06/03/2017 - Saisine du CSA après les appels au meurtre de Trump sur France 2
1. Monsieur Olivier SCHRAMECK
Président du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel
39, quai André Citroën
75015 PARIS
Paris, le 6 mars 2017
Lettre recommandée avec A.R.
N.REF : GWG/BB
Monsieur le Président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel,
J'ai l'honneur mais aussi le regret de vous écrire en ma qualité d'avocat du Collectif des
Usagers du Service Public de l'Audiovisuel.
Ainsi que vous le savez, cette association s'est créée aux fins de promouvoir un service public
audiovisuel enfin digne d'un pays démocratique.
Ayant constaté des manquements permanents par les entreprises chargées d'un tel service à
leur cahier des charges en matière de pluralisme et de neutralité, elle a lancé récemment une
pétition qui a recueilli d'ores et déjà près de 20 000 signatures.
J'ai donc le devoir de vous écrire aujourd'hui le présent courrier officiel de saisine, concernant
deux incidents s'étant déroulés ce même jour du 25 février sur la chaîne publique et nationale
France 2.
Le premier s'est déroulé le matin dans le cadre de l'émission « thé ou café ». La journaliste
Catherine Ceylac interviewe l'humoriste Florence Foresti :
Question : « -Avez-vous déjà souhaité la mort de quelqu'un ? »
Réponse : « - Oh sincèrement je ne crois pas… Ah si, Trump ! Mais je pense qu'il va se faire
descendre. J'ai décidé qu'il allait se faire descendre… »
La journaliste ne contredit pas son interviewée, se contentant au contraire de sourire de
manière complice et convenue.
Le second dérapage, bien plus grave, s'est déroulé lors de l'émission « phare » de la chaîne
publique « On N'est Pas Couché ».
Cette fois, c’est le responsable emblématique de l'émission, M. Laurent Ruquier qui délivre
lui-même le message assassin à l’endroit du président américain : « C'est quand même le seul
Donald dont on aimerait qu'il soit abattu pour cause de grippe aviaire »
(applaudissements)… « Notez, s'il continue comme ça, la CIA ne devrait pas tarder à lui
organiser une petite ballade à Dallas » en référence aussi implicite qu’évidente à la ville où a
été assassiné le président Kennedy.
2. Plus loin, M. Ruquier sort du registre de l'appel au meurtre pour entrer dans le domaine de
l'insulte puis, plus grave encore, du racisme. « Dire de but en blanc que Trump est un con
serait, c'est vrai, réducteur. C'est pas faux mais c’est réducteur. Il est aussi incompétent,
raciste, misogyne, vulgaire et menteur. »… « Les Américains, hélas, se rendent compte que le
danger pour les États-Unis n'était pas les musulmans, les mexicains ou les noirs mais le gros
blanc qui a été élu à la tête du pays ».
Il ne me semble pas que le fait que la présidente de France télévision ait cru devoir déplorer
lors de son intronisation qu'il y ait trop de blancs sur les antennes nationales puisse être
considéré comme un encouragement anti-blanc valant circonstances atténuantes pour l’un de
ses employés.
Tel est donc, Monsieur le Président, le message qui a été propagé à la France et au monde
(l'émission étant retransmise par la chaîne publique internationale TV5) à l'intention de
centaines de milliers de téléspectateurs.
Révérence gardée, vous me permettrez tout d'abord de m'étonner que votre haute institution
ne se soit pas saisie d'office de cette affaire qui a tellement troublé une partie du public que
des milliers de téléspectateurs s'en sont émus. Ce qui a pu être constaté aussi bien sur les
réseaux sociaux que dans des grands journaux nationaux comme le Figaro.
Même le syndicat Force Ouvrière de France Télévision, soucieux du respect de la
déontologie, a protesté contre les deux incidents précités dans le cadre d'un communiqué daté
du mardi 28 février.
Sans approuver forcément votre jurisprudence basée sur la réaction populaire, j'ai constaté
que le CSA s'était auto-saisi de certaines affaires en invoquant le trouble public, tel aurait dû
donc être le cas, il me semble, compte tenu de l'émotion publique manifeste dans la présente
espèce.
Quoi qu'il en soit, il ne me paraît pas possible que votre institution ne sanctionne pas
sévèrement les faits que je suis contraint de dénoncer aujourd'hui.
Il n'est hélas pas la peine de vous rappeler que notre pays et ses habitants ont été victimes
dernièrement d'une violence politique sans pareille. Il n'est donc pas possible de pouvoir
tolérer des appels intolérables à la violence politique ou au racisme.
A fortiori, lorsque ceux-ci sont proférés dans le cadre de l'audiovisuel d’un service public
astreint à la neutralité modérée.
Je ne sais si la cause est idéologique, et je n'ai pas à le savoir, mais c'est le service public qui
semble vouloir se faire une triste spécialité d'appeler au meurtre du président américain
récemment élu démocratiquement.
J'ai dû en effet, très récemment, vous désigner le cas de Pablo Mira qui a délivré sur la radio
nationale France Inter un appel au meurtre de D. Trump de la même mauvaise farine.
J'ai noté, dans votre réponse, que vous aviez considéré que le message criminel incriminé
relevait de la liberté de l'humoriste.
3. Sans approuver votre décision (quand un humoriste rit toujours du même côté, il ne s'agit plus
d'humour authentique), l'association que je représentais en a pris acte.
Mais dans les deux cas que je défère aujourd'hui à votre Conseil, il ne s'agit plus ni d'humour
ni d'humoriste :
- S'agissant de Mme Foresti, l'émission « thé ou café », dans laquelle elle s'exprimait n'est
pas une émission humoristique, et elle n'y faisait pas « un numéro » d'humour, quand bien
même exercerait-elle habituellement la profession d'humoriste.
- S'agissant de M. Ruquier, celui-ci n'est pas un humoriste et ne saurait être donc protégé
par cet improbable statut. Plus grave, il a même accompagné son appel au meurtre
d'explications circonstanciées de cette détestation de sa cible détestée.
J'ajouterai deux commentaires sans doute superfétatoires :
- l'humoriste Patrick Sébastien a fait l'objet d'une condamnation pénale pour avoir, dans le
cadre d'un numéro d'humour, sur TF1, chanté une chanson intitulée « casser du noir ».
- votre Conseil a sanctionné l'émission des Grandes Gueules sur RMC pour avoir moqué
Mme Nafissato Dialo, dont il n'est pas assuré qu'elle écoute la radio française tous les jours,
alors même que les participants à cette émission de grande écoute pratiquent couramment
l'humour et la dérision.
Le Collectif que j'ai l'honneur de représenter attend donc que votre Conseil veuille bien enfin
interdire aux préposés du service public audiovisuel de propager des discours de haine
violente dont certains esprits faibles autant que survoltés n'aspirent qu'à se saisir.
Veuillez agréer, Monsieur le président, mes salutations les plus vigilantes autant que
respectueuses.
Gilles-William GOLDNADEL
Pour toutes précisions www.collectif-uspa.fr