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A l'ONU, il ne fait pas bon être lanceur
d'alerte
PAR CELHIA DE LAVARÈNE
ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 3 JANVIER 2016
La liste de celles et ceux qui trouvent la force de
dénoncer des abus de toutes sortes aux Nations unies a,
au fil des ans, singulièrement diminué. L'organisation
déploie un éventail infini de mesures de rétorsion à
l’encontre de quiconque ose la défier.
De notre correspondante à New York (Nations
unies).- « Lorsque la broyeuse onusienne se met en
marche, vous n’êtes plus rien », explique un lanceur
d’alerte actuellement sur la sellette pour avoir signalé
les abus de pouvoir de son chef. Sur ce point, tous les
fonctionnaires qui ont eu la malencontreuse idée de
dénoncer des manquements aux principes de l’ONU
sont unanimes : il ne fait pas bon s’opposer à une
organisation qui, bien qu’elle brandisse les droits de
l’homme en étendard, dispose d’un éventail infini de
mesures de rétorsion à l’encontre de quiconque ose
défier l’establishment. Parmi les plus usitées : non-
renouvellement de contrat, transfert immédiat, visa
annulé – ce qui oblige le fonctionnaire à quitter le pays
dans lequel il vit et travaille. « Il faut des nerfs d’acier
pour affronter la machine onusienne », reconnaît un
diplomate.
Que se passe-t-il dans la tête de celui qui décide de
dénoncer ce qu’il considère contraire aux règles ?
Comment devient-on lanceur d’alerte ? « Lorsque
j’ai rejoint les rangs de l’organisation, j’étais on
ne peut plus fier. Je croyais aux principes de la
Charte des Nations unies. Je croyais à cette idée
d’un monde meilleur. J’étais naïf peut-être. Puis je
suis allé sur le terrain et j’ai constaté que ce que
je voyais – je pense notamment aux viols, à la
corruption – ne correspondait pas à l’idée que je me
faisais de l’organisation. J’en ai eu marre de faire
semblant », m’explique un fonctionnaire qui, excédé
par l’inaction de ses supérieurs qu’il avait pourtant
avertis, a fait fuiter des documents dans la presse.
« Dès que les représailles ont commencé, je suis allé
voir le Bureau de la déontologie, mais on ne m’a
pas beaucoup aidé. Qu’aurais-je pu attendre de ce
bureau qui dépend du secrétaire général ? Où est
son principe d’indépendance ? » Des propos réfutés
par Elia Armstrong, la toute nouvelle directrice dudit
Bureau de la déontologie : « Le problème, c’est que
nous n’avons ni la possibilité de recevoir des plaintes,
ni le pouvoir d’enquêter. Nous intervenons lorsqu’il
est prouvé qu’un employé est victime de représailles en
tant que lanceur d’alerte. Notre bureau est totalement
indépendant. »
Ce qui ne semble pas être l’avis de Goolam Meeran,
le juge auprès du tribunal administratif de l’ONU,
chargé de plusieurs affaires impliquant des lanceurs
d’alerte : « Si l'indépendance et l'impartialité sont
d'une importance vitale dans le fonctionnement du
Bureau de l'éthique et de la déontologie, comme
indiqué dans le rapport du secrétaire général, il
est curieux de constater qu’aucun de ces mots ne
figure dans les termes de référence du rapport qui
a instauré le Bureau », note-t-il dans le rapport de
jugement concernant le cas d’un lanceur d’alerte.
« L'état actuel de la jurisprudence établit l'absence
totale de responsabilité du Bureau de la déontologie
et ce, en soi, porte gravement atteinte à l'objectif qui
est d'exposer les fautes et de protéger ceux qui en font
rapport en toute bonne foi », ajoute-t-il.
La politique de protection du secrétariat général contre
les représailles est entrée en vigueur en janvier 2006,
juste après le scandale pétrole contre nourriture.
À l’époque, 270 personnes, parmi lesquelles des
responsables onusiens, avaient été accusées d’avoir
favorisé des entreprises et d’avoir reçu des dessous-
de-table. Soucieuse de protéger son image salement
ternie, l’ONU décidait de créer un bureau chargé de
veiller à ce que le personnel exerce ses fonctions
en accord avec les normes d'intégrité requises par la
charte, et de protéger tous les fonctionnaires, stagiaires
ou volontaires, qui signaleraient des manquements à
l’éthique. « Notre Bureau fournit un mécanisme de
recours et de réparation aux membres du personnel
qui allèguent qu'ils ont été soumis à des mesures
de rétorsion à la suite de la dénonciation de
manquements ou pour avoir coopéré avec un audit
dûment autorisé ou une enquête. Il faut qu’ils viennent
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nous voir dès qu’ils pensent qu’ils font l’objet de
représailles pour avoir dénoncé des manquements.
Pas avant », explique Elia Armstrong.
Une situation qui rebute bon nombre de lanceurs
d’alerte potentiels, comme l’affirme l’un d’eux :
« Comment peut-on imaginer que le fait d’aller se
plaindre au Bureau de la déontologie va constituer
un rempart efficace contre les mesures de rétorsion
qui sont prises contre la personne qui aura dénoncé
la corruption de son supérieur, ou les abus sexuels
de l’un de ses collègues ? » Nombreux sont ceux
qui estiment qu’une fois qu’ils font face à des
représailles, il est déjà trop tard, et que le fait de
contester une décision défavorable en alléguant des
mesures de rétorsion – ce qui peut, par la suite,
impliquer un procès long et coûteux devant le tribunal
administratif – risque d’être de peu de consolation
pour les membres du personnel qui auront cherché
une protection en temps opportun. « Nous travaillons
actuellement sur un projet pour que les lanceurs
d’alerte puissent s’adresser à nous avant d’être
confrontés à ces mesures de rétorsion », affirme Kevin
Waite, un des employés du Bureau de la déontologie.
L’ONG américaine Government Accountability
Project (GAP), qui conseille et représente les lanceurs
d’alerte au plan judiciaire, assure que le Bureau de
la déontologie aurait été contacté 447 fois depuis sa
création par des fonctionnaires victimes de représailles
pour avoir dénoncé des manquements à l’éthique.
Selon l’ONU, seuls quatre cas auraient été retenus. Des
chiffres contestés par Elia Armstrong et Kevin Waite :
« Le GAP a participé à l’élaboration de certains de
nos amendements. Nous avons suivi leurs conseils.
Nous ne comprenons pas d’où viennent leurs chiffres
et nous le leur avons dit. Depuis le 1er
août 2011, le
Bureau a reçu 151 demandes liées à la politique de
protection contre des représailles. Huit ne relevaient
pas de sa compétence. Dans 94 cas, il a conseillé le
fonctionnaire au sujet de la procédure à suivre pour
signaler des manquements. Le Bureau a engagé un
examen préliminaire dans 49 autres affaires. Cinq
d’entre elles continuent de faire l’objet d’un examen
préliminaire et une affaire fait l’objet d’une enquête. »
« Leurs chiffres sont totalement faux », s’insurge un
ancien de l’OIOS (le Bureau des services de contrôle
interne) qui a eu plusieurs fois recours au Bureau de
la déontologie.
Parmi les cas qui ont défrayé la chronique, certains
remontent à la fin des années 1990, ce qui prouve
que rien n’a vraiment changé. Ainsi, en 1996,
André Sirois, traducteur auprès du Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR), découvre que
la corruption gangrène l’ensemble du personnel
administratif au plus haut niveau. Il avertit l’OIOS,
qui diligente une enquête. Mal lui en prend. Lui et des
collègues qui ont corroboré ses dires sont renvoyés
sur-le-champ. L’OIOS n’en a pas moins reconnu qu’il
y avait corruption au sein du TPIR et l'ensemble
du personnel administratif a été congédié. Au bout
de sept ans de tribulations judiciaires, le tribunal
administratif a conclu que le non-renouvellement du
contrat du traducteur et de ses collègues était «
vraisemblablement » lié à leur plainte pour corruption.
Ils ne gagneront pas pour autant. Leur contrat, de
deux ans seulement, ne comportait aucune close de
renouvellement. Sirois pratique aujourd’hui le droit
administratif international à New York et représente
les lanceurs d’alerte des Nations unies. Lorsque l’un
d’entre eux le contacte, il prodigue ce conseil : « Ne le
faites que si vous êtes prêt à perdre votre emploi. »
« Devenir lanceur d’alerte est un acte suicidaire pour
toute carrière professionnelle, affirme F., un ancien
enquêteur de l’OIOS, car malgré les assurances
de tous ceux qui vous conseillent de dénoncer des
manquements à l’éthique, vous vous retrouvez sans
travail, sans argent et souvent sans amis, face à
la vindicte onusienne. Et vous finissez par vous
demander si cela en valait vraiment la peine. »
En 2004, lors du dixième anniversaire du génocide
rwandais, une rumeur agite le microcosme onusien : la
boîte noire de l’avion dans lequel le président rwandais
Habyarimana a trouvé la mort serait restée pendant
dix ans dans un bureau de l’ONU – où Kigali l’avait
envoyée pour analyse – sans que quiconque s’en soit
préoccupé. F. fait partie des personnes chargées de
l’enquête. Au terme de cette dernière, il parvient à une
conclusion non conforme à la version officielle. Peu
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après, des informations fuitent dans la presse. Accusé
de les avoir divulguées, F. se voit notifier l’interdiction
de retourner dans son bureau et est escorté par trois
officiers de sécurité au moment de récupérer ses
effets personnels. Il saisit le tribunal administratif de
l’ONU et gagne son procès. Pour autant, ses ennuis
continuent. Mis au placard, traité comme un paria,
lorsque son contrat arrive à expiration, fin novembre
2006, il n’est pas renouvelé. « J’en ai bavé »,admet-
il aujourd’hui avec amertume. Avant d’ajouter que le
temps écoulé n’enlève rien à la violence de ce qu’il a
vécu.
« Le statut de lanceur d’alerte n’existe pas
aux Nations unies »
Lorsqu’elle dénonce le viol d'une réfugiée au
Sri Lanka par un membre de l'UNHCR (Haut-
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés),
Caroline Hunt-Matthes ne s’attend pas à être renvoyée.
Elle a mis dix ans avant d’obtenir réparation. En 2007,
l’Américain James Wasserstrom, alors responsable
anticorruption de l'ONU au Kosovo, avertit ses
supérieurs des pratiques corrompues de certains hauts
responsables de la Minuk (mission de l’ONU au
Kosovo.) Il est immédiatement limogé et se voit
contraint de subir une fouille effectuée par la police
onusienne. Il est mis sous enquête. Son épreuve va
durer sept ans.
En 2009, l’Américaine Ai Loan Nguyen-Kropp et son
superviseur Florin Postica, tous deux enquêteurs au
sein de l'OIOS, accusent Michael Dudley, le directeur
par intérim, d’avoir dissimulé et manipulé des preuves
dans un cas dont ils ont la charge. Les représailles
ne tardent pas. Nguyen-Kropp doit quitter son bureau
pour un cagibi et Postica qui, entre-temps, a rejoint
les rangs de l’Office de lutte anti-fraude de l’Union
européenne (Olaf) revient aux Nations unies afin
de blanchir son nom et celui de sa collègue. Mais
l’atmosphère irrespirable au sein du bureau pousse
Nguyen-Kropp à s’exiler à Vienne. Bien que le Bureau
de la déontologie ait conclu que des représailles
avaient bien été exercées à leur encontre, le secrétaire
général a nommé un comité d’enquête alternative dont
les membres n’ont ni l’expérience ni les qualifications
d’enquêteurs. L’ONU a refusé de s’expliquer sur la
façon dont ils ont été sélectionnés. Ladite enquête
alternative a coûté 200 000 dollars et le secrétaire
général a obtenu gain de cause : les faits de représailles
n’ont pas été retenus. Certes, Postica et Nguyen-Kropp
ont été blanchis de tous les faits qui leur étaient
imputés. Mais Michaël Dudley n’a jamais été inquiété.
En août 2012, Aicha Elbasri, une Américaine d’origine
marocaine, est nommée porte-parole de la Minuad,
la mission de l’Union africaine et de l’ONU au
Darfour. Un poste qu’elle va occuper un peu moins
d’un an. Quelques semaines à peine après son arrivée,
un journaliste l’appelle pour connaître la position
de la mission sur des affrontements qui viennent
d’avoir lieu dans le Nord-Darfour. Elle se renseigne.
On lui répond que la situation est calme. Dans les
jours qui suivent, les rapports qu’elle reçoit font état
d’une attaque de grande envergure sur les civils, de
personnes déplacées, de crises humanitaires. « J’ai
posé des questions et j’ai appris que la situation
était loin d’être calme. Au cours du week-end,
quatre villages avaient été attaqués par les forces
gouvernementales et de nombreuses femmes avaient
été violées. Tout cela avait été documenté par la
mission mais aucun rapport officiel n’avait été envoyé
à New York. » Lorsque ses supérieurs lui ordonnent
de s’en tenir à la version officielle et de faire en sorte
qu’elle paraisse crédible, elle refuse. « La Minuad
a délibérément induit en erreur les médias et les
membres du Conseil de sécurité. Elle a menti au public
sur la performance des troupes de l'ONU, alors qu’à
l’occasion de plusieurs incidents, elles ont échoué
dans leur mission de protéger les civils », assure-t-
elle. Elle va plus loin encore : la Minuad aurait couvert
des crimes commis par les forces gouvernementales
soudanaises, dont le ciblage ethnique des populations
Fur et Zaghawa, le déplacement forcé de milliers de
civils, les bombardements aveugles de civils suivis
d’attaques systématiques au sol, ainsi que le viol
massif et systématique de femmes et de petites filles.
Elle aurait également attisé les guerres tribales dans
le seul but de protéger les intérêts politiques du
gouvernement. Des accusations réitérées par Aicha
Elbasri le 22 octobre 2015 lors de la conférence qui
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s’est tenue à l’ONU sur la protection des lanceurs
d’alerte, en présence de David Kaye, le rapporteur
spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, qui
présentait son rapport sur la promotion et la protection
de ces droits, devant la troisième commission.
Aicha est formelle : la mission a passé sous
silence plus de seize incidents. Le rapport final
de la commission d’enquête – que l'ONU n'a
jamais rendu public – a admis que dans cinq
cas, la Minuad avait choisi de cacher des preuves
fondamentales qui établissaient la responsabilité des
forces gouvernementales soudanaises, et de leurs
mandataires, dans des attaques sur les civils et sur les
casques bleus. Après un bras de fer avec sa direction,
elle a préféré démissionner pour reprendre sa liberté
de parole. « Je venais de passer dix ans avec une
organisation que j’aimais. J’avais une carrière devant
moi. Pourtant, je n’ai pas hésité. Je ne pouvais pas me
taire. »
Le cas le plus controversé reste toutefois celui
d’Anders Kompass, le directeur des opérations du
Haut-Commissariat aux droits de l’homme, suspendu
de ses fonctions pour avoir divulgué un rapport
interne sur l'exploitation sexuelle des enfants par les
forces militaires françaises déployées en République
centrafricaine. Le traitement injuste infligé à Kompass
a provoqué la colère du personnel et contraint Ban
Ki-moon à ordonner une enquête externe pour faire
la lumière sur la gestion de l'affaire. À ce jour,
et bien qu’un tribunal l’ait formellement disculpé
et ait ordonné sa réintégration, il est toujours visé
par une enquête administrative interne. L’affaire
continue toutefois de créer des remous : le 6 octobre
dernier, Gallianne Palayret, officier des droits de
l’homme, est interviewée par la correspondante de
France Info. C’est elle qui a recueilli la première les
témoignages des enfants qui disaient avoir été violés
par des militaires français en échange de nourriture.
La journaliste explique que Gallianne a obtenu le
statut de lanceur d’alerte et qu’elle est par conséquent
protégée par ce statut et libre de sa parole. Ce qui
se révèle totalement faux : « Le statut de lanceur
d’alerte n’existe pas aux Nations unies, explique
Kevin Waite. Il n’y a aucune procédure qui désigne
les membres du personnel comme des dénonciateurs.
» « À mon avis, elle sert de couverture à l’ONU,
explique Paula Donovan, codirectrice de l’ONG Aid
Free World. On lui aura dicté ce qu’elle devait
dire. » Des propos corroborés par de nombreux
fonctionnaires : « Je vois mal l’ONU lui donner
l’autorisation de parler à la presse, affirme ce haut
fonctionnaire. Cela fait plus de 20 ans que je travaille
ici et je n’ai encore jamais vu l’ONU autoriser une
interview, excepté si elle sert ses intérêts. Ce qui
est probablement le cas. La preuve en est que non
seulement elle a conservé son travail, mais elle n’a
subi aucunes représailles. »
« Tant que les lanceurs d’alerte ne seront pas
protégés, peu auront à cœur de révéler les
actes répréhensibles dont ils sont témoins. C’est
probablement le but recherché par l’ONU », reconnaît
Beatrice Edwards, la directrice de l'ONG GAP.
Depuis janvier 2014, une loi adoptée par le Congrès
américain oblige le département d’État à prélever
15 % sur le montant de ses cotisations à l’ONU
et à ses agences si celles-ci ne protègent pas les
employés qui dénoncent la corruption. « C’est une
bonne idée, louable en soi, mais qui n’a jamais
été mise en pratique », explique un fonctionnaire
qui préfère garder l’anonymat. De fait, que peut-
on espérer d’un gouvernement qui emprisonne ses
propres lanceurs d’alerte et les prive de leurs droits
civiques ? Deux cas, parmi les plus fameux, viennent
rappeler qu’en matière de protection, il ne fait pas bon
être lanceur d’alerte aux États-Unis. Celui de Bradley
Manning, qui, durant son service en Irak, a téléchargé
des renseignements militaires, parmi lesquels plus de
500 000 rapports de l’armée ainsi que des vidéos de
combats qu’il a communiqués à Wikileaks. Manning,
devenu Chelsea, est actuellement jugé à Fort Meade,
dans le Maryland, pour des charges qui incluent une
« aide à l’ennemi ». Chelsea risque jusqu'à 20 ans
d’emprisonnement. Edward Snowden, qui représente
le cas le plus emblématique, a quitté la NSA en
emportant des documents classés secrets d’État. Il a
trouvé refuge en Russie. S’il était extradé, il risquerait
la prison à vie.
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5
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« Les lanceurs d’alerte sont des éléments clés d’une
démocratie saine et devraient être protégés et non
diabolisés par les gouvernements », écrit David
Kaye, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté
d’expression, dans son rapport. Un vœu pieux qui
ne s’applique pas, de toute évidence, aux 193 pays
membres de l’ONU.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
Directeur éditorial : François Bonnet
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.
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Mediapart, lanceurs d'alerte a l'ONU

  • 1. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/5 A l'ONU, il ne fait pas bon être lanceur d'alerte PAR CELHIA DE LAVARÈNE ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 3 JANVIER 2016 La liste de celles et ceux qui trouvent la force de dénoncer des abus de toutes sortes aux Nations unies a, au fil des ans, singulièrement diminué. L'organisation déploie un éventail infini de mesures de rétorsion à l’encontre de quiconque ose la défier. De notre correspondante à New York (Nations unies).- « Lorsque la broyeuse onusienne se met en marche, vous n’êtes plus rien », explique un lanceur d’alerte actuellement sur la sellette pour avoir signalé les abus de pouvoir de son chef. Sur ce point, tous les fonctionnaires qui ont eu la malencontreuse idée de dénoncer des manquements aux principes de l’ONU sont unanimes : il ne fait pas bon s’opposer à une organisation qui, bien qu’elle brandisse les droits de l’homme en étendard, dispose d’un éventail infini de mesures de rétorsion à l’encontre de quiconque ose défier l’establishment. Parmi les plus usitées : non- renouvellement de contrat, transfert immédiat, visa annulé – ce qui oblige le fonctionnaire à quitter le pays dans lequel il vit et travaille. « Il faut des nerfs d’acier pour affronter la machine onusienne », reconnaît un diplomate. Que se passe-t-il dans la tête de celui qui décide de dénoncer ce qu’il considère contraire aux règles ? Comment devient-on lanceur d’alerte ? « Lorsque j’ai rejoint les rangs de l’organisation, j’étais on ne peut plus fier. Je croyais aux principes de la Charte des Nations unies. Je croyais à cette idée d’un monde meilleur. J’étais naïf peut-être. Puis je suis allé sur le terrain et j’ai constaté que ce que je voyais – je pense notamment aux viols, à la corruption – ne correspondait pas à l’idée que je me faisais de l’organisation. J’en ai eu marre de faire semblant », m’explique un fonctionnaire qui, excédé par l’inaction de ses supérieurs qu’il avait pourtant avertis, a fait fuiter des documents dans la presse. « Dès que les représailles ont commencé, je suis allé voir le Bureau de la déontologie, mais on ne m’a pas beaucoup aidé. Qu’aurais-je pu attendre de ce bureau qui dépend du secrétaire général ? Où est son principe d’indépendance ? » Des propos réfutés par Elia Armstrong, la toute nouvelle directrice dudit Bureau de la déontologie : « Le problème, c’est que nous n’avons ni la possibilité de recevoir des plaintes, ni le pouvoir d’enquêter. Nous intervenons lorsqu’il est prouvé qu’un employé est victime de représailles en tant que lanceur d’alerte. Notre bureau est totalement indépendant. » Ce qui ne semble pas être l’avis de Goolam Meeran, le juge auprès du tribunal administratif de l’ONU, chargé de plusieurs affaires impliquant des lanceurs d’alerte : « Si l'indépendance et l'impartialité sont d'une importance vitale dans le fonctionnement du Bureau de l'éthique et de la déontologie, comme indiqué dans le rapport du secrétaire général, il est curieux de constater qu’aucun de ces mots ne figure dans les termes de référence du rapport qui a instauré le Bureau », note-t-il dans le rapport de jugement concernant le cas d’un lanceur d’alerte. « L'état actuel de la jurisprudence établit l'absence totale de responsabilité du Bureau de la déontologie et ce, en soi, porte gravement atteinte à l'objectif qui est d'exposer les fautes et de protéger ceux qui en font rapport en toute bonne foi », ajoute-t-il. La politique de protection du secrétariat général contre les représailles est entrée en vigueur en janvier 2006, juste après le scandale pétrole contre nourriture. À l’époque, 270 personnes, parmi lesquelles des responsables onusiens, avaient été accusées d’avoir favorisé des entreprises et d’avoir reçu des dessous- de-table. Soucieuse de protéger son image salement ternie, l’ONU décidait de créer un bureau chargé de veiller à ce que le personnel exerce ses fonctions en accord avec les normes d'intégrité requises par la charte, et de protéger tous les fonctionnaires, stagiaires ou volontaires, qui signaleraient des manquements à l’éthique. « Notre Bureau fournit un mécanisme de recours et de réparation aux membres du personnel qui allèguent qu'ils ont été soumis à des mesures de rétorsion à la suite de la dénonciation de manquements ou pour avoir coopéré avec un audit dûment autorisé ou une enquête. Il faut qu’ils viennent
  • 2. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/5 nous voir dès qu’ils pensent qu’ils font l’objet de représailles pour avoir dénoncé des manquements. Pas avant », explique Elia Armstrong. Une situation qui rebute bon nombre de lanceurs d’alerte potentiels, comme l’affirme l’un d’eux : « Comment peut-on imaginer que le fait d’aller se plaindre au Bureau de la déontologie va constituer un rempart efficace contre les mesures de rétorsion qui sont prises contre la personne qui aura dénoncé la corruption de son supérieur, ou les abus sexuels de l’un de ses collègues ? » Nombreux sont ceux qui estiment qu’une fois qu’ils font face à des représailles, il est déjà trop tard, et que le fait de contester une décision défavorable en alléguant des mesures de rétorsion – ce qui peut, par la suite, impliquer un procès long et coûteux devant le tribunal administratif – risque d’être de peu de consolation pour les membres du personnel qui auront cherché une protection en temps opportun. « Nous travaillons actuellement sur un projet pour que les lanceurs d’alerte puissent s’adresser à nous avant d’être confrontés à ces mesures de rétorsion », affirme Kevin Waite, un des employés du Bureau de la déontologie. L’ONG américaine Government Accountability Project (GAP), qui conseille et représente les lanceurs d’alerte au plan judiciaire, assure que le Bureau de la déontologie aurait été contacté 447 fois depuis sa création par des fonctionnaires victimes de représailles pour avoir dénoncé des manquements à l’éthique. Selon l’ONU, seuls quatre cas auraient été retenus. Des chiffres contestés par Elia Armstrong et Kevin Waite : « Le GAP a participé à l’élaboration de certains de nos amendements. Nous avons suivi leurs conseils. Nous ne comprenons pas d’où viennent leurs chiffres et nous le leur avons dit. Depuis le 1er août 2011, le Bureau a reçu 151 demandes liées à la politique de protection contre des représailles. Huit ne relevaient pas de sa compétence. Dans 94 cas, il a conseillé le fonctionnaire au sujet de la procédure à suivre pour signaler des manquements. Le Bureau a engagé un examen préliminaire dans 49 autres affaires. Cinq d’entre elles continuent de faire l’objet d’un examen préliminaire et une affaire fait l’objet d’une enquête. » « Leurs chiffres sont totalement faux », s’insurge un ancien de l’OIOS (le Bureau des services de contrôle interne) qui a eu plusieurs fois recours au Bureau de la déontologie. Parmi les cas qui ont défrayé la chronique, certains remontent à la fin des années 1990, ce qui prouve que rien n’a vraiment changé. Ainsi, en 1996, André Sirois, traducteur auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), découvre que la corruption gangrène l’ensemble du personnel administratif au plus haut niveau. Il avertit l’OIOS, qui diligente une enquête. Mal lui en prend. Lui et des collègues qui ont corroboré ses dires sont renvoyés sur-le-champ. L’OIOS n’en a pas moins reconnu qu’il y avait corruption au sein du TPIR et l'ensemble du personnel administratif a été congédié. Au bout de sept ans de tribulations judiciaires, le tribunal administratif a conclu que le non-renouvellement du contrat du traducteur et de ses collègues était « vraisemblablement » lié à leur plainte pour corruption. Ils ne gagneront pas pour autant. Leur contrat, de deux ans seulement, ne comportait aucune close de renouvellement. Sirois pratique aujourd’hui le droit administratif international à New York et représente les lanceurs d’alerte des Nations unies. Lorsque l’un d’entre eux le contacte, il prodigue ce conseil : « Ne le faites que si vous êtes prêt à perdre votre emploi. » « Devenir lanceur d’alerte est un acte suicidaire pour toute carrière professionnelle, affirme F., un ancien enquêteur de l’OIOS, car malgré les assurances de tous ceux qui vous conseillent de dénoncer des manquements à l’éthique, vous vous retrouvez sans travail, sans argent et souvent sans amis, face à la vindicte onusienne. Et vous finissez par vous demander si cela en valait vraiment la peine. » En 2004, lors du dixième anniversaire du génocide rwandais, une rumeur agite le microcosme onusien : la boîte noire de l’avion dans lequel le président rwandais Habyarimana a trouvé la mort serait restée pendant dix ans dans un bureau de l’ONU – où Kigali l’avait envoyée pour analyse – sans que quiconque s’en soit préoccupé. F. fait partie des personnes chargées de l’enquête. Au terme de cette dernière, il parvient à une conclusion non conforme à la version officielle. Peu
  • 3. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/5 après, des informations fuitent dans la presse. Accusé de les avoir divulguées, F. se voit notifier l’interdiction de retourner dans son bureau et est escorté par trois officiers de sécurité au moment de récupérer ses effets personnels. Il saisit le tribunal administratif de l’ONU et gagne son procès. Pour autant, ses ennuis continuent. Mis au placard, traité comme un paria, lorsque son contrat arrive à expiration, fin novembre 2006, il n’est pas renouvelé. « J’en ai bavé »,admet- il aujourd’hui avec amertume. Avant d’ajouter que le temps écoulé n’enlève rien à la violence de ce qu’il a vécu. « Le statut de lanceur d’alerte n’existe pas aux Nations unies » Lorsqu’elle dénonce le viol d'une réfugiée au Sri Lanka par un membre de l'UNHCR (Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), Caroline Hunt-Matthes ne s’attend pas à être renvoyée. Elle a mis dix ans avant d’obtenir réparation. En 2007, l’Américain James Wasserstrom, alors responsable anticorruption de l'ONU au Kosovo, avertit ses supérieurs des pratiques corrompues de certains hauts responsables de la Minuk (mission de l’ONU au Kosovo.) Il est immédiatement limogé et se voit contraint de subir une fouille effectuée par la police onusienne. Il est mis sous enquête. Son épreuve va durer sept ans. En 2009, l’Américaine Ai Loan Nguyen-Kropp et son superviseur Florin Postica, tous deux enquêteurs au sein de l'OIOS, accusent Michael Dudley, le directeur par intérim, d’avoir dissimulé et manipulé des preuves dans un cas dont ils ont la charge. Les représailles ne tardent pas. Nguyen-Kropp doit quitter son bureau pour un cagibi et Postica qui, entre-temps, a rejoint les rangs de l’Office de lutte anti-fraude de l’Union européenne (Olaf) revient aux Nations unies afin de blanchir son nom et celui de sa collègue. Mais l’atmosphère irrespirable au sein du bureau pousse Nguyen-Kropp à s’exiler à Vienne. Bien que le Bureau de la déontologie ait conclu que des représailles avaient bien été exercées à leur encontre, le secrétaire général a nommé un comité d’enquête alternative dont les membres n’ont ni l’expérience ni les qualifications d’enquêteurs. L’ONU a refusé de s’expliquer sur la façon dont ils ont été sélectionnés. Ladite enquête alternative a coûté 200 000 dollars et le secrétaire général a obtenu gain de cause : les faits de représailles n’ont pas été retenus. Certes, Postica et Nguyen-Kropp ont été blanchis de tous les faits qui leur étaient imputés. Mais Michaël Dudley n’a jamais été inquiété. En août 2012, Aicha Elbasri, une Américaine d’origine marocaine, est nommée porte-parole de la Minuad, la mission de l’Union africaine et de l’ONU au Darfour. Un poste qu’elle va occuper un peu moins d’un an. Quelques semaines à peine après son arrivée, un journaliste l’appelle pour connaître la position de la mission sur des affrontements qui viennent d’avoir lieu dans le Nord-Darfour. Elle se renseigne. On lui répond que la situation est calme. Dans les jours qui suivent, les rapports qu’elle reçoit font état d’une attaque de grande envergure sur les civils, de personnes déplacées, de crises humanitaires. « J’ai posé des questions et j’ai appris que la situation était loin d’être calme. Au cours du week-end, quatre villages avaient été attaqués par les forces gouvernementales et de nombreuses femmes avaient été violées. Tout cela avait été documenté par la mission mais aucun rapport officiel n’avait été envoyé à New York. » Lorsque ses supérieurs lui ordonnent de s’en tenir à la version officielle et de faire en sorte qu’elle paraisse crédible, elle refuse. « La Minuad a délibérément induit en erreur les médias et les membres du Conseil de sécurité. Elle a menti au public sur la performance des troupes de l'ONU, alors qu’à l’occasion de plusieurs incidents, elles ont échoué dans leur mission de protéger les civils », assure-t- elle. Elle va plus loin encore : la Minuad aurait couvert des crimes commis par les forces gouvernementales soudanaises, dont le ciblage ethnique des populations Fur et Zaghawa, le déplacement forcé de milliers de civils, les bombardements aveugles de civils suivis d’attaques systématiques au sol, ainsi que le viol massif et systématique de femmes et de petites filles. Elle aurait également attisé les guerres tribales dans le seul but de protéger les intérêts politiques du gouvernement. Des accusations réitérées par Aicha Elbasri le 22 octobre 2015 lors de la conférence qui
  • 4. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 4 4/5 s’est tenue à l’ONU sur la protection des lanceurs d’alerte, en présence de David Kaye, le rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, qui présentait son rapport sur la promotion et la protection de ces droits, devant la troisième commission. Aicha est formelle : la mission a passé sous silence plus de seize incidents. Le rapport final de la commission d’enquête – que l'ONU n'a jamais rendu public – a admis que dans cinq cas, la Minuad avait choisi de cacher des preuves fondamentales qui établissaient la responsabilité des forces gouvernementales soudanaises, et de leurs mandataires, dans des attaques sur les civils et sur les casques bleus. Après un bras de fer avec sa direction, elle a préféré démissionner pour reprendre sa liberté de parole. « Je venais de passer dix ans avec une organisation que j’aimais. J’avais une carrière devant moi. Pourtant, je n’ai pas hésité. Je ne pouvais pas me taire. » Le cas le plus controversé reste toutefois celui d’Anders Kompass, le directeur des opérations du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, suspendu de ses fonctions pour avoir divulgué un rapport interne sur l'exploitation sexuelle des enfants par les forces militaires françaises déployées en République centrafricaine. Le traitement injuste infligé à Kompass a provoqué la colère du personnel et contraint Ban Ki-moon à ordonner une enquête externe pour faire la lumière sur la gestion de l'affaire. À ce jour, et bien qu’un tribunal l’ait formellement disculpé et ait ordonné sa réintégration, il est toujours visé par une enquête administrative interne. L’affaire continue toutefois de créer des remous : le 6 octobre dernier, Gallianne Palayret, officier des droits de l’homme, est interviewée par la correspondante de France Info. C’est elle qui a recueilli la première les témoignages des enfants qui disaient avoir été violés par des militaires français en échange de nourriture. La journaliste explique que Gallianne a obtenu le statut de lanceur d’alerte et qu’elle est par conséquent protégée par ce statut et libre de sa parole. Ce qui se révèle totalement faux : « Le statut de lanceur d’alerte n’existe pas aux Nations unies, explique Kevin Waite. Il n’y a aucune procédure qui désigne les membres du personnel comme des dénonciateurs. » « À mon avis, elle sert de couverture à l’ONU, explique Paula Donovan, codirectrice de l’ONG Aid Free World. On lui aura dicté ce qu’elle devait dire. » Des propos corroborés par de nombreux fonctionnaires : « Je vois mal l’ONU lui donner l’autorisation de parler à la presse, affirme ce haut fonctionnaire. Cela fait plus de 20 ans que je travaille ici et je n’ai encore jamais vu l’ONU autoriser une interview, excepté si elle sert ses intérêts. Ce qui est probablement le cas. La preuve en est que non seulement elle a conservé son travail, mais elle n’a subi aucunes représailles. » « Tant que les lanceurs d’alerte ne seront pas protégés, peu auront à cœur de révéler les actes répréhensibles dont ils sont témoins. C’est probablement le but recherché par l’ONU », reconnaît Beatrice Edwards, la directrice de l'ONG GAP. Depuis janvier 2014, une loi adoptée par le Congrès américain oblige le département d’État à prélever 15 % sur le montant de ses cotisations à l’ONU et à ses agences si celles-ci ne protègent pas les employés qui dénoncent la corruption. « C’est une bonne idée, louable en soi, mais qui n’a jamais été mise en pratique », explique un fonctionnaire qui préfère garder l’anonymat. De fait, que peut- on espérer d’un gouvernement qui emprisonne ses propres lanceurs d’alerte et les prive de leurs droits civiques ? Deux cas, parmi les plus fameux, viennent rappeler qu’en matière de protection, il ne fait pas bon être lanceur d’alerte aux États-Unis. Celui de Bradley Manning, qui, durant son service en Irak, a téléchargé des renseignements militaires, parmi lesquels plus de 500 000 rapports de l’armée ainsi que des vidéos de combats qu’il a communiqués à Wikileaks. Manning, devenu Chelsea, est actuellement jugé à Fort Meade, dans le Maryland, pour des charges qui incluent une « aide à l’ennemi ». Chelsea risque jusqu'à 20 ans d’emprisonnement. Edward Snowden, qui représente le cas le plus emblématique, a quitté la NSA en emportant des documents classés secrets d’État. Il a trouvé refuge en Russie. S’il était extradé, il risquerait la prison à vie.
  • 5. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 5 5/5 « Les lanceurs d’alerte sont des éléments clés d’une démocratie saine et devraient être protégés et non diabolisés par les gouvernements », écrit David Kaye, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’expression, dans son rapport. Un vœu pieux qui ne s’applique pas, de toute évidence, aux 193 pays membres de l’ONU. Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 28 501,20€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Gérard Cicurel, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart. Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris Courriel : contact@mediapart.fr Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08 Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90 Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions simplifiée au capital de 28 501,20€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS, dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris. Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012 Paris.