1. UNIVERSITE PARIS 7 – DENIS DIDEROT
UFR biologie et SCIENCES DE LA NATURE
Année 2005 N° d’ordre :
THESE
pour l’obtention du diplôme de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS 7
SPECIALITE : PHYSIOLOGIE DU DEVELOPPEMENT
ET DE LA DIFFERENCIATION FONCTIONNELLE
présentée et soutenue publiquement
par
Audrey PETITJEAN
le 21 octobre 2005
Expression et activité des isoformes de p63
dans les cellules de Carcinome HépatoCellulaire
Directeur de thèse :
Docteur Claude CARON DE FROMENTEL
JURY
Docteur Jean BENARD, Rapporteur
Docteur Claude CARON DE FROMENTEL, Directeur de thèse
Docteur Pierre HAINAUT, Examinateur
Professeur Jean-Yves SCOAZEC, Rapporteur
Professeur Mireille VIGUIER, Examinateur
3. Remerciements
Je remercie le Professeur Jean-Yves Scoazec et le Docteur Jean Bénard d’avoir
accepté d’être rapporteurs dans mon jury de thèse. Je les remercie d’avoir pris le temps de lire
et de juger mon travail malgré leur emploi du temps chargé.
Je remercie le Professeur Mireille Viguier d’avoir accepté de faire partie de mon jury
de thèse et de s’intéresser à mon travail.
Je remercie le Docteur Pierre Hainaut d’avoir accepté de faire partie de mon jury de
thèse. Je le remercie également chaleureusement de m’avoir accueillie dans son groupe de
Cancérogenèse moléculaire, au Centre International de Recherche sur le Cancer, à Lyon. Je le
remercie pour ses grandes qualités scientifiques et son extrême gentillesse. En outre, en
m’offrant l’opportunité d’intégrer son équipe, il m’a permis de bénéficier de toute l’expertise
de son laboratoire dans le domaine de la famille p53 et de côtoyer des personnes possédant de
nombreuses qualités tant humaines que scientifiques.
Je remercie mon directeur de thèse, le Docteur Claude Caron de Fromentel. Je lui suis
reconnaissante de m’avoir donné l’opportunité de faire mes débuts dans un laboratoire de
recherche, il y a un peu plus de 5 ans maintenant. Cela n’a pas toujours été facile de la suivre
d’un laboratoire à l’autre au cours de ces dernières années, mais je suis tenace et j’y serai
finalement arrivée ! Je la remercie de m’avoir initiée aux joies de la biologie moléculaire et de
la biologie cellulaire, de m’avoir fait bénéficier de ses nombreuses connaissances sur p53 et
de m’avoir permis d’initier avec elle cette nouvelle ère de la famille p53. Merci pour les
nombreuses discussions enrichissantes que nous aurons eues, et merci d’avoir toujours pris le
temps d’écouter mes questions, mes "délires p63-dépendants" et mes états d’âmes. Je la
remercie notamment vivement pour son soutien sans faille lors des derniers mois difficiles de
ma thèse et pour toutes les qualités humaines dont elle sait faire preuve malgré un quotidien
bousculé.
Je remercie le Professeur Alain Ktorza d’avoir cru en moi et de m’avoir acceptée dans
son DEA de Physiologie du Développement et de la Différenciation fonctionnelle.
3
4. Je remercie le Professeur Christian Boitard d’avoir accepté, au cours de ma première
année de thèse, que je poursuive mon travail à Lyon.
Je remercie le Docteur Pascale Briand de m’avoir permis de faire mon stage de
maîtrise, puis mon DEA et le début de ma thèse au sein de son laboratoire de Génétique et
Pathologie Expérimentales, à l’Institut Cochin, à Paris.
Je remercie le Docteur Virginie Joulin pour l’intérêt qu’elle m’a porté et ses conseils.
Je remercie le Professeur Alain Puisieux de m’avoir accueillie dans son laboratoire
d’Oncogenèse et Progression Tumorale, au Centre Léon Bérard, à Lyon, où j’ai pu terminer
ma thèse dans d’excellentes conditions.
Je remercie le Docteur Jean-François Doré de m’avoir intégrée au sein de l’équipe
"Réponses cellulaires aux agents génotoxiques" et de m’avoir fait bénéficié de son
expérience.
Un merci particulier au Docteur Catherine Cavard de m’avoir offert la chance de
travailler avec elle et Claude à l’Institut Cochin. Je sais que tu as suivi toutes mes "aventures"
avec attention par la suite. Merci d’avoir toujours été présente et de bons conseils.
Je remercie également tous les étudiants que j’ai eu l’occasion de côtoyer durant ma
thèse :
- Samia Hamimes et Séverine Seemann, pour les nombreuses discussions scientifiques et
philosophico-personnelles que nous aurons partagées, pour les remises en question que
nous aurons traversées au même moment, bref tout simplement pour notre expérience de
thésarde vécue ensemble ;
- Hong Shi (Iris, c’est plus simple !), pour sa présence, sa gentillesse, sa discrétion, son
calme olympien en toute circonstance, sa soif de découverte : courage Iris, tu réussiras à
dompter tes clones et à sortir de la pièce de culture pour aller… au hasard : en Suisse !
- Sabine Roman, pour son extrême gentillesse, sa disponibilité, sa joie de vivre et son
humilité : si tu n’existais pas, Sabine, il faudrait t’inventer ! Bienvenue et bonne chance
dans le monde de p63 ;
4
5. - Estelle Taranchon, pour tout ce que nous avons partagé ensemble d’abord dans le labo, et
puis en dehors, même après ton départ dans la région parisienne (alors, c’est comment par
chez moi ?!...) : merci de ton écoute et de ta grande lucidité ;
- Stéphanie Courtois-Cox et Olivier Pluquet, pour leur passion contagieuse de la recherche,
leurs conseils, les discussions et les moments -pas assez nombreux- partagés ensemble
avant qu’ils ne traversent l’océan ;
- Florence Le Calvez, Emanuela de Moraes et Kasia Szymanska, pour les moments vécus
ensemble avant qu’elles ne partent elles aussi vers d’autres contrées ;
- Charlotte Ruptier et Violaine Tribollet, pour ces derniers mois où nous avons partagé une
partie de la grande aventure "des isoformes de p63 dans les Hep3B" : merci de votre
gentillesse, de votre disponibilité et de votre aide précieuse et de qualité dans les manips.
Bon courage à toutes les deux pour la suite ;
- Flavie Chardon, pour toutes ses qualités : merci d’avoir fait en sorte que ma première
expérience d’encadrement d’étudiant se passe si bien et de m’avoir donné envie de
recommencer ;
- Merci également à : Aurélia, Caroline, Dominique, Emilie, Elodie, Ewy, Jérémy, Mounia,
Stéphanie, Virginie, Yannick.
Je remercie l’ensemble des ex-U380éens, MOCéens, REPéens et U590éens pour leur
accueil, leur gentillesse et leur disponibilité.
Un merci particulier à :
- Gisèle Grimber, pour son dynamisme et sa présence ;
- Ghyslaine Martel-Planche et Agnès Hautefeuille, pour leur présence indispensable dans le
laboratoire, leur écoute et leurs immenses qualités humaines ;
- Thibault Voetzel, pour sa gentillesse et sa disponibilité ;
- Marie-Christine Chignol, pour sa patience à mon égard : merci d’avoir écouté mes
nombreux états d’âme ces derniers mois.
Je remercie tous les enseignants des universités Paris VII-Denis Diderot et Claude
Bernard-Lyon I avec qui j’ai eu l’occasion de travailler durant mon monitorat et mon année
d’ATER. Merci de m’avoir fait découvrir "le côté obscur de la force" dans de bonnes
conditions et de m’avoir toujours écoutée, épaulée et aidée. Grâce à vous, je me suis investie
avec enthousiasme dans cette activité qui me semble totalement complémentaire de la
5
6. recherche. Cela n’a pas toujours été facile de le concilier avec mon travail en laboratoire, mais
vous m’avez permis d’apprendre à aimer l’enseignement, que je ne connaissais pas.
Je remercie tous mes amis, et particulièrement les "MoïMoï" : après la maîtrise à
Bobigny, ça n’a pas toujours été facile de conserver le contact durant nos thèses respectives
(surtout quand je suis partie à Lyon !), mais nous avons su le faire. Je vous remercie de votre
amitié, de votre présence et de votre soutien sans faille. A très bientôt.
Je remercie évidemment les pongistes pavillonnais et lyonnais grâce à qui j’ai pu
décompresser : merci pour les entraînements qui m’ont permis de me changer les idées quand
p63 prenait trop de place dans ma tête, pour les compétitions à travers la France et les week-
ends d’évasion qui en ont découlé, pour les délires partagés ensemble et… que la fête
continue !...
Je remercie tout particulièrement ma famille : papa, maman, Cédric et Anne-Céline.
Merci d’avoir toujours été présents, d’avoir accepté mon investissement dans les études,
d’avoir compris et respecté la motivation qui m’animait. Merci pour votre soutien, votre aide,
votre présence. Vous voyez, cela n’aura pas été en vain : j’arrive enfin au bout !
Une spéciale dédicace à la "grande", qui me connaît mieux que quiconque : merci
d’être toujours présente quoiqu’il arrive, de prendre le temps de m’écouter et de me
conseiller. Merci de ta force et de ton courage, toi qui as traversé de si dures épreuves ces
derniers mois ! Ne pense plus qu’à une chose maintenant : profiter de la vie et de ta toute
nouvelle petite famille !... Gros bisous à ‘tit bout de la part de sa tata.
Je tiens enfin à exprimer ma profonde gratitude à vous tous, qui avez été si présents
pour moi au début de cette année, lorsque "la machine a commencé à se dérégler". Vous avez
fait preuve d’une immense solidarité à mon égard qui m’a réellement touchée. Merci pour
cela et sachez que j’ai partagé avec vous tous bien plus que 4 années de thèse, mais une
aventure humaine qui m’aura profondément changée.
6
7. Avant-propos
Le cancer est un fléau mondial qui représente une préoccupation majeure en terme de
santé publique. Cette maladie, à laquelle tout le monde est un jour confronté, personnellement
ou par l’intermédiaire d’un proche, reste mal connue. Un des principaux enjeux de la
recherche aujourd’hui est la compréhension des mécanismes moléculaires qui mènent à
l’émergence, à la sélection et à la multiplication de "cellules folles" dans l’organisme. Cette
connaissance a pour base la caractérisation des altérations liées à la maladie, une étape
nécessaire à l’identification de potentielles cibles thérapeutiques permettant d’innover et
d’adapter les traitements. Et grâce au développement des puces à ADN, les fameuses "cartes
d’identité des tumeurs" pourront probablement être mises en place. A terme, dans un monde
idéal, chaque patient devrait ainsi pouvoir bénéficier d’un traitement efficace qui lui serait
propre et parfaitement adapté à "son" cancer.
Dans cette optique, comprendre les mécanismes d’action de la radiothérapie et des
molécules utilisées actuellement en chimiothérapie afin de mieux les utiliser représente
également un enjeu majeur dans le combat contre la maladie.
Avec une incidence d’environ 1 million de cas chaque année, le carcinome
hépatocellulaire, ou CHC, est l’un des cancers les plus meurtriers dans le monde. Le foie est
un organe bien particulier : il se détache des autres par son étonnante capacité à se régénérer
après une hépatectomie quasi-totale (le mythe de Prométhée n’est pas un mythe !) et son
extrême résistance aux agressions toxiques. Cette dernière particularité est d’ailleurs retrouvée
dans la difficulté à soigner efficacement le CHC qui représente donc un défi de taille dans
l’univers de l’oncos. C’est pourquoi ce type tumoral, que je présenterai dans la première
partie de ce manuscrit, a fait l’objet de mon travail de thèse. Je me suis particulièrement
intéressée aux mécanismes qui pourraient intervenir dans la réponse du CHC à des agents
génotoxiques utilisés en chimiothérapie en m’orientant sur les membres de la famille TP53,
des acteurs importants de la régulation du cycle cellulaire et de l’apoptose, et dont je parlerai
dans une deuxième partie.
Mon travail a permis de mettre en évidence que, dans différentes lignées humaines de
CHC, les différentes isoformes de p63 apparaissent impliquées en réponse à la doxorubicine
et l’étoposide, peut-être plus connus sous le nom d’adriamycine et de VP-16 respectivement.
7
8. Pour la première fois dans ce type cellulaire, ces protéines sont mises en évidences et
impliquées dans la réponse à ces agents génotoxiques. Leurs propriétés doivent encore être
complétées, mais j’espère que nous aurons pu, si ce n’est élucider, au moins apporter quelques
éléments pour comprendre une partie de leur rôle dans ce contexte. Bien évidemment nous
verrons que bon nombre de questions restent en suspens : quel(s) rôle(s) les protéines p63
jouent-elles dans la physiologie du foie ou l’émergence du CHC ? Dans quelle mesure
interagissent-elles avec leurs "petites soeurs", les protéines p53 et p73, plus caractérisées dans
la réponse au stress ? Quelles sont les voies moléculaires qui modulent leur activité ?...
Pour une question posée, combien de points d’interrogations suivent ?... Evidemment
toujours trop lente, la recherche progresse sans cesse, n’en rendant la complexité du vivant
que plus évidente. Elle soulève ainsi nombre de questions auxquelles le chercheur, cette
espèce rare, parfois méprisée, parfois adulée, tente de répondre avec acharnement,
dévouement, passion, curiosité…
8
9. Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS 15
INTRODUCTION 19
DU FOIE AU CARCINOME HEPATOCELLULAIRE 27
I. Le foie : un organe de détoxication ............................................................................................. 27
A.Anatomie du foie..................................................................................................................................... 27
B. Fonctions du foie..................................................................................................................................... 29
1. Production de la bile .......................................................................................................................... 29
2. Fonctions métaboliques...................................................................................................................... 30
3. La détoxication................................................................................................................................... 31
II. Les maladies hépatiques............................................................................................................... 32
A.Des maladies hépatiques au Carcinome Hépatocellulaire....................................................................... 32
B. Epidémiologie et étiologie du CHC ........................................................................................................ 34
C. Le traitement du CHC............................................................................................................................. 37
1. Les traitements actuels....................................................................................................................... 37
2. Les alternatives .................................................................................................................................. 37
III. Le Carcinome Hépatocellulaire : un modèle d’étude de la réponse au stress ......................... 39
A.Aspect moléculaire.................................................................................................................................. 39
1. Altérations du cycle et de la prolifération cellulaire .......................................................................... 41
a. La voie p53………………………………………………………………………………………….… 41
b. La voie Rb………………………………………………………………………………………………44
c. La voie Wnt……………………………………………………………………………………………..44
2. Les voies de l’apoptose...................................................................................................................... 47
a. Le système Fas/FasL……………………………………………………………………………………47
b. La survivine……………………………………………………………………………………………..48
3. Etat des connaissances sur les autres membres de la famille TP53.................................................... 49
a. Le gène TP73…………………………………………………………………………………………...49
b. Le gène TP63…………………………………………………………………………………………...50
B. Réponse au stress et chimiorésistance : implication de p53.................................................................... 51
1. L’hépatocyte normal .......................................................................................................................... 51
2. L’hépatocyte transformé .................................................................................................................... 52
3. Questions posées................................................................................................................................ 53
LA FAMILLE TP53 55
I. Les différents membres de la famille TP53................................................................................. 55
9
10. A.Structure génomique et protéique ........................................................................................................... 55
1. p53 ..................................................................................................................................................... 55
2. p63 et p73 chez l’Homme .................................................................................................................. 58
3. p63 et p73 dans les autres espèces ..................................................................................................... 60
4. Nomenclature..................................................................................................................................... 61
B. Expression tissulaire................................................................................................................................ 61
1. TP63................................................................................................................................................... 62
II. Propriétés fonctionnelles .............................................................................................................. 65
A.Les formes transactivatrices.................................................................................................................... 65
1. p53 ..................................................................................................................................................... 65
2. p63 et p73........................................................................................................................................... 65
a. Effets cellulaires………………………………………………………………………………………...65
b. Gènes régulés par p63 et p73…………………………………………………………………………...66
B. Les formes délétées du domaine de transactivation ................................................................................ 71
1. Effets cellulaires de ∆Np63 et ∆Np73 ............................................................................................... 71
2. Activités des formes ∆N .................................................................................................................... 72
a. Modulation de l'activité des formes transactivatrices…………………………………………………..72
b. Un potentiel oncogénique propre ?..........................................................................................................75
c. Capacité de transactivation……………………………………………………………………………...75
III. Régulation de la stabilité et de l’activité de p63 et p73.............................................................. 78
A.Stabilité ................................................................................................................................................... 78
B. Régulation par les protéines cellulaires et virales ................................................................................... 80
1. Mdm2 et MdmX ................................................................................................................................ 80
2. p14ARF
................................................................................................................................................ 82
3. Autres protéines cellulaires................................................................................................................ 83
4. Relation avec les protéines virales ..................................................................................................... 83
C. Modifications post-traductionnelles........................................................................................................ 85
1. Sumoylation....................................................................................................................................... 85
2. Phosphorylation ................................................................................................................................. 86
3. Acétylation......................................................................................................................................... 87
D.Relations entre les différents membres de la famille............................................................................... 88
1. Interactions entre les formes transactivatrices ................................................................................... 88
2. Influence des formes TA sur ∆Np63 et ∆Np73.................................................................................. 90
3. Influence de p63/p73 sur p53............................................................................................................. 91
4. Polymorphisme et mutants de p53..................................................................................................... 92
IV. Rôles des membres de la famille TP53 ........................................................................................ 94
A.Rôle dans le développement.................................................................................................................... 94
1. p63 ..................................................................................................................................................... 94
2. p73 ..................................................................................................................................................... 98
10
11. 3. p53 ..................................................................................................................................................... 99
B. Rôle dans la différenciation cellulaire..................................................................................................... 99
1. Les isoformes de p63 dans les épithéliums stratifiés ......................................................................... 99
2. Les isoformes de p73 dans le système nerveux................................................................................ 101
3. Un rôle pour p53 dans la différenciation cellulaire ? ....................................................................... 101
C. La sénescence réplicative...................................................................................................................... 102
D.La réponse cellulaire au stress............................................................................................................... 102
1. L’activité centrale de p53................................................................................................................. 102
2. p73 ................................................................................................................................................... 106
3. p63 ................................................................................................................................................... 107
4. ∆Np63 et ∆Np73.............................................................................................................................. 109
E. Implication dans les cancers.................................................................................................................. 112
1. Mutations de p53 et cancer .............................................................................................................. 112
2. Inhibition de la progression tumorale .............................................................................................. 114
3. p63 et p73 dans les cancers humains................................................................................................ 115
4. Apport des modèles murins : une fonction "suppresseur de tumeur" pour p63 et p73 ?................. 116
MATERIEL ET METHODES 119
I. Biologie Cellulaire....................................................................................................................... 119
A.Cellules et conditions de culture ........................................................................................................... 119
1. Hépatocytes primaires murins.......................................................................................................... 119
2. Lignées cellulaires ........................................................................................................................... 119
B. Traitement par des agents génotoxiques ............................................................................................... 120
C. Tests de prolifération............................................................................................................................. 120
1. Technique du SRB ........................................................................................................................... 120
2. Technique de l’Uptiblue................................................................................................................... 121
D.Analyse du cycle cellulaire ................................................................................................................... 121
E. Transfection .......................................................................................................................................... 122
1. Avec des plasmides.......................................................................................................................... 122
a. Avec l'Exgen 500……………………………………………………………………………………...122
b. Avec la lipofectamineTM
2000………………………………………………………………………...122
2. Avec des ARNi ................................................................................................................................ 123
F. Test de formation de colonies ............................................................................................................... 124
G.Obtention de populations polyclonales ................................................................................................. 124
H.Essai luciférase...................................................................................................................................... 124
II. Protéines ...................................................................................................................................... 125
A.Immunofluorescence............................................................................................................................. 125
B. Extraction protéique.............................................................................................................................. 126
11
12. 1. Extraits totaux.................................................................................................................................. 126
2. Extraits nucléaires et cytoplasmiques par la méthode de Stein (Stein et al., 1989).......................... 126
C. Western blot.......................................................................................................................................... 127
III. Biologie Moléculaire ................................................................................................................... 128
A.ARN ...................................................................................................................................................... 128
1. Extraction des ARN totaux .............................................................................................................. 128
2. Rétro-transcription (RT) .................................................................................................................. 128
3. Réaction de Polymérisation en Chaine (PCR) ................................................................................. 129
a. RT-PCR………………………………………………………………………………………………..129
b. Clonage des isoformes de p63………………………………………………………………………...129
B. ADN...................................................................................................................................................... 131
1. Purification d’ADN au phénol – chloroforme.................................................................................. 131
2. Clonage des ADNc de p63............................................................................................................... 131
a. TAp63α-pcDNA3……………………………………………………………………………………..131
b. TAp63β-pcDNA3……………………………………………………………………………………..132
c. TAp63γ-pcDNA3……………………………………………………………………………………...132
d. ∆Np63β-pcDNA3 et ∆Np63γ-pcDNA3……………………………………………………………….134
3. Transformation des bactéries ........................................................................................................... 134
4. Extraction des plasmides.................................................................................................................. 136
RESULTATS : ETUDE DE L'IMPLICATION DES HOMOLOGUES DE p53 DANS
LA REPONSE AU STRESS DES HEPATOCYTES 137
I. Hypothèses de travail.................................................................................................................. 137
II. Membres de la famille TP53 et réponse au stress de l’hépatocyte et de lignées de CHC ..... 139
III. Caractérisation des propriétés des isoformes de p63 dans les lignées humaines de CHC.... 141
DISCUSSION 158
I. p63 et p73 dans l’hépatocyte en absence de stress ................................................................... 158
A.Expression du gène TP63...................................................................................................................... 158
1. Les formes N-terminales.................................................................................................................. 158
a. Une relation entre p53 et l'expression de ∆Np63 ?................................................................................158
b. Les formes ∆Np63 dans l'hépatocarcinogenèse……………………………………………………….160
c. Les formes ∆Np63 et l'inhibition de la croissance cellulaire………………………………………….161
d. Rôle des formes TA…………………………………………………………………………………...163
2. Les formes C-terminales .................................................................................................................. 164
12
13. B. Expression du gène TP73...................................................................................................................... 166
II. Implication de p63 et p73 dans l’hépatocyte en réponse à un stress génotoxique................. 167
A.Variations de l’expression de p63 et p73 en réponse au traitement par la doxorubicine et l’étoposide 167
1. Au niveau transcriptionnel............................................................................................................... 167
a. Le gène TP63………………………………………………………………………………………….167
b. Le gène TP73………………………………………………………………………………………….168
2. Au niveau traductionnel et post-traductionnel ................................................................................. 169
a. p63……………………………………………………………………………………………………..169
b. p73………………………………………………………………………………………………….....170
B. Effets biologiques.................................................................................................................................. 171
1. Dans les cellules HepG2 et les Hep3B............................................................................................. 171
a. Cycle cellulaire………………………………………………………………………………………...171
b. Apoptose………………………………………………………………………………………………172
2. Chimiosensibilité et statut de p53 : apport du mutant p53R249S .................................................... 173
III. Conclusion et perspectives ......................................................................................................... 174
BIBLIOGRAPHIE 177
13
19. La prolifération, ou progression dans le cycle cellulaire, et la mort cellulaire sont deux
processus mis en jeu lors du développement, de la différenciation et de la réponse à différents
signaux de stress. Leur contrôle permet d’obtenir un organisme pourvu de cellules
fonctionnelles. En revanche, le dérèglement de ces processus peut amener les cellules à
acquérir un phénotype transformé et aboutir à l’apparition d’une tumeur.
Le cycle cellulaire fait référence aux évènements mis en place pour permettre à une
cellule de se diviser en deux cellules "filles" identiques entre elles et à la cellule "mère". Il est
composé de deux phases majeures : la réplication de l’ADN ou phase S (Synthèse) et la
ségrégation des chromosomes ou phase M (Mitose). Les phases intermédiaires sont appelées
phases G1 et G2, et précèdent respectivement la phase S et la phase M. Lorsqu’elle ne se
divise plus, la cellule entre en phase G0, un état de quiescence qui peut être transitoire
(comme pour les hépatocytes) ou permanent (en cas de différenciation terminale) (Fig. 1)
(Courtois-Cox, 2003; World Health Organization, 2003d).
La succession des évènements qui aboutissent à la division cellulaire est contrôlée par
l’activation et l’inactivation séquentielles des Cycline Dependent Kinases (CDK) au sein de
complexes cycline/CDK transportés dans le noyau. Les CDK sont exprimées
constitutivement, mais ne sont actives qu’en association avec les cyclines, exprimées, elles, de
manière cyclique.
Au cours de la phase G1, les signaux extracellulaires provenant des facteurs de
croissance et de la matrice extracellulaire contrôlent l’expression des cyclines de type D. Les
complexes activés cycline D/CDK4 ou 6 et cycline E/CDK2 phosphorylent la protéine Rb
(Fig. 1). Rb appartient à une famille comprenant aussi les protéines p107 et p130. Elle est
impliquée dans le contrôle de la transition G1-S. Sous sa forme hypophosphorylée, elle
interagit avec les facteurs de transcription de la famille E2F/DP avec lesquels elle forme un
complexe transcriptionnellement inactif. Dans les cellules quiescentes, tels que les
hépatocytes, Rb hypophosphorylée reste complexée avec les facteurs de transcription E2F, ne
permettant pas la promotion du cycle. En revanche, après phosphorylation par les CDK au
cours de la phase G1, le complexe Rb/E2F est dissocié et E2F libre peut activer l’expression
de gènes dont les produits sont directement impliqués dans la synthèse d’ADN (ADN
hélicase, ADN polymérase, topoisomérases par exemple), mais aussi des gènes de cyclines.
Ainsi, parmi les cibles transcriptionnelles de E2F, la cycline E favorise l’accumulation de E2F
libre et phosphoryle les histones H1, permettant le réarrangement de la chromatine nécessaire
19
20. à la réplication, tandis que la cycline A co-localise avec les sites d’initiation de la réplication
et inhibe E2F.
Les principaux régulateurs de la phase G2, permettant la transition G2/M, sont les
cyclines B associées à CDK1, aussi appelée Cdc2, dont les substrats (les histones H1 et H3, la
nucléoline, la lamine, par exemple) interviennent dans la condensation des chromosomes, la
dissolution de l’enveloppe nucléaire, la séparation du centrosome et l’assemblage du fuseau
mitotique.
Cycline D
CDK4/6
Cycline A
CDK2
Cycline A
CDK1
Cycline B
CDK1
E2F DP
P
P P
P
P
P
Rb
p16INK4a
p21WAF1
p21WAF1
p21WAF1
p21WAF1
p15INK4b
p18INK4c
Cycline E
CDK2
p21WAF1
p27KIP1
p57KIP2p27KIP1
p57KIP2
Gadd45a
Gadd45a
14.3.3σ
P
Rb
E2F DP
G0
R
Cycline D
CDK4/6
Cycline D
CDK4/6
Cycline A
CDK2
Cycline A
CDK2
Cycline A
CDK1
Cycline A
CDK1
Cycline B
CDK1
Cycline B
CDK1
E2F DPE2F DP
P
P P
P
P
P
RbP
P P
P
P
P
Rb
p16INK4a
p21WAF1
p21WAF1
p21WAF1
p21WAF1
p15INK4b
p18INK4c
Cycline E
CDK2
p21WAF1
p27KIP1
p57KIP2
Cycline E
CDK2
Cycline E
CDK2
p21WAF1
p27KIP1
p57KIP2p27KIP1
p57KIP2
Gadd45a
Gadd45a
14.3.3σ
P
Rb
E2F DP
P
Rb
E2F DP
G0G0
R
Figure 1 : les complexes CDK/Cycline, les inhibiteurs de CDK et la progression du cycle
cellulaire
La progression dans le cycle cellulaire d’une phase à l’autre est assurée par la formation et l’activation
cyclique de complexes formés d’une sous-unité catalytique (CDK) et d’une sous-unité régulatrice (Cycline). La
transition G1/S est dépendante de la phosphorylation de la protéine du rétinoblastome (Rb) par les complexes
CDK4/6/Cycline D puis CDK2/cycline E, à l’origine de la libération des facteurs E2Fs et de l’expression de
leurs gènes cibles, dont les produits sont impliqués dans la phase S.
La régulation de la division cellulaire est sous la dépendance de protéines inhibitrices des CDK (en noir et
blanc) qui interviennent à différents niveaux au cours du cycle pour inhiber le passage d’une phase à l’autre en
cas d’anomalie. Parmi les différents points de contrôle ( ), le point de restriction R au cours de la
phase G1 indique le point au-delà duquel les cellules ne sont plus sensibles à l’absence de facteurs de croissance
et sont engagées à progresser en phase S.
20
21. Il existe de nombreux points de contrôle au cours du cycle cellulaire qui permettent de
vérifier que toutes les conditions sont réunies pour réaliser la synthèse d’ADN et la mitose
sans anomalies (Fig. 1). Ainsi, afin d’assurer le passage d’une phase à l’autre, la cellule doit
vérifier le niveau du stock de ribonucléotides, pour assurer la réplication, l’efficacité du
système de re-lecture de l’ADN, pour corriger les erreurs après synthèse, le remodelage de la
chromatine et l’organisation spatiale des chromosomes pour une répartition équitable du
matériel génétique. Sinon, la cellule est éliminée par apoptose.
De plus, l’activation de voies de signalisation par des signaux de stress ou de mort va
induire l’expression d’inhibiteurs des CDK (CDKi), qui vont inhiber l’assemblage et l’activité
des complexes cycline/CDK, et bloquer ainsi la transition entre les différentes phases du cycle
cellulaire (Courtois-Cox, 2003; World Health Organization, 2003d). Il existe plusieurs
inhibiteurs (Fig. 1) : la famille INK4, la famille Kip et la famille CIP1/WAF1. Les protéines
de la famille INK4, p16INK4a
, p15INK4b
et p18INK4c
, inhibent spécifiquement les CDK4 et
CDK6. Les protéines de la famille Kip, p27KIP1
, p57KIP2
, et la protéine p21WAF1/CIP1
affectent
l’activité des kinases dépendantes des cyclines D, E et A de manière dose-dépendante, et
présentent donc un spectre d’inhibition plus large. Il existe également d’autres molécules
capables d’inhiber la progression du cycle cellulaire, qui ne sont pas classées dans les CDKI.
Il s’agit par exemple des protéines Gadd45 et 14.3.3σ (Fig. 1). Toutes deux interviennent
dans l’inhibition de la transition G2/M, en s’associant à CDK1, afin d’empêcher, si
nécessaire, les cellules d’entrer en mitose. Gadd45 dissocie le complexe cycline B/CDK1
(Taylor and Stark, 2001; Zhan et al., 1999) tandis que 14.3.3σ le séquestre dans le cytoplasme
(Mhawech, 2005; Taylor and Stark, 2001).
La progression dans le cycle cellulaire dépend donc de l’équilibre entre l’expression
des facteurs nécessaires à cette progression et celle de leurs inhibiteurs, et cet équilibre est
essentiellement modulé par les signaux reçus par la cellule (facteurs de croissance, agents
génotoxiques, etc).
La mort cellulaire peut se produire selon différents processus : l’apoptose, la nécrose,
l’autophagie et la catastrophe mitotique. La nécrose est une destruction cellulaire accidentelle
en réponse à des conditions patho-physiologiques, telles qu’une infection, une inflammation
ou une ischémie. Elle est caractérisée par le gonflement et l’éclatement des organites, puis de
la cellule. Bien que son rôle chez les Mammifères ne soit pas encore bien compris,
l’autophagie résulte de l’augmentation de l’activité lysosomale. Elle est caractérisée
morphologiquement par un nombre important de vésicules autophagiques cytoplasmiques à
21
22. l’origine de la dégradation des organites intracellulaires après leur fusion avec les lysosomes.
La catastrophe mitotique, quant à elle, résulte d’une mitose anormale associée à la formation
de cellules géantes multinucléées due à la perte du point de contrôle en G2/M ou à l’altération
des microtubules. Les mécanismes régulant ces processus de mort cellulaire non-apoptotique
sont nettement moins bien connus que ceux régulant l’apoptose (Okada and Mak, 2004).
L’apoptose, ou mort cellulaire programmée, est un évènement physiologique se
produisant durant le développement, mais également en réponse à des signaux extérieurs, tels
que l’exposition à des agents cytotoxiques, pour éliminer des cellules lésées et maintenir
l’homéostasie tissulaire. L’apoptose est une cascade protéolytique sous la dépendance des
caspases, des protéases synthétisées sous forme de précurseurs inactifs, les pro-caspases. Des
caspases initiatrices (8, 9 et 10) sont activées par interaction protéique et activent à leur tour
des caspases effectrices (3, 6 et 7) par clivage protéolytique des précurseurs (Okada and Mak,
2004). Les caspases effectrices clivent alors un certain nombre de substrats, tels que des
composants du cytosquelette (actine, lamines nucléaires) et des protéines impliquées dans le
métabolisme, la réparation de l’ADN (PARP), la transduction du signal et le contrôle du cycle
cellulaire (Rb). Elles sont ainsi à l’origine de modifications biochimiques et morphologiques
caractéristiques, telles que la condensation et la fragmentation de la chromatine, la
fragmentation nucléaire, le rétrécissement cellulaire et la formation de corps apoptotiques
résultant de la rupture de la membrane cytoplasmique (Okada and Mak, 2004; World Health
Organization, 2003b).
Deux voies majeures d’apoptose ont été décrites, les voies extrinsèque et intrinsèque
(Fig. 2) (World Health Organization, 2003b). La voie intrinsèque ou mitochondriale est
activée en réponse à de nombreux stimuli, tels qu’un manque en facteurs de croissance,
l’hypoxie, les dommages dans l’ADN et l’activation d’oncogènes. Elle est sous la dépendance
des membres de la famille BCL2 qui provoquent la perméabilisation de la membrane
mitochondriale externe et le relargage de protéines mitochondriales. La famille BCL2 peut
être divisée en trois sous-familles, sur la base de critères structuraux et fonctionnels
(Breckenridge and Xue, 2004; Puthalakath and Strasser, 2002). La première regroupe des
protéines anti-apoptotiques Bcl-2 et Bcl-xL, qui contiennent les domaines BH -1 à 4 (BH pour
Bcl2 homology). La deuxième regroupe les protéines pro-apoptotiques à "multi-domaines"
Bax et Bak, qui possèdent les domaines BH-1 à 3. Enfin, la dernière sous-famille comprend
les protéines pro-apoptotiques Bad, Bim, Bid, PUMA et Noxa, qui ne possèdent qu’un
domaine BH3.
22
23. Fas/APO-1/CD95
Fas-L
FADD
Pro-caspase8
Pro-caspase8
Caspase 8Caspase 8
Caspases 3/7
Pro-caspases 3/7
Substrats
Cytoplasme
Noyau
- Démantèlement de la
structure du noyau
- Fragmentation de l’ADN
Bad
Bid
tBid
Type I
Type II
DISC
Bax
Bcl-2
ATP
Pro-caspase 9
Cyt cApaf-1
cytochrome C
Caspase 9
apoptosome
Fas/APO-1/CD95
Fas-L
FADD
Pro-caspase8Pro-caspase8
Pro-caspase8Pro-caspase8
Caspase 8Caspase 8Caspase 8Caspase 8
Caspases 3/7Caspases 3/7
Pro-caspases 3/7Pro-caspases 3/7
Substrats
Cytoplasme
Noyau
- Démantèlement de la
structure du noyau
- Fragmentation de l’ADN
Noyau
- Démantèlement de la
structure du noyau
- Fragmentation de l’ADN
Bad
Bid
tBid
Type I
Type II
DISC
Bax
Bcl-2
ATP
Pro-caspase 9
Cyt cApaf-1
cytochrome Ccytochrome C
Caspase 9
apoptosome
Figure 2 : les deux grandes voies de l’apoptose
La voie intrinsèque de l’apoptose est initiée au niveau de la mitochondrie et résulte dans la libération de
facteurs mitochondriaux, tels que le cytochrome c (Cyt c). Apaf-1 et Cyt c se lient à la pro-caspase-9 et forment
l’apoptosome, menant à l’activation de la voie des caspases et au clivage de protéines cellulaires. La voie
extrinsèque est initiée par la liaison d’un ligand sur un récepteur de mort (Fas/FasL). La formation du complexe
DISC est alors à l’origine de l’activation de la pro-caspase initiatrice 8 puis, dans les cellules de type I, des pro-
caspases effectrices 3 et 7. Ces dernières clivent des substrats responsables de la fragmentation de l’ADN et du
démantèlement de la structure du noyau. Dans les cellules de type II, Bid clivé par la caspase-8 fait le lien entre
les deux voies en allant activer la voie mitochondriale.
23
24. La translocation de Bax et Bak du cytosol à la mitochondrie favorise le relargage du
cytochrome c. L’association du cytochrome c avec les protéines Apaf-1 et pro-caspase-9 dans
le cytosol forme l’apoptosome, qui est à l’origine de l’activation des pro-caspases-3 et -7
(Fig. 2) (Okada and Mak, 2004; World Health Organization, 2003b).
Les différents membres de la famille BCL-2, Bcl-2 et Bax notamment, ont la capacité
d’interagir via leur domaine BH et de se neutraliser, inhibant le relargage du cytochrome c et
l’activation des caspases effectrices par l’apoptosome. Ainsi, la balance d’expression ou
d’activité entre ces deux types de protéines au profit de l’une d’entre elles favorise la survie
ou la mort cellulaire (Breckenridge and Xue, 2004; World Health Organization, 2003b).
La voie extrinsèque dépend de l’activation de "récepteurs de mort" à la surface
cellulaire. Les récepteurs les mieux caractérisés appartiennent à la superfamille des récepteurs
du TNF. Ils sont composés d’un domaine extracellulaire de liaison du ligand, d’un domaine
transmembranaire et d’un domaine cytoplasmique appelés "domaine de mort". Ils
comprennent les récepteurs TNF-1 et Fas/APO-1/CD95, dont les ligands sont respectivement
le TNFα et FasL. Le changement de conformation résultant de l’activation de Fas (Fig. 2)
induit la formation du complexe DISC, par le recrutement de la molécule adaptatrice FADD,
qui elle-même lie la pro-caspase-8 au "domaine de mort" du récepteur. Dans les cellules de
type I, la caspase-8 active alors les pro-caspases-3 et -7 (Okada and Mak, 2004; World Health
Organization, 2003b). Il existe une relation entre les voies extrinsèque et intrinsèque et, dans
les cellules de type II, la caspase-8 intervient également en clivant la protéine Bid en un
fragment pro-apoptotique tBid, qui active Bax et induit le relargage du cytochrome c (Curtin
and Cotter, 2003).
La division cellulaire et la mort par apoptose nécessitent toutes deux une régulation
très fine, fréquemment perturbée durant la tumorigenèse. En effet, l’altération des
mécanismes de régulation du cycle cellulaire entraîne une instabilité génétique caractérisée
par l’augmentation du taux de mutations et de recombinaisons. De plus, la résistance aux
signaux de mort cellulaire fournit un avantage sélectif aux cellules. L’ensemble de ces
perturbations est à l’origine de la croissance anarchique des cellules, caractéristique des
cancers, et de leur résistance à la mort induite par des drogues, telles que les molécules
utilisées en chimiothérapie. Un certain nombre de protéines sont à l’interface entre la
détection des dommages de l’ADN et la régulation du cycle cellulaire et de l’apoptose,
comme les protéines ATM, p53, chk1 et chk2. Nous nous intéresserons ici aux protéines de la
24
25. famille p53, qui modulent l’expression de gènes impliqués à la fois dans la régulation du
cycle cellulaire et dans l’apoptose.
25
27. Du foie au Carcinome Hépatocellulaire
I. Le foie : un organe de détoxication
A. Anatomie du foie
Le foie représente l’organe le plus volumineux de l’organisme. Il est très vascularisé,
irrigué aux deux tiers par la veine porte hépatique et au tiers par l’artère hépatique. Il est
divisé en quatre lobes dont l’unité structurale et fonctionnelle est le lobule hépatique (Fig. 3).
Chaque lobule a une structure hexagonale constituée de travées d’hépatocytes qui convergent
vers la veine centrale du foie. Aux coins du lobule se trouve des espaces porte composés de
trois structures : une branche de l’artère hépatique, une branche de la veine porte hépatique et
un conduit biliaire interlobulaire. Le sang provenant de la veine porte hépatique et de l’artère
hépatique traverse les travées d’hépatocytes jusqu’à la veine centrale via les sinusoïdes, des
capillaires sanguins dont l’endothélium est fenestré pour faciliter les échanges entre le sang et
l’espace de Disse, puis les hépatocytes.
Les hépatocytes représentent 70% de la population cellulaire du foie, et les autres
types cellulaires également présents sont : (i) les cellules de Küpffer, des macrophages
tissulaires, dans l’espace intra-sinusoïdal ; (ii) les cellules stellaires hépatiques ou cellules de
Ito, qui stockent les graisses et synthétisent des éléments de la matrice extracellulaire, dans
l’espace de Disse ; (iii) les cholangiocytes ou cellules épithéliales biliaires ; (iv) les cellules
ovales ou cellules souches hépatiques, localisées dans le canal de Hering reliant les
canalicules biliaires intrahépatiques et le canal biliaire (Marieb E.N., 1999a).
Les hépatocytes matures sont dans un état de quiescence mais, contrairement à
d’autres types cellulaires différenciés tels que les kératinocytes, ils ont une durée de vie très
longue. Le taux de renouvellement dans le foie adulte ne dépasse donc pas 5%. Néanmoins, le
foie a la particularité de pouvoir se régénérer suite à une perte cellulaire due soit à un
prélèvement chirurgical, ou hépatectomie partielle, soit à une toxicité cellulaire. On parle
aussi d’hyperplasie compensatoire.
Les mécanismes de repopulation cellulaire pour restaurer la masse initiale et la
capacité fonctionnelle du foie sont complexes et apparaissent variables selon la nature de
l’atteinte subie.
27
28. a)
b)
Branche de l’artère hépatique
Branche de la veine porte
Canalicules biliaires
espace
porte
Sinusoïdes
Hépatocytes
Veine centrale
a)
b)
Branche de l’artère hépatique
Branche de la veine porte
Canalicules biliaires
espace
porte
Sinusoïdes
Hépatocytes
Veine centrale
Figure 3 : le lobule hépatique, l’unité fonctionnelle du foie
a) Schéma : l’irrigation du foie est représentée avec la veine porte et l’artère hépatique afférentes et la veine
centrale efférente. Le sang traverse le foie à travers les sinusoïdes et se décharge de ses nutriments dans l’espace
de Disse, pris encharge par les hépatocytes. Sécrétion de la bile dans les canalicules biliaires qui se jettent dans le
canal biliaire b) Coupe histologique : la branche de l’artère hépatique, la branche de la veine porte et les
canalicules biliaires situés aux coins des lobules forment l’espace porte.
Il est en tout cas admis à l’heure actuelle qu’une production massive de cellules peut
se produire à partir : (i) des hépatocytes matures qui entrent en cycle et subissent une à deux
division(s) cellulaire(s) ; (ii) des cellules ovales bipotentes ; (iii) plus rarement, des cellules
souches de la moëlle osseuse qui sont capables de se différencier en une variété de types
cellulaires en dehors de leur compartiment habituel (Fig. 4) (Alison et al., 2004; Fausto, 2004;
Guguen-Guillouzo C. et al., 2003; Zhang et al., 2003).
28
29. CholangiocytesHépatocytes
Auto-renouvellement (*)
Activation des cellules ovales (**)
Moelle osseuse
Hépatoblastes
Cellules ovales
Fusion
ou
transdifférenciation
(***)
?
CholangiocytesHépatocytes
Auto-renouvellement (*)
Activation des cellules ovales (**)
Moelle osseuseMoelle osseuse
Hépatoblastes
Cellules ovales
Fusion
ou
transdifférenciation
(***)
?
Figure 4 : La régénération hépatocytaire
L’hépatoblaste est une cellule précurseur qui donne naissance aux hépatocytes, aux cholangiocytes et aux
cellules ovales au cours du développement embryonnaire. Pour régénérer un foie adulte en réponse à une perte
cellulaire :
(*) les hépatocytes mâtures sont capables de sortir de leur état quiescent et de proliférer ;
(**) les cellules ovales constituent une réserve de cellules bipotentes capables de générer des hépatocytes après
multiplication et différenciation, généralement lorsque la prolifération des hépatocytes est bloquée ;
(***) plus rarement, les cellules souches de la moelle osseuse pourraient fusionner avec des hépatocytes
déficients ou se différencier en hépatocytes.
B. Fonctions du foie
Le foie exerce de nombreuses fonctions essentielles au sein de l’organisme. Il intervient
dans la digestion, le métabolisme des glucides, des lipides et des protéines, ainsi que la
détoxication de composés endogènes et exogènes.
1. Production de la bile
L’une des fonctions fondamentales du foie est d’assurer la production de la bile par les
hépatocytes et son évacuation par les canalicules biliaires. Emmagasinée ensuite dans la
29
30. vésicule biliaire, la bile représente la principale voie d’excrétion des métabolites toxiques, du
cholestérol et des déchets lipidiques.
La bile est constituée principalement de sels biliaires et de pigments biliaires. Les sels
biliaires, tels que l’acide cholique et les acides chénodésoxycholiques, permettent l’émulsion
des graisses alimentaires, les rendant hydrosolubles et optimisant ainsi l’action des enzymes
digestives pour permettre leur élimination. Le principal pigment biliaire est la bilirubine, un
résidu de la partie hème de l’hémoglobine qui apparaît pendant la dégradation des
érythrocytes usés et qui est métabolisé par les hépatocytes avant son élimination dans la bile
(Marieb E.N., 1999a).
2. Fonctions métaboliques
Le foie est l’un des organes les plus complexes du point du vue biochimique puisqu’il
transforme presque toutes les catégories de nutriments après leur filtration du sang veineux.
Les fonctions métaboliques du foie sont résumées dans le tableau 1 (Marieb E.N., 1999b).
Métabolisme des glucides
1) conversion du galactose et du fructose en glucose
2) mise en réserve du glucose (glycémie élevée) : glycogenèse,
glycogénolyse et libération du glucose dans le sang
3) néoglucogenèse (glycémie faible et réserves de glycogène épuisées)
: conversion des acides aminés et du glycérol en glucose
4) conversion du glucose en lipides avant le stockage
Métabolisme des lipides
1) β-oxydation ou dégradation des acides gras en acétyl-CoA
2) conversion de l’excédent d’acétyl-CoA en corps cétoniques
3) synthèse du cholestérol à partir de l’acétyl-CoA (85% du
cholestérol sanguin) et transformation en sels biliaires
4) synthèse des lipoprotéines pour le transport des triglycérides, des
phospholipides et du cholestérol
5) stockage des lipides
Métabolisme des protéines
1) transamination, ou interconversion des acides aminés non-essentiels
pour leur conversion en glucose ou leur utilisation dans la synthèse
d’ATP
2) désamination de l’acide glutamique et conversion de l’ammoniac en
urée pour son élimination
3) synthèse de protéines plasmatiques (albumine, facteurs de
coagulation)
Stockage des vitamines et des
minéraux
1) stockage de la vitamine A
2) stockage de vitamines D et B12
3) stockage du fer sous forme de ferritine
Tableau 1 : Les fonctions métaboliques exercées par les hépatocytes
30
31. 3. La détoxication
Une fonction métabolique bien particulière du foie est la biotransformation de
molécules endogènes et de molécules d’origines diverses exogènes à l’organisme, ou
xénobiotiques. Peuvent ainsi par exemple être observées la transformation de la bilirubine
avant son excrétion dans la bile et la transformation des médicaments et de l’alcool en
métabolites inactifs. Elles s’inscrivent dans le processus de détoxication, dans lequel les
hépatocytes jouent un rôle central, pour éviter l’accumulation de substance potentiellement
toxiques dans l’organisme. Cependant, dans les cas particuliers de l’insuffisance
hépatocellulaire et de l’activation de xénobiotiques en métabolites intermédiaires réactifs, une
toxicité peut être observée (Marieb E.N., 1999b).
Le processus de détoxication se déroule en trois phases successives faisant intervenir de
nombreuses enzymes de biotransformation (phases I et II) et des transporteurs membranaires
(phase III) pour l’élimination des conjugués hydrophiles dans la bile ou la circulation
sinusoïdale. Les réactions de la phase I, dites de fonctionnalisation, permettent l’introduction
d’une fonction chimique nouvelle (-OH, NH2, COOH) et rendent les molécules à éliminer
plus polaire. Et les réactions de la phase II, dites de conjugaison, permettent l’ajout d’un
radical hydrophile (acide aminé, glutathione, acide glucuronique), facilitant le transport des
molécules hors de la cellule (Fig. 5).
Les cytochromes P450 ou CYP, dont 14 familles ont été décrites chez l’homme,
représentent les enzymes clé de la détoxication au cours de la phase I. Seules trois familles de
cytochromes P450 (CYPI, CYPII et CYPIII), exprimées dans le réticulum endoplasmique,
sont impliquées dans le métabolisme des xénobiotiques. Leur expression est variable chez les
individus selon l’âge, le sexe, l’alimentation, les conditions de vie et des conditions
physiologiques particulières.
Les protéines membranaires d’efflux de la phase III font partie de la famille des
transporteurs qui possèdent un domaine de liaison à l’ATP ou transporteurs ABC. On
distingue les membres de la famille de la P-glycoprotéine de classe I (MDR1-P-gp) et de
classe II (MDR2-P-gp), et les six membres de la famille MRP. Seules MDR1-P-gp, MDR2-P-
gp, MRP2, MRP3 et MRP6 sont exprimées dans le foie. Chaque transporteur présente une
localisation particulière au niveau de la membrane de l’hépatocyte et une spécificité de
substrat (Lecureur et al., 2000).
31
32. Substances toxiques
- endogènes (produits du métabolisme, bactéries)
- exogènes (médicaments, alcool, produits chimiques)
Substances toxiques
non-polaires, liposolubles
Phase I
fonctionnalisation
Métabolites intermédiaires
Phase II
Phase 0
Substances excrétoires
polaires, hydrosolubles
Phase III
bile circulation sanguine
élimination
fécès urines
FOIE
conjugaisonCYP P450
MDR1, MDR2
Substances toxiques
- endogènes (produits du métabolisme, bactéries)
- exogènes (médicaments, alcool, produits chimiques)
Substances toxiques
non-polaires, liposolubles
Phase I
fonctionnalisation
Métabolites intermédiaires
Phase II
Phase 0
Substances excrétoires
polaires, hydrosolubles
Phase III
bile circulation sanguine
élimination
fécès urines
FOIE
conjugaisonCYP P450
MDR1, MDR2
Figure 5 : La détoxication hépatique
L’exposition aux xénobiotiques peut influencer l’expression des enzymes des trois
phases de la détoxication, et donc modifier leur équilibre d’action. Les xénobiotiques peuvent
ainsi être à l’origine d’une toxicité cellulaire par l’accumulation de métabolites réactifs
intermédiaires ou par l’inhibition de leur métabolisation (Lecureur et al., 2000; Liska, 1998;
Pineiro-Carrero and Pineiro, 2004).
II. Les maladies hépatiques
A. Des maladies hépatiques au Carcinome Hépatocellulaire
Le foie est composé, comme nous l’avons vu précédemment, de plusieurs types
cellulaires différents. Chacun peut être la cible d’une dérégulation pathologique, engendrant
32
33. des anomalies fonctionnelles qui caractérisent les différentes hépatopathies. Ainsi, l’atteinte
des hépatocytes mène à une dysfonction hépatocytaire, celle des cholangiocytes, à une
cholestase et celle du système vasculaire, à une hypertension portale (Worobetz L.J. et al.,
2005).
Les hépatopathies sont principalement d’origine virale, alcoolique, auto-immune ou
encore médicamenteuse. Le terme d’hépatite désigne tout processus inflammatoire dans le
foie. Elle se caractérise par la destruction des hépatocytes (par apoptose ou nécrose) suivie
d’une régénération hépatocytaire.
L’hépatite aiguë est généralement asymptomatique. Elle peut cependant se manifester
cliniquement par une asthénie et un ictère. Dans la majorité des cas, elle se résorbe d’elle-
même. Mais lorsque les phénomènes de destruction et de régénération hépatique persistent et
se répètent pendant plus de 6 mois, dans le cas d’une origine virale ou alcoolique le plus
souvent, on parle d’hépatite chronique (Worobetz L.J. et al., 2005). La transformation des
cellules de Ito en fibroblastes dans ce contexte de lésions hépatiques persistantes peut alors
aboutir à une surproduction de collagène et contribuer à la formation d’une fibrose hépatique
(Higuchi and Gores, 2003).
De plus, une hépatite chronique peut évoluer vers une cirrhose, qui est une forme diffuse
de fibrose hépatique présentant des amas cellulaires, appelés nodules de régénération
hépatique, encapsulés dans du tissu conjonctif et donc séparés du parenchyme hépatique. A ce
stade, l’architecture lobulaire hépatique normale est détruite. Deux types de cirrhoses sont à
distinguer : la cirrhose micro-nodulaire, avec des nodules de régénération de petite taille et
réguliers, et la cirrhose macro-nodulaire qui se caractérise par la présence de grands nodules
irréguliers. De plus, la présence de tissu conjonctif empêche l’irrigation correcte du foie
cirrhotique. Il est à noter que la cirrhose peut se développer indépendamment d’une hépatite
chronique. D’autre part, l’agrégation nodulaire d’hépatocytes peut se produire sur un foie
non-cirrhotique qui est le siège d’une hépatite chronique.
L’hyperplasie hépatocytaire observée dans les nodules de régénération hépatique peut
s’accompagner d’altérations métaboliques : on y retrouve des foyers d’hépatocytes
phénotypiquement et morphologiquement modifiés, appelés hépatocytes dysplasiques. Ces
nodules portent alors le nom de nodules dysplasiques, nodules macrorégénérateurs ou encore
hyperplasie adénomateuse atypique (Coleman, 2003).
Le CHC est fortement associé aux maladies chroniques du foie et 80% des cas se
développent sur un foie cirrhotique, probablement à partir des lésions dysplasiques, formant
ce qu’on appelle un "nodule dans le nodule" (Coleman, 2003; Tannapfel and Wittekind,
33
34. 2002). La cirrhose est en effet considérée comme un véritable état pré-cancéreux pouvant
évoluer en CHC dans 30 à 50% des cas quelle que soit l’étiologie (Nakamoto and Kaneko,
2003).
B. Epidémiologie et étiologie du CHC
Les cancers du foie représentent 4% des cancers, tous types confondus, avec
l’émergence de plus de 500 000 nouveaux cas par an. Ces chiffres font de ce type de cancer
le 5ième
cancer le plus fréquent chez l’homme, et le 8ième
chez la femme. Le Carcinome
Hépatocellulaire (ou CHC), qui se développe comme nous venons de le voir à partir des
hépatocytes, représente 80% des tumeurs primaires du foie. Les autres tumeurs d’origine
histologique différente (le cholangiocarcinome intra-hépatique, l’hépatoblastome et
l’angiosarcome) sont relativement rares (World Health Organization, 2003a).
L’étiologie du CHC est multifactorielle (Fig. 6). Les virus hépatotropes représentent
des facteurs de risque majeurs puisqu’ils apparaissent responsables de plus de 80% des CHC
dans le monde (O'Brien et al., 2004). Dans ce cas d’infection virale, l’atteinte du foie ne serait
pas due à un effet cytopathique direct des virus, mais plutôt à la réponse immune de l’hôte
vis-à-vis des protéines virales exprimées par les hépatocytes infectés entraînant une apoptose
hépatocellulaire par les lymphocytes T activés. Alors que dans le cadre d’une infection aiguë,
cette réponse immune s’avère suffisamment importante (forte, polyclonale et multi-spécifique
vis-à-vis des protéines virales) pour entraîner une guérison complète par l’élimination du
virus, elle est plus faible et plus restrictive dans le cas d’une infection chronique, entraînant un
terrain inflammatoire persistant. Dans le cas du virus de l’hépatite B (VHB), environ 5% des
patients infectés durant la vie adulte développent une maladie hépatique chronique et
deviennent "porteurs" du virus, ce taux s’élevant à 90% en cas de transmission néonatale.
Dans le cas du virus de l’hépatite C (VHC), 60 à 80% des patients infectés à l’âge adulte
développent une maladie chronique. Et finalement 20% de ces patients présentant une hépatite
chronique à l’un ou l’autre de ces virus vont développer une cirrhose au bout de 5 à 10 ans
(Nakamoto and Kaneko, 2003; Nita et al., 2002).
A ces facteurs de risque s’ajoute l’exposition à l’aflatoxine B1 (AFB1), une
mycotoxine produite par la moisissure Aspergillus flavus. Cette toxine est retrouvée en Asie et
Afrique, dans les graines conservées à l’humidité et à température élevée (World Health
Organization, 2003a). En elle-même, l’AFB1 n’est pas toxique, mais elle est métabolisée et
34
35. activée par les cytochromes P450 en métabolites carcinogènes au cours des réactions de
détoxication.Elle est la plus toxique sa forme AFB1-8,9-exo-époxyde. Ensuite, la réaction de
conjugaison principale de l’aflatoxine sous cette forme active est sa liaison à la gluthatione
via la gluthatione S transférase, le conjugué AFB1-gluthatione ainsi formé étant éliminé dans
la bile. Mais une partie de l’AFB1 activée peut interagir avec les acides nucléiques, formant
des adduits covalents dans l’ADN à l’origine de transversions de G:C vers T:A. Et ses effets
peuvent être multiples, l’AFB1 activée ayant en effet également la capacité d’interagir avec
les protéines (McLean and Dutton, 1995).
Consommation excessive
d’alcool
Infection par
le virus de l’Hépatite B ou C
Cirrhose
CARCINOME HEPATOCELLULAIRE
Maladies métaboliques
Ex : hémochromatose
Aflatoxine B1
30 à 50 % des patients
FOIE
Hépatite chronique
20 à 30 % des patients
Consommation excessive
d’alcool
Infection par
le virus de l’Hépatite B ou C
Cirrhose
CARCINOME HEPATOCELLULAIRE
Maladies métaboliques
Ex : hémochromatose
Aflatoxine B1
30 à 50 % des patients
FOIE
Hépatite chronique
20 à 30 % des patients
Figure 6 : facteurs de risque chroniques majeurs pouvant conduire au développement
d’un CHC
Dès le début des années 1990, il a été suggéré que l’association de la consommation de
l’aflatoxine B1 et de l’infection par le VHB augmente la probabilité de développer un CHC
(McLean and Dutton, 1995). En effet, dans une étude réalisée à Taiwan, il a été montré que
l’exposition à l’un ou l’autre de ces facteurs multiplie par 17 le risque de développer un CHC
par rapport à des personnes non-exposées. Et ce risque est environ 4 fois supérieur dans le cas
d’une exposition cumulée (Lunn et al., 1997). Des études sur un plus grand nombre de cas ont
confirmé ces données, montrant que dans les pays d’Asie du sud-est, le risque de développer
un CHC est augmenté de 60 à plus de 100 fois après une exposition à l’aflatoxine B1 et une
35
36. infection par le VHB. L’altération de l’expression des enzymes de métabolisation dans le foie
due à l’infection chronique, et qui serait ainsi à l’origine d’une liaison plus importante de
l’AFB1 activée à l’ADN, a été suggérée pour expliquer ce phénomène (Sylla et al., 1999).
Certaines maladies métaboliques représentent également des terrains propices au
développement d’un CHC, par la production des espèces réactives de l’oxygène (ROS) ou du
nitrogène (RNOS) à l’origine, entre autres, de dommages dans l’ADN. C’est le cas de
l’hémochromatose et de la maladie de Wilson présentant une accumulation de fer ou une
accumulation de cuivre dans les hépatocytes.
La cirrhose étant un facteur de risque majoritaire, l’abus d’alcool dans les pays
occidentaux est fortement associé à l’émergence du CHC. Enfin, bien que le rôle du tabac
reste controversé, une étude réalisée aux USA a récemment montré que le tabac et l’obésité
sont également des facteurs de risque indépendants dans le développement d’un CHC. En
outre, la consommation d’alcool, l’exposition au tabac et l’obésité présentent une action
synergique dans l’émergence de ce cancer. Ces nouvelles données pourraient notamment
expliquer pourquoi seule une partie des patients cirrhotiques développent un CHC (Marrero et
al., 2005).
L’ensemble de ces facteurs de risque rend l’incidence du CHC étiologiquement mais
aussi géographiquement variable : elle est très élevée en Asie et en Afrique (Chine, Japon,
Asie du Sud-Est, Afrique sub-saharienne) où apparaissent 80% des nouveaux cas, et moins
importante aux Etats-Unis et en Europe (Fig. 7).
a) b)a)a) b)b)
Figure 7 : Incidence des cancers du foie dans le monde
a) chez l’homme b) chez la femme
Les taux sont standardisés pour l’âge et donnés pour 100 000 habitants
Source : Globocan 2002, IARC
36
37. En outre, cette incidence apparaît principalement liée aux zones d’endémie de
l’infection par les virus hépatotropes : l’infection par le VHB est préférentiellement retrouvée
en Asie et en Afrique, et celle par le VHC, en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, où
elle est à l’origine d’une recrudescence du CHC (Anthony, 2001; Okuda, 2000; World Health
Organization, 2003a).
C. Le traitement du CHC
1. Les traitements actuels
Le CHC ne bénéficie d’aucun traitement systémique et reste aujourd’hui un problème
majeur en terme de santé publique. En effet, il est presque toujours létal, la survie à partir du
diagnostic étant généralement de moins de 6 mois. Seuls 10% des patients présentent une
survie supérieure ou égale à 5 ans, faisant des cancers du foie les 3ièmes cancers les plus
meurtriers dans le monde.
Parmi les molécules cytotoxiques utilisées en chimiothérapie du CHC sont répertoriées
des anthracyclines (doxorubicine, épirubicine), des fluoropyrimidines (5-FU), des taxanes
(paclitaxel, docetaxel), des inhibiteurs de la topoisomérase II (irinotecan, étoposide), des
analogues de nucléosides (gemcitabine, cladribine) ou encore le cisplatine. Elles peuvent être
utilisées seules ou en association. Cependant, les traitements actuels -radiothérapie, chimio-
embolisation intra-artérielle, chimiothérapie intra-artérielle ou systémique, thérapie
hormonale ou immunothérapie- s’avèrent seulement palliatifs et d’une efficacité encore
insuffisante. Seules la transplantation, la résection chirurgicale et l’injection percutanée
d’alcool ou d’acide acétique représentent des alternatives curatives. Mais 80% des patients
sont à un stade trop avancé au moment du diagnostic (perte des fonctions hépatiques, présence
de nombreux nodules polyclonaux de grande taille, formation de métastases intra- ou extra-
hépatiques) pour être opérables (Llovet et al., 2003; Nowak et al., 2004; World Health
Organization, 2003a).
2. Les alternatives
Le manque de résultat actuel sur le plan thérapeutique nécessite la prise en charge du
CHC à différents niveaux : la lutte contre les infections par le VHB et le VHC, par des
interventions de santé publique et la thérapie anti-virale, le diagnostic précoce du cancer et la
mise en place de traitements adaptés (O'Brien et al., 2004). Par exemple, dans un objectif de
37
38. prévention, des programmes de vaccination à grande échelle contre le VHB ont été mis en
place dans les régions endémiques depuis le début des années 1980. Ils concernent notamment
la vaccination des enfants en bas âge des populations à risque dans le but d’éviter le
développement d’une maladie chronique, facteur de risque majeur pour l’apparition d’un
CHC chez le jeune adulte. Il apparaît qu’une infection chronique peut ainsi être évitée avec
plus de 90% d’efficacité. Après des premiers résultats prometteurs à Taiwan, l’effet sur
l’incidence du CHC sera notamment déterminé en Gambie avec un suivi sur 25 à 35 ans. Plus
de 80 pays ont néanmoins déjà intégré la vaccination contre le VHB dans leur programme de
vaccination routinier (O'Brien et al., 2004; World Health Organization, 2003e).
De plus, puisqu’un traitement curatif dépend du stade du CHC au moment du
diagnostic, ce dernier doit pouvoir être fait le plus précocement possible et de manière simple
et efficace. Aux tests sérologiques permettant de détecter des protéines marqueurs telles que
l’α-foetoprotéine s’ajoute la possibilité d’utiliser l’ADN circulant dans le plasma pour
retrouver des altérations génétiques spécifiques de la tumeur. Ce matériel biologique
représente un outil de détection facile d’accès et performant. En effet, dans des cas CHC
provenant de Gambie, un des pays les plus exposés à l’AFB1, une mutation spécifique au
codon 249 du gène TP53 est retrouvée avec une bonne concordance entre le tissu tumoral et
l’ADN plasmatique. Et la détection de cette mutation dans le plasma d’individus sains ou
présentant une cirrhose, représentant respectivement un marqueur d’exposition et/ou de
développement néoplasique, devrait permettre d’identifier des individus présentant un risque
élevé d’évoluer vers un CHC (Kirk et al., 2000; O'Brien et al., 2004; Szymanska et al., 2004).
Enfin, les CHC peuvent paraître semblables histologiquement mais, comme nous
allons le voir, ils présentent une grande hétérogénéité moléculaire, en fonction de leur
étiologie et de leur origine mono- ou multi-clonale. Cette hétérogénéité est très certainement à
l’origine du manque de réponse aux traitements actuels. Il apparaît donc essentiel d’établir des
profils d’expression génique grâce aux nouvelles technologies, comme les puces à ADN ou la
RT-PCR quantitative. Ces techniques ont encore besoin d’une standardisation
méthodologique et l’analyse statistique des résultats provenant de différentes études reste
complexe. Néanmoins, elles sont prometteuses et en caractérisant au niveau moléculaire les
différentes étapes de la progression tumorale, ces études devraient permettre d’identifier : (i)
des marqueurs précoces pour améliorer le dépistage et aider au diagnostic ; (ii) des marqueurs
de pronostic ; (iii) des cibles thérapeutiques adaptées à l’étiologie de la tumeur. Finalement,
toutes ces informations devraient permettre d’établir une sorte d’index de diagnostic
38
39. moléculaire, qui pourrait d’ailleurs être à l’origine d’une nouvelle classification clinique
(Paradis et al., 2003; Zhang and Ji, 2005).
III. Le Carcinome Hépatocellulaire : un modèle d’étude de la
réponse au stress
A. Aspect moléculaire
La cancérogenèse est un processus complexe comprenant de multiples étapes et dans
lequel de nombreuses altérations génétiques transforment progressivement la cellule normale
en cellule cancéreuse. On distingue notamment trois grandes étapes : (i) l’initiation de la
cellule normale en cellule pré-néoplasique par l’exposition à un agent carcinogène
génotoxique ; (ii) la promotion par un agent non génotoxique, facilitant l’expansion clonale
des cellules génétiquement modifiées ; (iii) la progression de la cellule initiée en cellule
cancéreuse (World Health Organization, 2003c). Les propriétés acquises lors de cette
transformation concernent la régulation de la prolifération, de la différenciation et de la mort
cellulaire, et donnent un avantage sélectif à la cellule tumorale. Même si les altérations
génétiques qui en sont responsables peuvent varier selon les tumeurs, ces propriétés sont
présentes dans tous les cancers (Fig. 8). Elles comprennent : (i) une indépendance vis-à-vis
des signaux prolifératifs ; (ii) une insensibilité aux signaux anti-prolifératifs ; (iii) un
échappement à la mort cellulaire programmée ou apoptose ; (iv) une perte de la sénescence
réplicative entraînant une capacité des cellules à se diviser de manière illimitée, appelée
immortalisation ; (v) une néo-angiogenèse permettant l’apport continu d’oxygène et de
nutriments au sein de la masse tumorale ; (vi) une capacité à envahir le tissu adjacent, puis à
migrer des sites distants de la tumeur primaire pour les coloniser et former des métastases
(Hanahan and Weinberg, 2000).
Le développement des techniques de génétique moléculaire a permis d’isoler toute une
série d’altérations génétiques et épigénétiques, qui sont communes aux autres cancers ou bien
spécifiques au CHC. Ces anomalies peuvent cibler quelques nucléotides dans le cas de
mutations ponctuelles ou de plus larges fragments d’ADN, incluant des délétions, des
amplifications ou des translocations, pour lesquels la signification phénotypique n’est pas
toujours connue.
39
40. Insensibilité aux
signaux anti-prolifératifs
Indépendance vis-à-vis
des facteurs de croissance
Echappement à
l’apoptose
Invasion tissulaire
et métastase
Potentiel réplicatif
illimité
Néo-angiogenèse
Insensibilité aux
signaux anti-prolifératifs
Insensibilité aux
signaux anti-prolifératifs
Indépendance vis-à-vis
des facteurs de croissance
Indépendance vis-à-vis
des facteurs de croissance
Echappement à
l’apoptose
Echappement à
l’apoptose
Invasion tissulaire
et métastase
Invasion tissulaire
et métastase
Potentiel réplicatif
illimité
Potentiel réplicatif
illimité
Néo-angiogenèseNéo-angiogenèse
Figure 8 : propriétés physiologiques acquises lors de la tumorigenèse (adapté de Hanahan D.
et Weinberg R., 2000)
Les anomalies observées sont considérées comme des marqueurs moléculaires qui
peuvent témoigner du stade et de l’agressivité de la maladie. Elles peuvent concerner la
ploïdie, l’activité de prolifération cellulaire (PCNA, Ki-67, la télomérase),des protéines issues
de gènes suppresseurs de tumeur (p53) ou de proto-oncogènes (ras, c-myc), des régulateurs du
cycle cellulaire (cyclines A, D et E, p27, p73), des protéines impliquées dans l’apoptose (Fas,
TGF-β), des protéines qui dégradent la matrice extra-cellulaire (MMP), des molécules
d’adhésion cellulaire (E-cadhérine, caténines, ICAM-1) et des facteurs angiogéniques (VEGF)
(Qin and Tang, 2002). Des modifications de l’expression de gènes liés à la fonction même du
foie sont également décrites, avec la diminution de la synthèse d’albumine, de transferrine, de
facteurs de coagulation, des enzymes impliquées dans la biotransformation. A l’inverse, on
peut observer une ré-expression de l’α-foetoprotéine au cours de l’hépatocarcinogenèse. Et
l’ensemble de ces modifications témoigne de la dédifférenciation des cellules tumorales et
donc de la progression tumorale (Zhang and Ji, 2005).
Il faut noter ici que le VHB et le VHC peuvent être directement responsables de la
dérégulation de certains gènes et donc de l’altération de voies moléculaires impliquées dans le
40
41. bon fonctionnement cellulaire, offrant un terrain propice au développement tumoral.
L’influence des virus hépatotropes sur l’hépatocarcinogenèse fait ainsi intervenir plusieurs
mécanismes : (i) comme nous l’avons vu, l’infection virale entraîne un terrain inflammatoire
persistant qui est à l’origine de cycles de destruction et régénération cellulaire et d’un
environnement pro-mutagénique ; (ii) dans le cas du VHB, l’intégration d’une partie du
génome viral dans le génome de l’hépatocyte hôte, qui représente un évènement mutagénique
pouvant influencer l’expression de certains gènes cellulaires, notamment des proto-oncogènes
; (iii) la dérégulation de l’activité de protéines cellulaires, impliquées dans l’apoptose, la
réparation de l’ADN ou la régulation de la croissance cellulaire, par certaines protéines
virales, telles que le facteur de transcription HBx du VHB ou la protéine de structure core du
VHC (Anzola, 2004).
Nous allons nous intéresser maintenant, de manière non exhaustive, à des gènes et
voies de signalisation particuliers, fréquemment modifiés dans les CHC.
1. Altérations du cycle et de la prolifération cellulaire
Une altération à n’importe laquelle des étapes du cycle cellulaire peut générer une
croissance cellulaire continue et désordonnée. De manière générale, l’activité des régulateurs
négatifs a tendance à être diminuée alors que l’activité des protéines pro-mitogéniques va
plutôt être promue. Des perturbations des voies p14ARF
-mdm2-p53 et p16-cyclineD-Cdk4-Rb
à différents niveaux représentent ainsi des évènements génétiques majeurs dans le
développement du CHC (Fig. 9).
a. La voie p53
Une perte d’hétérozygotie ou LOH au locus TP53 est observée dans 25 à 60% des cas
selon les études (Buendia, 2000; Nita et al., 2002). Elle est souvent associée à une mutation
sur l’autre allèle. Le gène TP53 est en effet retrouvé muté dans 26% des cancers du foie en
moyenne (Fig. 9a), et principalement dans des cas avancé suggérant qu’il s’agit d’un
évènement tardif dans la progression du CHC.
Cependant, le taux de mutation est variable selon le contexte géographique et s’élève
jusqu’à plus de 60% dans les pays de forte exposition à l’Aflatoxine B1 (Tannapfel and
Wittekind, 2002). Une transversion de G:C vers T:A aboutissant à la substitution d’une
41
42. arginine en une sérine au codon 249 a initialement été décrite dans des cas de CHC provenant
d’Afrique du Sud et de Qidong, suggérant un rôle de l’AFB1 dans son apparition (Bressac et
al., 1991; Hsu et al., 1991; Scorsone et al., 1992). De nombreuses études épidémiologiques
ont confirmé ces données et il est admis aujourd’hui que le mutant p53R249S
représente un
marqueur d’exposition à l’aflatoxine B1 spécifique au CHC. Cette mutation est précoce et
semble se produire avant la perte de l’autre allèle (World Health Organization, 2003a).
En outre, l’activité de la protéine p53 peut être altérée par sa liaison avec des protéines
virales, donnant un avantage sélectif aux cellules infectées par l’un ou l’autres des virus
hépatotropes. Par exemple, sa capacité à induire l’apoptose peut être inhibée par la protéine
virale HBx produite par le VHB tandis que son interaction avec la protéine non-structurale
NS5A produite à partir du VHC va moduler sa localisation cellulaire (Anzola, 2004).
Une inactivation de p14ARF
a été observée dans environ 15% des cas. Les altérations
décrites en 9p21 regroupent une méthylation de novo du promoteur ou une délétion du gène
P14ARF au locus INK4a-ARF/CDKN2A/MST1 (Tannapfel et al., 2001). Il semble que ces
altérations variables soient dépendantes de l’étiologie du CHC (Ito et al., 2004). En outre, les
pertes de p14ARF
et de p53 apparaissent mutuellement exclusive, indiquant une fonction
équivalente dans l’hépatocarcinogenèse (Tannapfel et al., 2001). La perte de la protéine
p14ARF
, un régulateur de p53 normalement activé suite à des signaux de prolifération
anormaux, contribue en effet à une perte de la réponse au stress dépendante de p53 (Fig. 9a).
Une surexpression de hdm2 par rapport au tissu péri-tumoral a également été montrée
par RT-PCR ou immunohistochimie dans des cas de CHC provenant de Chine et du Japon. Et
si la relation de cette surexpression par rapport à une altération du gène TP53 n’apparaît pas
claire, ces deux études rapportent qu’une expression élevée de hdm2 est associée à
l’agressivité de la tumeur et représente donc un facteur de mauvais pronostic, en contribuant
probablement à l’inactivation fonctionnelle de la voie p53 (Fig. 9a) (Endo et al., 2000; Qiu et
al., 1998). De plus, de récents travaux ont montré des altérations de HDM2 et INK4a-ARF
dans des foies cirrhotiques, suggérant que ces deux gènes contribueraient de manière précoce
à l’hépatocarcinogenèse (Edamoto et al., 2003; Schlott et al., 2002). Ces données sont en
accord avec les précédents résultats de K. Endo et al qui tendaient à montrer une association,
bien que statistiquement non significative, entre l’augmentation de l’expression de HDM2 et
le développement des CHC à partir d’un foie cirrhotique.
42
43. a)
b)
p14ARF
p53
hdm2
Transfert de p53 vers le
cytoplasme et dégradation
par le protéasome
hdm2
p53
Pas de dégradation et
activation de la voie p53
p16INK4a
P
Rb
E2F DP
E2F DP
Transcription de gènes cible
Passage G1/S
P
P P
P
P
P
Rb
Cycline D
CDK4/6
Etat actif
Etat inactif
Protéine p53 non-
présente ou inactive
Dégradation de p53
hdm2-dépendante
Pas d’activation p14ARF
-
dépendante de la voie p53
Promotion de la transition G1/S
Inhibition de la
transition G1/S
Perte d’un niveau de contrôle
négatif de la transition G1/S
a)
b)
p14ARF
p53
hdm2
Transfert de p53 vers le
cytoplasme et dégradation
par le protéasome
hdm2
p53
Pas de dégradation et
activation de la voie p53
p16INK4a
P
Rb
E2F DP
E2F DP
Transcription de gènes cible
Passage G1/S
P
P P
P
P
P
Rb
Cycline D
CDK4/6
Etat actif
Etat inactif
Protéine p53 non-
présente ou inactive
Dégradation de p53
hdm2-dépendante
Pas d’activation p14ARF
-
dépendante de la voie p53
Promotion de la transition G1/S
Inhibition de la
transition G1/S
Perte d’un niveau de contrôle
négatif de la transition G1/S
Figure 9 : la dérégulation des voies p53 et Rb dans le CHC
a) principales altérations de la voie p53 à l’origine de la perte de la réponse p53 aux signaux hyper-
prolifératifs
en rouge, l’amplification de HDM2 conduit à la dégradation de p53 ; en bleu, l’inactivation de p14ARF empêche
la séquestration de hdm2 et donc l’activation de p53 ; en vert, p53 est inactivée par perte d’expression ou
mutation
b) principales altérations de la voie Rb à l’origine de l’augmentation de la prolifération cellulaire
en rouge, la perte de l’activité de Rb empêche le maintien en phase G1 ; en bleu, l’inactivation de p16INK4a
conduit à la perte d’un point de contrôle négatif du cycle cellulaire ; en vert, l’amplification de la cycline D1
conduit à la promotion du passage en phase S
43
44. b. La voie Rb
La protéine Rb intervient dans la régulation de la transition G1/S du cycle cellulaire.
La perturbation de la voie Rb à différents niveaux (absence de la protéine Rb, inactivation de
la protéine Rb par hyper-phosphorylation, insensibilisation aux signaux hyper-prolifératifs)
représente donc un mécanisme majeur de dérégulation de la prolifération cellulaire (Fig. 9b).
Une forte diminution de l’expression du gène RB1 est observée dans 30 à 50% des
CHC (Buendia, 2000). Elle peut être expliquée par différents mécanismes : une LOH au locus
RB1, en 13q (Buendia, 2000; Nita et al., 2002; Tannapfel and Wittekind, 2002) ou une
méthylation du promoteur (Edamoto et al., 2003). Des mutations du gène RB1 sont observées
dans 15% des cas (Tannapfel and Wittekind, 2002).
Une surexpression des cyclines, qui peuvent inactiver la protéine Rb par
phosphorylation et donc permettre la prolifération cellulaire, est également observée dans 10 à
13% des CHC (Tannapfel and Wittekind, 2002). En outre, la surexpression par amplification
génique de la cycline D1, un oncogène connu, est associée à des formes avancées et
agressives de CHC (Nita et al., 2002).
Enfin, le gène P16INK4a, dont le produit d’expression p16INK4a
permet un arrêt en G1
indépendant de p53 en réponse à des agents causant des dommages dans l’ADN, est altéré
dans 34% à 60% des CHC. L’expression de ce régulateur négatif de la transition G1/S du
cycle cellulaire peut être inhibée par la méthylation de novo du promoteur, qui apparaît être
un évènement indépendant de la méthylation du promoteur P14ARF, ou une LOH en 9p21
(Nita et al., 2002; Tannapfel et al., 2001; Tannapfel and Wittekind, 2002).
De plus, la surexpression de hdm2 décrite ci-dessus peut aussi être à l’origine de la
dérégulation de la voie Rb (Martin et al., 1995; Xiao et al., 1995; Zhu et al., 2001).
c. La voie Wnt
La β-caténine est une protéine multifonctionnelle qui exerce un rôle dans l’adhésion et
la migration cellulaires, ainsi que dans la signalisation cellulaire au cours du développement
embryonnaire et dans le maintien de l’intégrité des cellules souche.
Au niveau de la membrane plasmique, elle représente un adaptateur qui relie la
protéine transmembranaire E-cadhérine aux filaments d’actine du cytosquelette, entrant ainsi
dans la constitution des jonctions intermédiaires. La β-caténine qui reste libre dans le cytosol
44
45. est phosphorylée sur des résidus Ser-Thr en N-terminal par la GSK3-β et la caséine kinase I
au sein d’un complexe comprenant aussi la protéine suppresseur de tumeur APC et la protéine
structurale axine. La β-caténine phosphorylée est ensuite dégradée par le protéasome. Donc,
dans les cellules épithéliales adultes normales, la β-caténine a une localisation principalement
sous-membranaire et joue un rôle majeur dans les jonctions adhérentes. Elle est également
impliquée dans la voie de signalisation Wnt/Wingless régulant la prolifération cellulaire et la
différenciation à des stades précoces du développement. La fixation du facteur Wnt à des
récepteurs transmembranaires de la famille Frizzled entraîne l’inhibition de l’activité de la
GSK3-β et permet donc la stabilisation et l’activation de la β-caténine (Morin, 1999; Nelson
and Nusse, 2004; Polakis, 2002). La translocation de la β-caténine cytosolique dans le noyau
et son interaction avec les facteurs de transcription de la famille TCF/LEF, formant un
complexe transcriptionnellement actif, permettent l’expression de gènes cibles.
Compte tenu des différents rôles que joue la β-caténine dans l’adhésion et la
signalisation cellulaire, l’altération du gène CTNNB1 peut non seulement avoir un effet sur
l’invasion tumorale, mais aussi accroître le pouvoir prolifératif de la cellule. Les
modifications de la β-caténine ont donc une influence importante sur la progression tumorale
et 18 à 41% des CHC présentent une altération du gène CTNNB1 au niveau des exons 3 et 4.
Ces altérations sont en corrélation avec une accumulation nucléaire de la β-caténine (Terris et
al., 1999). En effet, les substitutions d’acides aminés et les délétions insertionnelles décrites
sont situées au niveau du motif de phosphorylation par la GSK-3β et la CKI. Elles rendent
donc la β-caténine insensible à la dégradation via le protéasome (Fig. 10). Les mutants
accumulés dans le noyau des cellules tumorales sont ainsi capables de stimuler la prolifération
cellulaire en induisant l’expression de gènes cibless comme c-myc ou la cycline D1 (Buendia,
2000; Morin, 1999; Nhieu et al., 1999; Polakis, 2002).
Une accumulation intracellulaire de la β-caténine est également retrouvée en absence
d’altération du gène, suggérant que d’autres mécanismes peuvent être à l’origine de la
dérégulation de son expression (de La et al., 1998; Terris et al., 1999). En effet, parmi les
autres constituants de la voie de signalisation Wnt, le gène AXIN1 est muté dans environ 10%
des cas, entraînant la perte de la fonction régulatrice de l’axine (Tannapfel and Wittekind,
2002). De plus, le gène AXIN1 pourrait être impliqué dans une LOH observée dans 40% des
cas en 16p (Buendia, 2000; Nita et al., 2002).
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