Chronique de Christophe Chaptal de Chanteloup | Harvard Business Review | L'affaire Volkswagen : et si ce n'était que la partie émergée de l'iceberg ? | 29 septembre 2015
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Article Harvard Business Review | L'affaire Volkswagen : et si ce n'était que la partie émergée de l'iceberg ?
1. L’affaire Volkswagen : et si ce n’était que la partie émergée de l’iceberg ?
Christophe Chaptal de Chanteloup
24 septembre 2015
Chroniques d’experts
Le Groupe VAG vit des heures pénibles. Martin Winterkorn, qui était à la tête de Volkswagen depuis huit ans,
a été contraint de démissionner. Deux jours auparavant, l’entreprise avait reconnu que 482 000 véhicules
vendus aux Etats-Unis (mais 11 millions dans le monde), principalement sous la marque Volkswagen (mais
aussi Audi) et munis du fameux 2 litres 4 cylindres diesel, avaient été subtilement dotés d’un logiciel
permettant de configurer la mécanique selon certains paramètres – en toute illégalité – lorsque des mesures
d’émissions polluantes étaient effectuées.
Quelles raisons ont poussé Volkswagen à adopter une conduite aussi hasardeuse, et particulièrement dans un
pays notoirement connu pour être peu complaisant avec ce type de dérapage ?
Ce contournement de la loi n’est-il limité qu’à la marque allemande ou d’autres constructeurs automobiles
sont-ils susceptibles d’enfreindre eux aussi les règles en matière de pollution ?
1. Pourquoi ce scandale a-t-il éclaté aux Etats-Unis ?
Allons à l’essentiel : en Europe, une fois les tests d’homologation passés, aucun contrôle n’est effectué a
posteriori – contrairement aux Etats-Unis où cela est possible, voire courant.
Résultat : aux Etats-Unis, afin de maintenir un compromis acceptable entre conformité aux normes, coût de
dépollution, performances et consommation, Volkswagen a pensé judicieux de disposer d’une motorisation à
double visage – respect des normes lorsque nécessaire (lors des contrôles donc), et non respect dans tous
les autres cas.
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2. 2. Pourquoi Volkswagen est-il actuellement le seul concerné ?
Tout d’abord, les constructeurs français, tels que Renault et PSA-Citroën, ne vendent pas de véhicules diesel
aux Etats-Unis, ce qui les préserve des contrôles aléatoires. Ensuite, Volkswagen a massivement misé sur un
petit (à l’échelle américaine) moteur diesel économique, performant et très peu polluant – du moins le croyait-
on – dans le but de se différencier des autres constructeurs qui équipent majoritairement leurs véhicules de
moteurs essence ou de moteurs diesel de forte cylindrée (principalement sur des utilitaires de type light
trucks).
Cette stratégie a permis à VAG de jouer notamment la carte de la faible consommation et du respect des
normes antipollution – autrement dit, de se positionner comme un constructeur responsable et vertueux.
Problème : la dépollution d’un moteur diesel est à la fois plus complexe et plus coûteux que celle d’un moteur
essence – d’où la tentation de recourir à un expédient logiciel afin d’être en mesure de satisfaire les normes
en vigueur, tout en garantissant un compromis prix de vente/plaisir de conduite acceptable.
3. Pourquoi une telle prise de risque ?
C’est sans doute là où la composante « culturelle » du constructeur germanique joue un rôle majeur. Le
Groupe VAG, auréolé de son récent titre de numéro un mondial, symbolise à fois la maîtrise technologique, la
compétence industrielle et le savoir-faire marketing.
Dans ces conditions, il se doit de proposer au marché les meilleurs véhicules, ceux qui combinent de façon la
plus éclatante performances, qualité irréprochable, sobriété et faibles niveaux de pollution… La quadrature du
cercle en quelque sorte, à laquelle le constructeur se doit d’apporter une réponse satisfaisante. Et tant pis si
cela doit se faire au prix d’une invraisemblable audace (et d’une fraude avérée).
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3. 4. Volkswagen est-il le seul à tricher ?
Question ô combien sensible! Deux aspects sont à considérer :
- la difficulté à atteindre dans des conditions économiques et techniques satisfaisantes les normes de
dépollution ;
- la tolérance entre une configuration de test et une configuration série.
Concernant le premier aspect, il apparaît assez clairement que le durcissement continu des normes anti-
pollution oblige les constructeurs à résoudre une équation qui devient de plus en plus ardue : dans un
contexte de concurrence effrénée, comment rester compétitif tout en étant pénalisé par des prix de revient en
constante augmentation du fait des impératifs de dépollution? Certains estiment que cela relève de la mission
impossible.
Concernant le second aspect, inutile de se voiler la face : tous les constructeurs « flirtent » avec plus ou
moins de retenue avec les limites du système – disposer de modèles optimisés en vue de passer les tests
avec succès, tout en faisant en sorte que les véhicules série ne s’éloignent pas de manière trop prononcée
des valeurs obtenues lors de l’homologation – ce qui s’avère plus ou moins aisé en fonction des types de
motorisation et selon que des contrôles sont effectués a posteriori ou non.
Bref, il s’agit d’un délicat exercice d’équilibre, dans lequel Volkswagen, par sentiment d’invulnérabilité, par
abus de confiance, par inconscience ou par âpreté, a magistralement dérapé. Le problème qui se pose
désormais est de savoir si Volkswagen est le seul à avoir triché – disons pudiquement qu’il n’y a aucune
raison objective pour qu’il soit un joueur isolé, même si ses compétiteurs font mine d’être surpris ou choqués.
Une chose est sûre : aucun constructeur ne peut raisonnablement se réjouir de ce qui arrive aujourd’hui, tant
la suspicion va se répandre – et donc la multiplication des contrôles en tout genre qui devraient révéler
d’autres irrégularités.
Christophe Chaptal de Chanteloup
www.cca-consulting.fr
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