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LE TEMPS. Paris truqués mercredi9 décembre 2009  Quand l’UEFA fait pâlir la FIFA Tiphaine Bühler Pour éradiquer les manipulations dans le football, l’instance européenne ne traîne pas. En un an, elle a secoué les pelouses de tout le continent, ce que la fédération internationale peine à faire Le football, c’est comme un enfant. Lorsque ça joue juste, c’est beau, parfois même divin. Mais très jeune, on apprend à sourire pour avoir une sucette ou à se cacher lorsqu’on fait une bêtise. En cela, le football est enfantin aussi. Certains parents ont de la peine à voir clair dans le jeu de leur progéniture. Il en va de même pour l’instance qui régit le football mondial. Alors que la FIFA «met la tête dans le sable», comme l’affirmait sur la TSR Declan Hill, l’auteur de Comment truquer un match de foot?, l’UEFA a tout de suite «réagi courageusement, sur l’impulsion de Peter Limacher», le responsable de la cellule anti-corruption mise en place en début d’année à Nyon. Au-delà des critiques répétées de Declan Hill à l’encontre de l’obscurantisme de la FIFA, plusieurs faits appuient son propos. Très concrètement. La fédération internationale s’est dotée d’un système de contrôle des paris sportifs, officiellement en juillet 2007, en s’alliant les services de la société Early Warning System (EWS), aujourd’hui sa succursale. Le logiciel de détection des fraudes a été testé de manière expérimentale lors de la Coupe du monde 2006 déjà. Publicité Trois ans plus tard, qu’en est-il sorti? «Nous n’avons pas d’alerte en ce moment», relève, laconique, Wolfgang Feldner, responsable de EWS. «Les matches de la FIFA sont moins attractifs pour les tricheurs. Il y en a moins que pour l’UEFA, où on joue chaque semaine.» En effet: d’un côté, on surveille entre 1000 et 1500 rencontres par an, et de l’autre, on passe au crible 29 000 matches. Wolfgang Feldner poursuit: «Les matches de la FIFA impliquent des équipes nationales, très contrôlées et difficiles d’accès. Les joueurs sont bien payés.» Précision utile, aujourd’hui, en 2009, une joueuse de l’équipe nationale féminine suisse ne reçoit pas un centime de salaire. Elle n’obtient qu’un défraiement lors de ses déplacements. Les Coupes du monde féminines, celles des juniors, les Jeux olympiques ou les matches de qualification pour le Mondial masculin sont donc susceptibles d’intéresser les parieurs truqueurs. A travers EWS, la FIFA surveille ainsi les volumes des paris concernant «ses» matches depuis trois ans. Pour quel résultat? «Nous n’avons pas relevé d’irrégularité depuis la mise en place de notre système de surveillance, cela également lors des Jeux olympiques l’an dernier ou lors des qualifications pour le Mondial 2010», relève-t-on au département de la communication de l’instance. A l’époque des Jeux de Pékin en 2008, il avait pourtant été question de cas de matches de football truqués. Sans suite, visiblement. «Nous avons eu des alertes», confirme Wolfgang Feldner. Aucun soupçon n’a abouti à une sanction du côté des services disciplinaires. «Il faut téléphoner à l’UEFA», finit par dire le chef d’EWS, conscient de la maigreur de ses informations. «Elle a davantage de cas et dispose d’une équipe de spécialistes qui fonctionne très bien. Nous collaborons beaucoup avec eux.»  En écho aux propos de Wolfgang Feldner, plusieurs experts de la lutte anti-corruption ne cachent pas que le système de la FIFA est boiteux. «Les personnes qui surveillent les matches suspects et constituent les dossiers ne sont pas les mêmes que celles qui sanctionnent. Il y a une coupure dans le suivi des cas», explique un enquêteur proche des deux fédérations sportives. La patate chaude refroidirait-elle dans les cuisines juridiques de la fédération internationale? «Nous n’avons pas de spécialistes qui traitent les cas de matches truqués. Tout le monde s’occupe de toutes les affaires disciplinaires», confirme un employé de la communication. Publicité Depuis la mise à jour du scandale des matches truqués, qui touche désormais 17 pays européens, les interrogations se multiplient. Garante du football mondial, la FIFA se devait de réagir. Le 2 décembre, le président Sepp Blatter a annoncé qu’un groupe de travail sur le sujet serait créé. Alors, pourquoi l’UEFA est-elle citée en exemple par les organes même de sa «grande sœur»? Connaissant le problème des paris truqués et son amplification par l’avènement d’Internet, le siège européen a mis en place un gigantesque et coûteux mécanisme de surveillance (entre 5 et 10 millions d’euros d’investissement annuel, contre 1,3 million de dollars de budget pour FIFA-EWS). Dès que Michel Platini ouvre les vannes financières, le responsable de la cellule anti-corruption de l’UEFA, Peter Limacher, étoffe son équipe, teste un outil informatique de détection des fraudes (BFDS), alerte les gouvernements européens à plusieurs reprises à Bruxelles. Il furète partout dans le monde ou presque. Moins de six mois après la mise en place de sa structure, l’UEFA en informe ses 53 fédérations et les relie à son système de surveillance électronique. C’était en juillet 2009. Parallèlement, elle continue à alimenter les dossiers des polices judiciaires de chaque pays. En tant qu’instance sportive, elle est limitée dans son champ d’action. Elle ne peut, par exemple, pas mettre quelqu’un sur écoute de son propre chef. Certaines nations, à l’image de l’Allemagne, collaborent en parfaite harmonie et se montrent sensibles au problème de criminalité organisée que représentent les manipulations de matches. D’autres pas du tout. En moins d’un an, l’UEFA, en intelligence avec les polices nationales et plus de 300 informateurs sur le terrain, est parvenue à révéler une manipulation en réseau qui touche plus de 200 matches en Europe. Cette même année, les hommes de Platini ont suspendu à vie deux personnes proches du club macédonien de Pobeda et privé le club de compétitions européennes pour huit ans. Ils ont informé et formé les fédérations – séminaire spécifique en août et rencontre à Nyon en novembre pour neuf d’entre elles, notamment. Un arbitre international ukrainien, Oleg Orijechow, a été suspendu administrativement début décembre, et ce n’est que le début. Le transfert des compétences disciplinaires des fédérations sportives nationales vers l’UEFA, pour ces cas de matches truqués, a même été proposé par la Swiss Football League. Publicité Souverain, outillé et efficace, l’organe européen dégage, jusqu’à présent, un professionnalisme qui fait pâlir la très politisée FIFA. Certains observateurs des organes de paris ne cachent pas la pression qui est mise pour stopper ce cancer. «Je n’ai plus un soir de libre, lorsque les matches de Ligue des champions sont finis, je surveille ceux des femmes, cela plus de 350 jours par an», glisse un enquêteur à un collègue de Nyon. «L’objectif, c’est l’Euro 2012. On est dans le pipeline», lui répond son homologue. Un langage presque codé pour une tâche monumentale, d’autant plus que l’Ukraine et la Pologne – où se déroulera le prochain Euro – sont passées maîtresses dans l’art de la corruption. La démission en octobre dernier du ministre des Sports polonais, Miroslaw Drzewiecki, suite à un scandale de trafic d’influence lié aux jeux de hasard, souligne, une fois encore, l’ampleur de la traque qui attend l’UEFA. La FIFA applaudit.
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Aucun soupçon n’a abouti à une sanction du côté des services disciplinaires. «Il faut téléphoner à l’UEFA», finit par dire le chef d’EWS, conscient de la maigreur de ses informations. «Elle a davantage de cas et dispose d’une équipe de spécialistes qui fonctionne très bien. Nous collaborons beaucoup avec eux.» En écho aux propos de Wolfgang Feldner, plusieurs experts de la lutte anti-corruption ne cachent pas que le système de la FIFA est boiteux. «Les personnes qui surveillent les matches suspects et constituent les dossiers ne sont pas les mêmes que celles qui sanctionnent. Il y a une coupure dans le suivi des cas», explique un enquêteur proche des deux fédérations sportives. La patate chaude refroidirait-elle dans les cuisines juridiques de la fédération internationale? «Nous n’avons pas de spécialistes qui traitent les cas de matches truqués. Tout le monde s’occupe de toutes les affaires disciplinaires», confirme un employé de la communication. 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Moins de six mois après la mise en place de sa structure, l’UEFA en informe ses 53 fédérations et les relie à son système de surveillance électronique. C’était en juillet 2009. Parallèlement, elle continue à alimenter les dossiers des polices judiciaires de chaque pays. En tant qu’instance sportive, elle est limitée dans son champ d’action. Elle ne peut, par exemple, pas mettre quelqu’un sur écoute de son propre chef. Certaines nations, à l’image de l’Allemagne, collaborent en parfaite harmonie et se montrent sensibles au problème de criminalité organisée que représentent les manipulations de matches. D’autres pas du tout. En moins d’un an, l’UEFA, en intelligence avec les polices nationales et plus de 300 informateurs sur le terrain, est parvenue à révéler une manipulation en réseau qui touche plus de 200 matches en Europe. Cette même année, les hommes de Platini ont suspendu à vie deux personnes proches du club macédonien de Pobeda et privé le club de compétitions européennes pour huit ans. Ils ont informé et formé les fédérations – séminaire spécifique en août et rencontre à Nyon en novembre pour neuf d’entre elles, notamment. Un arbitre international ukrainien, Oleg Orijechow, a été suspendu administrativement début décembre, et ce n’est que le début. Le transfert des compétences disciplinaires des fédérations sportives nationales vers l’UEFA, pour ces cas de matches truqués, a même été proposé par la Swiss Football League. Publicité Souverain, outillé et efficace, l’organe européen dégage, jusqu’à présent, un professionnalisme qui fait pâlir la très politisée FIFA. Certains observateurs des organes de paris ne cachent pas la pression qui est mise pour stopper ce cancer. «Je n’ai plus un soir de libre, lorsque les matches de Ligue des champions sont finis, je surveille ceux des femmes, cela plus de 350 jours par an», glisse un enquêteur à un collègue de Nyon. «L’objectif, c’est l’Euro 2012. On est dans le pipeline», lui répond son homologue. Un langage presque codé pour une tâche monumentale, d’autant plus que l’Ukraine et la Pologne – où se déroulera le prochain Euro – sont passées maîtresses dans l’art de la corruption. La démission en octobre dernier du ministre des Sports polonais, Miroslaw Drzewiecki, suite à un scandale de trafic d’influence lié aux jeux de hasard, souligne, une fois encore, l’ampleur de la traque qui attend l’UEFA. La FIFA applaudit.