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Les Foules
   Spleen de Paris XII - 1er novembre 1861
   Vous souvenez-vous dʼun tableau (en vérité, cʼest un tableau !) écrit
par la plus puissante plume de cette époque, et qui a pour titre
lʼHomme des foules  ? Derrière la vitre dʼun café, un convalescent,
contemplant la foule avec jouissance, se mêle, par la pensée, à toutes
les pensées qui sʼagitent autour de lui. Revenu récemment des
ombres de la mort, il aspire avec délices tous les germes et tous les
effluves de la vie  ; comme il a été sur le point de tout oublier, il se
souvient et veut avec ardeur se souvenir de tout. Finalement, il se
précipite à travers cette foule à la recherche dʼun inconnu dont la
physionomie entrevue lʼa, en un clin dʼœil, fasciné. La curiosité est
devenue une passion fatale, irrésistible !
   Supposez un artiste qui serait toujours, spirituellement, à lʼétat du
convalescent, et vous aurez la clef du caractère de M. G.


                          in Le Peintre de la vie moderne, C.Baudelaire
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Introduction
Paru en 1861, ce poème s’inspire du conte d’Edgar Poe,
l’Homme des foules (titre initialement prévu pour le Spleen de
Paris). Baudelaire en était le traducteur, mais aussi
l’admirateur. Dans cette oeuvre, il s’approprie l’idée de
l’observateur extérieur qui se mêle à la foule pour
mieux en jouir.
Nous pourrons donc étudier dans ce texte la figure du
poète, à la fois solitaire, et solidaire de la foule.
I. L’identification à la foule
I. L’identification à la foule
1. l’identification à autrui
I. L’identification à la foule
 1. l’identification à autrui
rapport à la foule = forme de relation au genre
humain; le poète n’est donc pas misanthrope, il se
mêle à autrui par un bain de multitude, et va jusqu’à
l’identification en entr[ant] quand il veut, dans le
personnage de chacun + (travestissement et masque).
I. L’identification à la foule
 1. l’identification à autrui
rapport à la foule = forme de relation au genre
humain; le poète n’est donc pas misanthrope, il se
mêle à autrui par un bain de multitude, et va jusqu’à
l’identification en entr[ant] quand il veut, dans le
personnage de chacun + (travestissement et masque).
Par cette universelle communion, le poète se fond ds
les foules, mais aussi ds chaque individu en particulier
(à l’inconnu qui passe)
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
I. L’identification à la foule
I. L’identification à la foule
2. les sentiments du poète
I. L’identification à la foule
2. les sentiments du poète
C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique :
I. L’identification à la foule
2. les sentiments du poète
C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique :
- de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce
privilège, jouissances fièvreuses)
I. L’identification à la foule
2. les sentiments du poète
C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique :
- de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce
privilège, jouissances fièvreuses)
- de l’orgie (sainte prostitution, ribote de vitalité)
I. L’identification à la foule
2. les sentiments du poète
C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique :
- de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce
privilège, jouissances fièvreuses)
- de l’orgie (sainte prostitution, ribote de vitalité)
- du bonheur
I. L’identification à la foule
 2. les sentiments du poète
 C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique :
  - de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce
  privilège, jouissances fièvreuses)
  - de l’orgie (sainte prostitution, ribote de vitalité)
  - du bonheur
Mais il s’agit d’une jouissance chaste et pure («leur vie si
chaste» = métaphore religieuse des pasteurs de peuples
et des prêtres missionnaires) qui provient aussi du
plaisir gratuit du jeu pour ceux qui ont le goût du
travestissement et du masque
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
      Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et
autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
        Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses,
dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
      Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et
autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
        Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses,
dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
      Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et
autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
        Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses,
dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
I. L’identification à la foule
I. L’identification à la foule
3. la foule urbaine
I. L’identification à la foule
    3. la foule urbaine
La ville est une des principales sources d’inspiration
pour Baudelaire, poète de la modernité. (rappel Spleen de Paris)
I. L’identification à la foule
     3. la foule urbaine
 La ville est une des principales sources d’inspiration
 pour Baudelaire, poète de la modernité. (rappel Spleen de Paris)
Les Foules sont pour lui le lieu de l’affairement, de
l’effervescence et du mouvement de ceux qui
comme lui ont la haine du domicile et la passion du
voyage.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.                            ...la grande Maladie de l’horreur du Domicile...
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Transition : cette osmose met paradoxalement en
valeur le caractère exceptionnel du poète qui s’en
      inspire pour la modernité de sa poésie




          Constantin Guys : Deux grisettes et deux soldats. Vers 1860. Londres, Courtauld Institute of Art
                              source inernet : http://www.encyclopedie.bseditions.fr/
II. Une solitude féconde
II. Une solitude féconde
1. un dandy urbain
II. Une solitude féconde
    1. un dandy urbain
Jouir de la foule n’est pas donné à chacun,c’est tout
un art : il faut être solitaire, pensif, ouvert à autrui, et
non fermé comme un coffre ou interné comme un
mollusque
II. Une solitude féconde
    1. un dandy urbain
Jouir de la foule n’est pas donné à chacun,c’est tout
un art : il faut être solitaire, pensif, ouvert à autrui, et
non fermé comme un coffre ou interné comme un
mollusque
Baudelaire évoque pour cela le privilège du poète,
privilège qu’il met en valeur par une assonance en [ i ]
mais aussi par la tournure sophistiquée de la relative
rejetée loin de l’antécédant (...à qui une fée...)
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de
la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre
humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau
le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la
passion du voyage.
    Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et
fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul
dans une foule affairée.
    Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être
lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il
entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout
est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est
qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
   (.....)
... il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de
la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre
humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau
le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la
passion du voyage. ➙ proposition subordonnée relative
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de
la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre
humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau
le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la
passion du voyage. ➙ proposition subordonnée relative


              =   Seul, celui à qui une fée a insufflé
             dans son berceau le goût du
             travestissement et du masque peut
             faire etc...
II. Une solitude féconde
II. Une solitude féconde
2. le goût du paradoxe
II. Une solitude féconde
  2. le goût du paradoxe
Cette attitude duelle est soulignée par une
accumulation d’antithèses, d’oxymores et la
mise en place d’un rythme binaire
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
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et la passion2du voyage.                            1                             2
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
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et la passion2du voyage.                            1                             2
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
                                                1                     2             1
et la passion2du voyage.                            1                             2
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
II. Une solitude féconde
II. Une solitude féconde
3. une vision de moraliste
II. Une solitude féconde
3. une vision de moraliste
La solitude de l’artiste est celle du génie, et non celle
de l’égoïste, elle est donc féconde (cf poète actif et fécond).
II. Une solitude féconde
3. une vision de moraliste
La solitude de l’artiste est celle du génie, et non celle
de l’égoïste, elle est donc féconde (cf poète actif et fécond).
Des termes valorisants renvoient à l’activité artistique :
vaste famille que leur génie s’est faite,... poésie et charité,... jouir de
la foule est un art.
II. Une solitude féconde
3. une vision de moraliste
La solitude de l’artiste est celle du génie, et non celle
de l’égoïste, elle est donc féconde (cf poète actif et fécond).
Des termes valorisants renvoient à l’activité artistique :
vaste famille que leur génie s’est faite,... poésie et charité,... jouir de
la foule est un art.
NombreuX aphorismes et paradoxes, ds la lignée des
moralistes du XVIIème siècle : Baudelaire veut offrir un regard
sur l’homme, à la fois investi (= de l’intérieur) et surplombant.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui
êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.
       Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle
communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont
seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné
comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et
toutes les misères que la circonstance lui présente.
   Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé
à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie
et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.
   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires
exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art;
et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée
a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile
et la passion du voyage.
   Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait
pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
   Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui.
Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le
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   Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier
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un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus
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exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses
ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois
de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
Conclusion
  Pour Baudelaire, «la vie parisienne est féconde en sujets
 poétiques et merveilleux». Ce poème montre comment le
poète sait se mêler aux foules, sans perdre son originalité ;
 comment l’artiste puise dans les foules, dans un immense
       Acte d’Amour, le moyen d’atteindre le spirituel

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  • 1. Les Foules Spleen de Paris XII - 1er novembre 1861 Vous souvenez-vous dʼun tableau (en vérité, cʼest un tableau !) écrit par la plus puissante plume de cette époque, et qui a pour titre lʼHomme des foules  ? Derrière la vitre dʼun café, un convalescent, contemplant la foule avec jouissance, se mêle, par la pensée, à toutes les pensées qui sʼagitent autour de lui. Revenu récemment des ombres de la mort, il aspire avec délices tous les germes et tous les effluves de la vie  ; comme il a été sur le point de tout oublier, il se souvient et veut avec ardeur se souvenir de tout. Finalement, il se précipite à travers cette foule à la recherche dʼun inconnu dont la physionomie entrevue lʼa, en un clin dʼœil, fasciné. La curiosité est devenue une passion fatale, irrésistible ! Supposez un artiste qui serait toujours, spirituellement, à lʼétat du convalescent, et vous aurez la clef du caractère de M. G. in Le Peintre de la vie moderne, C.Baudelaire
  • 2. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 3. Introduction Paru en 1861, ce poème s’inspire du conte d’Edgar Poe, l’Homme des foules (titre initialement prévu pour le Spleen de Paris). Baudelaire en était le traducteur, mais aussi l’admirateur. Dans cette oeuvre, il s’approprie l’idée de l’observateur extérieur qui se mêle à la foule pour mieux en jouir. Nous pourrons donc étudier dans ce texte la figure du poète, à la fois solitaire, et solidaire de la foule.
  • 5. I. L’identification à la foule 1. l’identification à autrui
  • 6. I. L’identification à la foule 1. l’identification à autrui rapport à la foule = forme de relation au genre humain; le poète n’est donc pas misanthrope, il se mêle à autrui par un bain de multitude, et va jusqu’à l’identification en entr[ant] quand il veut, dans le personnage de chacun + (travestissement et masque).
  • 7. I. L’identification à la foule 1. l’identification à autrui rapport à la foule = forme de relation au genre humain; le poète n’est donc pas misanthrope, il se mêle à autrui par un bain de multitude, et va jusqu’à l’identification en entr[ant] quand il veut, dans le personnage de chacun + (travestissement et masque). Par cette universelle communion, le poète se fond ds les foules, mais aussi ds chaque individu en particulier (à l’inconnu qui passe)
  • 8. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 10. I. L’identification à la foule 2. les sentiments du poète
  • 11. I. L’identification à la foule 2. les sentiments du poète C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique :
  • 12. I. L’identification à la foule 2. les sentiments du poète C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique : - de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce privilège, jouissances fièvreuses)
  • 13. I. L’identification à la foule 2. les sentiments du poète C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique : - de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce privilège, jouissances fièvreuses) - de l’orgie (sainte prostitution, ribote de vitalité)
  • 14. I. L’identification à la foule 2. les sentiments du poète C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique : - de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce privilège, jouissances fièvreuses) - de l’orgie (sainte prostitution, ribote de vitalité) - du bonheur
  • 15. I. L’identification à la foule 2. les sentiments du poète C’est le plaisir qui domine, comme le traduit le lexique : - de la jouissance (jouir de la foule, le poète jouit de ce privilège, jouissances fièvreuses) - de l’orgie (sainte prostitution, ribote de vitalité) - du bonheur Mais il s’agit d’une jouissance chaste et pure («leur vie si chaste» = métaphore religieuse des pasteurs de peuples et des prêtres missionnaires) qui provient aussi du plaisir gratuit du jeu pour ceux qui ont le goût du travestissement et du masque
  • 16. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 17. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 18. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 20. I. L’identification à la foule 3. la foule urbaine
  • 21. I. L’identification à la foule 3. la foule urbaine La ville est une des principales sources d’inspiration pour Baudelaire, poète de la modernité. (rappel Spleen de Paris)
  • 22. I. L’identification à la foule 3. la foule urbaine La ville est une des principales sources d’inspiration pour Baudelaire, poète de la modernité. (rappel Spleen de Paris) Les Foules sont pour lui le lieu de l’affairement, de l’effervescence et du mouvement de ceux qui comme lui ont la haine du domicile et la passion du voyage.
  • 23. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 24. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. ...la grande Maladie de l’horreur du Domicile... Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 25. Transition : cette osmose met paradoxalement en valeur le caractère exceptionnel du poète qui s’en inspire pour la modernité de sa poésie Constantin Guys : Deux grisettes et deux soldats. Vers 1860. Londres, Courtauld Institute of Art source inernet : http://www.encyclopedie.bseditions.fr/
  • 26. II. Une solitude féconde
  • 27. II. Une solitude féconde 1. un dandy urbain
  • 28. II. Une solitude féconde 1. un dandy urbain Jouir de la foule n’est pas donné à chacun,c’est tout un art : il faut être solitaire, pensif, ouvert à autrui, et non fermé comme un coffre ou interné comme un mollusque
  • 29. II. Une solitude féconde 1. un dandy urbain Jouir de la foule n’est pas donné à chacun,c’est tout un art : il faut être solitaire, pensif, ouvert à autrui, et non fermé comme un coffre ou interné comme un mollusque Baudelaire évoque pour cela le privilège du poète, privilège qu’il met en valeur par une assonance en [ i ] mais aussi par la tournure sophistiquée de la relative rejetée loin de l’antécédant (...à qui une fée...)
  • 30. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. (.....) ... il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés.
  • 31. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. ➙ proposition subordonnée relative
  • 32. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. ➙ proposition subordonnée relative = Seul, celui à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque peut faire etc...
  • 33. II. Une solitude féconde
  • 34. II. Une solitude féconde 2. le goût du paradoxe
  • 35. II. Une solitude féconde 2. le goût du paradoxe Cette attitude duelle est soulignée par une accumulation d’antithèses, d’oxymores et la mise en place d’un rythme binaire
  • 36. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile 1 2 1 et la passion2du voyage. 1 2 Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 37. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile 1 2 1 et la passion2du voyage. 1 2 Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 38. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile 1 2 1 et la passion2du voyage. 1 2 Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 39. II. Une solitude féconde
  • 40. II. Une solitude féconde 3. une vision de moraliste
  • 41. II. Une solitude féconde 3. une vision de moraliste La solitude de l’artiste est celle du génie, et non celle de l’égoïste, elle est donc féconde (cf poète actif et fécond).
  • 42. II. Une solitude féconde 3. une vision de moraliste La solitude de l’artiste est celle du génie, et non celle de l’égoïste, elle est donc féconde (cf poète actif et fécond). Des termes valorisants renvoient à l’activité artistique : vaste famille que leur génie s’est faite,... poésie et charité,... jouir de la foule est un art.
  • 43. II. Une solitude féconde 3. une vision de moraliste La solitude de l’artiste est celle du génie, et non celle de l’égoïste, elle est donc féconde (cf poète actif et fécond). Des termes valorisants renvoient à l’activité artistique : vaste famille que leur génie s’est faite,... poésie et charité,... jouir de la foule est un art. NombreuX aphorismes et paradoxes, ds la lignée des moralistes du XVIIème siècle : Baudelaire veut offrir un regard sur l’homme, à la fois investi (= de l’intérieur) et surplombant.
  • 44. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 45. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 46. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 47. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 48. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 49. Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage. Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée. Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées. Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privé l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe. Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agitée et pour leur vie si chaste.
  • 50. Conclusion Pour Baudelaire, «la vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux». Ce poème montre comment le poète sait se mêler aux foules, sans perdre son originalité ; comment l’artiste puise dans les foules, dans un immense Acte d’Amour, le moyen d’atteindre le spirituel

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