Facebook, un outil dont personne ne parlait il y a seulement 5 ans, fait aujourd’hui partie de la vie quotidienne de centaines de millions de citoyens à travers le monde, qui en ont fait le prolongement électronique de leur vie sociale « réelle ». Loin de n’intéresser que les particuliers, le réseau social séduit également les entreprises et les organisations. De plus en plus de communes y sont présentes et l’utilisent pour enrichir leur communication avec les citoyens.
Convention des maires: l'échelon local au coeur de l'action pour un avenir én...
Ma commune et ses élus sur Facebook
1. Nouvelles technologies
Ma commune
et ses élus
sur Facebook
EDOUARD VERCRUYSSE, CONSEILLER EXPERT
P
Facebook, un outil dont personne ne parlait il y a seulement OUR AIDER LES COMMUNES à
mieux appréhender ce phénomène,
5 ans, fait aujourd’hui partie de la vie quotidienne de centaines l’Union des Villes et Communes de
de millions de citoyens à travers le monde, qui en ont fait le Wallonie lui a consacré une séance
prolongement électronique de leur vie sociale « réelle ». Loin de son Forum TIC en décembre 2011.
de n’intéresser que les particuliers, le réseau social séduit Pour Emmanuel Briard, Fondateur de
l’agence web Un pas plus loin, « Facebook
également les entreprises et les organisations. De plus en plus est un outil qu’on ne peut absolument pas
de communes y sont présentes et l’utilisent pour enrichir leur ignorer aujourd’hui », même s’il faut res-
communication avec les citoyens. ter raisonnable : « Ce n’est pas l’outil qui va
prendre la place de tous les autres ».
50 MOUVEMENT COMMUNAL N°866 MARS 2012
2. Nouvelles technologies
qu’on appelle l’e-réputation. C’est le service
minimum ».
Dans une seconde étape, la commune
pourra choisir d’ouvrir un compte sur
Enrichir Facebook et d’alimenter une page officielle
la communication de l’administration. Elle participera alors
de manière active et positive à la réputa-
avec les citoyens tion en ligne de l’entité.
via facebook Le dialogue,
une révolution
Attention toutefois, si la commune décide
de se lancer sur Facebook, ça ne doit pas
être pour communiquer à sens unique,
Comme avec tout outil de communication, comme avec un site internet. « Celui qui
l’important n’est pas tellement l’outil lui- pense qu’être sur un média social, c’est
même, mais plutôt ce que l’on va en faire. juste avoir une valve supplémentaire, pour
mettre les affiches de ses événements, il se
Des réseaux sociaux trompe », dit M. Briard. « Il doit accepter
entrés dans les moeurs que ce qui va être le plus important, ce sont
Il ressort du dernier baromètre des usages les commentaires ».
des TIC en Wallonie, réalisé par l’AWT, que Car la philosophie du dialogue est la dif-
43 % des Belges participent à des réseaux. férence essentielle qu’amène un média
Ce qui fait dire à M. Briard que « la pra- social comme Facebook par rapport aux
tique des réseaux sociaux est entrée dans les autres outils de communication. « C’est ça
mœurs en Belgique ». la véritable révolution, bien plus que l’ou-
Qui sont ces 4 millions d’utilisateurs til technologique. Les gens veulent donner
belges de Facebook ? Remarquons leur avis, ils veulent pouvoir s’exprimer, ils
d’abord qu’il s’agit autant de femmes que veulent être écoutés », poursuit M. Briard.
d’hommes. Leur moyenne d’âge est de Cédric Tumelaire, Echevin à Waterloo,
31 ans. « La tranche d’âge qui progresse abonde dans le même sens : « Les réseaux
le plus aujourd’hui sont les femmes de 55 sociaux nous posent la question : est-on
ans », dit M. Briard. « Croire que Facebook prêt à aller à la rencontre des citoyens, sur
est un média de jeunes est faux. C’est réel- internet aussi, et de communiquer avec eux
lement un média transgénérationnel et, si dans le vrai sens du partage ? Soit on pousse
on regarde les pays nordiques, on voit que l’information et on verra bien aux pro-
les plus gros utilisateurs des médias sociaux chaines élections, soit on construit quelque
sont les per
personnes âgées ». chose avec les citoyens et on a des projets
« Je pense qu’il est difficile communs ».
aujourd’hui de se fermer On retrouve chez les communes présentes
les yeux et les oreilles à 43 % sur Facebook une même motivation à
Si l’on parle tant de des personnes qui peuvent enrichir leur communication avec un outil
Facebook aujourd’hui, s’exprimer », dit M. Briard. qui est largement utilisé par les citoyens.
c’est parce que c’est le Cela signifie-t-il que les Comme le dit Julien Vanderweerden, Res-
leader des réseaux sociaux. communes n’ont pas d’autre choix que de ponsable Communication de la commune
Il en existe toutefois de nombreux autres se lancer sur Facebook ? « Cette question, le de Braine-l’Alleud, « s’engager sur Face-
qui ont plus ou moins de succès en citoyen ne se la pose pas. On parle de toutes book est une façon de s’ouvrir aux 4 millions
fonction des zones géographiques, des les communes sur Facebook, que vous le de Belges qui y sont déjà ».
usages,… « Il ne faut pas être trop fétichiste vouliez ou non, que vous soyez présents ou Et de fait, Facebook offre l’opportunité aux
de la plate-forme Facebook », dit M. Briard. pas ». villes et communes d’élargir de manière
« Il vaut mieux se dire : j’ai une stratégie de Pour M. Briard, l’attitude minimale est intéressante la cible de leur communi-
communication vis-à-vis de mes citoyens, celle de l’observation : « On peut être pré- cation. « La motivation était avant tout
aujourd’hui je passe par Facebook mais sent sur les réseaux sociaux d’une première de créer de la visibilité auprès d’un public
peut-être que demain je complèterai avec manière : simplement en observant ce qui se qui ne va pas forcément sur le site internet
d’autres choses. Ce sera peut-être avec raconte. Pour les communes et les hommes communal », explique pour sa part Pascal
Google +, le nouveau réseau lancé par politiques, ça peut être une position de base. Vandercruyssen, Responsable de la Com-
Google ». Simplement savoir ce qui se raconte, ce munication numérique à Tournai.
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3. Nouvelles technologies
Par rapport au site internet communal, avant de concrétiser leur présence sur L’expérience de Tournai est similaire : « En
Facebook a un réel avantage, celui de Facebook. La principale crainte concer- deux ans d’expérience sur Facebook, on a eu
fonctionner en mode « push », c’est-à-dire nait l’aspect participatif de l’outil et les deux soucis, un commentaire qui s’en pre-
en poussant l’information vers l’utilisateur. commentaires des utilisateurs. Et qui dit nait directement à une personnalité poli-
M. Vanderweerden : « Quand on publie commentaire, dit risque de dérives. tique, et un autre qui prônait le nazisme »,
une information sur notre site internet, il « Curieusement, cette crainte ne s’est pas explique Pascal Vandercruyssen. « Les
faut que les gens se rendent sur celui-ci pour confirmée », rassure Julien Vanderweerden deux commentaires ont été rapidement sup-
la découvrir. Sur Facebook, l’information de Braine-l’Alleud. « Il y a bien sûr parfois primés. Ce sont les deux seuls cas, je m’atten-
arrive tout de suite dans la poche des gens. des choses à modérer, mais c’est rare. Cela dais à plus ».
C’est le gros avantage qui nous a poussé à s’explique sans doute par le fait qu’on ne Par prudence, Tournai a également pris le
nous lancer sur les médias sociaux ». s’exprime pas de manière anonyme sur parti de supprimer systématiquement les
Facebook. Quand quelqu’un poste un com- commentaires qui contiennent une infor-
Des commentaires, mentaire sur notre page, son nom et son mation commerciale ou un lien vers un site
peu de dérives prénom figurent à côté ». En quand on parle commercial.
A Tournai comme à Braine-l’Alleud, les à son nom, on fait généralement attention Les craintes ne viennent pas uniquement
appréhensions n’ont toutefois pas manqué à ce qu’on dit. des mandataires mais aussi de l’adminis-
tration. « Avec Facebook, c’est tout le pro-
cessus administratif qui est remis en cause »,
dit M. Vandercruyssen. L’immédiateté des
réseaux sociaux se confronte au temps de
l’administration. « Quand on a un com-
mentaire, faut-il l’imprimer, l’envoyer à
l’échevin responsable et attendre le retour
d’une note de service avant de republier
l’information ? ». Ce cheminement admi-
nistratif classique n’est pas possible avec
Facebook, trop long, pas assez réactif.
L’important
n’est pas l’outil
lui-même…
Un outil séduisant
mais exigeant pour le mandataire
Le mandataire perçoit généralement plus
rapidement que l’administration com-
munale l’opportunité d’utiliser Facebook
pour sa communication personnelle.
Cédric Tumelaire, Echevin à Waterloo :
« Il y a des milliers de Waterlootois qui
sont sur Facebook. Cela veut dire autant
d’électeurs. En tant qu’homme politique,
c’est ce qu’on va chercher. Si on va sur
Facebook, c’est pour faire du networking,
c’est pour dire ‘les amis de mes amis sont
mes amis’».
Pourquoi avoir choisi Facebook plutôt
qu’un autre outil ? « Le premier argument
pour moi était que c’était gratuit. Il ne faut
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4. Nouvelles technologies
rien payer, vous êtes dessus du jour au len- La stratégie est la même à Braine-l’Alleud. donc faire court. « Quelque chose qui tient
demain », dit M. Tumelaire. « C’est facile « On évite ainsi de se disperser et de devoir sur un demi-A4 sur le site, j’essaye d’en
d’accès, c’est très rapide. Cela permet de maintenir et alimenter plusieurs commu- faire 3 ou 4 lignes sur Facebook, pas plus.
vivre virtuellement 24h sur 24 ». nautés », dit Julien Vanderweerden. Il s’agit souvent de contenu dupliqué. Ce
Attention toutefois : un mandataire Ce n’est pas le contenu qui manque pour n’est qu’un résumé de ce qui se trouve sur
actif sur Facebook peut y passer beau- alimenter la page de la commune. Mais le site », dit M. Vandercruyssen.
coup de temps. « C’est du 7 jours sur 7 », on ne publie pas sur Facebook comme sur Miser sur Facebook n’implique pas que la
confirme M. Tumelaire. « Quand on est un site internet. Car, étant donné que les commune doit délaisser son site internet.
sur Facebook, les gens attendent qu’on leur informations que la commune poste sur Les deux outils ont leurs spécificités et se
réponde, que ce soit à 7h du matin quand sa page Facebook s’affichent également complètent mutuellement. Cette complé-
vous vous levez ou à 22h quand vous allez dans le flux d’annonces de l’ensemble de mentarité peut utilement être mise à profit.
vous coucher. Quand on regarde les com- ses « amis », il faut veiller à ce qu’elles ne « Le site internet est alimenté régulièrement
mentaires qui défilent, on constate qu’à submergent pas ceux-ci. et permet de publier des contenus longs. Sur
22h ça bouge pas mal ». Pour éviter cela, Braine-l’Alleud a pris Facebook, on communique de l’info pure-
Au niveau de la commune, la gestion du l’habitude de ne publier sur Facebook ment fonctionnelle, par exemple ‘C’est la
compte Facebook requiert également qu’une information par jour. « On évite Toussaint, le ramassage des poubelles est
une grande disponibilité. A Tournai, une ainsi que les gens qui vont consulter leur décalé de deux jours’ Cela tient en une ligne
.
personne seule s’y consacre environ 2 compte Facebook en fin de journée se et ça permet au gens de ne pas l’oublier », dit
heures par semaine. « Ce ne sont pas de retrouvent avec 5 informations de la com- Julien Vanderweerden.
long moments passés derrière le PC. J’y tra- mune parmi leurs informations d’amis.
vaille par courte période mais de manière Cela risquerait de les noyer avec des choses Mesurer le succès
régulière, souvent au moyen de mon smart- qui ne sont pas forcément leur premier La commune peut suivre l’évolution des
phone. Cela peut être le samedi matin 5 centre d’intérêt », explique Julien Van- visites et des commentaires sur sa page
minutes, sur l’heure de midi ¼ d’heure », derweerden. « Le fait de publier une info Facebook grâce à un certain nombre d’ou-
explique M. Vandercruyssen. par jour nous permet aussi de garder un tils statistiques que propose Facebook.
A Braine-l’Alleud comme à Tournai, c’est certain dynamisme et d’éviter que la page « Le module statistique permet d’avoir une
le Service Communication qui a été dési- de Braine-l’Alleud soit une page morte », idée du succès de notre présence sur Face-
gné pour gérer la présence de l’entité sur poursuit-il. book », dit M. Vanderweerden. « On peut y
Facebook. C’est lui qui poste les actualités voir le nombre de « j’aime », la population
et qui modère les commentaires. Chaque qui vient sur notre compte, le nombre de fois
fois qu’un commentaire est publié sur la où une publication est vue, le nombre de fois
page de la commune, le responsable le où les gens ont cliqué dessus, le nombre de
reçoit directement sous forme de courrier … mais fois où une publication a été partagée,...
électronique. Cela permet une réaction
rapide le cas échéant.
ce que l’on va C’est pratique et ça permet de voir les thé-
matiques qui fonctionnent le mieux. », dit
La gestion des médias sociaux représente en faire M. Vanderweerden.
une nouvelle tâche au sein des communes. M. Vandercruyssen : « On est actuellement
« De plus en plus de sociétés et d’adminis- à 4936 personnes qui aiment la page Ville
trations désignent ou engagent un ‘commu- de Tournai. De janvier à novembre 2011, les
nity manager’pour cela », dit Emmanuel contenus qui ont été publiés sur le mur de
Briard. « C’est une nouvelle fonction qui Facebook se prête également bien à la Tournai ont été affichés 786 000 fois sur des
offre des perspectives. Il faut savoir animer publication d’informations plus anecdo- murs d’amis de la page. Pendant la même
une communauté et la modérer. Il peut être tiques, qui sont parfois celles que les uti- période, 1 413 commentaires ont été publiés.
intéressant pour une commune d’investir lisateurs apprécient le plus. Par exemple, La tranche d’âge 18-34 ans représente plus
dans ce genre de profil ». « pour la date anniversaire de la mort de ou moins 50 % des visites. La tranche 35-44
Clovis, on a fait un petit in memoriam. représente 16 % des visites mais elle aug-
La stratégie du contenu Voilà une petite communication. Il y a mente. Par contre, au-delà de 50 ans, on ne
Les communes actives sur Facebook ont des gens qui répondent à ce type d’infor- voit pas encore de réelle augmentation ».
généralement choisi de rassembler sur un mation. Cela montre qu’on n’est pas tou- Facebook permet d’aller assez loin dans
unique compte Facebook l’ensemble des jours obligé d’avoir une communication l’analyse des statistiques. On peut par
informations relatives à la vie de l’entité. très calibrée, administrative », dit Pascal exemple voir le nombre de fois que chaque
Pascal Vandercruyssen : « Tout est centra- Vandercruyssen. billet a été affiché sur une page Facebook.
lisé dans une page qui s’appelle Ville de En ce qui concerne le formatage des Depuis peu, les statistiques peuvent éga-
Tournai. On n’ouvre pas pour le moment textes, il est indispensable d’adapter le lement être exportées, ce qui donne la
de pages par service ou par thématique. contenu de manière à permettre une lec- possibilité à ceux qui le souhaitent de les
C’est un choix pour pouvoir plus facilement ture rapide. Facebook n’est pas adapté intégrer à des rapports ou à des outils de
contrôler ce qui se dit ». pour la lecture de longs textes. Il faut reporting existants.
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