indépendantiste de Lituanie, appelle à une levée en masse de civils pour protéger la tour de transmission de télévision. L’attaque des manifestants par les hélicoptères soviétiques est retransmise à la télévision. 21 civils sont tués et 600 autres blessés, principalement lors de l'assaut de la tour de Vilnius par les Soviétiques. À la suite d'importantes manifestations non-violentes (rassemblant jusqu'à 50 000 personnes dans la capitale lituanienne) et dans tout le bloc de l'Est (notamment en Pologne et en Ukraine), les troupes soviétiques, essentiellement constituées de soldats russes, se retirent le 25 janvier 1991. Photos : - Vitautas Landsbergis, chef du gouvernement démocrate indépendantiste de Lituanie - Manifestation antisoviétique à Vilnius en janvier 1991 - La foule bloque les chars soviétiques à Vilnius en janvier 1991
  • 58. La mémoire des occupations nazie et soviétique dans les pays baltes En février-mars 1991, des consultations officielles sont organisées montrant la forte mobilisation des Baltes pour leur indépendance : 90 % en Lituanie, 77 % en Estonie et 73 % en Lettonie. L'échec du putsch soviétique d'août 1991 - où la ligne dure des communistes ne parvient pas à prendre le pouvoir - permet aux pays baltes de déclarer leur indépendance politique, que de nombreux pays occidentaux s'empressent de reconnaître. Ayant perdu toute marge de manœuvre, Moscou se voit obligé de suivre le mouvement et reconnaît leur indépendance le 4 septembre 1991, trois mois avant que ne disparaisse l'Union soviétique. Les relations entre Russes et Baltes aujourd’hui attestent d’une histoire violente et complexe, qui remonte bien avant la Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, les occupations successives du pays par des puissances étrangères ont profondément construit l’identité nationale de chacun des pays. - Photos 1 et 2 : ‘Musée de l’occupation’ à Riga (Lettonie). Il retrace l'histoire de la Lettonie de 1940 à 1990, les 50 ans d'occupation du pays, successivement par les sovié- tiques, par les nazis, puis par l‘Armée rouge à nouveau. Il attire chaque année plus de 100.000 visiteurs du monde entier. Une partie du musée est consacrée aux émigrés lettons, car plus de 200.000 Lettons ont fui leur pays en 1944 et 1945 et ont tenté de se construire une nouvelle vie à l’étranger. - Photos 3 et 4 : ‘Musée des occupations et de la liberté’ à Tallin (Estonie). Fondé en 1998, il retrace l’histoire des 3 occupations
  • 59. La mémoire des occupations nazie et soviétique dans les pays baltes La Lettonie, par exemple, a été occupée par 7 armées durant le 20è siècle. Le pays a été durement marqué par les répressions, représailles, déportations et incorporations dans l’armée des occupants, de gré ou de force. On estime que les nazis et les soviétiques y ont fait au total 555 000 victimes, soit un tiers de la population lettone. -‘Musée des occupations et des combats de la liberté’ ou ‘Musée du KGB’ à Vilnius (Lituanie), situé dans les anciens locaux du KGB - Cellules d’incarcération dans les caves du ‘Musée du KGB’ - Monuments commémoratifs de la voie balte et des chaînes humaines baltes - Timbre commémoratif des chaînes humaines baltes de 1989 - Mémorial dédié aux victimes de l'assaut de la tour de télévision de Vilnius en janvier 1991 - Pièce émise en 2014 pour les 25 ans de la Voie balte
  • 60. Destruction ou mise au musée des monuments soviétiques Conséquence directe de l'invasion russe en Ukraine en février 2022, les pays baltes et la Pologne ont décidé de faire table rase de l'héritage soviétique et communiste. Ces pays, qui faisaient partie de l'URSS, entendent prendre un peu plus leurs distances avec la Russie, jugée héritière de l'Union soviétique, en déboulonnant ou détruisant de nombreux monuments emblématiques de la période soviético-communiste. Ainsi, 24 statues ou mémoriaux ont déjà disparu de l'espace public polonais depuis le mois de mars 2022, sur les 60 qui existaient encore au début de l'année. L'Estonie a choisi de retirer en 2022 les 400 monuments soviétiques encore présents sur son territoire. La Lettonie a quant à elle établi une liste de 69 sites glorifiant l'Armée rouge à démanteler. Enfin, en ce qui concerne la Lituanie, tout a été retiré de l'espace public et placé dans les musées, sauf les stèles portant le nom de soldats tués.
  • 61. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-6 - Pologne La Pologne est envahie par les forces allemandes le 1er septembre 1939, ce qui déclenche la Seconde Guerre mondiale. Conformément aux accords secrets du Pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, une semaine avant le début de l'invasion allemande, l'URSS envahit à son tour la Pologne à partir du 17 septembre. Des deux côtés, les nazis et le NKVD procèdent à l'éradication de l'élite polonaise : côté Est, intellectuels, officiers, fonctionnaires, reli- gieux, propriétaires terriens sont déportés en URSS, voire assassinés comme à Katyń ; côté Ouest, les nazis entendent ouvertement transfor- mer les Polonais, considérés comme des "sous-hommes", en un peuple d'esclaves et plongent le pays dans une terreur meurtrière, responsable de la disparition en six ans de près de 20 % de la population totale. À partir de l'été 1941, date du déclenchement de l'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne qui rompt avec son allié de 1939, la Pologne devient aussi le terrain principal de la mise en œuvre du géno- cide des Juifs d'Europe occupée par l'Allemagne nazie. Images : - Le pacte Hitler-Staline du 23 août 1939 - Le partage de la Pologne par les deux dictatures
  • 62. Les massacres des Polonais en 1940 Le massacre de Katyń est l'assassinat de masse, par la police politique de l’Union soviétique (le NKVD), au printemps 1940 dans la forêt de Katyń, de 4 404 Polonais, essentiellement des officiers d'active et de réserve (dont des étudiants, des médecins, des ingénieurs, des enseignants, etc.), et de divers autres membres des élites polonaises considérées comme hostiles à l’idéologie communiste. L'URSS nie sa responsabilité dans le massacre dès qu’il est révélé par les militaires allemands en 1943 ainsi que durant toute la Guerre froide, et en rend responsable l’Allemagne nazie Toutefois, en 1990, l'URSS reconnaît que ce massacre avait bien été ordonné par les responsables soviétiques. Le 26 novembre 2010, la Douma russe reconnaît la responsabilité directe de Staline en votant une résolution selon laquelle les documents conservés dans les archives secrètes du Kremlin prouvent que Staline a bien ordonné personnellement ce massacre. Les massacres décidés par Béria et Staline au cours du printemps 1940, concernent environ 22 000 Polonais. Si les exécutions sont perpétrées en au moins 6 lieux distincts, Katyń reste emblématique en raison de sa médiatisation durant la Seconde Guerre mondiale. En effet, le charnier de Katyn est découvert dès 1943, alors que ceux de Kharkov et Kalinine sont exhumés dans les années 1990, après l'ouverture des archives soviétiques. Image du bas : Le document officiel de Lavrenti Beria, daté du 5 mars 1940, demandant à Staline l'autorisation d'exécuter les officiers polonais.
  • 63. La dictature du parti unique À la fin du second conflit mondial, la Pologne libérée tombe aux mains de l‘Armée rouge : cette libération aux allures d'occupa- tion est rythmée par l'arrestation des membres non communistes de la résistance intérieure polonaise (Armia Krajowa, AK) considérés par les Soviétiques comme des ennemis. La Pologne devient une république dite "populaire", mais en fait une dictature à parti unique, le ‘Parti Ouvrier Unifié Polonais’ (POUP, créé en décembre 1948), et membre du Pacte de Varsovie. La propagande attribue la moindre difficulté aux prétendus espions états-uniens. Torturés par les services de sécurité (UB puis SB), les boucs émissaires doivent s'accuser lors de procès publics. La soviétisation ne se limite pas qu'aux institutions politiques, elle vise aussi l'économie du pays. Les fermes d'État se généralisent. Mais les méthodes violentes utilisées pour parvenir à cette collectivisation provoquent des résistances : de nombreux réfractaires, menacés de mort, fuient le pays ou entrent dans la clandestinité et donc la résistance. Images : - Wladyslaw Gomulka (1905-1982). Il dirige la République populaire de Pologne de 1956 à 1970, date à laquelle il est forcé de démissionner après les émeutes de la Baltique de 1970. Il est alors remplacé par Edward Gierek. Ici avec Leonid Brejnev (1906-1982), Secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, et donc principal dirigeant de l'URSS de 1964 à 1982. - Logo du ‘Parti ouvrier unifié polonais’ (Polska Zjednoczona Partia Robotnicza, PZPR), parti communiste qui exerce le pouvoir de 1948 à 1989 sous le régime de la République populaire de Pologne (Polska Rzeczpospolita Ludowa, PRL). - Médaille du Służba Bezpieczeństwa (SB, ‘Service de sécurité’), appelé jusqu'en 1954 Urząd Bezpieczeństwa (UB), service de renseignement et police secrète du régime communiste polonais
  • 64. L’effritement du régime En août 1968, l'armée polonaise est obligée de participer, avec 4 autres pays du bloc de l'Est, à l'occupation soviétique de la Tchécoslo- vaquie. À partir de 1967, la crise économique favorise l'ascension, au sein du POUP, des éléments nationalistes et antisémites. Après la guerre des Six Jours, et pour faire diversion des grèves ouvrières importantes contre la hausse des prix alimentaires, le régime lance une campagne antisémite qui provoque le départ de la majorité des derniers Juifs de Pologne. En 1980 naît le syndicat indépendant Solidarność (‘Solidarité’), dirigé par Lech Wałęsa, d'abord interdit, puis reconnu à contre-cœur par les autorités. Celui-ci regroupe vite plusieurs millions d'ouvriers soutenus par les intellectuels réformateurs. Le général Wojciech Jaruzelski déclare la loi martiale dans le 13 décembre 1981 : la plupart des meneurs du syndicat sont internés pendant plusieurs mois. La mort de Léonid Brejnev en novembre 1982 à Moscou anticipe leur libération. Malgré l’instauration de l’état de siège, le pouvoir communiste ne parvient pas à étouffer la fronde syndicale et les revendications populaires, les grèves et les manifestations ne faisant que s'amplifier d'année en année. Images : - Wojciech Jaruzelski (1923-2014), dernier dirigeant du régime communiste polonais. - Logo du syndicat ‘Solidarité’ - Obsèques de Jerzy Popieluszko, assassiné en oct. 1984 par la SB, police politique du régime. Il était prêtre aumônier de Solidarnosc et célébrait des "Messes pour la Patrie" dont les sermons étaient diffusés sur Radio Free Europe. 500 000 personnes assistent à ses funérailles
  • 65. La mémoire de la dictature communiste en Pologne Le 1er janvier 1990, la IIIe République est proclamée. Les élections présidentielles au cours de cette même année sont largement remportées par Lech Wałęsa. En 1993, les troupes russes quittent la Pologne. Pour se donner les moyens de faire l’histoire de la période commu- niste, la Pologne s’est donné un instrument spécifique en Europe de l’Est : ‘l’Institut de la mémoire nationale’ (Instytut Pamięci Narodowej - IPN), qui mêle enquêtes judiciaires et recherche scientifique. Création politique, cet institut est devenu incontournable dans le paysage universitaire et historio- graphique polonais. Outre les archives de la sécurité d’État (1944-1990), il conserve d’autres collections civiles ou militaires concernant les crimes nazis et communistes commis à l’encontre de citoyens polonais. Le principal objectif de l’IPN est d'enquêter sur les crimes nazis et communistes, de conserver la documentation à leur sujet, de fournir cette documentation au public, de poursuivre en justice ceux qui ont commis ces crimes et d'éduquer le public à ce sujet. Le principal effort de l'Institut porte sur les crimes commis par les autorités communistes de la Pologne avant 1989. Images : Le siège et le logo de ‘l’Institut de la mémoire nationale’
  • 66. Le devoir et le travail de mémoire L'un des procès les plus connus intentés par l'IPN concerne le massacre de Jedwabne en juillet 1941*. Le pogrom de Jedwabne est le massacre de 800 à 900 habitants juifs de cette localité polonaise et de ses environs en juillet 1941, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir été longtemps exclusivement attribué aux Einsatzgruppen (les escadrons de la mort du Troisième Reich), des historiens mettent en avant la responsabilité de civils polonais, peut-être à l'instigation des troupes allemandes. Images - Le crime et le silence, livre d’Anna Bikont sur le pogrom de Jedwabne - Witold Pilecki (1901-1948), Descendant d'une famille aristocratique polonaise. Officier de cavalerie, chef de la Résistance, se fait emprisonner volontairement et s’échappe d’Auschwitz pour faire un rapport aux Alliés. En avril 1947, commence à recueillir des preuves sur les atrocités commises par les Soviétiques en Pologne pendant l'occupation de 1939-1941. Arrêté par le pouvoir communiste, condamné le 3 mars 1948 après un parodie de procès (« espionnage pour l’impéria- lisme étranger », exécuté d’une balle dans la nuque comme « ennemi du peuple » à Varsovie le 25 mai 1948, après 12 mois d’emprisonnement et de torture. - Des livres, des films, ‘l’Institut Pilecki’ honorent sa mémoire. La ‘Journée mondiale des héros de la lutte contre le totalitarisme’ est fixée le 25 mai, date anniversaire de son exécution.
  • 67. La mémoire des crimes des communistes en Pologne Livres
  • 68. La mémoire des crimes des communistes en Pologne Documentaires et films
  • 69. La mémoire des crimes des communistes en Europe de l'Est 2-7 - Roumanie Le régime communiste de Roumanie est mis en place en mars 1945 ; suite au coup d'État du Parti communiste roumain soutenu par l'Armée rouge. La République est proclamée en décembre 1947 lors de l'abolition du royaume de Roumanie et de l'abdication du roi Michel. S'auto-désignant comme une "démocratie populaire", la Roumanie demeure politiquement alignée sur l'URSS jusqu'en 1964, date à laquelle elle prend une posture plus indépendante, tout en continuant de faire partie du bloc de l'Est. Durant cette période, le pays connait un régime totalitaire d'inspiration marxiste-léniniste : - le Parti communiste roumain (PCR) est « parti unique et organe dirigeant de l’État », interdisant de facto la constitution d’associations, syndicats ou autres structures sociales indépendantes du pouvoir. - privation des libertés individuelles par un outil policier très développé, sans garde-fou judiciaire, police politique secrète infiltrant toute la société, la Securitate : censure, écoute des conversations téléphoniques, ouverture du courrier, ../.. Images : - Nicolae Ceaucescu (1918-1989), Secrétaire général du Parti communiste roumain (PCR), président de la République socialiste de Roumanie. Il se décerne les titres de « Conducător », « génie des Carpates » et « Danube de la pensée », et pratique le népotisme. - Logo du PCR - Écusson de la Securitate. Rapportés au nombre d'habitants, ses effectifs sont parmi les plus importants de toutes les polices secrètes du bloc communiste, si l'on compte les informateurs civils.
  • 70. Un régime de terreur maillage territorial, institutionnel et professionnel systématique du pays par un réseau d’informateurs permanents et payés ou bien occasion- nels et menacés, arrestations arbitraires, tortures en cours d’interro- gatoire, internement psychiatrique et déportation des citoyens arrêtés, avec ou sans "jugement", dans les réseaux de camps de travaux forcés. Jusqu’en 1964, la Securitate est aussi coutumière des exécutions extra- judiciaires. - stricte planification d’État, impliquant non seulement les orienta-tions macro-économiques et le commerce international, mais aussi tous les aspects de la production, de la distribution et de la consommation. La population est confrontée à une pénurie permanente d’énergie, de denrées, de produits finis et de services. - violation du droit de propriété, nationalisation généralisée sans compensation des moyens privés de production, confiscation des propriétés des citoyens considérés comme « ennemis de l’ordre socialiste » soit de par leur activité passée, soit du simple fait de l’origine sociale de leurs ancêtres. Photos : - Réseau de prisons et de camps en Roumanie et RSS moldave (1945-1989) - Le ‘Palais du Peuple’ à Bucarest, siège actuel du Parlement : 270 x 240 m, surface au sol de 45 000 m2, 350 000 m2 habitables, 1100 pièces réparties sur 12 étages, 1 million de m3 de marbre, 600 architectes, 20 000 ouvriers, 10 années et demie de travaux, l'expulsion et le relogement de 40 000 personnes, etc.
  • 71. Le bilan de 45 ans de régime communiste Le régime s'effondre à la chute du bloc de l'Est. L'étincelle qui allume la Roumanie est une manifestation de solidarité envers un pasteur hongrois, le 17 décembre 1989 à Timisoara. Un coup d'État met un terme à la dictature communiste et aux fonctions de Ceaucescu. Le dictateur et son épouse sont exécutés au terme d’un simulacre de procès de 55 minutes, destiné probablement à sauver les anciens membres du Parti Communiste : les époux Ceausescu savaient trop de choses et bien des personnes très haut placées auraient pu être compromises en cas de procès normal… La ‘Commission historique d’investigation et d’analyse des crimes du régime communiste’ mise en place en 2005, a rendu ses conclusions en 2007 : elle impute au régime 2 215 000 victimes en 45 ans, soit environ 11 % de la population, - dont 975 000 victimes directes de la répression (exécutions, morts en détention pour motifs politiques), - les autres décès étant dus à la pénurie institutionnalisée, aux disettes provoquées par les réquisitions, au manque d'énergie et donc de chauffage, au manque de sécurité dans le travail, à l'emploi massif des prisonniers pour les travaux dangereux et de grande envergure, au manque de soins aux plus faibles dû à l'indigence des fournitures médicales et pharmaceutiques. Images : - Un dossier de la Securitate - La prison de Pitesti connue pour les expériences de lavage de cerveau et de rééducation par la torture physique et psychologique pratiquées entre les années 1949 à 1954
  • 72. La mémoire du communisme en Roumanie Contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays de l’Est, seul un nombre très limité de soutiens, ou même de tortionnaires du régime, a été poursuivi et encore moins condamné. Entre 1989 et 2017, seules trois procédures pour crimes contre l’humanité ont été ouvertes, dont deux se sont soldées par des condamnations définitives prononcées en 2016 et en 2017. Comme des citoyens engagés et des universitaires, la réalisa- trice Alina Cicani défend l’idée que la démocratie roumaine n’est pas totalement achevée, car il n’y a pas eu de rupture claire après la chute du dictateur. Le ‘Mémorial des Victimes du Communisme et de la Résistance’ comprend le Musée Sighet situé dans la ville de Sighetu Marmației, et le ‘Centre international d'études sur le communisme’, situé à Bucarest. Un « Conseil national pour l'étude des archives de la Securitate » est mis en place par le régime démocratique, où chaque citoyen peut consulter son dossier sur demande écrite… si toutefois il a été conservé (une partie des archives ayant opportunément brûlé en 1990). Photos : - Le « mur des 975 000 victimes arrêtées » du régime communiste en Roumanie, dans le Mémorial de Sighet. - Statues dans la cour de la prison de Sighet
  • 73. La mémoire des crimes des communistes en Roumanie Livres
  • 74. La mémoire des crimes des communistes en Roumanie Documentaires et films