1. Dossier
fois l’achat réalisé, exprimer sa satisfaction
ou son insatisfaction. Le champ d’interac-
tion avec la marque s’est donc élargi dans
l’espace et dans le temps. Avant, pendant
et après la transaction. C’est à ce niveau
qu’Internet prend toute sa dimension.
Tout y est quantifiable et quantifié. Tout
peut devenir prétexte à évaluation. Même
un article sur un site de presse ou sur un
blog. Il sera possible d’en évaluer l’impact
Les points forts
S’appuyer sur des communautés
de consommateurs pour développer
une marque exige des entreprises
qu’elles écoutent les conversations
qui les concernent sur la Toile.
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Il leur faut ensuite animer la conver-
sation : lancer les sujets, les modérer, les
stimuler et repérer les fans qui deviennent
10 des ambassadeurs et font le buzz. 11
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Mais le client 2.0, en dehors de son
pouvoir d’influence, n’en garde pas moins
des réflexes classiques, toujours attiré par
une bonne affaire ou un cadeau.
mêmes. Dès 1999, dans le Cluetrain Mani-
Les paradoxes du festo (2), étaient exposés les fondamentaux
de ce que serait le Web 2.0, à savoir un en quantifiant le nombre de fois où il aura
consommateur 2.0 espace de conversations. Qui dit conver-
sation dit échange. Internet permet à des
individus de prendre la parole, d’exprimer
été partagé, « liké » sur Facebook, tweetté
et commenté. Nous sommes entrés dans
l’ère de l’évaluation permanente. Au
INTERNET OFFRE UNE LARGE AUDIENCE AUX OPINIONS DES CONSOMMATEURS. UNE SITUATION leur opinion et de rencontrer leurs sem- même titre, le moindre produit présenté
DONT LES MARQUES PEUVENT TIRER PARTI EN ACTIVANT ELLES-MÊMES UNE COMMUNAUTÉ. blables, parfois géographiquement éloi- sur un site marchand recueillera les avis
gnés. Le document soulignait que cette des consommateurs, satisfaits ou non. Les-
évolution bouleversait la façon dont quels avis seront consultables par les
> Antoine Dubuquoy galvaudée ? La tentation est grande d’af- marques et institutions devaient envisager consommateurs potentiels qui les intégre-
nternet a tout changé. Tel est le postu- firmer que le client 2.0 n’existe pas, qu’il leur communication, à savoir descendre de ront dans le processus menant à la déci-
I lat énoncé par Henri Kaufman (1) dans
son ouvrage éponyme. Certes, mais à
quel point? Comment la relation entre la
n’est qu’une dénomination commode pour
ne pas aller au fond des choses. Alors fran-
chissons le pas : il n’y a pas de client 2.0.
leur tour d’ivoire.
Une évaluation permanente
sion d’achat. Sur un site comme allocine.fr.
les avis des spectateurs pèsent autant que
ceux de la critique, voire plus, car ils vien-
marque et le consommateur a-t-elle évo- Juste un consommateur dans un environ- D’un point de vue purement comporte- nent pondérer les excès d’enthousiasme >>
lué ? Qui est gagnant? Peut-on réellement nement qui a changé, mais dont les moti- mental, le client 2.0 est un client très clas-
parler de client 2.0 tant l’appellation a été vations restent fondamentalement les sique. Il a intégré Internet comme un canal
supplémentaire grâce auquel il peut faire > (1) H. Kaufman, Internet a tout changé. Rien ne sera plus
comme avant. Marketing, styles de vie, e-commerce...,
Antoine Dubuquoy a créé en 2010 une agence de conseil en stratégies communautaires : ROSE, Return on social expe- des achats. Ou sur lequel il va collecter Agence Kawa, 2010.
riment, spécialisée dans l’accompagnement des marques dans la gestion de leur réputation et l’animation de com- > (2) R. Levine, C. Locke, D. Searls et D. Weinberger, The
munautés. Spécialiste des médias sociaux, il intervient régulièrement au Celsa, à l’ISEG et à l’IUT de Cergy-Pontoise toute l’information lui permettant de les Cluetrain Manifesto : The End of Business as Usual, Basic
sur ces thématiques. optimiser. Et sur lequel il va pouvoir, une Books, 2011. (A consulter sur www.cluetrain.com)
2. Dossier LES PARADOXES DU CONSOMMATEUR 2.0
>> des faiseurs de bon goût officiels. Parfois Et sa satisfaction. Mais pour ce qui est de la marque. En effet, elle ne doit en aucun publics, à ces clients digitaux, exigeants et
frondeur, le consommateur n’a pas fonda- l’expérience négative, le réflexe de vouloir cas chercher à se l’approprier. Le proces- impitoyables, aussi à l’aise avec le dithy-
mentalement changé. Il réagit toujours aux trouver des réponses sur Internet, de sus d’appropriation provient des membres rambe que capables de sanctionner le
bons vieux : « nouveau ! », « gratuit ! », « à savoir si on est seul dans son cas ou s’il est de la communauté eux-mêmes. Ils s’ap- moindre faux pas ?
gagner ! », « treize à la douzaine ! » Mais il possible de s’épancher auprès de ses sem- proprient la marque, observent, écoutent w Première piste : l’écoute. Il est fondamen-
est devenu beaucoup moins perméable à blables s’est installé de façon durable. ce qu’elle leur raconte, engagent la conver- tal pour la marque, avant toute prise de
un discours publicitaire jugé monoli- Internet est l’exutoire, le lieu cathartique. sation avec elle et enfin, stade parole, de chercher à savoir ce
thique. Les oukases de la pub des années Mais aussi un espace où l’union fait la ultime, s’en sentent si proches
80 le touchent moins car il a découvert force. qu’ils prennent la parole en Une communauté des seoutils de veille,existe
qui raconte sur elle. Il
tels
qu’il pouvait varier ses sources d’informa- La dualité d’Internet est l’élément le plus son nom, suggèrent des amé- peut être porteuse Radian6, TrendyBuzz, Syso-
tion et que le café du Commerce s’était délicat à gérer pour les entreprises. Espace liorations et prennent sa des valeurs mos, qui permettent de quan-
déplacé sur le Web et redi- de conversation, la Toile favo- défense. Bien sûr, la marque tifier et qualifier les conversa-
mensionné au format village rise l’expression de toutes les aujourd’hui vit au risque des
de la marque, tions à propos d’une marque
Les avis des ou de leur
global. opinions, bonnes comme médias sociaux ou, plus exac- sur Internet. L’identification
Ce qui a changé, ce sont les spectateurs mauvaises. Et ces verbatim tement, est exposée, plus que contraire. des sources, des espaces de
outils utilisés et utilisables par comptent autant s’accumuleront au fil du par le passé, à la rumeur ou prise de parole, le ton des
les marques. Sites, pages Face- que ceux des temps, indexés inlassable- au « bad buzz ». Car une communauté conversations sont des données précieuses
book, applications mobiles ou
critiques sur les ment par les moteurs un de apparentée à une marque, si elle existe de qui vont permettre de calibrer les réponses
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comptes Twitter servent de recherche. Internet est façon sous-jacente, peut être porteuse des et d’apporter les éléments de langage.
support aux messages promo- sites de cinéma. espace de sédimentation, où il valeurs de la marque, ou de leur contraire. w Deuxième piste : les objectifs. Certes, il faut
tionnels. Mais les mécanismes va convenir de faire le néces- C’est la force d’Internet de permettre à obtenir du client qu’il engage le dialogue.
12 utilisés sont les mêmes. Les mailings saire pour que la conversation prenne la tout un chacun de se regrouper autour Mais qu’attend-on de lui? Pas uniquement 13
envoyés par les ténors de la VPC avec direction dans laquelle on souhaite qu’elle d’une cause ou d’un centre d’intérêt, quel qu’il achète les produits ou services de la
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leurs messages personnalisés – « dans ce s’infléchisse. qu’il soit. C’est l’élément non maîtrisable. marque. On attend de lui qu’il s’exprime,
courrier une prime exceptionnelle et la Une marque déclenche la passion, mais qu’il partage son retour d’expérience, qu’il
possibilité de participer à notre grand Communauté et influence aussi des controverses qui peuvent être en dise un peu plus sur lui, qu’il crée,
tirage au sort pour gagner un voyage de Le marketing communautaire naît dans habilement alimentées ou attisées par des invente, adhère… Une fois qu’on sait où
rêve à Tahiti » – a été remplacé par un ce contexte nouveau. Un contexte où, par détracteurs ou concurrents. l’on va, on va pouvoir donner le tempo à
message sur un mur Facebook invitant à principe, le consommateur, ayant la possi- Comment les marques peuvent-elle la communauté. Sans rien imposer ouver-
inviter des amis à participer au jeu. Les bilité de s’exprimer, va saisir cette occasion acquérir la capacité de s’adresser à leurs tement. C’est à cet instant que la marque, >>
motivations humaines telles qu’identifiées de donner son avis, même quand on ne lui
par Maslow restent les mêmes ! demande rien. C’est sa force. Le consom- Apple, communautaire par essence
Internet est un espace de conversation et, mateur n’est pas seul, qu’il soit acheteur
comme c’est le cas dans toute conversa- d’électro-ménager, d’automobile ou de ne marque qui incarne l’innovation et les En prenant le marché systématiquement à
tion, les points de vue peuvent diverger.
Et c’est là qu’Internet a modifié profondé-
pâte à tartiner. Il appartient de fait à de
multiples communautés qui ne deman-
U ruptures technologiques, qui communique
peu. Mais dont les utilisateurs se comportent en
contrepied, en lançant des produits beaux et
innovants sans aucune information préalable
ment le paradigme dans lequel les dent qu’à émerger. prosélytes, toujours prêts à la promouvoir et à en sinon les spéculations des fans, Apple a su entre-
marques et les individus évoluaient. Il a Communauté autour d’une marque. La accepter aveuglément le particularisme... tenir un véritable culte. Presque une religion.
été constaté récemment qu’un consomma- marque est porteuse d’un imaginaire fort, Au sommet de la pyramide était Steve Jobs, Aujourd’hui, le culte s’est élargi avec des produits
teur partageait une bonne expérience avec d’une histoire, de valeurs, etc., dans les- connu pour sa manie du secret, sa forte person- hypertechnologiques mais simples d’utilisation,
trois personnes et une mauvaise avec quels le consommateur va se reconnaître, nalité, son charisme et dont les présentations, les l’iPod, l’iPhone, l’iPad… Les fans de la marque
onze ! Autant dire qu’au même titre que la et elle va faire le lien entre les individus. fameux «keynotes », étaient attendues comme un ont gambergé pendant des mois pour imaginer à
mauvaise monnaie chasse la bonne, le La communauté peut naître autour événement international et suivis sur Internet par quoi ressemblerait la tablette tactile et quel serait
mauvais avis l’emporte sur le positif. Et ce, d’usages ou de pratiques, la consomma- des millions de fans. Steve Jobs et Apple étaient son nom. La communauté a tenté d’imaginer ce
en temps réel. Le client n’a pas forcément tion de séries américaines en streaming d’ailleurs tellement consubstantiels qu’on s’in- que seraient l’iPhone 5 ou l’iPad 3. Preuve d’une
changé avec Internet. Il a juste compris par exemple, ou encore le don du sang terroge sur la capacité de Tim Cook à autant appropriation totale de la marque par ses fans
qu’il bénéficiait d’une formidable caisse de (voir encadré page 14). L’exercice d’acti- incarner la marque que son fondateur. idolâtres. n
résonance pour partager son insatisfaction. vation d’une communauté est délicat pour
3. Dossier LES PARADOXES DU CONSOMMATEUR 2.0
L’Etablissement français du sang, une démarche forte et impliquante nullité de l’événement… En bref, l’organi- tif de communication. Une marque comme
sateur voit sa réputation durablement Lego a depuis plusieurs années sélectionné
e donneur de sang fait une démarche impli- il sait que tout le monde peut un jour avoir besoin entachée. Il en est de même dans n’im- ses ambassadeurs, qui sont informés en
L quante démontrant son engagement : il va
donner un peu de lui-même, ça va piquer, il aura
d’une transfusion. Les réseaux sociaux sont l’es-
pace où le donneur annonce à la communauté
porte quel espace communautaire. Il ne
s’agit pas uniquement d’attirer des visi-
avant-première des nouveautés et jouent
le rôle d’évangélisateurs. Les majors de la
parfois du mal à supporter la vue de son propre qu’il a fait son don. Celle-ci va le féliciter et teurs sur une page Facebook. Il faut qu’il musique ou du cinéma s’appuient sur des
sang, et pourtant, il fait une démarche plus encourager ses membres à réitérer leur s’y passe quelque chose ! blogueurs influents à qui elles présentent
altruiste que le simple don d’argent. Il paie de sa démarche. Certains donneurs communiquent le C’est à ce moment qu’intervient le com- leurs nouveautés en avant-première pri-
personne. Donner du sang, c’est donner la vie, nombre total de dons qu’ils ont effectués. Sans munity manager. « Bonjour, je suis votre vée, pour recueillir des retours d’expé-
comme dit le slogan de l’EFS. Le donneur agit fanfaronner, mais en rendant ludique et fun une CM et je suis là. » Le commu- rience et lancer le buzz.
aussi indirectement dans son propre intérêt, car démarche forte et impliquante. n nity manager anime la commu- Le monde des communau-
nauté. Il est le point de contact
Le client 2.0 tés n’est toutefois pas un long
>> si elle veut permettre à la communauté Facebook fonctionne sur un mode affec- direct, sans intermédiation, peut se montrer fleuve tranquille et l’expé-
d’atteindre les objectifs qu’elle a définis, tif, du moins dans la sémantique. On entre la marque et son public. aussi excessif rience peut parfois virer au
doit faire preuve de subtilité. devient ami avec ses contacts, on aime une Il est au contact des fans, des
page. On aime un contenu. Pour la clients mais aussi des détrac-
dans la critique cauchemar. Des que Nestlé
aussi prestigieuses
marques
Consommateurs, fans… marque, le simple fait d’être présente sur teurs de la marque et des que dans ou BP en ont fait l’expérience
et détracteurs Facebook c’est proposer à son public de trolls. Le client 2.0 est poten- la louange. au cours des deux dernières
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L’animation de la communauté, ou com- devenir son fan, de l’aimer, et de le faire tiellement enquiquineur. Il est années. Car le buzz, nom
munity management, ne s’improvise pas et savoir à son réseau de contacts. L’écueil aussi excessif dans la louange moderne de la rumeur, est un
doit être intégrée dans la stratégie globale principal auquel se heurtent les marques que dans la critique. Le community mana- concept parfaitement ambivalent. Et diffi-
14 de la marque, dans sa façon de s’adresser lorsqu’elles ouvrent une page sur Face- ger gère les excès d’enthousiasme comme cilement maîtrisable (voir encadré « Nestlé 15
à son public, qu’il soit simple curieux ou book est d’acquérir rapidement suffisam- les accès de mauvaise humeur. Il lance les confronté à la rumeur », page 17).
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client fidèle. Le nouveau paradigme ment de visibilité pour déclencher le sujets de conversation, il relance lorsque
repose sur le postulat que le consomma- « like ». On entre dans la logique de la retombe l’attention. Il est le chef d’or- La balle est dans le camp
teur, au sens le plus large, a pris le pou- « longue traîne », définie par Chris Ander- chestre de la relation client. Il lui incombe des marques
voir. Il ne fait plus ce qu’on exige de lui. son, qui énonce que tout contenu dispo- d’identifier qui parmi les fans sont les plus Le client fréquente les espaces commu-
Que ce soit par posture idéologique, indif- nible sur Internet va trouver son public à actifs, les plus contributifs. En effet, nautaires, une sorte d’arène où il distribue
férence ou esprit frondeur. La marque va un moment ou à un autre. Reste à savoir comme dans toute communauté humaine, bons et mauvais points. Internet a libéré
devoir activer des mécanismes visant à quand. La constitution d’une communauté qu’elle soit rassemblée physiquement ou l’accès à l’information. On parle d’infobé-
influencer les attitudes, perceptions, com- de marque ne se décrète pas. dans un espace numérique, il y a les obser- sité tant les contenus pullulent, croissent
portements de ces consommateurs qui ne En premier lieu, la marque doit faire vateurs (nombreux), les commentateurs et se multiplient à l’infini. Le consomma-
sont plus de simples cibles basées sur des savoir qu’elle vient de créer un espace où (un peu moins nombreux) et les créateurs teur a le pouvoir, certes, mais il est parfois
critères socio-démographiques, mais des elle espère que ses fans vont se trouver (une toute petite minorité). perdu, perplexe devant la richesse des
ensembles mouvants, s’agrégeant sur un chez eux. Ce processus passe par une Cette minorité au sommet de la pyra- offres, la démultiplication des tentations
mode tribal. Il y a plusieurs modes de action de communication classique, voire mide est intéressante pour la dynamique et le foisonnement des avis. Une forme de
communication avec la communauté, une par de l’achat d’espace sur Facebook communautaire, car elle s’approprie le dis- sagesse populaire, dite « intelligence des
fois qu’on a mis en place le dispositif per- même. Il n’y a pas de miracle. Il n’y a cours de la marque et réagit au quart de foules », pourra modeler ou influencer son
mettant son émergence. Aujourd’hui, dif- aucune magie dans les réseaux sociaux, tour. Elle est le partenaire idéal, l’allié de comportement d’achat. Les files de recom-
ficile de passer à côté de Facebook, même sauf pour l’utilisateur. l’animateur. Parmi ces actifs et hyperactifs, mandation, les suggestions des moteurs de
si ce réseau social n’est en aucun cas Mais pour la marque, il ne suffit pas la marque va pouvoir recruter ses ambas- recherche sont autant d’éléments qui vont
l’unique réponse à tous les besoins d’une d’avoir fait connaître sa présence. Imagi- sadeurs. C’est la configuration idéale. jouer pour déclencher un comportement
marque. Le réseau rassemble aujourd’hui nez une réception où seul aurait été choisi Lorsque le consommateur fan prend la de consommation.
plus de 22 millions de Français, soit un le lieu. Sur place, rien à faire, pas de mes- parole au nom de la marque, adaptant le Pour les spécialistes du marketing et de
bon tiers de la population. En termes d’au- sage, pas de petits fours ni de boissons. Les discours dans son propre langage, compris la communication, ces nouveaux compor-
dience, c’est un média de masse. Dont le invités viennent, mais ne restent pas, de la majorité de la communauté. Ces tements sont complexes à analyser. La part
fonctionnement simplissime a facilité l’ad- n’échangent pas, s’éclipsent rapidement et membres actifs une fois identifiés doivent des médias sociaux dans les stratégies des
hésion de ses utilisateurs. s’épanchent auprès de leurs proches sur la être intégrés par la marque à son disposi- marques commence à se développer, tout >>
4. Dossier LES PARADOXES DU CONSOMMATEUR 2.0
sie. La possibilité de faire des achats en un musique ou les voyages, biens dématéria-
Le nouveau logo de Gap, boulette ou coup de génie
seul clic comme sur Amazon est une fonc- lisables, ont été durablement bouleversés.
’affaire a pu être présentée comme ce changez rien, votre nouveau logo ne nous plaît tionnalité prisée. Les possibilités offertes Mais, globalement, le client 2.0 est une
L qu’une entreprise ne doit pas faire : sou-
mettre une décision stratégique, telle qu’un chan-
pas » et surtout : « on vous aime ». Ou comment
être conforté dans le sentiment que le lien entre
par les smartphones ouvrent elles aussi des
perspectives passionnantes.
évolution mineure du client 1.0. Un peu
mieux informé, quoique… Un
gement de logo, à la vox populi. Certes. Mais l’af- le consommateur et la marque est vivant et fort. Dans les hypermarchés, la peu plus exigeant, quoique…
faire a eu au moins une vertu, si tant est qu’il y ait Mieux, des créatifs du monde entier ont sponta- possibilité de scanner soi-
La part des Mais répondant toujours à de
eu erreur d’évaluation des risques inhérents à ce nément proposé des logos alternatifs. Bel même ses achats pour s’éviter médias sociaux bon vieux réflexes, attiré par
type de démarche : elle a permis à la marque de exemple de crowdsourcing* et de cocréation. n de longues attentes aux caisses dans les stratégies la nouveauté, mis en transe
déclencher à peu de frais une vague de signaux rend la consommation telle- par la crainte de manquer une
positifs de la part de son public. En soumettant
* Crowdsourcing : fait d’utiliser la créativité, l’intelligence
et le savoir-faire d’un grand nombre de personnes (des ment plus simple. La gamifi-
des marques bonne affaire, sensible à la
son nouveau logo à la validation des consomma- internautes en général), en sous-traitance, pour réaliser
certaines tâches traditionnellement effectuées par un
cation (3) ouvre de nouveaux commence pseudo-rareté d’une offre…
teurs, Gap a recueilli des signaux forts : « ne employé ou un entrepreneur (source : Wikipédia). horizons. Faire de la vie un à se développer. La balle est dans le camp
jeu, quel bonheur ! La perspec- des marques, dont le défi est
>> en soulevant encore un certain nombre qui se fera un plaisir de s’épancher sur tive du gain, l’excitation de la de trouver le ou les bons
d’interrogations. La logique purement n’importe quel sujet, pour peu qu’il trouve compétition, tant de stimuli qui visent à canaux de communication pour s’adresser
ROIste s’accommode mal de la communi- un espace pour s’exprimer. Et s’il ne fidéliser un consommateur, certes plus à un client hyperexposé et sursollicité.
cation d’influence, plus subtile et moins trouve pas cet espace, il le créera. Les sites complexe dans son comportement, mais Mais dont elles savent que fondamentale-
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quantifiable en termes d’efficacité immé- dénonçant les arnaques existent. Aux sur lequel on dispose de tellement plus de ment, il n’a pas tant changé que cela. n
diate. L’accession aux espaces commu- Etats-Unis, www.ripoffrecord.com se défi- données personnelles, qu’il a d’ailleurs
nautaires suscite la crainte de voir appa- nit comme le site par les consommateurs, fournies lui-même volontairement…
16 raître au grand jour les messages négatifs pour les consommateurs, pour que la Internet a changé la donne en matière > (3) Gamification (ou ludification) : transfert des méca- 17
des détracteurs. Voire pire… Si elle est vérité soit connue de tous. Il permet à cha- d’accès à l’information, c’est un fait. Le nismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier des
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sites Web, des situations d’apprentissage, des situations
bien animée, la communauté de marque, cun de se défouler. Le consommateur 2.0 consommateur a modifié certains de ses de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est d’aug-
menter l’acceptabilité et l’usage de ces applications en
s’avère vertueuse et créatrice de valeur. dispose d’outils puissants. Mais quelle est comportements en accédant à de nou- s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu (source :
Les détracteurs qui s’y expriment enri- la frontière entre information et diffama- veaux canaux. Certains secteurs comme la Wikipédia).
chissent le débat, suscitent la conversation tion? C’est là que la veille devient néces-
et déclenchent des méca- saire pour les marques. Ecou- Nestlé confronté à la rumeur
nismes d’auto-défense de la ter, avant de prendre la
communauté. On parle parole, pour construire un n 2010, Nestlé a fait l’objet d’une attaque parer des éléments de réponse. Mais le mal est
Internet est paradoxal. Pour
les marques, la transparence
d’infobésité discours qui tienne la route. E orchestrée par Greenpeace à propos de l’uti- fait et la marque doit, même si elle a démontré
est de rigueur. Elle est indis-
tant les contenus que n’est cependant pas sûr
Il
le client à l’heure d’Inter-
lisation d’huile de palme dans des barres choco-
latées KitKat. La page Facebook de la marque va
qu’elle avait mis en place un programme de refo-
restation, vivre aujourd’hui avec tous les cadavres
pensable à la création de la pullulent, croissent net soit fondamentalement devenir rapidement un champ de bataille, où elle sortis des placards de son histoire : lait en poudre
relation de confiance avec le et se multiplient différent de son ancêtre. tente de répliquer aux arguments de ses détrac- ayant provoqué des décès d’enfants en Afrique,
client. Transparence ne signi- à l’infini. Certes, il dispose d’un poids teurs. Tentatives vaines, faute de réponses claires main-d’œuvre forcée, etc.
fie pas tout raconter, mais considérable, sa parole porte, à la question de Greenpeace : «Oui ou non, utili- Les interpellations sur la page Facebook s’estom-
proposer une histoire cohé- ses réactions sont attendues et sez-vous de l’huile de palme ? » Derrière cette pent progressivement, mais les discussions
rente, riche et suffisamment construite craintes. Il est devenu imperméable à un problématique, la question de la déforestation. Car demeurent. La marque est toutefois suffisamment
pour ne pas prêter le flanc à la controverse. discours publicitaire agressif. Il est poten- pour produire de l’huile de palme, il faut planter forte pour résister à cette atteinte à sa réputation.
Certes, les cadavres ne restent jamais long- tiellement mieux informé, il compare les des palmiers et abattre des arbres... Bref, Nestlé Elle a appris à ses dépens que les médias sociaux
temps dans les placards, et les détracteurs prix, il procrastine à loisir, gavé d’infor- se retrouve accusé de ne pas être green. La sont une caisse de résonance, et ce quel que soit
se feront un plaisir de les ressortir. Toute- mation. Il n’en demeure pas moins que le marque répond sur le terrain juridique, en poin- le type d’information appelé à résonner. D’où la
fois, une posture ouverte permet d’enga- consommateur version 2011 réagit aux tant le fait que ses détracteurs parodient son logo nécessité de scénariser la prise de parole dans
ger la relation. mêmes stimuli que son pas si lointain et ses codes de communication. Mauvaise les espaces communautaires. Le vieux « si vis
De son côté, le consommateur 2.0 n’est ancêtre d’avant l’avènement d’Internet réponse, qui provoque la fureur des détracteurs. pacem para bellum» – «si tu veux la paix prépare
pas tenu à la transparence. Il y a toujours (avant 1995). « Nouveau », « gratuit », « à Nestlé décide de fermer sa page le temps de pré- la guerre» – a de beaux jours devant lui… n
un petit délateur caché en tout un chacun gagner » suscitent chez lui la même fréné-