1. Discours de Madame TRIERWEILER à l’ONU contre
les violences sexuelles dans les conflits (24/09/13)
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Mesdames, Messieurs,
Il nous faut tout d’abord remercier la Grande-Bretagne et tout
particulièrement son ministre des Affaires Etrangères,
Monsieur William HAGUE, ainsi que Madame Zainab Hawa
BANGURA, la représentante spéciale du Secrétaire Général
des Nations Unies, qui ont organisé cet évènement. Je les
remercie de m’avoir invitée à prendre la parole, même si je ne
suis pas aussi qualifiée qu’ils le sont, puisqu’ils exercent des
responsabilités importantes.
Cette réunion était nécessaire. Nécessaire parce que la
communauté internationale ne peut ignorer les conflits qui ont
lieu dans certaines régions du monde. Et nécessaire parce
qu’elle se doit, cette communauté internationale, de porter
secours aux femmes qui sont les victimes de situations
qu’elles n’ont pas provoquées : que ce soit la guerre ou le
pillage organisé de richesses naturelles.
Il y a deux mois, je me suis rendue en République
Démocratique du Congo, dans les Kivus. Une région où les
violences sexuelles se sont banalisées, au point d’ailleurs que
le viol est considéré comme une «arme de guerre» et que
certaines milices se seraient même organisées avec la farouche
volonté de détruire systématiquement, chez les femmes, ce qui
leur permet de donner la vie. L’armée régulière elle-même,
tout comme les milices, a des responsabilités : il faut le dire
2. avec force et citer les exactions commises en particulier dans
la ville de Minova…
Cette escalade de la violence, provoquée par la guerre,
n’épargne aucune femme. Les plus âgées et même les fillettes
subissent également l’innommable.
J’ai entendu le témoignage de trois générations de femmes.
J’ai vu les plaies d’une enfant de 18 mois.
Je voudrais dire à ceux qui commettent ces crimes que
lorsqu’ils violent une enfant de 2, de 5 ou de 15 ans, c’est leur
propre fille qu’ils violent.
Lorsqu’ils violent une femme de 30 ans, c’est leur propre
femme qu’ils violent.
Et lorsqu’ils violent une femme de 60 ans, c’est leur propre
mère qu’ils violent.
C’est un crime contre la vie, c’est l’humanité qu’ils piétinent.
Le docteur MUKWEGE qui dirige l’hôpital de Panzi et qui
fait partie, à l’occasion de cette journée, de la délégation
française, en sait quelque chose. Il vit et agit au cœur même
des Kivus. Il accueille les femmes violentées et brisées.
Et avec son équipe, il les «kivu répare» comme il le dit luimême.
40 000 femmes ont ainsi reçu des soins à l’hôpital de Panzi
ces dix dernières années. Mais certaines ont été si abimées
qu’elles garderont des séquelles physiques et psychologiques
toute leur vie. Parmi elles, toutes celles qui ont été infectées
par ces groupes, «ces escadrons de la mort», parfois porteurs
du sida…
3. C’est monstrueux. C’est tout simplement inhumain !!!
Vous comprendrez facilement que le travail du docteur
MUKWEGE mérite d’être salué… Je répète donc ici, dans
cette enceinte internationale, qu’il a tout notre soutien…
Et pourquoi pas, cela me semblerait mérité, pour le prix
Nobel de la Paix ?
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Puisqu’il faut non seulement guérir mais aussi prévenir,
la France souhaite voir renforcées les procédures de suivi des
violences sexuelles au sein du Conseil des droits de l’Homme,
à Genève, et plaide pour la mise en place d’un panel de haut
niveau sur les violences sexuelles. Nous espérons qu’une
résolution sera très prochainement adoptée pour aller dans
cette direction.
Comme vous tous, c’est donc pour dénoncer cette situation
d’impunité que je suis ici aujourd’hui. Et, je l’espère, pour
aller plus loin…
La déclaration d’engagement pour mettre fin aux violences
sexuelles dans les conflits qui nous réunit, est la suite logique
d’un travail entamé en juin dernier avec l’adoption, par le
Conseil de Sécurité, de la résolution 21-06.
Elle pose un cadre juridique et formule un mandat politique en
faveur de la protection des femmes en zones de conflits. Nous
avons parlé de la RDC, mais d’autres pays sont concernés.
4. Nous pouvons citer la République Centrafricaine où il y a des
enlèvements, des mariages forcés, des viols, tout cela est
consigné dans le dernier rapport de Madame BANGURA.
Le Mali, où les groupes armés qui avaient pris le Nord du pays
ont largement abusé des femmes. Dans ce pays, c’est
l’intervention conjointe de la France et de nombreux pays
africains qui a permis de mettre un terme aux abus et aux
atrocités.
Il nous faut également évoquer la Syrie. Le rapport d’enquête
internationale paru le 11 septembre dernier fait état de
violences
sexuelles
commises
par
les
forces
gouvernementales. Les femmes qui ont manifesté contre le
régime de Bachar-El-Assad sont aujourd’hui marginalisées et
presque réduites au silence. Nous devons penser à elles, nous
devons les aider.
En conséquence, les principes énoncés par les différents textes
des Nations Unies doivent être mis en œuvre avec encore plus
de force, de moyens et de détermination qu’ils ne l’ont été
jusqu’à présent.
La France plaidera encore et toujours pour que les
responsables de ces crimes, ainsi que leurs commandants,
soient poursuivis et punis. Je suis fière que mon pays ait porté,
au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, le principe
d’une action militaire plus vigoureuse contre les groupes
rebelles qui terrorisent l’Est de la RDC avec notamment la
création d’une brigade d’intervention. La MONUSCO a
longtemps été critiquée par la population congolaise, nous le
savons. Mais nous avons remarqué que les efforts
5. commencent à payer et qu’il y a désormais une réelle
amélioration sur le terrain.
Il est évident que la lutte contre l’impunité doit être menée
partout. Cette tâche revient avant tout aux gouvernements qui
ont la responsabilité de poursuivre et punir. Mais lorsque les
Etats sont défaillants, la Cour pénale internationale (à vocation
universelle) peut et doit jouer tout son rôle.
J’appelle à poursuivre et même à amplifier cette lutte contre
l’impunité. La France reste mobilisée. Et moi-même, avec
l’aide de la Fondation France Libertés dont je suis
l’ambassadrice, je ferai tous les efforts nécessaires pour que
notre combat devienne celui de tous les pays qui désirent
améliorer le sort des femmes dans le monde…
Mesdames, Messieurs, je veux croire en votre mobilisation.
Je veux croire en un futur meilleur pour toutes ces femmes qui
souffrent de la guerre et de ses dramatiques conséquences.
Enfin, merci aux hommes de considérer que ce combat n’est
pas seulement un combat de femmes pour les femmes, comme
cela a été longtemps été le cas.
Merci de votre attention…..