1. Programme Territoires en résidences
Enseignements en termes de politiques publiques
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Note à l’intention des partenaires, 30 janvier 2011
Présentation
Le programme Territoires en Résidences avait pour objectif, d’une part de tester
des méthodes issues de la sociologie, du design de services et de l’innovation
sociale dans des projets de politiques publiques, d’autre part de tirer de chaque
résidence des enseignements capables d’éclairer la prise de décision politique,
par exemple sur la citoyenneté au lycée, la création de maisons de santé, les
enjeux de la mobilité rurale, le numérique dans les quartiers.
Ces deux objectifs ont fait l’objet d’un bilan restitué au fil des 11 livrets publiés
au terme de chaque résidence, et d’un livret-bilan, tirant les enseignements de
1
l’ensemble du programme Territoires en résidences .
Dans le présent document, nous nous livrons à une autre forme de bilan, plus
e
intimement lié à l’objectif général de la 27 Région, à savoir, contribuer à
transformer les politiques publiques. Les questions que nous nous sommes
posées sont : Que nous ont appris 24 mois d’immersion dans le fonctionnement
quotidien de l’action publique ? En quoi cette expérience questionne t-elle les
politiques publiques ?
Ce bilan est organisé autour de 7 thèmes : management, aménagement,
démocratie, innovation, prospective, appels à projets, et projets numériques
e
publiques. Il est le fruit des observations faites par l’équipe de la 27 Région et
n’engage qu’elle.
1
A télécharger respectivement à cette adresse, http://la27eregion.fr/-Territoires-en-Residences,9-,
et à celle-ci http://la27eregion.fr/Territoires-en-residences-bilan-d
2. 1. Crise du management public : comment changer de modèle ?
Le programme « Territoires en Résidences » a été conçu comme une alternative
aux ingénieries promues par le management classique. Depuis quelques années,
l’OCDE elle-même constate que l’application des principes du management à
l’action publique a conduit à une dégradation de la qualité des services publics,
ainsi qu’à un accroissement de l’inégalité d’accès à ces services. Aujourd’hui,
tout indique que la culture du management public n’est pas la plus appropriée
pour traiter les enjeux culturels, économiques et sociaux contemporains, toujours
plus complexes.
Parmi les questions posées par les résidences :
• L’attrait des élus, agents et populations pour le protocole des “résidences”
s’explique par le fait qu’il prend à contre-pied les travers du management
public, tels que : privilégier l’expertise politique et technique “en surplomb”,
penser les services “pour les gens” plutôt qu’avec eux, privilégier le
quantitatif au qualitatif, produire des outils totalement nouveaux plutôt que
ré-interroger la question de départ, négliger de documenter les méthodes
utilisées, etc. Malheureusement ce genre de « micro-réglage » fait beaucoup
moins recette que les « grands chantiers »… Comment changer le regard sur
ces nouvelles formes d’innovations sociales ?
• Toutes les résidences ont montré que l’intelligence collective est plus à même
de produire du bien public que les procédures de rationalisation des politiques
publiques prisées par les dirigeants et le consulting de masse. Le problème
est qu’à tous les niveaux, la culture du management tend à conforter
davantage les dynamiques de compétition que les dynamiques de
coopération. A quoi ressemblerait un éco-système d’abord basé autour de la
coopération ?
• Le système actuel est marqué par la discontinuité (turn-over des élus, des
dirigeants, des agents, des enseignants, des professionnels) et le traitement
en silos des grands enjeux... Comment réintroduire des temps longs, des
moments de re-synchronisation et de la mémoire ?
• Transversalité, interdisciplinarité, interterritorialité… ces mots n’ont jamais
été aussi prononcés dans l’action publique. Comment les inscrire dans le réel,
à savoir dans les organigrammes et les métiers des agents, des élus ?
Sources :
• Les résidences « le laboratoire d’innovation régional », « le campus ouvert »,
« l’avenir des gares rurales »…
• Egalement : Marjorie Jouen, Vers une révolution du service public ? Sur la
conception des services d’intérêt général, Futuribles n°358, décembre 2009
3. 2. Aménagement et urbanisme : trop de hard, pas assez de soft
Comment “habiter” les visions des architectes et des urbanistes ? La plupart des
projets d’aménagement et de rénovation en milieu urbain ou rural mettent
l’accent sur la réalisation du bâti et de l’architecture extérieure -le « hard »-
plutôt que sur les pratiques et usages des habitants –le « soft ». La déception est
souvent à la clé. Souvent consultés sur des visions conçues par d’autres, les
habitants ont rarement la possibilité de faire prévaloir leurs propres aspirations,
de nourrir le projet en amont voir de le détourner à partir de leur expérience
quotidienne et sensible et de leurs pratiques sociales et culturelles. En
conséquence de quoi, tous les projets complexes pensés « par le haut » (par
exemple éco-quartiers, clusters, pôles de compétitivité) multiplient les risques
d’échecs.
Parmi les questions posées par les résidences :
• A côté de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage, pourquoi les
méthodes liées à la « maîtrise d’usage » sont-elles aussi peu mobilisées, alors
qu’elles pourraient nourrir les projets des architectes, au moins éviter les
erreurs les plus flagrantes, s’appuyer au mieux sur les pratiques des
habitants ? Comment intégrer ce type de démarches aux procédures de
marché publiques ?
• Pourquoi le rôle des programmistes est-il aussi réduit dans les processus
architecturaux ? Comment les aider/inciter à faire davantage exister
l’utilisateur au sein du processus ? Comment transformer les architectes et
urbanistes en pédagogues, et mieux mobiliser l’expertise des utilisateurs-
habitants ?
• Et si l’aménagement traditionnel relevait d’une forme de chirurgie lourde,
avec ses effets souhaités et ses effets indésirables, à côté de laquelle il
faudrait inventer des formes d'acupuncture territoriale ? A côté des grands
projets d’aménagement, y a t-il de la place pour un ensemble de micro-
interventions locales, une forme « d’aménagement raisonnée » ?
Sources : les résidences “le campus ouvert”, “habiter le lycée”, “le lycée haute
qualité humaine”, “repenser la maison de santé”, etc.
4. 3. Démocratie : comment passer de la participation à la co-conception
des politiques publiques ?
L’aspiration pour la démocratie participative est toujours vive mais la pratique
s’essouffle. Quant aux dispositifs participatifs, essentiellement voulus par l’acteur
public, ils se transforment souvent en caisse d’enregistrement de décisions déjà
prises.
Parmi les questions posées par les résidences :
• Comment éviter de ne faire participer que quelques catégories de publics
(référents associatifs, citoyens engagés, syndicats…) et permettre une
appropriation réellement citoyenne de l’action publique ?
• Comment empêcher la “fatigue de la participation”. Les réunions étant
pratiquement le seul moyen de construire cette participation, il est nécessaire
d’aller vers d’autres outils de participation.
• Le web 2.0 amène une nouvelle culture de la participation, comment sortir de
l’internet pour permettre l’échange “en vrai” ?
• Au-delà de la décision qui fait l’objet aujourd’hui d’une éventuelle
participation, comment permettre une appropriation de la conception d’un
projet public ? Comment adapter des processus de co-conception mis en
œuvre dans l’industrie et les services pour les utiliser dans les projets publics?
• “l’objet de ment pas” ; Comment introduire dans les processus participatifs
des objets physiques, maquettes et prototypes permettant de construire des
échanges autour d’une chose commune, dépassant discours et rapports
écrits?
• La co-conception est réductrice de risque car elle permet d’approcher les
besoins réels des citoyens et évite de construire des actions inadaptées.
Comment comprendre mieux ces besoins et s’en approcher dans l’action
publique?
• L’implication peut aller au-delà et se poursuivre dans la mise en œuvre d’une
politique et dans sa pérennisation. Comment penser des actions publiques
reposant en partie sur l’action de gens ?
Sources : toutes les résidences et en particulier « L’avenir des espaces publics
numériques », « L’activateur numérique du territoire »
5. 4. Politiques d’innovations : comment innover dans l’innovation ?
Les politiques publiques en matière d’innovation (SRI, pôles de compétitivité,
aides et subventions) peinent souvent à s’inscrire dans les nouveaux modèles
d’innovation et privilégient encore majoritairement les subventions à l’économie
classique.
Parmi les questions posées par les résidences :
• Comment passer d’un modèle consumériste de l’innovation, à un modèle basé
sur le long terme, la confiance, l’interdisciplinarité et l’ouverture, la réciprocité
et l’économie de la contribution ?
• Dans le quotidien, comment conscientiser davantage l’innovation, développer
une éthique opérationnelle de l’innovation ?
• Comment mieux articuler l’innovation technologique, souvent plébiscitée,
avec l’innovation sociale, ou « innovation par les gens, pour les gens » ?
• L’expertise spécialisée (celle de l’architecte, de l’urbaniste, du paysagiste, du
médecin, de l’expert en énergie, en environnement, ou en numérique, etc) ne
parvient pas à traiter seule les problèmes complexes d’aujourd’hui. Comment
réussir concrètement l’interdisciplinarité ? Comment convaincre les experts
de devenir des pédagogues, et de prendre en considération l’expertise des
utilisateurs ?
• Comment dépasser le stade des « bonnes pratiques », et documenter plus
fortement l’histoire des projets publics, avec leurs réussites et leurs échecs ?
Quelles méthodes et quels outils et formats inventer pour créer un effet de
sémimentation des avancées, et des effets de cliquets évitant les retours en
arrière, entrer en amélioration continue entre les territoires ? Comment
renouveler la narration des projets publics ? En publiant le roman territorial en
temps réel, en produisant une nouvelle forme de story-telling du territoire ?
• Comment encourager plus radicalement l’innovation non-technologique au
sein même des administrations et des collectivités, en tant que puissant levier
local de transformation (en termes d’effectifs, de contribution au PIB, de
marchés publics) ?
• Une administration ou une collectivité peut-elle concevoir des politiques
d’innovation sans se doter elle-même de stratégies et de dispositifs tangibles
d’innovation, d’une fonction « recherche et développement », d’un laboratoire
d’expérimentation ou d’une boîte à outils dans de ce domaine ?
• Comment former les agents publics et économiques aux méthodes
d’innovation orientée utilisateurs : design thinking, co-conception, innovation
sociale, capacitation, innovation ouverte ?
• Comment créer un espace d’expérimentation, dans lequel les “documents
provisoires” et les “versions-test” seraient la norme?
6. Sources : toutes les résidences et en particulier la Citoyenneté augmentée, le
Laboratoire d’innovation régionale. Workshop « Labs » à Copenhague en octobre
2009 (http://www.la27eregion.fr/Que-faire-des-politiques-d), programme de
prospective Innovation Futures (INFU) sur l’avenir de l’innovation
(http://www.la27eregion.fr/Comment-innoverons-nous-demain)
5. Politiques territoriales : Que faire de la prospective ?
De nombreuses directions en charge de prospective rencontrés dans les
collectivités mais également dans de grands établissements publics et privés,
disent souffrir de ne pas avoir de véritable impact sur les politiques “maison”.
Parmi les questions posées par les résidences :
• Comme la plupart des disciplines, la prospective est devenu un exercice
d’expert, dont la pratique est rarement expliquée et partagée ; Comment faire
de la prospective un exercice plus efficace car plus ouvert, plus collectif, plus
populaire, et plus inspirant pour le plus grand nombre ?
• Un écart immense existe entre l’académisme des exercices de prospective, et
la prospective “populaire”, partout où elle s’exprime : au cinéma, dans la
littérature et dans toute la culture populaire, dans les arts, le design ; sans
trahir la rigueur exigée par la prospective territoriale, comment mieux les
articuler ?
• Comment élargir la boîte à outils de la prospective à des cultures différentes,
à d’autres formats (vidéos, photos, dessins, performances, expériences,
installations...) ?
• La prospective est souvent mobilisée dans la préparation des politiques
contractuelles (CPER, CPRDF, SRADT, etc) ; Les productions de ces exercices
sont souvent présentées comme des conclusions, plus rarement comme un
point de départ ; Comment en tirer un nouveau cycle, continuer à nourrir la
réflexion, la mettre en pratique à travers des expérimentations, l’inscrire
comme une démarche continue ?
• Dans le secteur public, la prospective est essentiellement tournée vers l’éco-
système territorial, rarement vers les organisations publiques elles-mêmes ; A
quoi ressembleront les organisations publiques demain? quel organigramme,
quels métiers, quelles modes d’interventions ?
Sources : « le laboratoire d’innovation régional », les exercices de prospective
régionale menés en marge du programme Territoires en Résidences (« Ma vie de
ch’ti en 2040 », « l’avenir du péri-urbain dans le Grand Douaisis »)
7. 6. Méthodes d’intervention : Que faire des appels à projets ?
Depuis quelques dizaines d’années, l’appel à projets est devenu l’un des
principaux modes d’intervention des acteurs publics à tous les échelons -de
l’Union européenne à l’intercommunalité- en particulier dans la mise en œuvre
de toutes les nouvelles priorités sociales, environnementales ou économiques.
Parmi les questions posées par les résidences :
• Lance t-on un appel à projets dans le but de concrétiser une vision politique
existante, ou faute d’une vision politique précise ?
• Peut-on, comme c’est souvent le cas, demander aux gens à la fois de
concourir les uns contre les autres à un appel à projets puis de coopérer
ensemble ? Que deviennent les « perdants » ?
• L’appel à projets soutient souvent des projets aux risques d’échecs somme
toutes limités. Comment encourager l’innovation de rupture ?
• Une fois l’appel à projet réalisé, au-delà de la seule évaluation, il n’y a
souvent plus d’énergie ni de temps pour en faire un dispositif apprenant,
capitaliser sur les projets soutenus, apprendre d’eux quelles dynamiques sont
en jeu, comment franchir de nouvelles échelles, faire évoluer l’appel à projet
lui-même, le doter d’autres instruments. Que manque t-il aux appels à projets
pour y parvenir ?
• De plus en plus, l’objectif est celui de la « capacitation » : créer les conditions
pour que les communautés s’organisent elles-mêmes et ensemble ; les appels
à projets visent-ils cet objectif et sinon comme y parvenir ?
Sources:
• Résidences 27e Région: Repenser la maison de santé, la Région Basse-
consommation ;
• « Big Green Challenge » (http://www.la27eregion.fr/Que-faire-des-appels-a-
projets), interview de Charles Leadbeater sur le « gouvernment e-Bay »
(http://www.youtube.com/watch?v=MwcosVOENjg)
8. 7. La conduite des projets numériques territoriaux: comment passer à
un nouveau design des services publics ?
La plupart des projets publics numériques récents –par exemple les Espaces
numériques de travail, les systèmes d’information de transports multimodaux-
s’avèrent complexes à mettre en œuvre, et les résultats ne sont pas toujours à la
hauteur des ambitions.
Parmi les questions posées par les résidences :
• Souvent focalisés sur la recherche de “nouvelles solutions techniques”,
beaucoup de projets numériques ne prennent pas en compte le sens et
l’éthique. Par exemple, hormis l’accessibilité, les projets numériques
expriment rarement des valeurs fortes ; serait-il possible de considérer
comme des spécifications fonctionnelles à part entière des valeurs comme
“améliorer la confiance”, “améliorer la parité”, ou “améliorer le lien social” ?
• Comment obtenir des projets numériques qu’ils visent en priorité des usages
et des publics prioritaires ?
• Les projets numériques publics mettent-ils les citoyens dans une logique de
consommation ou d’émancipation ?
• Des projets d’envergure nationale, régionale ou locale subissent des revers,
faute d’entrer en co-conception avec des pratiques et des réalisations déjà en
vigueur à l’échelle micro-locale. Comment obtenir des grands acteurs qu’ils
produisent des plateformes réellement ouvertes sur lesquelles les
communautés locales pourront s’appuyer librement pour développer leurs
propres projets ?
• Les méthodes de “lean management”, également appelées “méthodes agiles”
on fait leur entrée dans les administrations. Ces méthodes comportent des
avantages mais aussi des risques, notamment celui d’accroître la pression
déjà exercée sur les agents ; Dans leur prolongement, la co-conception et le
design de services peuvent-ils permettre d’aboutir à une vision plus humaine
des services ?
Sources : toutes les résidences menées dans des lycées, la résidence
« Citoyenneté augmentée »