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Marine AlbarĂšde âą Renaud Francou âą Daniel Kaplan
ââSi j'ai une information sur vous, vous l'avez aussi.
ââEt vous en faitesâ⊠ce qui a du sens pour vousâ!ââ
d Cahier d'exploration c
2. Marine AlbarĂšde âą Renaud Francou âą Daniel Kaplan
ââSi j'ai une information sur
vous, vous l'avez aussi. Et
vous en faitesâ⊠ce qui a du
sens pour vousâ!ââ
Ont Ă©galement contribuĂ© Ă ce Livre Blancâ:
Louis-David Benyayer, Pierre-Julien Cazaux, Carole Leclerc.
Graphisme et mise en pageâ: Lucas Linares - www.lucaslinares.com
Ce document est mis Ă disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France
d Cahier d'exploration c
3. ÇÇ Depuis des dĂ©cennies, les entreprises et les
administrations se sont dotées de moyens sans cesse
plus performants de capturer, retenir et exploiter les
données relatives à leurs clients et usagers.
Objectifsâ: concilier massification et personnalisation
de la relation, mieux analyser la relation (ârisque, ren-
tabilitĂ©âŠâ), optimiser stocks et tarifs, prĂ©voir, faire
évoluer les offres, fidéliser...
En revanche, les individus nâen retirent rien de vrai-
ment perceptibleâ: ni information, ni connaissance, ni
capacités nouvelles. Ils supportent mal cette asymé-
trie. Les pouvoirs publics la contestent Ă©galement. Les
technologies la fragilisent. Il est temps dâexplorer une
autre voie.
âš
Cette premiÚre édition sera profondé-
ment revue au terme de l'expérimentation
"âMesInfosâ" Ă laquelle, nous l'espĂ©rons, la
lecture de ce petit ouvrage vous donnera
envie de participer.
4. MesInfos | Cahier d'exploration
76
Executive summary
Executive Summary
ÇÇ "Si j'ai une donnĂ©e sur vous, vous l'avez
aussi. Et vous en faites⊠ce qui a du sens pour
vous !" C'est autour de cette idée que, depuis
2012, la Fing et plusieurs partenaires ont engagé
le projet MesInfos : explorer ce qu'il se passerait
si les organisation qui possÚdent des données
personnelles partageaient ces données avec les
individus qu'elles concernent. En un an, nous
avons prouvé que cette idée répondait à de réelles
attentes ; qu'elle pouvait s'incarner dans des
usages trÚs concrets qui bénéficient tant aux indi-
vidus qu'aux organisations ; qu'elle s'explorait
déjà ailleurs et résonnait avec les réflexions de
plusieurs grandes entreprises, gouvernements ou
Ă©quipes de recherche. Ce "Cahier d'exploration"
rend compte de ce travail, sans négliger les nom-
breuses questions, voire les défis, qu'un projet
tel que MesInfos fait apparaĂźtre. Sa publication
annonce la prochaine phase du projet MesInfosâ:
l'expérimentation sur le terrain.
Depuis des décennies, les entreprises et les
administrations se sont dotées de moyens
sans cesse plus performants de capturer,
retenir et exploiter les donnĂ©es relatives Ă
leurs clients et usagers. Objectifs : conci-
lier massification et personnalisaÂtion,
mieux analyser la relation (risque, rentabi-
litĂ©âŠ), optimiser stocks et tarifs, prĂ©voir,
faire évoluer les offres, fidéliser...
En revanche, les individus nâen retirent rien
de vraiÂment perceptible : ni information,
ni connaissance, ni capacités nouvelles.
Ils supportent mal cette asymĂ©Âtrie. Les
pouvoirs publics la contestent Ă©galement.
Les technologies la fragilisent. Plusieurs
initiatives la remettent concrĂštement en
question.
MesInfos propose une voie nouvelle, dif-
férente : faire en sorte que les individus
puissent (re)trouver l'usage des données
qui les concernent, Ă leurs propres fins.
Du point de vue des individus, il s'agit
d'une nouvelle Ă©tape dans l'empowerment
numérique. Du point de vue des entre-
prises et des administrations, il s'agit de
recréer la confiance, de retrouver le sens
de la relation avec leurs clients et usagers,
d'imaginer de nouvelles formes de co-
construction de valeur.
Du point de vue de la société enfin, il s'agit
de sortir par le haut de la tension montante
autour de la vie privée et de l'usage crois-
sant des données personnelles, en combi-
nant protection et mise en capacité d'agir
des individus.
De quelles données
parle-t-on ?
Toutes celles dont lâusage peut fournir une
information utile aux individus, telles que :
ÇÇ âConsommation : ce que j'ai achetĂ©,
oĂč, quand, pour combienâŠÂ
ÇÇ âFinances :Â mes avoirs, mes flux
financiers, leur origine et destination,
consolidés...
ÇÇ âCommunication :Â mes appels, SMS,
messages, publications, commentaires
et autres contributions sur le web et les
rĂ©seaux sociauxâŠ
ÇÇ âNavigation sur le web : sites visitĂ©s,
requĂȘtes auprĂšs de moteurs de re-
cherche, téléchargements, informa-
tions transmises et recueillies en ligne,
tracesâŠ
ÇÇ âMobilitĂ© : ma gĂ©olocalisation, mes
itinéraires, les moyens de transport
que j'ai utilisĂ©sâŠ
ÇÇ âSantĂ© et bien-ĂȘtre : bilans mĂ©dicaux,
mesures personnelles (poids, taille,
tensionâŠ), prescriptions, etc.,Â
ÇÇ âFormation et emploi :Â diplĂŽmes et
autres preuves de compétence (for-
mations suivies, projets, recomman-
dations) ; itinéraire professionnel, mais
aussi activités associatives, sportives,
culturellesâŠ
ÇÇ âEnergie :Â ce que je consomme,
quand, auprĂšs de qui, Ă cause de quels
appareils...
5. MesInfos | Cahier d'exploration
98
Executive summary
Pour en faire quoi ?
Mais quels bénéfices les individus pourraient-ils tirer de leurs données ? Au travers d'ate-
liers, de travaux de veille et d'explorations créatives, MesInfos en a identifié plusieurs
dizaines, que nous classons en 6 catégories.
La perspective ouverte par MesInfos ferait ainsi naßtre un marché entiÚrement nouveau,
ouvert aux innovateurs : celui des "services personnels de données".
Comment cela fonctionnerait t-il ?
Les donnĂ©es d'un individu â celles qu'il produit lui-mĂȘme, celles qu'il laisse comme traces
et celles dont les organisations disposent â lui sont accessible au travers d'un "entrepĂŽt
personnel de données" (personal datastore) personnel et sécurisé. Celui-ci communique
de maniÚre sûre avec les systÚmes d'information des entreprises et des organisations, qui
s'y sont adaptés, pour obtenir les données relatives à l'individu mais aussi, par exemple,
pour mettre ces données à jour.
Les individus peuvent explorer eux-mĂȘmes leurs donnĂ©es dans leur "entrepĂŽt" ; mais les
usages passeront le plus souvent par des services "tiers" (agrégateurs, comparateurs, or-
ganisateurs, etc.) qui proposeront un bénéfice concret et une interface simple : mesurer
son empreinte carbone et son évolution dans le temps ; obtenir les meilleures proposi-
tions pour préparer un voyage sans dépendre d'une seule agence de voyage ; choisir le
meilleur endroit oĂč s'installer en fonction du mode de vie de sa famille ; gĂ©rer sa vie admi-
nistrative ; prendre soin de sa forme et de sa santé ; faire son bilan de compétences, etc.
Qu'est-ce que ça apporte ?
La valeur du partage des donnĂ©es personnelles avec les individus quâelles concernent
est Ă la fois Ă©conomique et sociale. Elle concerne ceux qui dĂ©tiennent aujourdâhui ces
données, les individus, mais aussi l'écosystÚme d'innovation et l'économie en général.
Pour lâĂ©conomie en gĂ©nĂ©ral
Confiance et efficienceâŠ
ÇÇ RecrĂ©er de la confiance
ÇÇ Rendre les marchĂ©s plus efficients
Pour les détenteurs de données personnelles
FidĂ©litĂ©, qualitĂ©, innovationâŠ
ÇÇ Des donnĂ©es de meilleure qualitĂ©
ÇÇ Retrouver le sens de la relation commerciale
ÇÇ Comprendre ce que veulent vraiment les consommateurs :
ÇÇ le vrai â360°â
ÇÇ Inventer de nouveaux services
Pour lâĂ©cosystĂšme dâinnovation
Nouveaux acteurs et nouveaux servicesâŠ
ÇÇ Les plates-formes personnelles de donnĂ©es
ÇÇ Une opportunitĂ© pour une myriade de services âtiersâ
Pour les individus
CommoditĂ©, projection et empowermentâŠ
ÇÇ Sortirdâunesituationdeânon-valeurâ:l'exploitationsubiedesdonnĂ©es
ÇÇ Une valeur dâusage plutĂŽt qu'une valeur marchande
âąâą SchĂ©ma : 6 "grands domaines d'usage" pour les individus Ă partir de leurs donnĂ©es
06CONTRIBUTION02CONTROLE
01GESTION
04CONSCIENCE
03CONNAISSANCE
DE SOI
05DECISION
ET ACTIONâ
6. MesInfos | Cahier d'exploration
1110
Executive summary
Un sujet qui bouge dĂ©jĂ
Le retour des données personnelles aux individus est bien plus qu'une idée. Depuis long-
temps, les pionniers du "VRM" (Vendor relationship Management), du Quantified Self et
des "coffres-forts numériques" inventent outils et infrastructures pour permettre à l'indi-
vidu de faire usage de ses données. C'est aussi un projet gouvernemental prioritaire au
Royaume-Uni (Midata), une série d'actions fédérales sectorielles aux Etats-Unis (Green
Button, Blue Button), une source de propositions du rapport de Nicolas Colin et Pierre
Collin sur la "fiscalité du numérique" et la base sur laquelle se lancent plusieurs dizaines
de start-ups.
Mais cette perspective devient bien plus puissante si les organisations, publiques ou
privĂ©es, s'engagent elles-mĂȘmes dans son exploration, avec pour objectif d'imaginer les
formes de création de valeur partagée qu'elle peut produire.
DĂ©fis, incertitudes et nouveaux risques
Un projet aussi transformateur fait naturellement Ă©merger de nouveaux risques et incer-
titudes, ainsi que des défis à relever en vue d'un passage à l'échelle.
Le temps de
l'expérimentation
La transformation qu'opĂšre un projet tel
que MesInfos touche au cĆur de la relation
entre les organisations et leurs clients et
usagers, donc de leur marketing, de leur
front office, de leur systĂšme d'informa-
tion, voire de leur culture. Ce changement
profond, complexe, prendra du temps
mais sera difficile Ă rattraper par ceux qui
viendront ensuite : les entreprises, les in-
novateurs qui auront fait le pari de s'enga-
ger dans cette voie y trouveront la source
d'un avantage compétitif durable.
ÇÇ Pour valider certaines des hypo-
thĂšses et mieux cerner le potentiel comme
les risques que nous mentionnons dans ce
cahier dâexploration, une expĂ©rimentation
âgrandeur natureâ s'engage en 2013 avec
des partenaires divers : grandes organi-
sations détentrices de données, acteurs
technologiques, start-ups et innovateurs,
chercheurs, et des consommateurs et
citoyens. Il s âagira dâapprendre collec-
tivement, pas Ă pas, tout en sâinscrivant
parmi les pionniers de ce mouvement. Les
enseignements tirés de cette expérimenta-
tion permettront d'alimenter une nouvelle
version de ce cahier d'exploration, consi-
dérablement enrichie.
Marine AlbarĂšde
Renaud Francou
Daniel Kaplan
Pour les individus
A nouveau pouvoir, nouveaux risques ?
ÇÇ Les individus sont-ils intĂ©ressĂ©s Ă recevoir leurs donnĂ©es ?
ÇÇ Ne vont-ils pas se retrouver de plus en plus enfermĂ©s dans les mĂȘmes
pratiques ?
ÇÇ Y a-t-il de nouveaux risques dâabus et si oui, comment les prĂ©venir ?
ÇÇ Comment outiller les individus pour qu'ils gagnent vraiment en
connaissance et en capacités d'action ?
Pour les détenteurs de données personnelles
Quâont-ils Ă y gagner ?
ÇÇ La transparence est-elle un risque payant ?
ÇÇ Combien ça coĂ»te ? Combien ça rapporte ?
ÇÇ De nouveaux concurrents vont-ils Ă©merger ?
Des défis technologiques
Construire lâautonomie en toute sĂ©curitĂ©
ÇÇ Garantir l'identitĂ© des individus
ÇÇ Assurer la sĂ©curitĂ© des informations
ÇÇ Etablir des standards
Des défis juridiques et politiques
Etablir des garanties, construire une gouvernance
ÇÇ Comment exprimer et faire respecter la volontĂ© des individus ?
ÇÇ Faut-il aller vers une obligation de restitution des donnĂ©es ?
7. 0606
07
08
LE TEMPS DE
LâEXPERIMENTATION
Pages 92 Ă 99
Conclusion
Pages 100 Ă 103
Annexes FAQ - BIBLIOGRAPHIE
Pages 104 Ă 111
0404OU EST LA VALEURâ?
Pages 64 Ă 79
INCERTITUDES ET
NOUVEAUX RISQUES
Pages 80 Ă 91
05
0202
0303
LE ââRETOURââ DES
DONNEES PERSONNELLES
AUX INDIVIDUSâ: LâENJEU
Pages 16 Ă 23
INTRODUCTION
Pages 14 Ă 15
LA PISTE DU PARTAGE
Pages 24 Ă 39
QUELS SERVICES,
POUR QUELS USAGESâ?
Pages 40 Ă 63
Sommaire
0101
0000
8. MesInfos | Cahier d'exploration
1514
Introduction
VoilĂ tout juste un an, la Fing et un petit
groupe dâentreprises, dâacteurs publics
et de chercheurs décidaient de chercher
ensemble les réponses à ces questions un
peu iconoclastesâ: le projet MesInfos Ă©tait
nĂ©. Alors que celui-ci sâapprĂȘte Ă passer Ă
une nouvelle Ă©tape, celle de lâexpĂ©rimenta-
tion, le moment est venu de faire le point
sur cette perspective devenue, en peu de
mois, trĂšs concrĂšte.
LâidĂ©e dâorganiser le ââretourââ des donnĂ©es
aux individus quâelles concernent ne vient
pas de nulle part. Lâouvrage Informatique,
libertés, identités que publiait la Fing en
2010 proposait déjà de transformer le
ââdroit dâaccĂšs et de rectificationââ de la loi
de 1978 en un ââdroit dâaccĂšs et de rĂ©cupĂ©-
rationââ des donnĂ©es. En 2011, lâexpĂ©dition
de la Fing et la Fondation Télécom sur la
ââConfiance numĂ©riqueâââ en faisait une
des pistes dâinnovation susceptible de
répondre à la crise de confiance qui oppose
individus et organisations. Aux Etats-Unis,
le âââProject VRMââ animĂ© par Doc Searls
fait de la maĂźtrise et de lâusage de leurs
données par les consommateurs la base
dâune transformation positive, rendant les
marchés plus efficients et la relation de
service plus enrichissante pour toutes les
parties.
Le programme gouvernemental Midata
(ââRoyaume-Uniââ) et la ââMydata Initiativeââ
américaine, ont achevé de transformer
une idée hétérodoxe en un mouvement
Ă©mergent. Ce mouvement touche aussi
la France, oĂč le rapport de Nicolas Colin
et Pierre Collin sur la fiscalité du numé-
rique envisage que la taxation assise sur
la collecte de donnĂ©es personnelles quâil
propose, se réduise si les entreprises par-
tagent les données collectées avec les indi-
vidus concernés.
Le temps semble donc venu
de considĂ©rer le ââretourââ
des données personnelles aux
individus comme une hypothĂšse
sérieuse et une perspective
pas si lointaine.
Tout au long de lâannĂ©e 2012, les parte-
naires du projet MesInfos ont multiplié
les ateliers, pris part aux discussions du
ââProject VRMââ, rencontrĂ© les acteurs
britanniques de Midata, échangé avec
des experts, entrepreneurs et chercheurs
de France et dâailleurs. Leur but Ă©tait
à la fois de préparer une expérimenta-
tion ââgrandeur natureââ, et dâexplorer de
maniĂšre prĂ©cise ââla piste du partageâââ:
quels bénéfices les individus comme les
organisations peuvent-ils en attendreâ?
Quels services et outils peut-on imaginer
dans cette perspectiveââ? Quelle valeur
Ă©conomique et sociale en attendreâ? Quels
obstacles faudra-t-il leverââ? Quels risques
faut-il anticiperââ?
Vous tenez entre les mains le produit de ce
travail collectif. Aussi riche et dense soit-il,
il constitue moins un produit fini quâune
Ă©tape de la rĂ©flexion, quâun outil de travail.
Au service dâune perspective Ă laquelle,
aprÚs cette année de travail, nous croyons
plus que jamaisâ: celle de recrĂ©er confiance,
reliance et croissance en rééquilibrant la
relation entre les individus et les organisa-
tions.
00
INTRODUCTION
ÇÇ Que se passerait-il si, demain,
les organisations partageaient les don-
nĂ©es personnelles quâelles dĂ©tiennent
avec les individus quâelles concernent,
pour quâils en fassent ce que bon leur
sembleââ? Quels usages, quelles connais-
sances, quels services, quels risques
aussi, pourraient Ă©merger si les individus
disposaient, non seulement du contrĂŽle,
mais de lâusage de ces donnĂ©esâ: leurs
finances, leurs achats, leurs déplace-
ments, leurs communications et leurs
relations en ligne, leur navigation web,
leur consommation dâĂ©nergie, etc.ââ?
9. ÇÇ La confiance est en crise. Cette
crise ne touche pas seulement les ins-
titutions, mais bien le cĆur de la rela-
tion entre les individus et les organi-
sations. Lâimportance croissante prise
par les données personnelles dans
lâactivitĂ© des organisations y contribue
lourdement. Au-delà des démarches
de protection, qui demeurent indis-
pensables, une autre voie se dessineâ:
partager avec les individus les données
qui les concernent, pour quâils les uti-
lisent Ă leurs propres fins.
d
CHAPITRE 01
LE RETOUR DES DONNEES
PERSONNELLESââ AUX INDIVIDUSâ: LâENJEU
01
00ââââp
05ââââp
10. LE ââRETOURââ DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUSâ: LâENJEU 01MesInfos | Cahier d'exploration
1918
Ce déficit massif de confiance constitue
lâune des sources de la baisse continue de
la fidélité vis-à -vis des entreprises et des
marques. Selon la ââGlobal CMO Studyââ
dâIBMâ02
, celle-ci constitue lâun des princi-
paux facteurs dâinquiĂ©tude des directeurs
marketing de grandes entreprises mon-
diales. La collecte et lâutilisation de plus
en plus massive des données personnelles
contribue Ă la crise. Alors que lâattention
des acteurs semble focalisée sur le poten-
tiel des ââBig Dataââ, force est de constater
que les donnĂ©es personnelles, ââpĂ©troleââ de
lâĂ©conomie contemporaine, sont aussi son
Le dĂ©sĂ©quilibre devient intenable entre, dâun
cÎté, des organisations surinformées (notamment
à propos de leurs clients), suréquipées en outils
dĂ©cisionnels, surprotĂ©gĂ©es et, de lâautre, des
individus dotés de leur seul navigateur web.
poison. Câest en particulier le cas sur lâin-
ternetâ: dâenquĂȘte en enquĂȘte, les consom-
mateurs affirment que, si leur défiance
vis-Ă -vis de la technologie diminue, elle
sâaccroĂźt vis-Ă -vis de lâattitude des organi-
sations, de plus en plus systématiquement
soupçonnĂ©es dâabuser des informations
que les consommateurs leur confient. Le
dĂ©sĂ©quilibre devient intenable entre, dâun
cĂŽtĂ©, des organisations surinformĂ©es (âno-
tamment Ă propos de leurs clientsâ), surĂ©-
quipées en outils décisionnels, surproté-
gĂ©es et, de lâautre, des individus dotĂ©s de
leur seul navigateur web.
âąâą Sourceâ: Acsel â Caisse des DĂ©pĂŽts, ââBaromĂštre de la confiance des Français dans le numĂ©riqueââ, 2011
Risque perçus du commerce en ligneUne crise de la confiance et de la fidélité
La Confiance dans les entreprises et les administrations
âąâą Sourceâ: Edelman TrustBarometerBuisness
Gouvernment
En 2012, le ââbaromĂštre de la confianceââ
du cabinet amĂ©ricain Edelmanâ01
confirme
un glissement qui semble général,
en France comme ailleurs. PremiĂšres
victimesâ: les institutions publiques et
les entreprises, qui nâinspirent confiance
quâĂ un tiers des individus, loin derriĂšre
les ONG, les mĂ©dias⊠et ââles personnes
comme moiââ, celles dont on Ă©coute
les avis sur les forums, les blogs ou les
réseaux sociaux. Dans les 25 pays étudiés,
27% des consommateurs pensent que les
entreprises ââont des pratiques ouvertes
et transparentesââ, 32% des pratiques
ââĂ©thiquesââ, et 26% pensent quâelles
ââĂ©coutent les consommateursââ. Sâagis-
sant des administrations, le score est
infĂ©rieur de moitiĂ©âŠ
01. http://www.edelman.com/insights/intellectual-Ââproperty/trust-Ââbarometer-Ââ2012
02. http:â//âwww-Ââ935.ibm.com/services/us/cmo/cmostudy2011/cmo-Ââregistration.html
11. LE ââRETOURââ DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUSâ: LâENJEU 01MesInfos | Cahier d'exploration
2120
Une enquĂȘteââ05
menĂ©e par lâassociation de
consommateurs anglaise Whichââ? ne dit
pas autre choseâ: 80% des individus disent
se sentir ââassezââ ou ââtrĂšsââ concernĂ©s Ă
propos de leur vie privée en ligne.
Pourtant, malgrĂ© lâinquiĂ©tude quâils expri-
ment, les individus donnent lâimpression
de ne guĂšre utiliser les outils techniques
et juridiques dont ils disposent pour se
protĂ©gerâ: câest ce que lâon nomme, depuis
les annĂ©es 1990, le ââparadoxe de la vie
privĂ©eââ (ââprivacy paradoxââ). Mais, Ă y
regarder de plus prĂšs, les individus nâappa-
raissent pas si passifs que çaâ: ils mesurent
ce quâils divulguent en fonction de leur
familiaritĂ© avec lâorganisation qui leur
demande de lâinformation, ils mentent, ils
multiplient les adresses Ă©lectroniques, ils
se mettent en scÚne sur les réseaux sociaux
plutĂŽt quâils ne se dĂ©voilentâ06
⊠Bref, ils dé-
veloppent un usage stratégique et tactique
de leurs données. Tourné vers la projection
de soi vers les autres au travers (âânotam-
mentââ) des rĂ©seaux sociaux, cet usage
devient en revanche souvent défensif vis-
Ă -vis des organisations.
Une autre voie se dessine
Aujourdâhui, contrairement Ă ce qui fut
le cas pendant des dĂ©cennies dâinforma-
tisation des organisations, les individus
disposent des moyens de capter, stocker,
traiter et Ă©changer beaucoup dâinforma-
tionâ: selon McKinseyâ07
, il y avait en 2010
presque autant de données stockées chez
les individus que dans les entreprises !
En premier lieu, les individus se servent de
cette capacité pour discuter ensemble de
ce quâils vivent ou Ă©valuer des produits,
pour sâĂ©changer des avis ou des services,
pour partager des biens. LâexpĂ©dition
ââNouvelles approches de la confianceââ de
la Fing et la Fondation TĂ©lĂ©comâ08
mettait
ainsi en lumiĂšre lâĂ©mergence puissante
dâune confiance ââde pair Ă pairââ, horizon-
tale. Avec une consĂ©quence majeureâ: les
clients, les usagers ne sont plus seuls face
aux organisations. En interagissant avec
de multiples sources et interlocuteurs, ils
se forgent un avis hors de toute maĂźtrise
de la part des entreprises concernées. Ils
sâentraident, ils apprennent Ă dĂ©tourner les
systĂšmes. Ils dĂ©codent le modĂšle dâaffaires
dâune entreprise, les systĂšmes tarifaires, le
fonctionnement des marchĂ©sâŠ
Ils sâen servent, aussi, pour produire et
exploiter leurs propres données, à leurs
propres fins. Le mouvement du ââQuanti-
fied Selfââ (ââquantification de soiââ) a donnĂ©
naissance Ă des centaines de produits et
de services autour, principalement, de la
santĂ©, du bien-ĂȘtre et de la performance
sportiveââ09
ââ: la balance communicante
de Withings, les capteurs destinés aux
joggers, des bracelets pour mieux dormirââŠ
âąâą Photoâ: Sebastiaan ter Burg
âąâą 05. Which? General Public Omnibus, January 2012
âąâą 06. Nous dĂ©veloppions cette idĂ©e dans Informatique, libertĂ©s, identitĂ©s, Fyp Editions, 2010
âąâą 07. "Big dataâ: The next frontier for innovation, competition, and productivity" http://www.mckinsey.com/insights/mgi/
research/technology_and_innovation/big_data_the_next_frontier_for_innovation
âąâą 08. http://www.fing.org/?-Nouvelles-approches-de-la-
âąâą 09. Internet Actu : http://www.internetactu.net/2011/12/01/quantified-self-13-mettre-linformatique-au-service-du-corps/
Les clients comprennent de moins en
moins les gammes et les tarifs des entre-
prises â mais ils savent que lâoptimisation
tarifaire sert lâentreprise avant le client.
Lâindustrialisation de la relation en dĂ©truit
aussi la qualitĂ©â: quâil sâadresse Ă un site
web, à un téléopérateur stressé par le
chronomĂštre ou Ă un conseiller au regard
rivĂ© sur son Ă©cran, le client sait quâil parle
toujours Ă lâOrdinateur. Un interlocuteur
qui sait beaucoup de choses sur lui, mais
ne lui dit pas quoi, qui fait des choix pour
lui sans lui dire pourquoi, et qui ne laisse
gĂ©nĂ©ralement Ă personne le soin dâintro-
duire du jeu dans le mécanisme.
Les ââBig Dataââ (ââdans leur utilisation mar-
ketingââ) ont poussĂ© la tendance jusquâĂ
son paroxysmeâ: pourquoi perdre son
temps Ă dialoguer avec un consommateur,
puisquâon sait dĂ©jĂ tout sur luiâ? PrĂ©sentant
les ââ8 lois du Big Dataââ dans le magazine
Forbesâ03
, le chroniqueur et entrepre-
âąâą Sourceâ: ââAttitudes Ă lâĂ©gard de la protection des donnĂ©es et de lâidentitĂ© Ă©lectroniqueââ, EurobaromĂštre, 2011
neur David Feinleib nây va pas par quatre
chemins dans ses conseils aux entreprisesâ:
ÇÇ âLoi N°â3â: ââUtilisez des donnĂ©es
plus diverses, pas seulement plus
nombreusesââ â autrement dit, croisez
tous les fichiers possibles.
ÇÇ âLoi N°â4â: ââLes donnĂ©es gardent
leur valeur bien plus longtemps que
vous ne le croyiezââ â autrement dit,
oubliez le droit Ă lâoubli.
ÇÇ âLoi N°â5â: ââPrĂ©voyez une crois-
sance exponentielleââ, et en particulier
dâajouter les donnĂ©es issues de ââlâin-
ternet des objetsââ aux donnĂ©es venant
des rĂ©seaux sociaux â autrement dit,
des donnĂ©es bien souvent capturĂ©es Ă
lâinsu des individus concernĂ©s
Ne nous Ă©tonnons pas, alors, de consta-
ter lâinquiĂ©tude croissante des europĂ©ens,
mesurĂ©e par lâEurobaromĂštreâ04
â:
03. http://www.forbes.com/sites/davefeinleib/2012/07/24/big-data-trends âą
04. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb_special_359_340_fr.html âą
12. LE ââRETOURââ DES DONNEES PERSONNELLES AUX INDIVIDUSâ: LâENJEU 01MesInfos | Cahier d'exploration
2322
ÇÇ La restauration de la confiance et
de la fidélité ne passe donc pas seulement
par une meilleure protection des données
personnelles. Lâenjeu, câest que les indivi-
dus puissent récupérer et produire leurs
propres données, pour en faire ce qui a du
sens pour eux. Et tout indique que si les
grandes entreprises et les administrations
ne sâengagent pas volontairement dans
cette voie, dâautres le feront pour eux.
âš
Enfin, une vague de nouveaux services
propose aux consommateurs de récupérer
les données qui les concernent pour leur
trouver de nouveaux usagesâ:
ÇÇ âLes ââPersonal Finance Managersââ
(ââPFMââ) rassemblent les donnĂ©es ban-
caires des individus pour leur donner
une vision globale de leurs finances
et leur proposer un ensemble dâoutils
pour optimiser la gestion de leur
argent, leur consommation, leur fis-
calitĂ©âŠ
ÇÇ âLes ââcoffres-forts numĂ©riquesââ,
trÚs actifs en France, réunissent dans
un mĂȘme espace les documents admi-
nistratifs dâun individu ou dâun foyer,
ses principaux contrats (ââassurance,
garantiesâŠââ), ses factures, et lâaident
Ă administrer cet ensemble.
ÇÇ âLâapplication Skerou propose aux
consommateurs de photographier
leurs tickets de caisse et dâen lire le
contenu (âgrĂące Ă un outil de recon-
naissance de caractĂšresâ) pour ââmieux
préparer vos listes de courses, suivre
votre budget, garder un Ćil sur les
promotions.ââ
Toutes ces initiatives présentent deux
points communsâ: elles se dĂ©veloppent
en dehors de (ââvoire en opposition Ă ââ) la
relation entre les individus et les entre-
prises qui détiennent leurs informations ;
elles remettent en question les cadres de
responsabilitĂ© existants sans, pour lâins-
tant, en proposer un nouveau.
âąâąVisuelâ:MarieCoiriĂ©&JulienDefait
13. ÇÇ Imaginons maintenant que,
demain, les entreprises et les adminis-
trations partagent les données per-
sonnelles quâelles dĂ©tiennent avec les
individus que ces données concernent,
pour quâils en fassent⊠tout ce qui a du
sens pour euxâ: ââSi jâai une info sur vous,
vous lâavez aussiâââ Comment cela pour-
rait-il se passerââ? A quoi cela pourrait-il
servirââ? Est-ce une idĂ©e sĂ©rieuseââ?
CHAPITRE 0202
d
LAâ PISTE DU PARTAGE00ââââp
05ââââp
10ââââp
15ââââp
14. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
2726
Pers
onal data manage
m
ent
Personal Information
Management services
help the individual
gather, collate, curate
and use information
about their lives
3. Personal data handbacks
Info about my transactions,
behaviours, usage etc (midata)
4. Personal informatics
Information gathered
from my life
2. Information
as a tool
e.g. information
from the market â
whatâs available,
whatâs possible?
5. P2P info sharing
Peer reviews, chat
communities,
forums etc.
1. ID and claims verification
Providing proofs of claims about
multiple aspects of my life
6. Information âfrom my headâ
My goals, plans, priorities,
preferences, constraints,
circumstances etc.
ÇÇ MobilitĂ©â:
ma géolocalisation, mes itinéraires, les
moyens de transport que jâai utilisĂ©sâŠ
reliés, par exemple, à des systÚmes
dâinformation qui mâaident Ă choisir
les meilleurs modes, Ă un calculateur
de mon ââempreinte Ă©cologiqueââ â
mais aussi, pourquoi pas, croisés avec
les données relatives à mes communi-
cations pour imaginer des meilleures
maniĂšres dâorganiser mon temps, mes
rythmes et lieux de travailâŠ
ÇÇ Energieâ:
ce que je consomme, quand, auprĂšs de
qui, Ă cause de quels appareils, afin, par
exemple,dâimaginerlesmoyensdepayer
moins cher, ou de vivre plus ââvertââ.
La liste nâest pas close. Elle nâa pas
de limite intrinsĂšqueâ: toute donnĂ©e
personnelle qui peut présenter un
intĂ©rĂȘt concret pour lâindividu quâelle
concerne, peut avoir vocation Ă
âârevenirââ vers cet individu.
âąâą SchĂ©maâ: ââThe individual as data managerââ, Ctrl-shift 2011
De quelles donnĂ©es parle-t-onââ?
Toutes celles dont lâusage peut fournir une information utile aux individus, telles queâ:
ÇÇ Consommationâ:
ce que jâai achetĂ©, oĂč, quand, pour
combien â mis en relation, par
exemple, avec des informations sur
lâorigine, les composants, les carac-
téristiques nutritives ou sanitaires, le
bilan carbone⊠et aussi, par exemple,
les garanties en cours qui couvrent dif-
férents produits techniques.
ÇÇ Financesâ:
mes avoirs, mes flux financiers, leur
origine et destination, consolidés
Ă partir de tous les Ă©tablissements
auprĂšs desquels jâai un compte, mes
polices dâassurance, les dossiers en
cours...
ÇÇ Communicationâ:
mes appels, mes SMS, mes messages,
mes publications, commentaires et
autres contributions sur le web et les
rĂ©seaux sociauxâŠ
ÇÇ Navigation sur le webâ:
les sites que jâai visitĂ©s, mes requĂȘtes
auprĂšs de moteurs de recherche, mes
téléchargements, les informations
que jâai transmises et recueillies en
ligne, les traces captĂ©es (âjusquâiciâ) Ă
mon insuâŠ
ÇÇ Formation et emploiâ:
ses diplĂŽmes, mais aussi toutes les
autres preuves de compĂ©tence (âles
formations suivies, les projets menés
à bien, les éloges reçues de ses par-
tenairesâ); son itinĂ©raire profession-
nel, mais aussi ses autres activités,
associatives, sportives, culturellesâŠ
Ă mettre en valeur, ou au contraire Ă
masquer, en fonction de ses interlocu-
teurs et de ses buts.
ÇÇ SantĂ© et bien-ĂȘtreâ:
bilans médicaux, mesures person-
nelles (âpoids, taille, tensionâŠâ), pres-
criptions, etc., que lâon peut, mĂȘme en
lâabsence de toute pathologie, croiser
utilement avec ce que lâon sait de son
alimentation et de sa mobilité pour,
par exemple, imaginer les maniĂšres de
vivre une vie plus saine.
15. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
2928
âąâą Exemple de donnĂ©es anonymes de ââQuantified Selfââ collectĂ©es Ă partir des produits Withings
Sourceâ: anonymous data extracted from Withingsâproducts users databases | www.blog.withings.com
Mais que diable peut-on faire Ă partir
de ses propres donnĂ©esâ?
De lâanalyse des projets existants en France et ailleurs, comme des ateliers crĂ©atifs
menĂ©s dans le cadre de MesInfos, ressortent six catĂ©gories de bĂ©nĂ©fices (âvoir partie 3
pour plus de dĂ©tailsâ)â:
ÇÇ ContrĂŽleâ:
protéger ses données, savoir ce que
lâon sait de soi pour Ă©ventuellement le
corriger ou le faire supprimer, maitri-
ser ce que lâon transmet ou nonâŠ
ÇÇ Gestion et commoditĂ©â:
gĂ©rer ses documents et sa paperasseâ;
mettre à jour ses données automati-
quement auprĂšs des interlocuteursâ;
remplir automatiquement les for-
mulaires en ligne tout en contrĂŽlant
ce quâon transmet ou non Ă chaque
entrepriseâŠ
ÇÇ Connaissance de soiâ:
suivre lâĂ©volution de ses perfor-
mances sportives ;  comprendre les
mécanismes qui influent sur notre
humeur ou notre santĂ© ; (âseâ) raconter
sa semaine au travers des lieux quâon
a frĂ©quentĂ©s, de ce quâon a achetĂ© et
de ses pratiques en ligne ; faire son
bilan de compĂ©tences et dâââemploya-
bilitĂ©ââ ; se comparer Ă dâautres sur les
critĂšres qui comptent pour nousâŠ
ÇÇ Conscienceâ:
calculer son empreinte Ă©cologique
et faire des choix pratiques (âĂ©nergie,
mobilitĂ©, consommationâŠâ) pour la
réduire ; réussir à consommer bio ou
ââĂ©thiqueââ sans y passer des heures ni
payer trop cherâŠ
ÇÇ DĂ©cision et actionâ:
comparer des offres en fonction de
son mode de vie (âpar exemple, des
tarifs téléphoniques en fonction de
son réel historique de communica-
tions mobilesâ), choisir un endroit oĂč
habiter, exprimer ses projets ou ses
intentions dâachat Ă un marchĂ© et
attendre des propositions venues de
plusieurs fournisseurs ; organiser son
temps et ses déplacements, optimi-
ser sa consommation globale dâĂ©ner-
gie, gérer son budget et ses finances,
déclarer ses impÎts en deux clics,
envoyer un CV personnalisé, renégo-
cier des contratsâŠ
ÇÇ Contributionâ:
mettre à disposition ses données de
santĂ© au service dâune Ă©tude clinique
(âcomme le font les utilisateurs de
PatientsLikeMeâ), ses donnĂ©es de
mobilité au bénéfice de cartographies
urbaines dynamiques, sa géolocali-
sation pour alimenter Open Street
MapsâŠ
16. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
3130
Entrée des
DONNĂES
personnelles
Partage des
DONNĂES
personnelles
Consultation de
l'ensemble des
DONNĂES
personnelles
souhaitées.
Autorisation de
l'individu donnant
accĂšs Ă certaines de
ses DONNĂESPRIVĂES PUBLIQUES
ORGANISATIONS
RĂUTILISATEURS
ENTREPRISESSTART-UP
COMMUNAUTĂS
D'INNOVATEURS
DESIGNERS
USAGERS
PLATEFORME
entrepÎt de données
personnelles
INDIVIDUS
SERVICES
disponibles et utile
pour l'individu ou
pour la relation
entre individus et
organisations
ConcrĂštement, comment cela se passera-t-ilâ?
Les individus disposeront de moyens qui leur permettrontâ:
ÇÇ âDâaccĂ©der Ă volontĂ© aux informa-
tions dont les entreprises disposent
sur eux.
ÇÇ âDe complĂ©ter ces informations
par des donnĂ©es quâils auront eux-
mĂȘmes captĂ©es ou entrĂ©esâ: docu-
ments scannés, capteurs personnels
du Quantified Self, traces de naviga-
tion enregistrées par leur navigateur,
gĂ©olocalisationâŠ
ÇÇ âAu travers dâun ââentrepĂŽt per-
sonnel de donnĂ©esââ (âpersonal datas-
toreâ), dâexploiter ces donnĂ©es pour
leur propre compte.
ÇÇ âDâinteragir avec les systĂšmes
dâinformation dâautres organisations
en disposant de moyens dâexprimer
dâune maniĂšre non ambiguĂ« leurs
préférences, leurs choix, leurs inten-
tions⊠y compris, bien sûr, en matiÚre
de vie privée.
ÇÇ âDe publier des ââvuesââ sur leurs
informations, par exemple pour se
présenter dans un forum, se valoriser
sur un site dâenchĂšres, entrer dans un
rĂ©seau social, chercher un emploiâŠ
Lâarchitecture dâun monde de donnĂ©es
ââvraimentââ personnelles
âąâą Sourceâ: MesInfos â 2012 (âJuliette Maroniâ)
17. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
3332
Une ââcarteââ des usages des donnĂ©es
personnelles par et pour les individus
âąâą Sourceâ: MesInfos â 2012 (âPierre-Julien Cazauxâ)
ĂcosystĂšme des
services autour
des données
personnelles
Classer Archiver
Visualiser
Mesurer
analyser
Comparer
Partager
Faire des
projets
Exprimer
ses attentes
Se
présenter
sous
différentes
facettes
Mettre
Ă jour
Choisir
ContrĂŽler
Portabilité
Capter
ĂȘtre
reconnu
en toute
sécurité
Stocker
Se faciliter la vie
MaĂźtriser Se projeter
Mieux se connaĂźtre
ïï€ïï©ïźï©ï”ïïŹï ïïŻïï„ïï”ïąïąïŹï„ïŹï ïï©ï§ï©ï°ïŻïłïŽï„
ïïčïï„ïžï ïšïïïï©ïïčïï„ïžï ïšïïïï©
ïïčïźï„ïČï§ï„ïŽï©ïŁïłï ïšï„ïïŻïČïŽïŠïŻïŹï©ïŻïłï©
ïï©ïŽïšïŽïšï©ïźï§ïłïŹï ïï©ïŽïąï©ïŽï ïšïïï©
ïïČï„ï„ïźï ïąï”ïŽïŽïŻïź
ïï©ïźïŽï ïšïïïï©
ïï„ï€ïï„ïĄïŁïŻïźïŹï ïïšï”ïïąïŽïĄïŁï«
ïïĄïČïŹï©ï«
ïïČïĄïŁï«ïï„ïïŻïŽ
Les entreprises ou les administrations
adapteront leurs systĂšmes dâinformation
pour dialoguer avec les individus par lâin-
termĂ©diaire de ces nouveaux outilsâ:
ÇÇ âRecueillir, mettre Ă jour et restituer
des données personnelles.
ÇÇ âFaire Ă©voluer leur relation clien-
tĂšle pour interagir avec des usagers
et clients mieux informés et mieux
outillés.
ÇÇ âProposer des nouveaux choix,
de nouvelles options, des nouveaux
services.
ÇÇ âRĂ©pondre Ă des appels dâoffres ou
des ââappels Ă propositionsââ issus de
consommateurs, isolés ou en groupe.
ÇÇ âRecruter sur des bases plus riches
que le classique CVâŠ
Des fournisseurs de services ââtiersââ
proposeront aux individus une gamme
dâoutils et de services fondĂ©s sur leurs
données. Activés par les individus et sous
leur contrĂŽle, ces services prendront toutes
sortes de formeâ:
ÇÇ âOutils et services personnels dâana-
lyse et de gestion.
ÇÇ âOutils et services de visualisation,
de représentation, de modélisation, de
projectionâŠ
ÇÇ âOutils et services de comparaison,
de ââmatchingââ, de mise en relation, de
transaction.
ÇÇ âOutils et services ââmajordomesââ,
dâaccompagnement, coaching ou dĂ©lĂ©-
gation.
ÇÇ âOutils et services de contrĂŽle, de
suivi, de traçage, de ââportageââ des
donnĂ©esdâunenvironnementĂ unautre.
ÇÇ âMais aussi, pourquoi pas, des jeux
en rĂ©seau, des rĂ©seaux sociaux dâun
nouveau genre, des espaces collabo-
ratifs pour produire des connaissances
communes⊠Lâexploration des services
que la restitution des données person-
nelles aux individus rendra possibles ne
fait que commencer.
18. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
3534
nĂ©gocier des conditions dâinteraction, pour
apprendre de ces interactions.
La perspective de Doc Searls est celle dâune
ââĂ©conomie de lâintentionâ11
ââ dans laquelle
les consommateurs cessent dâĂȘtre des in-
dividus passifs dont on cherche continuel-
lement Ă capter lâattention, pour exprimer
leurs intentions auprĂšs dâentreprises qui se
mettent Ă leur Ă©coute. Economiquement,
cette approche pourrait rendre les marchés
beaucoup plus efficientsâ: au lieu de devoir
ââdevinerââ les intentions des consomma-
teurs Ă partir de systĂšmes de plus en plus
complexes et intrusifs, les entreprises
pourraient en prendre connaissance Ă la
source, dâune maniĂšre non ambiguĂ«.
En 2011 et 2012, le Forum Economique
Mondial (âWEF, plus communĂ©ment connu
sous le nom ââForum de Davosâââ) publiait
une série de rapports sur le potentiel
Ă©conomique des donnĂ©es personnellesâ12
.
Pour le WEF les données représentent une
âânouvelle classe dâactifsââ, une ââopportu-
nitĂ© Ă©conomique post-industrielleââ, mais
cette opportunité ne se réalisera pas si le
déséquilibre persiste entre le niveau de
connaissance et dâoutillage des organisa-
tions, et celui des individus. Le WEF intro-
duit lâidĂ©e dâun ââĂ©cosystĂšme des donnĂ©es
personnellesââ, dans lequel les donnĂ©es
dâun individu seraient traitĂ©es comme un
capital que celui-ci gĂšrerait et exploiterait
lui-mĂȘme.
Le Royaume-Uni et les
Etats-Unis passent Ă
lâaction
Porté depuis avril 2011 par le gouvernement
britannique et 19 entreprises, le projet
Midataâ13
se fixe pour objectif de ââtirer
parti du potentiel économique que repré-
sente, pour les entreprises, le basculement
de leur relation clients dâune approche
unilatĂ©rale de collecte des donnĂ©es Ă
une approche de partage fondée sur une
confiance mutuelle.ââ La perspective est
Ă©conomiqueâ: dâune part, des consomma-
teurs plus exigeants et mieux en mesure
dâexprimer leurs intentions rendront les
marchĂ©s plus efficients ; dâautre part, un
marché entiÚrement nouveau de services
personnels fondés sur les données des
individus pourrait Ă©merger.
âąâą 11. Titre de l'ouvrage de Doc Searls (Harvard Business Press, 2012)
âąâą 12. http://www.weforum.org/issues/rethinking-personal-data
âąâą 13. https://www.gov.uk/government/policies/providing-better-information-and-protection-
for-consumers/supporting-pages/personal-data
Des ââplates-formes personnelles de
donnĂ©esââ joueront un rĂŽle de pivot entre
les utilisateurs, les détenteurs de données
personnelles et les fournisseurs de services
ââtiersââ.
ÇÇ âElles sont le premier point de
contact entre lâindividu et ses donnĂ©es
et lui fournissent, a minima, les
moyens nécessaires pour contrÎler la
validitĂ©, la circulation et lâusage de ses
informations.
ÇÇ âElles mettent Ă disposition des
outils simples dâadministration, de
mise Ă jour, de visualisation, de re-
cherche et dâanalyse de ses informa-
tions.
ÇÇ âElles communiquent avec les
systĂšmes dâinformation des dĂ©ten-
teurs de donnĂ©es pour obtenir, dâune
maniĂšre sĂ©curisĂ©e, lâaccĂšs aux donnĂ©es
qui concernent lâindividu.
ÇÇ âCâestauprĂšsdâellesquedesservices
ââtiersââ obtiennent les donnĂ©es que les
individus les ont autorisés à utiliser,
dans des conditions précises et véri-
fiables.
Les formes que prendront ces plates-
formes restent encore Ă prĂ©ciser (âvoir
chapitre 5â). Comment, en effet, proposer
une grande simplicitĂ© dâusage pour les
individus, sans compromettre la sécurité
des donnĂ©es des individus, ni confĂ©rer Ă
lâopĂ©rateur dâune plate-forme un pouvoir
de marché dont il sera naturellement tenté
dâabuserâ? Plusieurs modĂšles sâexplorentâ:
privé ou communautaire, centralisé ou
éclaté, fondé ou non sur un transfert
ââphysiqueââ des donnĂ©es, hĂ©bergĂ© chez
lâutilisateur ou dans le cloud, gĂ©nĂ©raliste
ou spĂ©cialisĂ© (âdes plates-formes ââsantĂ©ââ,
ââfinancesââ, ââformationâââŠâ), etc.
Une piste qui sâexplore
déjà ailleurs
DĂšs 2006, lâAmĂ©ricain Doc Searls propo-
sait le concept de ââVRMââ (âVendor Rela-
tionship Management, le symétrique cÎté
consommateur du CRM, Customer Rela-
tionship Managementâ). Doc Searls nâest
pas un inconnuâ: il est lâun des auteurs
du Cluetrain Manifesto (â1999â), texte qui
continue de faire référence sur le mar-
keting et la relation clients Ă lâĂšre numĂ©-
riqueâ10
. Le message du VRMâ: ââun client
libre a plus de valeur quâun client captif.ââ
Un client libre dispose dâun niveau dâinfor-
mation et dâoutillage comparable Ă celui
des organisations avec lesquelles il est en
relation. Son ââsystĂšme dâinformationââ
interagit avec celui des organisations pour
partager (âou nonâ) des informations, pour
SchĂ©ma de Paul Trevithick, photographiĂ© par Doc Searls © âą
10. http://www.cluetrain.com/ âą
19. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
3736
Les deux pays en pointe sur la restitution
des données personnelles aux individus,
Royaume-Uni et Etats-Unis, le sont Ă©gale-
ment sur lâouverture des donnĂ©es gĂ©rĂ©es
par les administrations publiques (âopen
dataâ). Cela nâa rien de fortuit. Lâopen data
transforme le droit trĂšs Ă©tabli dâaccĂšs aux
documents administratifs (âFreedom of In-
formation Act dans les pays anglo-saxons,
loi de 1978 dite ââCADAââ en Franceâ) en
un droit de réutilisation des données, qui
suppose que celles-ci soient accessibles de
maniĂšre informatique, sur des serveurs.
De la mĂȘme maniĂšre, la restitution aux
individus des données personnelles qui
les concernent transformerait le ââdroit
dâaccĂšs et de rectificationââ de la loi ââInfor-
matique et libertĂ©sââ (âqui date Ă©galement
de 1978â), et ses Ă©quivalents dans dâautres
pays, en un droit de récupération et de réu-
tilisation des données.
âąâą Des participants en plein brainstorm pendant le 1er hackathon du projet Midata, en novembre 2012 | Photoâ: Mydex
Open Dataâ: le prĂ©cĂ©dent
Les principes du projet Midata
La charte du projet Midata repose sur ââ9 principes centrauxâââ:
ÇÇ âLes donnĂ©es restituĂ©es aux consom-
mateurs le sont dans des formats réu-
tilisables, lisibles par des machines et
fondés sur des standards ouverts.
ÇÇ âLes consommateurs doivent
pouvoir visualiser, récupérer et stocker
leurs donnĂ©es dâune maniĂšre sĂ»re.
ÇÇ âLes consommateurs doivent
pouvoir analyser, manipuler, intégrer
et partager leurs données  comme ils
lâentendent.
ÇÇ âUn effort de standardisation des
termes, des formats et des données
doit ĂȘtre entrepris, dâune maniĂšre aussi
multisectorielle que possible.
ÇÇ âLes donnĂ©es doivent ĂȘtre mises Ă
disposition des consommateurs le plus
rapidement possible aprĂšs que ceux-ci
les auront demandées.
ÇÇ âLa prioritĂ© est de fournir des
données utilisables et utiles à la prise
de dĂ©cision ou Ă la conduite dâactivitĂ©s
spécifiques.
ÇÇ âLes organisations ne devraient
imposer aucune restriction, placer
aucune barriÚre à la réutilisation des
données.
ÇÇ âLes organisations contribueront Ă
faire connaĂźtre aux consommateurs
les opportunités et les responsabilités
associées au nouveau pouvoir dont ils
disposent sur leurs propres données.
ÇÇ âLes organisations informeront prĂ©-
cisément les consommateurs sur la
maniÚre dont leurs données ont été
collectĂ©es, sur ce quâelles reprĂ©sen-
tent, et sur les interlocuteurs Ă contac-
ter en cas de problĂšme.
Aux Etats-Unis, dans le cadre de la straté-
gie dite de ââSmart Disclosureâ14
ââ, lâadmi-
nistration Obama multiplie les initiatives
sectorielles de restitution des données aux
individusâ: Blue Button (âdonnĂ©es de santĂ©â),
Green Button (âĂ©nergieâ), Purple Button
(âformationâ). Ici, la perspective est celle
de lâempowerment (âmise en capacitĂ©â) des
individus, outillés et mis en capacité de
prendre de meilleures décisions, de faire
des choix plus Ă©clairĂ©s, dâexprimer leurs
attentes et aspirations, de prendre en main
leur quotidien comme leur destinée.
Comme au Royaume-Uni, le gouverne-
ment a souhaité stimuler l'écosystÚme
d'innovateurs en lançant un concours pour
le développement d'applications, Apps for
Energy , qui offrait 100 000$ de prix aux
applications innovantes dans le domaine
de l'Ă©nergie.
Parmi les applications récompensées
se trouvent Leafully (âmet en Ă©vidence
l'impact de nos décisions/comportements
énergétiques, puis aide ses utilisateurs
à réaliser des économies et réduire leur
empreinte Ă©cologiqueââ), Melon (âcompare
la performance énergétique d'un bùtiment
commercial avec une base de données na-
tionale, permet d'obtenir un label, fournit
des conseils pour améliorer la performance
de l'immeuble), BYI (âpermet de suivre et
budgĂ©ter sa consommation facilementâ)...
14. http://www.whitehouse.gov/blog/2012/03/30/informing-consumers-through-smart-disclosure âą
20. La piste du partage
02
MesInfos | Cahier d'exploration
3938
ÇÇ Beaucoup de conditions
semblent donc remplies pour que
les individus deviennent destina-
taires de leurs propres données,
celles quâils ont transmises comme
celles qui ont été captées à leur
sujet. Des acteurs gouvernemen-
taux, des grandes entreprises, des
chercheurs et des entrepreneurs
y croient suffisamment pour sây
engager. LâidĂ©e est Ă lâordre du
jour. Reste à lui donner réalité.
âš
Le contexte réglementaire va dans le sens de la
récupération des données par les individus
La révision en cours de la directive européenne sur la protection des données per-
sonnellesâ15
prĂ©voit, parmi dâautres dispositions, ââun accĂšs facilitĂ© des individus Ă
leurs propres donnĂ©es et la possibilitĂ© de transfĂ©rer leurs donnĂ©es personnelles dâun
fournisseur de services Ă un autre.ââ Sans aller explicitement jusquâĂ la rĂ©utilisation de
leurs données par les individus, la proposition de la Commission européenne installe un
contexte qui la rend possible, voire inéluctable.
Ï Au Royaume-Uni, Ă lâissu de la consul-
tation nationale menĂ©e pendant lâĂ©tĂ© 2012
autour du projet Midataâ16
, le gouverne-
ment sâest donnĂ© le droit dâexiger de cer-
taines entreprises quâelles mettent Ă dis-
position de leurs clients les données dont
elles disposent sur eux, dans un format
ââlisible par des machinesââ. Trois domaines
sont concernĂ©sâ: lâĂ©nergie, la tĂ©lĂ©phonie
mobile et la banque.
Ï En France, la mission dâexpertise sur
la  ââfiscalitĂ© de lâĂ©conomie numĂ©riqueââ
confiĂ©e au conseiller dâEtat Pierre Collin et
Ă lâinspecteur des Finances Nicolas Colin,
propose une imposition fondée sur les
données personnelles collectées par les
entreprises du numĂ©rique â et qui devien-
drait dégressive à mesure que ces entre-
prises donneraient plus de contrĂŽle sur ces
donnĂ©es aux individus concernĂ©s, jusquâĂ
partager ces données avec eux et leur per-
mettre de sâen servir Ă leurs propres finsâ17
.
15. http://ec.europa.eu/justice/newsroom/data-protection/news/120125_en.html âą
16. https://www.gov.uk/government/consultations/midata-2012-review-and-consultation âą
17. http://www.redressement-productif.gouv.fr/rapport-sur-fiscalite-secteur-numerique âą
21. ÇÇ Quels bĂ©nĂ©fices les utilisateurs
peuvent-ils tirer de leurs propres don-
nĂ©esââ? Quels usages, quelles connais-
sances, quels services, quels risques
aussi, pourraient Ă©merger dâune telle
transformation du paysageââ? Au
travers des projets, des réflexions,
des expérimentations menées dans le
monde, les contours du nouvel ââĂ©co-
systĂšme des donnĂ©es personnellesââ
pilotĂ© par les individus commencent Ă
se dessiner.
03
d
CHAPITRE 03
QUELS SERVICES,
POUR QUELS USAGESâ?00ââââp
05ââââp
10ââââp
15ââââp
20ââââp
22. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
4342
06CONTRIBUTION
Alimenter la
production de
connaissances
collectives
02CONTROLE
Maßtriser ses identités
numériques et ses données
personnelles
01GESTION
Administrer son
quotidien et ses
informations
04CONSCIENCE
Mieux se
connaĂźtre
pour agir
03CONNAISSANCE
DE SOI
Vivre avec ses valeurs
05DECISION
ET ACTIONâ
Faire les bons
choix, et les
appliquer
Depuis plusieurs années, des services
proposent Ă leurs utilisateurs de faciliter
la gestion et la protection de certaines de
leurs données personnelles et, parfois, de
leur permettre dâen tirer dâautres bĂ©nĂ©fices
pratiques. Dans la mesure oĂč la plupart des
informations demeurent enfermées dans
les bases de données des entreprises, sans
partage avec les individus, ces services
apparaissent souvent isolés, trÚs spécia-
lisĂ©s, et complexes dâutilisation puisquâils
demandent un certain travail Ă lâutilisateur.
Ces services pionniers nous fournissent
cependant des premiĂšres indications sur la
nature des usages qui pourraient Ă©merger
si, demain, les entreprises et les adminis-
trations partageaient les données dont
elles disposent avec les individus quâelles
concernent. Nous complétons ces indica-
tions, dâune part, des idĂ©es et projets qui
circulent dans les communautés de cher-
cheurs et dâentrepreneurs actifs sur ce
sujet dans le monde et dâautre part, de
propositions issues des ateliers créatifs
menés par MesInfos en France et des
ââhackathonsââ organisĂ©s par Midata au
Royaume-Uni.
On peut ainsi classer ces services dans 6
grandes catĂ©goriesâ:
23. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
4544
LâePortfolio se dĂ©finit comme ââun
dispositif facilitant lâapprentissage
réflexif en permettant à une personne
de collecter, dâorganiser et de publier
une sélection de traces de ses appren-
tissages, pour faire reconnaĂźtre, voire
valoriser, ses acquis et planifier ses
apprentissages futursâ19.ââ Il sâagit
dâexploiter les capacitĂ©s de lâinfor-
matique et des réseaux pour mettre
les individus en capacité de valoriser
et dâenrichir leur capital intellectuel,
professionnel, social et culturel, tout
au long de leur vie. Les fonctions du
ePortfolio associent Ă©troitement la
collecte et lâagrĂ©gation dâinforma-
tions, leur analyse réflexive, et la pré-
sentation contrÎlée des facettes de
lâindividu qui lui sembleront les mieux
adaptĂ©es Ă un contexte donnĂ©â: un CV,
une plaquette, une bio dans un site
communautaireâŠ
âąâą Rassembler les traces de ses activitĂ©s
et de ses compétences
Nos parcours professionnels sont de moins
en moins linĂ©aires. Chacun dâentre nous
devra constamment acquérir de nouvelles
compĂ©tences, sâadapter Ă de nouveaux
contextes, travailler avec de nouveaux
partenaires, passer de projet en projet,
changer de métier ou en exercer plusieurs
Ă la fois. Formation et travail deviennent de
moins en moins dissociables. Le concept
dâePortfolio vise Ă adapter les formes
dâanalyse et de prĂ©sentation des compĂ©-
tences individuelles à la réalité contempo-
raine des trajectoires professionnelles.
eportoflio
âą 19. Source : Europortfolio
La premiÚre fonction indispensable, mais non suffisante, consiste à faciliter la récupé-
ration, lâentrĂ©e, le scan dâinformations et de documents, puis leur archivage, leur
classement, leur visualisation simple. Les ââentrepĂŽts personnels de donnĂ©esââ (âpersonal
datastoresâ) et autres ââcoffres-forts Ă©lectroniquesââ fournissent tous ce service de premier
niveau. Câest lâĂ©quivalent des classeurs, boĂźtes dâarchives, dossiers suspendus et carnets
dâadresses que nous connaissons bien, Ă ceci prĂšs quâil devient possible de rapprocher des
informations qui existaient auparavant dans des univers trĂšs diffĂ©rentsâ: nos photos, par
exemple, avec nos papiers administratifs ou nos factures. A quelles finsâ? Nous verrons
par la suite plusieurs exemples de croisement qui, faits Ă lâinitiative et au bĂ©nĂ©fice des
individus, produisent du sensâ: pensons par exemple Ă la reconstitution dâun voyage Ă
partir dâun agenda, de films et de photos, de traces de navigation web et de localisation,
des factures dâhĂŽtel et de restaurant, des coordonnĂ©es des amis rencontrĂ©s... Au-delĂ de
cette fonction de base, dâautres directions Ă©mergent, dont plusieurs sont dĂ©jĂ explorĂ©es
par des entreprises innovantesâ:
âąâą GĂ©rer ses papiers, ses contrats et
échéances, ses factures, ses garanties...
Les coffres-forts numĂ©riquesâ18
se posi-
tionnent aujourdâhui sur ce domaine de
gestion du quotidien, en proposant toutes
ces fonctions. Ils rassemblent dans un seul
et mĂȘme espace les documents adminis-
tratifs du foyer, ses contrats, factures, les
organisent et les archivent de façon struc-
turée, et proposent des services supplé-
mentairesâ: rĂ©cupĂ©ration automatique de
factures auprĂšs des fournisseurs, rappel de
dates clés, visualisation des dépenses, etc.
âąâą Retrouver le contrĂŽle de ses contenus.
Aujourdâhui, les livres, les films, la musique
ââachetĂ©sââ sur de nombreuses plates-
formes en ligne le sont sous la forme de
licences dâutilisationâ: dans bien des cas,
rompre le contrat avec les plates-formes
concernĂ©es signifie perdre lâaccĂšs Ă ces
contenus. Il peut en aller de mĂȘme avec
les photos, les vidĂ©os, les textes que lâon
a soi-mĂȘme publiĂ©s sur un rĂ©seau social ou
une autre plate-forme. RĂ©unir ces docu-
ments sur une plate-forme placée sous le
contrĂŽle de lâindividu, dans des formats
qui en permettent la récupération locale
et la portabilité, permettrait de retrouver
la maĂźtrise durable des contenus acquis ou
produits par chaque individu.
ÇÇ Des start-ups comme Cozy Cloud pro-
posent des services de "Cloud Personnel",
oĂč l'utilisateur stocke toutes ses donnĂ©es et
exécute des applications qui les valorisent.
1|GESTIONâ: administrer son
quotidien et ses informations
18. Les acteurs français actifs dans son domaine ont crĂ©Ă© une association, l'A-CFN âą
24. UNE JOURNEE REUSSIE / CHRONOREVE
Un assistant personnel intelligent qui organise et
optimise lâagenda du quotidien en se fixant pour prioritĂ©
de dégager du temps ou de nourrir les temps morts au
service de ses aspirations et de ses rĂȘves.
Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
4746
âąâą schĂ©maâ: Userstudio ©
| ScĂ©narios fictifs | Workshop Mes INFOS - Services et chaĂźnes de valeurââ? âą 14 juin 2012
ChronorĂȘve est un assistant personnel
intelligent qui organise et optimise
lâagenda du quotidien en se fixant
pour priorité de dégager du temps ou
de nourrir les temps morts au service
de ses aspirations et de ses rĂȘves.
Lâagenda optimise mon temps pour
trouver des créneaux horaires et des
propositions qui mâaident Ă rĂ©aliser
ce(âsâ) rĂȘve(âsâ). Il se fonde pour cela sur
cinq types de paramĂštresâ:
âąâą Moi/mes proches/mes contacts
âąâą MesââactivitĂ©sââ(âtravail,ââcourse, etc...â)
âąâą Mes contraintes
âąâą Mes prĂ©fĂ©rences
âąâą Mes aspirations et mes rĂȘves
Cet agenda, reposant notamment sur
des données de géolocalisation, de
dates, dâagendas partagĂ©s en fonction
de mes cercles relationnels, sait Ă©ga-
lement repérer les opportunités du
momentâ: par exemple, un crĂ©neau
libre dans lâagenda du mĂ©decin (âqui a
acceptĂ© de me le partagerâ) qui corres-
pond à une de mes disponibilités. Le
mĂ©decin en bĂ©nĂ©ïŹcie en remplissant
mieux son agenda, et moi en proïŹtant
de ce moment libre. Lâagenda est au-
to-apprenantâ: chaque ïŹn de journĂ©e,
il me demande dâĂ©valuer sa perfor-
mance et ajuste ses propositions en
conséquence. Il me permet ainsi de
mieux gérer mon quotidien en me
faisant gagner du temps, tout en
mâaidant Ă me projeter et de rĂ©pondre
Ă mes aspirations.
ChronorĂȘve 20
20. Service fictifs | Workshop Mes INFOS | FING âą
25. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
4948
transmet lâadresse Ă dâautres ou encore,
dâinterrompre toute relation avec un site
sans devoir changer dâadresse... Au-delĂ ,
la gestion par lâindividu de ses diffĂ©rentes
identités numériques publiques permet
dâexplorer des formes dâââhĂ©tĂ©ronymatââ,
câest-Ă -dire de pseudonymes durables,
disposant de leur vie propre sur un ou
plusieurs sites, porteurs de confiance, et
pourtant dissociĂ©s de lâidentitĂ© civile de
celui ou celle qui lâa crĂ©Ă©â22
.
2.3 Simplifier et contrĂŽler
les Ă©changes dâinformations
personnelles
Le fait, pour les individus, dâobtenir les
données dont les organisations disposent
sur eux, renforce leur capacité de contrÎle
et de négociation à propos de ces données,
de leur transmission, de leur usage, de leur
contrĂŽle et de leur Ă©ventuel effacement.
OneCub propose par exemple de visua-
liser l'ensemble de ses relations avec les
enseignes pour ĂȘtre en mesure de mieux
contrÎler celles avec qui l'on va décider
d'interagirââ-ââou non. Plusieurs concepts
de services et dâoutils visent Ă la fois Ă
permettre aux individus de choisir quelles
informations ils transmettront ou non Ă
des tiers qui les leur demandent, et Ă leur
faciliter la tĂąche lorsquâils font le choix de
partager des informationsâ:
âąâą NĂ©gociation et contrĂŽle des donnĂ©es
transmises Ă des tiers.
Plusieurs outils et standardsâ23
ont été
proposés dans le but de standardiser le
dialogue entre un individu et un service qui
souhaite obtenir des données de sa part
- sans grand succĂšs pour lâinstant, faute
dâadoption de la part des organisations. Les
promoteurs du concept de VRM (âVendor
Relationship Managementâ) vont plus loin,
en imaginant que ce serait demain aux or-
ganisations qui réclament des données de
signer (ânumĂ©riquementâ) la ââcharte dâutili-
sationââ de ses donnĂ©es que lâindividu leur
propose, plutĂŽt que lâinverse.
âąâą Effacement, correction, de ses donnĂ©es.
Si le ââdroit dâaccĂšs et de rectificationââ
existe, il reste souvent difficile Ă appli-
quer. Des services et des intermédiaires
se proposent dâaider les individus Ă le
mettre en Ćuvre, en agissant comme leurs
représentants et en allant chercher le plus
loin possible les données répliquées un
peu partout sur lâinternet. Dâune certaine
maniĂšre, certains services de gestion de
lâe-rĂ©putationââ comme Naymz vont dans
le mĂȘme sens. Dâautres comme Garlik vont
plus loin et proposent Ă la fois de scanner
et rassembler ses données éparpillées
en ligne (âData Patrolâ) et dâalerter en cas
dâusage abusif de donnĂ©es ou dâusurpation
(âGarlik Angelâ).
âąâą PrĂ©-remplissage de formulaires
Plusieurs navigateurs et quelques services
spécialisés aident les utilisateurs à emplir
automatiquement des formulaires, sur la
base de ses données - stockées localement
-, pour en finir avec le remplissage répéti-
tif des mĂȘmes informations dans divers
formulaires. Au-delà de leurs bénéfices
en termes de commodité, ces services
peuvent se marier avec dâautres fonctions
destinées à contrÎler les données trans-
mises ou non, voire Ă aider lâutilisateur Ă
mentir de maniÚre cohérente auprÚs de
plusieurs entreprisesâŠ
âąâą ââSubscribe to meââ
Offrir à des tiers approuvés a priori la pos-
sibilitĂ© de sâabonner Ă certaines de ses
données, pour leur permettrer de disposer
en permanence des informations Ă jour. Et
bien sûr, pouvoir révoquer ce droit à tout
instant.
âą 22. Voir âLâhomonyme dâhĂ©tĂ©ronymeâ, Internet Actu, 2009
http://www.internetactu.net/2009/07/15/lhomonyme-dheteronyme
âą 23. En particulier les âInfocardsâ.
Si lâobjectif de MesInfos est de donner aux individus le pouvoir de tirer des bĂ©nĂ©fices
personnels des données qui les concernent, cela passe également par le fait de leur per-
mettre de mieux contrĂŽler ce que dâautres font de ces donnĂ©es. Un ensemble de services
et de concepts Ă©mergent, qui marient Ă©troitement plusieurs prĂ©occupationsâ: sĂ©curitĂ©,
maßtrise de ses données, mais aussi commodité.
2.1 Qui sait quoi sur moiâ?
âDes services tels que Privowny permettent
de savoir quelles données les services en
ligne obtiennent de nous, que ce soit de
maniĂšre explicite (âformulairesâ) ou non
(âcookiesâ).
2.2 GĂ©rer ses comptes et
identités numériques
âConservation sĂ©curisĂ©e de ses identi-
fiants /âmots de passe, single sign-onâŠ
Des services cherchent Ă faciliter la gestion
de ses multiples identifiants et codes
dâaccĂšs, sans pour autant les confier Ă des
tiers, des ââcercles de confianceââ ou des
plates-formes telles que Facebook (âdont le
systÚme Facebook Connect est utilisé par
prĂšs de 7 millions dâapplications et de sites
extĂ©rieurs Ă Facebookâ).
âąâą âIdentitĂ©s fĂ©dĂ©ratives et sĂ©curisĂ©es
Le projet britannique Midata est souvent
associé aux actions du Gouvernement et
de certaines entreprises en matiĂšre dâIden-
tity Assurance, qui visent Ă fournir des
moyens solides et communs pour valider
lâidentitĂ© (âou a minima les droitsâ) dâun
individu ou dâune organisation lors dâune
transaction numérique. Une organisation
aura par exemple besoin dâĂȘtre certaine de
lâidentitĂ© dâun individu qui lui demanderait
dâaccĂ©der aux donnĂ©es personnelles dont
elle dispose sur lui. Dans le cas de services
complexes, qui font appel Ă plusieurs orga-
nisations indĂ©pendantes, il peut sâavĂ©rer
2|CONTROLEâ: maĂźtriser ses identitĂ©s
numériques et ses données personnelles
nĂ©cessaire de ââfaire passerââ des certificats
dâidentitĂ© dâun interlocuteur Ă un autre.
Se pose alors la question, dâune part, des
standards qui permettront Ă de nombreux
individus et organisations dâĂ©changer des
certificats et dâautre partâ21
, de la transpa-
rence de ces processus pour les individus
concernés.
âąâą âAuthentification sans identification
Dans de nombreux cas de la vie courante,
lâaffirmation dâun Ă©tat ou dâun droit ne
nĂ©cessite pas dâindiquer Ă©galement son
identitĂ©â: ââjâai plus de 18 ansââ, ââjâai le
permis de conduireââ, ââje suis bien le
dĂ©tenteur de tel moyen de paiementââ...
Plusieurs projets (âdont, apparemment,
IDĂ©Num, mĂȘme si lâon sait encore peu de
choses de lâĂ©tat actuel du projetâ) visent
ainsi Ă sĂ©parer authentification (âvalider
lâauthenticitĂ© dâune assertionâ) de lâidentifi-
cation (âconnaĂźtre lâidentitĂ© dâune personne
ou dâune entitĂ©â).
âąâą âIdentitĂ©s spĂ©cialisĂ©es ou jetables
Il est souvent indispensable de pouvoir se
crĂ©er des ââidentitĂ©sââ multiples, durables
ou non, pour gérer de maniÚre étanche
ses relations avec différents interlocu-
teurs, ou son existence publique dans
ces cercles différents. Plusieurs services
permettent ainsi de se créer des adresses
e-mail dédiées aux relations avec un site
particulier, ce qui permet Ă la fois de
gérer ses messages, de vérifier si le site
21. Câest lâobjet de la Kantara Initiative ainsi, Ă lâĂ©chelle française, du projet
IDĂ©Num, rĂ©cemment relancĂ© par le Gouvernement | www.kantarainitiative.org âą
26. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
5150 âąâą Photoâ: Marisa | Un utilisateur de Fitbit attentif Ă la distance quâil a parcouru.
âąâą 24. Service fictifs imaginĂ© lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 2012
De nombreux appareils et services issus du mouvement ââQuantified selfââ per-
mettent de mesurer toutes sortes de paramĂštres physiologiques, de surveiller son
sommeil, le nombre de calories brûlées, sa fréquence cardiaque, le nombre de pas
effectués dans la journée, etc. Chaque utilisateur peut mesurer ses données per-
sonnelles, mais aussi les visualiser, les analyser, et les partager. FitBit propose de
mesurer son activité physique, son alimentation et son sommeil, Withings vend
dans le monde entier une balance et un tensiomÚtre connectés...
QUANTIFIED self 24
Les entreprises utilisent dâabord les donnĂ©es (âpersonnelles ou nonâ) pour comprendre
leur environnement, analyser leurs actions passĂ©es, mesurer ce quâelles ont rĂ©ussi ou
non, se comparer Ă dâautres, Ă©valuer leurs options. Pourquoi les individus nâen feraient-
ils pas autant, Ă lâaide de leurs donnĂ©esâ? Un grand nombre de services, souvent dĂ©jĂ
opĂ©rationnels, se proposent ou pourraient se proposer de les y aiderâ:
3|CONNAISSANCE DE SOIââ:
savoir pour agir
âąâą Budget et financesâ:
Ă lâaide dâoutils de gestion des finances
personnelles (âPersonal Finance Managers
ou ââPFMâââ), disposer dâune vision consoli-
dée de son budget et de son patrimoine...
ÇÇ En France, Bankinâ propose Ă ses utili-
sateurs de récupérer automatiquement les
relevés de leurs comptes dans différentes
banques afin de leur fournir une analyse de
leurs dépenses, de leur notifier les dépasse-
ments de ââseuils de sĂ©curitĂ©ââ, dâĂ©valuer la
pertinence de leur Ă©pargne...
âąâą Consommationâ:
Obtenir une ââvision Ă 360°ââ de sa consom-
mation, en récupérant des données chez
tous ses fournisseurs et commerçants,
pour les analyser Ă sa maniĂšre...
ÇÇ Des startups telles que Custle per-
mettent de visualiser lâensemble de ses
achats effectués en ligne, mais aussi de
visualiser lâensemble des commerçants avec
lesquels un individu a une relation. Dâautres
proposent Ă leurs utilisateurs dâĂ©valuer leur
consommation, que cela soit dâun point de
vue budgĂ©taire, ââresponsableââ (âĂ©cologique,
Ă©thique...â), sanitaire... Ainsi, en scannant
leurs tickets de caisse, les utilisateurs de
Skerou peuvent suivre leur budget, préparer
des listes de courses ou garder un Ćil sur
certaines promotions.
âąâą Energieâ:
ConnaĂźtre et optimiser sa consommation,
pouvoir Ă©valuer des choix alternatifs...
ÇÇ Le projet emPowerMi, issu du premier
Hackathon Midata en Novembre 2012,
promet Ă lâindividu de faire dâimportantes
Ă©conomies en matiĂšre dâĂ©nergie, en croisant
lui-mĂȘme ses donnĂ©es de consommation
et dâautres relatives Ă son logement, Ă sa
situation familiale, etc. Aux Etats-Unis,
plusieurs services ont été développés dans
le sillage du Green Button, parmi lesquels
Plotwatt, qui propose des fonctionnalités si-
milaires, permettant de recevoir des recom-
mandations personnalisĂ©es et dâĂȘtre averti
en cas de pic anormal de consommation.
ÇÇ Comme au Royaume-Uni, le gouver-
nement a souhaité stimuler l'écosystÚme
d'innovateurs en lançant un concours pour
le développement d'applications, Apps for
Energy, qui offrait 100 000â$ de prix aux ap-
plications innovantes dans le domaine de
l'énergie. Parmi les applications récompen-
sées se trouvent Leafully (met en évidence
l'impact de nos décisions/comportements
énergétiques, puis aide ses utilisateurs
à réaliser des économies et réduire leur
empreinte Ă©cologique), Melon (compare
la performance énergétique d'un bùtiment
commercial avec une base de données na-
tionale, permet d'obtenir un label, fournit
des conseils pour améliorer la performance
de l'immeubleââŠ), BYI (permet de suivre et
budgéter sa consommation facilement)...
27. CROWDJOBBING
Ma culture et mes loisirs comme propulseurs de mes
vélléités de ré-orientation professionnelle.
Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
5352
âąâą schĂ©maâ: Userstudio ©
| Service fictifs imaginĂ© lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 201225. Service fictifs imaginĂ© lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 2012 âą
âąâą SantĂ© et bien-ĂȘtreâ:
Se maintenir en forme, connaĂźtre ses capa-
citĂ©s et ses limites, se lancer (âet partagerâ)
des défis...
âąâą Loisirs et cultureâ:
Evaluer, commenter et partager des avis
sur des films, livres, musiques, sorties, âŠ
et en garder une trace. Il est ainsi possible,
sur certains sites, de commenter des
contenus via le service Disqus et ainsi de
retrouver toutes ses interventions depuis
une mĂȘme interface
âąâą MobilitĂ©â:
Ă une Ă©poque oĂč la mobilitĂ© quotidienne
représente un coût croissant en temps
comme en argent, oĂč lâenjeu Ă©cologique
prend une importance déterminante,
pouvoir réfléchir à sa mobilité, se comparer
Ă dâautre, identifier des choix alternatifs...
Waze pour les automobilistes, Roadify sur
un plus large Ă©ventail de modes de trans-
port, fondent tout ou partie de leur offre
sur les contributions des utilisateurs. Plu-
sieurs services dâââinformation multimo-
daleââ apprennent progressivement Ă partir
des habitudes de déplacement de leurs
utilisateurs.
âąâą EmployabilitĂ© et formationâ:
Sur la base de son ââe-portfolioââ (âvoir plus
hautâ), rassembler, visualiser, analyser et
partager ses compétences, son profil pro-
fessionnel, ses formations... pour faire son
bilan, Ă©valuer des choix possibles, explorer
de nouvelles opportunités.
Crowdjobbing mâaccompagne dans
mon parcours de réorientation profes-
sionnelle. Il sâappuie sur les donnĂ©es
relatives Ă ma formation, Ă mon
parcours professionnels comme Ă mes
activitĂ©s extra-professionnelles (âmes
loisirs, sorties, pratiques culturelles,
activitĂ©s associatives, etc.â) pour me
proposer différents choix de mobilité
pour chaque destination. Il me permet
aussi dâentrer en relation avec des
pairs, afin de partager ces proposi-
tions avec des proches ou des per-
sonnes dans des situations similaires,
dans un processus dâapprentissage
collectif.
CROWDJOBBINGâ25
28. Le coach de mobilite
Un coach de mobilitĂ© qui mâaiderait Ă©galement
Ă optimiser mon assurance.
Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
5554
âąâą schĂ©maâ: Userstudio ©
| Service fictifs imaginĂ© lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 201226. Service fictifs imaginĂ© lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 2012 âą
Si ce domaine reste encore peu développé, son potentiel paraßt également significa-
tifâ: selon ââlâObservatoire des consommations Ă©mergentesââ de lâObSoCo, plus dâun
Français sur deux dĂ©clare vouloir ââconsommer mieuxâââ: donner du sens Ă sa consomma-
tion (âenvironnement, emploi, lien social, Ă©thiqueâŠâ), consommer utile sous contrainte
budgĂ©taire, maximiser la productivitĂ© de chaque euro dĂ©pensĂ© (âqualitĂ© pour la dura-
bilitĂ©, achat malinâŠâ). En 2012, 53% des Français Ă©taient dĂ©jĂ engagĂ©s de maniĂšre si-
gnificative dans ces formes de consommation Ă©mergente. Mais il nâest aujourdâhui pas
facile dâaccorder ses valeurs Ă son budget, ses goĂ»ts, ses contraintes et ses habitudes de
consommation, sauf Ă consacrer de nombreuses heures Ă lire les emballages, fouiller des
sites web, rĂ©pondre Ă des longs questionnaires sur son ââempreinte Ă©cologiqueââ...
Imaginons demain que les individus disposent de leurs donnĂ©es de consommation (ây
compris Ă©nergĂ©tiqueâ) et de mobilitĂ©, parmi dâautresâ:
4|CONSCIENCEââ:
vivre avec ses valeurs
âąâą âIl deviendrait plus facile de faire des
choix de consommation sur la base de
ses valeurs (âbio, Ă©quitable, etc.â), sur la
base dâune simple analyse de ses tickets
de caisse et de la recherche automatique
dâĂ©quivalents en ligne.
âąâą âIl deviendrait Ă©galement plus aisĂ© de
mesurer son empreinte carbone, dâexplo-
rer des moyens de la rĂ©duire (âet pourquoi
pas, de rĂ©duire aussi sa facture dâĂ©nergieâ),
de suivre ses progrĂšs, de les comparer Ă
ceux dâautres personnes...
Mon Bilan Vert9 propose un bilan
carbone en temps rĂ©el ainsi quâune
série de propositions pour émettre
moins de CO2 ou pour ââcompenserââ
ces Ă©missions. Un ââcoachââ peut aider
Ă ventiler les objectifs et proposer
des trajectoires raisonnables pour les
atteindre.
Ce service fonctionne Ă la fois sur la
base de données mesurées par les
consommateurs (âĂ lâaide de capteurs
de pollution dans leurs téléphones par
exempleâ) et de donnĂ©es rĂ©cupĂ©rĂ©es
auprĂšs de fournisseurs dâĂ©nergie, opĂ©-
rateurs de transport ou distributeurs.
Il peut ĂȘtre proposĂ© tant par des asso-
ciations de protection de lâenvironne-
ment que par des entreprises ou des
acteurs publics locaux.
MON BILAN VERT 26
29. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
5756
5.2 LâIntentcasting, ou ââlâEconomie de lâintentionââ
ââDans une Economie de lâIntention, lâacheteur informe le marchĂ© de son intention dâache-
ter, et les vendeurs entrent en concurrence pour emporter sa dĂ©cision.ââ
Doc Searls, lâinventeur du concept de VRM, rassemble les exemples qui prĂ©cĂšdent
sous une banniĂšre plus large, celle de lâIntentcasting (âou ââprojection dâinten-
tionsâââ). LâidĂ©e Ă©conomique est simpleâ: sur les marchĂ©s numĂ©riques dâaujourdâhui,
il nâexiste tout simplement pas de moyen pour la demande, celle des consomma-
teurs, dâexprimer ce quâelle dĂ©sire. Il en rĂ©sulte des marchĂ©s profondĂ©ment dĂ©sĂ©qui-
librĂ©s et inefficients, oĂč les offreurs sont condamnĂ©s Ă inventer des moyens toujours
plus complexes, coûteux, intrusifs - et jamais trÚs efficaces - de deviner ce que les
consommateurs peuvent bien vouloir !
Imaginons maintenant quâun consommateur qui sait ce quâil veut dispose des
moyens de lâexprimer dâune maniĂšre non Ă©quivoque et de publier son ââintentionââ en
direction des offreurs, pour comparer ensuite leurs propositions. Les bénéfices, selon
Doc Searls, seraient multiplesâ: des coĂ»ts marketing rĂ©duits ; une connaissance de
premiÚre main des demandes du marché, sans perdre les bénéfices de la numéri-
sation des Ă©changes ; une plus grande satisfaction des clients, dont les demandes
seraient mieux satisfaites.
Doc searls
5|DECISION ET ACTIONââ:
faire les bons choix, et les appliquer
5.1 La comparaison
âąâą Des marchĂ©s plus transparentsâ:
Alors que les ââcomparateurs de prixââ se
voient souvent accusés de manquer de
transparence, les consommateurs eux-
mĂȘmes pourraient comparer entre eux
les propositions qui leur sont faites, ou
les conditions quâils ont obtenues auprĂšs
de chaque fournisseur. Cela rendrait plus
difficile lâapplication de systĂšmes tari-
faires ââpersonnalisĂ©sââ et bien souvent
opaques. Selon le rapport fondateur du
projet Midataâ27
, il nây aurait pas moins
de... 12 millions de tarifs téléphoniques
sur le marchĂ© britannique. RĂ©sultatâ: 76%
des consommateurs paieraient trop au
regard de leur consommation effective, de
lâordre de 200 livres (â234 eurosâ) par an !
La mĂȘme analyse pourrait probablement
sâappliquer aux voyages, aux tarifs ban-
caires ou des assurances, et Ă bien dâautres
marchés. Le Wall Street Journal signalait
par ailleurs le cas de plusieurs distribu-
teurs qui affichent en ligne des tarifs dif-
fĂ©rents selon la distance quâils Ă©valuent
entre le visiteur et ses points de venteâ28
.
Des plates-formes qui faciliteraient la com-
paraison des tarifs effectivement proposés
aux individus pourraient de fait ââdĂ©coderââ
ces dispositifs opaques et concurrencer
effectivement les comparateurs de prix... Ă
moins que ces derniers ne choisissent eux-
mĂȘmes dâĂ©voluer dans ce sens.
âąâą EnchĂšres inversĂ©es et achats groupĂ©sâ:
ââJe recherche actuellement un logement
avec telles caractĂ©ristiques, je suis prĂȘt
Ă mettre tel prix, faites moi des propo-
sitionsââ, ââNous sommes 10 Ă vouloir
acheter un robot ménager de tel type, qui
emportera le marchĂ©â?ââ.
ÇÇ Thumbtack est un service proposant de
mettre des consommateurs directement
en lien avec des professionnels Ă partir de
critĂšre Ă©tablis mutuellement. Lâutilisateur
formule des ââappels dâoffresââ (âRequests
for Proposalsâ) par catĂ©gorie, disponibilitĂ©,
distance, ⊠et les professionnels répondants
Ă ces critĂšres peuvent proposer un prix cor-
respondant Ă leur prestation. En fonction
de cela, lâutilisateur choisit lâoffre qui cor-
respond le mieux Ă ses besoins.
En définitive, pour les entreprises comme pour les individus, les données servent à prendre
des dĂ©cisions - puis Ă les Ă©valuerâ:
27. Better Choices: Better Deals. Consumers Powering Growthâ, 2011 âą
28. http://online.wsj.com/article_email/SB1000142412788732377720457
8189391813881534-lMyQjAxMTAyMDIwMzEyNDMyWj.html âą
30. VOYAGEZ tranquille, partez sans risque
Sâaffranchir des prĂ©occupations de santĂ© lors de son
voyage, grĂące Ă lâaccompagnement dâune communautĂ©
de voyageurs et de locaux, avant et pendant le voyage.
Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
5958
âąâą schĂ©maâ: Userstudio ©
| Service fictifs imaginĂ© lors d'un workshop Mes INFOS | FING - juin 201229. Issu de Doc Searls, The Intention Economy, Harvard Business Press, 2012 âą
âąâą Un exemple dâIntentcasting 29
En voyage, vous venez juste dâarriver Ă San
Diego pour un mariage et quelques jours
de congés. Vous avez oublié la poussette
de vos jumeaux, dont vous avez besoin de
suite. PlutĂŽt que de parcourir les trĂšs nom-
breuses offres commerciales disponibles
sur le web - comme câĂ©tait le cas aupara-
vant - vous utilisez votre smartphone pour
lancer un ââappel dâoffresââ qui mentionne
votre intention dâacheter une poussette
pour jumeaux dans les 2h qui suivent.
Tous les vendeurs dans la région peuvent
ĂȘtre notifiĂ©s des intentions dâacheter de
potentiels clients, via le service qui gĂšre
ces appels dâoffres. En quelques minutes,
vous pouvez avoir des réponses sérieuses
de plusieurs vendeursâ: le modĂšle, le prix,
oĂč et comment vous trouverez lâobjet.
Vous faites votre choix et en avertissez le
vendeur retenu. Cette dĂ©cision sâaffiche
Ă©galement sur lâagenda de votre smart-
phone, qui vous indique le trajet pour y
aller. Les autres commerçants apprennent
quâils nâont pas Ă©tĂ© retenus mais ils ne dis-
posent pas de votre identité et ne peuvent
pas vous relancer - sâil sâĂ©tait agi dâun achat
plus important et moins urgent, vous
auriez pu faire jouer la concurrence plus
longtemps...
Vous récupérez aussi la voiture que vous
avez louée pour la semaine, qui possÚde
comme vous lâavez demandĂ© 6 places et a
la possibilitĂ© dâaccrocher des vĂ©los. Vous
lâavez choisie via un appel dâoffres envoyĂ©
Ă des agences de location il y a un mois,
quand vous avez préparé votre voyage.
LĂ encore, contrairement Ă la situation
passĂ©e, oĂč vous nâauriez pas eu prĂ©cisĂ©-
ment le choix et auriez du vous contenter
dâune voiture aux caractĂ©ristiques proches
mais pas similaire, vous avez eu exacte-
ment le vĂ©hicule et mĂȘme la marque que
vous souhaitiez.
31. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
6160
âąâąPhotoâ:Userstudio©
âąâąPhotoâ:Userstudio©
âąâą ...Ă une gestion facilitĂ©e
Imaginons maintenant des systĂšmes
dâenchĂšres inversĂ©es dĂ©diĂ©s Ă lâachat dâun
logementâ: un service - ou plus probable-
ment un ensemble coordonné de services
- qui permettent aux usagers dâexprimer
leurs besoins, leurs incertitudes, ce quâils
seraient prĂȘts Ă sacrifier en terme de
temps de dĂ©placement, dâĂ©nergie, de proxi-
mitĂ© des commerces, etc. LâââentrepĂŽt
de donnĂ©esââ du couple facilite Ă la fois
lâexpression de ses besoins, et la mise Ă
disposition (âĂ©ventuellement anonyme, du
moins jusquâĂ un certain stadeâ) des infor-
mations financiĂšres nĂ©cessaires Ă lâobten-
tion dâun prĂȘt. Il pourra aussi, le moment
venu, transmettre de maniÚre sécurisée
les piÚces administratives aux différents
interlocuteurs (âle vendeur et son notaire,
la banqueâ).
Dâautres services proposeront Ă notre
couple de lancer un appel dâoffre person-
nel Ă des organismes de financementâ;
de présélectionner les maisons qui lui
conviennent vraiment en fonction de ses
goûts, des recommandations de ses amis,
de ses habitudes de consommation Ă©ner-
gĂ©tique ; ou encore dâĂȘtre ââcoachĂ©ââ quand
il sâagira de jongler avec ses annuitĂ©s de
remboursement.
Dâautres processus complexes pourraient
se voir considérablement simplifiés grùce
Ă de tels servicesâ: la prĂ©paration dâun
voyage, lâachat dâune automobile ou dâun
autre produit cher et complexe, un choix
dâorientation scolaire ou professionnelle,
une Ă©tape de vie telle quâun mariage, une
naissance ou le départ à la retraite...
5.3 La gestion de processus complexes
Lorsque les consommateurs disposeront de leurs données, des services pourront les
aider Ă gĂ©rer des processus complexes, qui sont aujourdâhui de vĂ©ritables parcours du
combattantâ: prenons lâexemple dâun couple dĂ©cidĂ© Ă acquĂ©rir un logement.
âąâą Dâune gestion des processus complexes
longue et délicate...
Durant ce parcours, le couple doit entrer
en relation avec de nombreux acteursâ: des
banques qui vont passer ses revenus au
crible de leurs systĂšmes de notation pour
lui proposer (âou nonâ) un financement, des
courtiers censés faciliter cette phase de dé-
marchage, des agents immobiliers ou des
particuliers qui proposent un logement, un
tiers de confiance (âle notaireâ), mais aussi,
une multitude de micro-dispositifs infor-
mels de type ââbouche Ă oreilleââ. Tout cela,
en tenant compte de paramĂštres extrĂȘme-
ment nombreuxâ: besoin dâune voiture ou
non, Â distance entre le lieu dâhabitation et
lâĂ©cole des enfants, proximitĂ© des com-
merces⊠Aujourdâhui, le couple se trouve
seul face à cette complexité.
32. Quels services. Pour quels usagesâ?
03
MesInfos | Cahier d'exploration
6362
ÇÇ Il ne faut pas beaucoup de
temps pour repérer le vaste poten-
tiel dâusage qui pourrait Ă©merger
de la mise à disposition, au béné-
fice des individus, des données per-
sonnelles qui les concernent. Reste
à réaliser ce potentiel. Cela passe-
ra dâabord par lâĂ©conomie.
âš
âąâą Imagesâ: le projet Urban Mobs de faberNovel et Orange
29. Cet usage met cependant en lumiÚre un risque de "réidentification" qu'il faudra traiter dans les
années à venir. ConcrÚtement, le croisement de données "anonymes" d'un certain degré de précision (une
pathologie, une zone d'habitation, une catĂ©gorie de revenus ou d'ĂągeâŠ) peut permettre de retrouver
l'identitĂ© d'un individu donnĂ© et, de fait, dĂ©voiler Ă son propos des donnĂ©es trĂšs intimes. âą
Mettre des données personnelles anonymisées au service de la production de connais-
sances collectives est déjà possible, mais ce potentiel sera décuplé dÚs lors que les indivi-
dus auront leurs donnĂ©es personnelles entre les mainsâ30
.
6|CONTRIBUTIONâ:
Ă la production de connaissances collectives
âąâą âDes Ă©tudes cliniques gĂ©antes
Dans le domaine de la santé, le réseau de
patients PatientsLikeMe, permet Ă ses
membres de partager au sein dâune com-
munauté leurs expériences, leurs souf-
frances, leurs trucs⊠En partenariat avec
des universités et des organismes de
recherche, PatientsLikeMe sâappuie Ă©ga-
lement sur ses communautés pour mener
avec des laboratoires (âqui le rĂ©munĂšrentâ)
des Ă©tudes cliniques ââgĂ©antesââ, dont les
résultats sont rendus publics et parfois
publiés dans les plus grandes revues scien-
tifiques.
âąâą Des Ă©tudes urbaines
Les Ă©tudes urbaines sont friandes de
donnĂ©esâ: de plus en plus, les acteurs
urbains, outillés par les outils numériques,
sâappuient sur des donnĂ©es (âpubliques
ou privĂ©esâ) pour gĂ©rer, optimiser les flux,
les services, mais aussi pour connaĂźtre les
usages des citadins. Les données person-
nelles, anonymisĂ©es, peuvent ĂȘtre une
source de connaissance importante.
Présenté en 2008, le projet Urban
Mobs permettait de visualiser le
ââpoulsââ de plusieurs villes euro-
péennes lors de grands événements
(âconcerts, fĂȘte de la musique,âŠâ),
utilisant les données personnelles de
communication du rĂ©seau dâOrange
pour proposer des visualisations de
ces données.
BlaBlaCar (âprĂ©cĂ©demment nommĂ©e
Comutoâ) propose des prĂ©visions de
trafic Ă partir des offres et demandes
formulées par les voyageurs sur covoi-
turage.fr.
URBAN MOBS et Blabla car
33. 04 d
CHAPITRE 04
OU ESTâLA VALEURâ?ÇÇ On prĂ©sente souvent les donnĂ©es (âprincipale-
ment personnellesâ) comme le âânouvel or noirââ de lâĂ©cono-
mie contemporaine. Les ââBig Dataââ, auxquelles on
associe des perspectives Ă©conomiques qui se chiffreraient
en centaines de milliardsâ31
, expriment aujourdâhui tout
lâespoir placĂ© dans le potentiel Ă©conomique des donnĂ©es.
Du point de vue des données personnelles, cependant,
les ââBig Dataââ se construisent sur la base de lâaccumu-
lation et, généralement, du croisement de données à la
fois trÚs nombreuses et trÚs diverses, réalisés à la seule
initiative et au seul bénéfice des organisations - ce qui
conduit aujourdâhui plusieurs spĂ©cialistes Ă leur opposer
une autre perspectiveâ: celle des ââSmall Dataââ, de ââla
bonne donnĂ©e, au bon moment, au bon endroitââ, et sous
le contrĂŽle des individusâ32
.
00ââââp
05ââââp
10ââââp
15ââââp
34. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeurâ?
04
6766
1|Pour lâĂ©conomie en gĂ©nĂ©ralâ:
confiance et efficience
âąâą RecrĂ©er de la confiance
La dynamique dâune Ă©conomie, sa crois-
sance, reposent parmi dâautres facteurs
sur la confiance. La crise dont souffre
aujourdâhui la confiance entre les organisa-
tions et les individus (âvoir chapitre 2â) pĂšse
sur la consommation, distend les collec-
tifs de travail, rĂ©duit le dĂ©sir dâinnover et
lâincitation Ă investir. Le rĂ©Ă©quilibrage des
relations entre individus et organisations
apparaĂźt donc comme un puissant moyen
de recrĂ©er de la confiance, du moins sâil est
choisi par les organisations plutĂŽt quâim-
posé par les citoyens-consommateurs, par
de nouveaux entrants ou par les pouvoirs
publics.
De mĂȘme, lâinquiĂ©tude actuelle autour des
données personnelles et de la vie privée
pourrait considérablement freiner le déve-
loppement des ââBig Dataââ, considĂ©rĂ©es
- pas toujours Ă tort - comme un moyen
dâune puissance sans prĂ©cĂ©dent dâaller
fouiller lâintimitĂ© et lâinconscient des
individus, de manipuler leurs comporte-
ments ou de prendre pour leur compte des
dĂ©cisions proprement ââindiscutablesââ,
puisque prises par des machines hors de
toute dĂ©cision humaineâ33
. Sans partage,
sans transparence, sans retour aux indi-
vidus, on peut parier que la résistance
sâorganisera vite et que le potentiel Ă©cono-
mique annoncé ne se réalisera pas.
âąâą Rendre les marchĂ©s plus efficients
DĂ©crivant la motivation Ă©conomique
derriĂšre le concept de VRM, Doc Searls
Ă©crivaitâ: ââIl faut inventer des moyens plus
efficaces de faire communiquer lâoffre et la
demande â par exemple en Ă©liminant lâin-
certitude des producteurs, parce que les
clients sauraient leur dire exactement ce
quâils veulent.ââ On en est encore loin. Alors
que les marchés électroniques sont censés
éliminer les frottements et les coûts de
transaction, il nâexiste pas aujourdâhui pour
un individu qui saurait ce quâil veut de le
faire savoir, et dâobtenir une rĂ©ponse des
offreurs. Seule lâoffre dispose des moyens
de sâexprimer, la demande ne peut que
dire ââouiââ ou âânonââ, ou alors donner son
avis dans dâautres forums, en rĂ©pondant Ă
des enquĂȘtes... Pour pallier ce manque de
communication, lâoffre doit alors inventer
des moyens toujours plus puissant de
deviner ce que chaque consommateur
peut bien désirer, et toujours plus intrusif
dâattirer leur intention sur ce quâelle a Ă lui
proposer. Parce que la demande ne peut
pas sâexprimer de maniĂšre directe, il faut
consacrer des ressources de plus en plus
considérables à obtenir et analyser des
données, concevoir et cibler des offres et
des messages, obtenir et consommer de
lâattention - sans pour autant obtenir des
résultats commerciaux extraordinaires, et
en endommageant chaque jour un peu plus
la qualité de la relation avec les consomma-
teurs.
Un tel systĂšme est formidablement inef-
ficace. Il utilise au plus mal le formidable
potentiel du numérique et des réseaux.
RecrĂ©er des moyens pour lâoffre et la
demande dâĂ©changer des signaux clairs
et non Ă©quivoques, permettre aux inten-
tions des consommateurs de sâexprimer
(âsur le modĂšle de lâintentcasting dĂ©crit
au chapitre 2, par exempleâ), rendra donc
les marchés beaucoup plus efficients et
produira par conséquent un surplus écono-
mique considĂ©rable. Restera Ă le partagerâ:
mais il est plus facile de partager une
valeur nouvelle quâune pĂ©nurie, surtout si
la confiance est Ă©galement de retour.
âąâą 33. Antoinette Rouvroy, "Face Ă la gouvernementalitĂ© algorithmique, repenser le sujet de droit comme puissance",
2011 - http://works.bepress.com/antoinette_rouvroy/43/
31. Dans une étude de 2011, McKinsey avance ainsi le chiffre de 300 milliards de dollars pour le seul secteur de la santé aux
Etats-Unis ; de 100 milliards dâeuros grĂące Ă âlâamĂ©lioration de la productivitĂ© des administrations publiques europĂ©ennesâ ; ou
encore, de 600 milliards de dollars de âsurplusâ gagnĂ©s par les consommateurs grĂące Ă lâutilisation de services gĂ©olocalisĂ©s. âą
32. Alan Mitchell, âBig Data, Big Dead Endâ, 2012 âą
Ref. p.59
ââ
ÇÇ âMais quâest-ce qui pourrait donc
conduire les entreprises Ă changer de perspec-
tive, Ă renverser ce quâelles font depuis 30 ans
- lâaccumulation unilatĂ©rale de donnĂ©es indi-
viduelles et de moyens toujours plus puissants
de les exploiter -, pour partager le potentiel des
donnĂ©es avec leurs clientsâ? Au risque, qui plus
est, de permettre Ă dâautres entreprises, star-
tups, nouveaux entrants et mĂȘme concurrents
Ă©tablis, de sâadresser Ă ces clients qui ne sont
plus ââcaptifsââ et de tirer parti des donnĂ©es dont
ils disposent dĂ©sormaisâ? Il faut donc explorer
la valeur Ă©conomique que le partage des don-
nĂ©es personnelles avec les individus quâelles
concernent peut produire, Ă la fois pour ceux
qui dĂ©tiennent aujourdâhui ces donnĂ©es, pour
les individus, et pour lâĂ©conomie en gĂ©nĂ©ral.
35. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeurâ?
04
6968
âąâą Des donnĂ©es de meilleure qualitĂ©
La qualité des données contenues dans les
bases marketing des entreprises est notoi-
rement basse et décroßt rapidement dans
le temps. Les consommateurs eux-mĂȘmes
nâont en effet, gĂ©nĂ©ralement, aucun intĂ©rĂȘt
particulier Ă en vĂ©rifier la pertinence ou Ă
les tenir Ă jour, puisquâelles nâont aucune
utilitĂ© pour eux. Ils peuvent mĂȘme choisir
délibérément de fournir des données impré-
cises, fausses ou alĂ©atoiresâ35
. En revanche,
un individu mis en situation dâexploiter
ses données pour son propre compte aura
intĂ©rĂȘt Ă leur qualitĂ© et leur fraĂźcheur ; et il
pourrait alors permettre aux organisations
avec lesquelles il entretient une relation de
confiance de sây ââabonnerââ, dans des condi-
tions dĂ©finies dâun commun accord et Ă©vi-
demment dâune maniĂšre rĂ©vocable.
âąâą 35. Caroline Lancelot Miltgen, âPropension Ă fournir des donnĂ©es personnelles mensongĂšres sur Internet :
une Ă©tude exploratoireâ, SystĂšmes dâInformation et Management, 2009
âąâą Encore la confiance... et la fidĂ©litĂ©
Partager avec ses clients les données dont
on dispose sur eux est une maniĂšre, pour
les entreprises, de répondre à la crise
de confiance et, plus profondément, de
redonner un sens Ă la relation commer-
ciale (âou, pour les administrations, Ă la
relation avec les usagersâ)â: une relation
adulte oĂč chacun Ă son mot Ă dire, Ă©coute
et respecte lâautre. Une sorte de retour aux
sources du mot ââcommerceââ, celui qui fait
dire que quelquâun est ââdâun commerce
agrĂ©ableââ... Et câest bien de la qualitĂ©
dâune relation, de la confiance qui la sous-
tend, que naissent fidĂ©litĂ© et loyautĂ©. VoilĂ
pourquoi le ââpapeââ du CRM, Don Peppers,
fait lui-mĂȘme du VRM ââla prochaine desti-
nation dans la marche de la technologieâ34
ââ
quâil dĂ©crit depuis 20 ans.
âąâą Une vraie avance Ă prendre
Les entreprises qui sâengageront les pre-
miĂšres dans la direction du partage des
données avec leurs clients peuvent en
escompter des bénéfices significatifs en
termes dâimage et de rĂ©putation. Plus
important encore, ces bénéfices peuvent
prendre la forme dâun avantage compĂ©titif
durableâ: le changement nĂ©cessaire pour
passer dâune relation clients monodirec-
tionnelle à un véritable échange sur la base
dâune information partagĂ©e est en effet
important et par conséquent, long et diffi-
cile à imiter. Il nécessite de faire évoluer le
marketing, les systĂšmes dâinformation, la
relation clients et une partie de la culture
dâentreprise.
En partant avant les autres, une entreprise
se dote dâune avance que ses concurrents
ne pourront pas rattraper de sitĂŽt.
2|Pour les dĂ©tenteurs de donnĂ©es personnellesâ:
fidélité, qualité, innovation
âąâą Inventer de nouveaux services
En ouvrant à des développeurs extérieurs
lâaccĂšs Ă certaines de leurs donnĂ©es et
de certains de leurs logiciels, le Crédit
Agricole (âCAstoreâ), suivi par Axa Banque,
ont suscitĂ© lâĂ©mergence de dizaines dâap-
plications qui ajoutent de la valeur Ă leur
relation avec leurs clients. Ces entreprises
montrent la voie, mais sans aller jusquâau
boutâ: les consommateurs nâaccĂšdent pas
eux-mĂȘmes Ă leurs donnĂ©es et surtout, les
services concernés ne peuvent travailler
quâavec les donnĂ©es (âou plus prĂ©cisĂ©ment,
les ââinterfaces de programmationââ, ou
APIâ) dâune seule entreprise.
LâĂ©ventail des services qui pourraient ĂȘtre
proposés à des individus qui disposeraient
dâun accĂšs Ă un grand nombre de donnĂ©es
issues des différentes organisations avec
lesquelles ils sont en relation est infini-
ment plus large. Mais ce que montrent le
CrĂ©dit Agricole et Axa Banque, câest que les
premiers bénéficiaires de cette dynamique
dâinnovation peuvent ĂȘtre les entreprises
dĂ©tentrices de donnĂ©es elles-mĂȘmes, au
service de la qualité et de la valeur ajoutée
de leur relation avec leurs clients.
34. http://www.peppersandrogersgroup.com/blog/2010/09/vrm-next-destination-in-techno.html âą
36. MesInfos | Cahier d'exploration Ou est la valeurâ?
04
7170
Aujourdâhui, une entreprise ne dispose
dâaucun moyen dâobtenir une telle richesse
dâinformation, et câest probablement
prĂ©fĂ©rable tant le risque dâabus serait
grand. Demain, le retour aux individus des
informations qui les concernent rend ce
scénario plausible, si les conditions per-
mettant dâĂ©viter les abus sont rempliesâ:
par exemple, en fournissant beaucoup
dâinformations mais pas son identitĂ©, en
passant par un ââtiers de confianceâ36
â qui se
ferait le représentant du consommateur,
ou encore en incluant des ââmarqueursââ qui
permettraient de vĂ©rifier que lâinformation
ne circule pas au-delĂ des destinataires
choisis par lâindividu.
Le bénéfice pour les entreprises tient en un
slogan de Doc Searlsâ: ââtake guesswork out
of marketingââ, faire Ă©voluer le marketing
dâune technique de divination des inten-
tions du consommateur à une méthode
de dialogue entre un consommateur et
une entreprise placĂ©s sur un plan dâĂ©ga-
lité et, désormais, équipés tous deux de
leurs ââsystĂšmes dâinformationââ respec-
tifsâ: CRM de lâun, VRM de lâautre. Avec
pour effet de réduire considérablement
la part de la dépense marketing dans la
fonction de coût, comme marque, non pas
de sa moindre importance, mais de sa plus
grande efficacité !
âąâą 36. La communautĂ© VRM parle plutĂŽt de âquarts de confianceâ (Fourth Parties) pour les distinguer des âtiersâ actuels,
gĂ©nĂ©ralement rĂ©munĂ©rĂ©s par les entreprises et qui reprĂ©sentent donc leurs intĂ©rĂȘts avant ceux des consommateurs.
âąâą Comprendre ce que veulent les consom-
mateursâ: le vrai ââ360°ââ
Le Graal de la ââvision Ă 360°ââ des pra-
tiques et attentes dâun consommateur est
Ă©videmment inatteignable par une orga-
nisation quelle quâelle soit. Tout au plus
peut-elle espĂ©rer disposer dâune vision
globale de sa relation avec un client, mais
celle-ci ne couvrira quâun petit cadran de la
vie de cet individu. A lâinverse, un individu
qui se trouverait Ă la tĂȘte dâune base de
données concernant à la fois ses finances
et sa consommation, sa mobilité et son
logement, sa vie professionnelle et ses
passions, sa santĂ©, etc., sâapprocherait
dâassez prĂšs du fameux ââ360°ââ.
Dans un cadre de confiance adéquat, rien
ne lâempĂȘcherait alors de mettre certaines
de ces donnĂ©es Ă disposition (âtemporaireâ)
dâuneouplusieursentreprises,parexemple
pour leur faire part dâune intention et la
qualifier dâune maniĂšre prĂ©cise. Le cabinet
britannique Ctrl-Shift parle de ââdonnĂ©es
personnelles proactivesââ (ânotre traduc-
tion de Volunteered Personal Informa-
tionâ)â: qui je suis, ce que jâaime et nâaime
pas, mes intĂ©rĂȘts, projets et intentions,
mes contraintes et capacités... fournies
volontairement mais dans un contexte et
un but précis et explicites.
âąâą Photoâ: KatB Photography - Creative Commons