1. MASTER DE DROIT ADMINISTRATIVE & SCIENCES
ADMINISTRATIVES
SEMESTRE 3
LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIVE
EXPOSE SUR :
LES ACTES ADMINISTRATIVES
INSUSCEPTIBLES DE RECOURS
TRAVAIL FAIT PAR : OUTASSAFTE TAWFIK
2. PLAN DE L’EXPOSE
INTRODUCTION
I-LES ACTES DE GOUVERNEMENT
II-LES ACTES ROYAUX
III-LES ACTES LEGISLATIFS
VI-LES ACTES JURIDICTIONNELS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
3. INTRODUCTION
Si en règle générale l’acte administratif peut faire l’objet de recours dans le cadre du
contentieux administrative. Cependant, une limite importante au contentieux administrative
vient de ce qu’il existe une catégorie non négligeable d’actes émanant de l’administration
qui ne sont pas susceptibles d’être discutés devant une juridiction administratives que ce
soit pour en obtenir l’annulation dans le cadre du recours pour exces de pouvoir ou encore
pour obtenir une réparation ou une indemnisation dans le recours de pleine juridiction.
Cela concerne des actes qui s’exclue d’office en raison du fait qu’ils ne sont pas concernés
par le texte régissant le contrôle juridictionnel à savoir les actes de gouvernement, les actes
émanant du Roi, les actes législatives et les actes juridictionnels que nous allons traiter
successivement dans ce qui suit ;
4. I-LES ACTES DE GOUVERNEMENT
1-LA JURISPRUDENCE FRANCAISE
On convient généralement que l’expression s’est d’abord appliquée à tous les actes que le
CE estimait opportun de ne pas contrôler à raison de considérations politiques dont ils
procédaient.
On appelle acte de gouvernement certains actes accomplis par des autorités administratives,
qui ne sont susceptibles d’aucun recours devant les tribunaux. L’apparition de cette notion
dans la jurisprudence est due à une modestie ou une crainte du CE qui avait restreint sa
compétence vis-à-vis des décisions du pouvoir Exécutif lui paraissant inspirés par un but
politique.
Cette auto censure avait pour souci d’éviter tout conflit avec l’administration et offrait à la
haute juridiction en contrepartie plus de liberté dans l’examens des problèmes de pure
technique juridique.
L’une des 1éres décisions est l’arrêt Laffitte 1 mai 1822, s’agissant d’une parente de
Napoléon qui avait saisit le conseil du refus de l’Etat de lui verser la somme d’une rente
allouée par l’Empereur, la juridiction sursit à statuer au motif que la requête « tenait à une
question politique dont la décision appartient au gouvernement.» l’acte de gouvernement
était reconnu par l’application de la théorie du mobile politique . Cependant l’arrêt le plus
marquant est celui du prince Napoléon (CE 19 Fév. 1875) ou le mobile politique fut
abandonné par le CE, il s’agissait dans le cas d’espèce d’un parent de l’Empereur qui ayant
été nommé général par ce dernier ne vit pas son nom dans l’annuaire militaire en 1873,
l’affaire a été portée devant le CE, le ministre de la guerre décida d’opposer au recours le
caractère politique de la mesure attaquée qui faisait selon lui un acte de gouvernement, le
CE ne s’en dessaisi pas pour autant et examina le fond du recours.
L’arrêt prince Napoléon marque l’abandon de la théorie du mobile politique qui prévalait
jusqu’alors, désormais le juge administratif se reconnaît compétent pour se prononcer sur la
légalité d’un acte même si cet acte n’a été pris qu’au regard de considérations purement
politiques.
Toutefois, la notion d’acte de gouvernement n’a pas été complètement abandonnée même
si son champ d’application a été fortement réduit. Aujourd’hui les actes de gouvernement
n’ont plus qu’un caractère résiduel, on en compte deux catégories : les actes relatifs aux
rapports du pouvoir Exécutif avec le pouvoir Législatif et les actes mettant en cause la
conduite des relations extérieures du pays. Alors qu’en est il de l’acte de gouvernement dans
la jurisprudence marocaine
5. 2-LA JURISPRUDENCE MAROCAINE
La notion d’acte de gouvernement apparaît pour la 1ere fois pendant la période du
Protectorat, au terme d’une décision qui suscita aussitôt des critiques de la part de la
doctrine, il s’agit de l’arrêt de la cour d’Appel de Rabat du 21 Jan 1928, concernant le coup
de canon des Oudayas.
Quotidiennement, un coup de canon annonçait midi dans le quartier des Ou dayas, cette
pratique pittoresque ne pu se faire sans occasionner quelques dommages matériels comme
le bris de vitres des immeubles avoisinant, les habitants scandalisés formèrent un recours en
indemnité, la Cour voulant écarter la responsabilité pour faute accorda une réparation sur la
base du risque anormal du voisinage, en précisant que l’acte attaqué constituait en lui-
même un acte de puissance publique qui ne saurait être soumis à la censure des tribunaux et
c’est là la formule employée par le CE pour désigner l’acte de gouvernement.
Il faut noter que durant la période qui s’étale de 1957 à 1980, on ne peut relever dans la
jurisprudence administrative marocaine et spécialement celle de la Cour Suprême aucune fin
de non recevoir tirée de la notion d’acte de gouvernement, à l’exception d’un seul arrêt qui
est resté isolé encore il n’a servi qu’à fixer la position des magistrats sur la théorie des actes
de gouvernement car l’arrêt avait abouti à l’annulation de la décision attaquée.
En effet, la Fédération Nationale des Syndicats de Transporteurs Routiers su Maroc intenta
un recours contre une décision du ministre des transports à mettre fin à un conflit alors que
le règlement des litiges relevait de la compétence de la Commission de Conciliation et
d’Arbitrage. Le ministre demande à la cour de prononcer l’irrecevabilité en raison du mobile
politique ayant inspiré sa décision.
On constate donc que la jurisprudence marocaine a eu rarement l’occasion de se référer à
cette notion d’acte de gouvernement sans en écarter pour autant l’existence, c’est ce qui
résulte d’une décision du tribunal administratif de Rabat aux termes de laquelle l’ouverture
d’un bureau israélien à Rabat par une décision du gouvernement ne pouvait faire l’objet
d’un recours en annulation pour excès de pouvoir car de tels actes sont considérés comme
des actes de gouvernement qui ne sont pas soumis au contrôle juridictionnel (TA. Rabat. 8
Mars 2001. Belouad.)
On peut déduire de cette jurisprudence même si elle n’est pas assez abondante que les actes
de gouvernement au Maroc comme en France, ne concernent que les actes mettant en
cause les relations internationales et les relations entre l’Exécutif et le Législatif, on conclue
donc en s’inspirant des conclusions du commissaire du gouvernement Celier (CE 28 Mars
1947. Gambert) que l’acte de gouvernement est un acte mixte c'est-à-dire que bien
qu’émanant d’une autorité administrative, il échappe au contrôle juridictionnel parce qu’il
met en cause une autorité dont les actes ne sont pas de la compétence du juge administratif
mais qui en plus de cela se différencie de l’acte administratif par la matière qu’il concerne.
6. II-LES ACTES ROYAUX
La constitution marocaine expresse que le Roi exerce les pouvoirs qui lui sont réservés par
dahir.
Cette même constitution comme celles qui l’ont précédé d’ailleurs, confère au Roi des
compétences très larges et notamment en matière administrative, la question qui se pose à
nous est de savoir quelle est la nature et le régime juridique des actes royaux ? doit on les
considéré comme des actes émanant d’une autorité administrative, donc susceptibles du
recours pour excès de pouvoir ? ou sont ils des actes placés au dessus de toute investigation
contentieuse ?
Le droit public musulman que connaissait le Maroc avant le protectorat ne faisait pas la
distinction entre les actes réglementaires et les actes législatifs, le pouvoir conféré par la
communauté au sultan était absolu et sans aucune limite. Ce n’est qu’avec le protectorat
que fut introduite la distinction fondée sur le droit public français. Le terme Dahir était
réservé à la loi dont seul le sultan était la source, donc chaque fois qu’on parlait de dahir le
définir d’après son auteur et l’assimiler à la loi.
Cependant, bien que le recours pour excès de pouvoir n’a pas été intégralement institué au Maroc
sous le protectorat, le dahir a néanmoins fait l’objet d’une jurisprudence. Dans un 1er cas le CE s’est
reconnu incompétent pour prononcer la nullité d’un dahir, alors même qu’il s’agissait d’un acte à
caractère réglementaire et le CE estima « qu’aucun dahir ne pouvait être déféré à son examen, tous
les dahirs sans aucune distinction ayant un caractère législatif (CE, 24 Juin 1934, Cerda) (CE 3 Fév.
1937, Guitton).
A l’opposé du CE la Cour d’Appel de Rabat inaugura une jurisprudence que l’on pouvait qualifier
d’audacieuse par les perspectives qu’elle laissait entrevoir, dans son arrêt du 4 Mai 1944 Jemaà
Tamesgelft, la Cour d’Appel avait fait la distinction entre les dahir-décrets et les dahirs-lois, il fallait
donc en déduire que la 1éré catégorie avait un caractère administratif et considérer le Roi comme
autorité administrative dont les actes sont susceptibles d’annulation , cette position fut confirmée
par la cour de Cassation dans un arrêt du 3 Juillet 1956 veuve Cazes.
Mais il faudrait le dire cette jurisprudence resta sans lendemain, après l’indépendance et
l’institutionnalisation du RPEP, la Cour Suprême sera amenée à se prononcer sur la nature et le
régime juridique des actes royaux.
L’arrêt de principe en la matière est celui du 18 Juin 1960 Abdelhamid Ronda, dans le cas d’espèce il
s’agissait bel et bien d’une décision administrative puisque le requérant avait été suspendu de ses
fonctions de magistrat par dahir sans que fut respecté le principe audi alteram parlem prévu par le
dahir du 5 Nov. 1934 régissant le statut des magistrats. La Cour ne prit pas en compte la nature de
l’acte mais la qualité de son auteur et opposa l’irrecevabilité.
Cette position sera reprise par la Cour dans arrêt du 10 Mars 1970 société propriété agricole
Abdelaziz, la Cour a observé que la décision émanait juridiquement du roi et que le Roi entant
qu’Amir El Mouminine ne peut être considéré comme une autorité administrative ordinaire bien
7. qu’agissant entant que telle. Ce raisonnement qui se base sur la théorie de l’imamat a abouti à
l’irrecevabilité du recours.
Toutefois, il faut souligner que les arrêts Ronda et Sté Agricole restent les seules cas ou les
requérants se sont attaqués ouvertement à une décision royale.
Somme toute, on peut avancer que l’immunité des actes royaux ait suscité quelques publications
dans lesquelles les auteurs ont tenté d’expliquer ou de réfuter les sentences rendues par les tenants
du prétoire. Le professeur Decroux écrivait en 1967 que le décret royal se basant sur une forme
identique à celle du dahir porte normalement sur des matières qui relèvent du 1er ministre et
portant la signature personnelle du Roi seraient susceptibles du RPEP.
Pour Rousset, cette situation n’est pas satisfaisante au regard de la théorie de l’Etat de droit et il
précise que « puisque le Roi est d’après la constitution un pouvoir institué, subordonné à la volonté
nationale, il est logique d’apprécier les pouvoirs dont il dispose d’une manière qui permet de garantir
leur assujettissement à la loi. »
III-LES ACTES LEGISLATIFS
L’irresponsabilité de l’Etat du fait de la fonction législative est un principe de droit public qui
s’explique par la nature même de la loi, acte incontestable et manifestation de la souveraineté, l’idée
d’une loi constitutive d’une faute est par elle-même presque contradictoire . La loi est par définition
un acte général et impersonnel. Toutefois, l’Etat prend quelques fois des mesures législatives qui
favorisent certaines catégories des administrés et inversement défavorisent les autres, c’est ce
constat qui a amené la jurisprudence française à établir quelques exceptions.
On citera un arrêt du CE la fleurette daté du 14 Juillet 1938, le CE a reconnu pour la 1ére fois
l’engagement de la responsabilité de l’Etat du fais des lois. En effet une loi du 29 Juin 1934 avait
interdit la fabrication et la vente de tout produit présentant l’aspect de la crème et destiné aux
mêmes usages mais ne provenant pas exclusivement du lait, la société la Fleurette avait été ainsi
dans l’obligation de cesser son activité consistant dans la fabrication d’un produit nommé gradine
qui tombait sous le coup de l’interdiction. Dans cette affaire les produits ne présentaient pas un
danger et rien dans le texte de loi ou dans les travaux préparatoires ne permettait de penser que le
législateur ait voulu faire supporter à la société, semble-t-il la seule concernée, une charge telle que
l’arrêt de son activité.
Le CE considéra par la suite que cette charge créée dans un intérêt général devait être supportée par
la collectivité, la responsabilité sans faute de l’Etat sur le terrain de la rupture de l’égalité devant les
charges publiques peut donc être engagée non seulement du fait des décisions administratives
légales mais également du fait des lois.
On ne trouve pas dans la jurisprudence marocaine d’exemples d’application d’une telle exception, on
notera donc une absence totale de recours contre un acte législatif.
Il existe aussi des actes émanant des assemblées parlementaires tels notamment les résolutions les
décisions des commissions de leurs bureaux et des fonctionnaires de leurs services, la juridiction
administrative est en principe incompétente, et c’est normal tant que ces litiges suscités par le
8. fonctionnement d’une assemblée politique, sont étrangers au contentieux administratif et le
règlement des assemblées est soumis au conseil constitutionnel.
Au terme de l’ordonnance du 17 Nov. 1958 l’immunité juridique de cette catégorie d’actes
parlementaires comporte deux dérogations, la 1ére concerne la réparation des dommages causés
par le personnel non parlementaire employé pour assurer l’administration interne des assemblées.
La seconde dérogation se rapporte aux litiges d’ordre individuel concernant les agents titulaires des
assemblées la juridiction administrative est compétente vu que ces agents sont des fonctionnaires
soumis à un statut de droit public.
VI-LES ACTES JURIDICTIONNELS
Si la justice constitue une administration au sens large du terme, la fonction juridictionnelle se
distingue nettement de la fonction administrative, de la même manière que le RPEP n’est pas
possible contre les actes juridictionnels qui ne sont pas des actes administratifs.
On exclut traditionnellement la responsabilité de l’administration pour les dommages causés par les
décisions rendues par les tribunaux, plusieurs raisons expliquent cette solution la plus importante
c’est l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions de justice, celle-ci ont force de vérité
légale, il n’est donc pas possible d’envisager de les remettre en cause par un procès ultérieur sous
prétexte qu’elles auraient causés un préjudice, ajoutant à cela l’existence de voies de recours qui
permettent de contrôler les décisions prises par les juridictions, à savoir l’Appel et la Cassation, le
maximum de précautions est donc ainsi pris pour assurer aux justiciables des garanties et il n’est pas
nécessaire de leur ouvrir ensuite des recours en indemnité devant ces mêmes juridictions.
Il faut aussi noter que les tribunaux ne se bornent pas qu’à rendre des jugements, il importe donc de
distinguer soigneusement les actes juridictionnels proprement dit et ceux qui ne le sont pas, seuls les
1érs bénéficient de l’irresponsabilité. Pour l’activité non juridictionnelle, c’est le régime normal qui
s’applique à l’administration qui est responsable de fautes commises.
Il convient donc de rechercher si l’acte dommageable et ou non détachable de l’activité
juridictionnelle. Toutefois, il existe des exceptions à cette irresponsabilité et ceci dans deux cas ;
Les articles 612 et suivants du CPP permettent la révision des jugements condamnant pour des
crimes ou délits lorsqu’il se révèle qu’il s’agit d’une erreur judiciaire, le condamné dont l’innocence
est reconnue se voit réhabilité et il peut lui être alloué des dommages et intérêts pour le préjudice
qu’il a subi.
L’article 81 du DOC et l’art 391 du CPC prévoient que le magistrat qui forfait aux devoirs de sa charge,
en répond civilement envers la partie lésée dans le cas ou il y a partie prise contre lui. Ainsi donc
lorsqu’un jugement a été rendu à la suite de fraude ou de concussion d’un magistrat, la victime de
cette injustice peut attaquer le juge qui a ainsi manqué à ses devoirs.
9. LA CONCLUSION
Force est de constater que l’existence d’actes administratifs non susceptibles de se soumettre au
contrôle du juge administratif, et donc ne pouvant pas faire l’objet d’un recours pour excès de
pouvoir, constitue, certes une limite ou plutôt un rupture au principe de la légalité qui est le pilier de
l’Etat de droit, la situation serait tolérable s’agissant des actes juridictionnels dans la mesure ou
d’autres voies de recours restent possibles et à forte raison concernant les lois dont l’immunité est
puisée de la légitimité populaires mais qu’ en est il des autres actes.
LA BIBLIOGRAPHIE
R.Chapus « droit du contentieux administratif » Editions Montchrestien
M. Rousset « le droit administratif marocain » Editions La Porte 2003
R.Monier « le contentieux administratif au Maroc » 1935
R.Odent « contentieux administratif » cours 1961
P.Decroux « le souverain du Maroc législateur » 1967
M.A.Benabdallah « les prérogatives de l’Etat dans le recours pour excès de pouvoir »
M. Rousset « réflexions sur la compétence administrative du Roi dans la constitution de
1962 »
www.conseil-etat.fr