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Jean-Marc Monteil
février 2014
Les Ă©ditions des
JOURNAUX OFFICIELS
L’alternance dans
l’éducation
No
 41114-0007 
prix : 12,90 e
ISSN 0767-4538 
ISBN 978-2-11-120941-1
-:HSMBLB=WU^YVV:
www.lecese.fr
CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL
ET ENVIRONNEMENTAL
9, place d’IĂ©na
75775 Paris Cedex 16
TĂ©l. : 01 44 43 60 00
Cette Ă©tude se situe
dans la perspective
d’une contribution
plus pédagogique
que structurelle de
l ’a l t e r n a n c e d a n s
l’éducation.
Elle se propose de
donner du crédit à
l’alternance comme une
démarche pédagogique
en mesure d’enrichir
pour tous les Ă©lĂšves les
contextes d’acquisition
de connaissances, et non
pas seulement comme
une solution réparatrice.
L’a l te r n a n ce d a n s
l’éducation doit offrir
à la diversité des
compétences et des
talents et aux trajectoires
Ă©ducatives les plus
fragiles des perspectives
d e r Ă© u s s i t e p l u s
nombreuses.
LESÉTUDESDUCONSEILÉCONOMIQUE,SOCIALETENVIRONNEMENTAL
Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
Les Ă©ditions des Journaux officiels
tél. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr
2014-07
NOR  : CESL1100007X
Vendredi 14 mars 2014
JOURNAL OFFICIEL
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Mandature 2010-2015 – Bureau du 11 fĂ©vrier 2014
Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de
son bureau en date du 23 avril 2013 en application de l’article 3 de l’ordonnance no
 58-1360 du
29  décembre  1958 modifiée portant loi organique relative au Conseil économique, social et
environnemental. Le bureau a confiĂ© Ă  la section de l’éducation, de la culture et de la communication
la prĂ©paration d’une Ă©tude intitulĂ©e : L'alternance dans l'Ă©ducation. La section de l’éducation, de la
culture et de la communication, présidée par M. Philippe Da Costa, a désigné M. Jean-Marc Monteil
comme rapporteur.
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION
Étude du Conseil Ă©conomique, social et environnemental
M. Jean-Marc Monteil, rapporteur
au nom de la
section de l'Ă©ducation, de la culture et de la communication
2 –étude du Conseil Ă©conomique, social et environnemental
Sommaire
„„ Introduction	 4
„„ Situer l’alternance	 6
„„ L’alternance dans le cadre de l’apprentissage	 7
„„ L’alternance dans le cadre d’une formation scolaire
ou universitaire 	 9
„„ L’alternance dans le cadre de l’insertion
ou de la réinsertion sociale et/ou professionnelle
de jeunes en Ă©chec scolaire ou non	 9
„„ L’alternance dans le cadre de la formation
tout au long de la vie	 10
„„ L’alternance pourquoi ?	 11
„„ Le contexte scolaire de la formation	 12
„„ Vers une Ă©volution des mĂ©thodes pĂ©dagogiques	 14
„„ L’alternance comment ?	 16
„„ L’alternance : du systùme scolaire
aux dispositifs d’apprentissage	 16
„„ Quelques repùres pour agir	 19
„„ L’alternance en formation tout au long de la vie	 21
„„ La reconnaissance des acquis :
un enjeu vital pour la formation tout au long de la vie	 23
„„ Conclusion	 25
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 3
Annexes ________________________________________________________ 26
Annexe n° 1 : composition de la section de l’éducation, de la culture
et de la communication ____________________________________ 26
Annexe n° 2 : table des sigles ___________________________________________ 28
Annexe n° 3 : bibliographie _____________________________________________ 29
Annexe n° 4 : scrutin ___________________________________________________ 30
Annexe n° 5 : liste des personnes auditionnées ___________________________ 31
4 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION
Introduction
Saisi sur la question de la place de l’Alternance dans l’Éducation et par celle, jugĂ©e
trop faible, « rĂ©servĂ©e Ă  la dĂ©couverte professionnelle dans l’acquisition des connaissances
dans le secondaire comme dans le supĂ©rieur », le CESE s’est donnĂ© l’objectif d’exposer et
de souligner certains des enjeux susceptibles d’ĂȘtre liĂ©s Ă  de telles questions. Cette Ă©tude
se situe donc dans la perspective d’une contribution plus pĂ©dagogique que structurelle de
l’alternance dans l’éducation.
Ce parti pris suppose quelques incursions dans les contenus des pratiques scolaires,
pour interroger leurs conséquences éventuelles sur le niveau de performance des élÚves et
pour suggĂ©rer des inflexions en mesure d’amĂ©liorer la performance du systĂšme dans son
ensemble.
Ilimpliqueaussi,auregarddelapartinsuffisanteréservéeàladécouverteprofessionnelle
dans l’acquisition des connaissances, d’explorer et d’analyser les conditions, et de cerner
les raisons, qui feraient de l’alternance une pratique Ă  mĂȘme de faciliter les processus
d’apprentissage et de contribuer Ă  l’amĂ©lioration des choix d’orientation professionnelle.
NĂ©anmoins, il ne s’agira, Ă©videmment, ni de repenser les attendus fondamentaux de
l’école, ni d’attribuer Ă  l’alternance la vertu de pallier les insuffisances relevĂ©es dans les
dispositifs de formation. Tout au plus, s’agira-t-il d’évoquer quelques repĂšres pour agir
dans la perspective de promouvoir une approche plus intégrative de la formation, de sa
composante initiale Ă  son expression tout au long de la vie.
Par ailleurs, parallùlement à cette auto-saisine, jugeant que l’alternance est une solution
aux difficultĂ©s d’insertion rencontrĂ©es par les jeunes, le gouvernement a fixĂ©, en octobre
2013, l’objectif d’atteindre les 500.000 apprentis en 2017, soit 65 000 de plus que fin 2012.
Dans ce cadre, le ministĂšre de l’éducation nationale affiche, lui, la volontĂ© de faire passer
le nombre d’apprentis en EPLE de 40 000 Ă  60 000 d’ici Ă  quatre ans. Partant de l’énoncĂ©
de ces objectifs, les inspections gĂ©nĂ©rales (l’IGAS, l’IGA, l’IGEN et l’IGAENR), se sont vues
confier, le 23 octobre 2013 une mission conjointe dans le but d’analyser les « obstacles »
qui « entravent le dĂ©veloppement de l’apprentissage ». Il s’agira, notamment, d’étudier les
moyens de dĂ©velopper l’offre dans la fonction publique et au sein des lycĂ©es professionnels
et technologiques. La contribution a pour but de nourrir l’élaboration de la loi sur la
formation professionnelle.
Une des pistes envisagĂ©es par le gouvernement pour dĂ©velopper l’apprentissage a
pour finalitĂ© de mieux intĂ©grer l’alternance dans la stratĂ©gie de gestion prĂ©visionnelle des
emplois et des compétences (GPEC) des grandes et moyennes entreprises « dans le contexte
des contrats de gĂ©nĂ©rations ». Il s’agit d’en amĂ©liorer la qualitĂ©, notamment Ă  travers une
approche renouvelĂ©e de la formation des maĂźtres d’apprentissage et la formalisation
des relations entre le jeune et sa famille, le Cen tre de formation des apprentis (CFA) et
l’employeur. Le but ultime Ă©tant de prĂ©venir les ruptures de contrat.
BriÚvement rappelés, ces quelques éléments installent, en quelque sorte, une toile de
fond Ă  la rĂ©flexion que le CESE ouvre dans le mĂȘme temps sur l’alternance dans l’éducation.
DĂšs lors, si le CESE veut apporter sa propre contribution au traitement de ce sujet (de
prĂ©occupations et d’intĂ©rĂȘt trĂšs largement partagĂ©s), il ne peut, au risque de ne rendre
qu’une pñle copie des analyses en cours, confondre totalement son approche avec celles
définies par ailleurs.
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 5
C’est pourquoi, dans un contexte aussi vaste d’observation, il se donne comme objectif
decentrersarĂ©flexionetd’organisersacontributionautourdel’alternanceentenduecomme
mode d’action pĂ©dagogique pour contribuer Ă  l’amĂ©lioration de la rĂ©ussite en formation
et, corrĂ©lativement, de favoriser l’insertion professionnelle tant par la voie de la formation
scolaire et universitaire que par la voie de l’apprentissage. Au regard de certains chiffres le
problĂšme se pose avec une certaine acuitĂ©. Qu’on en juge.
Chaque année, 150 000 jeunes quittent le systÚme éducatif sans aucune qualification ;
parmi eux 52% Ă©taient sans emploi en 2010, selon l’enquĂȘte «gĂ©nĂ©ration 2007» du centre
d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ). Les enfants qui sortent du systĂšme
sans diplĂŽme sont, Ă  une Ă©crasante majoritĂ©, issus de parents ouvriers (5 enfants d’ouvrier
pour un enfant de cadre)1
.
Au sein de la génération 2007, 24 000 élÚves ont achevé leur scolarité en 3Úme. Le plus
haut diplĂŽme obtenu pour les jeunes empruntant la voie professionnelle est le Certificat
d’aptitude professionnelle (CAP) ou le Brevet d’études professionnelles (BEP) pour 39 %, le
Bac professionnel pour 26 %, le DUT pour 6 %, la licence pour 2 %.
Au-delĂ , mĂȘme si l’alternance comprend des filiĂšres de rĂ©ussite, il est Ă  noter que la voie
professionnelle scolarise surtout les enfants les plus en difficultés (80 % étaient en retard en
6Ăšme
).
Si l’on se penche sur les chiffres de l’apprentissage (436  334 apprentis en 2012)
on observe que plus de 40 % des apprentis préparent un CAP et que 30 % préparent un
baccalauréat. Enfin, le retard évoqué ci-dessus se traduit par un ùge moyen des apprentis
qui est passé entre 1986 et 2012 de 17,5 ans à 19,2 ans et les filles y sont trÚs minoritaires2
. En
ce qui concerne les personnes handicapĂ©es, en 2011 l’Association de gestion du fonds pour
l’insertion professionnelle des personnes handicapĂ©es (AGEFIPH) a aidĂ© 2 563 personnes
en contrat d’apprentissage. En 2013, on compte 2418 contrats primĂ©s en apprentissage :
s’y ajoutent 2 338 contrats de professionnalisation, en augmentation de 20% par rapport à
20123
.
Ces quelques chiffres suffisent, malheureusement, à situer l’ampleur du problùme.
Manifestement, l’école rĂ©pond mal Ă  l’exigence de rĂ©ussite pour le plus grand nombre. Elle
ne parvient pas, notamment, à satisfaire les besoins scolaires des enfants les plus éloignés
des codes culturels dominants : la cohorte des sans diplÎme est massivement constituée
d’enfants issus de parents ouvriers. Si l’on ajoute que la voie professionnelle concerne
les enfants les plus en difficultĂ© sur le plan scolaire et qu’ils se retrouvent dans le cadre
de l’apprentissage, nous avons lĂ  un tableau qui interroge nĂ©cessairement les pratiques
pĂ©dagogiques Ă  l’école et leurs prolongements Ă©ventuels hors de l’école.
Certes, l’on pourrait engager l’étude dans une voie d’analyse plus sociologique que
pĂ©dagogique. Elle conduirait, en rĂ©vĂ©lant qu’échecs et rĂ©ussites sont largement corrĂ©lĂ©s,
voire entretiennent des liens de causalitĂ©, avec l’origine socio-Ă©conomique, Ă  en identifier,
au niveau macroscopique, les raisons structurelles. Ce n’est pas l’angle choisi. Cette Ă©tude
s’attache, plus modestement, Ă  identifier et Ă  analyser certaines pratiques pĂ©dagogiques
susceptibles d’expliquer, en partie, et en partie seulement, un tel constat et, sur ces bases,
Ă  proposer l’alternance en Ă©ducation comme une modalitĂ© pĂ©dagogique en mesure de
contribuer à une amélioration de la situation.
1	 Quand l’école est finie...Premiers pas dans la vie active d’une gĂ©nĂ©ration, enquĂȘte 2010, CEREQ 2012
2	 L’état de l’école n°23 p.38-39, MinistĂšre de l’éducation nationale, DEPP (Ă©dition 2013)
3	 Chiffres fournis par l’AGEFIPH.
6 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
Aborder le sujet sous un tel angle de traitement implique Ă©videmment de s’accorder sur
une dĂ©finition de la notion d’alternance et d’en dĂ©limiter le champ d’application.
Situer l’alternance
L’alternance est une notion souvent utilisĂ©e pour dĂ©crire des rĂ©alitĂ©s plurielles. Elle
Ă©voque aussi bien des dispositifs publics que des modalitĂ©s d’organisation pĂ©dagogique.
Elle dĂ©signe Ă  la fois des contenus de politique de formation et/ou des politiques d’emploi,
dans le cadre des mesures d’aide à l’insertion.
On s’accordera nĂ©anmoins ici, compte tenu du point de vue adoptĂ©, sur le fait que
l’alternance recouvre des formes d’enseigner et d’apprendre qui articulent, ou tendent
Ă  articuler, une formation dite thĂ©orique, en rĂ©fĂ©rence Ă  l’univers acadĂ©mique et une
formation dite pratique, en rĂ©fĂ©rence Ă  l’univers Ă©conomique. Cela quels que soient les lieux
autour desquels elle est organisĂ©e. Selon cette dĂ©finition, plusieurs types d’alternance et de
contrats peuvent ĂȘtre distinguĂ©s:
L’alternance dans le cadre de l’apprentissage, qui est une formation professionnelle
organisĂ©e sous la responsabilitĂ© principale de l’entreprise et vise l’acquisition d’une
qualification. Elle peut ĂȘtre Ă©galement mise en place sous la responsabilitĂ© des
Établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) ou des universitĂ©s et des Ă©coles, c’est
à dire sous statut scolaire ou universitaire. En effet, la réforme Seguin de 1987 a étendu
l’apprentissage à l’ensemble des niveaux de formation. Ce qui, à travers les CFA, a ouvert la
voie pour l’enseignement supĂ©rieur. Dans ce cadre :
yy Le contrat d’apprentissage permet Ă  un jeune de prĂ©parer l’obtention d’un diplĂŽme
ou d’une certification sur le support d’un contrat en alternance dans une entreprise
d’accueil.
yy Le contrat de professionnalisation permet à une entreprise d’embaucher un jeune
ou un moins jeune dans le cadre d’un contrat de travail Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e ou
indĂ©terminĂ©e afin de lui permettre en fonction des besoins de l’employeur de suivre
en alternance une formation qualifiante, certifiante ou diplĂŽmante.
Ces 2 dispositifs sont donc complĂ©mentaires, l’un qui part du jeune cherchant Ă  obtenir
un diplîme dans le cadre de sa formation initiale, l’autre qui part du besoin de l’entreprise
dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Dans ces 2 contrats de travail, l’entreprise et l’organisme de formation se partagent la
responsabilitĂ© de la formation Ă  laquelle ils concourent tous les deux. De mĂȘme, un maĂźtre
d’apprentissage ou un tuteur est dĂ©signĂ© pour accompagner le jeune dans sa formation
dans l’entreprise.
L’entreprise est un co-acteur de la pĂ©dagogie de l’alternance.
Les autres formes d’alternance sont :
yy L’alternance dans le cadre d’une formation scolaire ou universitaire avec une visĂ©e
éducative et professionnalisante ;
yy L’alternance dans le cadre de l’insertion ou de la rĂ©insertion sociale et/ou
professionnelle de jeunes en échec scolaire ou sans qualification ;
yy L’alternance dans le cadre de la formation tout au long de la vie.
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 7
L’alternance dans le cadre de l’apprentissage
L’alternance dans le cadre de l’apprentissage reprĂ©sente la forme la plus ancienne de
l’engagement de l’entreprise dans un rĂŽle installĂ© Ă  la charniĂšre entre l’emploi et la formation.
LiĂ©e primitivement aux formations de niveau V, elle s’est ouverte progressivement aux
niveaux supĂ©rieurs pour atteindre aujourd’hui les niveaux III et II voire I de l’enseignement
supérieur.
La répartition des apprentis sur le territoire est, par ailleurs, assez inégale. En effet,
l’Île-de France fournit 18 % de l’effectif total d’apprentis (tous niveaux confondus). Elle
est suivie par les rĂ©gions RhĂŽne-Alpes (10  %), Provence-Alpes-CĂŽte-D’azur (8  %) et
Pays-de-la-Loire (7 %), soit 25 % du total pour ces trois régions. Ce qui est assez cohérent
avec les données démographiques. Viennent ensuite les régions Bretagne, Centre et
Nord-Pas-de-Calais avec un taux de 5 % de l’effectif total d’apprentis. Les autres rĂ©gions
participantàunniveaucomprisentre0et4 %4
.PourcequiestdesdĂ©partementsd’outre-mer,
le nombre total d’apprentis en 2011 est de 7 367 auxquels il faut ajouter 5 000 jeunes en
alternance au titre du service militaire adapté5
. Ces quelques chiffres laissent Ă©videmment
entendre des stratĂ©gies rĂ©gionales diffĂ©renciĂ©es. Par exemple, on trouve des rĂ©gions oĂč
l’apprentissage est prĂ©sent de longue date et permet une bonne insertion professionnelle
comme l’Alsace pour cause de statut Alsace-Moselle, les Pays de la Loire et des rĂ©gions qui
ont vu l’apprentissage progresser ces derniĂšres annĂ©es comme l’Ile de France et RhĂŽne-
Alpes.
Sous le primat de l’entreprise, l’alternance doit conjuguer les savoirs de la pratique,
acquis par l’exercice professionnel, et la pratique des savoirs, acquis Ă  l’école ou Ă  l’universitĂ©.
Cette exigence relĂšve d’équilibres subtils entre rĂ©fĂ©rences liĂ©es Ă  l’école ou Ă  l’universitĂ© et
rĂ©fĂ©rencesliĂ©esauxrĂ©alisationsdansl’entreprise.EllerĂ©clameaussidespĂ©dagogiesadaptĂ©es
pour faciliter les transferts des acquis et les adaptations comportementales subséquentes
des apprentis. Elle implique enfin une formation continue pour accompagner les tuteurs
dans l’entreprise.
Sous le primat scolaire ou universitaire et des CFA l’alternance doit concilier, ou plus
exactement rendre complémentaire, la transmission du savoir académique traditionnel avec
la rĂ©alisation de l’insertion professionnelle. Cette exigence suppose d’abord que la dĂ©marche
ne soit pas trop orientée en direction du versant scolaire. Elle conduit ensuite à considérer
l’entreprise comme un espace de qualification professionnelle et non comme un simple
creuset de justification d’alternance. Elle implique enfin que les «  retours d’alternance  »
informent les contenus et les pédagogies des formations initiales et enrichissent les
pratiques professionnelles de l’entreprise par les savoirs formalisĂ©s Ă  l’école ou Ă  l’universitĂ©.
L’alternance sous « le pilotage » de l’entreprise comme sous « le pilotage » scolaire et
universitaire soulÚve donc légitimement un certain nombre de questions. Le traitement
de ces questions peut se trouver facilité par une nouvelle donne liée à la présence de
l’alternance dans les niveaux supĂ©rieurs de la formation. Cette prĂ©sence contribue, de
fait, Ă  une amĂ©lioration de son image. Il est, d’ailleurs, remarquable que l’augmentation
des effectifs d’apprentis relevĂ©s au 31 dĂ©cembre 2011 soit exclusivement liĂ©e Ă  ceux du
4	 Tendances nationales et identités régionales: éléments de cadrage pour un diagnostic régional de
l’apprentissage, net. doc n°104, CEREQ, novembre 2012
5	 RepĂšres et rĂ©fĂ©rences statistiques 2013, tableau 5-2, DEPP, ministĂšre de l’éducation nationale
8 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
supĂ©rieur. NĂ©anmoins, comme le souligne un rapport du CEREQ, l’apprentissage dans le
supĂ©rieur, s’il contribue Ă  donner Ă  ce mode de formation une image valorisante, ne joue pas
forcĂ©ment le rĂŽle espĂ©rĂ© d’ascenseur social, le profil sociologique des apprentis du supĂ©rieur
Ă©tant comparable Ă  celui des Ă©tudiants sous statut scolaire.
Dans le systÚme éducatif français, la linéarité des parcours finalisés par les concours a
depuis toujours entretenu l’opinion selon laquelle les cursus Ă  « ligne brisĂ©e » marqueraient,
ou masqueraient, une insuffisance intrinsĂšque des individus. Dans la mesure oĂč les parcours
linéaires sont assez largement corrélés avec une origine sociale plutÎt élevée et avec les
codes culturels les plus vĂ©hiculaires et qu’ils dĂ©bouchent sur les positions professionnelles
les plus en vue, la voie de l’alternance ne bĂ©nĂ©ficie donc pas, dans la reprĂ©sentation
dominante de la rĂ©ussite dans l’éducation, d’un statut particuliĂšrement valorisĂ©. DĂšs lors,
« la pratique de l’alternance », institutionnellement installĂ©e avec l’objectif affirmĂ© d’ĂȘtre une
charniÚre entre systÚme éducatif et marché du travail, demeure, en dépit de ses réussites
au meilleur niveau de certaines qualifications, encore trop souvent perçue comme une
heureuse modalité corrective ou comme un recours salutaire pour prolonger des parcours
scolaires ou universitaires ralentis ou pas totalement rectilignes. La méconnaissance de ces
formations joue probablement aussi un rÎle dans la perception assez négative - ou pour le
moins particuliĂšre - de cette voie de formation.
Cette « perception française », qui tendrait à assimiler la réussite de référence à la rareté
et Ă  la parcimonie, rejaillit sur la valeur accordĂ©e aux diffĂ©rents cursus, qu’ils soient rĂ©alisĂ©s
en apprentissage ou non d’ailleurs. Elle contraste avec celle, par exemple, des pays comme
l’Allemagne et l’Autriche ou encore comme la Suisse. Ces pays se caractĂ©risent, en effet, par
un systĂšme « dual » dans l’apprentissage qui bĂ©nĂ©ficie d’une reconnaissance sociale bien
Ă©tablie. C’est pourquoi, la majoritĂ© d’une classe d’ñge passe par ce systĂšme, reconnu comme
la voie normale, et cela, pour tous les secteurs. MĂȘme si de nombreux jeunes de ces pays
souhaitent poursuivre des Ă©tudes plus longues et si les entreprises s’interrogent pour savoir
s’il ne serait pas moins coĂ»teux de recruter directement Ă  la sortie, les niveaux Ă©levĂ©s du
systĂšme Ă©ducatif, ces tendances observĂ©es ne semblent pas porter atteinte Ă  l’attractivitĂ©
du systĂšme dual.
À l’exception marquante du Royaume Uni, la majoritĂ© des pays de l’Europe du Nord sont
donc tous adossĂ©s Ă  une approche plutĂŽt consolidĂ©e de l’alternance en formation en tant
que voie de réussite.
Au Sud de l’Europe, en revanche, l’alternance est peu dĂ©veloppĂ©e et l’apprentissage
quasi inexistant. NĂ©anmoins, dans ces pays, la formation sur le tas a depuis longtemps sa
propre reconnaissance sociale qui semble satisfaire le champ des métiers traditionnels.	
Une approche internationale (cf. note CĂ©req n° 229 mai 2012) montre que l’ancrage
de la voie de formation par apprentissage ne va pas nécessairement de pair avec un faible
taux de chĂŽmage des jeunes. En 2009, on observe un taux de chĂŽmage des jeunes de 15 Ă 
24 ans inférieur à 20 % dans des pays avec apprentissage (Allemagne 11%) et sans systÚme
d’apprentissage (Japon 9,1%) et des pays avec un taux supĂ©rieur Ă  20 % avec apprentissage
(France 22,8 %) ou sans apprentissage (Italie 25,4 %). MĂȘme si les formations en alternance,
et en particulier les contrats d’apprentissage, font preuve d’une meilleure performance en
matiùre d’accùs à l’emploi (mais cela diminue avec l’augmentation du niveau de diplîme), il
convientde segarderd’installerl’apprentissagecommelamodalitĂ©deformationsusceptible
de garantir les conditions qui permettent l’insertion professionnelle et donc de combattre
efficacement le chîmage. En revanche, probablement faut-il s’attacher à approfondir ses
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 9
éventuelles vertus pour améliorer la qualité des formations, quels que soient leur niveau et
leur secteur de référence.
En effet, en France, l’effort de diversification et de promotion de dispositifs en
alternance et de l’apprentissage dans ces derniĂšres annĂ©es a eu, comparativement aux pays
de langue germanique notamment, des résultats plutÎt modestes. Cet effort, et son échec
relatif, pour instaurer des liens plus Ă©troits et plus efficaces entre l’emploi et la formation,
invite Ă  construire, autour de «  l’objet alternance  », des coopĂ©rations plus organiques
entre formateurs et employeurs, entre professionnels de l’éducation et professionnels de
l’entreprise. Cette Ă©volution pourrait contribuer Ă  amĂ©liorer l’information des jeunes et de
leur famille notamment lors des Ă©tapes d’orientation.
L’alternance dans le cadre d’une formation scolaire
ou universitaire
Danslecadrescolaireouuniversitaire,lesstagessontlaformelaplususitéedelarelation
avec l’entreprise. Ils peuvent ĂȘtre longs et conventionnĂ©s, d’observation et de dĂ©couverte.
Leur principal intĂ©rĂȘt devrait ĂȘtre de nourrir contenus et mĂ©thodes en vigueur dans les
cursus des formations initiales dont ils relĂšvent. Dans cet esprit, par la prise de contact
avec le milieu de l’entreprise, et au-delĂ  d’ĂȘtre un passage obligĂ© pour la dĂ©livrance d’un
diplÎme (dans le cas des stages longs conventionnés notamment), ils pourraient susciter
chez les stagiaires une envie d’apprentissage pour aboutir, sinon à une insertion plus rapide,
du moins à une formation professionnelle un peu plus structurée. Or, il semble bien que
ce sas potentiel souffre parfois d’une approche insuffisamment professionnelle des stages,
tant par le systĂšme Ă©ducatif que par l’entreprise en vue de constituer une propĂ©deutique
pour « amorcer » la voie de l’apprentissage et/ou valoriser le partenariat entre l’école ou
l’universitĂ© et l’entreprise.
Néanmoins, soutenue par une armature pédagogique un peu plus consistante,
parce qu’adossĂ©e Ă  des relations plus Ă©troites entre les tuteurs ou maĂźtres de stage et les
professeurs, cette offre Ă  tous les jeunes «  d’acculturation  par le stage» pourrait ouvrir
l’alternance comme alternative, notamment pour ceux, nombreux, qui sont en proie à
l’incertitude concernant leur orientation.
L’alternance dans le cadre de l’insertion
ou de la réinsertion sociale et/ou professionnelle
de jeunes en Ă©chec scolaire ou non
MĂȘme si des problĂšmes de nature structurelle sont Ă  l’origine du chĂŽmage des jeunes
en France comme en Europe, les difficultés conjoncturelles liées à la crise les frappent
durement.
Réussir son insertion professionnelle en France dépend, dans une large mesure, de
trajectoires scolaires et/ou universitaires linéaires dans des temporalités quasi canoniques.
Ceux qui peuvent exciper de tels parcours se trouvent, sinon totalement protégés,
naturellement valorisĂ©s aux yeux d’un employeur potentiel par leurs diplĂŽmes sĂ©lectifs (du
CAP spĂ©cifique rare au diplĂŽme des grandes Ă©coles) et d’autant plus lorsqu’ils ont obtenu
10 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
un diplÎme correspondant à un secteur en tension, du marché du travail. Les jeunes, qui
s’écartent de ce type de trajectoires et qui peinent Ă  obtenir un diplĂŽme initial susceptible
de leur assurer une protection minimale, rencontrent sur le marché du travail des obstacles
Ă  l’obtention d’un emploi. Le risque d’une installation dans la prĂ©caritĂ© et d’une dĂ©rive qui
les éloigne durablement du marché du travail devient alors trÚs actuel.
Afin, de répondre aux besoins de ces publics, les partenaires sociaux ont mis en place le
contrat de professionnalisation qui combine pĂ©riodes en entreprise et formation. Il s’adresse
notamment aux demandeurs d’emploi ĂągĂ©s de 26 ans ou plus et aux jeunes de moins de 26
ans. On dénombre 173 000 contrats en 2011 dont 81 % en faveur des jeunes de 16 à 25
ans. Ces contrats voient leur durĂ©e rĂ©duite (moins d’un an) ainsi que la part rĂ©servĂ©e Ă  la
formation, laquelle se concentre sur les jeunes ayant pas ou peu de diplÎmes (inférieur au
bac). De ce fait, l’obtention d’un diplĂŽme ou titre d’État est l’objectif le plus frĂ©quent (60 %).
Mais, au-delĂ  de ces jeunes aux trajectoires scolaires Ă  risque, existent aussi ceux qui
sont, en quelque sorte, sans trajectoire scolaire. DĂ©pourvus de diplĂŽme, sans emploi, non
scolarisés vivant souvent dans les quartiers défavorisés, ils cumulent les désavantages.
Ces trois catégories de jeunes, les plus armés académiquement, les diplÎmés aux
parcours chaotiques en mal d’insertion, et les laissĂ©s pour compte ne relĂšvent Ă©videmment
pas des mĂȘmes modalitĂ©s d’aide Ă  l’insertion. Ceux qui ont quittĂ© le systĂšme scolaire sans
avoir acquis les compĂ©tences de base ne peuvent faire l’économie de cette acquisition si l’on
veut qu’ils trouvent le chemin de l’emploi et d’une socialisation nĂ©cessaire. Cette acquisition
rĂ©clame Ă©videmment d’autres modalitĂ©s pĂ©dagogiques que celles qui ont constituĂ© le
contexte de leur échec. Ceux qui, non dépourvus de compétences et/ou de diplÎmes, sont
en mal d’insertion et Ă©prouvent la brutalitĂ© de la transition entre le monde de l’école et
le monde de l’emploi, invitent à envisager l’existence d’un sas dont l’alternance pourrait
constituerl’armature.Enfin,ceuxdontleparcourspermetdefranchirlesprincipalesbarriùres
Ă  l’emploi ne doivent-ils pas ĂȘtre incitĂ©s, dĂšs leur entrĂ©e dans l’emploi, Ă  une formation
continue dont la modalité alternante garantirait la confrontation permanente et féconde
des savoirs antĂ©rieurs et des savoirs actuels aux pratiques professionnelles qu’ils mettent
en Ɠuvre ? En effet, aujourd’hui, Ă  la diffĂ©rence d’hier, l’obsolescence rapide des savoirs et
des techniques, quels que soient leur nature et le niveau avec lequel on les aborde, réclame
une disponibilitĂ© et une plasticitĂ© intellectuelle qu’il faut, sans aucun doute, entretenir de
maniĂšre permanente.
L’alternance dans le cadre de la formation
tout au long de la vie
Ce thĂšme de la formation tout au long de la vie soulĂšve plusieurs problĂšmes.
L’engagement dans la formation continue tout au long de la vie semble n’entretenir qu’un
lien tĂ©nu avec le fait d’avoir eu des expĂ©riences de formations alternĂ©es dans le cours de la
formation initiale. Les Ă©lĂ©ments dont on dispose ne semblent pas en mesure d’établir un
lien de causalitĂ© entre les deux. L’expĂ©rience antĂ©rieure n’est Ă  l’évidence pas une vĂ©ritable
propédeutique.
Par ailleurs, il semble bien que la voie de la formation tout au long de la vie ne puisse
satisfaire ceux qui la fréquentent, ou sont susceptibles de la fréquenter, que si leur parcours
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 11
peut-ĂȘtre clairement jalonnĂ© par une validation de leurs acquis. Un des indicateurs
susceptibles de conforter ce sentiment est à trouver dans le fait que ce sont les catégories
socio-professionnelles les plus élevées qui sont les consommatrices les plus fréquentes de
formation en cours de vie active. Or, déjà diplÎmées, leur engagement est un engagement
de simple lutte contre l’obsolescence ou d’amĂ©lioration de leur propre contexte culturel et
technique au sens le plus large de son expression.
DĂšs lors, mĂȘme si l’on peut considĂ©rer la voie de la formation continue tout au long de
la vie professionnelle, par la voie de l’alternance, comme favorable à l’essor de la promotion
sociale, elle n’est clairement pas une voie dominante. Or, aujourd’hui, et plus encore demain,
la compétition économique réclame et réclamera, de chacun de nous, des compétences
génériques et des compétences spécifiques. Il est, en effet, peu contestable que la mobilité
s’inscrit, à la fois, dans un nomadisme interprofessionnel de plus en plus actuel et dans des
mutations intra-professionnelles accĂ©lĂ©rĂ©es. Dans les deux cas, « l’anticipation formative »
implique de fournir aux actifs l’expertise spĂ©cifique Ă  l’exercice actuel de leur mĂ©tier et
la culture à vocation plus générale ou périphérique qui leur permettront de réussir leurs
migrations intra ou inter-professionnelles, volontaires ou contraintes.
C’est pourquoi, l’alternance, par son double enracinement dans les savoirs acadĂ©miques
et dans les savoirs professionnels, sérieusement alimentés par des partenariats et
interactions entre les deux univers, pourrait détenir une des clés de la formation comme
« outil » privilégié pour assurer la promotion du plus grand nombre au sein et dans le cadre
des nouvelles formes d’organisations du travail et de pratiques sociales et professionnelles
qui se dessinent.
SoninstallationaucƓurdela« formationtoutaulongdelavie »,exiged’aborduneveille
constante Ă  l’endroit des Ă©volutions technologiques et du monde du travail. Elle rĂ©clame
ensuite une Ă©coute attentive des besoins des entreprises comme des actifs. Elle doit encore
se traduire par une offre de dispositifs de formations, d’accompagnements et de validations
d’acquis, adaptĂ©e aux contextes des personnes engagĂ©es dans ces parcours professionnels
continus. Elle suppose enfin, pour contribuer Ă  l’épanouissement des individus, d’ĂȘtre
adossĂ©e Ă  la maĂźtrise d’un minimum de savoirs acadĂ©miques et professionnels.
D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’acquisition de connaissances ou de compĂ©tences nouvelles
est singuliĂšrement facilitĂ©e si l’on en possĂšde dĂ©jĂ  beaucoup et si elles sont cognitivement,
convenablement organisĂ©es. Il n’y a pas d’apprentissage continu, fut-ce par alternance, sans
un socle préalable de connaissances pour lui donner un sens !
L’alternance pourquoi ?
Envisager l’alternance comme une modalitĂ© pĂ©dagogique, Ă©ventuellement facilitatrice
des apprentissages, de l’acquisition des compĂ©tences et de l’amĂ©lioration des conditions
de l’insertion professionnelle, suppose une rĂ©flexion prĂ©alable sur certaines caractĂ©ristiques
liĂ©es au systĂšme scolaire, lequel, faut-il le rappeler, est Ă  l’origine de tous les processus de
formation.
La rĂ©ussite et l’échec Ă  l’école sont au cƓur de la prĂ©occupation des parents, des
enseignants et des élÚves. Comment favoriser la premiÚre et éviter le second ? Quelles que
soient les époques, cette question court les salles de professeurs, taraude les différents
responsables de l’éducation nationale, prĂ©occupe les milieux Ă©conomiques et sociaux
12 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
et, in fine, alimente le dĂ©bat public. En effet, la rĂ©ussite de tous est au cƓur de toutes les
ambitions. Mais, des zones d’éducation prioritaire aux zones sensibles, de l’affirmation
de lieux d’excellence aux succĂšs des dĂ©rogations Ă  la carte scolaire, l’école ne cesse de
produire des territoires et des espaces distincts. Dans un tel foisonnement, la possibilité
d’accĂ©der ensemble au savoir apparaĂźt comme un des dĂ©fis les plus cruciaux de notre
temps. Comment penser les multiples différences afin de mieux les prendre en compte ?
Comment traiter les inégalités générées par une telle réalité ? Comment réfuter les discours
idéologiquement saturés qui, transformant les différences en hétérogénéité, inspirent les
comportements d’exclusion ou d’auto-exclusion  ? Toutes ces questions traduisent, sans
l’épuiser, le dĂ©calage manifeste entre une ambition trĂšs largement proclamĂ©e Ă  l’égalitĂ©
des chances et des pratiques qui rendent cet objectif peu accessible en raison d’une
représentation trop figée de la réussite scolaire. Faut-il pour autant épouser le discours
d’une dĂ©gradation lente et continue des performances scolaires et alimenter l’idĂ©e de son
caractĂšre inĂ©luctable ou bien prendre en compte la variĂ©tĂ© des itinĂ©raires d’éducation en
augmentant la variĂ©tĂ© des dispositifs d’apprentissage ? Cette question rĂ©clame une analyse
minimale du contexte scolaire d’enseignement et d’apprentissage pour en faire apparaütre
les biais et les insuffisances susceptibles de justifier qu’on l’enrichisse Ă©ventuellement par la
pratique de l’alternance.
Le contexte scolaire de la formation
Dans la compĂ©tition scolaire, car c’est une compĂ©tition et probablement parmi les plus
rudes, mĂȘme si l’on tait souvent son nom, chaque personne n’est pas armĂ©e des mĂȘmes
moyens pour l’affronter. Outre les inĂ©galitĂ©s liĂ©es Ă  leurs caractĂ©ristiques intrinsĂšques, les
individus ne disposent pas des mĂȘmes atouts sociaux et les rĂšgles du jeu sont telles que
les obstacles Ă  franchir ne se prĂ©sentent pas, pour tous, sous les mĂȘmes formes. SupĂ©rioritĂ©
et infĂ©rioritĂ© manifestes peuvent ainsi ĂȘtre abusivement considĂ©rĂ©es comme des Ă©tats
naturels. Dans le mĂȘme temps, le systĂšme scolaire, en conformitĂ© avec le systĂšme social qui
l’englobe, gùre des modes d’actions, de pratiques et d’incitations sociales, au cƓur desquels
sourd une contradiction. De fait, Ă  travers les pratiques Ă©valuatives qu’il utilise, il discrimine,
hiĂ©rarchise, distingue, rĂ©compense et enfin sĂ©lectionne. Mais Ă©galement, au nom mĂȘme de
ces « mĂ©triques », il rĂ©clame, simultanĂ©ment, Ă  tous, de l’ambition et finalise le discours par
le succÚs. Le systÚme scolaire semble, comme le systÚme social, gérer, tout en la déplorant,
la rareté du succÚs.
Dans le champ social, les places en vue sont rares et la concurrence vive. Dire que le
systĂšmescolaireestunsystĂšmecompĂ©titif,c’estadmettrel’existence,socialementnĂ©cessaire,
d’attitudes combatives pour obtenir une sanction positive. Or, la compĂ©tition prend surtout
son sens lorsque la sanction d’une rĂ©alisation scolaire est extrinsĂšque. En effet, sauf pour une
petite minoritĂ© avide de savoir, pour des raisons d’ailleurs variables, les activitĂ©s strictement
scolaires ne fournissent pas, le plus souvent, les Ă©lĂ©ments d’une sanction intrinsĂšque, c’est
Ă  dire le plaisir Ă©prouvĂ© dans la rĂ©alisation des activitĂ©s. C’est pourquoi, les comportements
d’apprentissage sont le plus souvent gouvernĂ©s par les sanctions extrinsĂšques. Si celles-ci
traduisent une position de visibilité sociale positive, alors le plaisir des attributs de la réussite
(une bonne Ă©valuation par exemple) peut masquer la possible absence de plaisir liĂ©e Ă  l’acte
d’apprendre. Si, au contraire, la sanction est moins positive, voire nĂ©gative, il ne reste plus
au sujet qu’à puiser dans l’acte d’apprendre les ressources nĂ©cessaires Ă  sa satisfaction.
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 13
Rien n’assure que l’école gĂ©nĂšre « naturellement » ce type de ressources. DĂšs lors, Ă©tant
donnĂ© la nĂ©cessitĂ© pour tous les individus d’assurer leur singularitĂ© et leur reconnaissance
sociale, il convient de ne pas enfermer tous les Ă©lĂšves dans des situations d’apprentissage
oĂč seules prĂ©dominent comme termes de comparaison, les performances obtenues dans les
disciplines académiques à forte valeur sociale. En effet, comment imaginer, compte tenu de
la pesante hiĂ©rarchie disciplinaire Ă  l’école qu’une rĂ©ussite en Ă©ducation physique puisse, par
exemple, compenser un échec en mathématiques ? Cet aspect largement unidimensionnel
de la comparaison Ă  l’école contribue Ă  rendre difficile l’égale dignitĂ© des performances et
des apprentissages rĂ©alisĂ©s. Or, le besoin d’une comparaison positive de soi Ă  autrui est
essentiel pour entretenir la motivation Ă  apprendre et Ă  apprendre ensemble. Aussi faut-il
s’attacher Ă  ce que l’évaluation des savoirs et des habiletĂ©s socialement valorisĂ©es Ă  l’école
n’engloutisse pas tous les savoirs et toutes les habiletĂ©s des individus.
C’est pourquoi, situer, aussi, l’acquisition des connaissances, et la rĂ©alisation des
performances que ces connaissances autorisent, dans d’autres contextes que celui
exclusivement scolaire, serait probablement en mesure d’assurer une meilleure rĂ©ussite,
laquelle offrirait alors des situations de comparaison plus favorables Ă  la construction ou
au maintien d’une estime de soi positive. Estime de soi essentielle à tout investissement,
quelle que soit la nature de cet investissement. En effet, si l’on veut Ă©viter, chez certains,
l’émergence de stratĂ©gies de non comparabilitĂ©, qui conduisent Ă  se rĂ©fugier loin des normes
et donc dans des comportements incomparables au point de sortir des limites tolérables de
la vie collective, encore faut-il fournir des conditions de comparaison susceptibles de leur
assurer une image de soi acceptable. Or, la pression des programmes et la trĂšs puissante
hiérarchie disciplinaire réduisent trop souvent les espaces de comparaison possibles à ceux
qui relĂšvent des matiĂšres et activitĂ©s valorisĂ©es par leur puissance sĂ©lective. Cela d’autant
que l’abstraction accrue des contenus d’enseignement, notamment dans ces matiùres
sĂ©lectives, tend Ă  Ă©loigner les plus fragiles d’une comprĂ©hension spontanĂ©e et rapide.
Cette observation justifierait de pouvoir exemplifier ces contenus d’enseignement dans des
activitĂ©s plus directement concrĂštes. Il y a lĂ  une vĂ©ritable urgence pour Ă©viter, qu’étrangers
parmi leurs pairs, certains Ă©lĂšves fuient l’école et gagnent, dans le meilleur des cas, les
dispositifs confiĂ©s aux travailleurs sociaux, Ă  qui on demande de rĂ©soudre dans l’urgence
des problĂšmes que l’on a crĂ©Ă©s dans la durĂ©e.
S’il est non seulement lĂ©gitime mais nĂ©cessaire de classer les produits scolaires sur une
dimension réussite-non réussite, il est non moins nécessaire de ne pas réduire le producteur
à son produit. Les catégorisations initiales ont, en effet, une redoutable inertie et les
dynamiques de l’échec ne sont pas moins puissantes que les dynamiques du succĂšs.
Largement intériorisée par chacun, la comparaison sociale structure les rapports
sociaux sur des bases plus compĂ©titives que coopĂ©ratives. Dans ce cadre, l’idĂ©ologie
dominante, qui sature trop souvent les discours de métaphores guerriÚres, entretient une
confusion grave au sujet de la compĂ©tition. La compĂ©tition, qui, Ă©ventuellement, peut ĂȘtre le
champ d’application de compĂ©tences acquises, ne doit pas constituer la base sociale de leur
acquisition. Que signifie une compétition quand les jeux sont faits par avance ? Confondre
ainsi l’origine et le terme de l’action, c’est trop souvent dĂ©signer les perdants, en n’étant pas
assuré de la qualité des vainqueurs.
Cela d’autant que la seule anticipation d’une interaction compĂ©titive suffit Ă  gĂ©nĂ©rer des
reprĂ©sentations nĂ©gatives d’autrui et que, par ailleurs, de nombreux travaux montrent que
les situations d’apprentissage structurĂ©es par la coopĂ©ration sont d’une meilleure efficacitĂ©
14 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
que les situations d’apprentissage structurĂ©es par la compĂ©tition. Elles ont un effet positif
sur plusieurs dimensions du comportement : la motivation, les stratégies de raisonnement
et la perception d’autrui notamment. Le dĂ©bat Ă  ouvrir n’est donc pas entre une conception
iréniqueetuneconceptionguerriÚredesrelationsentrelesindividus,débatvouéànourrirles
fonds de commerce idéologiques, mais entre des attitudes et des stratégies qui tiennent ou
ne tiennent pas compte des conditions les plus favorables à l’acquisition des connaissances.
Ouvrir l’expĂ©rience de l’ensemble des apprenants Ă  des activitĂ©s qui ne relĂšvent pas
du seul cadre de rĂ©fĂ©rence scolaire, devrait ainsi enrichir leurs possibilitĂ©s d’expression et
de rĂ©alisation en leur permettant de consolider ou d’acquĂ©rir une image de soi positive et,
pour certains, de compenser les effets dĂ©lĂ©tĂšres d’éventuelles comparaisons nĂ©gatives au
sein d’un espace scolaire trĂšs normĂ©. Le contexte scolaire n’est heureusement pas le seul
contexte auquel les dynamiques d’apprentissage sont sensibles. Enseigner et apprendre ne
relÚvent en effet pas de la seule capacité ou expertise à présenter et à traiter les savoirs
selon une forme unique et supposĂ©e canonique. Si tel Ă©tait le cas, la rĂ©ussite finirait par ĂȘtre
attachĂ©e Ă  la parcimonie et l’échec Ă  la diversitĂ©.
Aussi, faut-il envisager la possibilitĂ© de varier les contextes d’apprentissage pour
Ă©viter qu’ils soient proposĂ©s Ă  tous les Ă©lĂšves quels que soient leurs rĂ©sultats scolaires dans
le systÚme sous des formes identiques et trop souvent figées, qui risquent de favoriser la
moindre rĂ©ussite des uns tout en conduisant Ă  l’échec des autres.
La diversité des compétences, la pluralité des cultures, la complexité des parcours, la
fragilité comme la solidité intellectuelle et sociale des élÚves, à certains moments de leur
trajectoire, ne sauraient donc figer une conception du talent réduite à une seule dimension.
C’est parce que l’exigence de qualitĂ© doit s’appliquer Ă  tous les niveaux des cursus, des
qualificationsetdesperformances,qu’ilfautaccorderuneattentionparticuliùreauxcontextes
des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. En effet, le contexte de prĂ©sentation
d’une tĂąche peut en interdire l’accĂšs alors mĂȘme que les compĂ©tences pour sa rĂ©alisation
sont rĂ©unies. Aussi, ce qui n’est que la consĂ©quence d’une prĂ©sentation inappropriĂ©e peut
devenir une difficultĂ© attribuĂ©e Ă  l’apprenant lui-mĂȘme. Certes, se montrer capable de
traiter une information quel que soit son contexte de présentation constitue la forme la plus
aboutie de toute performance. Néanmoins, une telle capacité, assez exceptionnelle, donc
rare, n’autorise pas à en faire le seul guide pour l’apprentissage. En revanche, la pluralisation
des contextes, en augmentant les voies d’accùs aux connaissances, laisse envisager une
meilleure réussite du plus grand nombre. Il y a là une façon de promouvoir des réussites
différentes plutÎt que de constater des différences de réussite.
Vers une évolution des méthodes pédagogiques
De ce point de vue, l’avĂšnement du numĂ©rique, qui est par ailleurs un sujet en soi,
constitue, Ă  l’évidence, une opportunitĂ© Ă  saisir pour offrir des prĂ©sentations inĂ©dites des
différents savoirs et des compétences à acquérir pour les traiter au sein du cadre scolaire. De
nouveaux formats pédagogiques innovants deviennent, en effet, possibles. Les ressources
de l’hyper-texte, les vidĂ©os, l’infographie, les tutoriels sont autant de supports et de moyens
pour permettre des présentations variées des savoirs et augmenter ainsi la probabilité
de leur appropriation par le plus grand nombre. En « offrant » de véritables plateformes
multimodales pour de nouveaux formats pédagogiques, le numérique apparaßt comme un
moyen privilégié pour installer de la « variété
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 15
Cette analyse, qui touche aux caractĂ©ristiques des « environnements d’enseignement
et d’apprentissage », permet d’entrevoir l’intĂ©rĂȘt qu’il peut y avoir Ă  s’affranchir de pratiques
pédagogiques plus ou moins immuables qui ont tendance à fonctionner comme des
« sélecteurs de compétences », tant ils réclament de conformité à la norme scolaire.
Au-delĂ  d’une forme d’alternance pĂ©dagogique, par l’emploi du numĂ©rique au sein de
l’école elle-mĂȘme, l’alternance telle que l’on peut la concevoir Ă  travers l’immersion mesurĂ©e,
partielle et temporaire, dans le monde du travail (dans le cadre des stages notamment),
constitue, Ă  l’évidence, une rĂ©elle opportunitĂ© pour enrichir et complĂ©ter les contextes
scolaires. C’est en cela que l’alternance dans l’éducation est Ă  regarder comme un moyen,
parmi d’autres, pour favoriser cet enrichissement contextuel dont la vertu principale est
bien celle de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s d’accĂšs au savoir et Ă  son utilisation.
Ce type d’analyse ou d’approche, que l’on dira contextuel, fournit donc à l’alternance,
en dehors des prĂ©occupations d’insertion professionnelle auxquelles on la rattache
habituellement, un fondement de nature pĂ©dagogique. Ce fondement peut ĂȘtre confortĂ©
par la place que prennent, ou peuvent prendre, les connaissances sociales pour faciliter
un apprentissage. En effet, face à un problÚme à résoudre, un apprenant peut disposer
de plusieurs registres de rĂ©ponses. Il peut appliquer les Ă©lĂ©ments de connaissance qu’il
possÚde et qui sont disponibles en mémoire. Mais il peut aussi utiliser des réponses en
relation avec des connaissances sociales liées au problÚme à résoudre et lui donner alors
une signification sociale éventuellement facilitatrice. Ainsi, et par exemple, confronté
au problĂšme d’élaboration d’un plan de financement par emprunt ou sur fonds propres
disponibles, un sujet peut faire appel Ă  ses connaissances sur la relation inflation/taux
d’intĂ©rĂȘt/valorisation de l’épargne. Mais, en dĂ©ficit de connaissances spĂ©cifiques, il peut aussi
s’appuyer, pour apprĂ©hender le problĂšme, sur une expĂ©rience antĂ©rieure qui l’a conduit Ă 
utiliser son Ă©pargne au dĂ©triment d’un emprunt et Ă  constater que cette opĂ©ration avait Ă©tĂ©,
bénéfique ou pénalisante. La mobilisation de cette connaissance sociale constitue une aide
pour orienter son questionnement et donc faciliter son apprentissage des contenus utiles
pour résoudre ce type de problÚme.
C’est pourquoi, liĂ©es Ă  l’expĂ©rience en situation concrĂšte, les connaissances sociales
dont on dispose ne doivent pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©es comme facteur pour accompagner les
apprentissages. De ce point de vue, lĂ  encore, une modalitĂ© pĂ©dagogique d’alternance
serait probablement de nature à les mobiliser. Acquises dans l’action, dans un autre univers
que celui de l’école, elles deviendraient utilisables Ă  des fins d’apprentissages rĂ©alisĂ©s au
sein mĂȘme de l’école. Dans cette perspective, les connaissances Ă  acquĂ©rir sont donc aussi
à concevoir comme spécifiées par les formes et les conditions sociales sous lesquelles elles
sont mobilisables ou mobilisĂ©es dans l’action.
Présenter les apprentissages, et les performances et productions auxquelles ils peuvent
donner lieu, comme, en partie, dépendant des contextes et des significations sociales
attachées aux différentes activités qui les supportent, ne doit, en aucun cas, faire oublier
les limites propres aux individus eux-mĂȘmes. La conscience de ces limites, quelle que soit
leur hauteur, n’est pas à entendre comme une contrainte,mais, au contraire, comme une
véritable incitation à tenir pleinement compte des contextes et significations sociales.
L’objectif mĂȘme de l’éducation n’est-il pas de permettre Ă  chacun d’atteindre, au moins, ses
propres limites ? Il convient de s’efforcer de proposer les conditions les plus favorables et les
plus adaptĂ©es Ă  l’expression de leur Ă©ventuel dĂ©passement.
16 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
Ce rapide dĂ©veloppement de l’influence possible des situations sociales et contextuelles
d’apprentissage Ă  l’école, sur la qualitĂ© des apprentissages et des performances, laisse
entrevoir un dĂ©calage entre l’égalitĂ© des chances discourue et l’égalitĂ© des chances
pratiquĂ©e. En rĂ©duisant l’espace de comparaison aux critĂšres acadĂ©miques les plus
vĂ©hiculaires, le caractĂšre plutĂŽt unidimensionnel des activitĂ©s propres Ă  l’école renforce plus
qu’il ne gomme les Ă©carts initiaux. Il est, en effet, facile de constater que les rĂ©sultats scolaires
se traduisent par « la loi normale d’une courbe gaussienne » comme s’ils Ă©taient l’expression
d’un indĂ©passable hasard de diffĂ©rences originelles. Le plus bel exemple n’est-il pas celui
constatĂ© au sortir des classes prĂ©paratoires, homogĂšnes Ă  l’entrĂ©e et gaussiennes Ă  la sortie ?
Or, le fondement mĂȘme de l’éducation Ă  l’école, qui est censĂ© gouverner le dĂ©passement
continu de soi, devrait s’exprimer dans des rĂ©sultats dont une courbe en J traduirait le
potentiel exprimé par chacun.
C’est une des raisons pour lesquelles on ne saurait ni dĂ©grader les contenus de savoir
à acquérir, tout en les faisant évoluer, ni renoncer aux plus hautes exigences, cela quel que
soit le secteur et le niveau de formation concerné. En revanche, probablement, convient-il
d’immerger les processus d’acquisition des connaissances Ă  l’école dans des contextes plus
variés. Ancrée dans des rÚgles et principes communs, élaborée conjointement, la pratique
de l’alternance entre milieu scolaire et monde du travail devrait permettre de tendre vers la
rĂ©alisation d’un tel objectif.
L’alternance comment ?
Envisagerl’AlternanceenĂ©ducationcommeunemodalitĂ©,voireundispositif,susceptible
de favoriser des apprentissages efficaces en augmentant la probabilitĂ© d’accĂ©der aux
connaissances indispensables Ă  l’autonomie des individus, suppose de considĂ©rer que les
principes organisateurs de l’alternance s’appliquent aussi bien aux apprentissages Ă  l’école
qu’au cadre de l’apprentissage comme dispositif. On peut alors simplement s’attacher à
envisager son déploiement sur le continuum des formations et de leurs dispositifs.
Établie sur des fondements dĂ©finis avec rigueur, l’alternance, pratiquĂ©e dans le cours de
l’acquisition du socle des connaissances, de compĂ©tences et de culture et poursuivie lors de
l’extension de ce socle, prĂ©senterait le double avantage de favoriser les acquisitions et de
faire apparaütre l’apprentissage comme une voie naturelle de formation et cela, pour tous les
niveauxdequalificationoudediplĂŽme.IlestainsiimaginabledeconsidĂ©rerqu’unemeilleure
assise originelle des connaissances acquises Ă  l’école, par la pratique d’une alternance de
type propĂ©deutique, rende plus facile l’utilisation et la mobilisation des connaissances
indispensables Ă  la construction de compĂ©tences et d’habiletĂ©s professionnelles ultĂ©rieures.
L’alternance : du systùme scolaire aux dispositifs
d’apprentissage
Comme dĂ©jĂ  indiquĂ© (cf. supra), l’alternance dans l’univers scolaire prend la forme
de stages qui peuvent ĂȘtre longs et conventionnĂ©s, d’observation et de dĂ©couverte.
Cependant, selon les types et les niveaux d’enseignement, ils peuvent souffrir d’une relative
insuffisance de préparation, aussi bien par le systÚme éducatif que par les dispositifs
d’accueil. C’est pourquoi, si l’on veut, Ă  la lumiĂšre des Ă©lĂ©ments Ă©voquĂ©s sur l’influence de la
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 17
pluri-contextualisation pour la rĂ©alisation des activitĂ©s de formation, donner Ă  l’alternance
un contenu opérant, il convient de penser en des termes nouveaux la nature et la forme des
rapports entre l’univers de l’école et celui du monde du travail. Il est d’autant plus important
d’approfondir les relations entre eux qu’il s’agira, le plus souvent, pour ceux qui vont
« bĂ©nĂ©ficier » d’un stage, de la premiĂšre rencontre avec le monde professionnel. Il convient
donc d’en mesurer toute l’importance. Pour saisir les enjeux attachĂ©s Ă  cette premiĂšre
expĂ©rience un court dĂ©veloppement, adossĂ© Ă  un peu de science, s’impose.
Le monde qui nous entoure apparaĂźt d’une extrĂȘme complexitĂ©. Nous sommes assaillis
par des informations nombreuses et de nature variée. Elles nous viennent aussi bien
de nos sens que de notre environnement. Elles réclament, et imposent, une adaptation
permanente aux stimulations, internes comme externes, auxquelles nous sommes en
permanence soumis. Or, les possibilitĂ©s intellectuelles dont dispose l’individu sont fortement
contraintes par la capacitĂ© limitĂ©e de son systĂšme de traitement de l’information. DĂšs lors,
dans l’incapacitĂ© d’allouer toute la qualitĂ© et la quantitĂ© d’attention nĂ©cessaire Ă  l’ensemble
des processus utiles à la gestion de la complexité, liée à la nouveauté notamment, il met
en Ɠuvre des stratĂ©gies pour organiser la reprĂ©sentation du monde qui l’entoure. L’une
d’entre elles consiste Ă  comparer les Ă©lĂ©ments nouveaux auxquels il se trouve confrontĂ© Ă 
des Ă©lĂ©ments anciens connus. C’est la stratĂ©gie de catĂ©gorisation. Elle permet d’identifier
la nouveautĂ© en la comparant avec des reprĂ©sentations dĂ©jĂ  installĂ©es en mĂ©moire. Établir
des catĂ©gories, c’est donc mettre ensemble des objets dont les caractĂ©ristiques sont, oĂč
semblent, communes. Ces caractéristiques ne recouvrent pas nécessairement les propriétés
exactes des objets. Leurs caractÚres communs dépendent souvent de ce pourquoi nous les
mettons ensemble : utilitĂ©, valeur, occurrence d’apparition...
Ce processus de catégorisation est tout à fait essentiel à la vie des individus.
La catégorisation joue, en effet, un rÎle de premier plan. Elle permet de découper
l’environnement, elle favorise le regroupement d’élĂ©ments jugĂ©s proches ou Ă©quivalents
d’un certain point de vue et diffĂ©rents d’un autre point de vue. Elle facilite ainsi la
construction de la reprĂ©sentation d’un monde signifiant, explicable et que l’on souhaite
prévisible. Elle participe à la reconnaissance et la mise en ordre rapide des événements de
la vie et constitue la base de référence pour des prises de décisions ultérieures. Elle est, en
rĂ©sumĂ©, d’une remarquable Ă©conomie cognitive. Cependant, comme tout principe actif, elle
n’est pas sans effets secondaires, Ă©ventuellement moins bĂ©nĂ©fiques. Notamment lorsqu’il
s’agit d’identifier  un objet ou une situation  à partir d’une information insuffisante ou
ambiguë. Des travaux expérimentaux ont en effet montré que si un objet ou une situation
sont Ă  l’origine de leur perception incorrectement identifiĂ©s, c’est Ă  dire mal placĂ©s dans une
catĂ©gorie, ils le demeurent mĂȘme lorsque la situation ou l’objet ne prĂȘte plus Ă  confusion.
Les catĂ©gorisations initiales persistent comme si elles Ă©taient dotĂ©es d’inertie. Cela vaut pour
de nombreuses configurations. Un exemple issu de la recherche expĂ©rimentale mĂ©rite d’ĂȘtre
conté6
. On fait croire, dans un premier temps, Ă  des Ă©lĂšves qu’ils sont ou non trĂšs bons en
raisonnement logique puis, ensuite, on leur révÚle que cette évaluation est sans rapport avec
leurs capacités réelles. Cette rectification se révÚle vaine. Longtemps aprÚs, ils continuent
Ă  se rĂ©fĂ©rer Ă  leur premiĂšre Ă©valuation mĂȘme lorsque celle-ci leur Ă©tait dĂ©favorable ! En
cas d’informations ambiguĂ«s ou incomplĂštes, les catĂ©gories initialement construites par
6	 Lepper, M.R., Ross,L.  Lau, R., Persistanceofinaccurateanddiscreditedpersonalimpression :Afielddemonstration
in attributional perseverance. Stanford University, 1978. Cités par J.P Leyens dans  : Sommes nous tous des
psychologues ? 1983, Pierre Mardaga, éditeur.
18 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
l’individu tendent donc Ă  persister, mĂȘme si, fausses, celui-ci s’est trouvĂ© placĂ© en situation
de les rectifier.
Cette persistance des catĂ©gories initiales dans le temps, outre qu’elle peut laisser
entendre que la résistance au changement y puise probablement une partie de sa force,
doit mobiliser toute la vigilance pĂ©dagogique de ceux en charge de concevoir et d’organiser
les situations d’apprentissage. En effet, des situations insuffisamment dĂ©finies ou ambiguĂ«s
peuvent gĂ©nĂ©rer des catĂ©gorisations erronĂ©es, mais qui, hĂ©las, n’en seront pas moins
efficaces, au risque d’entraĂźner des consĂ©quences nĂ©gatives inattendues.
CequivautĂ l’écolevautĂ©videmmenthorsdel’école.C’estpourquoi,au-delĂ desaspects
administratifs, rĂ©glementaires et Ă©conomiques attachĂ©s Ă  l’apprentissage comme dispositif,
et sur lesquels se penche la future loi sur la formation professionnelle, l’alternance doit
impérativement construire sa pratique sur des échanges organiques entre les professionnels
du monde du travail et les professionnels de l’enseignement. Il convient, d’abord, de
dĂ©finir avec prĂ©cision les conditions dans lesquelles les pratiques d’alternance sont mises
en Ɠuvre afin d’éviter des catĂ©gorisations erronĂ©es, particuliĂšrement lorsqu’il s’agit d’un
premier contact avec l’entreprise et plus largement avec un univers professionnel. Il s’agit
ensuite, outre le fait de définir les exigences de comportement social (travail en équipe, par
exemple),d’identifierlesprĂ©requisdeconnaissancesnĂ©cessairespourlapratiquedel’activitĂ©
professionnelle, objet ou support de la formation. Cette identification, ou ce repérage, relÚve
Ă©videmment de l’expert du domaine. Mais « l’adressage » de ces connaissances rĂ©clame de
les situer au regard de l’ensemble des acquis de l’apprenant. C’est ici qu’un enseignant, de
prĂ©fĂ©rence rompu Ă  la pratique de l’alternance, doit pouvoir en assurer la description, de
telle sorte que le tuteur soit en situation de les rapporter Ă  leur possible utilisation dans
une activité finalisée par une tùche professionnelle. Cette dynamique ne relÚve en rien
d’une opposition thĂ©orie/pratique, comme la stĂ©rĂ©otypie dominante s’en empare assez
réguliÚrement. Elle prend sa source dans le lien indispensable entre « cognition et action »,
qui n’est ni thĂ©orique, ni pratique mais simplement indispensable Ă  tout comportement qui
ne serait pas le fruit d’un « pur rĂ©flexe » !
C’est pourquoi la formation professionnelle par alternance requiert, à la fois, un
encadrement académique et un «  encadrement métier  ». Le premier, pour situer les
connaissances impliquées par les tùches professionnelles dans la chaßne des connaissances
acquises ou à acquérir. Le second, pour les qualifier, aménager le cadre de leur accueil et
proposer le scénario pertinent pour leur utilisation et leur développement en fonction de
l’objectif professionnel poursuivi et du contexte professionnel dans lequel ces connaissances
pourront s’appliquer, leur donnant ainsi, par l’expression mĂȘme de leur utilitĂ©, une
signification sociale.
La transformation des environnements professionnels, l’obsolescence rapide des
savoirs et des technologies, l’obĂ©sitĂ© informationnelle et les surcharges intellectuelles
qu’elle provoque, devraient conduire, de plus en plus, à penser et à repenser l’organisation
pédagogique des formations par alternance. Des configurations qui associent plus
Ă©troitement, voire organiquement, l’école et le monde du travail, Ă  travers des partenariats
renforcĂ©s, autour du partage d’une culture de la formation, scientifiquement un peu
informée, semblent indispensables pour renouveler, au-delà, des évolutions législatives, les
ambitions de la formation en générale et de la formation par apprentissage en particulier.
En effet, soutenue par des formations initiales, Ă©quipĂ©es des mĂȘmes principes
pĂ©dagogiques, la formation par apprentissage, par la vertu de son rapport Ă  l’action en
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 19
milieu professionnel, devraient ĂȘtre en mesure d’inflĂ©chir, voire de corriger certaines des
trajectoires qui Ă©loignent de nombreux jeunes de la maĂźtrise des connaissances, de la
qualification et, in fine, de l’insertion professionnelle. Certes, l’effort à accomplir n’est
pas mince. Cependant, constater le succĂšs trĂšs relatif des nombreuses corrections ou
évolutions législatives apportées au champ de la formation professionnelle, mais aussi
parfois aux formations initiales dans le systÚme académique, devrait conduire à réfléchir
Ă  des approches plus expĂ©rimentales, c’est Ă  dire limitĂ©es dans leur pĂ©rimĂštre et dans le
temps, avant de promouvoir leur Ă©ventuelle extension. Il y aurait ainsi peu de risques Ă 
Ă©prouver de nouvelles pratiques pĂ©dagogiques et d’apprentissage. En effet, compte tenu
de certaines lacunes actuelles liées aux formations initiales et des difficultés rencontrées par
de nombreux jeunes pour réussir leur insertion dans le monde du travail, une évaluation un
peu serrĂ©e de pratiques nouvelles bien dĂ©limitĂ©es, serait sans doute Ă  mĂȘme de fournir de
précieux enseignements.
Quelques repĂšres pour agir
Proposer des contextes variĂ©s pour la rĂ©alisation d’une tĂąche d’acquisition ou de
production de connaissances, c’est augmenter la probabilitĂ© d’une rĂ©alisation efficace.
Disposer de réponses en relation avec des connaissances sociales qui sont impliquées
par la tñche permet de donner à cette tñche une signification plus concrùte pour l’accomplir
avec une plus grande pertinence et une meilleure efficacité.
CatĂ©goriser, c’est favoriser l’adaptation Ă  un environnement complexe et peu prĂ©visible.
Toutefois, cette catĂ©gorisation doit s’opĂ©rer dans des situations, Ă  partir d’informations et de
situations clairement définies.
Dans une rĂ©flexion Ă  tendance opĂ©rationnelle, visant Ă  installer l’alternance comme
facteur Ă©ventuel d’amĂ©lioration des apprentissages Ă  l’école, et hors de l’école, ces trois
indications sont fondamentalement complémentaires.
DĂ©cider d’organiser l’alternance pĂ©dagogique dans les cursus acadĂ©miques, c’est
donc considĂ©rer l’éducation rĂ©alisĂ©e dans le seul contexte scolaire comme insuffisante
pour favoriser la réussite de tous au meilleur niveau des potentialités de chacun. Les
analyses proposées (cf. supra) font apparaßtre, en effet, le contexte scolaire comme trop
unidimensionnel pour mobiliser et nourrir toute la variété des compétences et des profils
intellectuels des apprenants. Ce qui conduit inéluctablement à promouvoir les profils les
plus conformes aux normes en vigueur dans le cadre scolaire.
C’est pourquoi, la possibilitĂ© d’une alternance entre ce dernier et le cadre du monde
du travail peut offrir une ouverture Ă  d’autres contextes que celui de l’école. On peut
raisonnablement penser que cette confrontation à de nouveaux contextes se révélera en
mesure de mobiliser d’autres types de rĂ©ponses que celles requises Ă  l’école, par l’école et
d’enrichir ainsi le patrimoine comportemental des apprenants.
Mais encore faut-il dĂ©finir les contenus de ces contextes, de telle sorte qu’ils entrent en
« correspondance » avec les buts poursuivis par l’école. L’objectif premier d’une stratĂ©gie
d’alternance dans les cursus acadĂ©miques doit avoir pour but de favoriser l’acquisition, la
consolidation et l’exploitation de la plupart des connaissances nĂ©cessaires Ă  une activitĂ©
intellectuelle et comportementale, autonome. Cette recherche de correspondance doit
passer par l’amĂ©nagement des « contextes de travail », afin de doter les activitĂ©s rĂ©alisĂ©es
20 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
en leur sein d’une vĂ©ritable utilitĂ© sociale, ou perçue comme telle par les apprenants. Il faut,
en effet, que les connaissances qu’ils mobilisent se chargent d’une signification sociale qui
leur assure un statut valorisant, condition nĂ©cessaire Ă  l’émergence et au maintien de leur
motivation Ă  apprendre. Pour cela, « le programme d’alternance » doit faire l’objet d’une
définition précise, sans confusion ni ambiguïté. Il importe, connaissant leurs effets délétÚres,
d’éviter les catĂ©gorisations erronĂ©es ou mal installĂ©es. Cela d’autant qu’il s’agit de dĂ©couvrir
le monde du travail. La persistance d’une mauvaise attribution serait Ă©videmment peu
favorable pour développer ou asseoir une future orientation ou motivation professionnelle.
De nature à déterminer les représentations que vont se forger les jeunes, cette premiÚre
expĂ©rience au contact du milieu professionnel doit donc faire l’objet de toutes les attentions.
On voit mal, dùs lors, comment on pourrait faire l’impasse sur la mise en place de
modalités de concertation étroite entre le monde académique et le monde économique.
Compte tenu des enjeux et de l’intĂ©rĂȘt que laisse entrevoir la pratique de l’alternance, Ă 
la fois pour les apprentissages rĂ©alisĂ©s Ă  l’école et pour la qualitĂ© de l’insertion future dans
le monde du travail, un dialogue approfondi s’impose absolument. On ne saurait laisser
encore trop de stages, quelle que soit leur nature, se décider sans véritable préparation et
s’accomplir sans autre objectif que celui d’occuper « le stagiaire. ». L’application de quelques
principes simples devrait suffire pour rendre ces temps d’alternance profitables à tous, aux
« alternants » comme Ă  ceux qui les encadrent, tant du cĂŽtĂ© de l’école que de l’entreprise,
par exemple. C’est ainsi qu’une prĂ©sentation des caractĂ©ristiques de l’entreprise (pour
poursuivre sur cet exemple) conjointement à une présentation des cursus, de leur niveau
et de leur nature précise, suivis par les jeunes, devrait favoriser une transition harmonieuse
entre les deux univers. Mais, au-delà, ce type d’interaction devrait aussi participer à la
construction d’une culture minimale commune entre les professeurs et les tuteurs ou
maütres de stage. En effet, comment donner du sens à l’alternance si ce qui est fait ici est
ignoré là, et réciproquement ? Cela impliquerait une formation innovante partagée entre les
uns et les autres.Tout apprentissage réclame un scénario pédagogique. Comment présenter
les connaissances Ă  acquĂ©rir ? Comment vĂ©rifier leur acquisition ? Comment s’assurer de
leur conservation en mĂ©moire ? Ces questions sont au cƓur des pratiques quotidiennes
d’enseignement. Comment repĂ©rer si telle ou telle connaissance est maĂźtrisĂ©e avant de
confier la rĂ©alisation d’une tĂąche? Comment prĂ©senter une activitĂ© pour ĂȘtre assurĂ© que
la compréhension de son utilité sociale soit susceptible de mobiliser des connaissances
supposées acquises ou de susciter une motivation à les acquérir ?Toutes ces questions, et de
nombreuses autres, sont au cƓur du processus d’alternance. C’est pourquoi on ne peut aller
de l’école vers l’entreprise et de l’entreprise vers l’école avec pour unique viatique celui de
l’idĂ©e que le passage de l’une Ă  l’autre suffira Ă  lever les obstacles pour des apprentissages
plus efficaces parce que finalisĂ©s. La dĂ©marche relĂšve d’une vĂ©ritable concertation incluant
les contenus Ă  privilĂ©gier, les formes de prĂ©sentation Ă  utiliser et les modalitĂ©s d’évaluation
Ă  employer. Il est Ă©vident qu’à elles seules, ces exigences rĂ©clament une quantitĂ© de travail
non négligeable pour ceux qui, par ailleurs, doivent répondre, dans leur domaine respectif,
aux obligations de leurs charges. La force de l’enjeu justifie cependant que l’on s’attache
à envisager et à soutenir ce type de démarche. Le conseil national éducation-économie
pourrait utilement appuyer une telle démarche.
En effet, incluse dans les cursus initiaux, une premiĂšre expĂ©rience d’alternance revĂȘt
une importance particuliùre. Par les dynamiques sociales et intellectuelles qu’elle est de
nature Ă  susciter, c’est un vĂ©ritable facteur d’aide Ă  la rĂ©ussite scolaire, voire Ă  la rĂ©ussite
tout court, pour un plus grand nombre de personnes. Elle enrichit la capacité à utiliser les
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 21
connaissances construites Ă  l’école en ouvrant leur champ d’utilisation et d’application.
Ainsi, par la confrontation à deux univers de pratiques et de savoirs différents, elle conduit à
Ă©laborer des connaissances sur les connaissances (des mĂ©ta-connaissances). Ce qui n’est pas
un acquis mineur : savoir à quoi servent les connaissances dont on dispose constitue, en soi,
une vĂ©ritable ressource. Au moment oĂč l’on assiste avec internet Ă  la possibilitĂ© d’accĂ©der
aux informations avec une facilité jamais rencontrée (avec un simple clic toute demande
d’information peut trouver une rĂ©ponse), cette ressource mĂ©rite d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e. En effet,
l’aisance de cet accĂšs Ă  des bases Ă©tendues d’informations favorise-t-il les apprentissages ? Si
ouiàquellesconditions ?Dequoifaut-ildisposerpourbénéficierdetoutecetteconnaissance
devenue si facilement accessible ?
À l’heure oĂč l’internet externalise les mĂ©moires, (les donnĂ©es sont aujourd’hui stockĂ©es
dans les réseaux, le clouding), il importe, pour donner un sens à la connaissance, de pouvoir
la contextualiser en la rapportant Ă  une de ses utilisations possibles. C’est ici que les « mĂ©ta
connaissances  » acquises et nourries par les pratiques alternantes, sont en mesure, en
rapportant la connaissance à une « expérience pratique », professionnelle ou non, de lui
donner une signification qui la qualifie et permet aux individus de la stocker dans leur propre
mémoire. Elle devient ainsi une base disponible pour des usages ultérieurs, notamment
d’apprentissage de connaissances nouvelles.
L’articulation plus Ă©troite de l’école et du monde du travail, avec des frontiĂšres
plus ouvertes et des passerelles mieux identifiées entre formation et emploi, adossée à
des pratiques d’alternance scientifiquement informĂ©es, ouvre probablement une voie
praticable pour affronter avec bĂ©nĂ©fice les Ă©volutions qui se dessinent. En effet, l’accĂšs
immĂ©diat et direct Ă  l’information, hors de tout cadre instituĂ©, favorise le traitement de
surface et la pratique ludique, en cela il s’oppose clairement Ă  celui de l’école, comme Ă 
celui de l’entreprise, qui conduisent Ă  emprunter des chemins plus escarpĂ©s et rĂ©clament un
vĂ©ritable effort. Or, pour dĂ©velopper les capacitĂ©s d’adaptation et de crĂ©ation des individus, il
est indispensable de conjuguer la richesse et la facilitĂ© d’accĂšs aux flux informationnels avec
la prise de distance critique attachĂ©e Ă  l’approfondissement et Ă  la structuration nĂ©cessaires
de la connaissance acquise et Ă  acquĂ©rir Ă  l’école. Aussi est–il capital de pouvoir, par sa mise
en application, rapporter cette connaissance aux réalités de son utilisation dans le monde
du travail. C’est ici que l’alternance en Ă©ducation est en mesure de jouer pleinement son
rÎle de médiation cognitive et comportementale. Face à la difficulté de nombreux jeunes
pour trouver un stage, le rapprochement Ă©ducation-entreprise devrait augmenter les choix
possibles et réduire ainsi cette difficulté.
L’alternance en formation tout au long de la vie
Leprolongementd’unerĂ©flexionsurl’alternanceenĂ©ducation,aprĂšslaformationinitiale
Ă  l’école et la « formation par apprentissage », conduit naturellement Ă  se prĂ©occuper de la
formation tout au long de la vie. Dans la mesure oĂč, jusqu’alors, les expĂ©riences antĂ©rieures,
attachĂ©es Ă  l’alternance, semblent ne pas avoir de rĂ©elle influence sur l’engagement dans
la formation tout au long de la vie, il convient de s’interroger sur les raisons susceptibles
d’expliquer un tel phĂ©nomĂšne. On pourrait penser, par exemple, que la formation par
apprentissage favorise la constitution d’un socle culturel fonctionnant comme un fond
« d’amorçage » pour l’engagement ultĂ©rieur dans une logique de formation tout au long
de la vie. Or, les données dont on dispose ne sont, de ce point de vue, pas significatives. Si,
22 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
en l’absence d’études sĂ©rieuses sur le sujet, il s’avĂšre difficile d’apporter spontanĂ©ment une
explication Ă  cet Ă©tat de fait, on peut nĂ©anmoins risquer une hypothĂšse, qui n’est d’ailleurs
probablement pas la seule possible.
Le peu de pratiques d’alternance pĂ©dagogique dans l’école, au moment oĂč s’élaborent
les bases de connaissances, et donc leur fond mémoriel, installe les individus dans des
références attachées à un seul contexte, de surcroit trÚs normé (cf. supra). Elles jouent, dÚs
lors, le rÎle de repÚre privilégié au moment de réaliser des choix de formations ultérieures.
De plus, la relation plutĂŽt univoque entre connaissance scolaire et pratique professionnelle
dans les formations par apprentissage, entre en quelque sorte en opposition avec les
logiques de formation tout au long de la vie, lesquelles inversent cette relation. En effet,
principalement ouverte Ă  des adultes, jeunes ou moins jeunes, mais tous pourvus, par
construction, d’une expĂ©rience professionnelle, la formation tout au long de la vie conduit
Ă  Ă©laborer, ou Ă  actualiser, des connaissances Ă  partir d’interrogations qui sont d’abord
professionnelles. Cette inversion de relation installe une nouvelle donne dans la formation,
Ă  la fois pour les « formĂ©s » et les formateurs. Les premiers sont, pour certains, en quĂȘte d’une
consolidation et d’une reconnaissance de leurs acquis, d’autres recherchent une certification
ou un diplîme nouveau, d’autres encore, dans une logique totalement non formelle, visent
l’accroissement d’une culture gĂ©nĂ©rale et/ou scientifique Ă  des fins de dĂ©veloppement
personnel. NĂ©anmoins, tous sont engagĂ©s sur la base d’une rĂ©fĂ©rence attachĂ©e d’abord Ă  leur
expĂ©rience professionnelle, laquelle peut ĂȘtre vĂ©cue positivement comme nĂ©gativement
mais, dans les deux cas, toujours considérée comme indispensable à dépasser. Les seconds,
confrontĂ©s Ă  des populations adultes porteuses d’une culture plutĂŽt Ă©loignĂ©e de la leur,
doivent rechercher, sous peine d’ĂȘtre inaudibles, des contextes de prĂ©sentation capables
de favoriser les mises en correspondance entre les champs notionnels qu’ils utilisent et les
repĂšres opĂ©rationnels de ceux qu’ils forment. Il y a lĂ , probablement, une contrainte dont on
pourrait tirer des enseignements pour faire évoluer les pratiques pédagogiques aussi bien à
l’école que dans les dispositifs d’apprentissage.
Cependant, pour tirer tout le bĂ©nĂ©fice d’une pratique en formation d’adultes actifs,
il demeure indispensable d’aborder cette pratique en Ă©tant muni d’un ensemble de
connaissances et d’outils mĂ©thodologiques appropriĂ©s.
S’adresser Ă  des adultes au travail, ou engagĂ©s dans une migration professionnelle,
n’impose ni le mĂȘme cadre temporel d’apprentissage ni la mĂȘme distribution calendaire
des contenus ni les mĂȘmes ressorts pĂ©dagogiques que ceux employĂ©s dans le cadre d’une
offre de formation initiale, Ă  l’école ou en apprentissage. Le temps plein doit cohabiter
avec le temps partagé. On ne doit pas former ceux qui travaillent, et pour qui le temps est
une denrée plus rare, comme ceux qui ont « tout leur temps ». Dans cette perspective, le
dispositif d’alternance doit ĂȘtre aussi un dispositif d’alternatives pour rĂ©pondre Ă  la variĂ©tĂ©
des besoins exprimés. Ces besoins sont à la fois professionnels, personnels et sociaux.
Professionnels d’abord, parce qu’il s’agit de rĂ©pondre aux exigences d’adaptation Ă  des
niveaux de responsabilités supérieures pour tous ceux qui en expriment ou en ressentent
la nĂ©cessitĂ©. Personnels ensuite, parce qu’il s’agit de conforter et de dĂ©velopper l’estime de
soi par la reconnaissance des acquis d’une expĂ©rience qui signe, le plus souvent, la qualitĂ©
et le sĂ©rieux d’un engagement dans le travail. Sociaux enfin, parce qu’il s’agit de favoriser
le maintien ou la régénération du lien social, en permettant aux différentes générations
de continuer à partager les codes attachés aux nombreuses évolutions scientifiques,
technologiques, culturelles et comportementales.
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 23
Dans des sociétés de plus en plus professionnellement nomades, en raison des
incertitudes liĂ©es Ă  l’emploi, le lien intergĂ©nĂ©rationnel, par essence organisĂ© autour de
l’action et de l’activitĂ© durablement partagĂ©es se dĂ©lite et, dĂšs lors, le tissu social se dĂ©chire.
L’instauration et la promotion de la formation tout au long de la vie offrent probablement
l’opportunitĂ© de crĂ©er de nouvelles coopĂ©rations productives entre gĂ©nĂ©rations qui, en
dépit de la générosité des discours tenus, font de plus en plus cruellement défaut.
Dans la formation tout au long de la vie, l’alternance doit ĂȘtre consubstantielle de la
diversité des parcours et des expériences et alimenter la qualité des connaissances et leur
disponibilité en les proposant sans hiérarchie préétablie. La sécurisation des parcours
professionnels et une certaine forme de stabilité personnelle en dépendent. La formation
tout au long de la vie, c’est une formation sur les chemins de la vie. Et la reconnaissance
des acquis doit en jalonner les Ă©tapes en validant conjointement la rĂ©flexion et l’action, ce
que permet une alternance nourrie par l’égale dignitĂ© des connaissances Ă  acquĂ©rir et des
connaissances importĂ©es de l’expĂ©rience professionnelle.
La reconnaissance des acquis :
un enjeu vital pour la formation tout au long de la vie
DÚs 2006, dans ses conclusions, le Conseil européen, tenu à Bruxelles les 23 et 24
mars, notait que les stratĂ©gies nationales d’apprentissage tout au long de la vie devraient
permettre Ă  tous les citoyens d’acquĂ©rir les compĂ©tences et les qualifications dont ils ont
besoin.
Si l’on ajoute à cette orientation, la cohabitation des processus de Bologne
(harmonisation européenne des formations supérieures), de Copenhague (enseignement
et formation professionnelle), de Lisbonne (compĂ©tition, croissance et emploi), mĂȘme si ce
dernier en raison de la crise a fait l’objet d’une attention nouvelle, et l’expĂ©rience ERASMUS,
il y a lĂ  des repĂšres pour favoriser la rĂ©flexion en direction d’une action plus intĂ©grĂ©e des
qualifications professionnelles et de leur reconnaissance acadĂ©mique. Au moment oĂč la
mobilitĂ© intra-europĂ©enne, contrainte ou choisie, s’installe au sein du marchĂ© du travail il est
particuliùrement important d’aborder ce type de sujet.
Il apparaßt de plus en plus nécessaire de pouvoir conjuguer références académiques,
formation et expériences professionnelles. DÚs lors, harmoniser les dispositifs de formation
tout au long de la vie et mettre en place des modalités de reconnaissance professionnelle,
Ă©ventuellement transfĂ©rables, constitue une question majeure pour l’alternance en
formation tout au long de la vie. Deux types de certification peuvent y répondre  : les
diplÎmes nationaux de type Licence, Master, Doctorat (LMD) et les titres enregistrés au
RĂ©pertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP).
Le niveau de ces titres est clairement identifié et référencé au Cadre Européen des
Certifications dans la mesure oĂč ils sont constitutifs du RNCP. C’est Ă©videmment un Ă©lĂ©ment
important au regard de la mobilité professionnelle en Europe.
Ces modes de reconnaissance ne relĂšvent toutefois pas de la mĂȘme logique. La
logique de grade LMD est fondée sur des critÚres de type académique tandis que la
logique d’enregistrement au RNCP est adossĂ©e Ă  l’existence d’un mĂ©tier et doit donc faire
la dĂ©monstration que l’évaluation est pertinente et cohĂ©rente avec les attendus du marchĂ©
du travail. Cependant, l’une et l’autre de ces logiques bĂ©nĂ©ficient Ă  l’échelle europĂ©enne
24 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
d’un cadre mĂ©thodologique commun qui permet le transfert de crĂ©dits d’un systĂšme de
certification national Ă  un autre.
Une recommandation du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 [Journal
officiel C 155 du 8.7.2009], Ă©tablit, en effet, un systĂšme europĂ©en de crĂ©dits d’apprentissage
pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET). Ce systùme s’applique à
tous les acquis obtenus dans les diverses filiùres d’enseignement et d’apprentissage,
puis transfĂ©rĂ©s, reconnus et capitalisĂ©s en vue de l’obtention d’une certification. Il n’a pas
vocation Ă  remplacer les systĂšmes nationaux de certification. Il vise simplement Ă  optimiser
leur comparabilité et leur compatibilité. Il peut ainsi permettre aux citoyens européens
d’obtenir plus facilement la reconnaissance de leurs formations et de leurs savoirs dans un
autre État membre.
En effet, jusqu’alors, la diversitĂ© des systĂšmes nationaux, qui dĂ©finissent les niveaux de
certification et leur contenu, ne favorise pas la mobilité transnationale des apprenants. Ce
systÚmepermettraitderemédieràcettesituationenfacilitantlesmigrationsprofessionnelles
Ă  travers toute l’Europe. Les États membres sont d’ailleurs libres d’adopter la prĂ©sente
recommandation et de la mettre en Ɠuvre. C’est encore peu ou pas le cas, notamment en
France mais pas seulement.
Le systÚme ECVET complÚte par ailleurs le systÚme européen de transfert et
d’accumulation de crĂ©dits (ECTS), qui relie l’enseignement et la formation professionnels
et l’enseignement supĂ©rieur. Ce systĂšme permet le transfert d’expĂ©riences d’apprentissage
entre diffĂ©rentes institutions, ce qui assouplit les parcours en vue de l’obtention de diplĂŽmes.
Les «objectifs de formation», connaissances, compétences et savoirs faire à acquérir, sont
exprimĂ©s en termes de crĂ©dits. MĂȘme si les Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur sont
des institutions autonomes et si les décisions finales demeurent de leurs responsabilités,
le systĂšme ECTS peut contribuer Ă  la reconnaissance des « études » d’une personne entre
différentes institutions et systÚmes éducatifs nationaux et donc, a fortiori, entre institutions
de formation d’un mĂȘme territoire national. La France utilise le systĂšme depuis plusieurs
années dans le cadre de son enseignement supérieur universitaire notamment.
Comme on peut le constater, le sujet de la validation des acquis en formation tout au
long de la vie est une prĂ©occupation d’empan europĂ©en dont il semble important de se
saisir. En effet, raisonner sur des processus Ă  valeur transnationale pourrait permettre de
poser en des termes nouveaux le problĂšme de la validation des acquis dans un dispositif
national. S’attacher à rendre comparables ou compatibles des parcours nationaux devrait
favoriser la réflexion sur les étapes et les contenus nécessaires pour obtenir une certification
selon une modalitĂ© pĂ©dagogique d’alternance. Il conviendrait, notamment, d’envisager des
parcours composites, en fonction des contextes individuels et sur la base d’une Validation
des Acquis de l’ExpĂ©rience (VAE) cohĂ©rente et pertinente. Cela de telle sorte, que les jurys
de VAE puissent donner une validation totale ou partielle fondée sur les attendus au
moment mĂȘme oĂč a lieu l’évaluation et non sur l’adĂ©quation Ă  un programme de formation
comme seul support de la certification ou de la diplomation. En effet, accorder, comme
c’est gĂ©nĂ©ralement le cas, une certification ou un diplĂŽme sur la base d’un programme
de formation, par nature et par construction, limité dans le temps, semble difficilement
compatible avec l’alternance en formation tout au long de la vie qui est inscrite, elle aussi
par nature et par construction, dans une temporalitĂ© non dĂ©finie. L’un des freins majeurs du
développement de la VAE réside donc dans les référentiels supports qui ne permettent pas
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 25
de situer une expérience professionnelle, individuelle ou collective, par rapport au contenu
« académique » de la certification souhaitée, ou délivrée.
En mettant en Ă©vidence l’existence d’un problĂšme rĂ©current entre «  thĂ©orie et
pratique », dont on a pu entrevoir, dans les sections prĂ©cĂ©dentes, qu’il n’était pas neutre au
regard des relations entre le monde scolaire et le monde Ă©conomique, cette observation
boucle en quelque sorte la logique de cette Ă©tude. Le lien entre la connaissance, ses
modes d’acquisition et son utilisation dans l’action, demeure un des sujets majeurs de la
problématique de la formation quelle que soit la nature de celle-ci.
De ce point de vue, et au-delà de la formation tout au long de la vie, le développement
de pratiques de réseau entre les entreprises et les établissements de formation concernés
seraitcertainementunbonmoyendedonnerunenouvelleimpulsionpourlareconnaissance
acadĂ©mique de l’expĂ©rience professionnelle. En tout cas, les recommandations et les
systÚmes de transfert au niveau européen tendent à nous y inviter.
Conclusion
En dĂ©pit de l’importance qui lui est accordĂ©e dans cette Ă©tude, l’alternance dans
l’éducation ne doit pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la solution pĂ©dagogique pour, tout Ă  la
fois, combler les lacunes des formations scolaires ou universitaires initiales, résoudre les
problĂšmes liĂ©s Ă  l’insertion professionnelle et rythmer avec bonheur les cheminements de
la formation tout au long de la vie.
NĂ©anmoins, le constat, trĂšs cruel, d’un nombre trĂšs significatif de jeunes sans diplĂŽme
Ă  leur sortie du systĂšme Ă©ducatif conduit Ă  s’interroger sur les causes de cette situation et
sur les amĂ©liorations Ă  envisager pour s’efforcer de rĂ©duire leurs effets. Cela d’autant que cet
Ă©chec massif trouve son prolongement dans un chĂŽmage tout aussi massif et qui touche
trÚs majoritairement les jeunes issus de parents de milieux socioéconomiques défavorisés.
Par ailleurs, le fait que la voie des formations professionnelles concerne trĂšs majoritairement
les jeunes qui accusent un retard dĂšs la classe de 6Ăšme,
ne constitue pas spontanément un
argument pour sa valorisation. C’est pourquoi le parti pris de cette Ă©tude a d’abord Ă©tĂ©
d’identifier, d’analyser puis de suggĂ©rer des pistes pour cerner les raisons susceptibles de
contribuer Ă  expliquer un tel tableau. Ensuite, sur ces bases, le propos s’est efforcĂ©, certes de
maniĂšresuperficielle,dedonnerducrĂ©ditĂ l’alternancecommeunedĂ©marchepĂ©dagogique
en mesure, non de rĂ©soudre tous les problĂšmes soulevĂ©s mais d’enrichir pour tous les Ă©lĂšves
les contextes d’acquisition des connaissances.
En dĂ©pit de ses insuffisances, il n’est donc pas interdit de penser que cette contribution
puisse trouver un Ă©cho Ă©ventuellement institutionnel pour alimenter un questionnement
plus fonctionnel et qualitatif de la formation, sous toutes ses formes, dans la mesure oĂč
chacun s’accorde Ă  la placer au croisement de toutes les prĂ©occupations.
En effet, en proposant une plus grande variété de possibilités pour donner du sens aux
apprentissages rĂ©alisĂ©s, par les jeunes et les moins jeunes, l’alternance en Ă©ducation offre Ă 
la diversité des compétences et des talents, mais aussi aux trajectoires éducatives les plus
fragiles, des perspectives de réussite plus nombreuses.
26 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
Annexes
Annexe n° 1 : composition de la section de l’éducation,
de la culture et de la communication
33 Président : Philippe DA COSTA
33 Vice présidentes : Claire GIBAULT et Claire GUICHET
❐❐ Agriculture
33 Monique BERNARD
❐❐ Artisanat
33 Monique AMOROS
❐❐ Associations
33 Philippe DA COSTA
33 Bérénice JOND
❐❐ CFDT
33 Adria HOUBAIRI
33 Xavier NAU
❐❐ CFE-CGC
33 Jean-Claude DELAGE
❐❐ CFTC
33 Bernard IBAL
❐❐ CGT
33 Claude MICHEL
❐❐ CGT-FO
33 Françoise NICOLETTA
33 Éric PERES
❐❐ Entreprises
33 GeneviĂšve BEL
33 Danielle DUBRAC
33 Sophie DUPREZ
❐❐ Environnement et nature
33 Jacques BEALL
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 27
❐❐ Organisations Ă©tudiantes et mouvements de jeunesse
33 Azwaw DJEBARA
33 Claire GUICHET
33 Marie TRELLU-KANE
❐❐ Outre-mer
33 Marie-Claude TJIBAOU
❐❐ PersonnalitĂ©s qualifiĂ©es
33 Rachel BRISHOUAL
33 Claire GIBAULT
33 Marie-Aleth GRARD
33 Laura FLESSEL-COLOVIC
33 Alain TERZIAN
33 Gérard ASCHIERI Rattaché administrativement au groupe
❐❐ UNAF
33 Henri JOYEUX
33 Christiane THERRY
❐❐ PersonnalitĂ©s associĂ©es
33 Jean-Marie BELIN
33 Bernard CHAUSSEGROS
33 Anne COURTILLÉ
33 Samira DJOUADI
33 Vladimir MITROFANOFF
33 Jean-Marc MONTEIL
33 Isabelle SEVERINO
33 AgnĂšs VAN ZANTEN
28 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
Annexe n° 2 : table des sigles
AGEFIPH	Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des
personnes handicapées
BEP	 Brevet d’études professionnelles
CAP	 Certificat d’aptitude professionnelle
CEREQ	 Centre d’étude et de recherches sur les qualifications
CESE	 Conseil Ă©conomique, social et environnemental
CFA	 Centre de formation d’apprentis
DEPP	 Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance
DUT	 DiplĂŽme universitaire de technologie
ECTS	 European credit transfer system
ECVET	 European credit system for vocational education and training
EPLE	 Etablissement public local d’enseignement
GPEC	 Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
IGA	Inspection gĂ©nĂ©rale de l’administration
IGAENR	Inspection gĂ©nĂ©rale de l’administration de l’éducation nationale et de la
recherche
IGAS	Inspection générale des affaires sociales
IGEN	Inspection gĂ©nĂ©rale de l’éducation nationale
LMD	 Licence, Master, Doctorat
RNCP	 RĂ©pertoire national des certifications professionnelles
VAE	 Validation des acquis de l’expĂ©rience
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 29
Annexe n° 3 : bibliographie
L’emploi des jeunes, rapporteur Jean-Baptiste PREVOST, CESE, 26 septembre 2012
Le supĂ©rieur : moteur de la croissance de l’apprentissage en 2010 et 2011,
note d’information n° 13, 22, DEPP, octobre 2013
L’enseignement professionnel, Education et Formation n° 75, DEPP, octobre 2007
Promouvoir et dĂ©velopper l’alternance, voie d’excellence pour la professionnalisation,
Rapport au Président de la République, Henri PROGLIO, Documentation française,
novembre 2009
30 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
Annexe n° 4 : scrutin
Ce texte a Ă©tĂ© votĂ© par 25 voix, soit l’unanimitĂ© des conseillers et personnalitĂ©s associĂ©es
présents :
Agriculture Mme BERNARD
Artisanat Mme AMOROS
Associations M. DA COSTA
Mme JOND
CFE-CGC M. DELAGE
CFDT Mme HOUBAIRI
M. NAU
CFTC M. IBAL
CGT M. MICHEL
CGT-FO Mme NICOLETTA
M. PERES
Entreprises Mmes BEL
Mme DUBRAC
DUPREZ
Organisations Ă©tudiantes
et mouvements de jeunesse
M. DJEBARA
Mme GUICHET
Mme TRELLU-KANE
Personnalités qualifiées M. TERZIAN
Mme FLESSEL
Mme GRARD
UNAF M. JOYEUX
Personnalités associées M. BELIN
M. MITROFANOFF
Mme DJOUADI
M. MONTEIL
L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 31
Annexe n° 5 : liste des personnes auditionnées 
33 M. Alain Clémence
professeur de sociologie Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne (Suisse).
33 M. Yves Lichtenberger
directeur du programme « Emploi, égalité des chances » au Commissariat général
à l’investissement.
33 M. Richard Skrzypczak
directeur gĂ©nĂ©ral adjoint chargĂ© de la formation Ă  la Chambre de commerce et d’industrie
de Versailles.
ImprimĂ© par la direction de l’information lĂ©gale et administrative, 26, rue Desaix, Paris (15e
)
d’aprĂšs les documents fournis par le Conseil Ă©conomique, social et environnemental
No
de sĂ©rie : 411140007-000314 – DĂ©pĂŽt lĂ©gal : mars 2014
Crédit photo : shutterstock
Direction de la communication du Conseil Ă©conomique, social et environnemental
Retrouvez l’intĂ©gralitĂ©
de nos travaux sur
www.lecese.fr
„„ Pour une politique de dĂ©veloppement du spectacle vivant :
l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie
„„ Avant-projet de loi d’orientation et de programmation
pour la refondation de l’école de la RĂ©publique
„„ RĂ©ussir la dĂ©mocratisation de l’enseignement supĂ©rieur :
l’enjeu du premier cycle
„„ La mobilitĂ© des jeunes
„„ Les inĂ©galitĂ©s Ă  l’école
DerniĂšres publications
de la section de l’éducation, de la culture
et de la communication
„„ La stratĂ©gie d’investissement social
„„ Les consĂ©quences de SolvabilitĂ© II sur le financement des entreprises
„„ Le travail à temps partiel
„„ Internet : pour une gouvernance ouverte et Ă©quitable
„„ Favoriser l’accĂšs pour tous Ă  une alimentation de qualitĂ©, saine et Ă©quilibrĂ©e
„„ Transitions vers une industrie Ă©conome en matiĂšres premiĂšres
„„ Les zones franches urbaines
„„ Principe de prĂ©caution et dynamique d’innovation
LES DERNIÈRES PUBLICATIONS
DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL (CESE)
Jean-Marc Monteil
février 2014
Les Ă©ditions des
JOURNAUX OFFICIELS
L’alternance dans
l’éducation
No
 41114-0007 
prix : 12,90 e
ISSN 0767-4538 
ISBN 978-2-11-120941-1
-:HSMBLB=WU^YVV:
www.lecese.fr
CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL
ET ENVIRONNEMENTAL
9, place d’IĂ©na
75775 Paris Cedex 16
TĂ©l. : 01 44 43 60 00
Cette Ă©tude se situe
dans la perspective
d’une contribution
plus pédagogique
que structurelle de
l ’a l t e r n a n c e d a n s
l’éducation.
Elle se propose de
donner du crédit à
l’alternance comme une
démarche pédagogique
en mesure d’enrichir
pour tous les Ă©lĂšves les
contextes d’acquisition
de connaissances, et non
pas seulement comme
une solution réparatrice.
L’a l te r n a n ce d a n s
l’éducation doit offrir
à la diversité des
compétences et des
talents et aux trajectoires
Ă©ducatives les plus
fragiles des perspectives
d e r Ă© u s s i t e p l u s
nombreuses.
LESÉTUDESDUCONSEILÉCONOMIQUE,SOCIALETENVIRONNEMENTAL
Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
Les Ă©ditions des Journaux officiels
tél. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr

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  • 1. Jean-Marc Monteil fĂ©vrier 2014 Les Ă©ditions des JOURNAUX OFFICIELS L’alternance dans l’éducation No  41114-0007  prix : 12,90 e ISSN 0767-4538  ISBN 978-2-11-120941-1 -:HSMBLB=WU^YVV: www.lecese.fr CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL 9, place d’IĂ©na 75775 Paris Cedex 16 TĂ©l. : 01 44 43 60 00 Cette Ă©tude se situe dans la perspective d’une contribution plus pĂ©dagogique que structurelle de l ’a l t e r n a n c e d a n s l’éducation. Elle se propose de donner du crĂ©dit Ă  l’alternance comme une dĂ©marche pĂ©dagogique en mesure d’enrichir pour tous les Ă©lĂšves les contextes d’acquisition de connaissances, et non pas seulement comme une solution rĂ©paratrice. L’a l te r n a n ce d a n s l’éducation doit offrir Ă  la diversitĂ© des compĂ©tences et des talents et aux trajectoires Ă©ducatives les plus fragiles des perspectives d e r Ă© u s s i t e p l u s nombreuses. LESÉTUDESDUCONSEILÉCONOMIQUE,SOCIALETENVIRONNEMENTAL Diffusion Direction de l’information lĂ©gale et administrative Les Ă©ditions des Journaux officiels tĂ©l. : 01 40 15 70 10 www.ladocumentationfrancaise.fr
  • 2. 2014-07 NOR  : CESL1100007X Vendredi 14 mars 2014 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Mandature 2010-2015 – Bureau du 11 fĂ©vrier 2014 Question dont le Conseil Ă©conomique, social et environnemental a Ă©tĂ© saisi par dĂ©cision de son bureau en date du 23 avril 2013 en application de l’article 3 de l’ordonnance no  58-1360 du 29  dĂ©cembre  1958 modifiĂ©e portant loi organique relative au Conseil Ă©conomique, social et environnemental. Le bureau a confiĂ© Ă  la section de l’éducation, de la culture et de la communication la prĂ©paration d’une Ă©tude intitulĂ©e : L'alternance dans l'Ă©ducation. La section de l’éducation, de la culture et de la communication, prĂ©sidĂ©e par M. Philippe Da Costa, a dĂ©signĂ© M. Jean-Marc Monteil comme rapporteur. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION Étude du Conseil Ă©conomique, social et environnemental M. Jean-Marc Monteil, rapporteur au nom de la section de l'Ă©ducation, de la culture et de la communication
  • 3. 2 –étude du Conseil Ă©conomique, social et environnemental Sommaire „„ Introduction 4 „„ Situer l’alternance 6 „„ L’alternance dans le cadre de l’apprentissage 7 „„ L’alternance dans le cadre d’une formation scolaire ou universitaire 9 „„ L’alternance dans le cadre de l’insertion ou de la rĂ©insertion sociale et/ou professionnelle de jeunes en Ă©chec scolaire ou non 9 „„ L’alternance dans le cadre de la formation tout au long de la vie 10 „„ L’alternance pourquoi ? 11 „„ Le contexte scolaire de la formation 12 „„ Vers une Ă©volution des mĂ©thodes pĂ©dagogiques 14 „„ L’alternance comment ? 16 „„ L’alternance : du systĂšme scolaire aux dispositifs d’apprentissage 16 „„ Quelques repĂšres pour agir 19 „„ L’alternance en formation tout au long de la vie 21 „„ La reconnaissance des acquis : un enjeu vital pour la formation tout au long de la vie 23 „„ Conclusion 25
  • 4. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 3 Annexes ________________________________________________________ 26 Annexe n° 1 : composition de la section de l’éducation, de la culture et de la communication ____________________________________ 26 Annexe n° 2 : table des sigles ___________________________________________ 28 Annexe n° 3 : bibliographie _____________________________________________ 29 Annexe n° 4 : scrutin ___________________________________________________ 30 Annexe n° 5 : liste des personnes auditionnĂ©es ___________________________ 31
  • 5. 4 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION Introduction Saisi sur la question de la place de l’Alternance dans l’Éducation et par celle, jugĂ©e trop faible, « rĂ©servĂ©e Ă  la dĂ©couverte professionnelle dans l’acquisition des connaissances dans le secondaire comme dans le supĂ©rieur », le CESE s’est donnĂ© l’objectif d’exposer et de souligner certains des enjeux susceptibles d’ĂȘtre liĂ©s Ă  de telles questions. Cette Ă©tude se situe donc dans la perspective d’une contribution plus pĂ©dagogique que structurelle de l’alternance dans l’éducation. Ce parti pris suppose quelques incursions dans les contenus des pratiques scolaires, pour interroger leurs consĂ©quences Ă©ventuelles sur le niveau de performance des Ă©lĂšves et pour suggĂ©rer des inflexions en mesure d’amĂ©liorer la performance du systĂšme dans son ensemble. Ilimpliqueaussi,auregarddelapartinsuffisanterĂ©servĂ©eĂ ladĂ©couverteprofessionnelle dans l’acquisition des connaissances, d’explorer et d’analyser les conditions, et de cerner les raisons, qui feraient de l’alternance une pratique Ă  mĂȘme de faciliter les processus d’apprentissage et de contribuer Ă  l’amĂ©lioration des choix d’orientation professionnelle. NĂ©anmoins, il ne s’agira, Ă©videmment, ni de repenser les attendus fondamentaux de l’école, ni d’attribuer Ă  l’alternance la vertu de pallier les insuffisances relevĂ©es dans les dispositifs de formation. Tout au plus, s’agira-t-il d’évoquer quelques repĂšres pour agir dans la perspective de promouvoir une approche plus intĂ©grative de la formation, de sa composante initiale Ă  son expression tout au long de la vie. Par ailleurs, parallĂšlement Ă  cette auto-saisine, jugeant que l’alternance est une solution aux difficultĂ©s d’insertion rencontrĂ©es par les jeunes, le gouvernement a fixĂ©, en octobre 2013, l’objectif d’atteindre les 500.000 apprentis en 2017, soit 65 000 de plus que fin 2012. Dans ce cadre, le ministĂšre de l’éducation nationale affiche, lui, la volontĂ© de faire passer le nombre d’apprentis en EPLE de 40 000 Ă  60 000 d’ici Ă  quatre ans. Partant de l’énoncĂ© de ces objectifs, les inspections gĂ©nĂ©rales (l’IGAS, l’IGA, l’IGEN et l’IGAENR), se sont vues confier, le 23 octobre 2013 une mission conjointe dans le but d’analyser les « obstacles » qui « entravent le dĂ©veloppement de l’apprentissage ». Il s’agira, notamment, d’étudier les moyens de dĂ©velopper l’offre dans la fonction publique et au sein des lycĂ©es professionnels et technologiques. La contribution a pour but de nourrir l’élaboration de la loi sur la formation professionnelle. Une des pistes envisagĂ©es par le gouvernement pour dĂ©velopper l’apprentissage a pour finalitĂ© de mieux intĂ©grer l’alternance dans la stratĂ©gie de gestion prĂ©visionnelle des emplois et des compĂ©tences (GPEC) des grandes et moyennes entreprises « dans le contexte des contrats de gĂ©nĂ©rations ». Il s’agit d’en amĂ©liorer la qualitĂ©, notamment Ă  travers une approche renouvelĂ©e de la formation des maĂźtres d’apprentissage et la formalisation des relations entre le jeune et sa famille, le Cen tre de formation des apprentis (CFA) et l’employeur. Le but ultime Ă©tant de prĂ©venir les ruptures de contrat. BriĂšvement rappelĂ©s, ces quelques Ă©lĂ©ments installent, en quelque sorte, une toile de fond Ă  la rĂ©flexion que le CESE ouvre dans le mĂȘme temps sur l’alternance dans l’éducation. DĂšs lors, si le CESE veut apporter sa propre contribution au traitement de ce sujet (de prĂ©occupations et d’intĂ©rĂȘt trĂšs largement partagĂ©s), il ne peut, au risque de ne rendre qu’une pĂąle copie des analyses en cours, confondre totalement son approche avec celles dĂ©finies par ailleurs.
  • 6. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 5 C’est pourquoi, dans un contexte aussi vaste d’observation, il se donne comme objectif decentrersarĂ©flexionetd’organisersacontributionautourdel’alternanceentenduecomme mode d’action pĂ©dagogique pour contribuer Ă  l’amĂ©lioration de la rĂ©ussite en formation et, corrĂ©lativement, de favoriser l’insertion professionnelle tant par la voie de la formation scolaire et universitaire que par la voie de l’apprentissage. Au regard de certains chiffres le problĂšme se pose avec une certaine acuitĂ©. Qu’on en juge. Chaque annĂ©e, 150 000 jeunes quittent le systĂšme Ă©ducatif sans aucune qualification ; parmi eux 52% Ă©taient sans emploi en 2010, selon l’enquĂȘte «gĂ©nĂ©ration 2007» du centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ). Les enfants qui sortent du systĂšme sans diplĂŽme sont, Ă  une Ă©crasante majoritĂ©, issus de parents ouvriers (5 enfants d’ouvrier pour un enfant de cadre)1 . Au sein de la gĂ©nĂ©ration 2007, 24 000 Ă©lĂšves ont achevĂ© leur scolaritĂ© en 3Ăšme. Le plus haut diplĂŽme obtenu pour les jeunes empruntant la voie professionnelle est le Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou le Brevet d’études professionnelles (BEP) pour 39 %, le Bac professionnel pour 26 %, le DUT pour 6 %, la licence pour 2 %. Au-delĂ , mĂȘme si l’alternance comprend des filiĂšres de rĂ©ussite, il est Ă  noter que la voie professionnelle scolarise surtout les enfants les plus en difficultĂ©s (80 % Ă©taient en retard en 6Ăšme ). Si l’on se penche sur les chiffres de l’apprentissage (436  334 apprentis en 2012) on observe que plus de 40 % des apprentis prĂ©parent un CAP et que 30 % prĂ©parent un baccalaurĂ©at. Enfin, le retard Ă©voquĂ© ci-dessus se traduit par un Ăąge moyen des apprentis qui est passĂ© entre 1986 et 2012 de 17,5 ans Ă  19,2 ans et les filles y sont trĂšs minoritaires2 . En ce qui concerne les personnes handicapĂ©es, en 2011 l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapĂ©es (AGEFIPH) a aidĂ© 2 563 personnes en contrat d’apprentissage. En 2013, on compte 2418 contrats primĂ©s en apprentissage : s’y ajoutent 2 338 contrats de professionnalisation, en augmentation de 20% par rapport Ă  20123 . Ces quelques chiffres suffisent, malheureusement, Ă  situer l’ampleur du problĂšme. Manifestement, l’école rĂ©pond mal Ă  l’exigence de rĂ©ussite pour le plus grand nombre. Elle ne parvient pas, notamment, Ă  satisfaire les besoins scolaires des enfants les plus Ă©loignĂ©s des codes culturels dominants : la cohorte des sans diplĂŽme est massivement constituĂ©e d’enfants issus de parents ouvriers. Si l’on ajoute que la voie professionnelle concerne les enfants les plus en difficultĂ© sur le plan scolaire et qu’ils se retrouvent dans le cadre de l’apprentissage, nous avons lĂ  un tableau qui interroge nĂ©cessairement les pratiques pĂ©dagogiques Ă  l’école et leurs prolongements Ă©ventuels hors de l’école. Certes, l’on pourrait engager l’étude dans une voie d’analyse plus sociologique que pĂ©dagogique. Elle conduirait, en rĂ©vĂ©lant qu’échecs et rĂ©ussites sont largement corrĂ©lĂ©s, voire entretiennent des liens de causalitĂ©, avec l’origine socio-Ă©conomique, Ă  en identifier, au niveau macroscopique, les raisons structurelles. Ce n’est pas l’angle choisi. Cette Ă©tude s’attache, plus modestement, Ă  identifier et Ă  analyser certaines pratiques pĂ©dagogiques susceptibles d’expliquer, en partie, et en partie seulement, un tel constat et, sur ces bases, Ă  proposer l’alternance en Ă©ducation comme une modalitĂ© pĂ©dagogique en mesure de contribuer Ă  une amĂ©lioration de la situation. 1 Quand l’école est finie...Premiers pas dans la vie active d’une gĂ©nĂ©ration, enquĂȘte 2010, CEREQ 2012 2 L’état de l’école n°23 p.38-39, MinistĂšre de l’éducation nationale, DEPP (Ă©dition 2013) 3 Chiffres fournis par l’AGEFIPH.
  • 7. 6 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Aborder le sujet sous un tel angle de traitement implique Ă©videmment de s’accorder sur une dĂ©finition de la notion d’alternance et d’en dĂ©limiter le champ d’application. Situer l’alternance L’alternance est une notion souvent utilisĂ©e pour dĂ©crire des rĂ©alitĂ©s plurielles. Elle Ă©voque aussi bien des dispositifs publics que des modalitĂ©s d’organisation pĂ©dagogique. Elle dĂ©signe Ă  la fois des contenus de politique de formation et/ou des politiques d’emploi, dans le cadre des mesures d’aide Ă  l’insertion. On s’accordera nĂ©anmoins ici, compte tenu du point de vue adoptĂ©, sur le fait que l’alternance recouvre des formes d’enseigner et d’apprendre qui articulent, ou tendent Ă  articuler, une formation dite thĂ©orique, en rĂ©fĂ©rence Ă  l’univers acadĂ©mique et une formation dite pratique, en rĂ©fĂ©rence Ă  l’univers Ă©conomique. Cela quels que soient les lieux autour desquels elle est organisĂ©e. Selon cette dĂ©finition, plusieurs types d’alternance et de contrats peuvent ĂȘtre distinguĂ©s: L’alternance dans le cadre de l’apprentissage, qui est une formation professionnelle organisĂ©e sous la responsabilitĂ© principale de l’entreprise et vise l’acquisition d’une qualification. Elle peut ĂȘtre Ă©galement mise en place sous la responsabilitĂ© des Établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) ou des universitĂ©s et des Ă©coles, c’est Ă  dire sous statut scolaire ou universitaire. En effet, la rĂ©forme Seguin de 1987 a Ă©tendu l’apprentissage Ă  l’ensemble des niveaux de formation. Ce qui, Ă  travers les CFA, a ouvert la voie pour l’enseignement supĂ©rieur. Dans ce cadre : yy Le contrat d’apprentissage permet Ă  un jeune de prĂ©parer l’obtention d’un diplĂŽme ou d’une certification sur le support d’un contrat en alternance dans une entreprise d’accueil. yy Le contrat de professionnalisation permet Ă  une entreprise d’embaucher un jeune ou un moins jeune dans le cadre d’un contrat de travail Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e ou indĂ©terminĂ©e afin de lui permettre en fonction des besoins de l’employeur de suivre en alternance une formation qualifiante, certifiante ou diplĂŽmante. Ces 2 dispositifs sont donc complĂ©mentaires, l’un qui part du jeune cherchant Ă  obtenir un diplĂŽme dans le cadre de sa formation initiale, l’autre qui part du besoin de l’entreprise dans le cadre de la formation professionnelle continue. Dans ces 2 contrats de travail, l’entreprise et l’organisme de formation se partagent la responsabilitĂ© de la formation Ă  laquelle ils concourent tous les deux. De mĂȘme, un maĂźtre d’apprentissage ou un tuteur est dĂ©signĂ© pour accompagner le jeune dans sa formation dans l’entreprise. L’entreprise est un co-acteur de la pĂ©dagogie de l’alternance. Les autres formes d’alternance sont : yy L’alternance dans le cadre d’une formation scolaire ou universitaire avec une visĂ©e Ă©ducative et professionnalisante ; yy L’alternance dans le cadre de l’insertion ou de la rĂ©insertion sociale et/ou professionnelle de jeunes en Ă©chec scolaire ou sans qualification ; yy L’alternance dans le cadre de la formation tout au long de la vie.
  • 8. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 7 L’alternance dans le cadre de l’apprentissage L’alternance dans le cadre de l’apprentissage reprĂ©sente la forme la plus ancienne de l’engagement de l’entreprise dans un rĂŽle installĂ© Ă  la charniĂšre entre l’emploi et la formation. LiĂ©e primitivement aux formations de niveau V, elle s’est ouverte progressivement aux niveaux supĂ©rieurs pour atteindre aujourd’hui les niveaux III et II voire I de l’enseignement supĂ©rieur. La rĂ©partition des apprentis sur le territoire est, par ailleurs, assez inĂ©gale. En effet, l’Île-de France fournit 18 % de l’effectif total d’apprentis (tous niveaux confondus). Elle est suivie par les rĂ©gions RhĂŽne-Alpes (10  %), Provence-Alpes-CĂŽte-D’azur (8  %) et Pays-de-la-Loire (7 %), soit 25 % du total pour ces trois rĂ©gions. Ce qui est assez cohĂ©rent avec les donnĂ©es dĂ©mographiques. Viennent ensuite les rĂ©gions Bretagne, Centre et Nord-Pas-de-Calais avec un taux de 5 % de l’effectif total d’apprentis. Les autres rĂ©gions participantĂ unniveaucomprisentre0et4 %4 .PourcequiestdesdĂ©partementsd’outre-mer, le nombre total d’apprentis en 2011 est de 7 367 auxquels il faut ajouter 5 000 jeunes en alternance au titre du service militaire adaptĂ©5 . Ces quelques chiffres laissent Ă©videmment entendre des stratĂ©gies rĂ©gionales diffĂ©renciĂ©es. Par exemple, on trouve des rĂ©gions oĂč l’apprentissage est prĂ©sent de longue date et permet une bonne insertion professionnelle comme l’Alsace pour cause de statut Alsace-Moselle, les Pays de la Loire et des rĂ©gions qui ont vu l’apprentissage progresser ces derniĂšres annĂ©es comme l’Ile de France et RhĂŽne- Alpes. Sous le primat de l’entreprise, l’alternance doit conjuguer les savoirs de la pratique, acquis par l’exercice professionnel, et la pratique des savoirs, acquis Ă  l’école ou Ă  l’universitĂ©. Cette exigence relĂšve d’équilibres subtils entre rĂ©fĂ©rences liĂ©es Ă  l’école ou Ă  l’universitĂ© et rĂ©fĂ©rencesliĂ©esauxrĂ©alisationsdansl’entreprise.EllerĂ©clameaussidespĂ©dagogiesadaptĂ©es pour faciliter les transferts des acquis et les adaptations comportementales subsĂ©quentes des apprentis. Elle implique enfin une formation continue pour accompagner les tuteurs dans l’entreprise. Sous le primat scolaire ou universitaire et des CFA l’alternance doit concilier, ou plus exactement rendre complĂ©mentaire, la transmission du savoir acadĂ©mique traditionnel avec la rĂ©alisation de l’insertion professionnelle. Cette exigence suppose d’abord que la dĂ©marche ne soit pas trop orientĂ©e en direction du versant scolaire. Elle conduit ensuite Ă  considĂ©rer l’entreprise comme un espace de qualification professionnelle et non comme un simple creuset de justification d’alternance. Elle implique enfin que les «  retours d’alternance  » informent les contenus et les pĂ©dagogies des formations initiales et enrichissent les pratiques professionnelles de l’entreprise par les savoirs formalisĂ©s Ă  l’école ou Ă  l’universitĂ©. L’alternance sous « le pilotage » de l’entreprise comme sous « le pilotage » scolaire et universitaire soulĂšve donc lĂ©gitimement un certain nombre de questions. Le traitement de ces questions peut se trouver facilitĂ© par une nouvelle donne liĂ©e Ă  la prĂ©sence de l’alternance dans les niveaux supĂ©rieurs de la formation. Cette prĂ©sence contribue, de fait, Ă  une amĂ©lioration de son image. Il est, d’ailleurs, remarquable que l’augmentation des effectifs d’apprentis relevĂ©s au 31 dĂ©cembre 2011 soit exclusivement liĂ©e Ă  ceux du 4 Tendances nationales et identitĂ©s rĂ©gionales: Ă©lĂ©ments de cadrage pour un diagnostic rĂ©gional de l’apprentissage, net. doc n°104, CEREQ, novembre 2012 5 RepĂšres et rĂ©fĂ©rences statistiques 2013, tableau 5-2, DEPP, ministĂšre de l’éducation nationale
  • 9. 8 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL supĂ©rieur. NĂ©anmoins, comme le souligne un rapport du CEREQ, l’apprentissage dans le supĂ©rieur, s’il contribue Ă  donner Ă  ce mode de formation une image valorisante, ne joue pas forcĂ©ment le rĂŽle espĂ©rĂ© d’ascenseur social, le profil sociologique des apprentis du supĂ©rieur Ă©tant comparable Ă  celui des Ă©tudiants sous statut scolaire. Dans le systĂšme Ă©ducatif français, la linĂ©aritĂ© des parcours finalisĂ©s par les concours a depuis toujours entretenu l’opinion selon laquelle les cursus Ă  « ligne brisĂ©e » marqueraient, ou masqueraient, une insuffisance intrinsĂšque des individus. Dans la mesure oĂč les parcours linĂ©aires sont assez largement corrĂ©lĂ©s avec une origine sociale plutĂŽt Ă©levĂ©e et avec les codes culturels les plus vĂ©hiculaires et qu’ils dĂ©bouchent sur les positions professionnelles les plus en vue, la voie de l’alternance ne bĂ©nĂ©ficie donc pas, dans la reprĂ©sentation dominante de la rĂ©ussite dans l’éducation, d’un statut particuliĂšrement valorisĂ©. DĂšs lors, « la pratique de l’alternance », institutionnellement installĂ©e avec l’objectif affirmĂ© d’ĂȘtre une charniĂšre entre systĂšme Ă©ducatif et marchĂ© du travail, demeure, en dĂ©pit de ses rĂ©ussites au meilleur niveau de certaines qualifications, encore trop souvent perçue comme une heureuse modalitĂ© corrective ou comme un recours salutaire pour prolonger des parcours scolaires ou universitaires ralentis ou pas totalement rectilignes. La mĂ©connaissance de ces formations joue probablement aussi un rĂŽle dans la perception assez nĂ©gative - ou pour le moins particuliĂšre - de cette voie de formation. Cette « perception française », qui tendrait Ă  assimiler la rĂ©ussite de rĂ©fĂ©rence Ă  la raretĂ© et Ă  la parcimonie, rejaillit sur la valeur accordĂ©e aux diffĂ©rents cursus, qu’ils soient rĂ©alisĂ©s en apprentissage ou non d’ailleurs. Elle contraste avec celle, par exemple, des pays comme l’Allemagne et l’Autriche ou encore comme la Suisse. Ces pays se caractĂ©risent, en effet, par un systĂšme « dual » dans l’apprentissage qui bĂ©nĂ©ficie d’une reconnaissance sociale bien Ă©tablie. C’est pourquoi, la majoritĂ© d’une classe d’ñge passe par ce systĂšme, reconnu comme la voie normale, et cela, pour tous les secteurs. MĂȘme si de nombreux jeunes de ces pays souhaitent poursuivre des Ă©tudes plus longues et si les entreprises s’interrogent pour savoir s’il ne serait pas moins coĂ»teux de recruter directement Ă  la sortie, les niveaux Ă©levĂ©s du systĂšme Ă©ducatif, ces tendances observĂ©es ne semblent pas porter atteinte Ă  l’attractivitĂ© du systĂšme dual. À l’exception marquante du Royaume Uni, la majoritĂ© des pays de l’Europe du Nord sont donc tous adossĂ©s Ă  une approche plutĂŽt consolidĂ©e de l’alternance en formation en tant que voie de rĂ©ussite. Au Sud de l’Europe, en revanche, l’alternance est peu dĂ©veloppĂ©e et l’apprentissage quasi inexistant. NĂ©anmoins, dans ces pays, la formation sur le tas a depuis longtemps sa propre reconnaissance sociale qui semble satisfaire le champ des mĂ©tiers traditionnels. Une approche internationale (cf. note CĂ©req n° 229 mai 2012) montre que l’ancrage de la voie de formation par apprentissage ne va pas nĂ©cessairement de pair avec un faible taux de chĂŽmage des jeunes. En 2009, on observe un taux de chĂŽmage des jeunes de 15 Ă  24 ans infĂ©rieur Ă  20 % dans des pays avec apprentissage (Allemagne 11%) et sans systĂšme d’apprentissage (Japon 9,1%) et des pays avec un taux supĂ©rieur Ă  20 % avec apprentissage (France 22,8 %) ou sans apprentissage (Italie 25,4 %). MĂȘme si les formations en alternance, et en particulier les contrats d’apprentissage, font preuve d’une meilleure performance en matiĂšre d’accĂšs Ă  l’emploi (mais cela diminue avec l’augmentation du niveau de diplĂŽme), il convientde segarderd’installerl’apprentissagecommelamodalitĂ©deformationsusceptible de garantir les conditions qui permettent l’insertion professionnelle et donc de combattre efficacement le chĂŽmage. En revanche, probablement faut-il s’attacher Ă  approfondir ses
  • 10. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 9 Ă©ventuelles vertus pour amĂ©liorer la qualitĂ© des formations, quels que soient leur niveau et leur secteur de rĂ©fĂ©rence. En effet, en France, l’effort de diversification et de promotion de dispositifs en alternance et de l’apprentissage dans ces derniĂšres annĂ©es a eu, comparativement aux pays de langue germanique notamment, des rĂ©sultats plutĂŽt modestes. Cet effort, et son Ă©chec relatif, pour instaurer des liens plus Ă©troits et plus efficaces entre l’emploi et la formation, invite Ă  construire, autour de «  l’objet alternance  », des coopĂ©rations plus organiques entre formateurs et employeurs, entre professionnels de l’éducation et professionnels de l’entreprise. Cette Ă©volution pourrait contribuer Ă  amĂ©liorer l’information des jeunes et de leur famille notamment lors des Ă©tapes d’orientation. L’alternance dans le cadre d’une formation scolaire ou universitaire Danslecadrescolaireouuniversitaire,lesstagessontlaformelaplususitĂ©edelarelation avec l’entreprise. Ils peuvent ĂȘtre longs et conventionnĂ©s, d’observation et de dĂ©couverte. Leur principal intĂ©rĂȘt devrait ĂȘtre de nourrir contenus et mĂ©thodes en vigueur dans les cursus des formations initiales dont ils relĂšvent. Dans cet esprit, par la prise de contact avec le milieu de l’entreprise, et au-delĂ  d’ĂȘtre un passage obligĂ© pour la dĂ©livrance d’un diplĂŽme (dans le cas des stages longs conventionnĂ©s notamment), ils pourraient susciter chez les stagiaires une envie d’apprentissage pour aboutir, sinon Ă  une insertion plus rapide, du moins Ă  une formation professionnelle un peu plus structurĂ©e. Or, il semble bien que ce sas potentiel souffre parfois d’une approche insuffisamment professionnelle des stages, tant par le systĂšme Ă©ducatif que par l’entreprise en vue de constituer une propĂ©deutique pour « amorcer » la voie de l’apprentissage et/ou valoriser le partenariat entre l’école ou l’universitĂ© et l’entreprise. NĂ©anmoins, soutenue par une armature pĂ©dagogique un peu plus consistante, parce qu’adossĂ©e Ă  des relations plus Ă©troites entre les tuteurs ou maĂźtres de stage et les professeurs, cette offre Ă  tous les jeunes «  d’acculturation  par le stage» pourrait ouvrir l’alternance comme alternative, notamment pour ceux, nombreux, qui sont en proie Ă  l’incertitude concernant leur orientation. L’alternance dans le cadre de l’insertion ou de la rĂ©insertion sociale et/ou professionnelle de jeunes en Ă©chec scolaire ou non MĂȘme si des problĂšmes de nature structurelle sont Ă  l’origine du chĂŽmage des jeunes en France comme en Europe, les difficultĂ©s conjoncturelles liĂ©es Ă  la crise les frappent durement. RĂ©ussir son insertion professionnelle en France dĂ©pend, dans une large mesure, de trajectoires scolaires et/ou universitaires linĂ©aires dans des temporalitĂ©s quasi canoniques. Ceux qui peuvent exciper de tels parcours se trouvent, sinon totalement protĂ©gĂ©s, naturellement valorisĂ©s aux yeux d’un employeur potentiel par leurs diplĂŽmes sĂ©lectifs (du CAP spĂ©cifique rare au diplĂŽme des grandes Ă©coles) et d’autant plus lorsqu’ils ont obtenu
  • 11. 10 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL un diplĂŽme correspondant Ă  un secteur en tension, du marchĂ© du travail. Les jeunes, qui s’écartent de ce type de trajectoires et qui peinent Ă  obtenir un diplĂŽme initial susceptible de leur assurer une protection minimale, rencontrent sur le marchĂ© du travail des obstacles Ă  l’obtention d’un emploi. Le risque d’une installation dans la prĂ©caritĂ© et d’une dĂ©rive qui les Ă©loigne durablement du marchĂ© du travail devient alors trĂšs actuel. Afin, de rĂ©pondre aux besoins de ces publics, les partenaires sociaux ont mis en place le contrat de professionnalisation qui combine pĂ©riodes en entreprise et formation. Il s’adresse notamment aux demandeurs d’emploi ĂągĂ©s de 26 ans ou plus et aux jeunes de moins de 26 ans. On dĂ©nombre 173 000 contrats en 2011 dont 81 % en faveur des jeunes de 16 Ă  25 ans. Ces contrats voient leur durĂ©e rĂ©duite (moins d’un an) ainsi que la part rĂ©servĂ©e Ă  la formation, laquelle se concentre sur les jeunes ayant pas ou peu de diplĂŽmes (infĂ©rieur au bac). De ce fait, l’obtention d’un diplĂŽme ou titre d’État est l’objectif le plus frĂ©quent (60 %). Mais, au-delĂ  de ces jeunes aux trajectoires scolaires Ă  risque, existent aussi ceux qui sont, en quelque sorte, sans trajectoire scolaire. DĂ©pourvus de diplĂŽme, sans emploi, non scolarisĂ©s vivant souvent dans les quartiers dĂ©favorisĂ©s, ils cumulent les dĂ©savantages. Ces trois catĂ©gories de jeunes, les plus armĂ©s acadĂ©miquement, les diplĂŽmĂ©s aux parcours chaotiques en mal d’insertion, et les laissĂ©s pour compte ne relĂšvent Ă©videmment pas des mĂȘmes modalitĂ©s d’aide Ă  l’insertion. Ceux qui ont quittĂ© le systĂšme scolaire sans avoir acquis les compĂ©tences de base ne peuvent faire l’économie de cette acquisition si l’on veut qu’ils trouvent le chemin de l’emploi et d’une socialisation nĂ©cessaire. Cette acquisition rĂ©clame Ă©videmment d’autres modalitĂ©s pĂ©dagogiques que celles qui ont constituĂ© le contexte de leur Ă©chec. Ceux qui, non dĂ©pourvus de compĂ©tences et/ou de diplĂŽmes, sont en mal d’insertion et Ă©prouvent la brutalitĂ© de la transition entre le monde de l’école et le monde de l’emploi, invitent Ă  envisager l’existence d’un sas dont l’alternance pourrait constituerl’armature.Enfin,ceuxdontleparcourspermetdefranchirlesprincipalesbarriĂšres Ă  l’emploi ne doivent-ils pas ĂȘtre incitĂ©s, dĂšs leur entrĂ©e dans l’emploi, Ă  une formation continue dont la modalitĂ© alternante garantirait la confrontation permanente et fĂ©conde des savoirs antĂ©rieurs et des savoirs actuels aux pratiques professionnelles qu’ils mettent en Ɠuvre ? En effet, aujourd’hui, Ă  la diffĂ©rence d’hier, l’obsolescence rapide des savoirs et des techniques, quels que soient leur nature et le niveau avec lequel on les aborde, rĂ©clame une disponibilitĂ© et une plasticitĂ© intellectuelle qu’il faut, sans aucun doute, entretenir de maniĂšre permanente. L’alternance dans le cadre de la formation tout au long de la vie Ce thĂšme de la formation tout au long de la vie soulĂšve plusieurs problĂšmes. L’engagement dans la formation continue tout au long de la vie semble n’entretenir qu’un lien tĂ©nu avec le fait d’avoir eu des expĂ©riences de formations alternĂ©es dans le cours de la formation initiale. Les Ă©lĂ©ments dont on dispose ne semblent pas en mesure d’établir un lien de causalitĂ© entre les deux. L’expĂ©rience antĂ©rieure n’est Ă  l’évidence pas une vĂ©ritable propĂ©deutique. Par ailleurs, il semble bien que la voie de la formation tout au long de la vie ne puisse satisfaire ceux qui la frĂ©quentent, ou sont susceptibles de la frĂ©quenter, que si leur parcours
  • 12. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 11 peut-ĂȘtre clairement jalonnĂ© par une validation de leurs acquis. Un des indicateurs susceptibles de conforter ce sentiment est Ă  trouver dans le fait que ce sont les catĂ©gories socio-professionnelles les plus Ă©levĂ©es qui sont les consommatrices les plus frĂ©quentes de formation en cours de vie active. Or, dĂ©jĂ  diplĂŽmĂ©es, leur engagement est un engagement de simple lutte contre l’obsolescence ou d’amĂ©lioration de leur propre contexte culturel et technique au sens le plus large de son expression. DĂšs lors, mĂȘme si l’on peut considĂ©rer la voie de la formation continue tout au long de la vie professionnelle, par la voie de l’alternance, comme favorable Ă  l’essor de la promotion sociale, elle n’est clairement pas une voie dominante. Or, aujourd’hui, et plus encore demain, la compĂ©tition Ă©conomique rĂ©clame et rĂ©clamera, de chacun de nous, des compĂ©tences gĂ©nĂ©riques et des compĂ©tences spĂ©cifiques. Il est, en effet, peu contestable que la mobilitĂ© s’inscrit, Ă  la fois, dans un nomadisme interprofessionnel de plus en plus actuel et dans des mutations intra-professionnelles accĂ©lĂ©rĂ©es. Dans les deux cas, « l’anticipation formative » implique de fournir aux actifs l’expertise spĂ©cifique Ă  l’exercice actuel de leur mĂ©tier et la culture Ă  vocation plus gĂ©nĂ©rale ou pĂ©riphĂ©rique qui leur permettront de rĂ©ussir leurs migrations intra ou inter-professionnelles, volontaires ou contraintes. C’est pourquoi, l’alternance, par son double enracinement dans les savoirs acadĂ©miques et dans les savoirs professionnels, sĂ©rieusement alimentĂ©s par des partenariats et interactions entre les deux univers, pourrait dĂ©tenir une des clĂ©s de la formation comme « outil » privilĂ©giĂ© pour assurer la promotion du plus grand nombre au sein et dans le cadre des nouvelles formes d’organisations du travail et de pratiques sociales et professionnelles qui se dessinent. SoninstallationaucƓurdela« formationtoutaulongdelavie »,exiged’aborduneveille constante Ă  l’endroit des Ă©volutions technologiques et du monde du travail. Elle rĂ©clame ensuite une Ă©coute attentive des besoins des entreprises comme des actifs. Elle doit encore se traduire par une offre de dispositifs de formations, d’accompagnements et de validations d’acquis, adaptĂ©e aux contextes des personnes engagĂ©es dans ces parcours professionnels continus. Elle suppose enfin, pour contribuer Ă  l’épanouissement des individus, d’ĂȘtre adossĂ©e Ă  la maĂźtrise d’un minimum de savoirs acadĂ©miques et professionnels. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’acquisition de connaissances ou de compĂ©tences nouvelles est singuliĂšrement facilitĂ©e si l’on en possĂšde dĂ©jĂ  beaucoup et si elles sont cognitivement, convenablement organisĂ©es. Il n’y a pas d’apprentissage continu, fut-ce par alternance, sans un socle prĂ©alable de connaissances pour lui donner un sens ! L’alternance pourquoi ? Envisager l’alternance comme une modalitĂ© pĂ©dagogique, Ă©ventuellement facilitatrice des apprentissages, de l’acquisition des compĂ©tences et de l’amĂ©lioration des conditions de l’insertion professionnelle, suppose une rĂ©flexion prĂ©alable sur certaines caractĂ©ristiques liĂ©es au systĂšme scolaire, lequel, faut-il le rappeler, est Ă  l’origine de tous les processus de formation. La rĂ©ussite et l’échec Ă  l’école sont au cƓur de la prĂ©occupation des parents, des enseignants et des Ă©lĂšves. Comment favoriser la premiĂšre et Ă©viter le second ? Quelles que soient les Ă©poques, cette question court les salles de professeurs, taraude les diffĂ©rents responsables de l’éducation nationale, prĂ©occupe les milieux Ă©conomiques et sociaux
  • 13. 12 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL et, in fine, alimente le dĂ©bat public. En effet, la rĂ©ussite de tous est au cƓur de toutes les ambitions. Mais, des zones d’éducation prioritaire aux zones sensibles, de l’affirmation de lieux d’excellence aux succĂšs des dĂ©rogations Ă  la carte scolaire, l’école ne cesse de produire des territoires et des espaces distincts. Dans un tel foisonnement, la possibilitĂ© d’accĂ©der ensemble au savoir apparaĂźt comme un des dĂ©fis les plus cruciaux de notre temps. Comment penser les multiples diffĂ©rences afin de mieux les prendre en compte ? Comment traiter les inĂ©galitĂ©s gĂ©nĂ©rĂ©es par une telle rĂ©alité ? Comment rĂ©futer les discours idĂ©ologiquement saturĂ©s qui, transformant les diffĂ©rences en hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, inspirent les comportements d’exclusion ou d’auto-exclusion  ? Toutes ces questions traduisent, sans l’épuiser, le dĂ©calage manifeste entre une ambition trĂšs largement proclamĂ©e Ă  l’égalitĂ© des chances et des pratiques qui rendent cet objectif peu accessible en raison d’une reprĂ©sentation trop figĂ©e de la rĂ©ussite scolaire. Faut-il pour autant Ă©pouser le discours d’une dĂ©gradation lente et continue des performances scolaires et alimenter l’idĂ©e de son caractĂšre inĂ©luctable ou bien prendre en compte la variĂ©tĂ© des itinĂ©raires d’éducation en augmentant la variĂ©tĂ© des dispositifs d’apprentissage ? Cette question rĂ©clame une analyse minimale du contexte scolaire d’enseignement et d’apprentissage pour en faire apparaĂźtre les biais et les insuffisances susceptibles de justifier qu’on l’enrichisse Ă©ventuellement par la pratique de l’alternance. Le contexte scolaire de la formation Dans la compĂ©tition scolaire, car c’est une compĂ©tition et probablement parmi les plus rudes, mĂȘme si l’on tait souvent son nom, chaque personne n’est pas armĂ©e des mĂȘmes moyens pour l’affronter. Outre les inĂ©galitĂ©s liĂ©es Ă  leurs caractĂ©ristiques intrinsĂšques, les individus ne disposent pas des mĂȘmes atouts sociaux et les rĂšgles du jeu sont telles que les obstacles Ă  franchir ne se prĂ©sentent pas, pour tous, sous les mĂȘmes formes. SupĂ©rioritĂ© et infĂ©rioritĂ© manifestes peuvent ainsi ĂȘtre abusivement considĂ©rĂ©es comme des Ă©tats naturels. Dans le mĂȘme temps, le systĂšme scolaire, en conformitĂ© avec le systĂšme social qui l’englobe, gĂšre des modes d’actions, de pratiques et d’incitations sociales, au cƓur desquels sourd une contradiction. De fait, Ă  travers les pratiques Ă©valuatives qu’il utilise, il discrimine, hiĂ©rarchise, distingue, rĂ©compense et enfin sĂ©lectionne. Mais Ă©galement, au nom mĂȘme de ces « mĂ©triques », il rĂ©clame, simultanĂ©ment, Ă  tous, de l’ambition et finalise le discours par le succĂšs. Le systĂšme scolaire semble, comme le systĂšme social, gĂ©rer, tout en la dĂ©plorant, la raretĂ© du succĂšs. Dans le champ social, les places en vue sont rares et la concurrence vive. Dire que le systĂšmescolaireestunsystĂšmecompĂ©titif,c’estadmettrel’existence,socialementnĂ©cessaire, d’attitudes combatives pour obtenir une sanction positive. Or, la compĂ©tition prend surtout son sens lorsque la sanction d’une rĂ©alisation scolaire est extrinsĂšque. En effet, sauf pour une petite minoritĂ© avide de savoir, pour des raisons d’ailleurs variables, les activitĂ©s strictement scolaires ne fournissent pas, le plus souvent, les Ă©lĂ©ments d’une sanction intrinsĂšque, c’est Ă  dire le plaisir Ă©prouvĂ© dans la rĂ©alisation des activitĂ©s. C’est pourquoi, les comportements d’apprentissage sont le plus souvent gouvernĂ©s par les sanctions extrinsĂšques. Si celles-ci traduisent une position de visibilitĂ© sociale positive, alors le plaisir des attributs de la rĂ©ussite (une bonne Ă©valuation par exemple) peut masquer la possible absence de plaisir liĂ©e Ă  l’acte d’apprendre. Si, au contraire, la sanction est moins positive, voire nĂ©gative, il ne reste plus au sujet qu’à puiser dans l’acte d’apprendre les ressources nĂ©cessaires Ă  sa satisfaction.
  • 14. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 13 Rien n’assure que l’école gĂ©nĂšre « naturellement » ce type de ressources. DĂšs lors, Ă©tant donnĂ© la nĂ©cessitĂ© pour tous les individus d’assurer leur singularitĂ© et leur reconnaissance sociale, il convient de ne pas enfermer tous les Ă©lĂšves dans des situations d’apprentissage oĂč seules prĂ©dominent comme termes de comparaison, les performances obtenues dans les disciplines acadĂ©miques Ă  forte valeur sociale. En effet, comment imaginer, compte tenu de la pesante hiĂ©rarchie disciplinaire Ă  l’école qu’une rĂ©ussite en Ă©ducation physique puisse, par exemple, compenser un Ă©chec en mathĂ©matiques ? Cet aspect largement unidimensionnel de la comparaison Ă  l’école contribue Ă  rendre difficile l’égale dignitĂ© des performances et des apprentissages rĂ©alisĂ©s. Or, le besoin d’une comparaison positive de soi Ă  autrui est essentiel pour entretenir la motivation Ă  apprendre et Ă  apprendre ensemble. Aussi faut-il s’attacher Ă  ce que l’évaluation des savoirs et des habiletĂ©s socialement valorisĂ©es Ă  l’école n’engloutisse pas tous les savoirs et toutes les habiletĂ©s des individus. C’est pourquoi, situer, aussi, l’acquisition des connaissances, et la rĂ©alisation des performances que ces connaissances autorisent, dans d’autres contextes que celui exclusivement scolaire, serait probablement en mesure d’assurer une meilleure rĂ©ussite, laquelle offrirait alors des situations de comparaison plus favorables Ă  la construction ou au maintien d’une estime de soi positive. Estime de soi essentielle Ă  tout investissement, quelle que soit la nature de cet investissement. En effet, si l’on veut Ă©viter, chez certains, l’émergence de stratĂ©gies de non comparabilitĂ©, qui conduisent Ă  se rĂ©fugier loin des normes et donc dans des comportements incomparables au point de sortir des limites tolĂ©rables de la vie collective, encore faut-il fournir des conditions de comparaison susceptibles de leur assurer une image de soi acceptable. Or, la pression des programmes et la trĂšs puissante hiĂ©rarchie disciplinaire rĂ©duisent trop souvent les espaces de comparaison possibles Ă  ceux qui relĂšvent des matiĂšres et activitĂ©s valorisĂ©es par leur puissance sĂ©lective. Cela d’autant que l’abstraction accrue des contenus d’enseignement, notamment dans ces matiĂšres sĂ©lectives, tend Ă  Ă©loigner les plus fragiles d’une comprĂ©hension spontanĂ©e et rapide. Cette observation justifierait de pouvoir exemplifier ces contenus d’enseignement dans des activitĂ©s plus directement concrĂštes. Il y a lĂ  une vĂ©ritable urgence pour Ă©viter, qu’étrangers parmi leurs pairs, certains Ă©lĂšves fuient l’école et gagnent, dans le meilleur des cas, les dispositifs confiĂ©s aux travailleurs sociaux, Ă  qui on demande de rĂ©soudre dans l’urgence des problĂšmes que l’on a crĂ©Ă©s dans la durĂ©e. S’il est non seulement lĂ©gitime mais nĂ©cessaire de classer les produits scolaires sur une dimension rĂ©ussite-non rĂ©ussite, il est non moins nĂ©cessaire de ne pas rĂ©duire le producteur Ă  son produit. Les catĂ©gorisations initiales ont, en effet, une redoutable inertie et les dynamiques de l’échec ne sont pas moins puissantes que les dynamiques du succĂšs. Largement intĂ©riorisĂ©e par chacun, la comparaison sociale structure les rapports sociaux sur des bases plus compĂ©titives que coopĂ©ratives. Dans ce cadre, l’idĂ©ologie dominante, qui sature trop souvent les discours de mĂ©taphores guerriĂšres, entretient une confusion grave au sujet de la compĂ©tition. La compĂ©tition, qui, Ă©ventuellement, peut ĂȘtre le champ d’application de compĂ©tences acquises, ne doit pas constituer la base sociale de leur acquisition. Que signifie une compĂ©tition quand les jeux sont faits par avance ? Confondre ainsi l’origine et le terme de l’action, c’est trop souvent dĂ©signer les perdants, en n’étant pas assurĂ© de la qualitĂ© des vainqueurs. Cela d’autant que la seule anticipation d’une interaction compĂ©titive suffit Ă  gĂ©nĂ©rer des reprĂ©sentations nĂ©gatives d’autrui et que, par ailleurs, de nombreux travaux montrent que les situations d’apprentissage structurĂ©es par la coopĂ©ration sont d’une meilleure efficacitĂ©
  • 15. 14 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL que les situations d’apprentissage structurĂ©es par la compĂ©tition. Elles ont un effet positif sur plusieurs dimensions du comportement : la motivation, les stratĂ©gies de raisonnement et la perception d’autrui notamment. Le dĂ©bat Ă  ouvrir n’est donc pas entre une conception irĂ©niqueetuneconceptionguerriĂšredesrelationsentrelesindividus,dĂ©batvouĂ©Ă nourrirles fonds de commerce idĂ©ologiques, mais entre des attitudes et des stratĂ©gies qui tiennent ou ne tiennent pas compte des conditions les plus favorables Ă  l’acquisition des connaissances. Ouvrir l’expĂ©rience de l’ensemble des apprenants Ă  des activitĂ©s qui ne relĂšvent pas du seul cadre de rĂ©fĂ©rence scolaire, devrait ainsi enrichir leurs possibilitĂ©s d’expression et de rĂ©alisation en leur permettant de consolider ou d’acquĂ©rir une image de soi positive et, pour certains, de compenser les effets dĂ©lĂ©tĂšres d’éventuelles comparaisons nĂ©gatives au sein d’un espace scolaire trĂšs normĂ©. Le contexte scolaire n’est heureusement pas le seul contexte auquel les dynamiques d’apprentissage sont sensibles. Enseigner et apprendre ne relĂšvent en effet pas de la seule capacitĂ© ou expertise Ă  prĂ©senter et Ă  traiter les savoirs selon une forme unique et supposĂ©e canonique. Si tel Ă©tait le cas, la rĂ©ussite finirait par ĂȘtre attachĂ©e Ă  la parcimonie et l’échec Ă  la diversitĂ©. Aussi, faut-il envisager la possibilitĂ© de varier les contextes d’apprentissage pour Ă©viter qu’ils soient proposĂ©s Ă  tous les Ă©lĂšves quels que soient leurs rĂ©sultats scolaires dans le systĂšme sous des formes identiques et trop souvent figĂ©es, qui risquent de favoriser la moindre rĂ©ussite des uns tout en conduisant Ă  l’échec des autres. La diversitĂ© des compĂ©tences, la pluralitĂ© des cultures, la complexitĂ© des parcours, la fragilitĂ© comme la soliditĂ© intellectuelle et sociale des Ă©lĂšves, Ă  certains moments de leur trajectoire, ne sauraient donc figer une conception du talent rĂ©duite Ă  une seule dimension. C’est parce que l’exigence de qualitĂ© doit s’appliquer Ă  tous les niveaux des cursus, des qualificationsetdesperformances,qu’ilfautaccorderuneattentionparticuliĂšreauxcontextes des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. En effet, le contexte de prĂ©sentation d’une tĂąche peut en interdire l’accĂšs alors mĂȘme que les compĂ©tences pour sa rĂ©alisation sont rĂ©unies. Aussi, ce qui n’est que la consĂ©quence d’une prĂ©sentation inappropriĂ©e peut devenir une difficultĂ© attribuĂ©e Ă  l’apprenant lui-mĂȘme. Certes, se montrer capable de traiter une information quel que soit son contexte de prĂ©sentation constitue la forme la plus aboutie de toute performance. NĂ©anmoins, une telle capacitĂ©, assez exceptionnelle, donc rare, n’autorise pas Ă  en faire le seul guide pour l’apprentissage. En revanche, la pluralisation des contextes, en augmentant les voies d’accĂšs aux connaissances, laisse envisager une meilleure rĂ©ussite du plus grand nombre. Il y a lĂ  une façon de promouvoir des rĂ©ussites diffĂ©rentes plutĂŽt que de constater des diffĂ©rences de rĂ©ussite. Vers une Ă©volution des mĂ©thodes pĂ©dagogiques De ce point de vue, l’avĂšnement du numĂ©rique, qui est par ailleurs un sujet en soi, constitue, Ă  l’évidence, une opportunitĂ© Ă  saisir pour offrir des prĂ©sentations inĂ©dites des diffĂ©rents savoirs et des compĂ©tences Ă  acquĂ©rir pour les traiter au sein du cadre scolaire. De nouveaux formats pĂ©dagogiques innovants deviennent, en effet, possibles. Les ressources de l’hyper-texte, les vidĂ©os, l’infographie, les tutoriels sont autant de supports et de moyens pour permettre des prĂ©sentations variĂ©es des savoirs et augmenter ainsi la probabilitĂ© de leur appropriation par le plus grand nombre. En « offrant » de vĂ©ritables plateformes multimodales pour de nouveaux formats pĂ©dagogiques, le numĂ©rique apparaĂźt comme un moyen privilĂ©giĂ© pour installer de la « variĂ©tĂ©
  • 16. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 15 Cette analyse, qui touche aux caractĂ©ristiques des « environnements d’enseignement et d’apprentissage », permet d’entrevoir l’intĂ©rĂȘt qu’il peut y avoir Ă  s’affranchir de pratiques pĂ©dagogiques plus ou moins immuables qui ont tendance Ă  fonctionner comme des « sĂ©lecteurs de compĂ©tences », tant ils rĂ©clament de conformitĂ© Ă  la norme scolaire. Au-delĂ  d’une forme d’alternance pĂ©dagogique, par l’emploi du numĂ©rique au sein de l’école elle-mĂȘme, l’alternance telle que l’on peut la concevoir Ă  travers l’immersion mesurĂ©e, partielle et temporaire, dans le monde du travail (dans le cadre des stages notamment), constitue, Ă  l’évidence, une rĂ©elle opportunitĂ© pour enrichir et complĂ©ter les contextes scolaires. C’est en cela que l’alternance dans l’éducation est Ă  regarder comme un moyen, parmi d’autres, pour favoriser cet enrichissement contextuel dont la vertu principale est bien celle de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s d’accĂšs au savoir et Ă  son utilisation. Ce type d’analyse ou d’approche, que l’on dira contextuel, fournit donc Ă  l’alternance, en dehors des prĂ©occupations d’insertion professionnelle auxquelles on la rattache habituellement, un fondement de nature pĂ©dagogique. Ce fondement peut ĂȘtre confortĂ© par la place que prennent, ou peuvent prendre, les connaissances sociales pour faciliter un apprentissage. En effet, face Ă  un problĂšme Ă  rĂ©soudre, un apprenant peut disposer de plusieurs registres de rĂ©ponses. Il peut appliquer les Ă©lĂ©ments de connaissance qu’il possĂšde et qui sont disponibles en mĂ©moire. Mais il peut aussi utiliser des rĂ©ponses en relation avec des connaissances sociales liĂ©es au problĂšme Ă  rĂ©soudre et lui donner alors une signification sociale Ă©ventuellement facilitatrice. Ainsi, et par exemple, confrontĂ© au problĂšme d’élaboration d’un plan de financement par emprunt ou sur fonds propres disponibles, un sujet peut faire appel Ă  ses connaissances sur la relation inflation/taux d’intĂ©rĂȘt/valorisation de l’épargne. Mais, en dĂ©ficit de connaissances spĂ©cifiques, il peut aussi s’appuyer, pour apprĂ©hender le problĂšme, sur une expĂ©rience antĂ©rieure qui l’a conduit Ă  utiliser son Ă©pargne au dĂ©triment d’un emprunt et Ă  constater que cette opĂ©ration avait Ă©tĂ©, bĂ©nĂ©fique ou pĂ©nalisante. La mobilisation de cette connaissance sociale constitue une aide pour orienter son questionnement et donc faciliter son apprentissage des contenus utiles pour rĂ©soudre ce type de problĂšme. C’est pourquoi, liĂ©es Ă  l’expĂ©rience en situation concrĂšte, les connaissances sociales dont on dispose ne doivent pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©es comme facteur pour accompagner les apprentissages. De ce point de vue, lĂ  encore, une modalitĂ© pĂ©dagogique d’alternance serait probablement de nature Ă  les mobiliser. Acquises dans l’action, dans un autre univers que celui de l’école, elles deviendraient utilisables Ă  des fins d’apprentissages rĂ©alisĂ©s au sein mĂȘme de l’école. Dans cette perspective, les connaissances Ă  acquĂ©rir sont donc aussi Ă  concevoir comme spĂ©cifiĂ©es par les formes et les conditions sociales sous lesquelles elles sont mobilisables ou mobilisĂ©es dans l’action. PrĂ©senter les apprentissages, et les performances et productions auxquelles ils peuvent donner lieu, comme, en partie, dĂ©pendant des contextes et des significations sociales attachĂ©es aux diffĂ©rentes activitĂ©s qui les supportent, ne doit, en aucun cas, faire oublier les limites propres aux individus eux-mĂȘmes. La conscience de ces limites, quelle que soit leur hauteur, n’est pas Ă  entendre comme une contrainte,mais, au contraire, comme une vĂ©ritable incitation Ă  tenir pleinement compte des contextes et significations sociales. L’objectif mĂȘme de l’éducation n’est-il pas de permettre Ă  chacun d’atteindre, au moins, ses propres limites ? Il convient de s’efforcer de proposer les conditions les plus favorables et les plus adaptĂ©es Ă  l’expression de leur Ă©ventuel dĂ©passement.
  • 17. 16 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Ce rapide dĂ©veloppement de l’influence possible des situations sociales et contextuelles d’apprentissage Ă  l’école, sur la qualitĂ© des apprentissages et des performances, laisse entrevoir un dĂ©calage entre l’égalitĂ© des chances discourue et l’égalitĂ© des chances pratiquĂ©e. En rĂ©duisant l’espace de comparaison aux critĂšres acadĂ©miques les plus vĂ©hiculaires, le caractĂšre plutĂŽt unidimensionnel des activitĂ©s propres Ă  l’école renforce plus qu’il ne gomme les Ă©carts initiaux. Il est, en effet, facile de constater que les rĂ©sultats scolaires se traduisent par « la loi normale d’une courbe gaussienne » comme s’ils Ă©taient l’expression d’un indĂ©passable hasard de diffĂ©rences originelles. Le plus bel exemple n’est-il pas celui constatĂ© au sortir des classes prĂ©paratoires, homogĂšnes Ă  l’entrĂ©e et gaussiennes Ă  la sortie ? Or, le fondement mĂȘme de l’éducation Ă  l’école, qui est censĂ© gouverner le dĂ©passement continu de soi, devrait s’exprimer dans des rĂ©sultats dont une courbe en J traduirait le potentiel exprimĂ© par chacun. C’est une des raisons pour lesquelles on ne saurait ni dĂ©grader les contenus de savoir Ă  acquĂ©rir, tout en les faisant Ă©voluer, ni renoncer aux plus hautes exigences, cela quel que soit le secteur et le niveau de formation concernĂ©. En revanche, probablement, convient-il d’immerger les processus d’acquisition des connaissances Ă  l’école dans des contextes plus variĂ©s. AncrĂ©e dans des rĂšgles et principes communs, Ă©laborĂ©e conjointement, la pratique de l’alternance entre milieu scolaire et monde du travail devrait permettre de tendre vers la rĂ©alisation d’un tel objectif. L’alternance comment ? Envisagerl’AlternanceenĂ©ducationcommeunemodalitĂ©,voireundispositif,susceptible de favoriser des apprentissages efficaces en augmentant la probabilitĂ© d’accĂ©der aux connaissances indispensables Ă  l’autonomie des individus, suppose de considĂ©rer que les principes organisateurs de l’alternance s’appliquent aussi bien aux apprentissages Ă  l’école qu’au cadre de l’apprentissage comme dispositif. On peut alors simplement s’attacher Ă  envisager son dĂ©ploiement sur le continuum des formations et de leurs dispositifs. Établie sur des fondements dĂ©finis avec rigueur, l’alternance, pratiquĂ©e dans le cours de l’acquisition du socle des connaissances, de compĂ©tences et de culture et poursuivie lors de l’extension de ce socle, prĂ©senterait le double avantage de favoriser les acquisitions et de faire apparaĂźtre l’apprentissage comme une voie naturelle de formation et cela, pour tous les niveauxdequalificationoudediplĂŽme.IlestainsiimaginabledeconsidĂ©rerqu’unemeilleure assise originelle des connaissances acquises Ă  l’école, par la pratique d’une alternance de type propĂ©deutique, rende plus facile l’utilisation et la mobilisation des connaissances indispensables Ă  la construction de compĂ©tences et d’habiletĂ©s professionnelles ultĂ©rieures. L’alternance : du systĂšme scolaire aux dispositifs d’apprentissage Comme dĂ©jĂ  indiquĂ© (cf. supra), l’alternance dans l’univers scolaire prend la forme de stages qui peuvent ĂȘtre longs et conventionnĂ©s, d’observation et de dĂ©couverte. Cependant, selon les types et les niveaux d’enseignement, ils peuvent souffrir d’une relative insuffisance de prĂ©paration, aussi bien par le systĂšme Ă©ducatif que par les dispositifs d’accueil. C’est pourquoi, si l’on veut, Ă  la lumiĂšre des Ă©lĂ©ments Ă©voquĂ©s sur l’influence de la
  • 18. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 17 pluri-contextualisation pour la rĂ©alisation des activitĂ©s de formation, donner Ă  l’alternance un contenu opĂ©rant, il convient de penser en des termes nouveaux la nature et la forme des rapports entre l’univers de l’école et celui du monde du travail. Il est d’autant plus important d’approfondir les relations entre eux qu’il s’agira, le plus souvent, pour ceux qui vont « bĂ©nĂ©ficier » d’un stage, de la premiĂšre rencontre avec le monde professionnel. Il convient donc d’en mesurer toute l’importance. Pour saisir les enjeux attachĂ©s Ă  cette premiĂšre expĂ©rience un court dĂ©veloppement, adossĂ© Ă  un peu de science, s’impose. Le monde qui nous entoure apparaĂźt d’une extrĂȘme complexitĂ©. Nous sommes assaillis par des informations nombreuses et de nature variĂ©e. Elles nous viennent aussi bien de nos sens que de notre environnement. Elles rĂ©clament, et imposent, une adaptation permanente aux stimulations, internes comme externes, auxquelles nous sommes en permanence soumis. Or, les possibilitĂ©s intellectuelles dont dispose l’individu sont fortement contraintes par la capacitĂ© limitĂ©e de son systĂšme de traitement de l’information. DĂšs lors, dans l’incapacitĂ© d’allouer toute la qualitĂ© et la quantitĂ© d’attention nĂ©cessaire Ă  l’ensemble des processus utiles Ă  la gestion de la complexitĂ©, liĂ©e Ă  la nouveautĂ© notamment, il met en Ɠuvre des stratĂ©gies pour organiser la reprĂ©sentation du monde qui l’entoure. L’une d’entre elles consiste Ă  comparer les Ă©lĂ©ments nouveaux auxquels il se trouve confrontĂ© Ă  des Ă©lĂ©ments anciens connus. C’est la stratĂ©gie de catĂ©gorisation. Elle permet d’identifier la nouveautĂ© en la comparant avec des reprĂ©sentations dĂ©jĂ  installĂ©es en mĂ©moire. Établir des catĂ©gories, c’est donc mettre ensemble des objets dont les caractĂ©ristiques sont, oĂč semblent, communes. Ces caractĂ©ristiques ne recouvrent pas nĂ©cessairement les propriĂ©tĂ©s exactes des objets. Leurs caractĂšres communs dĂ©pendent souvent de ce pourquoi nous les mettons ensemble : utilitĂ©, valeur, occurrence d’apparition... Ce processus de catĂ©gorisation est tout Ă  fait essentiel Ă  la vie des individus. La catĂ©gorisation joue, en effet, un rĂŽle de premier plan. Elle permet de dĂ©couper l’environnement, elle favorise le regroupement d’élĂ©ments jugĂ©s proches ou Ă©quivalents d’un certain point de vue et diffĂ©rents d’un autre point de vue. Elle facilite ainsi la construction de la reprĂ©sentation d’un monde signifiant, explicable et que l’on souhaite prĂ©visible. Elle participe Ă  la reconnaissance et la mise en ordre rapide des Ă©vĂ©nements de la vie et constitue la base de rĂ©fĂ©rence pour des prises de dĂ©cisions ultĂ©rieures. Elle est, en rĂ©sumĂ©, d’une remarquable Ă©conomie cognitive. Cependant, comme tout principe actif, elle n’est pas sans effets secondaires, Ă©ventuellement moins bĂ©nĂ©fiques. Notamment lorsqu’il s’agit d’identifier  un objet ou une situation  Ă  partir d’une information insuffisante ou ambiguĂ«. Des travaux expĂ©rimentaux ont en effet montrĂ© que si un objet ou une situation sont Ă  l’origine de leur perception incorrectement identifiĂ©s, c’est Ă  dire mal placĂ©s dans une catĂ©gorie, ils le demeurent mĂȘme lorsque la situation ou l’objet ne prĂȘte plus Ă  confusion. Les catĂ©gorisations initiales persistent comme si elles Ă©taient dotĂ©es d’inertie. Cela vaut pour de nombreuses configurations. Un exemple issu de la recherche expĂ©rimentale mĂ©rite d’ĂȘtre contĂ©6 . On fait croire, dans un premier temps, Ă  des Ă©lĂšves qu’ils sont ou non trĂšs bons en raisonnement logique puis, ensuite, on leur rĂ©vĂšle que cette Ă©valuation est sans rapport avec leurs capacitĂ©s rĂ©elles. Cette rectification se rĂ©vĂšle vaine. Longtemps aprĂšs, ils continuent Ă  se rĂ©fĂ©rer Ă  leur premiĂšre Ă©valuation mĂȘme lorsque celle-ci leur Ă©tait dĂ©favorable ! En cas d’informations ambiguĂ«s ou incomplĂštes, les catĂ©gories initialement construites par 6 Lepper, M.R., Ross,L. Lau, R., Persistanceofinaccurateanddiscreditedpersonalimpression :Afielddemonstration in attributional perseverance. Stanford University, 1978. CitĂ©s par J.P Leyens dans  : Sommes nous tous des psychologues ? 1983, Pierre Mardaga, Ă©diteur.
  • 19. 18 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL l’individu tendent donc Ă  persister, mĂȘme si, fausses, celui-ci s’est trouvĂ© placĂ© en situation de les rectifier. Cette persistance des catĂ©gories initiales dans le temps, outre qu’elle peut laisser entendre que la rĂ©sistance au changement y puise probablement une partie de sa force, doit mobiliser toute la vigilance pĂ©dagogique de ceux en charge de concevoir et d’organiser les situations d’apprentissage. En effet, des situations insuffisamment dĂ©finies ou ambiguĂ«s peuvent gĂ©nĂ©rer des catĂ©gorisations erronĂ©es, mais qui, hĂ©las, n’en seront pas moins efficaces, au risque d’entraĂźner des consĂ©quences nĂ©gatives inattendues. CequivautĂ l’écolevautĂ©videmmenthorsdel’école.C’estpourquoi,au-delĂ desaspects administratifs, rĂ©glementaires et Ă©conomiques attachĂ©s Ă  l’apprentissage comme dispositif, et sur lesquels se penche la future loi sur la formation professionnelle, l’alternance doit impĂ©rativement construire sa pratique sur des Ă©changes organiques entre les professionnels du monde du travail et les professionnels de l’enseignement. Il convient, d’abord, de dĂ©finir avec prĂ©cision les conditions dans lesquelles les pratiques d’alternance sont mises en Ɠuvre afin d’éviter des catĂ©gorisations erronĂ©es, particuliĂšrement lorsqu’il s’agit d’un premier contact avec l’entreprise et plus largement avec un univers professionnel. Il s’agit ensuite, outre le fait de dĂ©finir les exigences de comportement social (travail en Ă©quipe, par exemple),d’identifierlesprĂ©requisdeconnaissancesnĂ©cessairespourlapratiquedel’activitĂ© professionnelle, objet ou support de la formation. Cette identification, ou ce repĂ©rage, relĂšve Ă©videmment de l’expert du domaine. Mais « l’adressage » de ces connaissances rĂ©clame de les situer au regard de l’ensemble des acquis de l’apprenant. C’est ici qu’un enseignant, de prĂ©fĂ©rence rompu Ă  la pratique de l’alternance, doit pouvoir en assurer la description, de telle sorte que le tuteur soit en situation de les rapporter Ă  leur possible utilisation dans une activitĂ© finalisĂ©e par une tĂąche professionnelle. Cette dynamique ne relĂšve en rien d’une opposition thĂ©orie/pratique, comme la stĂ©rĂ©otypie dominante s’en empare assez rĂ©guliĂšrement. Elle prend sa source dans le lien indispensable entre « cognition et action », qui n’est ni thĂ©orique, ni pratique mais simplement indispensable Ă  tout comportement qui ne serait pas le fruit d’un « pur rĂ©flexe » ! C’est pourquoi la formation professionnelle par alternance requiert, Ă  la fois, un encadrement acadĂ©mique et un «  encadrement mĂ©tier  ». Le premier, pour situer les connaissances impliquĂ©es par les tĂąches professionnelles dans la chaĂźne des connaissances acquises ou Ă  acquĂ©rir. Le second, pour les qualifier, amĂ©nager le cadre de leur accueil et proposer le scĂ©nario pertinent pour leur utilisation et leur dĂ©veloppement en fonction de l’objectif professionnel poursuivi et du contexte professionnel dans lequel ces connaissances pourront s’appliquer, leur donnant ainsi, par l’expression mĂȘme de leur utilitĂ©, une signification sociale. La transformation des environnements professionnels, l’obsolescence rapide des savoirs et des technologies, l’obĂ©sitĂ© informationnelle et les surcharges intellectuelles qu’elle provoque, devraient conduire, de plus en plus, Ă  penser et Ă  repenser l’organisation pĂ©dagogique des formations par alternance. Des configurations qui associent plus Ă©troitement, voire organiquement, l’école et le monde du travail, Ă  travers des partenariats renforcĂ©s, autour du partage d’une culture de la formation, scientifiquement un peu informĂ©e, semblent indispensables pour renouveler, au-delĂ , des Ă©volutions lĂ©gislatives, les ambitions de la formation en gĂ©nĂ©rale et de la formation par apprentissage en particulier. En effet, soutenue par des formations initiales, Ă©quipĂ©es des mĂȘmes principes pĂ©dagogiques, la formation par apprentissage, par la vertu de son rapport Ă  l’action en
  • 20. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 19 milieu professionnel, devraient ĂȘtre en mesure d’inflĂ©chir, voire de corriger certaines des trajectoires qui Ă©loignent de nombreux jeunes de la maĂźtrise des connaissances, de la qualification et, in fine, de l’insertion professionnelle. Certes, l’effort Ă  accomplir n’est pas mince. Cependant, constater le succĂšs trĂšs relatif des nombreuses corrections ou Ă©volutions lĂ©gislatives apportĂ©es au champ de la formation professionnelle, mais aussi parfois aux formations initiales dans le systĂšme acadĂ©mique, devrait conduire Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  des approches plus expĂ©rimentales, c’est Ă  dire limitĂ©es dans leur pĂ©rimĂštre et dans le temps, avant de promouvoir leur Ă©ventuelle extension. Il y aurait ainsi peu de risques Ă  Ă©prouver de nouvelles pratiques pĂ©dagogiques et d’apprentissage. En effet, compte tenu de certaines lacunes actuelles liĂ©es aux formations initiales et des difficultĂ©s rencontrĂ©es par de nombreux jeunes pour rĂ©ussir leur insertion dans le monde du travail, une Ă©valuation un peu serrĂ©e de pratiques nouvelles bien dĂ©limitĂ©es, serait sans doute Ă  mĂȘme de fournir de prĂ©cieux enseignements. Quelques repĂšres pour agir Proposer des contextes variĂ©s pour la rĂ©alisation d’une tĂąche d’acquisition ou de production de connaissances, c’est augmenter la probabilitĂ© d’une rĂ©alisation efficace. Disposer de rĂ©ponses en relation avec des connaissances sociales qui sont impliquĂ©es par la tĂąche permet de donner Ă  cette tĂąche une signification plus concrĂšte pour l’accomplir avec une plus grande pertinence et une meilleure efficacitĂ©. CatĂ©goriser, c’est favoriser l’adaptation Ă  un environnement complexe et peu prĂ©visible. Toutefois, cette catĂ©gorisation doit s’opĂ©rer dans des situations, Ă  partir d’informations et de situations clairement dĂ©finies. Dans une rĂ©flexion Ă  tendance opĂ©rationnelle, visant Ă  installer l’alternance comme facteur Ă©ventuel d’amĂ©lioration des apprentissages Ă  l’école, et hors de l’école, ces trois indications sont fondamentalement complĂ©mentaires. DĂ©cider d’organiser l’alternance pĂ©dagogique dans les cursus acadĂ©miques, c’est donc considĂ©rer l’éducation rĂ©alisĂ©e dans le seul contexte scolaire comme insuffisante pour favoriser la rĂ©ussite de tous au meilleur niveau des potentialitĂ©s de chacun. Les analyses proposĂ©es (cf. supra) font apparaĂźtre, en effet, le contexte scolaire comme trop unidimensionnel pour mobiliser et nourrir toute la variĂ©tĂ© des compĂ©tences et des profils intellectuels des apprenants. Ce qui conduit inĂ©luctablement Ă  promouvoir les profils les plus conformes aux normes en vigueur dans le cadre scolaire. C’est pourquoi, la possibilitĂ© d’une alternance entre ce dernier et le cadre du monde du travail peut offrir une ouverture Ă  d’autres contextes que celui de l’école. On peut raisonnablement penser que cette confrontation Ă  de nouveaux contextes se rĂ©vĂ©lera en mesure de mobiliser d’autres types de rĂ©ponses que celles requises Ă  l’école, par l’école et d’enrichir ainsi le patrimoine comportemental des apprenants. Mais encore faut-il dĂ©finir les contenus de ces contextes, de telle sorte qu’ils entrent en « correspondance » avec les buts poursuivis par l’école. L’objectif premier d’une stratĂ©gie d’alternance dans les cursus acadĂ©miques doit avoir pour but de favoriser l’acquisition, la consolidation et l’exploitation de la plupart des connaissances nĂ©cessaires Ă  une activitĂ© intellectuelle et comportementale, autonome. Cette recherche de correspondance doit passer par l’amĂ©nagement des « contextes de travail », afin de doter les activitĂ©s rĂ©alisĂ©es
  • 21. 20 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL en leur sein d’une vĂ©ritable utilitĂ© sociale, ou perçue comme telle par les apprenants. Il faut, en effet, que les connaissances qu’ils mobilisent se chargent d’une signification sociale qui leur assure un statut valorisant, condition nĂ©cessaire Ă  l’émergence et au maintien de leur motivation Ă  apprendre. Pour cela, « le programme d’alternance » doit faire l’objet d’une dĂ©finition prĂ©cise, sans confusion ni ambiguĂŻtĂ©. Il importe, connaissant leurs effets dĂ©lĂ©tĂšres, d’éviter les catĂ©gorisations erronĂ©es ou mal installĂ©es. Cela d’autant qu’il s’agit de dĂ©couvrir le monde du travail. La persistance d’une mauvaise attribution serait Ă©videmment peu favorable pour dĂ©velopper ou asseoir une future orientation ou motivation professionnelle. De nature Ă  dĂ©terminer les reprĂ©sentations que vont se forger les jeunes, cette premiĂšre expĂ©rience au contact du milieu professionnel doit donc faire l’objet de toutes les attentions. On voit mal, dĂšs lors, comment on pourrait faire l’impasse sur la mise en place de modalitĂ©s de concertation Ă©troite entre le monde acadĂ©mique et le monde Ă©conomique. Compte tenu des enjeux et de l’intĂ©rĂȘt que laisse entrevoir la pratique de l’alternance, Ă  la fois pour les apprentissages rĂ©alisĂ©s Ă  l’école et pour la qualitĂ© de l’insertion future dans le monde du travail, un dialogue approfondi s’impose absolument. On ne saurait laisser encore trop de stages, quelle que soit leur nature, se dĂ©cider sans vĂ©ritable prĂ©paration et s’accomplir sans autre objectif que celui d’occuper « le stagiaire. ». L’application de quelques principes simples devrait suffire pour rendre ces temps d’alternance profitables Ă  tous, aux « alternants » comme Ă  ceux qui les encadrent, tant du cĂŽtĂ© de l’école que de l’entreprise, par exemple. C’est ainsi qu’une prĂ©sentation des caractĂ©ristiques de l’entreprise (pour poursuivre sur cet exemple) conjointement Ă  une prĂ©sentation des cursus, de leur niveau et de leur nature prĂ©cise, suivis par les jeunes, devrait favoriser une transition harmonieuse entre les deux univers. Mais, au-delĂ , ce type d’interaction devrait aussi participer Ă  la construction d’une culture minimale commune entre les professeurs et les tuteurs ou maĂźtres de stage. En effet, comment donner du sens Ă  l’alternance si ce qui est fait ici est ignorĂ© lĂ , et rĂ©ciproquement ? Cela impliquerait une formation innovante partagĂ©e entre les uns et les autres.Tout apprentissage rĂ©clame un scĂ©nario pĂ©dagogique. Comment prĂ©senter les connaissances Ă  acquĂ©rir ? Comment vĂ©rifier leur acquisition ? Comment s’assurer de leur conservation en mĂ©moire ? Ces questions sont au cƓur des pratiques quotidiennes d’enseignement. Comment repĂ©rer si telle ou telle connaissance est maĂźtrisĂ©e avant de confier la rĂ©alisation d’une tĂąche? Comment prĂ©senter une activitĂ© pour ĂȘtre assurĂ© que la comprĂ©hension de son utilitĂ© sociale soit susceptible de mobiliser des connaissances supposĂ©es acquises ou de susciter une motivation Ă  les acquĂ©rir ?Toutes ces questions, et de nombreuses autres, sont au cƓur du processus d’alternance. C’est pourquoi on ne peut aller de l’école vers l’entreprise et de l’entreprise vers l’école avec pour unique viatique celui de l’idĂ©e que le passage de l’une Ă  l’autre suffira Ă  lever les obstacles pour des apprentissages plus efficaces parce que finalisĂ©s. La dĂ©marche relĂšve d’une vĂ©ritable concertation incluant les contenus Ă  privilĂ©gier, les formes de prĂ©sentation Ă  utiliser et les modalitĂ©s d’évaluation Ă  employer. Il est Ă©vident qu’à elles seules, ces exigences rĂ©clament une quantitĂ© de travail non nĂ©gligeable pour ceux qui, par ailleurs, doivent rĂ©pondre, dans leur domaine respectif, aux obligations de leurs charges. La force de l’enjeu justifie cependant que l’on s’attache Ă  envisager et Ă  soutenir ce type de dĂ©marche. Le conseil national Ă©ducation-Ă©conomie pourrait utilement appuyer une telle dĂ©marche. En effet, incluse dans les cursus initiaux, une premiĂšre expĂ©rience d’alternance revĂȘt une importance particuliĂšre. Par les dynamiques sociales et intellectuelles qu’elle est de nature Ă  susciter, c’est un vĂ©ritable facteur d’aide Ă  la rĂ©ussite scolaire, voire Ă  la rĂ©ussite tout court, pour un plus grand nombre de personnes. Elle enrichit la capacitĂ© Ă  utiliser les
  • 22. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 21 connaissances construites Ă  l’école en ouvrant leur champ d’utilisation et d’application. Ainsi, par la confrontation Ă  deux univers de pratiques et de savoirs diffĂ©rents, elle conduit Ă  Ă©laborer des connaissances sur les connaissances (des mĂ©ta-connaissances). Ce qui n’est pas un acquis mineur : savoir Ă  quoi servent les connaissances dont on dispose constitue, en soi, une vĂ©ritable ressource. Au moment oĂč l’on assiste avec internet Ă  la possibilitĂ© d’accĂ©der aux informations avec une facilitĂ© jamais rencontrĂ©e (avec un simple clic toute demande d’information peut trouver une rĂ©ponse), cette ressource mĂ©rite d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e. En effet, l’aisance de cet accĂšs Ă  des bases Ă©tendues d’informations favorise-t-il les apprentissages ? Si ouiĂ quellesconditions ?Dequoifaut-ildisposerpourbĂ©nĂ©ficierdetoutecetteconnaissance devenue si facilement accessible ? À l’heure oĂč l’internet externalise les mĂ©moires, (les donnĂ©es sont aujourd’hui stockĂ©es dans les rĂ©seaux, le clouding), il importe, pour donner un sens Ă  la connaissance, de pouvoir la contextualiser en la rapportant Ă  une de ses utilisations possibles. C’est ici que les « mĂ©ta connaissances  » acquises et nourries par les pratiques alternantes, sont en mesure, en rapportant la connaissance Ă  une « expĂ©rience pratique », professionnelle ou non, de lui donner une signification qui la qualifie et permet aux individus de la stocker dans leur propre mĂ©moire. Elle devient ainsi une base disponible pour des usages ultĂ©rieurs, notamment d’apprentissage de connaissances nouvelles. L’articulation plus Ă©troite de l’école et du monde du travail, avec des frontiĂšres plus ouvertes et des passerelles mieux identifiĂ©es entre formation et emploi, adossĂ©e Ă  des pratiques d’alternance scientifiquement informĂ©es, ouvre probablement une voie praticable pour affronter avec bĂ©nĂ©fice les Ă©volutions qui se dessinent. En effet, l’accĂšs immĂ©diat et direct Ă  l’information, hors de tout cadre instituĂ©, favorise le traitement de surface et la pratique ludique, en cela il s’oppose clairement Ă  celui de l’école, comme Ă  celui de l’entreprise, qui conduisent Ă  emprunter des chemins plus escarpĂ©s et rĂ©clament un vĂ©ritable effort. Or, pour dĂ©velopper les capacitĂ©s d’adaptation et de crĂ©ation des individus, il est indispensable de conjuguer la richesse et la facilitĂ© d’accĂšs aux flux informationnels avec la prise de distance critique attachĂ©e Ă  l’approfondissement et Ă  la structuration nĂ©cessaires de la connaissance acquise et Ă  acquĂ©rir Ă  l’école. Aussi est–il capital de pouvoir, par sa mise en application, rapporter cette connaissance aux rĂ©alitĂ©s de son utilisation dans le monde du travail. C’est ici que l’alternance en Ă©ducation est en mesure de jouer pleinement son rĂŽle de mĂ©diation cognitive et comportementale. Face Ă  la difficultĂ© de nombreux jeunes pour trouver un stage, le rapprochement Ă©ducation-entreprise devrait augmenter les choix possibles et rĂ©duire ainsi cette difficultĂ©. L’alternance en formation tout au long de la vie Leprolongementd’unerĂ©flexionsurl’alternanceenĂ©ducation,aprĂšslaformationinitiale Ă  l’école et la « formation par apprentissage », conduit naturellement Ă  se prĂ©occuper de la formation tout au long de la vie. Dans la mesure oĂč, jusqu’alors, les expĂ©riences antĂ©rieures, attachĂ©es Ă  l’alternance, semblent ne pas avoir de rĂ©elle influence sur l’engagement dans la formation tout au long de la vie, il convient de s’interroger sur les raisons susceptibles d’expliquer un tel phĂ©nomĂšne. On pourrait penser, par exemple, que la formation par apprentissage favorise la constitution d’un socle culturel fonctionnant comme un fond « d’amorçage » pour l’engagement ultĂ©rieur dans une logique de formation tout au long de la vie. Or, les donnĂ©es dont on dispose ne sont, de ce point de vue, pas significatives. Si,
  • 23. 22 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL en l’absence d’études sĂ©rieuses sur le sujet, il s’avĂšre difficile d’apporter spontanĂ©ment une explication Ă  cet Ă©tat de fait, on peut nĂ©anmoins risquer une hypothĂšse, qui n’est d’ailleurs probablement pas la seule possible. Le peu de pratiques d’alternance pĂ©dagogique dans l’école, au moment oĂč s’élaborent les bases de connaissances, et donc leur fond mĂ©moriel, installe les individus dans des rĂ©fĂ©rences attachĂ©es Ă  un seul contexte, de surcroit trĂšs normĂ© (cf. supra). Elles jouent, dĂšs lors, le rĂŽle de repĂšre privilĂ©giĂ© au moment de rĂ©aliser des choix de formations ultĂ©rieures. De plus, la relation plutĂŽt univoque entre connaissance scolaire et pratique professionnelle dans les formations par apprentissage, entre en quelque sorte en opposition avec les logiques de formation tout au long de la vie, lesquelles inversent cette relation. En effet, principalement ouverte Ă  des adultes, jeunes ou moins jeunes, mais tous pourvus, par construction, d’une expĂ©rience professionnelle, la formation tout au long de la vie conduit Ă  Ă©laborer, ou Ă  actualiser, des connaissances Ă  partir d’interrogations qui sont d’abord professionnelles. Cette inversion de relation installe une nouvelle donne dans la formation, Ă  la fois pour les « formĂ©s » et les formateurs. Les premiers sont, pour certains, en quĂȘte d’une consolidation et d’une reconnaissance de leurs acquis, d’autres recherchent une certification ou un diplĂŽme nouveau, d’autres encore, dans une logique totalement non formelle, visent l’accroissement d’une culture gĂ©nĂ©rale et/ou scientifique Ă  des fins de dĂ©veloppement personnel. NĂ©anmoins, tous sont engagĂ©s sur la base d’une rĂ©fĂ©rence attachĂ©e d’abord Ă  leur expĂ©rience professionnelle, laquelle peut ĂȘtre vĂ©cue positivement comme nĂ©gativement mais, dans les deux cas, toujours considĂ©rĂ©e comme indispensable Ă  dĂ©passer. Les seconds, confrontĂ©s Ă  des populations adultes porteuses d’une culture plutĂŽt Ă©loignĂ©e de la leur, doivent rechercher, sous peine d’ĂȘtre inaudibles, des contextes de prĂ©sentation capables de favoriser les mises en correspondance entre les champs notionnels qu’ils utilisent et les repĂšres opĂ©rationnels de ceux qu’ils forment. Il y a lĂ , probablement, une contrainte dont on pourrait tirer des enseignements pour faire Ă©voluer les pratiques pĂ©dagogiques aussi bien Ă  l’école que dans les dispositifs d’apprentissage. Cependant, pour tirer tout le bĂ©nĂ©fice d’une pratique en formation d’adultes actifs, il demeure indispensable d’aborder cette pratique en Ă©tant muni d’un ensemble de connaissances et d’outils mĂ©thodologiques appropriĂ©s. S’adresser Ă  des adultes au travail, ou engagĂ©s dans une migration professionnelle, n’impose ni le mĂȘme cadre temporel d’apprentissage ni la mĂȘme distribution calendaire des contenus ni les mĂȘmes ressorts pĂ©dagogiques que ceux employĂ©s dans le cadre d’une offre de formation initiale, Ă  l’école ou en apprentissage. Le temps plein doit cohabiter avec le temps partagĂ©. On ne doit pas former ceux qui travaillent, et pour qui le temps est une denrĂ©e plus rare, comme ceux qui ont « tout leur temps ». Dans cette perspective, le dispositif d’alternance doit ĂȘtre aussi un dispositif d’alternatives pour rĂ©pondre Ă  la variĂ©tĂ© des besoins exprimĂ©s. Ces besoins sont Ă  la fois professionnels, personnels et sociaux. Professionnels d’abord, parce qu’il s’agit de rĂ©pondre aux exigences d’adaptation Ă  des niveaux de responsabilitĂ©s supĂ©rieures pour tous ceux qui en expriment ou en ressentent la nĂ©cessitĂ©. Personnels ensuite, parce qu’il s’agit de conforter et de dĂ©velopper l’estime de soi par la reconnaissance des acquis d’une expĂ©rience qui signe, le plus souvent, la qualitĂ© et le sĂ©rieux d’un engagement dans le travail. Sociaux enfin, parce qu’il s’agit de favoriser le maintien ou la rĂ©gĂ©nĂ©ration du lien social, en permettant aux diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations de continuer Ă  partager les codes attachĂ©s aux nombreuses Ă©volutions scientifiques, technologiques, culturelles et comportementales.
  • 24. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 23 Dans des sociĂ©tĂ©s de plus en plus professionnellement nomades, en raison des incertitudes liĂ©es Ă  l’emploi, le lien intergĂ©nĂ©rationnel, par essence organisĂ© autour de l’action et de l’activitĂ© durablement partagĂ©es se dĂ©lite et, dĂšs lors, le tissu social se dĂ©chire. L’instauration et la promotion de la formation tout au long de la vie offrent probablement l’opportunitĂ© de crĂ©er de nouvelles coopĂ©rations productives entre gĂ©nĂ©rations qui, en dĂ©pit de la gĂ©nĂ©rositĂ© des discours tenus, font de plus en plus cruellement dĂ©faut. Dans la formation tout au long de la vie, l’alternance doit ĂȘtre consubstantielle de la diversitĂ© des parcours et des expĂ©riences et alimenter la qualitĂ© des connaissances et leur disponibilitĂ© en les proposant sans hiĂ©rarchie prĂ©Ă©tablie. La sĂ©curisation des parcours professionnels et une certaine forme de stabilitĂ© personnelle en dĂ©pendent. La formation tout au long de la vie, c’est une formation sur les chemins de la vie. Et la reconnaissance des acquis doit en jalonner les Ă©tapes en validant conjointement la rĂ©flexion et l’action, ce que permet une alternance nourrie par l’égale dignitĂ© des connaissances Ă  acquĂ©rir et des connaissances importĂ©es de l’expĂ©rience professionnelle. La reconnaissance des acquis : un enjeu vital pour la formation tout au long de la vie DĂšs 2006, dans ses conclusions, le Conseil europĂ©en, tenu Ă  Bruxelles les 23 et 24 mars, notait que les stratĂ©gies nationales d’apprentissage tout au long de la vie devraient permettre Ă  tous les citoyens d’acquĂ©rir les compĂ©tences et les qualifications dont ils ont besoin. Si l’on ajoute Ă  cette orientation, la cohabitation des processus de Bologne (harmonisation europĂ©enne des formations supĂ©rieures), de Copenhague (enseignement et formation professionnelle), de Lisbonne (compĂ©tition, croissance et emploi), mĂȘme si ce dernier en raison de la crise a fait l’objet d’une attention nouvelle, et l’expĂ©rience ERASMUS, il y a lĂ  des repĂšres pour favoriser la rĂ©flexion en direction d’une action plus intĂ©grĂ©e des qualifications professionnelles et de leur reconnaissance acadĂ©mique. Au moment oĂč la mobilitĂ© intra-europĂ©enne, contrainte ou choisie, s’installe au sein du marchĂ© du travail il est particuliĂšrement important d’aborder ce type de sujet. Il apparaĂźt de plus en plus nĂ©cessaire de pouvoir conjuguer rĂ©fĂ©rences acadĂ©miques, formation et expĂ©riences professionnelles. DĂšs lors, harmoniser les dispositifs de formation tout au long de la vie et mettre en place des modalitĂ©s de reconnaissance professionnelle, Ă©ventuellement transfĂ©rables, constitue une question majeure pour l’alternance en formation tout au long de la vie. Deux types de certification peuvent y rĂ©pondre  : les diplĂŽmes nationaux de type Licence, Master, Doctorat (LMD) et les titres enregistrĂ©s au RĂ©pertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP). Le niveau de ces titres est clairement identifiĂ© et rĂ©fĂ©rencĂ© au Cadre EuropĂ©en des Certifications dans la mesure oĂč ils sont constitutifs du RNCP. C’est Ă©videmment un Ă©lĂ©ment important au regard de la mobilitĂ© professionnelle en Europe. Ces modes de reconnaissance ne relĂšvent toutefois pas de la mĂȘme logique. La logique de grade LMD est fondĂ©e sur des critĂšres de type acadĂ©mique tandis que la logique d’enregistrement au RNCP est adossĂ©e Ă  l’existence d’un mĂ©tier et doit donc faire la dĂ©monstration que l’évaluation est pertinente et cohĂ©rente avec les attendus du marchĂ© du travail. Cependant, l’une et l’autre de ces logiques bĂ©nĂ©ficient Ă  l’échelle europĂ©enne
  • 25. 24 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL d’un cadre mĂ©thodologique commun qui permet le transfert de crĂ©dits d’un systĂšme de certification national Ă  un autre. Une recommandation du Parlement europĂ©en et du Conseil du 18 juin 2009 [Journal officiel C 155 du 8.7.2009], Ă©tablit, en effet, un systĂšme europĂ©en de crĂ©dits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET). Ce systĂšme s’applique Ă  tous les acquis obtenus dans les diverses filiĂšres d’enseignement et d’apprentissage, puis transfĂ©rĂ©s, reconnus et capitalisĂ©s en vue de l’obtention d’une certification. Il n’a pas vocation Ă  remplacer les systĂšmes nationaux de certification. Il vise simplement Ă  optimiser leur comparabilitĂ© et leur compatibilitĂ©. Il peut ainsi permettre aux citoyens europĂ©ens d’obtenir plus facilement la reconnaissance de leurs formations et de leurs savoirs dans un autre État membre. En effet, jusqu’alors, la diversitĂ© des systĂšmes nationaux, qui dĂ©finissent les niveaux de certification et leur contenu, ne favorise pas la mobilitĂ© transnationale des apprenants. Ce systĂšmepermettraitderemĂ©dierĂ cettesituationenfacilitantlesmigrationsprofessionnelles Ă  travers toute l’Europe. Les États membres sont d’ailleurs libres d’adopter la prĂ©sente recommandation et de la mettre en Ɠuvre. C’est encore peu ou pas le cas, notamment en France mais pas seulement. Le systĂšme ECVET complĂšte par ailleurs le systĂšme europĂ©en de transfert et d’accumulation de crĂ©dits (ECTS), qui relie l’enseignement et la formation professionnels et l’enseignement supĂ©rieur. Ce systĂšme permet le transfert d’expĂ©riences d’apprentissage entre diffĂ©rentes institutions, ce qui assouplit les parcours en vue de l’obtention de diplĂŽmes. Les «objectifs de formation», connaissances, compĂ©tences et savoirs faire Ă  acquĂ©rir, sont exprimĂ©s en termes de crĂ©dits. MĂȘme si les Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur sont des institutions autonomes et si les dĂ©cisions finales demeurent de leurs responsabilitĂ©s, le systĂšme ECTS peut contribuer Ă  la reconnaissance des « études » d’une personne entre diffĂ©rentes institutions et systĂšmes Ă©ducatifs nationaux et donc, a fortiori, entre institutions de formation d’un mĂȘme territoire national. La France utilise le systĂšme depuis plusieurs annĂ©es dans le cadre de son enseignement supĂ©rieur universitaire notamment. Comme on peut le constater, le sujet de la validation des acquis en formation tout au long de la vie est une prĂ©occupation d’empan europĂ©en dont il semble important de se saisir. En effet, raisonner sur des processus Ă  valeur transnationale pourrait permettre de poser en des termes nouveaux le problĂšme de la validation des acquis dans un dispositif national. S’attacher Ă  rendre comparables ou compatibles des parcours nationaux devrait favoriser la rĂ©flexion sur les Ă©tapes et les contenus nĂ©cessaires pour obtenir une certification selon une modalitĂ© pĂ©dagogique d’alternance. Il conviendrait, notamment, d’envisager des parcours composites, en fonction des contextes individuels et sur la base d’une Validation des Acquis de l’ExpĂ©rience (VAE) cohĂ©rente et pertinente. Cela de telle sorte, que les jurys de VAE puissent donner une validation totale ou partielle fondĂ©e sur les attendus au moment mĂȘme oĂč a lieu l’évaluation et non sur l’adĂ©quation Ă  un programme de formation comme seul support de la certification ou de la diplomation. En effet, accorder, comme c’est gĂ©nĂ©ralement le cas, une certification ou un diplĂŽme sur la base d’un programme de formation, par nature et par construction, limitĂ© dans le temps, semble difficilement compatible avec l’alternance en formation tout au long de la vie qui est inscrite, elle aussi par nature et par construction, dans une temporalitĂ© non dĂ©finie. L’un des freins majeurs du dĂ©veloppement de la VAE rĂ©side donc dans les rĂ©fĂ©rentiels supports qui ne permettent pas
  • 26. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 25 de situer une expĂ©rience professionnelle, individuelle ou collective, par rapport au contenu « acadĂ©mique » de la certification souhaitĂ©e, ou dĂ©livrĂ©e. En mettant en Ă©vidence l’existence d’un problĂšme rĂ©current entre «  thĂ©orie et pratique », dont on a pu entrevoir, dans les sections prĂ©cĂ©dentes, qu’il n’était pas neutre au regard des relations entre le monde scolaire et le monde Ă©conomique, cette observation boucle en quelque sorte la logique de cette Ă©tude. Le lien entre la connaissance, ses modes d’acquisition et son utilisation dans l’action, demeure un des sujets majeurs de la problĂ©matique de la formation quelle que soit la nature de celle-ci. De ce point de vue, et au-delĂ  de la formation tout au long de la vie, le dĂ©veloppement de pratiques de rĂ©seau entre les entreprises et les Ă©tablissements de formation concernĂ©s seraitcertainementunbonmoyendedonnerunenouvelleimpulsionpourlareconnaissance acadĂ©mique de l’expĂ©rience professionnelle. En tout cas, les recommandations et les systĂšmes de transfert au niveau europĂ©en tendent Ă  nous y inviter. Conclusion En dĂ©pit de l’importance qui lui est accordĂ©e dans cette Ă©tude, l’alternance dans l’éducation ne doit pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la solution pĂ©dagogique pour, tout Ă  la fois, combler les lacunes des formations scolaires ou universitaires initiales, rĂ©soudre les problĂšmes liĂ©s Ă  l’insertion professionnelle et rythmer avec bonheur les cheminements de la formation tout au long de la vie. NĂ©anmoins, le constat, trĂšs cruel, d’un nombre trĂšs significatif de jeunes sans diplĂŽme Ă  leur sortie du systĂšme Ă©ducatif conduit Ă  s’interroger sur les causes de cette situation et sur les amĂ©liorations Ă  envisager pour s’efforcer de rĂ©duire leurs effets. Cela d’autant que cet Ă©chec massif trouve son prolongement dans un chĂŽmage tout aussi massif et qui touche trĂšs majoritairement les jeunes issus de parents de milieux socioĂ©conomiques dĂ©favorisĂ©s. Par ailleurs, le fait que la voie des formations professionnelles concerne trĂšs majoritairement les jeunes qui accusent un retard dĂšs la classe de 6Ăšme, ne constitue pas spontanĂ©ment un argument pour sa valorisation. C’est pourquoi le parti pris de cette Ă©tude a d’abord Ă©tĂ© d’identifier, d’analyser puis de suggĂ©rer des pistes pour cerner les raisons susceptibles de contribuer Ă  expliquer un tel tableau. Ensuite, sur ces bases, le propos s’est efforcĂ©, certes de maniĂšresuperficielle,dedonnerducrĂ©ditĂ l’alternancecommeunedĂ©marchepĂ©dagogique en mesure, non de rĂ©soudre tous les problĂšmes soulevĂ©s mais d’enrichir pour tous les Ă©lĂšves les contextes d’acquisition des connaissances. En dĂ©pit de ses insuffisances, il n’est donc pas interdit de penser que cette contribution puisse trouver un Ă©cho Ă©ventuellement institutionnel pour alimenter un questionnement plus fonctionnel et qualitatif de la formation, sous toutes ses formes, dans la mesure oĂč chacun s’accorde Ă  la placer au croisement de toutes les prĂ©occupations. En effet, en proposant une plus grande variĂ©tĂ© de possibilitĂ©s pour donner du sens aux apprentissages rĂ©alisĂ©s, par les jeunes et les moins jeunes, l’alternance en Ă©ducation offre Ă  la diversitĂ© des compĂ©tences et des talents, mais aussi aux trajectoires Ă©ducatives les plus fragiles, des perspectives de rĂ©ussite plus nombreuses.
  • 27. 26 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Annexes Annexe n° 1 : composition de la section de l’éducation, de la culture et de la communication 33 PrĂ©sident : Philippe DA COSTA 33 Vice prĂ©sidentes : Claire GIBAULT et Claire GUICHET ❐❐ Agriculture 33 Monique BERNARD ❐❐ Artisanat 33 Monique AMOROS ❐❐ Associations 33 Philippe DA COSTA 33 BĂ©rĂ©nice JOND ❐❐ CFDT 33 Adria HOUBAIRI 33 Xavier NAU ❐❐ CFE-CGC 33 Jean-Claude DELAGE ❐❐ CFTC 33 Bernard IBAL ❐❐ CGT 33 Claude MICHEL ❐❐ CGT-FO 33 Françoise NICOLETTA 33 Éric PERES ❐❐ Entreprises 33 GeneviĂšve BEL 33 Danielle DUBRAC 33 Sophie DUPREZ ❐❐ Environnement et nature 33 Jacques BEALL
  • 28. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 27 ❐❐ Organisations Ă©tudiantes et mouvements de jeunesse 33 Azwaw DJEBARA 33 Claire GUICHET 33 Marie TRELLU-KANE ❐❐ Outre-mer 33 Marie-Claude TJIBAOU ❐❐ PersonnalitĂ©s qualifiĂ©es 33 Rachel BRISHOUAL 33 Claire GIBAULT 33 Marie-Aleth GRARD 33 Laura FLESSEL-COLOVIC 33 Alain TERZIAN 33 GĂ©rard ASCHIERI RattachĂ© administrativement au groupe ❐❐ UNAF 33 Henri JOYEUX 33 Christiane THERRY ❐❐ PersonnalitĂ©s associĂ©es 33 Jean-Marie BELIN 33 Bernard CHAUSSEGROS 33 Anne COURTILLÉ 33 Samira DJOUADI 33 Vladimir MITROFANOFF 33 Jean-Marc MONTEIL 33 Isabelle SEVERINO 33 AgnĂšs VAN ZANTEN
  • 29. 28 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Annexe n° 2 : table des sigles AGEFIPH Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapĂ©es BEP Brevet d’études professionnelles CAP Certificat d’aptitude professionnelle CEREQ Centre d’étude et de recherches sur les qualifications CESE Conseil Ă©conomique, social et environnemental CFA Centre de formation d’apprentis DEPP Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance DUT DiplĂŽme universitaire de technologie ECTS European credit transfer system ECVET European credit system for vocational education and training EPLE Etablissement public local d’enseignement GPEC Gestion prĂ©visionnelle des emplois et des compĂ©tences IGA Inspection gĂ©nĂ©rale de l’administration IGAENR Inspection gĂ©nĂ©rale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche IGAS Inspection gĂ©nĂ©rale des affaires sociales IGEN Inspection gĂ©nĂ©rale de l’éducation nationale LMD Licence, Master, Doctorat RNCP RĂ©pertoire national des certifications professionnelles VAE Validation des acquis de l’expĂ©rience
  • 30. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 29 Annexe n° 3 : bibliographie L’emploi des jeunes, rapporteur Jean-Baptiste PREVOST, CESE, 26 septembre 2012 Le supĂ©rieur : moteur de la croissance de l’apprentissage en 2010 et 2011, note d’information n° 13, 22, DEPP, octobre 2013 L’enseignement professionnel, Education et Formation n° 75, DEPP, octobre 2007 Promouvoir et dĂ©velopper l’alternance, voie d’excellence pour la professionnalisation, Rapport au PrĂ©sident de la RĂ©publique, Henri PROGLIO, Documentation française, novembre 2009
  • 31. 30 – Ă©tude DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Annexe n° 4 : scrutin Ce texte a Ă©tĂ© votĂ© par 25 voix, soit l’unanimitĂ© des conseillers et personnalitĂ©s associĂ©es prĂ©sents : Agriculture Mme BERNARD Artisanat Mme AMOROS Associations M. DA COSTA Mme JOND CFE-CGC M. DELAGE CFDT Mme HOUBAIRI M. NAU CFTC M. IBAL CGT M. MICHEL CGT-FO Mme NICOLETTA M. PERES Entreprises Mmes BEL Mme DUBRAC DUPREZ Organisations Ă©tudiantes et mouvements de jeunesse M. DJEBARA Mme GUICHET Mme TRELLU-KANE PersonnalitĂ©s qualifiĂ©es M. TERZIAN Mme FLESSEL Mme GRARD UNAF M. JOYEUX PersonnalitĂ©s associĂ©es M. BELIN M. MITROFANOFF Mme DJOUADI M. MONTEIL
  • 32. L’ALTERNANCE DANS L’ÉDUCATION – 31 Annexe n° 5 : liste des personnes auditionnĂ©es  33 M. Alain ClĂ©mence professeur de sociologie Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne (Suisse). 33 M. Yves Lichtenberger directeur du programme « Emploi, Ă©galitĂ© des chances » au Commissariat gĂ©nĂ©ral Ă  l’investissement. 33 M. Richard Skrzypczak directeur gĂ©nĂ©ral adjoint chargĂ© de la formation Ă  la Chambre de commerce et d’industrie de Versailles.
  • 33. ImprimĂ© par la direction de l’information lĂ©gale et administrative, 26, rue Desaix, Paris (15e ) d’aprĂšs les documents fournis par le Conseil Ă©conomique, social et environnemental No de sĂ©rie : 411140007-000314 – DĂ©pĂŽt lĂ©gal : mars 2014 CrĂ©dit photo : shutterstock Direction de la communication du Conseil Ă©conomique, social et environnemental Retrouvez l’intĂ©gralitĂ© de nos travaux sur www.lecese.fr „„ Pour une politique de dĂ©veloppement du spectacle vivant : l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie „„ Avant-projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la RĂ©publique „„ RĂ©ussir la dĂ©mocratisation de l’enseignement supĂ©rieur : l’enjeu du premier cycle „„ La mobilitĂ© des jeunes „„ Les inĂ©galitĂ©s Ă  l’école DerniĂšres publications de la section de l’éducation, de la culture et de la communication „„ La stratĂ©gie d’investissement social „„ Les consĂ©quences de SolvabilitĂ© II sur le financement des entreprises „„ Le travail Ă  temps partiel „„ Internet : pour une gouvernance ouverte et Ă©quitable „„ Favoriser l’accĂšs pour tous Ă  une alimentation de qualitĂ©, saine et Ă©quilibrĂ©e „„ Transitions vers une industrie Ă©conome en matiĂšres premiĂšres „„ Les zones franches urbaines „„ Principe de prĂ©caution et dynamique d’innovation LES DERNIÈRES PUBLICATIONS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL (CESE)
  • 34. Jean-Marc Monteil fĂ©vrier 2014 Les Ă©ditions des JOURNAUX OFFICIELS L’alternance dans l’éducation No  41114-0007  prix : 12,90 e ISSN 0767-4538  ISBN 978-2-11-120941-1 -:HSMBLB=WU^YVV: www.lecese.fr CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL 9, place d’IĂ©na 75775 Paris Cedex 16 TĂ©l. : 01 44 43 60 00 Cette Ă©tude se situe dans la perspective d’une contribution plus pĂ©dagogique que structurelle de l ’a l t e r n a n c e d a n s l’éducation. Elle se propose de donner du crĂ©dit Ă  l’alternance comme une dĂ©marche pĂ©dagogique en mesure d’enrichir pour tous les Ă©lĂšves les contextes d’acquisition de connaissances, et non pas seulement comme une solution rĂ©paratrice. L’a l te r n a n ce d a n s l’éducation doit offrir Ă  la diversitĂ© des compĂ©tences et des talents et aux trajectoires Ă©ducatives les plus fragiles des perspectives d e r Ă© u s s i t e p l u s nombreuses. LESÉTUDESDUCONSEILÉCONOMIQUE,SOCIALETENVIRONNEMENTAL Diffusion Direction de l’information lĂ©gale et administrative Les Ă©ditions des Journaux officiels tĂ©l. : 01 40 15 70 10 www.ladocumentationfrancaise.fr