Les contenus liés au suicide trouvés sur Internet ont largement été documentés. Cependant, les recherches se sont souvent limitées aux contenus accessibles via les moteurs de recherche traditionnels. L’ensemble des contenus non-indexés par ces moteurs de recherche - le Deep Web - n’a pas été étudié par le domaine de la suicidologie. Le Deep Web comprend, entre autres, des réseaux fermés appelés Darknets permettant aux internautes de naviguer en ligne de façon anonyme et d’accéder à des sites exclusifs au réseau. Certains logiciels tel The Onion Router (TOR) permettent d’accéder aux Darknets. Gratuit et populaire, TOR est constitué de plusieurs relais entre l’internaute et les sites visités et permet d’accéder à des contenus Deep Web et Surface Web.
Affiche présentée dans le cadre de la journée scientifique de l’Unité de Psychologie de la Santé de l’Université de Liège, l’Association Francophone de Psychologie de la Santé et la Clinique Psychologique et Logopédique Universitaire portant sur l’utilisation des outils numériques en psychologie de la santé
Phénomène nouveau? Population difficile d’atteinte? Contexte étranger? Différ...
Suicide et darknet_affiche_26042018
1. Plourde-Léveillé, L.; Corthésy-Blondin, L.; Côté L.P.; Dargis, L.; Mishara, B.L. & Mörch, C.M.*
*Pour correspondre, contacter morch.carl-maria@uqam.ca
Contexte
Les contenus liés au suicide trouvés sur
Internet ont largement été documentés.
Cependant, les recherches se sont souvent
limitées aux contenus accessibles via les
moteurs de recherche traditionnels.
L’ensemble des contenus non-indexés par
ces moteurs de recherche - le Deep Web -
n’a pas été étudié par le domaine de la
suicidologie. Le Deep Web comprend,
entre autres, des réseaux fermés appelés
Darknets permettant aux internautes de
naviguer en ligne de façon anonyme et
d’accéder à des sites exclusifs au réseau.
Certains logiciels tel The Onion Router
(TOR) permettent d’accéder aux Darknets.
Gratuit et populaire, TOR est constitué de
plusieurs relais entre l’internaute et les
sites visités et permet d’accéder à des
contenus Deep Web et Surface Web.
Objectif
Décrire les contenus liés au suicide
auxquels les utilisateurs de TOR pourraient
accéder.
Méthode
Cette recherche a répliqué et adapté une étude de Biddle et al. (2016) visant à répertorier les contenus
suicidaires de 480 sites du Surface web. Le protocole utilisé par Biddle et al. a été appliqué au Darknet
TOR en utilisant 8 moteurs de recherche alternatifs populaires. Parmi ceux-ci, 5 sont exclusifs à TOR, 1
est un moteur surface qui permet d’accéder aux contenus sur TOR sans télécharger le logiciel, 1 autre
moteur surface web est intégré au fureteur TOR et donne accès aux contenus du Surface Web, tandis
qu’un dernier réfère aux Darkmarkets.
2 requêtes de recherche (« Suicide » et « Suicide methods ») ont été sélectionnées parmi les 12
combinaisons utilisées par Biddle et al. Elles ont été appliquées à chacun des moteur de recherche. Le
contenu des 30 premiers liens (lorsque disponibles) pour chaque requête a été analysé par deux
codeurs. Chaque page web fournie par les requêtes a été classifiée dans une seule des 12 catégories
de la grille de codage développée par Biddle et al. Les classifications ont été effectuées l’atteinte d’un
consensus entre les deux codeur.
Résultats
476 sites ont été répertoriés puis catégorisés. 52.9% (252) des résultats n’étaient pas exploitables: 149
sites étaient non-pertinents par rapport aux termes clés (hors sujet) et 103 sites étaient non-
accessibles. 4.3% (n = 25) des sites comportaient des informations reliées au suicide sans toutefois y
être spécifiquement dédiés. 4% (n = 19) des sites étaient spécifiquement liés au suicide et décrivaient
les méthodes de suicide sans les encourager. 70% des sites étaient des chat rooms, blogs,
imageboards et forums anonymes de discussion dont la moitié était spécifiquement dédiés au suicide et
11 d’entre eux abordaient le sujet avec un angle pro-suicide. Seulement 13 sites (2.7%) étaient dédiés
à la prévention du suicide. Parmi les 25 sites (5.3%) comportant des informations sur le suicide, certains
donnaient de l’information factuelle sur le suicide en général (13) et d’autres sur les méthodes de
suicide plus spécifiquement (10).
Discussion
On relève des différences entre nos
résultats et ceux de Biddle et al. D’abord,
pour les mêmes recherches, moins
d’information pro- et anti-suicide, moins
d’information factuelle et de sites de
prévention du suicide sont accessibles par
TOR que par le Surface Web. Ensuite, TOR
donne plus fréquemment accès à des sites
interactifs traitant du suicide. Notamment,
des pages de discussion pro-suicide ont
souvent été suggérées. Enfin, les
recherches sur TOR fournissent des sites
non-exploitables nettement plus souvent que
les recherches sur le web de surface.
Références
Biddle, L., Derges, J., Mars, B., Heron, J., Donovan, J. L., Potokar, J., ... & Gunnell, D. (2016). Suicide and the Internet: Changes in the accessibility of suicide-related information between 2007 and
2014. Journal of affective disorders, 190, 370-375.
Moteurs de recherche
Mots clés
Total
« Suicide » « Suicide methods »
EXCLUSIF À TOR (n=5) 296 (62.18%)
Ahmia 5 12 17
Candle 20 19 39
Torch 30 30 60
Hidden Wiki 30 30 60
TORCH: Tor Search Engine 30 30 60
Notevil 30 30 60
PASSERELLE (n=1) 60 (12.61%)
Onion.link 30 30 60
PRIVÉ (n=1) 60 (12.61%)
Duckduckgo 30 30 60
DARKMARKET (n=1) 60 (12.61%)
Grams 30 30 60
TOTAL 235 241 476
Type de site: N (%)
Sites dédiés au suicide 19 (4)
Information sur le suicide 25 (5.3)
Sites anti-suicide 3 (0.6)
Sites de prévention du suicide 13 (2.7)
Sites académique ou de politiques 10 (2.1)
Site non pertinent aux requêtes 149 (31.3)
Nouvelles sur les suicide d’individus 5 (1.1)
Sites interactifs généraux 35 (7.4)
Sites interactifs traitant du suicide 35 (7.4)
Référence anecdotique au suicide 79 (16.6)
Page non-accessible 103 (21.6)
Collection d’images 0 (0)
TOTAL 476 (100)
Résultats (suite)
Tableau 2. Fréquence des sites par catégorie
Tableau 1. Nombre de sites analysés par moteur de recherche et par requête
Conclusion
La recherche d’information sur le suicide via
les moteurs de recherche sur TOR s’avère
moins fructueuse que celle sur le Surface
Web. Toutefois, ces résultats ne permettent
pas d’affirmer qu’il existe moins de
contenus liés au suicide accessibles via
TOR. L’imprécision des algorithmes des
moteurs de recherche utilisés dans cette
étude pourrait être en cause. La présence
de contenus liés au suicide accessibles via
TOR et l’utilisation croissante de ce Darknet
justifient l’importance de s’intéresser à ce
phénomène dans une perspective de
prévention du suicide.