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UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE




CELSA
Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication


MASTER 1re année
Mention : Information et Communication
Spécialité : Médias et communication




       « PORN 2.0 : l’industrie du X confrontée aux enjeux
                            du Web »


Nom, Prénom : Yelengwe Tatiana

Promotion : 2010-2011

Option : Médias et communication

Soutenu le :

Note du mémoire :

Mention :




Préparé sous la direction du Professeur Séverine Barthes




                                            1
TABLE DES MATIERES

Remerciements……………………………………………………………………………….p.3
Introduction……………………………………………………………………………………p.4-8
I/ L’industrie pornographique, un business aux barrières étanches……………………p.8-20
       A. Une définition difficile : où commence et où s’arrête la pornographie ?.....p.9-14
          1. Une définition tangible au gré des évolutions socioculturelles………..p.9-12
          2. Erotisme VS pornographie : art légitimé VS voyeurisme illégitime ?....p.12-14
       B. Une industrialisation des tendances du sexuel……………………………….p.14-20
          1. Influence de la pornographie ou pornographie influencée ?................p.15-17
          2. Quand l’espace médiatique se « porn-érotise »………………………….p.17-20

II/ Pornographie et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) :
un croisement « chiasmique »……………………………………………………………….p.21-34
       A. Thank you Porn ! ou un essor technologique précipité par l’industrie du X.p.22-27
          1. Une industrie avant-gardiste des nouvelles technologies………………p.22-24
          2. Le cybersexe, maître de la toile ?.........................................................p.24-27
       B. The Internet is for Porn ! ou l’ère de la révolution sexuelle numérique…….p.27-34
          1. Le porno, le lien inavouable entre l’Internet et l’internaute………………p.28-31
          2. Le Web 2.0 est né, à mort le Porn 2.0 !................................................p.31-34


III/ Le Porn 2.0, moteur de démocratisation et d’innovation……………………………..p.34-44
       A. Un nouveau tube économique pour l’industrie du X………………………….p.35-40
          1. Les porntubes, un fléau précieux pour l’industrie pornographique ?…..p.36-38
          2. Vers une redéfinition de la stratégie de communication du X…………..p.38-40
       B. Une démocratisation qui garantit l’innovation multi-support…………………p.40-44
          1. L’industrie pornographique conquiert les technologies offline………….p.40-42
          2. L’industrie taboue du X sous la lumière médiatique……………………...p.42-44


Conclusion……………………………………………………………………………………...p.45-48
Résumé…………………………………………………………………………………………p.49
Mots-clés………………………………………………………………………………………..p.50
Bibliographie……………………………………………………………………………………p.51-54
Annexes………………………………………………………………………………………...p.55-66




                                                     2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tout d’abord toutes les personnes qui ont ri, qui se sont outrées ou

qui m’ont regardé comme une bête de foire curieuse lorsque j’ai évoqué le sujet que je

souhaitais aborder, car elles n’ont fait que me motiver encore plus dans mon choix

d’étude et m’ont conforté dans l’idée qu’il y avait un intérêt crucial à oser l’aborder.

Ensuite, je tiens à remercier un ensemble d’élèves du Celsa que je ne pourrai pas tous

citer ici, mais en priorité Hadrien Fiere, Plandé Alexia, Lucie Rico, Justine Forest, Claire

Dumont, Alix Rougevin-Baville… d’avoir alimenté tout au long de l’année ce groupe

Facebook qui restera gravé dans les annales (et ceci sans mauvais jeu de mots) « Je ne

regarde pas de films pornos, j’aide juste Tat’ à faire son mémoire ». Ils m’y ont fourni

des anecdotes parfois croustillantes et insolites mais surtout une matière très souvent

utile pour ma veille et pour l’élaboration de ce mémoire. Alors, un grand merci à eux et à

tous ceux que je n’ai pas pu citer. Je tiens à remercier également mes collègues de

stage pour toutes les discussions sur le sexe faites à table lors de déjeuners au bureau,

qui en fait m’ont montré à quel point ce sujet peut engendrer des débats et discussions

sans fin, passionne et excite la curiosité des personnes qui sautent sur l’occasion d’en

parler dès qu’elle se présente. Un merci tout particulier à Sébastien qui m’a fourni des

données précieuses pour mon étude. Je tiens bien évidemment à remercier Gonzo, le

créateur du site Le Tag Parfait, ainsi que Guillaume le créateur du site Paradx pour avoir

acceptés de répondre à toutes mes questions avec une extrême gentillesse. Je tiens

ensuite à remercier ma tutrice de mémoire Séverine Barthes pour son attention. Je

remercie également mon esprit un peu dérangé d’avoir choisi sans hésitation d’aborder

ce sujet. Et je remercie enfin les acteurs du Porn 2.0 d’avoir révolutionné l’industrie du

X et de m’avoir de ce fait permis de mener une étude passionnante sur cette industrie

souterraine qui évolue en filigrane de la société.




                                             3
INTRODUCTION
       Lorsqu’on choisit de se lancer dans la rédaction d’un mémoire qui traite de la
pornographie, on se retrouve confronté non seulement à ses propres préjugés mais
surtout à ceux des autres. Une des premières questions qu’on se pose à soi est
« Comment vais-je réussir à justifier de mon choix sans passer pour l’obsédée
sexuelle du coin ? ». En effet, s’il y a bien un a priori qui est associé à celui ou celle
qui décide de s’intéresser de près ou de loin à la pornographie, c’est cette image de
perversion sexuelle à caractère semi-pathologique. Dès lors, aborder le thème de
son mémoire en société, c’est accepter de se retrouver dans un rapport paranoïaque
à l’attention. Il s’agit qu’une personne soit au courant de la thématique que vous
étudiez pour que l’ensemble de la pièce soit très rapidement au courant et que toute
l’attention se porte sur vous. Finalement, vous vous retrouvez tout au long de la
soirée dans une posture où vous vous persuadez que chacun se fait des idées plus
ou moins énonçables sur vous, vos pratiques sexuelles et votre éthique. En bref, si
chaque humain a tendance à juger les personnes autour de lui, le jugement dans ce
cas devient inévitable. Il m’aura suffi d’énoncer une première fois mon sujet à des
interlocuteurs pour réaliser la complexité sociologique qu’il contient. Entre réactions
amusées, étonnées, embarrassées, d’incompréhension voire de dégoût, j’ai pu voir
de la part de mes interlocuteurs bon nombre de réactions différentes et
contradictoires. Néanmoins, un point commun à toutes ces personnes est la curiosité
suscitée par le sujet. La pornographie, c’est curieux et encore plus quand c’est une
personne de sexe féminin qui décide d’en parler. L’image sexiste de ce sujet est un
autre préjugé auquel j’ai pu être confronté : la pornographie n’est faite que pour les
hommes et par conséquent ne peut intéresser que les hommes. Qu’on se le dise, la
pornographie n’apparaît pas comme un sujet noble, un sujet dont l’étude serait
immédiatement acceptée comme légitime. On se sent toujours obligé de se justifier
afin de ne pas paraître ce que les autres aimeraient croire, à tort ou à raison, que
nous sommes, ou juste pour prouver qu’il y a un intérêt à ce que nous faisons. C’est
d’abord cet aspect qui m’a intéressé et qui m’a motivé à commencer cette étude.
Pourquoi tant d’embarras face à ce sujet ? Pourquoi l’étudier est perçu comme
insolite et osé ? Aujourd’hui, le sexe est un sujet bien moins tabou que par le passé,
nous sommes envahis par des représentations de la sexualité de plus en plus osées


                                            4
et audacieuses aujourd’hui et pourtant la pornographie bénéfice toujours d’un halo
de mystère et de pudeur lorsqu’elle entre dans la discussion. Il suffit de regarder
autour de soi pour s’apercevoir que la pornographie est de plus en plus ancrée dans
notre quotidien médiatique (émissions TV, films, magasines…) et social (termes
issus du milieu devenus usuels dans le langage populaire). Le rapport à la nudité a
évolué et il n’est pas rare de croiser une fois dans la journée une affiche publicitaire
qui met en avant un corps fortement dénudé. Et pourtant, l’industrie du sexe
(expression anglo-saxonne) continue d’être un sujet tabou malgré sa production
massive et l’érotisation visible de notre espace quotidien. Vis-à-vis du sexe et non
pas seulement de la sexualité, les discours sont souvent d’esquive : on mentionne,
on cite, on signale, mais on analyse peu. Et pourtant, même sans            s’intéresser
profondément au sujet, chacun peut s’apercevoir que derrière le mot pornographie
est présent une industrie puissante qui génère d’énormes revenus grâce aux
services qu’elle propose pour combler les attentes de ses consommateurs. Or si offre
marchande il y a, c’est qu’il y a demande. Le porno se consomme avec frénésie, tel
un fast-food du sexe et pourtant il est constamment pointé du doigt dans un rapport
de fascination-répulsion. Contenus vidéos, magasines, objets sexuels, téléphones
roses… le monde de la pornographie est un empire industriel du sexe qui a ses
codes, ses icônes, ses adeptes et ses médias. Mais aujourd'hui comme d’autres
grandes industries médiatiques telles que la musique et l’industrie du cinéma
traditionnel, elle est confrontée à une (r)évolution sans précédent qui est celle de
l’arrivée du « Porn 2.0 ». C’est-à-dire l’envahissement sur Internet de ces nouveaux
acteurs qui proposent des contenus gratuits et de façon originellement illégale aux
internautes, via des plateformes dédiées de streaming (lecture en continu) qui leur
permettent de visionner/écouter en ligne des contenus d’ordinaires payants. Ces
nouvelles plateformes, qui ont pris en vol l’avènement du phénomène Web 2.0,
privilégient la notion de partage et de démocratisation du divertissement pour
l’internaute au détriment des bénéfices des industries créatrices de ces contenus. Et
l’industrie pornographique n’y échappe pas. Ces dernières années des sites de
streaming sont apparus offrant aux internautes qui le souhaitent des contenus
pornographiques gratuits à visionner en ligne. Comment l’industrie gère-t-elle cette
nouvelle donne qui lui fait perdre des revenus considérables ? C’est un article web




                                           5
du site Numerama.com1 qui m’a convaincu qu’il serait intéressant de s’intéresser aux
moyens mis en œuvre par cette industrie pour pallier aux problèmes que peuvent
engendrer ces nouveaux acteurs. L’article s’interrogeait sur la possibilité que
l’industrie pornographique réussisse plus rapidement que la musique et le cinéma
traditionnel à éradiquer le problème. Je me suis alors demandé à mon tour pourquoi
y arriverait-elle mieux que les autres ? Quels sont les réels problèmes que rencontre
le business du sexe aujourd’hui et quels moyens sont mis en œuvre pour gérer le
phénomène 2.0 ? Quelle place a le porno Ŕ j’utiliserai cette abréviation
volontairement pour souligner son caractère populaire - sur la toile ? Au départ, j’ai
eu le sentiment de ne rien trouver de bien concret, théorique et analytique sur le
sujet. Puis, j’ai fini par trouver des écrits intéressants qui abordaient la question et me
suis penchée dessus pour comprendre mieux les enjeux sociologiques de la
pornographie. J’ai été d’ailleurs impressionnée par le nombre d’articles publiés
chaque mois abordant la question du porno. Il faut dire que l’actualité du milieu a été
plutôt mouvementée ces derniers temps et a posé de nombreuses questions qui ont
attrait au rôle d’Internet dans notre société mais également au rôle que peut tenir la
pornographie dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC). J’ai visité un ensemble de sites qui proposent du contenu
porno gratuit et ai voulu comprendre leur fonctionnement ainsi que la valeur ajoutée
de cette offre en dehors de sa simple gratuité. Je me suis interrogée sur l’image du
porno dans notre société et sur la gestion de cette image par l’industrie elle-même.
J’ai observé la manière dont le rapport au sexe et à la sexualité de notre société est
mis en avant dans les médias et me suis interrogée en parallèle sur le présent et
l’avenir de l’industrie pornographique face à une frontière qui semble parfois devenir
très mince entre elle et la presse traditionnelle. J’ai voulu comprendre le paradoxe
entre une industrie qu’on prétend vouloir cacher voire refouler et un ensemble de
preuves qui montrent que les produits de cette industrie sont quasi de consommation
courante. Nous sommes dans une époque où on n’a peut-être jamais autant
consommé de porno et de façon plus libre et assumée grâce notamment à la gratuité
et à l’accès facilité des contenus sur le web. Pourtant cette évolution semble avoir fait
entrer l’industrie pornographique dans une crise économique majeure qui mettrait un

1
  Julien L., « L’industrie porno entend mettre un terme au piratage d’ici 2012 », Numerama, [disponible en
ligne : http://www.numerama.com/magazine/17164-l-industrie-porno-entend-mettre-un-terme-au-piratage-d-
ici-2012.html], publié le 26 octobre 2010, consulté le 26 octobre 2010.

                                                    6
peu plus chaque jour à l’échec les fondamentaux qui ont assis sa puissance.
Sommes-nous en train d’être témoins de la fin annoncée des profits d’un empire du
sexe puissant ? Cette industrie originellement condamnée à exercer dans l’ombre
comme un vilain canard que la société traîne ne peut-elle pas tirer des avantages de
cette évolution des mœurs et de la consommation ? Le Porn 2.0 n’est-il qu’un fléau
inévitable ou peut-il être une révolution dorée pour l’industrie pornographique ?
        Pour répondre à cette interrogation, je tenterai dans une première partie de
montrer que l’industrie pornographique est un business aux barrières étanches.
J’y aborderai d’abord la question de la définition difficile du mot « pornographie » qui
ne cesse de se modifier au bon gré de l’évolution des mœurs du temps dans lequel il
s’inscrit et montrerai également l’insuffisance de la condition première de sa
définition, à savoir la mise en scène du nu. Je mettrai également en avant cette
industrialisation des tendances du sexuel que fournit la pornographie en essayant de
voir quels rapports d’influence s’établissent entre elle et la société ainsi que les
codes qui la régissent. Enfin, je terminerai cette partie en abordant la question de
l’érotisation de notre environnement médiatique quotidien. Pour ce faire, je
distinguerai d’abord érotisme et pornographie et verrai quelle fraternité ennemie les
lie, puis je montrerai comment l’espace médiatique porn-érotise notre quotidien
visible.
        Dans une seconde partie, je mettrai en exergue le lien intrinsèque qui existe
entre      la   pornographie   et   les   nouvelles   technologies   d’information   et   de
communication.
J’y démontrerai dans un premier temps que l’industrie pornographique contribue au
succès des NTIC et fait preuve d’une adaptation constante à leur évolution qui lui
vaut une réputation d’avant-gardiste technologique. Nous verrons que cette position
appose le cyber-sex comme suite logique de cette double avancée techno-sexuelle.
Puis dans un second temps, nous verrons qu’Internet et le sexe sont indissociables
malgré l’hypocrisie du discours. J’aborderai d’abord dans cette partie la
consommation pornographique des internautes, puis le conflit entre cybersexe et
désir de protection des mineurs et enfin je développerai la manière dont le Web 2.0 a
donné naissance au Porn 2.0 et les conséquences économiques néfastes qui en
résultent.
        Dans une troisième partie enfin, je montrerai comment ce Porn 2.0 stimule
l’innovation multi-support et démocratise l’industrie pornographique.

                                               7
En premier lieu, je démontrerai que les sites de streaming porno (les porn-tubes)
génèrent de plus en plus de revenus à l’industrie pornographique en détaillant dans
un premier temps le fonctionnement et l’offre contenu dans ces sites, puis en mettant
l’accent sur le système publicitaire mis en place sur ces mêmes sites.
Pour finir, nous verrons comment ces évolutions de format de visionnage permettent
la multiplication de supports d’achat et une visibilité plus grande et démocratisée
pour l’industrie. Il s’agira de voir d’abord l’innovation des supports d’offre offline, puis
de voir comment la tendance Porn 2.0 permet à de nouveaux acteurs du web de
devenir (in)volontairement des ambassadeurs de l’industrie pornographique,
accentuant par la même occasion une certaine décomplexion de la consommation
d’un porno qui ne se cache plus tout à fait         dans un emballage discret sous le
manteau.




I/ L’industrie pornographique : un
business aux barrières étanches

   La pornographie en tant que réelle industrie de consommation prend une réelle
ampleur au moment de l’avènement de la cassette vidéo VHS qu’elle a largement
contribué à démocratiser. L’industrie a toujours embrassé chaque nouvelle
technologie et a toujours fait en sorte de se faire une place sur l’ensemble des
supports    médiatiques,    enregistrant    toujours   un    fort   succès   auprès     des
consommateurs. De ce fait, l’industrie a rapidement et considérablement crû,
devenant un business puissant avec ses patrons, ses égéries, ses événements et
son argent. Seulement, en s’appropriant à son gré de nombreux espaces
médiatiques à travers le temps, les barrières du business sont devenues de plus en
plus difficiles à définir. De plus, les évolutions culturelles de notre société occidentale
qui mettent en avant une sexualité assumée et libérée à travers différents moyens de

                                             8
communication, contribuent à rendre toujours plus obscure les frontières du monde
pornographique et du monde public.




       A. Une définition difficile : Où commence et où s’arrête la
           pornographie ?


Aujourd’hui, quand on évoque le mot « pornographie », le premier élément de
définition qui vient à l’esprit des personnes est en relation avec les films produits par
les sociétés de production de vidéos pornographiques. Or, si de façon métonymique
cette industrie est devenue un moyen de définition de la pornographie, elle n’en est
qu’un des éléments, bien que devenu le plus important. La pornographie, chacun en
a une représentation et est capable de donner son point de vue sur ce qu’il considère
être de la pornographie ou non. Mais justement, c’est là que réside la difficulté de la
définition de cet item. Alors qu’une définition doit pouvoir être l’émission d’un
jugement objectif, la pornographie se voit toujours empreinte d’un jugement subjectif.
Ce défaut de considération rend de ce fait sa définition soumise à l’espace spatio-
temporel dans lequel évolue et aux évolutions socioculturelles de cet espace. D’une
époque à une autre, ce qui était pornographique ne l’est plus et se voit basculer dans
le registre de l’érotisme. Mais qu’est-ce que l’érotisme par rapport à la pornographie
et comment définir une frontière entre deux registres qui semblent se confondre en
fonction des évolutions bienséantes de la société dans laquelle ils s’inscrivent ?




       1. Une définition tangible au gré des évolutions socioculturelles



       Pour chercher la définition du mot pornographie, mon premier réflexe fut de
regarder dans un dictionnaire. Or en ouvrant le « Larousse 2009 », j’ai pu remarquer
que ce dernier donne une définition très incomplète de la pornographie en affirmant
que l’on reconnaît la pornographie à la « présence de détails obscènes dans
certaines œuvres littéraires ou artistiques »2. Cette définition pose la question de la

2
    Petit Larousse, edition 2009, (ISBN – 10 : 2035840708, ISBN – 13 : 978-2035840707) 1812 p.

                                                        9
subjectivité qu’on place dans la représentation des termes, à savoir à partir de quel
moment peut-on dire qu’on entre dans l’obscène et à partir de quel moment en sort-
on ? Ce même Larousse définit obscène comme étant ce « qui blesse ouvertement
la pudeur, surtout par des représentations d’ordre sexuel ou scatologique. » De la
même façon, qui peut déterminer la limite de pudeur des uns et des autres ? Enfin,
cette    définition     de    la   pornographie         semble      émettre      une     distance      entre
« certaines œuvres littéraires ou artistiques » mais desquelles s’agit-il, comment les
reconnaît-on ? Cette définition relativement incomplète du Larousse ne permet pas
de comprendre les tenants et les aboutissants de la pornographie et semble refléter
l’embarras qui se situe autour du sujet. Le dictionnaire, ouvrage à visée objective
destiné au grand public et à tous les âges, semble effectuer une sorte d’autocensure
sur sa propre définition pour respecter une certaine pudeur conventionnelle, une
bienséance de la définition, à travers une «réduction d’un champ lexical à deux
grandes catégories qui reflètent une hiérarchie du tolérable, mais aussi un imaginaire
des dangers ».3 Si on s’intéresse à l’étymologie du mot, « pornographie » dérive du
grec ancien πορνογράφος / pornográphos qu’on pourrait traduire par « écriture sur
les prostituées ». On voit à travers l’étymologie l’amalgame qui peut donc surgir entre
prostitution et pornographie. La pornographie serait cette mise en image, cette mise
en scène du travail de la prostituée qui vend son corps pour satisfaire un client en
quête de sensations sexuelles fortes. Avec l’arrivée des films pornographiques (le
premier sorti en salle et qui escompta un succès sans précédent est                                « Gorge
Profonde » de Joseph W. Sarno en janvier 1972 qui propulsa son actrice Linda
Lovelace), le terme pornographie s’est assimilé à la « représentation d’actes sexuels
ayant pour objectif d’exciter sexuellement le spectateur » 4 . Mais ici encore, la
définition a ses limites, car à quel moment détermine-t-on que l’objectif de telles ou
telles représentations est d’exciter sexuellement le spectateur ? Cela nous amène
d’ailleurs à nous intéresser aux représentations socioculturelles du sexe et de l’acte
sexuel. En effet, peut-on penser que les sculptures de positions sexuelles multiples
qui ornent les temples de Khajurâho en Inde aient été dans le but d’exciter
sexuellement les spectateurs venus honorer leurs Dieux ? De la même façon, en


3
 GOULEMOT Jean M., Ces livres qu’on ne lit que d’une main, p.24, Minerve, 1994
4
  ROOF Judith, Encyclopedia of Sex and Gender, vol. 3 : J-P, p. 1173, The Gale Group, 2007 (ISBN 0-02-865963-
5), « Pornography »,


                                                     10
2009, les spéléologues du CDFSC (La Chaux De Fonds Spéléo Club) ont découvert
une grotte ornée paléolithique dont les parois sont recouvertes d’une succession de
dessins de personnages humains dans des positions lascives5 qui fonctionneraient
comme le zoopraxiscope d’Eadweard Muybridge. Il semblerait donc que depuis
toujours, les humains aient représenté des situations sexuelles, mais l’objectif n’étant
pas forcément toujours d’éveiller l’appétit sexuel chez les autres. De plus, il faut
prendre en compte l’évolution des mœurs dans la société à travers le temps, qui
complexifie encore plus la limite entre ce qui relève de la pornographie et ce qui n’en
relève pas. En effet, certaines œuvres littéraires ou artistiques qui furent critiquées,
interdites et considérées comme pornographiques par le passé (par exemple les
œuvres du XVIIIe siècle du Marquis de Sade qui ne seront réhabilitées qu’au milieu
du XXe siècle), ne sont plus pointées du doigt comme étant des œuvres profanes et
apparaissent même comme des œuvres littéraires classiques (Les fleurs du mal,
Baudelaire ou encore Gamiani ou deux nuits d’excès, Alfred de Musset). De la même
façon, des images contemporaines qui paraissaient tendancieuses avant ne le sont
plus aujourd’hui et nous font même parfois sourire. L’image sexuelle doit être prise
dans une époque culturelle particulière pour que le « mécanisme » sensoriel
fonctionne. Quand dans les années 70, le seul fait de mettre en scène au cinéma un
couple mimant l’acte sexuel apparaissait comme scandaleux, on remarque que dès
les années 90, cela est devenu commun voire fréquent. Chacun des enfants de cette
génération peut encore se souvenir de tous les moments passés à se cacher les
yeux devant une scène ou encore des parents en train de se dépêcher de chercher
la télécommande pour zapper le temps que «la scène se termine ». Ce genre de
situations soulève un autre problème dans la définition de la pornographie qui est la
question de l’exposition aux différentes tranches d’âge de la société. Ne devrait-on
pas également inclure dans la définition, les limites de l’exposition à ces contenus à
certaines personnes, notamment les plus jeunes ? L’âge ne peut-il être un élément
déterminant pour la définition ? On l’aura compris, la difficulté de la définition de la
pornographie réside dans sa mouvance, sa dépendance aux mœurs et tabous
générés par la société dans laquelle elle s’inscrit et à sa présence sur des espaces
d’expression différents qui implique une diversité des formes relationnelles possibles

5
 Remramm, « On a retrouvé le premier « film porno » de l’Histoire », Le Post, [disponible en ligne :
http://www.lepost.fr/article/2009/02/22/1433053_on-a-retrouve-le-premier-film-porno-de-l-histoire.html],
publié le 22/02/2009, consulté le 02/04/2011.

                                                    11
au monde du sexe. Néanmoins, les évolutions de perception selon les époques nous
révèlent quelque chose de fondamental : la mise en scène - imagée ou verbale - du
nu, élément déterminant de la pornographie et éludé par le Larousse 2009, apparaît
comme étant une condition imparfaite à la pornographie. Cette assertion se vérifie
d’autant plus quand on aborde la question de la différence entre érotisme et
pornographie. L’existence de la catégorie « érotique » vient ajouter une difficulté
supplémentaire à la tentative de définition de la pornographie. Quelle différence
existe entre ces deux domaines d’expression ? A partir de quel moment sort-on de
l’érotisme pour entrer dans la pornographie ?




       2. Erotisme VS pornographie : art légitimé VS voyeurisme illégitime ?


        L’érotisme et la pornographie sont souvent confondus dans le langage commun
et employés indifféremment pour parler de représentations à caractère sexuel.
Pour ce qui est de l’érotisme, le Larousse 2OO9 6 le décrit comme étant « la
description et exaltation par la littérature, l’art, le cinéma, etc., de l’amour sensuel, de
la sexualité. » On remarque que l’érotisme bénéficie d’une définition plus positive
que la pornographie car il est question ici d’exaltation et même d’amour, ce qui
contraste avec l’obscénité de la pornographie mentionnée plus haut. L’érotisme est
souvent considéré comme étant la version « soft » de la pornographie. Une sorte de
quintessence de l’image-sexe qui suggère face à une pornographie indécente qui
montre vulgairement. Lorsqu’une œuvre est décrite comme étant érotique, elle
semble être de ce fait entourée d’un certain halo de légitimité et ne perd pas son
statut d’œuvre d’art. Néanmoins, certaines œuvres considérées auparavant comme
pornographiques (reprenons l’exemple des œuvres de Sade) ont basculé aujourd’hui
dans le registre érotique du fait de notre différence de représentations. Ainsi, la
différence entre les deux registres est elle aussi fluctuante selon l’époque culturelle.
Cette dualité entre les deux et la difficulté de les définir comme entièrement
opposables se trouve mise en exergue dans cette citation de l’écrivain André Breton
« La pornographie, c’est l’érotisme des autres ». Cette citation nous montre bien

6
    Ibid.²

                                            12
également la difficulté de jugement de valeur sur ces registres : ce qui me paraît osé
ne l’est peut-être pas pour mon voisin. C’est d’ailleurs, nous le verrons un peu plus
tard dans l’argumentation, l’hétérogénéité des regards sur la pornographie est un
élément qu’a très bien su comprendre le porno 2.0. Le rapport entre les deux se
retrouve également fortement lorsqu’on visite le Salon de l’Erotisme qui a eu lieu du
11 au 13 mars 2011 au Parc d’Exposition de Paris Le Bourget. En effet, l’érotisme
semble ne pouvoir s’empêcher de flirter avec la pornographie : ventes de DVD
pornographiques ou encore coin réservé « hot » avec banderole au message
accrocheur « Tournage en direct ». Pour Patrick Baudry, c’est le visage qui est
érotique et c’est la disparition de ce visage vers le focus vaginal qui mène à la
pornographie.7 Cette définition permet déjà de notifier une notion importante dans la
définition que l’on peut donner actuellement à la pornographie : la pornographie est
ce qui montre l’acte sexuel dans son entièreté, en montrant même ce qui nous est
incapable de voir dans la réalité de l’acte (gros plans sur la pénétration, atouts
génitaux exposés et montrés dans toutes les postures), ce qui la différencie de
l’érotisme qui joue sur un jeu de suggestions, montre les corps nus sans jamais rien
dévoiler explicitement. La pornographie montrerait du sexe tandis que l’érotisme
sublimerait la sexualité. Néanmoins, si l’un semble plus accepté que l’autre, il n’en
reste pas moins que leur trait commun reste la subversion et la mise à l’écart dans la
société. Cependant, cette mise à l’écart n’est pas appliquée de la même façon pour
l’un et pour l’autre. Quand les films érotiques bénéficient d’une visibilité sur les
chaînes télé nationales à des horaires tardifs certains jours de la semaine, les films
pornographiques ou X (nom attribué à la suite de la loi sur le ixage du 30 décembre
1975), se voient ixés (cachés par un effet de gris sur les écrans qui ne permet pas de
voir les scènes) ou relégués sur des chaînes du câble payantes. De tous temps, ce
qui a été considéré comme pornographique ou érotique est châtiable, menacé
d’interdiction et comme devant être tenu secret et à l’écart de la société visible afin
de respecter une certaine pudeur. Si on regroupe tous les éléments explicités ici, la
pornographie serait donc ce qui désigne toute œuvre mettant en avant des corps
nus, dans une posture sexuelle explicite où les moindres détails de l’anatomie sont
décrits, montrés, exposés à l’œil du spectateur ou du lecteur dans un désir d’éveil de
l’excitation sexuelle chez ce dernier. Quand on remarque à quel point la


7
    BAUDRY Patrick, La pornographie et ses images, p.126, Paris, Pocket, Coll. Agora, 2001

                                                        13
pornographie dépend des évolutions culturelles pour qu’on puisse statuer sur la
définition qu’on pourrait lui attribuer, cela nous amène à réfléchir sur la manière dont
la société peut jouer un rôle influent dans la façon dont la pornographie évolue. En
effet, si ce qui à une époque donnée était subversif ne l’est plus dans un autre temps
donné, ne peut-on envisager que la pornographie adapte ses contenus aux
évolutions culturelles de la société ? Les détracteurs de la pornographie affirment
souvent qu’elle aurait des effets négatifs sur la société et influencerait les personnes
dans leur vie quotidienne, malgré qu’une récente étude IFOP pour la maison Dorcel8
démontre que seuls 38% des Français auraient déjà essayé de reproduire des
scènes ou des positions vues dans des films pornographiques. Néanmoins, si on
note que dans les années 70, montrer une scène de fellation était quelque chose
d’audacieux, alors que dans les années 90, cela est devenu comme un parcours
obligé du film pornographique, on peut se poser la question de la corrélation possible
entre la pornographie et l’évolution de notre rapport à la sexualité dans la société.
Qui de la pornographie ou de la société exerce son influence sur l’autre ?




      B. Une industrialisation des tendances du sexuel

      La preuve par l’exemple ici d’une influence possible de la pornographie dans la
vie quotidienne des consommateurs de ce média. Mais tout produit médiatique ne
s’inspire-t-il pas de la société dans laquelle il s’inscrit pour la représenter, la sublimer,
la dépasser ou la critiquer ? Depuis le début de la commercialisation de
vidéocassettes VHS à la fin des années 70, la pornographie s’est affirmée comme
une industrie en puissance qui n’a cessé depuis d’étendre son domaine d’activité. A
travers les images véhiculées dans ses films, la starisation de ses acteurs et actrices,
la promotion de blockbusters, la création d’événéments « cul-turels »… Le monde de
la pornographie s’est installé comme un monde parallèle au monde quotidien et qui
fonctionne avec ses propres codes.




8
    « Sexe, Médias et Société », La grande enquête MARC DORCEL, Ifop 2009

                                                      14
1. Influence de la pornographie ou pornographie influencée ?


      Le premier film pornographique sorti en salle, Gorge Profonde (en anglais Deep
Throat) sorti en janvier 1972, a coûté vingt-cinq mille dollars à produire et en rapporta
six-cent millions. Une des raisons de son succès fut la mise en avant d’une nouvelle
technique sexuelle qui donne son nom au film et qui consiste à avaler entièrement
l’organe masculin. L’histoire raconte que pendant les mois qui ont suivi la sortie du
film, de nombreuses femmes furent hospitalisées aux Etats-Unis du fait de l’envie de
leurs partenaires de leur faire réaliser la même prouesse à domicile que l’actrice
Linda Lovelace sans entraînement au préalable. Serait-ce ce genre d’histoires qui
aurait engendré une croyance en l’influence de la pornographie sur la vie quotidienne
des consommateurs et permis à ses détracteurs d’obtenir du crédit dans leur
considération d’une pornographie néfaste pour la société ? Cependant, au vu de
toutes les catégories de fantasmes mises en scène dans les films pornographiques, il
semble assez exagéré de penser que celle-ci aurait un effet dévastateur sur les
actions humaines, ou alors plus aucune femme ne pourrait marcher tranquillement
dans les rues. D’autant plus que le discours des Français sur le X est distancié
: quelque soit leur sexe ou leur âge, ils considèrent dans leur très grande majorité
(84%) que la sexualité présentée dans les films X est éloignée des pratiques
sexuelles des français. Ainsi la majorité des français, y compris les jeunes hommes
(81% des moins de 35 ans) savent que cela reste du cinéma et que ce n'est pas la
réalité. De plus, 65% d’entre eux estiment que les films ou extraits pornographiques
                                                                                        9
visionnés n’ont pas joué de rôle dans leur apprentissage de la sexualité.
Néanmoins, on ne peut nier une certaine influence de l’imaginaire pornographique
dans l’acceptation de certaines pratiques sexuelles au sein des foyers. Si je n’ai pas
trouvé de chiffres ou de données sérieuses concernant les pratiques sexuelles des
Français, j’ai pu néanmoins remarquer en feuilletant de nombreux magasines
féminins et lors de discussions, que des pratiques telles la levrette ou la sodomie qui
sont d’abord apparues fréquemment dans la pornographie ne sont plus de vrais
tabous. La question est de savoir si la pornographie a amené ces positions dans les
foyers ou si elle a juste démocratisé un tabou déjà bien existant et a contribué à son
expansion et à son acceptation ? De la même façon avec le langage. Certains mots


9
    BAUDRY Patrick « La pornographie et ses images » op.cit

                                                       15
comme « bite », « chatte » ou « pipe » sont devenus courants dans le langage
populaire et s’expriment de façon naturelle dans la rue, à la télévision et à la radio. Si
la plupart de ces mots en tant que vocabulaire sexuel ont une origine ancienne, la
pornographie n’est-elle pas le vecteur essentiel à leur dispersion et à leur
démocratisation dans le langage quotidien ? Si la pornographie a un rôle relatif
d’influence sur notre société, qu’en est-il de la société sur la pornographie ?
Lorsqu’on observe l’évolution des fantasmes récurrents dans la pornographie, on
peut imaginer que les évolutions sociétales contribuent à « la pornographie et ses
images » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Patrick Baudry. En effet, ce n’est
que récemment qu’ont disparu Ŕ mais pas entièrement Ŕ des films pornographiques,
les personnages récurrents liés au détournement des autorités civiles : policiers,
prêtres, avocats, nonnes, instituteurs… comme si la pornographie tenait le rôle du
libérateur du pouvoir en le tournant à la dérision à travers une satire politico-
pornographique.10 De plus, les films pornographiques mettent fréquemment en scène
des moments de la vie quotidienne en y apposant une sorte de téléguidage
fantasmatique où la réalité se voit utilisée à de seules fins sexuelles. Elle s’inspire de
la vie quotidienne sans pour autant y ressembler d’aucune sorte. Il semblerait que
l’industrie du sexe s’inspire et suive les évolutions morales et idéologiques d’une
société tout en s’en distanciant pour pouvoir se forger sa propre identité mais
également atteindre le but de son entreprise qui est de fournir du fantasme. Ainsi, il
semblerait que le rapport d’influence entre la société et la pornographie se situe dans
un échange perpétuel de l’un vers l’autre. La société contribue à offrir de la matière à
la pornographie qui s’en inspire, mais la pornographie sait s’en distancier pour créer
un monde parallèle au monde avec ses propres codes et qui apporte de nouveaux
imaginaires et de nouvelles matières à expériences à la société. Une des difficultés
aujourd’hui de l’industrie pornographique dans ce rapport d’influence se situe dans
l’aisance du monde actuel à dévoiler des corps dénudés ou nus dans l’espace public,
sans considérer cela comme foncièrement gênant. Il suffit de regarder les affiches
publicitaires de mode ou certaines couvertures de magasines pour se rendre compte
que le rapport à la nudité est fortement devenu décomplexé. Dans un tel contexte de
libération décomplexée des mœurs sexuelles, où comme l’expression populaire




10
     O’Toole, op.cit., p. 3-5, Le cinéma X, Jacques Zimmer, Paris, La Musardine, 2002

                                                         16
l’affirme « le sexe fait vendre », quel rôle joue encore la pornographie face à cette
société qui semble pourtant s’être affranchie des tabous sexuels ?




     2. Quand l’espace médiatique se « porn-érotise»

     Il y a une forte tendance médiatique à mettre en avant le bien-être sexuel des
personnes. Les magasines féminins regorgent de conseils pour bien vivre sa
sexualité, connaître les zones érogènes de son partenaire, se découvrir et s’épanouir
grâce au sexe. Ces magasines contribuent incontestablement à faire régner une
atmosphère médiatique où la sexualité devient un sujet de débat et d’intérêt
populaire clairement revendiqué, tout en préservant une certaine pudeur d’images et
de langage, insérant alors notre quotidien dans un espace aux codes qu’on pourrait
qualifier de « porn-érotique », où la limite n’est jamais franchie de basculer
totalement dans l’un et l’autre mais se situe plutôt dans un jeu de suggestions qui
s’inspire de l’un et l’autre. Séries télés, couvertures de magasines, publicités,
émissions télévisées, clips musicaux… on ne peut nier une certaine sexualisation du
quotidien médiatique français. Je fus frappée durant mon étude de voir le nombre de
unes de magasines féminins avec des dossiers « Sexe », toujours mis en avant sur
la couverture avec une police plus grosse et d’une couleur voyante par rapport aux
autres rubriques annoncées, comme un phare d’appel à l’achat. Le sexe semble être
naturellement intégré à notre quotidien, comme un objet médiatique infraordinaire.
De plus en plus, des émissions télé poussent à l’extrême la mise en scène de la
séduction comme étape indispensable dont la finalité est l’acte sexuel comme dans
le jeu télévisé L’Ile de la Tentation. Il n’est pas rare non plus de voir des émissions
destinées au grand public inviter des stars du porno pour qu’elles parlent de leur
métier ou des reportages aborder des sujets tels que la prostitution, le tourisme
sexuel… Le 31 mai 2011, Jean-Marc Morandini invitait Grégory Dorcel, directeur
général des productions Dorcel, sur Europe 1 pour débattre sur le sujet « Y’a-t-il trop
de sexe à la télé ? » dans l’émission « Le grand direct des médias »11. Selon ce
dernier, le sexe n’est pas plus présent dans la sphère publique que par le passé et
au contraire, on s’exprime de façon beaucoup moins libre dessus qu’avant, ce qui

11
  MORANDINI Jean-Marc, « Y a-t-il trop de sexe à la télé ? » , Le grand direct des médias, [disponible en ligne :
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-des-medias/Sons/Le-grand-direct-des-medias-
Y-a-t-il-trop-de-sexe-a-la-tele-566569/], mis en ligne le 31/O5/11, consulté le 31/05/11

                                                       17
contredit les propos d’auditrices qui se trouvent de plus en plus envahies d’images
sexuelles. Néanmoins, il soulève un point essentiel en acquiescant à l’idée que le
porno devient comme « à la mode ». En effet, il semblerait que le porno soit devenu
« mainstream » aujourd’hui. Par le passé, M6 diffusait régulièrement des films et
émissions érotiques le dimanche soir. Canal + diffuse toujours un film X par mois
précédé du « Journal du Hard ». Depuis septembre 1995, RDV émet un programme
exclusivement consacré à l’érotisme et la pornographie. Aujourd’hui, au delà de la
diffusion de programmes classés X, de nouvelles séries télé françaises grand public
sont même apparues ces dernières années, mettant en scène l’univers du X avec
une relative décomplexion. Tout d’abord, la série Hard (interdite aux moins de 16
ans), apparue sur Canal + en 2008 dont la deuxième saison a débuté le 30 mai 2011
et qui raconte l’histoire d’une bourgeoise qui découvre à la mort de son mari qu’il l’a
faite héritière de sa société de productions de films X dont elle ignorait l’existence.
Mais également, plus récemment la série Xanadu a fait son entrée sur le petit écran
le 29 avril 2011 sur la chaîne Arte et met en scène de façon assez dramatique une
famille à la tête d’un empire de la production de films X. On peut aussi mentionner la
série événement de Canal + Maison Close, dont les deux premiers épisodes furent
diffusés le 4 octobre 2010 et qui, si le sujet s’éloigne de la pornographie, avait pour
objectif de mettre en scène la réalité des maisons closes et a majoritairement axé sa
communication sur la mise en avant de scènes sexuelles plus ou moins explicites. Si
ces séries n’ont pas vocation à être des séries pornographiques (on n’y voit aucune
scène explicite qui puisse être comparable aux scènes des films pornographiques
bien que le langage employé soit souvent cru), elles sont représentatives d’une
tendance actuelle médiatique qui génère « une ambiance plus sexuelle que la nudité
elle-même » comme l’affirme Morandini dans son émission citée plus haut. En effet,
certaines affiches publicitaires ne se cachent pas de faire explicitement référence à
des codes « pornosexuels » entendus de tous [cf Annexe 1]. Il en est de même pour
certaines publicités télévisées, comme la dernière campagne de la marque
Schweppes qui met en scène une Uma Thurman dans un rôle très sexualisé, où
proposer de boire un Schweppes se confond d’ambigüité avec une incitation à faire
du sexe, mais bien évidemment « what did we expect ». Un ensemble de boutiques
de Paris spécialisées dans la vente de sextoys ou objets sexuels, sont situées dans
les quartiers populaires et visitées du grand public. Ces boutiques, qui arborent une
décoration plus proche de la boutique de bonbons que du magasin sexuel
                                          18
s’assument comme boutiques mainstream et sont recherchées par les internautes
qui se conseillent entre elles sur un ensemble de forums pour trouver « le bon plan ».
Certaines de ces boutiques s’érigent même comme des supermarchés du sexe
comme c’est le cas de la boutique Rebecca Rills qui s’auto-proclame « supermarché
érotique » située dans le 18è arrondissement de Paris et assument leur intention de
donner à l’achat de produits érotiques un caractère banal et naturel. On peut même
lire sur le site internet de cette enseigne cette description : « Avec Rebecca Rills, nous
avons souhaité nous adresser à une clientèle grand public majeure. Mais surtout, nous
avons réussi à banaliser l’achat de produits érotiques, permettant à tout un chacun de se
sentir à l’aise dans nos magasins ». Détenir des objets sexuels ne doit plus être un
tabou mais un achat équivalent à un autre parmi les courses du quotidien. C’est un
tournant qu’avaient par ailleurs compris de façon avant-gardiste les catalogues de
vente par correspondance (La Redoute, Les 3 suisses…) qui présentaient toujours
en fin de catalogue un ensemble de vibromasseurs à commander, entre d’autres
outils ménagers et électroniques du quotidien. On voit même des boutiques pousser
à l’extrême le désir de reconnaissance comme marques légitimes à travers une
utilisation du client comme vecteur de communication de la marque. De la même
façon que de grandes enseignes utilisent la personnalisation des sacs de courses
pour donner au consommateur un caractère revendicateur de son appartenance à
l’enseigne, la boutique Condomi en Allemagne donne l’opportunité à ses
consommateurs de porter un sac qui représente explicitement la marque avec des
images osées et non dénuées de dérision [cf Annexe 2]. En somme, en sortant de la
boutique avec mon sac, j’affirme que je vais chez Condomi et je l’assume. Une
assomption qui traduirait qu’on accepte l’être sexuel et sexué qu’on est et les désirs
qui en découlent. Au-delà des images ou même de l’espace visible, un autre aspect
du quotidien contribue à cette « porn-érotisation », il s’agit du langage que nous
avons déjà évoqué précédemment (cf p.16) et qui n’est pas inamovible mais au
contraire est en perpétuelle évolution, surtout depuis l’avènement des sites de
streaming porno qui mettent en avant de nouveaux codes de langage. Cette plus
grande assomption à l’égard du sexe, cette accoutumance à la mise en avant de
corps nus, sexualisés et faits pour attirer le regard (peut-être un peu trop, n’en
rappelle la suppression de la dernière campagne de publicité de la marque de sous-
vêtements Passionata, dont la rumeur courait qu’il y aurait eu une augmentation de
21% des accidents de la route à cause de son affichage [cf Annexe 3], ne porte-t-elle

                                           19
pas préjudice au porno ? Si le sexe devient un sujet de plus en plus courant, son rôle
de catharsis, d’accoucheur de désirs refoulés n’est-il pas cannibalisé par un monde
où la nudité et la crudité semblent prendre de plus en plus de place ? Cette industrie
qui fonctionnait sur un principe de discrétion et de difficulté d’accès à un contenu
sensuel et sexuel dont elle seule a le privilège se retrouve aujourd’hui à devoir
cohabiter et se démarquer face à un espace médiatique qui semblerait presque
censuré de sexualité. Si cette sexualisation du quotidien reste finalement assez soft,
un médium s’érige comme concurrent direct de l’industrie pornographique : Internet.
Paul-Jérôme Renevier affirme que « si le porno traverse une crise sans précédent, c’est
précisément parce qu’on n’avait jamais vu autant de femmes s’exhiber à poil sans aucune
contrepartie financière »12. Cette réflexion pointe le problème majeur actuel du monde
pornographique, qui est la floraison de nombreux sites internet qui dévoilent des
contenus pornographiques diffusés gratuitement et dont le contenu mêle des vidéos
d’amateurs, s’exhibant pour le plaisir de l’exhibition et non pour le désir de
financement à des vidéos de professionnels. Plus d’un foyer sur deux étant connecté
à Internet aujourd’hui, la capacité d’audience de ces nouveaux acteurs appelés
« xtubes » ou « porntubes » est considérable et ne cesse de poser des questions sur
la place grandissante qu’occupe le porno dans notre quotidien et de plus en plus
notre cyber-quotidien.




12
     RENEVIER Paul Jérôme, « Bienvenue à Pornoland », p.114, Paris, Res Publica, Novembre 2009

                                                       20
II/ Pornographie et Nouvelles
Technologies de l’Information et de la
Communication (NTIC) : un croisement
« chiasmique » ?

   Si Internet semble bouleverser négativement un ensemble d’acquis de l’industrie
pornographique traditionnelle, celle des DVD et des studios de production,         en
l’obligeant à faire face à une concurrence de taille : les user generated content
(UGC) ou contenus générés Ŕ gratuitement Ŕ par l’utilisateur, en lui faisant affronter
une crise économique importante (plus de 20% des ventes provenant de l'industrie
pornographique reviennent désormais au Web. Soit 500 millions d’euros sur des revenus
annuels 2006 estimés à 2, 3 milliards d’euros par AVN Media Network, spécialisé dans
le secteur du X), ce ne fut pas toujours le cas. Bien au contraire, jusqu’à présent le
web profitait au marché juteux de la pornographie qui a su très vite exploiter ce
médium. Pop-ups, spams, système de paiement en ligne ou encore live chat… le
porno a permis le développement, l’expansion et le succès de nombreuses
innovations devenues aujourd’hui courantes sur la toile. Etonnant ? Pas vraiment,
car l’histoire de l’industrie du X montre qu’elle a toujours su au fil des années
s’adapter et tirer bénéfice de chacune des évolutions technologiques de la société,
contribuant même à chaque fois à l’amélioration et à la démocratisation du succès de
ces dernières. Si bien qu’on peut se demander si mettre en parallèle la pornographie
et les NTIC, ne reviendrait pas à établir une sorte de chiasme entre deux réalités
intrinsèquement liées. Pourtant, une guerre tacite oppose un Internet qui prétend
toujours vouloir se débarrasser de l’adjuvant inavouable qu’est la pornographie et
s’érige en ennemi hypocrite de cette industrie qui a aidé à son développement,
tandis que l’industrie pornographique tente de vaincre le fléau économique
qu’engendre les évolutions d’un Internet qu’il contribue à développer.




                                          21
A. Thank you porn ! ou un essor technologique précipité par
       l’industrie du X



   De nombreuses technologies qui ont eu un fort impact sur notre quotidien, depuis
le Minitel jusqu’à Internet doivent bon nombre de leur succès et évolutions à
l’industrie du X. Cette dernière a toujours vu le potentiel résidant dans chaque
technologie pour ses propres bénéfices, mais par la même occasion a permis à de
nouveaux marchés de s’étendre de façon exponentielle dans la société et de
bénéficier d’innovations indéniables. Plusieurs outils d’Internet aujourd’hui ont été en
premier lancés et expérimentés avec succès par l’industrie X avant de s’étendre à
d’autres contenus grand publics.




   1. Une industrie avant-gardiste des nouvelles technologies

   A   chaque     fois   qu’une    nouvelle    technologie   est   apparue,   l’industrie
pornographique a su la prendre au tournant et adapter ses formats afin de pouvoir
exploiter au mieux les nouveaux médias à disposition. Lorsque différents formats de
cassettes vidéo se commercialisent en France à la fin des années 70 (diffusion
grand public de la VHS en 1976), l’industrie du X opte très vite pour la cassette VHS
et commence à enregistrer ses films sur ce format privilégié. Dès lors, le marché de
la cassette VHS va exploser et entre les années 80 et 90, la VHS va largement
dominer les autres formats de vidéocassette et les faire disparaître. C’est ainsi que la
cassette et par extension le magnétoscope entre de façon majoritaire dans les foyers
et devient la norme la plus commune pour la vidéo familiale à travers le monde
entier. Il faut savoir que 70% des cassettes achetées dans des catalogues non
spécifiquement pornographiques sont classés X à cette époque, élevant le chiffre
d’affaires annuel du marché aux environs de 500 millions de francs (environ 80
millions d’euros). Cette généralisation du média a pu donner naissance à un
nouveau marché, celui de la location de vidéos qui a fleuri dans les années 90. Les
producteurs de X, encore peu nombreux entre les années 70 et 90, ont pu faire des
profits considérables grâce au tarif des cassettes, vendues en moyenne cinq-cents
francs pièce, soit soixante-quinze euros, contre trente euros aujourd’hui pour un


                                          22
DVD. De la même façon, lorsque dans les années 90 est lancé le Minitel (terminal
destiné à la connexion au service français de Vidéotex (service baptisé Télétel), le
business du sexe investit ce nouveau médium en proposant des services de
téléphonie dits rose, permettant d’être mis en contact téléphonique avec des
hôtesses dont le but est de faire fantasmer le client en ligne. Or, ces services
surtaxés (75 centimes de francs toutes les 45 secondes) généraient cinq millions
d’appels par an, avec cent mille heures de connexion sur le Minitel par mois. leur
succès a fortement contribué aux bénéfices de l’industrie du X mais également du
Minitel. Cet engouement des consommateurs pour le Minitel rose créa d’ailleurs la
polémique en France et en mai 1987, le Ministre de l’Intérieur Charles Pasqua
dénonce au nom de la protection des mineurs les dérives des gérants portés par des
énormes intérêts financiers, basés sur l'apologie du sexe. 13 Puis vint le CD-ROM ou
encore le CDI (Compact Disc Interactive) dont 40% des ventes étaient classées X. 14
Aujourd’hui, le business du porno pénètre une nouvelle technologie de pointe : la 3D.
Nous en sommes encore à l’époque des balbutiements, néanmoins ces
balbutiements sont déjà bien maîtrisés et les premiers essais annoncent un avenir
prometteur. Le premier film catégorisé pornographique en 3D, sorti en salles en avril
dernier à Hong Kong et intitulé « 3D Sex and Zen : Extreme Ecstasy », a enregistré
un score record de bénéfices. En quelques heures, plus de 30 000 spectateurs se
sont déplacés pour voir le film. Alors que la sortie d’Avatar de James Cameron
détenait jusque-là le record de la journée d’exploitation la plus lucrative à Hong-Kong
avec 2,63 millions de dollars hongkongais (232 000 euros environ), ce premier film
porno 3D l’a détrôné en amassant 2,78 millions de dollars HK de recettes (soit
246 000 euros environ) en l’espace de 24H. En France, la première société de
production pornographique et leader européen de films pour adultes, la société Marc
Dorcel, se lance également dans le marché de la 3D avec un premier film en 3D qui
devrait sortir en septembre intitulé Shortcut et travaille sur la production de 90h de
contenu X en 3D. Alors que les grandes marques de téléviseurs développent de plus
en plus des écrans compatibles avec la 3D, n’est-il pas possible d’imaginer que la
révolution de la 3D puisse également venir de la consommation de ces innovations

13
   CAMPANA Michel, « Le Minitel Rose, en plein boom, n’est pas au goût des élus », Live2Times, [disponible en
ligne : http://www.live2times.com/1987-le-minitel-rose-cree-la-polemique-au-sein-des-elus-e--10694/]
consulté le 06/05/11
14
     BAUDRY Patrick, « La pornographie et ses images » op.cit

                                                        23
pornographiques ? Car à travers les faits énoncés ici, l’interaction forte qui apparaît
entre la demande, l’offre et la technologie de pointe, montre qu’un lien intrinsèque
semble lier la « porn-innovation » et la « techno-innovation ». L’imprégnation forte et
massive du sexe au sein de nos sociétés semble être guidée par l’avancée
technologique et être à la fois une donnée de base de cette avancée technologique.
Parmi ces évolutions importantes que nous venons de citer, il en manque néanmoins
une qui n’est pas la moindre des évolutions technologiques : Internet. Qu’en est-il de
l’adaptation et de la contribution de la pornographie sur ce média alors que très
rapidement, le terme cybersexe est entré dans le langage commun pour désigner les
activités liées au sexe sur Internet. A la suite des faits que nous venons d’aborder qui
mettent en exergue la relation étroite entre nouvelles technologies et nouveaux
formats de sexualisation de l’espace, le cybersexe semble apparaître comme une
suite logique de cette double avancée techno-sexuelle. Comment la pornographie a-
t-elle donc pris le tournant du web ? Comment réussit-elle à se mouvoir avec les
évolutions de ce média en constant devenir ?




     2. Le cybersexe, maître de la toile ?


     Selon Lewis Perdue, "without business and technical pioneers in the online sex
                                                                                           15
business, the World Wide Web would never have grown so big so quickly."                         En effet, si
l’industrie du divertissement pour adultes n’est pas à l’origine des innovations
technologiques cruciales du web, elle a néanmoins contribué au développement
d’un certain nombre de ses outils devenus aujourd’hui courants et essentiels et qui
ont formé le web tel que nous le connaissons. Parmi ces outils, certains sont des
outils favorables et d’autres sont défavorables à l’utilisateur, néanmoins chacun
d’eux a pu apporter et continue d’offrir la consistance actuelle que l’on connaît du
web. Nous allons voir un panorama de sept façons principales dont la pornographie
a modifié la navigation sur le web16 :

15
   PERDUE Lewis, “EroticaBiz : How sex shaped the Internet”, Copyright 2000-2006 by IdeaWorx [disponible en
ligne : http://www.eroticabiz.com/], consulté le 04/01/11
16
   Ces données sont issues de l’article de TYNAN Dan, « Thank you, porn ! 12 ways the sex trade has changed
the web”, PC World,[disponible en ligne : http://www.pcworld.com/article/155745-
3/thank_you_porn_12_ways_the_sex_trade_has_changed_the_web.html], mis en ligne le 22/12/08, consulté
le 04/01/11

                                                    24
1. Système de paiement en ligne
    C’est au milieu des années 90 qu’un dénommé Gordon met en place le premier
    système de paiement électronique en ligne et fait fortune en prenant des
    commissions sur les ventes de nombreux sites classés X dont le site ClubLove, qui
    diffusa la sextape de l’actrice Pamela Anderson et son ex mari Tommy Lee Jones.
    Selon l’institut de recherche Forrester, les internautes dépensèrent 1,3 milliards de
    dollars en ligne en 1999, ce qui représentait 8% du commerce en ligne à l’époque et
    plus d’argent que représentait les achats de livres ou de voyages en ligne.


2. Contenus diffusés en streaming
   Bien avant que Youtube ne propose une plateforme de vidéos en streaming,
   l’industrie du X fut la première à utiliser le push de vidéos jpeg qui fonctionnait
   directement dans le navigateur sans passer par un plugin pour mettre en avant des
   images d’actrices. Lewis Perdue affirme d’ailleurs dans EroticaBiz que "Without
   programming pioneers trying to perfect video streaming software that would deliver images
   of copulation and procreation to paying customers hooked up with a 28.8kbps dial-up
   modem, it is unlikely that CNN would be effectively delivering news clips of global breaking
   news".17


3. Chat video
   Les sites X ont très vite compris l’avantage pour eux de développer un service de
   vidéo chat pour améliorer l’expérience consommateur. En effet, pourquoi se
   contenter de regarder des vidéos de personnes nues alors qu’il serait possible de
   créer de l’interaction avec ces mêmes personnes ? Mark Frieser, co-fondateur du
   site MyVIProom.com a pu affirmer que l’industrie pour adultes est effectivement
   pionnière dans cette technologie.


4. Connexions à haut débit
   Dans les premières années du Net, les consommateurs de porno en ligne étaient les
   plus friands d’obtenir une rapidité plus forte de connexion pour pouvoir accéder
   rapidement à des contenus dont le but est la satisfaction masturbatoire rapide. Selon


   17
        PERDUE Lewis, “EroticaBiz : How sex shaped the Internet” Ibid.


                                                           25
un rapport du New York Times en octobre 2000, environ 20% des connectés haut-
débit d’AT&T payaient pour voir du « vrai sexe en direct » pour une moyenne de 10$
par film. Une étude de Nielsen/Netratings en 2003 affirme que le partage de musique
en ligne et la pornographie sont les facteurs les plus importants de la pénétration du
haut débit en France.18




5. Optimisation du traffic
Bien avant que des sites d’agrégation de trafic tels que Digg ou des réseaux
d’affiliation publicitaire comme Google Adsense ne voient le jour, les sites
pornographiques avaient trouvé les premiers le moyen d’amasser du trafic important
sur leurs sites grâce à un système de partage de liens, de consommateurs et
d’affiliation de revenus entre eux. Selon Frieser, ce phénomène reprend aujourd’hui
de l’ampleur en partie à cause de la perte de gains enregistrée sur les sites payants
par rapport aux nouveaux sites qui proposent des contenus gratuits.


6. Piratage de navigateurs
L’industrie pornographique n’a pas apporté que des solutions positives au web. Elle
fut également l’instigatrice de techniques malveillantes comme le moyen de générer
des revenus à travers l’utilisation de logiciels espions pour pirater par exemple le
navigateur par défaut d’un internaute et le diriger vers un faux moteur de recherche
contenant des publicités pay-per-click de sites pour adultes.


7. Pop-ups, pop-unders, mousetrapping
Dès lors qu’on visite certains sites pornographiques, il peut devenir difficile de le
quitter, à cause d’applets qui prennent le contrôle du navigateur de l’internaute pour
mettre en avant des publicités ou pour lancer de nouvelles fenêtres simultanément
dès lors que l’internaute tentait d’en fermer une.


Ces évolutions majeures ont contribué à construire le paysage Internet auquel nous
sommes habitués et soulignent la relation qui existe entre Internet et le business du
sexe. Pourtant, ce lien continue de sembler inavouable et inadmissible. Exemple

18
  BBC News, “Porn and music drive broadband”, BBC, [disponible en ligne :
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/2947966.stm], mise en ligne le 30/05/03, consulté le 04/01/11

                                                    26
avec le classement Hitwise qui lors de la diffusion de son Top 10 des sites les plus
consultés en 2010 a dissimulé les 3 sites pornos présents en réalité dans le top 10
avec comme leader le site de visionnage gratuit Youporn.com, comme l’a révélé
anonymement un grand opérateur français. 19 Pour quelles raisons dissimuler de
telles données ? Est-ce par peur de la faire de la promotion à ces sites ? Est-ce par
désir de lutter contre la présence de la pornographie sur Internet ? Est-ce pour
minimiser la présence du sexe sur Internet ? Dans tous les cas, ces données
semblaient de toute évidence difficiles à croire quand on sait qu’un quart des
requêtes effectuées sur les moteurs de recherche en ligne sont liées au sexe. Au-
delà du lien existant entre l’industrie pornographique et la technologie, nous devons
de ce fait nous poser également la question du rapport au porno des internautes.
Quel est leur attitude face à la prolifération de ce type de contenus ? Quels
changements le porno web a instauré dans leur consommation pornographique ? De
plus, la présence du sexe sur Internet pose une question d’ordre éthique : qu’en est-il
de l’exposition des mineurs à ce contenu ? Avec l’avènement du Porn 2.0 et ses
sites de contenu gratuit, que nous réserve le porno sur Internet ?




       B. The Internet is for porn ! ou l’ère de la révolution sexuelle
           numérique


       Principe d’anonymat du consommateur, une offre et un accès sans aucune limite
géographique ou de temps, des coûts de distribution fortement minimisés par rapport
à la distribution traditionnelle offline, une exposition relativement limitée aux
tentatives de censure… le web représente de nombreux avantages pour le
cybersexe. On considère aujourd’hui qu’entre 10 et 30% des sites existant ont un lien
avec la pornographie20 et 42,7% des internautes regardent du porno21. Le constat
que dressent en chantant les marionnettes dans la comédie musicale américaine

19
     Challenges, 29 avril 2010
20
 BŒUF Benjamin, « Le Porn 2.0 contre l’industrie du X », EconomieMagazine,[disponible en ligne :
http://economiemagazine.fr/actualites/le-porn-2-0-contre-l%E2%80%99industrie-du-x], mise en ligne le
22/09/09, consulté le 03/03/11
21
  Chiffre issu d’une Infographie disponible en ligne : http://www.onlinepsychologydegree.net/porn-addiction-
in-america/ et consultée le 20/02/11

                                                     27
Avenue Q est-il donc vrai ? Peut-on nous aussi scander que « The Internet is for
porn » [cf Annexe 4] ?




     1. Le porno, le lien inavouable entre l’internet et l’internaute


     A l’occasion du 30ème anniversaire des vidéos Marc Dorcel, une première grande
étude a été réalisée en septembre 2009 par l’IFOP auprès de 1016 Français âgés de
18 ans et plus, pour déterminer leurs comportements et pratiques en matière de films
pornographiques. Il en ressort que la quasi-totalité des personnes interrogées (89%)
admettent avoir déjà visionné un film X et plus de huit femmes sur dix (83%)[cf
Annexe 5], reconnaissent en avoir déjà vu un, sachant qu’aujourd’hui le web occupe
une place centrale dans cette consommation. In est intéressante de voir également
la propension qu’ont les couples à regarder un film pornographique ensemble (si un
homme demandait à sa partenaire de regarder un film X, deux femmes sur trois y
seraient disposées). L’émergence des chaînes câblées avait déjà amorcé
l’expansion du porno au sein de la société, mais la démocratisation d’Internet a
permis un accès facile et banalisé aux contenus pornographiques. Les sites Internet
gratuits sont désormais le principal moyen d’accéder aux films (45%) devant Canal +
(35%), les DVD achetés (22%) ou empruntés à des proches (24%). Le web est
également le principal outil utilisé pour se procurer des DVD (44%), devant les
vidéoclubs (33%) ou les sex-shops (14%). Chaque seconde ce sont plus de 28 000
internautes qui regardent un contenu pornographique sur Internet avec les Etats-
Unis en première ligne 22 et 3000 dollars qui sont dépensés en porno web. L’outil
Internet FilterReview estime que le nombre de sites Internet pornographiques est de
42 millions, tandis que Nielsen/NetRatings affirme que sur un seul mois, entre 45 et
50 millions d’Américains visitent des sites aux contenus pornographiques 23 et en
2007 on estimait que 260 nouveaux sites pornographiques étaient mis en ligne




22
  BŒUF Benjamin, « Le Porn 2.0 contre l’industrie du X » Art.cit
23
  SCHAER Katja, « Le Web fait main basse sur les revenus du porno », Bilan, [disponible en ligne :
http://www.bilan.ch/enjeux/le-web-fait-main-basse-sur-les-revenus-du-porno] pas de date de mise en ligne,
consulté le 02/04/11


                                                    28
chaque jour24. Selon le classement Online MBA, en 2010, on estime que 12% des
sites web sont des sites pornographiques et 25% des recherches sur les moteurs de
recherche sont reliées au porno (soit environ 68 millions par jour)25. Aujourd’hui, le
cinéma pour adultes est un phénomène de masse, largement répandu au sein de
tous les milieux, mais également parmi toutes les générations d’âge. Les 12-17 ans
seraient parmi les plus gros consommateurs de X en ligne selon des données
fournies par Good Magazine¸ avec 90% des 8-16 ans qui se connectent à domicile26.
Des données qui sont par ailleurs paradoxales avec l’étude Marc Dorcel qui affirme
que l’âge moyen du premier visionnage reste élevé (24 ans en moyenne). Bien qu’on
puisse expliquer ce fait par la présence forte des seniors dans l’étude qui par le
passé avaient un accès plus difficile au X et par l’absence de mineurs interrogés, la
question se pose de l’impact du cybersexe sur la protection des mineurs.
        Légalement, en France, la diffusion d’un message dit « à caractère
pornographique » et « susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » est passible de
trois ans d’emprisonnement et 75 000e d’amende 27 . Avec Internet, la difficulté se
complique pour la loi car ce qui est susceptible d’être vu par un mineur, l’est
majoritairement parce qu’il est accepté qu’il soit vu par les majeurs. SI ce problème
se pose même pour les supports pornographiques hors ligne, il est d’autant plus
important sur Internet car les mesures de restrictions d’accès aux contenus pour
adultes sont pour l’instant insuffisantes (demander à l’internaute sur le principe de
bonne foi s’il est majeur n’est certainement pas une mesure suffisante) et limitent la
vérification du consentement des personnes dans la diffusion de ces vidéos. La
mesure la plus importante en termes de tentative de protection des mineurs face à la
pornographie sur Internet a été prise récemment par l’Internet Corporation for
Assigned Names and Numbers (ICANN). En effet, cette administration américaine a


24
 ARRINGTON Michael, « Internet Pornography Stats », Techcrunch,(disponible en ligne :
http://techcrunch.com/2007/05/12/internet-pornography-stats/] mise en ligne le 12/05/07, consulté le
01/02/11
25
 ABRY Vincent, « Porno sur Internet : Statistiques 2010 », VincentAbry [disponible en ligne :
http://www.vincentabry.com/porno-internet-statistiques-industrie-adulte-9073], mise en ligne le 03/06/10,
consulté le 05/05/11
26
 BWELE Charles, « Porno moyeur : les chiffres », AgoraVox, [disponible en ligne :
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/porno-moteur-les-chiffres-25290], mise en ligne le
04/06/07, consulté le 01/05/11
27
 Nouveau Code Pénal, art. 227-24

                                                      29
autorisé le 21 mars 2011 l’extension .xxx (au même titre que les extensions de sites
.com, .org ou .net) pour les sites pornographiques. Ces extensions ne seront
disponibles que pour les sites pour adultes mais leur adoption n’est pas obligatoire.
Ce projet qui date de 2004 mais avait été maintes fois rejeté et repoussé, aurait pour
avantage de permettre un contrôle parental simplifié en mettant en évidence la
nature du site visité. De plus, l’organisme à but non lucratif chargé de réguler le .xxx,
l’IFFOR (International Foundation For Online Responsibility), sera composé entre
autres d’un représentant de la protection de l’enfance. Pourtant, tandis que des
grands noms de l’industrie pornographique se soulèvent contre cette mesure qu’ils
considèrent comme un moyen évident de censure de leur travail, de nombreuses
institutions opposées à la pornographie (religieuses ou de protection de l’enfance) s’y
opposent également, craignant au contraire qu’une telle décision ne légitime encore
plus la présence pornographique sur le web et ne fasse fleurir de plus belle son
marché. Dans tous les cas, ce qui est certain est que cette mesure tend à créer un
domaine d’exclusivité à la pornographie sur Internet. Seulement, encore une fois ne
sommes-nous pas face à un discours hypocrite et d’apparence ? En effet, à quoi bon
créer des domaines en .xxx, si de toute manière ils ne sont adoptés que sur la base
du volontariat ? Est-ce vraiment un désir de trouver une solution à l’exposition
pornographique ou un moyen de l’Etat de générer des revenus grâce à ce qu’il
suppose vouloir écarter (chaque adresse devrait être facturée 70 dollars par an, or
plus de 200 000 URL ont déjà été pré-réservées) ? De plus, « tout le monde sait qu’il
ne peut y avoir « d’accès zéro » à la pornographie pour les jeunes, s’il y a accès libre
pour les adultes. Pour empêcher complètement les jeunes d’accéder à la
pornographie (douce ou violente), il faudrait donc l’interdire aux adultes28. » Or, sous
quels principes la pornographie pourrait-elle être interdite quand on sait que sa
définition pose déjà le problème de la subjectivité idéologique de chacun ? En plus
de cela, comme le souligne le discours principal et récurrent des acteurs du porno, il
ne faut pas oublier l’importance du rôle des parents également dans cette exposition
à la pornographie. Plutôt que de vouloir éradiquer l’indéracinable, peut-être faudrait-il
que les parents prennent conscience de leur côté des risques d’exposition de leurs
enfants si cette exposition les horrifie. Alors que selon le Baromètre Calysto
« Enfants et Internet », 89% des 11-13 ans et 93% des 13-17 ans ont Internet à la

28                                                                                                     ère
  OGIEN Ruwen, « Penser la pornographie », p.140, Paris, PUF, Coll. Questions d’Ethique, Oct 2003 (1
                      ème
édition), Juin 2008 (2 édition)

                                                     30
maison29, l’enquête Dorcel montre que 63% des personnes ayant déclaré avoir un
enfant de moins de 15 ans au domicile n’ont pas installé de logiciel de filtrage
parental et que seulement 52% d’entre eux ont un code d’accès parental sur leur
ordinateur [cf Annexe 6]. De plus, si les moyens d’exposition de la pornographie
évoluent en parallèle voire en conséquence des évolutions technologiques qui
intègrent notre quotidien, faudrait-il interdire notre société d’avancer sous prétexte
que la pornographie en tirerait profit ? La pornographie, comme nous l’avons déjà
évoqué en première partie de cette étude avance avec son temps et ce qui prétend
essayer de la supprimer, ne cesse en fait de l’alimenter rien qu’en étant. Aujourd’hui,
à l’instar du phénomène global qui se passe sur le web, les médias sociaux
envahissent à leur tour le monde de la pornographique. La prise de pouvoir du
contenu par l’utilisateur lui-même a envahi le marché et le pouvoir pornographique
sur Internet        ne vient plus majoritairement d’acteurs qui subvertiraient des
consommateurs happés par une offre tentante, mais de sites où les consommateurs
génèrent eux-mêmes le contenu pour le partager avec les autres internautes. Pour
se démarquer au sein de cette tendance, les voix du porno traditionnel s’élèvent et
investissent à leur tour la vague sociale pour éviter de perdre pied.




     2. Le Web 2.0 est né, à mort le Porn 2.0 !


     Si comme nous l’avons vu précédemment dans notre étude, l’industrie
pornographique a su s’adapter jusqu’à présent au média Internet avec un réel
succès, elle souffre aujourd’hui des nouveaux modes de consommation qui ont
envahi le web. A l’instar de l’industrie musicale ou cinématographique classique,
l’industrie pornographique doit faire face au fléau de la diffusion gratuite de ses
contenus à travers la toile. Le téléchargement illégal à travers des liens BitTorrent fut
le premier fléau auquel s’attaquer, mais depuis l’arrivée dès 2005 de ces nouveaux
sites appelés « porntubes » ou « Xtubes » et qui s’inscrivent dans le courant plus
large du Porn 2.0, la concurrence s’est accrue. Le Porn 2.0 ou Social Porn est
appelé ainsi en référence au courant actuel Internet du Web 2.0, duquel il s’inspire et

29
 Baromètre CALYSTO, en partenariat avec LA VOIX DE L’ENFANT, « Enfants et Internet », [disponible en ligne :
http://www.tousconnectes.com/wp-content/uploads/2010/12/Barometre-Calysto-Enfants-Internet-
d%C3%A9cembre-2010.pdf], mis en ligne en décembre 2010, consulté le 15/02/11

                                                     31
où l’internaute n’est plus seulement consommateur des produits en ligne mais
également fournisseur, acteur et créateur de ces contenus. Ces sites se sont
principalement inspirés du modèle UGC (User Generated Content) du site Youtube
(d’où le nom de « Xtube » ou « porntube » pour les désigner) pour mettre en avant
leurs contenus : l’internaute poste lui-même des vidéos en streaming que l’on peut
visionner en intégralité et ceci gratuitement. Et c’est justement là que se situe le
problème majeur actuel de l’industrie pornographique traditionnelle, car ces sites
proposent désormais des milliers de vidéos à visionner et enregistrent des millions
de vues par jour. Quand auparavant l’internaute devait souscrire à un abonnement
en ligne sur un site pornographique pour accéder à son contenu, ou acheter un DVD
en ligne, aujourd’hui il lui suffit d’entrer sur un de ces sites pour avoir une quasi-
totalité de contenus gratuits. Alors qu’avant chaque catégorie de fantasmes
recherchée nécessitait parfois un abonnement unique, aujourd’hui chacun peut avoir
accès à une multitude de types de vidéos et de pratiques sexuelles en quelques clics
sur un même site et ceci sans rien débourser. Et l’engouement actuel des internautes
pour les vidéos amateurs du genre n’est pas pour désavantager ces sites, qui se
procurent ainsi gratuitement des vidéos sans droits d’auteurs fournies par l’internaute
en quête d’exhibition et satisfait à la fois un public qui en est à la recherche. J’ai pu
interviewer Guillaume, un jeune acteur du Social Porn qui s’est lancé dans
l’entreprise depuis peu en ouvrant en 2007 son propre site Internet de streaming
uniquement composé de vidéos amateurs. Il affirme avoir débuté ce projet pour se
faire de l’argent de poche car selon lui « le domaine de la pornographie est celui qui
rapporte le plus » et explique avoir décidé de présenter essentiellement des vidéos
amateurs par souci de « montrer des vidéos de qualité, où les partenaires sont respectés
et prennent du plaisir » [cf Annexe 7]. Si son site ne lui rapporte pas assez pour qu’il
puisse en vivre, le site lui génère néanmoins entre 200€ et 300€ par mois. Un des
avantages essentiel de ces sites est qu’ils préservent totalement l’anonymat des
consommateurs. L’internaute a un accès illimité à un catalogue qui semblerait
presque infini sans avoir à fournir aucune donnée personnelle. Or, si l’industrie
pornographique communique traditionnellement sur sa capacité de discrétion
(emballage discret des colis, environnement secret des sex-shops…), les sites porno
ne respectent pas entièrement cette promesse, dès lors où il est nécessaire de
fournir ses coordonnées bancaires en souscrivant à un abonnement pour avoir accès
au contenu. De plus, la conjoncture technologique actuelle est favorable à ces sites,

                                           32
car les FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet) proposent des connexions aux débits
de plus en plus rapides, ce qui permet à ces sites de proposer un temps de
chargement qui ne frustre (presque) pas l’impatience de leurs consommateurs, ainsi
que des vidéos qui peuvent parfois être d’une qualité comparable à celle des DVD.
Par conséquent, les internautes s’habituent à consommer un catalogue complet de
vidéos gratuitement et l’économie traditionnelle du porno en parallèle voit ses
revenus chuter. Les revenus de production traditionnels accusaient en 2006 une
perte de plus de 15% de leurs revenus et en 2008 les ventes de DVD
pornographiques ont chuté de 22% aux Etats-Unis. En réaction, l’industrie
traditionnelle X se ligue pour trouver des solutions afin de lutter contre ce qu’elle
considère comme un fléau pour son économie. Une réunion ayant eu lieu en octobre
2010 en Arizona qui réunissait de nombreux studios de production se donnait pour
objectif de réduire significativement le « piratage numérique des contenus pour adulte et
s'attaquer vraiment à ceux qui se livrent au piratage de ces contenus d'ici janvier 2012 »30.
On ressent comme un certain désespoir de la part de ceux qui travaillent dans le
domaine, on a même pu entendre un acteur de films porno dire que « le porno va
mourir » et de renchérir qu’il était désormais obligé d’enchaîner les petits boulots en
plus à côté pour subvenir à ses besoins. Les producteurs se sentent désormais
contraints de prendre la voix pour défendre leurs droits. En 2009, l’entrepreneur
Kevin Cammarata qui édite plusieurs sites payants pour adultes a porté plainte
contre le site gratuit Redtube estimant que le site constitue une infraction à la loi
californienne sur la concurrence déloyale. Mais la cour d’appel californienne avait
relaxé Redtube, jugeant que cette procédure était assimilable à une attaque contre le
First Amendment qui garantit la liberté d’expression car « la publication d’une vidéo sur
Internet, qu’il s’agisse d’un adolescent qui joue au football ou d’un film pornographique, est
une application de la liberté d’expression »31. En janvier 2009, deux géants de l’industrie
pornographique, Larry Flint (fondateur du magazine Hustler) et Joe Francis (éditeur
de la série de vidéos Girls Gone Wild) ont même demandé au Congrès des Etats-
Unis d’adopter un plan de sauvetage de 5 milliards pour l’industrie pornographique
affirmant que le pays ne peut pas laisser s’effondrer une industrie de 13 milliards de

30
     Julien L., « L’industrie porno entend mettre une terme au piratage d’ici 2012 » Art.cit
31
 LeMonde.fr, « Le porno gratuit n’est pas une concurrence déloyale », Le Monde, [disponible en ligne :
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/02/03/le-porno-gratuit-n-est-pas-une-concurrence-
deloyale_1474846_651865.html] mise en ligne le 03/02/11, consulté le 03/02/11

                                                          33
dollars. Mais peut-on imaginer les gouvernements soutenir et protéger une industrie
qu’ils s’évertuent à montrer du doigt ? Aujourd’hui les Xtubes ont une telle
prédominance sur le consommateur qu’il est devenu impossible pour l’industrie
traditionnelle de les ignorer. Un signe marquant de cette influence se vérifie lorsqu’on
regarde sur l’outil Google Trends la fréquence à laquelle les internautes recherchent
le mot « Porno » en France par rapport au mot « Youporn » [cf Annexe 8] et on
remarque que le second l’emporte sur le premier. Ces marques ont donc désormais
dépassé le concept initial comme référence de l’univers pornographique pour les
consommateurs. De ce fait, plutôt que de tenter de le supprimer en vain, le porno
tente de s’adapter à ce nouveau système médiatique et de tirer profit de ce nouveau
marché qui s’ouvre et lui impose de repenser son modèle économique.




III/ Le Porn 2.0, moteur de
démocratisation et d’innovation


   Le Porn 2.0, en s’inspirant des nouveaux codes du web, impose des nouveaux
codes au monde pornographique. En démocratisant largement l’accès aux contenus
pornographiques, le Porn 2.0 a modifié les habitudes de consommation
pornographique des internautes et par là même a modifié le rapport à la
pornographie des consommateurs. En devenant un phénomène social, accessible à
tous avec une discrétion absolue, le porno est devenu un produit de consommation
courante que les internautes se sentent désormais en droit de pouvoir consommer à
leur guise. Un des points forts essentiels de ces sites est qu’ils ont su traduire le
besoin libertaire des internautes qui s’était ressenti à travers le web 2.0 au moment
opportun et avec efficacité en l’adaptant aux différents désirs de ses multiples
publics. Si l’industrie du X enregistre des pertes de chiffres d’affaires conséquentes


                                          34
du fait de la perte d’usage des consommateurs de payer pour du contenu de qualité
et la force à redéfinir un modèle économique, l’arrivée du porno social n’a pas que
des conséquences purement néfastes. Ces nouvelles plateformes ont permis
l’émergence de nouveaux acteurs d’importance dans le milieu pornographique,
modifiant un peu l’hégémonie du paysage pornographique. De plus, les Xtubes sont
néanmoins devenues des sources de revenus supplémentaires pour l’économie du
sexe traditionnelle qui se sert des opportunités qu’offrent ces sites pour en tirer des
avantages. Elle investit en effet de plus en plus les « tubes » pour gagner des
revenus et des internautes à travers divers moyens de publicisation de ces espaces.
Les revenus gagnés sur ces plateformes ne couvrent bien sûr pas les pertes
enregistrées, c’est pourquoi l’industrie    tente de pallier à cette situation en se
démarquant qualitativement par une innovation multi-support.




   A. Un nouveau tube économique pour l’industrie du X

   Aujourd’hui, il devient inenvisageable d’éradiquer les porntubes de la toile étant
donné leur forte influence. Aujourd’hui, ils sont devenus le premier média par lequel
les internautes se procurent du contenu pornographique et l’industrie apprend à
traiter avec eux. D’autant plus que de nouveaux pureplayers X ont vu le jour et
exploitent ces plateformes et plutôt que de perdre leur temps en procès, ont décidé
d’en faire des alliés et en retirent ainsi des bénéfices conséquents. Mais l’industrie
n’a pas dit son dernier mot et déjà de nouveaux sites se démarquent qui arrivent à
générer du profit grâce à leur capacité d’innovation. De plus, les évolutions
technologiques numériques récentes offrent de nouveaux espaces d’expression pour
l’industrie pornographique qui ne lésine pas sur les moyens pour se démarquer et
faire valoir son savoir-faire historique en matière de contenus de qualité et d’avant-
gardisme technologique. Le porno se cache de moins en moins sous le manteau
comme un sale habit dont il faudrait vite se débarrasser et bénéficie d’un espace
d’expression plus large et visible que l’industrie du X compte bien éclabousser de
son imagination débordante pour relever son empire.




                                           35
1. Les porntubes, un fléau précieux pour l’industrie pornographique ?


    Ces sites regroupent en un espace, un ensemble de services qui étaient
démultipliés sur différents sites spécialisés auparavant comme le montrent les
différentes rubriques présentes sur quasiment tous ces sites : rubrique de vidéos HD
avec abonnement premium, live par webcam, communauté de membres, catégories
de vidéos classées selon les goûts de chacun, classements par vidéos les plus vues,
les mieux notées ou encore les plus longues. Ces sites mettent clairement en avant
leur volonté de mettre l’accent sur la bonne expérience de navigation du
consommateur qui explore un espace où chacun des moyens de satisfaction de ses
désirs est facilement identifiable et accessible à ses yeux. Une innovation qui le
montre bien est la technique de "prévisualisation" de la vidéo permettant à
l'utilisateur de voir un déroulé rapide (sorte de best of) du film en question,
simplement en laissant son curseur reposer sur la vidéo qu’il est tenté de vouloir
regarder. Parce que de la même façon que les sites de streaming musicaux, les
porntubes mettent à disposition des contenus protégés par des droits d’auteurs,
l’industrie du X a trouvé le moyen de récupérer de la monétisation sur ce contenu qui
lui appartient en droit. A travers des bannières publicitaires qui mettent en avant des
vidéos flash qui montrent des actrices répétant sans cesse le même mouvement
d’une façon exagérée mais semble assez naturelle pour attirer l’œil déjà excité du
consommateur, les sites porno traditionnels offrent un teasing de leur site qui
peuvent leur générer des revenus par clic, du trafic sur leur site et donc a fortiori des
revenus liés à l’achat de contenu sur leur site. Les revenus publicitaires sont aussi
apportés par le système d’affiliation fortement utilisé sur ces sites. Les Xtubes se
recommandent entre eux de façon affichée et utilisent même une terminologie
affective pour se recommander à travers des rubriques comme « nos amis » pour
désigner les autres sites vers lesquelles ils conseillent les internautes de se diriger
également. La qualité publicitaire pornographique par rapport à la publicité sur des
sites plus conformistes est qu’elle est totalement adaptée au contenu même du site,
si bien qu’elle semble n’être qu’un élément cohérent de plus sur la page. Bien qu’elle
soit clairement exposée comme étant de la publicité, sa mise en avant imagée ne fait
que s’ajouter à un paysage visuel similaire et dans lequel elle s’intègre parfaitement.
Plutôt que de paraître gênante, elle rajoute au contraire au sentiment d’opulence
sexuelle des sites, ce qui est une qualité incitatrice au clic pour les consommateurs.

                                           36
Les porntubes furent les premiers, avant les sites de streaming traditionnels, à
insérer un message publicitaires sur les vidéos, la plaçant quelques secondes au
début du chargement de chaque vidéo ou apparaissant automatiquement à chaque
moment où la vidéo procède à un chargement au cours de la vidéo du fait de la
lenteur du processus de chargement par rapport à l’avance rapide de la vidéo. Il
arrive aussi que la publicité soit intégrée directement à la vidéo et qu’en plein milieu
d’une action, un écran noir apparaisse durant quelques secondes avec un message
publicitaire incitant à se rendre sur le site d’où provient la vidéo pour la voir dans son
intégralité, avant que la vidéo ne se poursuive. Plus récemment, on a pu voir
apparaître un système publicitaire que je qualifierais de plus vicieux, qui consiste à
insérer parmi les vidéos à la disposition des consommateurs, une vidéo qui semble
être comme les autres mais qui en fait n’est là qu’en tant que produit publicitaire. La
vidéo est courte, ne montre qu’une scène vide d’actions, comme une sorte de
teasing sur laquelle s’affiche en sous-titre l’adresse d’un site. Or, cette vidéo ne se
contente pas d’être présente lorsqu’on clique sur l’icône vidéo qui lui correspond. Il
se peut qu’en cliquant sur plusieurs autres vidéos qui promettent un autre contenu à
travers leur titre et leur images, on tombe finalement sur cette même vidéo
publicitaire. Ainsi, il s’agit d’une publicité masquée derrière une promesse qui fut tout
autre. Nombre de ces sites de Xtubes sont aujourd’hui détenus par des sociétés qui
ont compris très rapidement l’intérêt financier que représentent ces sites. La société
Brazzers fondée par trois canadiens de 22 ans est aujourd’hui une société qui règne
en maître sur le marché du porno gonzo (cette technique de filmage qui immerge le
spectateur dans l’action grâce à des gros plans rapprochés et qui fait le succès des
porntubes). En 2007, Brazzers fait l’acquisition du nom de domaine Pornhub (10
millions de visiteurs par jour en moyenne), développe sa structure et rachète d’autres
Tubes (Tube8, ExtremeTube…) et monte la holding Mansef qui acquiert également
d’autres tubes et sites.            Toutes les vidéos de ces sites ont des droits qui
appartiennent à Brazzers et incitent les internautes à s’abonner aux sites qui
produisent ces contenus et qui appartiennent également à Brazzers sans que le
consommateur ne se doute de rien. Aujourd’hui, la société emploie 375 personnes et
son chiffre d’affaires annuel estimé à 180 millions de dollars 32 . Mais comme le

32
   DES AULNOIS Stephen, « Xanadu, le porno face à la génération web », Arte TV (disponible en ligne :
http://www.arte.tv/fr/3743604,CmC=3821250.html], mise en ligne le 20/05/11, consulté le 20/05/11, article
issu du site Le Tag Parfait.com

                                                    37
souligne Gonzo, créateur et rédacteur principal du site Le Tag Parfait qui se présente
comme le site de la culture porn, « le problème des tubes, c’est que le contenu est soit du
contenu propre (Pornhub appartient à Brazzers), soit du teasing de 5-10 min de petites
boites de prod, soit envoyé par les gens et donc soumis à la loi sur le copyright. Les gros
studios demandent aux tubes de virer ce qui leur appartient, du coup on se retrouve avec
des vidéos souvent vieilles et de mauvaise qualité »33.




     2. Vers une redéfinition de la stratégie de communication du X


     C’est en palliant justement à ce défaut des Tubes qu’un site est devenu en
quelques temps incontournable dans l’histoire du porno web et a réussi à asseoir son
succès. En proposant du contenu spécialisé, innovant et garanti de haute qualité, le
site Kink.com révolutionne à sa manière le porno sur la toile. Fondé en 1997 par un
anglais, Peter Acworth, le site se présente d’emblée comme exclusivement BDSM
(comprenez par là Bondage and Discipline Ŕ Domination and Submission Ŕ
Sadomasochism). Pour monter son empire, Acworth rachète un lieu à la hauteur de
ses ambitions, l’ancien arsenal The Armory à San Francisco en Californie dont la
superficie est de 200 000 mètres carrés, pour 14,5 millions de dollars et le transforme
en paradis du sexe hardcore. Un large nombre de costumes finement étudiés, des
décors variés et originaux, une attention toute particulière portée aux scénarios et
une qualité des images qui n’a rien à envier à la HD télévisée et qui se différencient
des « vidéos S/M et fétichistes floues et irregardables 34» des tubes. Kink parie sur la
qualité plus que sur la quantité, en terme de nombre de vidéos mais également de
gros plans enchaînés sur les parties génitales des acteurs et cela marche. Chaque
mois, 520 325 visiteurs uniques visitent le site et chacun d’entre eux revient environ
3,8 fois. Kink.com a aujourd’hui le potentiel de gagner 122 820$ par an en publicités
selon le site d’analyses en référencement Site Trail. Le site a même été récompensé
en 2009 aux AVN Awards (cérémonie de récompenses du cinéma pornographique


33
  LEGER François, « Le Tag Parfait : porno pour gens sensibles », Reviewer, [disponible en ligne :
http://reviewer.fr/dossiers/web-tech/3464/le-tag-parfait-porno-pour-gens-sensibles.html], mise en ligne le
23/04/11, consulté le 23/04/11
34
 BESNARD Tiphaine, « Du hard, du vrai », Le Tag Parfait, [disponible en ligne :
http://www.letagparfait.com/2011/04/18/du-hard-du-vrai/], mise en ligne le 18/04/11, consulté le 18/04/11


                                                     38
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Porn 2.0 : l'industrie du X confrontée aux enjeux du Web

  • 1. UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE CELSA Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication MASTER 1re année Mention : Information et Communication Spécialité : Médias et communication « PORN 2.0 : l’industrie du X confrontée aux enjeux du Web » Nom, Prénom : Yelengwe Tatiana Promotion : 2010-2011 Option : Médias et communication Soutenu le : Note du mémoire : Mention : Préparé sous la direction du Professeur Séverine Barthes 1
  • 2. TABLE DES MATIERES Remerciements……………………………………………………………………………….p.3 Introduction……………………………………………………………………………………p.4-8 I/ L’industrie pornographique, un business aux barrières étanches……………………p.8-20 A. Une définition difficile : où commence et où s’arrête la pornographie ?.....p.9-14 1. Une définition tangible au gré des évolutions socioculturelles………..p.9-12 2. Erotisme VS pornographie : art légitimé VS voyeurisme illégitime ?....p.12-14 B. Une industrialisation des tendances du sexuel……………………………….p.14-20 1. Influence de la pornographie ou pornographie influencée ?................p.15-17 2. Quand l’espace médiatique se « porn-érotise »………………………….p.17-20 II/ Pornographie et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) : un croisement « chiasmique »……………………………………………………………….p.21-34 A. Thank you Porn ! ou un essor technologique précipité par l’industrie du X.p.22-27 1. Une industrie avant-gardiste des nouvelles technologies………………p.22-24 2. Le cybersexe, maître de la toile ?.........................................................p.24-27 B. The Internet is for Porn ! ou l’ère de la révolution sexuelle numérique…….p.27-34 1. Le porno, le lien inavouable entre l’Internet et l’internaute………………p.28-31 2. Le Web 2.0 est né, à mort le Porn 2.0 !................................................p.31-34 III/ Le Porn 2.0, moteur de démocratisation et d’innovation……………………………..p.34-44 A. Un nouveau tube économique pour l’industrie du X………………………….p.35-40 1. Les porntubes, un fléau précieux pour l’industrie pornographique ?…..p.36-38 2. Vers une redéfinition de la stratégie de communication du X…………..p.38-40 B. Une démocratisation qui garantit l’innovation multi-support…………………p.40-44 1. L’industrie pornographique conquiert les technologies offline………….p.40-42 2. L’industrie taboue du X sous la lumière médiatique……………………...p.42-44 Conclusion……………………………………………………………………………………...p.45-48 Résumé…………………………………………………………………………………………p.49 Mots-clés………………………………………………………………………………………..p.50 Bibliographie……………………………………………………………………………………p.51-54 Annexes………………………………………………………………………………………...p.55-66 2
  • 3. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier tout d’abord toutes les personnes qui ont ri, qui se sont outrées ou qui m’ont regardé comme une bête de foire curieuse lorsque j’ai évoqué le sujet que je souhaitais aborder, car elles n’ont fait que me motiver encore plus dans mon choix d’étude et m’ont conforté dans l’idée qu’il y avait un intérêt crucial à oser l’aborder. Ensuite, je tiens à remercier un ensemble d’élèves du Celsa que je ne pourrai pas tous citer ici, mais en priorité Hadrien Fiere, Plandé Alexia, Lucie Rico, Justine Forest, Claire Dumont, Alix Rougevin-Baville… d’avoir alimenté tout au long de l’année ce groupe Facebook qui restera gravé dans les annales (et ceci sans mauvais jeu de mots) « Je ne regarde pas de films pornos, j’aide juste Tat’ à faire son mémoire ». Ils m’y ont fourni des anecdotes parfois croustillantes et insolites mais surtout une matière très souvent utile pour ma veille et pour l’élaboration de ce mémoire. Alors, un grand merci à eux et à tous ceux que je n’ai pas pu citer. Je tiens à remercier également mes collègues de stage pour toutes les discussions sur le sexe faites à table lors de déjeuners au bureau, qui en fait m’ont montré à quel point ce sujet peut engendrer des débats et discussions sans fin, passionne et excite la curiosité des personnes qui sautent sur l’occasion d’en parler dès qu’elle se présente. Un merci tout particulier à Sébastien qui m’a fourni des données précieuses pour mon étude. Je tiens bien évidemment à remercier Gonzo, le créateur du site Le Tag Parfait, ainsi que Guillaume le créateur du site Paradx pour avoir acceptés de répondre à toutes mes questions avec une extrême gentillesse. Je tiens ensuite à remercier ma tutrice de mémoire Séverine Barthes pour son attention. Je remercie également mon esprit un peu dérangé d’avoir choisi sans hésitation d’aborder ce sujet. Et je remercie enfin les acteurs du Porn 2.0 d’avoir révolutionné l’industrie du X et de m’avoir de ce fait permis de mener une étude passionnante sur cette industrie souterraine qui évolue en filigrane de la société. 3
  • 4. INTRODUCTION Lorsqu’on choisit de se lancer dans la rédaction d’un mémoire qui traite de la pornographie, on se retrouve confronté non seulement à ses propres préjugés mais surtout à ceux des autres. Une des premières questions qu’on se pose à soi est « Comment vais-je réussir à justifier de mon choix sans passer pour l’obsédée sexuelle du coin ? ». En effet, s’il y a bien un a priori qui est associé à celui ou celle qui décide de s’intéresser de près ou de loin à la pornographie, c’est cette image de perversion sexuelle à caractère semi-pathologique. Dès lors, aborder le thème de son mémoire en société, c’est accepter de se retrouver dans un rapport paranoïaque à l’attention. Il s’agit qu’une personne soit au courant de la thématique que vous étudiez pour que l’ensemble de la pièce soit très rapidement au courant et que toute l’attention se porte sur vous. Finalement, vous vous retrouvez tout au long de la soirée dans une posture où vous vous persuadez que chacun se fait des idées plus ou moins énonçables sur vous, vos pratiques sexuelles et votre éthique. En bref, si chaque humain a tendance à juger les personnes autour de lui, le jugement dans ce cas devient inévitable. Il m’aura suffi d’énoncer une première fois mon sujet à des interlocuteurs pour réaliser la complexité sociologique qu’il contient. Entre réactions amusées, étonnées, embarrassées, d’incompréhension voire de dégoût, j’ai pu voir de la part de mes interlocuteurs bon nombre de réactions différentes et contradictoires. Néanmoins, un point commun à toutes ces personnes est la curiosité suscitée par le sujet. La pornographie, c’est curieux et encore plus quand c’est une personne de sexe féminin qui décide d’en parler. L’image sexiste de ce sujet est un autre préjugé auquel j’ai pu être confronté : la pornographie n’est faite que pour les hommes et par conséquent ne peut intéresser que les hommes. Qu’on se le dise, la pornographie n’apparaît pas comme un sujet noble, un sujet dont l’étude serait immédiatement acceptée comme légitime. On se sent toujours obligé de se justifier afin de ne pas paraître ce que les autres aimeraient croire, à tort ou à raison, que nous sommes, ou juste pour prouver qu’il y a un intérêt à ce que nous faisons. C’est d’abord cet aspect qui m’a intéressé et qui m’a motivé à commencer cette étude. Pourquoi tant d’embarras face à ce sujet ? Pourquoi l’étudier est perçu comme insolite et osé ? Aujourd’hui, le sexe est un sujet bien moins tabou que par le passé, nous sommes envahis par des représentations de la sexualité de plus en plus osées 4
  • 5. et audacieuses aujourd’hui et pourtant la pornographie bénéfice toujours d’un halo de mystère et de pudeur lorsqu’elle entre dans la discussion. Il suffit de regarder autour de soi pour s’apercevoir que la pornographie est de plus en plus ancrée dans notre quotidien médiatique (émissions TV, films, magasines…) et social (termes issus du milieu devenus usuels dans le langage populaire). Le rapport à la nudité a évolué et il n’est pas rare de croiser une fois dans la journée une affiche publicitaire qui met en avant un corps fortement dénudé. Et pourtant, l’industrie du sexe (expression anglo-saxonne) continue d’être un sujet tabou malgré sa production massive et l’érotisation visible de notre espace quotidien. Vis-à-vis du sexe et non pas seulement de la sexualité, les discours sont souvent d’esquive : on mentionne, on cite, on signale, mais on analyse peu. Et pourtant, même sans s’intéresser profondément au sujet, chacun peut s’apercevoir que derrière le mot pornographie est présent une industrie puissante qui génère d’énormes revenus grâce aux services qu’elle propose pour combler les attentes de ses consommateurs. Or si offre marchande il y a, c’est qu’il y a demande. Le porno se consomme avec frénésie, tel un fast-food du sexe et pourtant il est constamment pointé du doigt dans un rapport de fascination-répulsion. Contenus vidéos, magasines, objets sexuels, téléphones roses… le monde de la pornographie est un empire industriel du sexe qui a ses codes, ses icônes, ses adeptes et ses médias. Mais aujourd'hui comme d’autres grandes industries médiatiques telles que la musique et l’industrie du cinéma traditionnel, elle est confrontée à une (r)évolution sans précédent qui est celle de l’arrivée du « Porn 2.0 ». C’est-à-dire l’envahissement sur Internet de ces nouveaux acteurs qui proposent des contenus gratuits et de façon originellement illégale aux internautes, via des plateformes dédiées de streaming (lecture en continu) qui leur permettent de visionner/écouter en ligne des contenus d’ordinaires payants. Ces nouvelles plateformes, qui ont pris en vol l’avènement du phénomène Web 2.0, privilégient la notion de partage et de démocratisation du divertissement pour l’internaute au détriment des bénéfices des industries créatrices de ces contenus. Et l’industrie pornographique n’y échappe pas. Ces dernières années des sites de streaming sont apparus offrant aux internautes qui le souhaitent des contenus pornographiques gratuits à visionner en ligne. Comment l’industrie gère-t-elle cette nouvelle donne qui lui fait perdre des revenus considérables ? C’est un article web 5
  • 6. du site Numerama.com1 qui m’a convaincu qu’il serait intéressant de s’intéresser aux moyens mis en œuvre par cette industrie pour pallier aux problèmes que peuvent engendrer ces nouveaux acteurs. L’article s’interrogeait sur la possibilité que l’industrie pornographique réussisse plus rapidement que la musique et le cinéma traditionnel à éradiquer le problème. Je me suis alors demandé à mon tour pourquoi y arriverait-elle mieux que les autres ? Quels sont les réels problèmes que rencontre le business du sexe aujourd’hui et quels moyens sont mis en œuvre pour gérer le phénomène 2.0 ? Quelle place a le porno Ŕ j’utiliserai cette abréviation volontairement pour souligner son caractère populaire - sur la toile ? Au départ, j’ai eu le sentiment de ne rien trouver de bien concret, théorique et analytique sur le sujet. Puis, j’ai fini par trouver des écrits intéressants qui abordaient la question et me suis penchée dessus pour comprendre mieux les enjeux sociologiques de la pornographie. J’ai été d’ailleurs impressionnée par le nombre d’articles publiés chaque mois abordant la question du porno. Il faut dire que l’actualité du milieu a été plutôt mouvementée ces derniers temps et a posé de nombreuses questions qui ont attrait au rôle d’Internet dans notre société mais également au rôle que peut tenir la pornographie dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). J’ai visité un ensemble de sites qui proposent du contenu porno gratuit et ai voulu comprendre leur fonctionnement ainsi que la valeur ajoutée de cette offre en dehors de sa simple gratuité. Je me suis interrogée sur l’image du porno dans notre société et sur la gestion de cette image par l’industrie elle-même. J’ai observé la manière dont le rapport au sexe et à la sexualité de notre société est mis en avant dans les médias et me suis interrogée en parallèle sur le présent et l’avenir de l’industrie pornographique face à une frontière qui semble parfois devenir très mince entre elle et la presse traditionnelle. J’ai voulu comprendre le paradoxe entre une industrie qu’on prétend vouloir cacher voire refouler et un ensemble de preuves qui montrent que les produits de cette industrie sont quasi de consommation courante. Nous sommes dans une époque où on n’a peut-être jamais autant consommé de porno et de façon plus libre et assumée grâce notamment à la gratuité et à l’accès facilité des contenus sur le web. Pourtant cette évolution semble avoir fait entrer l’industrie pornographique dans une crise économique majeure qui mettrait un 1 Julien L., « L’industrie porno entend mettre un terme au piratage d’ici 2012 », Numerama, [disponible en ligne : http://www.numerama.com/magazine/17164-l-industrie-porno-entend-mettre-un-terme-au-piratage-d- ici-2012.html], publié le 26 octobre 2010, consulté le 26 octobre 2010. 6
  • 7. peu plus chaque jour à l’échec les fondamentaux qui ont assis sa puissance. Sommes-nous en train d’être témoins de la fin annoncée des profits d’un empire du sexe puissant ? Cette industrie originellement condamnée à exercer dans l’ombre comme un vilain canard que la société traîne ne peut-elle pas tirer des avantages de cette évolution des mœurs et de la consommation ? Le Porn 2.0 n’est-il qu’un fléau inévitable ou peut-il être une révolution dorée pour l’industrie pornographique ? Pour répondre à cette interrogation, je tenterai dans une première partie de montrer que l’industrie pornographique est un business aux barrières étanches. J’y aborderai d’abord la question de la définition difficile du mot « pornographie » qui ne cesse de se modifier au bon gré de l’évolution des mœurs du temps dans lequel il s’inscrit et montrerai également l’insuffisance de la condition première de sa définition, à savoir la mise en scène du nu. Je mettrai également en avant cette industrialisation des tendances du sexuel que fournit la pornographie en essayant de voir quels rapports d’influence s’établissent entre elle et la société ainsi que les codes qui la régissent. Enfin, je terminerai cette partie en abordant la question de l’érotisation de notre environnement médiatique quotidien. Pour ce faire, je distinguerai d’abord érotisme et pornographie et verrai quelle fraternité ennemie les lie, puis je montrerai comment l’espace médiatique porn-érotise notre quotidien visible. Dans une seconde partie, je mettrai en exergue le lien intrinsèque qui existe entre la pornographie et les nouvelles technologies d’information et de communication. J’y démontrerai dans un premier temps que l’industrie pornographique contribue au succès des NTIC et fait preuve d’une adaptation constante à leur évolution qui lui vaut une réputation d’avant-gardiste technologique. Nous verrons que cette position appose le cyber-sex comme suite logique de cette double avancée techno-sexuelle. Puis dans un second temps, nous verrons qu’Internet et le sexe sont indissociables malgré l’hypocrisie du discours. J’aborderai d’abord dans cette partie la consommation pornographique des internautes, puis le conflit entre cybersexe et désir de protection des mineurs et enfin je développerai la manière dont le Web 2.0 a donné naissance au Porn 2.0 et les conséquences économiques néfastes qui en résultent. Dans une troisième partie enfin, je montrerai comment ce Porn 2.0 stimule l’innovation multi-support et démocratise l’industrie pornographique. 7
  • 8. En premier lieu, je démontrerai que les sites de streaming porno (les porn-tubes) génèrent de plus en plus de revenus à l’industrie pornographique en détaillant dans un premier temps le fonctionnement et l’offre contenu dans ces sites, puis en mettant l’accent sur le système publicitaire mis en place sur ces mêmes sites. Pour finir, nous verrons comment ces évolutions de format de visionnage permettent la multiplication de supports d’achat et une visibilité plus grande et démocratisée pour l’industrie. Il s’agira de voir d’abord l’innovation des supports d’offre offline, puis de voir comment la tendance Porn 2.0 permet à de nouveaux acteurs du web de devenir (in)volontairement des ambassadeurs de l’industrie pornographique, accentuant par la même occasion une certaine décomplexion de la consommation d’un porno qui ne se cache plus tout à fait dans un emballage discret sous le manteau. I/ L’industrie pornographique : un business aux barrières étanches La pornographie en tant que réelle industrie de consommation prend une réelle ampleur au moment de l’avènement de la cassette vidéo VHS qu’elle a largement contribué à démocratiser. L’industrie a toujours embrassé chaque nouvelle technologie et a toujours fait en sorte de se faire une place sur l’ensemble des supports médiatiques, enregistrant toujours un fort succès auprès des consommateurs. De ce fait, l’industrie a rapidement et considérablement crû, devenant un business puissant avec ses patrons, ses égéries, ses événements et son argent. Seulement, en s’appropriant à son gré de nombreux espaces médiatiques à travers le temps, les barrières du business sont devenues de plus en plus difficiles à définir. De plus, les évolutions culturelles de notre société occidentale qui mettent en avant une sexualité assumée et libérée à travers différents moyens de 8
  • 9. communication, contribuent à rendre toujours plus obscure les frontières du monde pornographique et du monde public. A. Une définition difficile : Où commence et où s’arrête la pornographie ? Aujourd’hui, quand on évoque le mot « pornographie », le premier élément de définition qui vient à l’esprit des personnes est en relation avec les films produits par les sociétés de production de vidéos pornographiques. Or, si de façon métonymique cette industrie est devenue un moyen de définition de la pornographie, elle n’en est qu’un des éléments, bien que devenu le plus important. La pornographie, chacun en a une représentation et est capable de donner son point de vue sur ce qu’il considère être de la pornographie ou non. Mais justement, c’est là que réside la difficulté de la définition de cet item. Alors qu’une définition doit pouvoir être l’émission d’un jugement objectif, la pornographie se voit toujours empreinte d’un jugement subjectif. Ce défaut de considération rend de ce fait sa définition soumise à l’espace spatio- temporel dans lequel évolue et aux évolutions socioculturelles de cet espace. D’une époque à une autre, ce qui était pornographique ne l’est plus et se voit basculer dans le registre de l’érotisme. Mais qu’est-ce que l’érotisme par rapport à la pornographie et comment définir une frontière entre deux registres qui semblent se confondre en fonction des évolutions bienséantes de la société dans laquelle ils s’inscrivent ? 1. Une définition tangible au gré des évolutions socioculturelles Pour chercher la définition du mot pornographie, mon premier réflexe fut de regarder dans un dictionnaire. Or en ouvrant le « Larousse 2009 », j’ai pu remarquer que ce dernier donne une définition très incomplète de la pornographie en affirmant que l’on reconnaît la pornographie à la « présence de détails obscènes dans certaines œuvres littéraires ou artistiques »2. Cette définition pose la question de la 2 Petit Larousse, edition 2009, (ISBN – 10 : 2035840708, ISBN – 13 : 978-2035840707) 1812 p. 9
  • 10. subjectivité qu’on place dans la représentation des termes, à savoir à partir de quel moment peut-on dire qu’on entre dans l’obscène et à partir de quel moment en sort- on ? Ce même Larousse définit obscène comme étant ce « qui blesse ouvertement la pudeur, surtout par des représentations d’ordre sexuel ou scatologique. » De la même façon, qui peut déterminer la limite de pudeur des uns et des autres ? Enfin, cette définition de la pornographie semble émettre une distance entre « certaines œuvres littéraires ou artistiques » mais desquelles s’agit-il, comment les reconnaît-on ? Cette définition relativement incomplète du Larousse ne permet pas de comprendre les tenants et les aboutissants de la pornographie et semble refléter l’embarras qui se situe autour du sujet. Le dictionnaire, ouvrage à visée objective destiné au grand public et à tous les âges, semble effectuer une sorte d’autocensure sur sa propre définition pour respecter une certaine pudeur conventionnelle, une bienséance de la définition, à travers une «réduction d’un champ lexical à deux grandes catégories qui reflètent une hiérarchie du tolérable, mais aussi un imaginaire des dangers ».3 Si on s’intéresse à l’étymologie du mot, « pornographie » dérive du grec ancien πορνογράφος / pornográphos qu’on pourrait traduire par « écriture sur les prostituées ». On voit à travers l’étymologie l’amalgame qui peut donc surgir entre prostitution et pornographie. La pornographie serait cette mise en image, cette mise en scène du travail de la prostituée qui vend son corps pour satisfaire un client en quête de sensations sexuelles fortes. Avec l’arrivée des films pornographiques (le premier sorti en salle et qui escompta un succès sans précédent est « Gorge Profonde » de Joseph W. Sarno en janvier 1972 qui propulsa son actrice Linda Lovelace), le terme pornographie s’est assimilé à la « représentation d’actes sexuels ayant pour objectif d’exciter sexuellement le spectateur » 4 . Mais ici encore, la définition a ses limites, car à quel moment détermine-t-on que l’objectif de telles ou telles représentations est d’exciter sexuellement le spectateur ? Cela nous amène d’ailleurs à nous intéresser aux représentations socioculturelles du sexe et de l’acte sexuel. En effet, peut-on penser que les sculptures de positions sexuelles multiples qui ornent les temples de Khajurâho en Inde aient été dans le but d’exciter sexuellement les spectateurs venus honorer leurs Dieux ? De la même façon, en 3 GOULEMOT Jean M., Ces livres qu’on ne lit que d’une main, p.24, Minerve, 1994 4 ROOF Judith, Encyclopedia of Sex and Gender, vol. 3 : J-P, p. 1173, The Gale Group, 2007 (ISBN 0-02-865963- 5), « Pornography », 10
  • 11. 2009, les spéléologues du CDFSC (La Chaux De Fonds Spéléo Club) ont découvert une grotte ornée paléolithique dont les parois sont recouvertes d’une succession de dessins de personnages humains dans des positions lascives5 qui fonctionneraient comme le zoopraxiscope d’Eadweard Muybridge. Il semblerait donc que depuis toujours, les humains aient représenté des situations sexuelles, mais l’objectif n’étant pas forcément toujours d’éveiller l’appétit sexuel chez les autres. De plus, il faut prendre en compte l’évolution des mœurs dans la société à travers le temps, qui complexifie encore plus la limite entre ce qui relève de la pornographie et ce qui n’en relève pas. En effet, certaines œuvres littéraires ou artistiques qui furent critiquées, interdites et considérées comme pornographiques par le passé (par exemple les œuvres du XVIIIe siècle du Marquis de Sade qui ne seront réhabilitées qu’au milieu du XXe siècle), ne sont plus pointées du doigt comme étant des œuvres profanes et apparaissent même comme des œuvres littéraires classiques (Les fleurs du mal, Baudelaire ou encore Gamiani ou deux nuits d’excès, Alfred de Musset). De la même façon, des images contemporaines qui paraissaient tendancieuses avant ne le sont plus aujourd’hui et nous font même parfois sourire. L’image sexuelle doit être prise dans une époque culturelle particulière pour que le « mécanisme » sensoriel fonctionne. Quand dans les années 70, le seul fait de mettre en scène au cinéma un couple mimant l’acte sexuel apparaissait comme scandaleux, on remarque que dès les années 90, cela est devenu commun voire fréquent. Chacun des enfants de cette génération peut encore se souvenir de tous les moments passés à se cacher les yeux devant une scène ou encore des parents en train de se dépêcher de chercher la télécommande pour zapper le temps que «la scène se termine ». Ce genre de situations soulève un autre problème dans la définition de la pornographie qui est la question de l’exposition aux différentes tranches d’âge de la société. Ne devrait-on pas également inclure dans la définition, les limites de l’exposition à ces contenus à certaines personnes, notamment les plus jeunes ? L’âge ne peut-il être un élément déterminant pour la définition ? On l’aura compris, la difficulté de la définition de la pornographie réside dans sa mouvance, sa dépendance aux mœurs et tabous générés par la société dans laquelle elle s’inscrit et à sa présence sur des espaces d’expression différents qui implique une diversité des formes relationnelles possibles 5 Remramm, « On a retrouvé le premier « film porno » de l’Histoire », Le Post, [disponible en ligne : http://www.lepost.fr/article/2009/02/22/1433053_on-a-retrouve-le-premier-film-porno-de-l-histoire.html], publié le 22/02/2009, consulté le 02/04/2011. 11
  • 12. au monde du sexe. Néanmoins, les évolutions de perception selon les époques nous révèlent quelque chose de fondamental : la mise en scène - imagée ou verbale - du nu, élément déterminant de la pornographie et éludé par le Larousse 2009, apparaît comme étant une condition imparfaite à la pornographie. Cette assertion se vérifie d’autant plus quand on aborde la question de la différence entre érotisme et pornographie. L’existence de la catégorie « érotique » vient ajouter une difficulté supplémentaire à la tentative de définition de la pornographie. Quelle différence existe entre ces deux domaines d’expression ? A partir de quel moment sort-on de l’érotisme pour entrer dans la pornographie ? 2. Erotisme VS pornographie : art légitimé VS voyeurisme illégitime ? L’érotisme et la pornographie sont souvent confondus dans le langage commun et employés indifféremment pour parler de représentations à caractère sexuel. Pour ce qui est de l’érotisme, le Larousse 2OO9 6 le décrit comme étant « la description et exaltation par la littérature, l’art, le cinéma, etc., de l’amour sensuel, de la sexualité. » On remarque que l’érotisme bénéficie d’une définition plus positive que la pornographie car il est question ici d’exaltation et même d’amour, ce qui contraste avec l’obscénité de la pornographie mentionnée plus haut. L’érotisme est souvent considéré comme étant la version « soft » de la pornographie. Une sorte de quintessence de l’image-sexe qui suggère face à une pornographie indécente qui montre vulgairement. Lorsqu’une œuvre est décrite comme étant érotique, elle semble être de ce fait entourée d’un certain halo de légitimité et ne perd pas son statut d’œuvre d’art. Néanmoins, certaines œuvres considérées auparavant comme pornographiques (reprenons l’exemple des œuvres de Sade) ont basculé aujourd’hui dans le registre érotique du fait de notre différence de représentations. Ainsi, la différence entre les deux registres est elle aussi fluctuante selon l’époque culturelle. Cette dualité entre les deux et la difficulté de les définir comme entièrement opposables se trouve mise en exergue dans cette citation de l’écrivain André Breton « La pornographie, c’est l’érotisme des autres ». Cette citation nous montre bien 6 Ibid.² 12
  • 13. également la difficulté de jugement de valeur sur ces registres : ce qui me paraît osé ne l’est peut-être pas pour mon voisin. C’est d’ailleurs, nous le verrons un peu plus tard dans l’argumentation, l’hétérogénéité des regards sur la pornographie est un élément qu’a très bien su comprendre le porno 2.0. Le rapport entre les deux se retrouve également fortement lorsqu’on visite le Salon de l’Erotisme qui a eu lieu du 11 au 13 mars 2011 au Parc d’Exposition de Paris Le Bourget. En effet, l’érotisme semble ne pouvoir s’empêcher de flirter avec la pornographie : ventes de DVD pornographiques ou encore coin réservé « hot » avec banderole au message accrocheur « Tournage en direct ». Pour Patrick Baudry, c’est le visage qui est érotique et c’est la disparition de ce visage vers le focus vaginal qui mène à la pornographie.7 Cette définition permet déjà de notifier une notion importante dans la définition que l’on peut donner actuellement à la pornographie : la pornographie est ce qui montre l’acte sexuel dans son entièreté, en montrant même ce qui nous est incapable de voir dans la réalité de l’acte (gros plans sur la pénétration, atouts génitaux exposés et montrés dans toutes les postures), ce qui la différencie de l’érotisme qui joue sur un jeu de suggestions, montre les corps nus sans jamais rien dévoiler explicitement. La pornographie montrerait du sexe tandis que l’érotisme sublimerait la sexualité. Néanmoins, si l’un semble plus accepté que l’autre, il n’en reste pas moins que leur trait commun reste la subversion et la mise à l’écart dans la société. Cependant, cette mise à l’écart n’est pas appliquée de la même façon pour l’un et pour l’autre. Quand les films érotiques bénéficient d’une visibilité sur les chaînes télé nationales à des horaires tardifs certains jours de la semaine, les films pornographiques ou X (nom attribué à la suite de la loi sur le ixage du 30 décembre 1975), se voient ixés (cachés par un effet de gris sur les écrans qui ne permet pas de voir les scènes) ou relégués sur des chaînes du câble payantes. De tous temps, ce qui a été considéré comme pornographique ou érotique est châtiable, menacé d’interdiction et comme devant être tenu secret et à l’écart de la société visible afin de respecter une certaine pudeur. Si on regroupe tous les éléments explicités ici, la pornographie serait donc ce qui désigne toute œuvre mettant en avant des corps nus, dans une posture sexuelle explicite où les moindres détails de l’anatomie sont décrits, montrés, exposés à l’œil du spectateur ou du lecteur dans un désir d’éveil de l’excitation sexuelle chez ce dernier. Quand on remarque à quel point la 7 BAUDRY Patrick, La pornographie et ses images, p.126, Paris, Pocket, Coll. Agora, 2001 13
  • 14. pornographie dépend des évolutions culturelles pour qu’on puisse statuer sur la définition qu’on pourrait lui attribuer, cela nous amène à réfléchir sur la manière dont la société peut jouer un rôle influent dans la façon dont la pornographie évolue. En effet, si ce qui à une époque donnée était subversif ne l’est plus dans un autre temps donné, ne peut-on envisager que la pornographie adapte ses contenus aux évolutions culturelles de la société ? Les détracteurs de la pornographie affirment souvent qu’elle aurait des effets négatifs sur la société et influencerait les personnes dans leur vie quotidienne, malgré qu’une récente étude IFOP pour la maison Dorcel8 démontre que seuls 38% des Français auraient déjà essayé de reproduire des scènes ou des positions vues dans des films pornographiques. Néanmoins, si on note que dans les années 70, montrer une scène de fellation était quelque chose d’audacieux, alors que dans les années 90, cela est devenu comme un parcours obligé du film pornographique, on peut se poser la question de la corrélation possible entre la pornographie et l’évolution de notre rapport à la sexualité dans la société. Qui de la pornographie ou de la société exerce son influence sur l’autre ? B. Une industrialisation des tendances du sexuel La preuve par l’exemple ici d’une influence possible de la pornographie dans la vie quotidienne des consommateurs de ce média. Mais tout produit médiatique ne s’inspire-t-il pas de la société dans laquelle il s’inscrit pour la représenter, la sublimer, la dépasser ou la critiquer ? Depuis le début de la commercialisation de vidéocassettes VHS à la fin des années 70, la pornographie s’est affirmée comme une industrie en puissance qui n’a cessé depuis d’étendre son domaine d’activité. A travers les images véhiculées dans ses films, la starisation de ses acteurs et actrices, la promotion de blockbusters, la création d’événéments « cul-turels »… Le monde de la pornographie s’est installé comme un monde parallèle au monde quotidien et qui fonctionne avec ses propres codes. 8 « Sexe, Médias et Société », La grande enquête MARC DORCEL, Ifop 2009 14
  • 15. 1. Influence de la pornographie ou pornographie influencée ? Le premier film pornographique sorti en salle, Gorge Profonde (en anglais Deep Throat) sorti en janvier 1972, a coûté vingt-cinq mille dollars à produire et en rapporta six-cent millions. Une des raisons de son succès fut la mise en avant d’une nouvelle technique sexuelle qui donne son nom au film et qui consiste à avaler entièrement l’organe masculin. L’histoire raconte que pendant les mois qui ont suivi la sortie du film, de nombreuses femmes furent hospitalisées aux Etats-Unis du fait de l’envie de leurs partenaires de leur faire réaliser la même prouesse à domicile que l’actrice Linda Lovelace sans entraînement au préalable. Serait-ce ce genre d’histoires qui aurait engendré une croyance en l’influence de la pornographie sur la vie quotidienne des consommateurs et permis à ses détracteurs d’obtenir du crédit dans leur considération d’une pornographie néfaste pour la société ? Cependant, au vu de toutes les catégories de fantasmes mises en scène dans les films pornographiques, il semble assez exagéré de penser que celle-ci aurait un effet dévastateur sur les actions humaines, ou alors plus aucune femme ne pourrait marcher tranquillement dans les rues. D’autant plus que le discours des Français sur le X est distancié : quelque soit leur sexe ou leur âge, ils considèrent dans leur très grande majorité (84%) que la sexualité présentée dans les films X est éloignée des pratiques sexuelles des français. Ainsi la majorité des français, y compris les jeunes hommes (81% des moins de 35 ans) savent que cela reste du cinéma et que ce n'est pas la réalité. De plus, 65% d’entre eux estiment que les films ou extraits pornographiques 9 visionnés n’ont pas joué de rôle dans leur apprentissage de la sexualité. Néanmoins, on ne peut nier une certaine influence de l’imaginaire pornographique dans l’acceptation de certaines pratiques sexuelles au sein des foyers. Si je n’ai pas trouvé de chiffres ou de données sérieuses concernant les pratiques sexuelles des Français, j’ai pu néanmoins remarquer en feuilletant de nombreux magasines féminins et lors de discussions, que des pratiques telles la levrette ou la sodomie qui sont d’abord apparues fréquemment dans la pornographie ne sont plus de vrais tabous. La question est de savoir si la pornographie a amené ces positions dans les foyers ou si elle a juste démocratisé un tabou déjà bien existant et a contribué à son expansion et à son acceptation ? De la même façon avec le langage. Certains mots 9 BAUDRY Patrick « La pornographie et ses images » op.cit 15
  • 16. comme « bite », « chatte » ou « pipe » sont devenus courants dans le langage populaire et s’expriment de façon naturelle dans la rue, à la télévision et à la radio. Si la plupart de ces mots en tant que vocabulaire sexuel ont une origine ancienne, la pornographie n’est-elle pas le vecteur essentiel à leur dispersion et à leur démocratisation dans le langage quotidien ? Si la pornographie a un rôle relatif d’influence sur notre société, qu’en est-il de la société sur la pornographie ? Lorsqu’on observe l’évolution des fantasmes récurrents dans la pornographie, on peut imaginer que les évolutions sociétales contribuent à « la pornographie et ses images » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Patrick Baudry. En effet, ce n’est que récemment qu’ont disparu Ŕ mais pas entièrement Ŕ des films pornographiques, les personnages récurrents liés au détournement des autorités civiles : policiers, prêtres, avocats, nonnes, instituteurs… comme si la pornographie tenait le rôle du libérateur du pouvoir en le tournant à la dérision à travers une satire politico- pornographique.10 De plus, les films pornographiques mettent fréquemment en scène des moments de la vie quotidienne en y apposant une sorte de téléguidage fantasmatique où la réalité se voit utilisée à de seules fins sexuelles. Elle s’inspire de la vie quotidienne sans pour autant y ressembler d’aucune sorte. Il semblerait que l’industrie du sexe s’inspire et suive les évolutions morales et idéologiques d’une société tout en s’en distanciant pour pouvoir se forger sa propre identité mais également atteindre le but de son entreprise qui est de fournir du fantasme. Ainsi, il semblerait que le rapport d’influence entre la société et la pornographie se situe dans un échange perpétuel de l’un vers l’autre. La société contribue à offrir de la matière à la pornographie qui s’en inspire, mais la pornographie sait s’en distancier pour créer un monde parallèle au monde avec ses propres codes et qui apporte de nouveaux imaginaires et de nouvelles matières à expériences à la société. Une des difficultés aujourd’hui de l’industrie pornographique dans ce rapport d’influence se situe dans l’aisance du monde actuel à dévoiler des corps dénudés ou nus dans l’espace public, sans considérer cela comme foncièrement gênant. Il suffit de regarder les affiches publicitaires de mode ou certaines couvertures de magasines pour se rendre compte que le rapport à la nudité est fortement devenu décomplexé. Dans un tel contexte de libération décomplexée des mœurs sexuelles, où comme l’expression populaire 10 O’Toole, op.cit., p. 3-5, Le cinéma X, Jacques Zimmer, Paris, La Musardine, 2002 16
  • 17. l’affirme « le sexe fait vendre », quel rôle joue encore la pornographie face à cette société qui semble pourtant s’être affranchie des tabous sexuels ? 2. Quand l’espace médiatique se « porn-érotise» Il y a une forte tendance médiatique à mettre en avant le bien-être sexuel des personnes. Les magasines féminins regorgent de conseils pour bien vivre sa sexualité, connaître les zones érogènes de son partenaire, se découvrir et s’épanouir grâce au sexe. Ces magasines contribuent incontestablement à faire régner une atmosphère médiatique où la sexualité devient un sujet de débat et d’intérêt populaire clairement revendiqué, tout en préservant une certaine pudeur d’images et de langage, insérant alors notre quotidien dans un espace aux codes qu’on pourrait qualifier de « porn-érotique », où la limite n’est jamais franchie de basculer totalement dans l’un et l’autre mais se situe plutôt dans un jeu de suggestions qui s’inspire de l’un et l’autre. Séries télés, couvertures de magasines, publicités, émissions télévisées, clips musicaux… on ne peut nier une certaine sexualisation du quotidien médiatique français. Je fus frappée durant mon étude de voir le nombre de unes de magasines féminins avec des dossiers « Sexe », toujours mis en avant sur la couverture avec une police plus grosse et d’une couleur voyante par rapport aux autres rubriques annoncées, comme un phare d’appel à l’achat. Le sexe semble être naturellement intégré à notre quotidien, comme un objet médiatique infraordinaire. De plus en plus, des émissions télé poussent à l’extrême la mise en scène de la séduction comme étape indispensable dont la finalité est l’acte sexuel comme dans le jeu télévisé L’Ile de la Tentation. Il n’est pas rare non plus de voir des émissions destinées au grand public inviter des stars du porno pour qu’elles parlent de leur métier ou des reportages aborder des sujets tels que la prostitution, le tourisme sexuel… Le 31 mai 2011, Jean-Marc Morandini invitait Grégory Dorcel, directeur général des productions Dorcel, sur Europe 1 pour débattre sur le sujet « Y’a-t-il trop de sexe à la télé ? » dans l’émission « Le grand direct des médias »11. Selon ce dernier, le sexe n’est pas plus présent dans la sphère publique que par le passé et au contraire, on s’exprime de façon beaucoup moins libre dessus qu’avant, ce qui 11 MORANDINI Jean-Marc, « Y a-t-il trop de sexe à la télé ? » , Le grand direct des médias, [disponible en ligne : http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Le-grand-direct-des-medias/Sons/Le-grand-direct-des-medias- Y-a-t-il-trop-de-sexe-a-la-tele-566569/], mis en ligne le 31/O5/11, consulté le 31/05/11 17
  • 18. contredit les propos d’auditrices qui se trouvent de plus en plus envahies d’images sexuelles. Néanmoins, il soulève un point essentiel en acquiescant à l’idée que le porno devient comme « à la mode ». En effet, il semblerait que le porno soit devenu « mainstream » aujourd’hui. Par le passé, M6 diffusait régulièrement des films et émissions érotiques le dimanche soir. Canal + diffuse toujours un film X par mois précédé du « Journal du Hard ». Depuis septembre 1995, RDV émet un programme exclusivement consacré à l’érotisme et la pornographie. Aujourd’hui, au delà de la diffusion de programmes classés X, de nouvelles séries télé françaises grand public sont même apparues ces dernières années, mettant en scène l’univers du X avec une relative décomplexion. Tout d’abord, la série Hard (interdite aux moins de 16 ans), apparue sur Canal + en 2008 dont la deuxième saison a débuté le 30 mai 2011 et qui raconte l’histoire d’une bourgeoise qui découvre à la mort de son mari qu’il l’a faite héritière de sa société de productions de films X dont elle ignorait l’existence. Mais également, plus récemment la série Xanadu a fait son entrée sur le petit écran le 29 avril 2011 sur la chaîne Arte et met en scène de façon assez dramatique une famille à la tête d’un empire de la production de films X. On peut aussi mentionner la série événement de Canal + Maison Close, dont les deux premiers épisodes furent diffusés le 4 octobre 2010 et qui, si le sujet s’éloigne de la pornographie, avait pour objectif de mettre en scène la réalité des maisons closes et a majoritairement axé sa communication sur la mise en avant de scènes sexuelles plus ou moins explicites. Si ces séries n’ont pas vocation à être des séries pornographiques (on n’y voit aucune scène explicite qui puisse être comparable aux scènes des films pornographiques bien que le langage employé soit souvent cru), elles sont représentatives d’une tendance actuelle médiatique qui génère « une ambiance plus sexuelle que la nudité elle-même » comme l’affirme Morandini dans son émission citée plus haut. En effet, certaines affiches publicitaires ne se cachent pas de faire explicitement référence à des codes « pornosexuels » entendus de tous [cf Annexe 1]. Il en est de même pour certaines publicités télévisées, comme la dernière campagne de la marque Schweppes qui met en scène une Uma Thurman dans un rôle très sexualisé, où proposer de boire un Schweppes se confond d’ambigüité avec une incitation à faire du sexe, mais bien évidemment « what did we expect ». Un ensemble de boutiques de Paris spécialisées dans la vente de sextoys ou objets sexuels, sont situées dans les quartiers populaires et visitées du grand public. Ces boutiques, qui arborent une décoration plus proche de la boutique de bonbons que du magasin sexuel 18
  • 19. s’assument comme boutiques mainstream et sont recherchées par les internautes qui se conseillent entre elles sur un ensemble de forums pour trouver « le bon plan ». Certaines de ces boutiques s’érigent même comme des supermarchés du sexe comme c’est le cas de la boutique Rebecca Rills qui s’auto-proclame « supermarché érotique » située dans le 18è arrondissement de Paris et assument leur intention de donner à l’achat de produits érotiques un caractère banal et naturel. On peut même lire sur le site internet de cette enseigne cette description : « Avec Rebecca Rills, nous avons souhaité nous adresser à une clientèle grand public majeure. Mais surtout, nous avons réussi à banaliser l’achat de produits érotiques, permettant à tout un chacun de se sentir à l’aise dans nos magasins ». Détenir des objets sexuels ne doit plus être un tabou mais un achat équivalent à un autre parmi les courses du quotidien. C’est un tournant qu’avaient par ailleurs compris de façon avant-gardiste les catalogues de vente par correspondance (La Redoute, Les 3 suisses…) qui présentaient toujours en fin de catalogue un ensemble de vibromasseurs à commander, entre d’autres outils ménagers et électroniques du quotidien. On voit même des boutiques pousser à l’extrême le désir de reconnaissance comme marques légitimes à travers une utilisation du client comme vecteur de communication de la marque. De la même façon que de grandes enseignes utilisent la personnalisation des sacs de courses pour donner au consommateur un caractère revendicateur de son appartenance à l’enseigne, la boutique Condomi en Allemagne donne l’opportunité à ses consommateurs de porter un sac qui représente explicitement la marque avec des images osées et non dénuées de dérision [cf Annexe 2]. En somme, en sortant de la boutique avec mon sac, j’affirme que je vais chez Condomi et je l’assume. Une assomption qui traduirait qu’on accepte l’être sexuel et sexué qu’on est et les désirs qui en découlent. Au-delà des images ou même de l’espace visible, un autre aspect du quotidien contribue à cette « porn-érotisation », il s’agit du langage que nous avons déjà évoqué précédemment (cf p.16) et qui n’est pas inamovible mais au contraire est en perpétuelle évolution, surtout depuis l’avènement des sites de streaming porno qui mettent en avant de nouveaux codes de langage. Cette plus grande assomption à l’égard du sexe, cette accoutumance à la mise en avant de corps nus, sexualisés et faits pour attirer le regard (peut-être un peu trop, n’en rappelle la suppression de la dernière campagne de publicité de la marque de sous- vêtements Passionata, dont la rumeur courait qu’il y aurait eu une augmentation de 21% des accidents de la route à cause de son affichage [cf Annexe 3], ne porte-t-elle 19
  • 20. pas préjudice au porno ? Si le sexe devient un sujet de plus en plus courant, son rôle de catharsis, d’accoucheur de désirs refoulés n’est-il pas cannibalisé par un monde où la nudité et la crudité semblent prendre de plus en plus de place ? Cette industrie qui fonctionnait sur un principe de discrétion et de difficulté d’accès à un contenu sensuel et sexuel dont elle seule a le privilège se retrouve aujourd’hui à devoir cohabiter et se démarquer face à un espace médiatique qui semblerait presque censuré de sexualité. Si cette sexualisation du quotidien reste finalement assez soft, un médium s’érige comme concurrent direct de l’industrie pornographique : Internet. Paul-Jérôme Renevier affirme que « si le porno traverse une crise sans précédent, c’est précisément parce qu’on n’avait jamais vu autant de femmes s’exhiber à poil sans aucune contrepartie financière »12. Cette réflexion pointe le problème majeur actuel du monde pornographique, qui est la floraison de nombreux sites internet qui dévoilent des contenus pornographiques diffusés gratuitement et dont le contenu mêle des vidéos d’amateurs, s’exhibant pour le plaisir de l’exhibition et non pour le désir de financement à des vidéos de professionnels. Plus d’un foyer sur deux étant connecté à Internet aujourd’hui, la capacité d’audience de ces nouveaux acteurs appelés « xtubes » ou « porntubes » est considérable et ne cesse de poser des questions sur la place grandissante qu’occupe le porno dans notre quotidien et de plus en plus notre cyber-quotidien. 12 RENEVIER Paul Jérôme, « Bienvenue à Pornoland », p.114, Paris, Res Publica, Novembre 2009 20
  • 21. II/ Pornographie et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) : un croisement « chiasmique » ? Si Internet semble bouleverser négativement un ensemble d’acquis de l’industrie pornographique traditionnelle, celle des DVD et des studios de production, en l’obligeant à faire face à une concurrence de taille : les user generated content (UGC) ou contenus générés Ŕ gratuitement Ŕ par l’utilisateur, en lui faisant affronter une crise économique importante (plus de 20% des ventes provenant de l'industrie pornographique reviennent désormais au Web. Soit 500 millions d’euros sur des revenus annuels 2006 estimés à 2, 3 milliards d’euros par AVN Media Network, spécialisé dans le secteur du X), ce ne fut pas toujours le cas. Bien au contraire, jusqu’à présent le web profitait au marché juteux de la pornographie qui a su très vite exploiter ce médium. Pop-ups, spams, système de paiement en ligne ou encore live chat… le porno a permis le développement, l’expansion et le succès de nombreuses innovations devenues aujourd’hui courantes sur la toile. Etonnant ? Pas vraiment, car l’histoire de l’industrie du X montre qu’elle a toujours su au fil des années s’adapter et tirer bénéfice de chacune des évolutions technologiques de la société, contribuant même à chaque fois à l’amélioration et à la démocratisation du succès de ces dernières. Si bien qu’on peut se demander si mettre en parallèle la pornographie et les NTIC, ne reviendrait pas à établir une sorte de chiasme entre deux réalités intrinsèquement liées. Pourtant, une guerre tacite oppose un Internet qui prétend toujours vouloir se débarrasser de l’adjuvant inavouable qu’est la pornographie et s’érige en ennemi hypocrite de cette industrie qui a aidé à son développement, tandis que l’industrie pornographique tente de vaincre le fléau économique qu’engendre les évolutions d’un Internet qu’il contribue à développer. 21
  • 22. A. Thank you porn ! ou un essor technologique précipité par l’industrie du X De nombreuses technologies qui ont eu un fort impact sur notre quotidien, depuis le Minitel jusqu’à Internet doivent bon nombre de leur succès et évolutions à l’industrie du X. Cette dernière a toujours vu le potentiel résidant dans chaque technologie pour ses propres bénéfices, mais par la même occasion a permis à de nouveaux marchés de s’étendre de façon exponentielle dans la société et de bénéficier d’innovations indéniables. Plusieurs outils d’Internet aujourd’hui ont été en premier lancés et expérimentés avec succès par l’industrie X avant de s’étendre à d’autres contenus grand publics. 1. Une industrie avant-gardiste des nouvelles technologies A chaque fois qu’une nouvelle technologie est apparue, l’industrie pornographique a su la prendre au tournant et adapter ses formats afin de pouvoir exploiter au mieux les nouveaux médias à disposition. Lorsque différents formats de cassettes vidéo se commercialisent en France à la fin des années 70 (diffusion grand public de la VHS en 1976), l’industrie du X opte très vite pour la cassette VHS et commence à enregistrer ses films sur ce format privilégié. Dès lors, le marché de la cassette VHS va exploser et entre les années 80 et 90, la VHS va largement dominer les autres formats de vidéocassette et les faire disparaître. C’est ainsi que la cassette et par extension le magnétoscope entre de façon majoritaire dans les foyers et devient la norme la plus commune pour la vidéo familiale à travers le monde entier. Il faut savoir que 70% des cassettes achetées dans des catalogues non spécifiquement pornographiques sont classés X à cette époque, élevant le chiffre d’affaires annuel du marché aux environs de 500 millions de francs (environ 80 millions d’euros). Cette généralisation du média a pu donner naissance à un nouveau marché, celui de la location de vidéos qui a fleuri dans les années 90. Les producteurs de X, encore peu nombreux entre les années 70 et 90, ont pu faire des profits considérables grâce au tarif des cassettes, vendues en moyenne cinq-cents francs pièce, soit soixante-quinze euros, contre trente euros aujourd’hui pour un 22
  • 23. DVD. De la même façon, lorsque dans les années 90 est lancé le Minitel (terminal destiné à la connexion au service français de Vidéotex (service baptisé Télétel), le business du sexe investit ce nouveau médium en proposant des services de téléphonie dits rose, permettant d’être mis en contact téléphonique avec des hôtesses dont le but est de faire fantasmer le client en ligne. Or, ces services surtaxés (75 centimes de francs toutes les 45 secondes) généraient cinq millions d’appels par an, avec cent mille heures de connexion sur le Minitel par mois. leur succès a fortement contribué aux bénéfices de l’industrie du X mais également du Minitel. Cet engouement des consommateurs pour le Minitel rose créa d’ailleurs la polémique en France et en mai 1987, le Ministre de l’Intérieur Charles Pasqua dénonce au nom de la protection des mineurs les dérives des gérants portés par des énormes intérêts financiers, basés sur l'apologie du sexe. 13 Puis vint le CD-ROM ou encore le CDI (Compact Disc Interactive) dont 40% des ventes étaient classées X. 14 Aujourd’hui, le business du porno pénètre une nouvelle technologie de pointe : la 3D. Nous en sommes encore à l’époque des balbutiements, néanmoins ces balbutiements sont déjà bien maîtrisés et les premiers essais annoncent un avenir prometteur. Le premier film catégorisé pornographique en 3D, sorti en salles en avril dernier à Hong Kong et intitulé « 3D Sex and Zen : Extreme Ecstasy », a enregistré un score record de bénéfices. En quelques heures, plus de 30 000 spectateurs se sont déplacés pour voir le film. Alors que la sortie d’Avatar de James Cameron détenait jusque-là le record de la journée d’exploitation la plus lucrative à Hong-Kong avec 2,63 millions de dollars hongkongais (232 000 euros environ), ce premier film porno 3D l’a détrôné en amassant 2,78 millions de dollars HK de recettes (soit 246 000 euros environ) en l’espace de 24H. En France, la première société de production pornographique et leader européen de films pour adultes, la société Marc Dorcel, se lance également dans le marché de la 3D avec un premier film en 3D qui devrait sortir en septembre intitulé Shortcut et travaille sur la production de 90h de contenu X en 3D. Alors que les grandes marques de téléviseurs développent de plus en plus des écrans compatibles avec la 3D, n’est-il pas possible d’imaginer que la révolution de la 3D puisse également venir de la consommation de ces innovations 13 CAMPANA Michel, « Le Minitel Rose, en plein boom, n’est pas au goût des élus », Live2Times, [disponible en ligne : http://www.live2times.com/1987-le-minitel-rose-cree-la-polemique-au-sein-des-elus-e--10694/] consulté le 06/05/11 14 BAUDRY Patrick, « La pornographie et ses images » op.cit 23
  • 24. pornographiques ? Car à travers les faits énoncés ici, l’interaction forte qui apparaît entre la demande, l’offre et la technologie de pointe, montre qu’un lien intrinsèque semble lier la « porn-innovation » et la « techno-innovation ». L’imprégnation forte et massive du sexe au sein de nos sociétés semble être guidée par l’avancée technologique et être à la fois une donnée de base de cette avancée technologique. Parmi ces évolutions importantes que nous venons de citer, il en manque néanmoins une qui n’est pas la moindre des évolutions technologiques : Internet. Qu’en est-il de l’adaptation et de la contribution de la pornographie sur ce média alors que très rapidement, le terme cybersexe est entré dans le langage commun pour désigner les activités liées au sexe sur Internet. A la suite des faits que nous venons d’aborder qui mettent en exergue la relation étroite entre nouvelles technologies et nouveaux formats de sexualisation de l’espace, le cybersexe semble apparaître comme une suite logique de cette double avancée techno-sexuelle. Comment la pornographie a- t-elle donc pris le tournant du web ? Comment réussit-elle à se mouvoir avec les évolutions de ce média en constant devenir ? 2. Le cybersexe, maître de la toile ? Selon Lewis Perdue, "without business and technical pioneers in the online sex 15 business, the World Wide Web would never have grown so big so quickly." En effet, si l’industrie du divertissement pour adultes n’est pas à l’origine des innovations technologiques cruciales du web, elle a néanmoins contribué au développement d’un certain nombre de ses outils devenus aujourd’hui courants et essentiels et qui ont formé le web tel que nous le connaissons. Parmi ces outils, certains sont des outils favorables et d’autres sont défavorables à l’utilisateur, néanmoins chacun d’eux a pu apporter et continue d’offrir la consistance actuelle que l’on connaît du web. Nous allons voir un panorama de sept façons principales dont la pornographie a modifié la navigation sur le web16 : 15 PERDUE Lewis, “EroticaBiz : How sex shaped the Internet”, Copyright 2000-2006 by IdeaWorx [disponible en ligne : http://www.eroticabiz.com/], consulté le 04/01/11 16 Ces données sont issues de l’article de TYNAN Dan, « Thank you, porn ! 12 ways the sex trade has changed the web”, PC World,[disponible en ligne : http://www.pcworld.com/article/155745- 3/thank_you_porn_12_ways_the_sex_trade_has_changed_the_web.html], mis en ligne le 22/12/08, consulté le 04/01/11 24
  • 25. 1. Système de paiement en ligne C’est au milieu des années 90 qu’un dénommé Gordon met en place le premier système de paiement électronique en ligne et fait fortune en prenant des commissions sur les ventes de nombreux sites classés X dont le site ClubLove, qui diffusa la sextape de l’actrice Pamela Anderson et son ex mari Tommy Lee Jones. Selon l’institut de recherche Forrester, les internautes dépensèrent 1,3 milliards de dollars en ligne en 1999, ce qui représentait 8% du commerce en ligne à l’époque et plus d’argent que représentait les achats de livres ou de voyages en ligne. 2. Contenus diffusés en streaming Bien avant que Youtube ne propose une plateforme de vidéos en streaming, l’industrie du X fut la première à utiliser le push de vidéos jpeg qui fonctionnait directement dans le navigateur sans passer par un plugin pour mettre en avant des images d’actrices. Lewis Perdue affirme d’ailleurs dans EroticaBiz que "Without programming pioneers trying to perfect video streaming software that would deliver images of copulation and procreation to paying customers hooked up with a 28.8kbps dial-up modem, it is unlikely that CNN would be effectively delivering news clips of global breaking news".17 3. Chat video Les sites X ont très vite compris l’avantage pour eux de développer un service de vidéo chat pour améliorer l’expérience consommateur. En effet, pourquoi se contenter de regarder des vidéos de personnes nues alors qu’il serait possible de créer de l’interaction avec ces mêmes personnes ? Mark Frieser, co-fondateur du site MyVIProom.com a pu affirmer que l’industrie pour adultes est effectivement pionnière dans cette technologie. 4. Connexions à haut débit Dans les premières années du Net, les consommateurs de porno en ligne étaient les plus friands d’obtenir une rapidité plus forte de connexion pour pouvoir accéder rapidement à des contenus dont le but est la satisfaction masturbatoire rapide. Selon 17 PERDUE Lewis, “EroticaBiz : How sex shaped the Internet” Ibid. 25
  • 26. un rapport du New York Times en octobre 2000, environ 20% des connectés haut- débit d’AT&T payaient pour voir du « vrai sexe en direct » pour une moyenne de 10$ par film. Une étude de Nielsen/Netratings en 2003 affirme que le partage de musique en ligne et la pornographie sont les facteurs les plus importants de la pénétration du haut débit en France.18 5. Optimisation du traffic Bien avant que des sites d’agrégation de trafic tels que Digg ou des réseaux d’affiliation publicitaire comme Google Adsense ne voient le jour, les sites pornographiques avaient trouvé les premiers le moyen d’amasser du trafic important sur leurs sites grâce à un système de partage de liens, de consommateurs et d’affiliation de revenus entre eux. Selon Frieser, ce phénomène reprend aujourd’hui de l’ampleur en partie à cause de la perte de gains enregistrée sur les sites payants par rapport aux nouveaux sites qui proposent des contenus gratuits. 6. Piratage de navigateurs L’industrie pornographique n’a pas apporté que des solutions positives au web. Elle fut également l’instigatrice de techniques malveillantes comme le moyen de générer des revenus à travers l’utilisation de logiciels espions pour pirater par exemple le navigateur par défaut d’un internaute et le diriger vers un faux moteur de recherche contenant des publicités pay-per-click de sites pour adultes. 7. Pop-ups, pop-unders, mousetrapping Dès lors qu’on visite certains sites pornographiques, il peut devenir difficile de le quitter, à cause d’applets qui prennent le contrôle du navigateur de l’internaute pour mettre en avant des publicités ou pour lancer de nouvelles fenêtres simultanément dès lors que l’internaute tentait d’en fermer une. Ces évolutions majeures ont contribué à construire le paysage Internet auquel nous sommes habitués et soulignent la relation qui existe entre Internet et le business du sexe. Pourtant, ce lien continue de sembler inavouable et inadmissible. Exemple 18 BBC News, “Porn and music drive broadband”, BBC, [disponible en ligne : http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/2947966.stm], mise en ligne le 30/05/03, consulté le 04/01/11 26
  • 27. avec le classement Hitwise qui lors de la diffusion de son Top 10 des sites les plus consultés en 2010 a dissimulé les 3 sites pornos présents en réalité dans le top 10 avec comme leader le site de visionnage gratuit Youporn.com, comme l’a révélé anonymement un grand opérateur français. 19 Pour quelles raisons dissimuler de telles données ? Est-ce par peur de la faire de la promotion à ces sites ? Est-ce par désir de lutter contre la présence de la pornographie sur Internet ? Est-ce pour minimiser la présence du sexe sur Internet ? Dans tous les cas, ces données semblaient de toute évidence difficiles à croire quand on sait qu’un quart des requêtes effectuées sur les moteurs de recherche en ligne sont liées au sexe. Au- delà du lien existant entre l’industrie pornographique et la technologie, nous devons de ce fait nous poser également la question du rapport au porno des internautes. Quel est leur attitude face à la prolifération de ce type de contenus ? Quels changements le porno web a instauré dans leur consommation pornographique ? De plus, la présence du sexe sur Internet pose une question d’ordre éthique : qu’en est-il de l’exposition des mineurs à ce contenu ? Avec l’avènement du Porn 2.0 et ses sites de contenu gratuit, que nous réserve le porno sur Internet ? B. The Internet is for porn ! ou l’ère de la révolution sexuelle numérique Principe d’anonymat du consommateur, une offre et un accès sans aucune limite géographique ou de temps, des coûts de distribution fortement minimisés par rapport à la distribution traditionnelle offline, une exposition relativement limitée aux tentatives de censure… le web représente de nombreux avantages pour le cybersexe. On considère aujourd’hui qu’entre 10 et 30% des sites existant ont un lien avec la pornographie20 et 42,7% des internautes regardent du porno21. Le constat que dressent en chantant les marionnettes dans la comédie musicale américaine 19 Challenges, 29 avril 2010 20 BŒUF Benjamin, « Le Porn 2.0 contre l’industrie du X », EconomieMagazine,[disponible en ligne : http://economiemagazine.fr/actualites/le-porn-2-0-contre-l%E2%80%99industrie-du-x], mise en ligne le 22/09/09, consulté le 03/03/11 21 Chiffre issu d’une Infographie disponible en ligne : http://www.onlinepsychologydegree.net/porn-addiction- in-america/ et consultée le 20/02/11 27
  • 28. Avenue Q est-il donc vrai ? Peut-on nous aussi scander que « The Internet is for porn » [cf Annexe 4] ? 1. Le porno, le lien inavouable entre l’internet et l’internaute A l’occasion du 30ème anniversaire des vidéos Marc Dorcel, une première grande étude a été réalisée en septembre 2009 par l’IFOP auprès de 1016 Français âgés de 18 ans et plus, pour déterminer leurs comportements et pratiques en matière de films pornographiques. Il en ressort que la quasi-totalité des personnes interrogées (89%) admettent avoir déjà visionné un film X et plus de huit femmes sur dix (83%)[cf Annexe 5], reconnaissent en avoir déjà vu un, sachant qu’aujourd’hui le web occupe une place centrale dans cette consommation. In est intéressante de voir également la propension qu’ont les couples à regarder un film pornographique ensemble (si un homme demandait à sa partenaire de regarder un film X, deux femmes sur trois y seraient disposées). L’émergence des chaînes câblées avait déjà amorcé l’expansion du porno au sein de la société, mais la démocratisation d’Internet a permis un accès facile et banalisé aux contenus pornographiques. Les sites Internet gratuits sont désormais le principal moyen d’accéder aux films (45%) devant Canal + (35%), les DVD achetés (22%) ou empruntés à des proches (24%). Le web est également le principal outil utilisé pour se procurer des DVD (44%), devant les vidéoclubs (33%) ou les sex-shops (14%). Chaque seconde ce sont plus de 28 000 internautes qui regardent un contenu pornographique sur Internet avec les Etats- Unis en première ligne 22 et 3000 dollars qui sont dépensés en porno web. L’outil Internet FilterReview estime que le nombre de sites Internet pornographiques est de 42 millions, tandis que Nielsen/NetRatings affirme que sur un seul mois, entre 45 et 50 millions d’Américains visitent des sites aux contenus pornographiques 23 et en 2007 on estimait que 260 nouveaux sites pornographiques étaient mis en ligne 22 BŒUF Benjamin, « Le Porn 2.0 contre l’industrie du X » Art.cit 23 SCHAER Katja, « Le Web fait main basse sur les revenus du porno », Bilan, [disponible en ligne : http://www.bilan.ch/enjeux/le-web-fait-main-basse-sur-les-revenus-du-porno] pas de date de mise en ligne, consulté le 02/04/11 28
  • 29. chaque jour24. Selon le classement Online MBA, en 2010, on estime que 12% des sites web sont des sites pornographiques et 25% des recherches sur les moteurs de recherche sont reliées au porno (soit environ 68 millions par jour)25. Aujourd’hui, le cinéma pour adultes est un phénomène de masse, largement répandu au sein de tous les milieux, mais également parmi toutes les générations d’âge. Les 12-17 ans seraient parmi les plus gros consommateurs de X en ligne selon des données fournies par Good Magazine¸ avec 90% des 8-16 ans qui se connectent à domicile26. Des données qui sont par ailleurs paradoxales avec l’étude Marc Dorcel qui affirme que l’âge moyen du premier visionnage reste élevé (24 ans en moyenne). Bien qu’on puisse expliquer ce fait par la présence forte des seniors dans l’étude qui par le passé avaient un accès plus difficile au X et par l’absence de mineurs interrogés, la question se pose de l’impact du cybersexe sur la protection des mineurs. Légalement, en France, la diffusion d’un message dit « à caractère pornographique » et « susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » est passible de trois ans d’emprisonnement et 75 000e d’amende 27 . Avec Internet, la difficulté se complique pour la loi car ce qui est susceptible d’être vu par un mineur, l’est majoritairement parce qu’il est accepté qu’il soit vu par les majeurs. SI ce problème se pose même pour les supports pornographiques hors ligne, il est d’autant plus important sur Internet car les mesures de restrictions d’accès aux contenus pour adultes sont pour l’instant insuffisantes (demander à l’internaute sur le principe de bonne foi s’il est majeur n’est certainement pas une mesure suffisante) et limitent la vérification du consentement des personnes dans la diffusion de ces vidéos. La mesure la plus importante en termes de tentative de protection des mineurs face à la pornographie sur Internet a été prise récemment par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). En effet, cette administration américaine a 24 ARRINGTON Michael, « Internet Pornography Stats », Techcrunch,(disponible en ligne : http://techcrunch.com/2007/05/12/internet-pornography-stats/] mise en ligne le 12/05/07, consulté le 01/02/11 25 ABRY Vincent, « Porno sur Internet : Statistiques 2010 », VincentAbry [disponible en ligne : http://www.vincentabry.com/porno-internet-statistiques-industrie-adulte-9073], mise en ligne le 03/06/10, consulté le 05/05/11 26 BWELE Charles, « Porno moyeur : les chiffres », AgoraVox, [disponible en ligne : http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/porno-moteur-les-chiffres-25290], mise en ligne le 04/06/07, consulté le 01/05/11 27 Nouveau Code Pénal, art. 227-24 29
  • 30. autorisé le 21 mars 2011 l’extension .xxx (au même titre que les extensions de sites .com, .org ou .net) pour les sites pornographiques. Ces extensions ne seront disponibles que pour les sites pour adultes mais leur adoption n’est pas obligatoire. Ce projet qui date de 2004 mais avait été maintes fois rejeté et repoussé, aurait pour avantage de permettre un contrôle parental simplifié en mettant en évidence la nature du site visité. De plus, l’organisme à but non lucratif chargé de réguler le .xxx, l’IFFOR (International Foundation For Online Responsibility), sera composé entre autres d’un représentant de la protection de l’enfance. Pourtant, tandis que des grands noms de l’industrie pornographique se soulèvent contre cette mesure qu’ils considèrent comme un moyen évident de censure de leur travail, de nombreuses institutions opposées à la pornographie (religieuses ou de protection de l’enfance) s’y opposent également, craignant au contraire qu’une telle décision ne légitime encore plus la présence pornographique sur le web et ne fasse fleurir de plus belle son marché. Dans tous les cas, ce qui est certain est que cette mesure tend à créer un domaine d’exclusivité à la pornographie sur Internet. Seulement, encore une fois ne sommes-nous pas face à un discours hypocrite et d’apparence ? En effet, à quoi bon créer des domaines en .xxx, si de toute manière ils ne sont adoptés que sur la base du volontariat ? Est-ce vraiment un désir de trouver une solution à l’exposition pornographique ou un moyen de l’Etat de générer des revenus grâce à ce qu’il suppose vouloir écarter (chaque adresse devrait être facturée 70 dollars par an, or plus de 200 000 URL ont déjà été pré-réservées) ? De plus, « tout le monde sait qu’il ne peut y avoir « d’accès zéro » à la pornographie pour les jeunes, s’il y a accès libre pour les adultes. Pour empêcher complètement les jeunes d’accéder à la pornographie (douce ou violente), il faudrait donc l’interdire aux adultes28. » Or, sous quels principes la pornographie pourrait-elle être interdite quand on sait que sa définition pose déjà le problème de la subjectivité idéologique de chacun ? En plus de cela, comme le souligne le discours principal et récurrent des acteurs du porno, il ne faut pas oublier l’importance du rôle des parents également dans cette exposition à la pornographie. Plutôt que de vouloir éradiquer l’indéracinable, peut-être faudrait-il que les parents prennent conscience de leur côté des risques d’exposition de leurs enfants si cette exposition les horrifie. Alors que selon le Baromètre Calysto « Enfants et Internet », 89% des 11-13 ans et 93% des 13-17 ans ont Internet à la 28 ère OGIEN Ruwen, « Penser la pornographie », p.140, Paris, PUF, Coll. Questions d’Ethique, Oct 2003 (1 ème édition), Juin 2008 (2 édition) 30
  • 31. maison29, l’enquête Dorcel montre que 63% des personnes ayant déclaré avoir un enfant de moins de 15 ans au domicile n’ont pas installé de logiciel de filtrage parental et que seulement 52% d’entre eux ont un code d’accès parental sur leur ordinateur [cf Annexe 6]. De plus, si les moyens d’exposition de la pornographie évoluent en parallèle voire en conséquence des évolutions technologiques qui intègrent notre quotidien, faudrait-il interdire notre société d’avancer sous prétexte que la pornographie en tirerait profit ? La pornographie, comme nous l’avons déjà évoqué en première partie de cette étude avance avec son temps et ce qui prétend essayer de la supprimer, ne cesse en fait de l’alimenter rien qu’en étant. Aujourd’hui, à l’instar du phénomène global qui se passe sur le web, les médias sociaux envahissent à leur tour le monde de la pornographique. La prise de pouvoir du contenu par l’utilisateur lui-même a envahi le marché et le pouvoir pornographique sur Internet ne vient plus majoritairement d’acteurs qui subvertiraient des consommateurs happés par une offre tentante, mais de sites où les consommateurs génèrent eux-mêmes le contenu pour le partager avec les autres internautes. Pour se démarquer au sein de cette tendance, les voix du porno traditionnel s’élèvent et investissent à leur tour la vague sociale pour éviter de perdre pied. 2. Le Web 2.0 est né, à mort le Porn 2.0 ! Si comme nous l’avons vu précédemment dans notre étude, l’industrie pornographique a su s’adapter jusqu’à présent au média Internet avec un réel succès, elle souffre aujourd’hui des nouveaux modes de consommation qui ont envahi le web. A l’instar de l’industrie musicale ou cinématographique classique, l’industrie pornographique doit faire face au fléau de la diffusion gratuite de ses contenus à travers la toile. Le téléchargement illégal à travers des liens BitTorrent fut le premier fléau auquel s’attaquer, mais depuis l’arrivée dès 2005 de ces nouveaux sites appelés « porntubes » ou « Xtubes » et qui s’inscrivent dans le courant plus large du Porn 2.0, la concurrence s’est accrue. Le Porn 2.0 ou Social Porn est appelé ainsi en référence au courant actuel Internet du Web 2.0, duquel il s’inspire et 29 Baromètre CALYSTO, en partenariat avec LA VOIX DE L’ENFANT, « Enfants et Internet », [disponible en ligne : http://www.tousconnectes.com/wp-content/uploads/2010/12/Barometre-Calysto-Enfants-Internet- d%C3%A9cembre-2010.pdf], mis en ligne en décembre 2010, consulté le 15/02/11 31
  • 32. où l’internaute n’est plus seulement consommateur des produits en ligne mais également fournisseur, acteur et créateur de ces contenus. Ces sites se sont principalement inspirés du modèle UGC (User Generated Content) du site Youtube (d’où le nom de « Xtube » ou « porntube » pour les désigner) pour mettre en avant leurs contenus : l’internaute poste lui-même des vidéos en streaming que l’on peut visionner en intégralité et ceci gratuitement. Et c’est justement là que se situe le problème majeur actuel de l’industrie pornographique traditionnelle, car ces sites proposent désormais des milliers de vidéos à visionner et enregistrent des millions de vues par jour. Quand auparavant l’internaute devait souscrire à un abonnement en ligne sur un site pornographique pour accéder à son contenu, ou acheter un DVD en ligne, aujourd’hui il lui suffit d’entrer sur un de ces sites pour avoir une quasi- totalité de contenus gratuits. Alors qu’avant chaque catégorie de fantasmes recherchée nécessitait parfois un abonnement unique, aujourd’hui chacun peut avoir accès à une multitude de types de vidéos et de pratiques sexuelles en quelques clics sur un même site et ceci sans rien débourser. Et l’engouement actuel des internautes pour les vidéos amateurs du genre n’est pas pour désavantager ces sites, qui se procurent ainsi gratuitement des vidéos sans droits d’auteurs fournies par l’internaute en quête d’exhibition et satisfait à la fois un public qui en est à la recherche. J’ai pu interviewer Guillaume, un jeune acteur du Social Porn qui s’est lancé dans l’entreprise depuis peu en ouvrant en 2007 son propre site Internet de streaming uniquement composé de vidéos amateurs. Il affirme avoir débuté ce projet pour se faire de l’argent de poche car selon lui « le domaine de la pornographie est celui qui rapporte le plus » et explique avoir décidé de présenter essentiellement des vidéos amateurs par souci de « montrer des vidéos de qualité, où les partenaires sont respectés et prennent du plaisir » [cf Annexe 7]. Si son site ne lui rapporte pas assez pour qu’il puisse en vivre, le site lui génère néanmoins entre 200€ et 300€ par mois. Un des avantages essentiel de ces sites est qu’ils préservent totalement l’anonymat des consommateurs. L’internaute a un accès illimité à un catalogue qui semblerait presque infini sans avoir à fournir aucune donnée personnelle. Or, si l’industrie pornographique communique traditionnellement sur sa capacité de discrétion (emballage discret des colis, environnement secret des sex-shops…), les sites porno ne respectent pas entièrement cette promesse, dès lors où il est nécessaire de fournir ses coordonnées bancaires en souscrivant à un abonnement pour avoir accès au contenu. De plus, la conjoncture technologique actuelle est favorable à ces sites, 32
  • 33. car les FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet) proposent des connexions aux débits de plus en plus rapides, ce qui permet à ces sites de proposer un temps de chargement qui ne frustre (presque) pas l’impatience de leurs consommateurs, ainsi que des vidéos qui peuvent parfois être d’une qualité comparable à celle des DVD. Par conséquent, les internautes s’habituent à consommer un catalogue complet de vidéos gratuitement et l’économie traditionnelle du porno en parallèle voit ses revenus chuter. Les revenus de production traditionnels accusaient en 2006 une perte de plus de 15% de leurs revenus et en 2008 les ventes de DVD pornographiques ont chuté de 22% aux Etats-Unis. En réaction, l’industrie traditionnelle X se ligue pour trouver des solutions afin de lutter contre ce qu’elle considère comme un fléau pour son économie. Une réunion ayant eu lieu en octobre 2010 en Arizona qui réunissait de nombreux studios de production se donnait pour objectif de réduire significativement le « piratage numérique des contenus pour adulte et s'attaquer vraiment à ceux qui se livrent au piratage de ces contenus d'ici janvier 2012 »30. On ressent comme un certain désespoir de la part de ceux qui travaillent dans le domaine, on a même pu entendre un acteur de films porno dire que « le porno va mourir » et de renchérir qu’il était désormais obligé d’enchaîner les petits boulots en plus à côté pour subvenir à ses besoins. Les producteurs se sentent désormais contraints de prendre la voix pour défendre leurs droits. En 2009, l’entrepreneur Kevin Cammarata qui édite plusieurs sites payants pour adultes a porté plainte contre le site gratuit Redtube estimant que le site constitue une infraction à la loi californienne sur la concurrence déloyale. Mais la cour d’appel californienne avait relaxé Redtube, jugeant que cette procédure était assimilable à une attaque contre le First Amendment qui garantit la liberté d’expression car « la publication d’une vidéo sur Internet, qu’il s’agisse d’un adolescent qui joue au football ou d’un film pornographique, est une application de la liberté d’expression »31. En janvier 2009, deux géants de l’industrie pornographique, Larry Flint (fondateur du magazine Hustler) et Joe Francis (éditeur de la série de vidéos Girls Gone Wild) ont même demandé au Congrès des Etats- Unis d’adopter un plan de sauvetage de 5 milliards pour l’industrie pornographique affirmant que le pays ne peut pas laisser s’effondrer une industrie de 13 milliards de 30 Julien L., « L’industrie porno entend mettre une terme au piratage d’ici 2012 » Art.cit 31 LeMonde.fr, « Le porno gratuit n’est pas une concurrence déloyale », Le Monde, [disponible en ligne : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/02/03/le-porno-gratuit-n-est-pas-une-concurrence- deloyale_1474846_651865.html] mise en ligne le 03/02/11, consulté le 03/02/11 33
  • 34. dollars. Mais peut-on imaginer les gouvernements soutenir et protéger une industrie qu’ils s’évertuent à montrer du doigt ? Aujourd’hui les Xtubes ont une telle prédominance sur le consommateur qu’il est devenu impossible pour l’industrie traditionnelle de les ignorer. Un signe marquant de cette influence se vérifie lorsqu’on regarde sur l’outil Google Trends la fréquence à laquelle les internautes recherchent le mot « Porno » en France par rapport au mot « Youporn » [cf Annexe 8] et on remarque que le second l’emporte sur le premier. Ces marques ont donc désormais dépassé le concept initial comme référence de l’univers pornographique pour les consommateurs. De ce fait, plutôt que de tenter de le supprimer en vain, le porno tente de s’adapter à ce nouveau système médiatique et de tirer profit de ce nouveau marché qui s’ouvre et lui impose de repenser son modèle économique. III/ Le Porn 2.0, moteur de démocratisation et d’innovation Le Porn 2.0, en s’inspirant des nouveaux codes du web, impose des nouveaux codes au monde pornographique. En démocratisant largement l’accès aux contenus pornographiques, le Porn 2.0 a modifié les habitudes de consommation pornographique des internautes et par là même a modifié le rapport à la pornographie des consommateurs. En devenant un phénomène social, accessible à tous avec une discrétion absolue, le porno est devenu un produit de consommation courante que les internautes se sentent désormais en droit de pouvoir consommer à leur guise. Un des points forts essentiels de ces sites est qu’ils ont su traduire le besoin libertaire des internautes qui s’était ressenti à travers le web 2.0 au moment opportun et avec efficacité en l’adaptant aux différents désirs de ses multiples publics. Si l’industrie du X enregistre des pertes de chiffres d’affaires conséquentes 34
  • 35. du fait de la perte d’usage des consommateurs de payer pour du contenu de qualité et la force à redéfinir un modèle économique, l’arrivée du porno social n’a pas que des conséquences purement néfastes. Ces nouvelles plateformes ont permis l’émergence de nouveaux acteurs d’importance dans le milieu pornographique, modifiant un peu l’hégémonie du paysage pornographique. De plus, les Xtubes sont néanmoins devenues des sources de revenus supplémentaires pour l’économie du sexe traditionnelle qui se sert des opportunités qu’offrent ces sites pour en tirer des avantages. Elle investit en effet de plus en plus les « tubes » pour gagner des revenus et des internautes à travers divers moyens de publicisation de ces espaces. Les revenus gagnés sur ces plateformes ne couvrent bien sûr pas les pertes enregistrées, c’est pourquoi l’industrie tente de pallier à cette situation en se démarquant qualitativement par une innovation multi-support. A. Un nouveau tube économique pour l’industrie du X Aujourd’hui, il devient inenvisageable d’éradiquer les porntubes de la toile étant donné leur forte influence. Aujourd’hui, ils sont devenus le premier média par lequel les internautes se procurent du contenu pornographique et l’industrie apprend à traiter avec eux. D’autant plus que de nouveaux pureplayers X ont vu le jour et exploitent ces plateformes et plutôt que de perdre leur temps en procès, ont décidé d’en faire des alliés et en retirent ainsi des bénéfices conséquents. Mais l’industrie n’a pas dit son dernier mot et déjà de nouveaux sites se démarquent qui arrivent à générer du profit grâce à leur capacité d’innovation. De plus, les évolutions technologiques numériques récentes offrent de nouveaux espaces d’expression pour l’industrie pornographique qui ne lésine pas sur les moyens pour se démarquer et faire valoir son savoir-faire historique en matière de contenus de qualité et d’avant- gardisme technologique. Le porno se cache de moins en moins sous le manteau comme un sale habit dont il faudrait vite se débarrasser et bénéficie d’un espace d’expression plus large et visible que l’industrie du X compte bien éclabousser de son imagination débordante pour relever son empire. 35
  • 36. 1. Les porntubes, un fléau précieux pour l’industrie pornographique ? Ces sites regroupent en un espace, un ensemble de services qui étaient démultipliés sur différents sites spécialisés auparavant comme le montrent les différentes rubriques présentes sur quasiment tous ces sites : rubrique de vidéos HD avec abonnement premium, live par webcam, communauté de membres, catégories de vidéos classées selon les goûts de chacun, classements par vidéos les plus vues, les mieux notées ou encore les plus longues. Ces sites mettent clairement en avant leur volonté de mettre l’accent sur la bonne expérience de navigation du consommateur qui explore un espace où chacun des moyens de satisfaction de ses désirs est facilement identifiable et accessible à ses yeux. Une innovation qui le montre bien est la technique de "prévisualisation" de la vidéo permettant à l'utilisateur de voir un déroulé rapide (sorte de best of) du film en question, simplement en laissant son curseur reposer sur la vidéo qu’il est tenté de vouloir regarder. Parce que de la même façon que les sites de streaming musicaux, les porntubes mettent à disposition des contenus protégés par des droits d’auteurs, l’industrie du X a trouvé le moyen de récupérer de la monétisation sur ce contenu qui lui appartient en droit. A travers des bannières publicitaires qui mettent en avant des vidéos flash qui montrent des actrices répétant sans cesse le même mouvement d’une façon exagérée mais semble assez naturelle pour attirer l’œil déjà excité du consommateur, les sites porno traditionnels offrent un teasing de leur site qui peuvent leur générer des revenus par clic, du trafic sur leur site et donc a fortiori des revenus liés à l’achat de contenu sur leur site. Les revenus publicitaires sont aussi apportés par le système d’affiliation fortement utilisé sur ces sites. Les Xtubes se recommandent entre eux de façon affichée et utilisent même une terminologie affective pour se recommander à travers des rubriques comme « nos amis » pour désigner les autres sites vers lesquelles ils conseillent les internautes de se diriger également. La qualité publicitaire pornographique par rapport à la publicité sur des sites plus conformistes est qu’elle est totalement adaptée au contenu même du site, si bien qu’elle semble n’être qu’un élément cohérent de plus sur la page. Bien qu’elle soit clairement exposée comme étant de la publicité, sa mise en avant imagée ne fait que s’ajouter à un paysage visuel similaire et dans lequel elle s’intègre parfaitement. Plutôt que de paraître gênante, elle rajoute au contraire au sentiment d’opulence sexuelle des sites, ce qui est une qualité incitatrice au clic pour les consommateurs. 36
  • 37. Les porntubes furent les premiers, avant les sites de streaming traditionnels, à insérer un message publicitaires sur les vidéos, la plaçant quelques secondes au début du chargement de chaque vidéo ou apparaissant automatiquement à chaque moment où la vidéo procède à un chargement au cours de la vidéo du fait de la lenteur du processus de chargement par rapport à l’avance rapide de la vidéo. Il arrive aussi que la publicité soit intégrée directement à la vidéo et qu’en plein milieu d’une action, un écran noir apparaisse durant quelques secondes avec un message publicitaire incitant à se rendre sur le site d’où provient la vidéo pour la voir dans son intégralité, avant que la vidéo ne se poursuive. Plus récemment, on a pu voir apparaître un système publicitaire que je qualifierais de plus vicieux, qui consiste à insérer parmi les vidéos à la disposition des consommateurs, une vidéo qui semble être comme les autres mais qui en fait n’est là qu’en tant que produit publicitaire. La vidéo est courte, ne montre qu’une scène vide d’actions, comme une sorte de teasing sur laquelle s’affiche en sous-titre l’adresse d’un site. Or, cette vidéo ne se contente pas d’être présente lorsqu’on clique sur l’icône vidéo qui lui correspond. Il se peut qu’en cliquant sur plusieurs autres vidéos qui promettent un autre contenu à travers leur titre et leur images, on tombe finalement sur cette même vidéo publicitaire. Ainsi, il s’agit d’une publicité masquée derrière une promesse qui fut tout autre. Nombre de ces sites de Xtubes sont aujourd’hui détenus par des sociétés qui ont compris très rapidement l’intérêt financier que représentent ces sites. La société Brazzers fondée par trois canadiens de 22 ans est aujourd’hui une société qui règne en maître sur le marché du porno gonzo (cette technique de filmage qui immerge le spectateur dans l’action grâce à des gros plans rapprochés et qui fait le succès des porntubes). En 2007, Brazzers fait l’acquisition du nom de domaine Pornhub (10 millions de visiteurs par jour en moyenne), développe sa structure et rachète d’autres Tubes (Tube8, ExtremeTube…) et monte la holding Mansef qui acquiert également d’autres tubes et sites. Toutes les vidéos de ces sites ont des droits qui appartiennent à Brazzers et incitent les internautes à s’abonner aux sites qui produisent ces contenus et qui appartiennent également à Brazzers sans que le consommateur ne se doute de rien. Aujourd’hui, la société emploie 375 personnes et son chiffre d’affaires annuel estimé à 180 millions de dollars 32 . Mais comme le 32 DES AULNOIS Stephen, « Xanadu, le porno face à la génération web », Arte TV (disponible en ligne : http://www.arte.tv/fr/3743604,CmC=3821250.html], mise en ligne le 20/05/11, consulté le 20/05/11, article issu du site Le Tag Parfait.com 37
  • 38. souligne Gonzo, créateur et rédacteur principal du site Le Tag Parfait qui se présente comme le site de la culture porn, « le problème des tubes, c’est que le contenu est soit du contenu propre (Pornhub appartient à Brazzers), soit du teasing de 5-10 min de petites boites de prod, soit envoyé par les gens et donc soumis à la loi sur le copyright. Les gros studios demandent aux tubes de virer ce qui leur appartient, du coup on se retrouve avec des vidéos souvent vieilles et de mauvaise qualité »33. 2. Vers une redéfinition de la stratégie de communication du X C’est en palliant justement à ce défaut des Tubes qu’un site est devenu en quelques temps incontournable dans l’histoire du porno web et a réussi à asseoir son succès. En proposant du contenu spécialisé, innovant et garanti de haute qualité, le site Kink.com révolutionne à sa manière le porno sur la toile. Fondé en 1997 par un anglais, Peter Acworth, le site se présente d’emblée comme exclusivement BDSM (comprenez par là Bondage and Discipline Ŕ Domination and Submission Ŕ Sadomasochism). Pour monter son empire, Acworth rachète un lieu à la hauteur de ses ambitions, l’ancien arsenal The Armory à San Francisco en Californie dont la superficie est de 200 000 mètres carrés, pour 14,5 millions de dollars et le transforme en paradis du sexe hardcore. Un large nombre de costumes finement étudiés, des décors variés et originaux, une attention toute particulière portée aux scénarios et une qualité des images qui n’a rien à envier à la HD télévisée et qui se différencient des « vidéos S/M et fétichistes floues et irregardables 34» des tubes. Kink parie sur la qualité plus que sur la quantité, en terme de nombre de vidéos mais également de gros plans enchaînés sur les parties génitales des acteurs et cela marche. Chaque mois, 520 325 visiteurs uniques visitent le site et chacun d’entre eux revient environ 3,8 fois. Kink.com a aujourd’hui le potentiel de gagner 122 820$ par an en publicités selon le site d’analyses en référencement Site Trail. Le site a même été récompensé en 2009 aux AVN Awards (cérémonie de récompenses du cinéma pornographique 33 LEGER François, « Le Tag Parfait : porno pour gens sensibles », Reviewer, [disponible en ligne : http://reviewer.fr/dossiers/web-tech/3464/le-tag-parfait-porno-pour-gens-sensibles.html], mise en ligne le 23/04/11, consulté le 23/04/11 34 BESNARD Tiphaine, « Du hard, du vrai », Le Tag Parfait, [disponible en ligne : http://www.letagparfait.com/2011/04/18/du-hard-du-vrai/], mise en ligne le 18/04/11, consulté le 18/04/11 38