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SOCIÉTÉ
SPORT
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Une matinée à la
paroisse Notre-Dame
du Mont-Carmel
par Ritzamarum ZETRENNE
Monuma Constant
Junior chanceux,
Manchini Telfort
maudit !
par Gérald Bordes
Soixante-dix millions
de gourdes disparuesPar Reynold Aris
HAÏTI / ÉCONOMIE/DÉPRÉCIATION DE LA GOURDE
JEUDI 16 JUILLET 2015 NUMÉRO 40
WWW.LENATIONAL.HT
QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI
ACTUALITÉ
Des mesures qui
ne rassurent pas
HAÏTI / ÉDUCATION / PSUGO / CORRUPTION
Le gouverneur de la BRH, Charles Castel, en conférence de presse, le mercredi 15 juillet 2015. / Photo : J.J. Augustin
L
es directeurs fautifs doivent
restituer l’argent qu’ils avaient
reçu en usant de subterfuges,
c’est la principale décision
arrêtée au terme de cette réunion.
Au micro des journalistes, le chef
de l’État, Michel Martelly a réitéré
son engagement à contribuer à la
scolarisation d’un plus grand nombre
d’enfants en vue de les doter des
moyens nécessaires leur permettant
d’affronter l’avenir. Il a affirmé en ce
sens que l’éducation demeure la pierre
angulaire à même de sortir le pays de
l’ornière du sous-développement.
Près de 70 millions de gourdes ont disparu à travers 340 écoles qui sont éclaboussées
dans la corruption sur les 8 mille 300 inscrites dans le Programme de scolarisation
universelle, gratuite et obligatoire (Psugo). Une rencontre spéciale s’est tenue, le
mercredi 15 juillet 2015, entre le président Michel Martelly, le ministre de l’Éducation
nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Nesmy Manigat, celui de la
Justice, Pierre Richard Casimir, et le directeur général de l’ULCC, Rodiny Jean-Baptiste,
sur la question. Objectif : restitution de l’argent détourné.
Escapade à Malpasse
et à Jimani !
Par Gary Victor
2 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
TRIBUNE
Lettre ouverte du regroupement
Concertation pour Haiti
L’honorable Stephen Harper
Premier ministre du Canada
Monsieur le Premier ministre
Concertation pour Haïti (CPH) est
un regroupement d’organisations
de la société civile et de membres
individuels du Québec et du Canada
qui participent au mouvement de
solidarité avec le peuple haïtien.
La CPH œuvre au niveau de la
promotion des droits humains et
des libertés fondamentales en Haïti,
du développement solidaire et de la
sensibilisation du public.
Concertation pour Haïti fut
profondément indignée par l’arrêt
168-13 du Tribunal constitutionnel
dominicain qui enleva la nationalité
dominicaine à des milliers de
Dominicains et Dominicaines
d’ascendance haïtienne, et les
rendirent de fait apatrides, comme
nous l’écrivions à l’honorable
John Baird, ministre des Affaires
étrangères le 23 octobre 2013. Cet
arrêt, dont les effets sont rétroactifs
jusqu’en 1929, a ouvert la porte à
de nouvelles expulsions et mesures
répressives prises par les autorités
de la République Dominicaine,
en violation flagrante des droits
humains et du droit international.
Depuis le 17 juin 2015, date de
l’échéance du Plan national de
régularisation des étrangers, notre
indignation s’est transformée en
colère face à la crise humanitaire
découlant des expulsions massives
et violentes effectuées dans
des conditions infrahumaines,
dégradantes et révoltantes. Derrière
l’apparence “volontaire” du retour
massif en Haïti des immigrants
haïtiens et des dominicains
d’ascendance haïtienne, se cache
une vraie « chasse aux sorcières»,
volontairement incontrôlée par
l’État dominicain. Depuis le 17
juin, plus de 17 000 personnes
sont arrivées en Haïti. où, chaque
jour, des centaines de personnes
n’ayant pu régulariser leur statut
ont été expulsées manu militari.
La plupart d’entre elles n’ont
pas eu la possibilité de prendre
leurs maigres effets personnels et
certaines sont mortes en cours de
route. La majorité est composée
de femmes et d’enfants et souvent
ces derniers ont été séparés de
leurs parents. Dans les centres
d’accueil improvisés en Haïti, la
situation humanitaire devient
problématique. Toutefois ici on
entend peu parler de cette crise
dans les nouvelles internationales.
Monsieur le premier ministre,
nous demandons que le Canada
brise le silence et condamne haut
et fort l’imposture de ces retours
forcés, la brutalité des agents de
la force publique dominicaine
et les violations massives des
droits fondamentaux et de la
dignité humaine afin que cessent
ces expulsions contraires aux
engagements internationaux de la
République dominicaine.
Reprenant à notre compte les
demandes des organisations
haïtiennes des droits humains,
de la société civile et du secteur
religieux du 25 juin 2015 [1], la
CPH réclame que le Gouvernement
canadien :
1. Exige de l’État dominicain le
respect de la dignité des Haïtiens-
nesetduprotocolede1999signépar
les deux États sur les mécanismes
de rapatriement (informations
préalables sur les personnes,
respect du regroupement familial,
rapatriements dans des points
officiels et pendant les jours
ouvrables, possibilité offerte aux
gens de prendre leurs effets...) ;
2. Demande à l’État dominicain de
faire cesser la « chasse aux Haïtiens
et Haïtiennes » ;
3. Sollicite sur le champ une session
extraordinaire de l’Assemblée
générale des Nations Unies sur la
question en vue de recommander, en
urgence, une mission d’évaluation
sur la frontière et sur le territoire
dominicain (articles 13 et 20 de la
Charte de l’ONU) ;
4. Explore et utilise toutes les
voies juridico-diplomatiques
et stratégiques appropriées à
la situation dans le cadre de
l’Organisation des Nations Unies et
des autres institutions régionales
(OÉA, CARICOM) ;
5. Propose son appui à la
préparation et à l’organisation
en Haïti des états généraux de la
nation sur le plan économique et
social afin de faciliter la réinsertion
des nombreux rapatriés et trouver
des solutions à long terme à l’exode
historique vers la République
dominicaine ;
6. Offre son concours à la création
d’une cellule de crise au niveau
de l’État haïtien sur la question
haïtiano-dominicaine, qui respecte
les principes de bonne gouvernance
(transparence, reddition de compte,
efficacité...) ;
7. Encourage l’État haïtien à
établir des mécanismes clairs et
transparents pour l’accueil des
ressortissant-e-s haïtiens-nes
expulsés, en misant sur des centres
provisoires pour mieux orienter
les gens, sans toutefois entrer
dans une logique de camps afin
d’éviter de fortes concentrations
démographiques.
8. Offre d’appuyer l’État haïtien et
les organisations de la société civile
dans l’élaboration et la mise en
ouvre de programmes de réinsertion
qui répondent véritablement aux
besoins des différents groupes
notamment les femmes, les enfants,
les personnes âgées, les personnes
ayant une déficience etc. ;
9. Offre son appui à la création
d’une structure de terrain entre les
organisations de la société civile
intervenant sur la ligne frontalière
et les autorités locales en mettant
à leur disposition les moyens
nécessaires (humains, logistiques,
financiers, technologique, etc.).
Monsieur le Premier ministre,
Concertation pour Haïti compte sur
le leadership du Canada - pays ami
d’Haïti - et demande instamment
à votre gouvernement de porter ce
dossier par devant les instances
internationales concernées afin qu’il
soit traité avec diligence. Nous nous
attendons également à ce que tous
les Partis politiques dont les élus-
es siègent au Parlement appuient
cette démarche qui s’inscrit dans
la tradition du Canada de dénoncer
les atteintes aux droits des
minorités où qu’elles se trouvent,
de prendre leur défense dans les
instances appropriées et de leur
porter assistance lorsqu’elles sont
victimes de racisme et d’exactions
diverses.
Nous vous prions d’agréer, monsieur
le Premier ministre, l’expression de
nos sentiments distingués.
Pierre Bonin
pour les membres de la Concertation
pour Haïti :
• Alternatives
• Amnistie internationale Canada
francophone
• AQOCI
•Carrefour de solidarité
internationale - Sherbrooke (CSI -
Sherbrooke)
• Centre international de solidarité
ouvrière (CISO)
• Centre justice et foi
• Comité de solidarité / Trois-
Rivières (CS/TR)
• Développement et Paix
• Église Unie du Canada
• Équitas
• Fédération des travailleuses et
des travailleurs du Québec (FTQ)
• L’Entraide missionnaire
• Solidarité - Union - Coopération
(SUCO)
• Terre sans frontières (TSF)
• Les YMCA du Québec - Initiatives
internationales
Copies : Robert Nicholson.
ministre des Affaires étrangères
; Christian Paradis, ministre du
Développement international
et de la Francophonie ; Thomas
Mulcare, chef de l’opposition (NPD)
; Justin Trudeau (Parti libéral) ;
Gilles Duceppe (Bloc québécois)
; Christine St-Pierre, ministre des
Relations internationales et de la
Francophonie du Québec.
[1] Source Position du secteur des
droits humains, de la société civile
et du secteur religieux haïtiens
(25 juin 2015) : Tiré de Haïti-RD/
Déportations : La société civile
et le secteur religieux fixent les
responsabilités et formulent des
propositions. AlterPresse 28 juin
2015. http://www.alterpresse.org/
spip.php.... Texte original sur http://
rnddh.org/crise-ha%C3%AFtian...!
15 organisations canadiennes de solidarité
demandent au Canada de rompre le silence
sur les « retours forcés »
Publié par Alterpresse
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 3
ACTUALITÉ
L'incertitude continue
On attendait comme la terre sèche attend la pluie une réaction autorisée de
la Banque de la République d’Haïti (BRH) face à la chute accélérée de notre
monnaie.
De46gourdespourundollaraméricainenseptembre2014,ilfallaitcemercredi
15 juillet 2015 56 gourdes pour acheter le billet vert qui se fait parfois rare,
alorsquenousimportonspresquetout.AuNational,noussavons,parexemple,
que pour de grandes transactions sur le marché il faut déjà 60 gourdes pour
undollar.
LegouverneurdelaBRH,CharlesCastel,aparléd’untraindemesures prises
parl’institution,invitantlapopulationetlesopérateursaucalme,sansarriver
pourtantàrassurerl’opinion.
Il a indexé les problèmes structurels et mis en cause, dans le même temps,
les gouvernants haïtiens. Ces problèmes structurels, le manque de vision et
d’intelligencedenosdirigeants,leurfaiblesensibilitésociale,leurpropensionà
jouirsanslimitesdesprivilègesréservés,dirait-on,auxchefsenHaïti,seraientles
causesdecettedégradationsystématiquedelamonnaienationaleparrapport
àladeviseaméricaine.Aucuneconsidérationn’aétéfaitesurlequotidiendes
Haïtiens,doncdelamassedesconsommateurs.
Onestendroitdes’interrogersurlerôleeffectifdelaBRH.N’a-t-ellepaspour
missiondeprotégernotremonnaie? Encesens,commetouteslesinstitutions
quiontcettefonctionrégulatricedanslesautrespays,elledevraitêtreindépen-
dantedupouvoirpolitiqueetêtrecapabledetirerlasonnetted’alarmeencasde
mauvaisesdécisionsouderazziadesgouvernements,etmêmedes’opposerà
certainesdemandesquimettraientéventuellementnotremonnaieenpéril.La
BRHs’est-elleélevéeàlahauteurdesamissionous’est-ellemislaqueueentre
lesjambes,commebeaucoupd’autresinstitutionsdupays,devantcespouvoirs
dontl’incompétencen’estplusàdémontrer?
Ce n’est pas la population qui provoque les spéculations sur le billet vert. Ce
sont les spéculateurs eux-mêmes qui prennent des décisions, en prévoyant
(provoquantouenanticipant)leshausses.
Detoutemanière,lagourdepeutcontinueràs’effondrer.Lesgrandsmanitousse
protégerontavecleursalaireendollarsUSouavecunemassedegourdessup-
plémentaires.Lapopulation,lesclassesmoyenness’appauvrirontencoreplus.
Quidisaitqu’onfestoyaitdansunavionenpremièreclasse,pendantqu’enclasse
économique,unebombeétaitprêteàexploser?
Gary Victor
Édito
Grève au service de
radiologie de l'HUEH
Par Stephen Ralph Henri
HAÏTI/SANTÉ
L
’espace est désert, les bancs
réservés aux patients sont
vides et les résidents se casent
dans une petite chambre, s’ils
ne sont pas dans d’autres espaces de
l’hôpital. Une situation qui indique
clairement qu’il n’y a pas de service.
D’après des explications recueillies
auprès des médecins résidents, qui
souhaitent garder l’anonymat, la grève
est une façon de faire passer leurs
revendications méprisées par leur
chef de service, dont ils souhaitent
désormais la démission.
Les résidents sont des médecins
licenciés effectuant une spécialisation
dans une branche en vue d’obtenir le
plein droit de pratiquer. La résidence
consiste alors en une période de for-
mation continue.
Par rapport à leur statut, ces rési-
dents en radiologie, réclament sur le
plan structurel, de meilleures condi-
tions de travail. De l’internet pour
pouvoir effectuer des recherches,
des toilettes, de l’eau potable dans
le service, une meilleure aération de
la salle d’interprétation, une cham-
bre de garde et la réparation des
machines défectueuses ou ayant une
pièce manquante.
Ces résidents rencontrés par Le
National souhaitent surtout sur le
plan académique la poursuite de la
pratique de certains examens médi-
caux à la section, « lesquels ne sont
plus effectuées depuis un certain
temps », disent-ils. Parmi ces tests, ils
soulignent l’urétrocystographie, con-
sistant à faire un bilan de l’appareil
génito-urinaire chez l’homme,
l’hystérosalpingographie, destiné
à faire un bilan d’infertilité chez la
femme, l’urographie intraveineuse
(Uiv), servant à l’exploration des
reins, et d’autres examens visant
l’analyse de l’appareil digestif, pour
détecter d’éventuelles anomalies.
En pratiquant ces activités, ces
jeunes médecins continuent de se
former tout en servant la population.
Des rotations dans d’autres structures
hospitalières, des déplacements à
l’étranger pour des formations, sont
d’autres demandes de ces résidents.
Toutes ces sollicitations ont été
regroupées dans un document remis
au chef de service, le 2 juin, qui a
décidé de les « ignorer », tout en les
menaçant « d’expulsion », d’après
leur dire.
Ils sont au nombre de 16
Au cours de la journée du 15 juillet,
ils ont adressé une lettre au chef
de service pour lui demander de
démissionner. Mais « on ne peut pas
renvoyer le chef de service, juste
parce que quelqu’un le demande »,
a déclaré à Le National, le directeur
général de l’Hôpital, le Dr Maurice Fils
Mainville, qui affirme être informé
de la situation. « Un chef de service
pour partir doit commettre une
faute grave ou un acte attentatoire à
l’administration », poursuit Maurice
Mainville. Il reconnaît toutefois qu’il
y a eu « des manquements » dans les
échanges entre le chef de service,
Carine Clépah et les résidents. Il
explique que des dispositions sont
déjà prises pour satisfaire les autres
griefs des résidents en radiologie.
Les médecins de service menacent
de leur côté d’entrer en grève, si la
responsable du service de radiologie
est révoquée, rapporte le directeur
Mainville.
D’ici le mois prochain (août) les
examens médicaux, qui ont été
suspendus devront recommencer,
pour les rotations, des ententes sont
déjà trouvées avec ces institutions,
et c’est autant pour la question de
formation à l’étranger, toujours
d’après le directeur général de
l’hôpital. Mainville explique que les
examens ont été suspendus en raison
de « mauvaises conditions ». Il invite
les résidents à trouver un modus
operandi. Il envisage d’acheminer le
dossier par devant, la haute direction
du ministère de la Santé publique
et de la Population (Mspp), si les
résidents restent intransigeants.
Le service de la radiologie et de l’imagerie médicale de
l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (Hueh), a cessé
de fonctionner depuis le 15 juin de l’année en cours, en
raison d’une grève observée par les médecins résidents
de la section, réclamant entre autres le départ du
chef de service; une revendication difficile à satisfaire
d’après la direction générale de l’institution.
L.’espace désert et les bancs réservés aux patients vides au service de radiologie
de l’HUEH, le mercredi 15 juillet 2015.. / Photo : Stephen Ralph Henri
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LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A
4 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
ACTUALITÉ
Soixante-dix millions
de gourdes disparuesPar Reynold Aris
HAÏTI/ÉDUCATION/PSUGO/CORRUPTION
Selon ce qu’a indiqué le président
de la République, près de 8 mille
300 établissements scolaires
font partie du Psugo dont 6 mille
200 privés et 2 mille 100 écoles
publiques, soulignant que ces
deux effectifs combinés totalisent
environ 1,4 million d’enfants
scolarisés durant l’exercice de son
mandat. Il a fallu, poursuit-il, la
conduite d’une enquête dans le
cadre de l’évaluation du programme
pour déceler le nombre d’écoles
respectant les clauses du contrat
paraphé avec le MENFP.
De l’avis de M. Martelly, il convient
de faire la lumière autour de diverses
questions en ce qui concerne
l’éducation des enfants du pays.
Mais, il incombe à l’État haïtien de
jeter les bases afin de développer la
coopération avec d’autres partenaires,
notamment avec la France qui
manifeste sa volonté de contribuer au
renforcement du système éducatif,
voire à l’amélioration de sa qualité.
Quant aux rumeurs faisant état d’un
secrétaired’Étatquiseraitpropriétaire
d’un de ces établissements impliqués
dans ce dossier, le chef de l’État se
dit impartial dans le cadre du travail
de la loi. Ce qui importe c’est d’agir
selon ce que stipule la loi.
Minimisant le pourcentage
d’établissements éclaboussés
dans cette affaire de « fraudes et
d’irrégularités », M. Martelly s’est
contenté de dire que ce nombre
représente moins d’un tiers de
l’effectif global des écoles inscrites
dans le Programme.
De son côté, Nesmy Manigat,
titulaire du MENFP informe que
des « irrégularités graves » ont été
enregistrées dans les écoles inscrites
dans le programme, notamment
dans les départements de l’Ouest
(Carrefour) et de l’Artibonite (Gros-
Morne).
En ce qui concerne les 85
établissements éclaboussés dans
ce dossier, il s’agit d’un ensemble
d’écoles dont l’effectif subventionné
est supérieur à l’effectif constaté
après la vérification des cahiers
d’appel et le comptage physique des
élèves.
Le titulaire du MENFP a indiqué
que l’enquête de l’ULCC parvient
d’abord à prouver qu’il est des
établissements scolaires qui
n’existent que par le compte bancaire
soumis aux autorités du MENFP.
Ensuite, les directeurs de ces écoles
fournissent des effectifs qui ne
correspondent pas dans la réalité
à ceux constatés. Enfin, précise
M. Manigat, l’empressement de
certains de ces directeurs les conduit
à dupliquer les noms de certains
élèves.
» suite de la première page
De gauche à droite, le ministre de l’Éducation national, Nesmy Manigat, et le président Michel Martelly au palais national,
le mercredi 15 juillet 2015. / Photo : J.J. Augustin
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 5
ACTUALITÉ
Escapade à Malpasse et à Jimani !Par Gary Victor
HAÏTI/ZONEFRONTALIÈRE
O
n a peine à croire qu’on est
sur une route internatio-
nale. Si l’entrée de la Croix-
des-Bouquets ressemble à
une vraie cour des miracles avec sa
route en mauvais état, les marchands
des deux côtés de la rue, les méca-
niciens, les artisans en ferronnerie, la
partie vers Malpasse est une véritable
plongée vers le néant haïtien. Pas de
présence étatique sur des dizaines de
kilomètres. Un marché en bon état
qu’on trouve vide ce lundi matin, avec
une banque, sont l’œuvre d’une ONG.
À Fond-Parisien, nous remarquons
deux autobus surchargés, stationnés
au bord de la route, transportant les
effets d’Haïtiens obligés de quitter la
République dominicaine. Ces auto-
bus sont allés jusqu’à Santo Domingo
pour récupérer ces compatriotes qui
ont décidé, par peur, de revenir. Les
choses ne semblent pas se passer bien
à Fond-Parisien.
Quand nous commençons à poser
des questions, les chauffeurs des
deux autobus nous apprennent que
le syndicat des chauffeurs de la zone
leur réclame 5 000 gourdes chacun
comme droit de passage, sinon ils
ne pourront plus revenir chercher
d’autres compatriotes. Nous allons
au renseignement au siège même du
syndicat dont le président confirme
les dires des chauffeurs en parlant
de « taxes » qu’ils veulent prélever
sur ces autobus qui font le circuit
qui leur appartient, c’est-à-dire Mal-
passe-Fond Parisien. Ce président
de syndicat est convaincu d’être du
bon côté de la barrière. Si on suit
sa logique, pour faire le trajet Cap-
Haïtien-Port-au-Prince on devrait
changer chaque fois de véhicule
ou payer une « taxe » pour chaque
tronçon. De toute manière, ce syn-
dicat ne dispose pas d’autobus pour
aller chercher nos compatriotes en
République dominicaine.
On quitte Fond-Parisien pour Mal-
passe. S’approchant de la fron-
tière, on est confronté à la fois à la
beauté des eaux du lac Azuéi et au
spectacle apocalyptique des mon-
tagnes érodées jusqu’à la roche et
des carrières de sable qui donnent à
penser à des morsures gigantesques
dans le paysage. En l’absence de
tout contrôle, les mineurs à la
recherche de sable ont totalement
détruit l’environnement de la zone,
et la route poussiéreuse qu’on tra-
verse risque bien, un jour, en cas
de cyclone ou de tremblement de
terre, d’être submergée par les eaux.
Les beaux autobus des compagnies
dominicaines transportant surtout
des Haïtiens des deux côtés de la
frontière sont anachroniques dans
ce paysage cauchemardesque.
Dans ce qui reste des carrières de
sable, des cabris sommeillent. On
ne sait pas où ils trouvent de l’herbe
pour se nourrir. Avant d’arriver au
poste de la douane, on découvre un
grand espace sableux vide avec une
pancarte du ministère de la Défense
: « Ici bientôt : Centre d’accueil des
rapatriés ». Pas trop loin après, un
point de stockage et de vente de
sacs de charbon de bois. Le long
de la frontière, du côté dominic-
ain, des Haïtiens coupent le bois,
en font du charbon qu’ils viennent
vendre en Haïti. Des Dominicain,s
et même des militaires dominicains,
toujours prêts à gagner quelques
pesos en plus pour arrondir leur
solde misérable, participent à ce
commerce. C’est la mafia du char-
bon de bois dont on parle en pays
voisin. Ce commerce roule sur plus
de 30 millions de dollars américains
par an. La proximité du territoire
haïtien avec sa misère et la non-
gouvernance ne permettent pas à
l’armée dominicaine d’enrayer ce
trafic qui menace de transformer la
zone frontalière du côté dominicain
en zone aussi désertique que le côté
haïtien. L’armée dominicaine aussi,
sur la frontière, comme on vient de
le voir, est rongée par la corruption.
Au poste de la douane à Malpasse,
c’est un véritable Capharnaüm :
marchands de nourriture, march-
andes de pacotilles, camions, con-
tainers, autobus ! Les douaniers
haïtiens, certains jeunes, ne savent
où donner de la tête pour effectuer
leurs tâches dans des conditions
si déplorables. Nous en faisons
d’ailleurs le constat. De la pous-
sière partout. Tout est sale. Les
bureaux sont dans des baraque-
ments exigus. Pour se désaltérer,
on est souvent obligé d’acheter de
l’eau aux commerçantes. Pas de
cafétéria. On se débrouille comme
on peut. Tout le monde se démène
pour effectuer sa tâche et, là, tout
dépend de l’honnêteté et de la con-
science de chaque fonctionnaire.
Mais leur boss, l’État haïtien, lui,
n’est pas honnête. C’est le prédateur
suprême. Malpasse est le deuxième
port d’entrée, après la douane du
port de Port-au-Prince, qui apporte
le plus d’argent au pays. On ne
peut que comprendre la frustration
des commerçantes haïtiennes qui,
revenant de la République voisine,
sont soumises à des taxes prélevées
par les fonctionnaires de la douane.
Elles assimilent ces taxes à du vol,
surtout quand tout le monde sait
que des ayants droit ou proches du
pouvoir, font ce qu’ils veulent à la
frontière.
Le lac est toujours là, beau et indif-
férent. Deux pirogues, propulsées
par des moteurs, se dirigent du côté
dominicain. La contrebande, au vu
et au su de tout le monde, surtout
la nuit, se déploie, de la frontière
dominicaine à Fond-Parisien. Le
charbon de bois décime la terre
d’Hispaniola le long de la frontière.
Entre la douane et l’Immigration
haïtienne, on peut observer un vaste
no man’s land. C’est ici que se tient
le marché. Des milliers de commer-
çants et de commerçantes y vien-
nent s’approvisionner. Les produits
sont à 95 % dominicains. Gourdes
et pesos ont cours ici, tout comme
le créole et l’espagnol. Dans ce
troisième pays, comme dit Ives Marie
Channel dans son beau et courageux
reportage, les natifs et habitués de
la zone passent d’un point à l’autre
de la frontière sans papier. Ce sont,
en général, les Haïtiens qui n’ont
pas de papiers. Ils ont développé
des relations amicales, à Jimani,
avec des militaires dominicains tou-
jours à l’affût de quelques pesos.
Ces derniers sont satisfaits de peu
(20 ou 50 pesos) car ils ont de quoi
s’acheter un paquet de cigarettes,
un rafraîchissement, alors que le
policier haïtien se sentirait offensé
de recevoir de telles sommes. En
revanche, le policier a l’habitude de
créer des difficultés pour soutirer
des gens quelque chose de plus
subséquent. Bref, la corruption est
partout. Mais, curieusement, elle
n’aboutit pas à la même chose car…
Quand on se rend à Jimani, l’une
des villes les plus pauvres de la
République dominicaine, on trouve
tout le nécessaire, en particulier
l’électricité et l’eau potable. Devant
la grande caserne, des lots de sacs
de charbon de bois saisis qu’on
s’apprête à brûler. Une lutte con-
tinuelle, mais qui égratigne très peu
la mafia du charbon de bois sur la
frontière. Un petit Haïtien d’une
dizaine d’années s’accroche à un
militaire dominicain et lui demande
de l’argent. Ils semblent se connaî-
tre, car ils se parlent en espagnol,
bien sûr, pendant quelques min-
utes. Une traversée rapide à Jimani
donne le haut-le-cœur à tout Haïtien
manifestant un vrai amour pour son
pays. Yves Marie Channel a fait une
comparaison stupéfiante entre les
villes haïtiennes et dominicaines se
trouvant face à face à la frontière.
Des exemples flagrants de la nullité
de la gouvernance haïtienne. Quant
à la question des rapatriements,
elle est comme anecdotique. Les
gens sont plongés dans leur vie au
quotidien. Le commerce continue
,même si, selon divers témoignages,
il a baissé de 20 à 30 % en raison
de la tension entre les deux pays
et de la chute de la gourde – il faut
maintenant 120 à 130 pesos pour
100 gourdes alors qu’auparavant
les deux monnaies oscillaient dans
une certaine parité. On a demandé
à quelques militaires dominicains
ce qu’ils pensaient de la question
des rapatriements. «Ils vont tous
revenir dès que les choses se seront
calmées. Il y a un consulat secret
qui fonctionne bien mieux que celui
placé en Haïti pour faire entrer des
Haïtiens en République dominicaine
», a répondu l’un d’eux, les autres
éclatant de rire. Ils nous parlent des
Haïtiens qui passent par les mon-
tagnes et marchent des heures pour
arriver jusqu’à Azua. Ces militaires
semblent, eux aussi, très loin de la
question des rapatriements. Ce qui
est important pour tout le monde
dans cet espace quand même loin
de Santo Domingo et de Port-au-
Prince, c’est qu’il y a de l’argent, ici,
à empocher.
Malpasse, véritable néant haïtien. / Photo : J.J. Augustin
6 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
ACTUALITÉ
Tourner la page BoulosPar Lionel Edouard
HAÏTI/MAST/CSS
D
ans le collimateur de nom-
breux syndicats de travail-
leurs et organismes de
défense des droits humains,
pour sa gestion jugée approximative
de la question du salaire minimum,
le CSS tente de jouer la carte de la
transparence. L’évacuation du dossier
de la démission de Réginald Boulos
parait de plus en plus pressante pour
les conseillers. Sévèrement éclabous-
sés, ils ont décidé conjointement avec
le ministre des Affaires sociales de ne
plus en parler.
C’est en tout cas ce qu’a rapporté
le ministre Victor Benoit, lors de
cette conférence de presse tenue
dans les locaux du MAST. « Nous ne
pouvons pas laisser la démission de
M. Boulos devenir le point central
du débat qui devrait être le salaire
minimum », a renchéri le conseiller
Renan Hédouville qui assurait le
rôle de maître de cérémonie à cette
activité.
En ce qui a trait aux résultats de
l’enquête devant permettre de faire
la lumière sur la démission du
propriétaire de l’Autoplaza, d’un
ton désinvolte le ministre a lâché:
« je n’ai pas trouvé d’éclairage »,
toutefois, il a tenu à préciser que le
remplacement de M. Boulos par une
autre personnalité issue du monde
des affaires, revenait au président
de la République.
En guise de transparence, Victor
benoît fait remarquer qu’en 2013,
la direction administrative du Mast
a mis 410 mille gourdes à la disposi-
tion du CSS, contrairement aux 410
millions de gourdes mentionnées
lors de la démission de Réginald
Boulos. « Une erreur de frappe »,
argumente-il. Rassurant dans cette
République en manque de tout.
Le ministère des Affaires sociales
et les membres du CSS, pour se
blanchir, sollicitent à cet effet, de
la Cour supérieure des Comptes et
du Contentieux administratif, un
audit sur l’utilisation de ces fonds.
Par ailleurs, Victor Benoît s’est dit
désolé de la frustration suscitée par
ces fonds en question.
Cette conférence de presse a aussi
été l’occasion pour le ministre
Benoît de faire le point, dans «
l’intérêt de la transparence qui
doit marquer le fonctionnement
de cette institution », autour de la
demande faite en 2014 par le CSS
au ministre des Affaires sociales
d’alors, pour l’ouverture de Comptes
bancaires. Lesquels comptes ont
été effectivement ouverts par le
ministère de l’Économie et des
Finances au nom de cette institution
en 2015. Cependant, le Ministre
explique que ces comptes ne sont
pas encore opérationnels. « Il n y a
pas d’argent sur les comptes et la
BRH n’a pas encore les spécimens
des signatures des concernés ».
Bientôt, un autre rapport
Le ministre des Affaires sociales
a aussi annoncé lors de cette
rencontre avec la presse que le
Conseil supérieur des salaires avait
initié des réflexions autour de la
problématique du salaire minimum,
deux mois avant la clôture de
l’exercice fiscal 2014-2015.
Compte tenu de la dépréciation de
la gourde par rapport au dollar, la
permanence est donc décrétée au
sein du Conseil, insiste-il.
D’un autre côté, Jean Dany Pierre
François, représentant du secteur
patronal, malgré les critiques,
acerbes pour certains, croit que le
CSS a fait un travail satisfaisant,
en réussissant à satisfaire tant bien
que mal la demande du secteur
ouvrier, tenant compte, dit-il, que
nous sommes dans un pays où le
taux de chômage, l’inflation et les
indices économiques sont difficiles
à gérer. Une situation, reconnait-il,
qui crée des frustrations dans le
secteur ouvrier qui réclame de gros
salaires pour faire face à la cherté
de la vie.Toutefois, il se félicite de
l’entente entre le secteur patronal, le
gouvernement et le secteur syndical
au sein du CSS qui a permis de
faire des propositions de salaire à
l’État haïtien. Aussi, croit-il que les
dernières erreurs administratives
qui ont suscité des remous au sein
du CSS, ont été corrigées.
Jean Dany Pierre François a par ail-
leurs informé de la mise en place
d’une commission pour la finalisa-
tion des règlements intérieurs du
CSS, tout en annonçant la sortie
sous peu du troisième rapport du
Conseil. Un rapport plus qu’attendu,
dans un contexte où la cherté de la
vie bat son plein et où les ménages
haïtiens sont aux abois.
Le ministre des Affaires sociales et du Travail, Victor Benoit. / Photo: J.J. Augustin
Le ministre des Affaires sociales, Victor Benoit, et le Conseil supérieur des salaires (CSS) ont conjointement
présenté, mercredi, en conférence de presse au local dudit ministère, les dispositions adoptées lors de leur
dernière séance de travail tenue le lundi 13 juillet, en vue de faire face aux problèmes générés par la question du
salaire minimum et les soupçons de corruption créés par la démission de Réginald Boulos .
«
Il faut que les journalistes
continuent à se mobiliser.
Les organismes des droits
humains doivent continuer
avec la mobilisation », lance Guyler
Cius Delva, responsable de SOS
journalistes. Cette mobilisation
devrait permettre l’arrestation, le
jugement et l’emprisonnement
de ceux qui sont inculpés dans ce
dossier. Il estime nécessaire que les
inculpés soient écroués.
Le 30 août 2007, deux individus
ont été condamnés à perpétuité
par la justice haïtienne comme les
assassins de Jacques Roche. Guyler
C. Delva, doute que ces derniers
soient encore en prison. Pour lui,
« ils se sont évadés ». Le juge qui a
instruit le dossier, Jean Pérez Paul
a rendu une ordonnance, suivant
laquelle une dizaine de personnes
devaient être inculpées.
Par rapport à ces inculpations, « les
instances de la justice, notamment le
commissaire du Gouvernement et la
Police doivent agir », insiste Delva.
« Ces personnes sont là, que la justice
prenne ses responsabilités en les
cherchant, pour les arrêter et les faire
juger conformément à la loi», réclame
le responsable de SOS Journalistes.
Il pointe du doigt le secteur
lavalassien, qui à son avis serait à
l’origine du crime. « Jacques Roche
a été assassiné pour des raisons
politiques », parce qu’il fournissait
son « support à l’opposition politique
de l’époque », affirme-t-il avec
conviction.
Confiant, il croit que « le temps ne
doit pas tuer la justice, ni donner
libre cours à l’impunité ». Mais, dix
ans plus tard, les chances pour que
la lumière soit faite sur le dossier de
Jacques Roche sont de plus en plus
réduites. Le RNDDH qui lutte pour le
respect des droits humains n’est pas
confiant quant à l’aboutissement de
cette quête de justice du journaliste.
Pierre Espérance, directeur exécutif
du réseau, estime qu’on « ne peut
pas dire qu’il y a eu un procès dans
l’assassinat de Jacques Roche. Il n’a
jamais trouvé justice ». Il considère
les deux inculpés comme « deux
exécutants », le focus devrait être
mis sur les auteurs intellectuels, où
sont-ils? Considérant que la justice
haïtienne avait seulement décidé de
condamner ces deux derniers sans se
soucier de continuer avec le procès
pour démasquer les auteurs intel-
lectuels de l’acte, Pierre Espérance
pense que tout est clos sur ce dossier.
« Il est clair, tout espoir est perdu.
Dix ans plus tard, on ne peut pas
s’attendre à ce que la justice Haïtienne
reprenne le dossier ». Le système est
trop faible à son avis pour produire
un tel miracle.
Enlevé par des bandits le 10 juillet
2005, le corps du poète et journaliste
a été découvert à Delmas 4, dans la
matinée du 14 juillet. Retrouvé les
mains menottées, il avait été torturé
par ses kidnappeurs.
À côté de Jacques Roche, sur la
liste des journalistes broyés par le
système, on retrouve Jean Léopold
Dominique, assassiné le 3 avril 2000,
au moment où il entrait dans sa
station de radio à Delmas. Avec lui,
est tué au même moment le gardien
de la station Jean-Claude Louissaint.
Le 3 décembre 2001, le journaliste
Brignol Lindor est assassiné à Petit-
Goâve. Un peu plus près, le 9 février
2011, Jean Richard Louis Charles,
jeune journaliste de 29 ans, est
abattu au cœur de la capitale, non
loin du Champs-de-Mars.
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 7
ACTUALITÉ
Jacques Roche, dix ans après,
entre confiance et désespoir !Par Stephen Ralph Henri
HAÏTI/JUSTICE
Dix années après l’assassinat du journaliste et poète Jacques Roche, la justice haïtienne se montre incapable
de faire la lumière sur le mobile du crime. Dans ce contexte, l’organisation « SOS Journalistes » appelle à la
mobilisation des personnalités et organisations défendant les droits humains pour que justice soit rendue à la
victime, tandis que de l’autre côté, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) perd tout espoir.
8 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
MONDE
S
i les États-Unis arrivent à
effacer les derniers vestiges
de la guerre froide avec Cuba,
ils sont loin d’être prêts à par-
donner à l’Iran. Même si une issue
favorable a été trouvée sur le dossier
très sensible du nucléaire iranien, la
République islamique est une invitée
récurrente de la liste noire américaine
d’« États soutenant le terrorisme ».
Qu’est-ce, cette liste noire ?
Publiée par le département d’État
sous l’administration de Jimmy
Carter, la première liste noire d’«
États soutenant le terrorisme » («
State sponsors of terrorism », en
anglais) date de décembre 1979.
Quatre pays partageaient le tableau
: l’Irak, la Libye, la Syrie et le
Yémen du Sud.
Il s’agit d’un pur produit « inspiré
par un manichéisme démocratique
similaire à la chasse aux sorcières
de la guerre froide », explique
Annick Cizel, spécialiste de la
politique étrangère américaine à la
Sorbonne. Dans les années 1980 et
1990, Cuba, l’Iran, la Corée du Nord
et le Soudan y ont été ajoutés. « Au
total, on relève des ajouts dans cette
liste sous des administrations aussi
bien démocrates (Carter, Clinton)
que républicaines (Reagan), ce qui
indique un traitement bipartisan
de cette question aux États-
Unis », remarque Barthélémy
Courmont, directeur de recherche
à l’Iris, spécialiste des relations
internationales. L’actuelle liste
comprend trois États « sponsors
du terrorisme » : l’Iran, la Syrie et
le Soudan.
Alors qu’elle fait grand bruit
en Europe, la liste demeure
relativement inconnue aux États-
Unis. Même si c’est difficile à établir,
« on peut penser que la grande
majorité de l’opinion publique
américaine ignore l’existence d’une
telle liste », constatent Annick
Cizel et Julien Zarifian, maîtres
de conférence en civilisation
américaine à l’université de Cergy-
Pontoise. Pour ceux qui sont au
courant, elle est loin de faire
l’unanimité. Des associations et des
intellectuels, dont le philosophe
Noam Chomsky, dénoncent le vide
juridique et la tentation visant à
criminaliser les pays qui ne sont
pas des alliés de Washington. «
Le concept d’État soutenant le
terrorisme est difficile à définir
avec précision. Il peut sembler
partiel ou réducteur », souligne
Julien Zarifian.
Comment l’Iran, la Syrie et le
Soudan ont-ils réussi leur
entrée sur cette liste ?
L’Iran y fut inscrit en 1984. À la suite
de la Révolution islamique de 1979
qui détrône le Shah pro-américain,
le nouveau Guide suprême,
l’Ayatollah Khomeiny, mène une
politique de résistance acharnée
contre l’« impérialisme américain ».
L’antagonisme entre les deux pays
atteint son paroxysme avec la prise
d’otages de l’ambassade américaine
à Téhéran, qui s’achève en 1981
après 444 jours de détention. En
outre, Téhéran s’attire les foudres
de Washington en raison de son
soutien assidu aux groupes armés
classés « terroristes », dont le Hamas
palestinien et le Hezbollah libanais,
fondé par l’Iran. Mais l’élément
déclencheur, selon Thierry Coville,
spécialiste de l’Iran, est l’attentat
du 23 octobre 1983 à Beyrouth
dans lequel ont péri 241 soldats
américains. Washington accuse
Téhéran et le Hezbollah d’en être
responsables. Un an après, la
République islamique intègre la
liste noire qu’elle n’a jamais pu
quitter depuis.
Considérée par Washington dès
les années 1970 comme l’autre «
sponsor du terrorisme » au Moyen-
Orient, la Syrie « ne cesse d’appuyer
les organisations terroristes, telles
que le Front de libération de la
Palestine et le Jihad islamique
palestinien », selon un rapport
du département d’État américain.
D’après la même source, Damas
aurait abrité ces terroristes et leur
aurait permis la libre circulation
sur les territoires qu’il contrôle au
Liban. Mais ce n’est qu’en 1979,
au moment où le régime de Hafez
el-Assad se positionne fermement
pour la Révolution islamique
iranienne, que Washington décide
de placer la Syrie sur sa liste noire.
Il n’y a pas d’amis éternels
La mésentente entre Khartoum et
Washington remonte bien avant le
« génocide » au Darfour. Situé au
carrefour de l’Afrique et du Moyen-
Orient, le « pays des Noirs » sert
depuis les années 1990 de terre de
transitpourlesarmesenprovenance
d’Iran à destination de la bande
de Gaza. « Le Soudan apparaît
aux États-Unis comme un refuge
aussi bien pour des groupuscules
affiliés à Al-Qaïda qu’au Hamas
palestinien, une base logistique où
convergent des extrémistes issus
d’Afghanistan, de Libye, du Mali
ou de Syrie », ajoute Annick Cizel,
spécialiste de politique étrangère
américaine à la Sorbonne. En
outre, il suffit de rappeler que le
fameux chef d’Al-Qaïda, Oussama
Ben Laden, à l’époque déjà dans
le collimateur américain, s’est
installé au Soudan en 1992 pour y
former des combattants au Jihad.
« L’inscription du pays sur la liste
en 1993 est ainsi directement liée
à l’identification d’Al-Qaïda comme
un risque sécuritaire majeur »,
relève Barthélémy Courmont.
Comme disait Lord Palmerston :
« Il n’y a pas d’amis éternels, ni
d’ennemis éternels. Que l’intérêt
éternel. » La liste d’« États soutenant
le terrorisme » évolue en effet selon
les intérêts américains. L’exemple
de la Corée du Nord est édifiant.
Bête noire historique des États-
Unis, Pyongyang fut ajouté en 1988
à cause de sa présumée implication
dans la destruction d’un avion de
ligne sud-coréen en 1987, avant
d’être retiré de la liste en 2008,
à la suite d’un accord (éphémère)
conclu avec Washington sur son
programme nucléaire.
En décembre dernier, à la suite
de l’affaire de piratage de Sony, le
président Barack Obama a déclaré
qu’un retour de Pyongyang à la liste
serait tout à fait envisageable.
Les grands satans des États-UnisPar Junzhi Zheng / Le Point.fr
Si les relations diplomatiques entre Washington et Téhéran se sont réchauffées grâce à l’accord sur le nucléaire, la République islamique d’Iran reste sur la liste noire
des États-Unis des États qui supportent le terrorisme. / Photo: AFP©CARLOS BARRIA
Les Américains mettent régulièrement à jour une liste noire « d’États soutenant le terrorisme ». De quoi s’agit-il ?
Nos explications.
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 9
MONDE
D
es heurts ont opposé mer-
credi des manifestants
anti-austérité à la police
grecque devant le Parlement
à Athènes, où les députés débattaient
de l’accord conclu lundi à Bruxelles
avec les créanciers de la Grèce.
Les manifestants ont lancé des
cocktails Molotov sur les forces de
l’ordre, qui ont riposté en tirant des
grenades lacrymogènes, provoquant
la fuite de centaines de personnes
rassemblées place Syntagma.
Il s’agit des affrontements les plus
violents depuis plus de deux ans
dans la capitale grecque.
La Vouli, le Parlement monocaméral
grec, doit se prononcer dans la
nuit sur l’accord de Bruxelles, qui
prévoit des mesures d’austérité
draconiennes en échange d’un
nouveau plan d’aide international.
Juste avant les affrontements place
Syntagma, des manifestants avaient
défilé en scandant « Annulez le plan
d’aide ! ».
« Non à la politique de l’UE, de
la BCE et du FMI », en référence
aux créanciers de la Grèce - l’Union
européenne, la Banque centrale
européenne et le Fonds monétaire
international.
Dans la journée, des marches
pacifiques avaient été organisées
à travers la ville à l’occasion d’une
journée de protestation contre le
nouveau plan d’austérité.
Le syndicat des fonctionnaires
ADEDY avait appelé à une grève
de vingt-quatre heures et les
pharmaciens avaient baissé leurs
rideaux.
Violente manifestation devant
le Parlement à AthènesSources : Reuters
Des heurts ont opposé mercredi des manifestants anti-austérité à la police grecque devant le Parlement à Athènes, où
les députés débattaient de l’accord conclu lundi à Bruxelles avec les créanciers de la Grèce. / Photo: REUTERS / Yannis
Behrakis moins
Iran : Washington présente à l'ONU une résolution
entérinant l'accords
Sources : afp
L
es Etats-Unis ont soumis mer-
credi au Conseil de sécurité
de l’ONU une résolution qui
entérine l’accord nucléaire
conclu à Vienne mardi entre l’Iran
et les grandes puissances, selon des
diplomates.
Ce texte, qui devrait être adopté
au début de la semaine prochaine,
valide l’accord de Vienne et
remplace en fait les sept résolutions
adoptées depuis 2006 par l’ONU
pour sanctionner l’Iran par les
dispositions de cet accord.
Celui-ci prévoit une levée
progressive et conditionnelle
des sanctions économiques
internationales imposées à l’Iran au
fur et à mesure que Téhéran réduira
sa capacité à fabriquer une bombe
atomique.
Il maintient cependant un embargo
sur les armes conventionnelles
pendant cinq ans et une interdiction
de tout commerce lié à des missiles
balistiques ayant la capacité
d’emporter des têtes nucléaires
pendant huit ans.
Le vote de cette résolution devrait
intervenir « lundi ou mardi », a
précisé un diplomate du Conseil.
Il devrait s’agir d’une simple
formalité puisque l’accord, et le
projet de résolution lui-même,
ont été négociés à Vienne par les
mêmes membres permanents du
Conseil de sécurité (Etats-Unis,
Chine, Russie, France, Royaume-
Uni), plus l’Allemagne.
L’accord de Vienne introduit aussi
un mécanisme de « snapback »,
c’est-à-dire de rétablissement des
sanctions par le Conseil de sécurité
en cas de non respect de l’accord
par l’Iran.
L’Iran est actuellement sous le
coup de quatre séries de sanctions
de l’ONU, contenues dans sept
résolutions adoptées entre 2006
et 2015, pour réagir aux activités
militaires et balistiques de Téhéran.
Le président américain Barack Obama donne une conférence de presse, le 15 juillet 2015 à la Maison Blanche à
Washington. / Photo : AFP/AFP
10 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
ÉCONOMIE
Des mesures qui ne
rassurent pasPar Jean Michel Cadet
C
harles Castel n’y va pas par
quatre chemins pour répon-
dre aux spéculations de
plus d’un sur l’inaction ou
l’incapacité de la BRH à intervenir
face à cette crise. Les réserves nettes
de cette institution sont estimées,
rassure-t-il, à 860 millions de dol-
lars américains, l’équivalent de cinq
mois d’importations en guise des
trois mois exigés par les institutions
financières internationales. Il informe
que l’organe régulateur des banques
a mobilisé tous les outils mis à sa dis-
position pour intervenir au niveau de
l’offre et la demande du dollar : les
réserves obligatoires, l’achat et la
vente de dollars et les bons du trésor
public.
Le gouverneur a fait savoir, à cet
effet, que 70 millions de dollars
provenant des réserves nettes de la
BRH ont été vendus. L’institution
qu’il dirige a pu, entre autres
mesures, stériliser 11 milliards de
gourdes notamment en imposant
aux banques commerciales
d’appliquer un taux d’intérêt très
élevé sur les prêts à la consom-
mation.
Charles Castel invite au
calme mais
En adoptant ces mesures, M. Castel
dit observer une certaine stabilité
au niveau de la fluctuation du taux
de change à l’opposé de ceux qui
affirment que la gourde est quoti-
diennement dépréciée. Cependant,
contrairement à l’espérance de
plus d’un, le gouverneur ne croit
pas que la BRH pourrait ramener le
taux de change à 46 gourdes pour
un dollar comme c’était le cas en
septembre 2014. Ce serait, selon
lui, une mesure contre-productive
pour l’économie. Il dit redouter
qu’une trop grande contraction sur
l’économie n’engendre des effets
néfastes comme le chômage.
Invitant la population au calme, M.
Castel estime que la panique, dit-
on, que provoque cette situation se
trouve au niveau des perceptions.
Il revient au gens, recommande-t-
il, de ne pas se laisser manipuler
par les spéculateurs. Or, estiment
certains spécialistes en écono-
mie, les spéculations seraient le
fait de grands importateurs, qui
soulignent-ils, spéculent déjà sur
un taux de change susceptible
d’atteindre la barre des 60 gourdes
pour s’acheter le dollar.
Les gouvernants sur le banc
des accusés
Sous l’air apparemment calme
de Charles Castel, pouvait se
lire une certaine nervosité face
à l’insistance des journalistes
désireux de connaître les résultats
concrets à espérer des mesures
prises par la BRH. Le gouverneur
était sur la défensive. Il a rappelé
que la Banque centrale joue sa
partition et qu’il a les moyens de
sa politique. Tout en reconnais-
sant ne pas vouloir se dédouaner
de ses responsabilités, il renvoie
la balle dans le camp des dirige-
ants haïtiens en pointant du doigt
les problèmes structurels, causes
majeures selon lui de la déprécia-
tion de la gourde par rapport à la
devise américaine.
« Il importe aux dirigeants
d’adresser les questions struc-
turelles à travers la mise en place
de politiques publiques respon-
sables », souligne-t-il. Comme pour
faire montre de son pessimisme
en l’avenir, il dit n’attendre rien
de bon des prochaines élections.
Celles-ci, s’avèrent généralement
contre-productives, rappelant au
passage qu’il a fallu six mois pour
installer un nouveau premier min-
istre au lendemain des élections
de novembre 2010 ayant conduit
Michel Martelly à la Présidence.
Dans cette veine, le gouverneur
rejette la thèse selon laquelle la
BRH serait de connivence avec
l’équipe au pouvoir qui aurait
mal géré les fonds publics. Cette
mauvaise gestion, croit-on, serait
l’une des principales causes con-
joncturelles de la dégringolade
de la gourde. Charles Castel avise
qu’il n’est pas de la compétence de
l’institution qu’il dirige de jauger
les dépenses publiques.
Le cadre légal régissant le fonc-
tionnement de la banque cen-
trale, rappelle-t-il, ne lui impose
qu’une seule limite à ce propos :
le financement de la BRH ne doit
pas dépasser 20% des recettes de
l’État du précédent exercice fiscal.
De septembre 2014 à juillet 2015,
le taux de change a fluctué de 46 à
56 gourdes pour un dollar améri-
cain. Un phénomène qui, d’une
part, résulte, selon les experts, de
la nature de l’économie haïtienne
reposant sur les importations net-
tement supérieures aux exporta-
tions : la balance commerciale
s’estime actuellement à 3 millions
de dollars américains.
Cette rareté du dollar, d’autre
part, est due, selon eux, au ralen-
tissement considérable de l’aide
externe joint à une réduction du
budget 2014-2015 de 10 milliards
de gourdes provenant des fonds
petro caribe, soit 49 % des recettes
internes.
HAÏTI/ÉCONOMIE/DÉPRÉCIATIONDELAGOURDE
Des membres du conseil d’administration de la BRH en conférence de presse, le mercredi 15 juillet 2015. / Photo: J. J. Augustin
La Banque de la République d’Haïti (BRH) sort de son mutisme face à la dégringolade accélérée de la gourde
par rapport au dollar américain. Pour tenter de calmer les tensions, le gouverneur Charles Castel informe, au
cours d’une conférence de presse donnée le mercredi 15 juillet, que des mesures ont été prises par l’institution
qu’il dirige et que leurs effets se font déjà sentir. Ces mesures, hélas, ne permettront pas de redresser la pente
rapidement car, elles peuvent causer, selon lui, de graves dommages à l’économie.
» suite de la première page
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 11
ÉCONOMIE
Depuis toujours, les États-Unis d’Amérique ont représenté l’eldorado pour bon nombre d’Haïtiens. Pour
d’autres, plus maintenant. Lorsque des Haïtiens, au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, décidèrent de
quitter le pays à la recherche d’un mieux-être, plusieurs choisirent de partir vers d’autres destinations. Après le
Brésil, le Chili …
Le Chili, entre voyages d'études, destination
touristique et possibilité d'emplois pour les Haïtiens
Par Therno N. A. Sénélus
MIGRATIONETOPPORTUNITÉS
Croissance mondiale :
le FMI revoit ses prévisions à la baisse
Sources : latribune.fr
D
e nos jours, le Chili devi-
ent la terre promise pour
bon nombre de nos com-
patriotes. Ils sont de plus
en plus nombreux à la recherche
de bourses d’études, visas de séjour
et possibilités d’emplois. Tal vez ! ¿
Quien sabe ?
Plus de 3000 ressortissants
haïtiens résident aujourd’hui au
Chili. Durant ce semestre de 2015,
au moins dix visas ont été délivrés
à des citoyens haïtiens. Des visas
relatifs aux études, aux emplois
et à la résidence permanente,
confirme une employée du
consulat chilien s’exprimant sous
couvert de l’anonymat.
« Pour aller au Chili, les Haïtiens
passent le plus souvent par la
République dominicaine ». C’est
bien, parce que le processus y
coûte moins cher. Au niveau du
consulat, on constate, en effet,
qu’il y a beaucoup d’Haïtiens à
choisir la République dominicaine
comme point de transit pour
arriver au Chili. « Ils estiment que
le billet y coûte moins cher ».
Notre visite à l’ambassade du
Chili de Port-au-Prince n’a pas été
infructueuse. L’on nous y a remis
la documentation spécifiant les
pièces à produire pour l’octroi
d’un visa temporaire d’étudiant
ou de contrat de travail. Aucun
visa n’est exigé aux personnes qui
comptent séjourner au Chili à titre
de touristes.
Permis de séjour
Dans le cadre d’un accord
diplomatique bilatéral, les
Haïtiens n’ont pas besoin de
visa pour visiter le Chili. La
durée d’un séjour, dans cette
perspective, est de quatre-vingt-
dix jours. Apres cette échéance,
toute personne y sera considérée
illégale. Mais tout n’est pas perdu.
Si la personne épinglée veut rester
dans le pays, elle devra se diriger
vers le ministère de l’Intérieur
du Chili pour payer un droit
de prolongation de séjour. Il en
est de même pour les Chiliens
séjournant en Haïti. Eux aussi
doivent se procurer un permis de
séjour du ministère de l’Intérieur
ou le renouveler.
Pour obtenir un visa de résidence
temporaire d’un an ou un contrat
de travail de deux ans (730
jours), le prix du visa est de 25
dollars. Un visa d’étudiant coûte
environ 15 dollars américains.
Le coût total d’un voyage vers
ce pays d’Amérique du Sud est
de 3500 dollars américains pour
une personne. Le billet d’avion
coûte normalement 1400 dollars
américains. En cas de variation
des prix, le billet pourrait coûter
jusqu’à 2000 dollars.
Un passeport ou une pièce
d’identité valide, une
accréditation de solvabilité, une
lettre d’invitation d’un individu
ou d’une entreprise au Chili, voilà
les documents sollicités par le
consulat pour solliciter un permis
de séjour au pays de Pablo Neruda.
Toutefois, au cas où la personne
ne produirait pas une invitation
d’un individu ou d’une entreprise,
une réservation d’hôtel est exigée.
Pour l’obtention d’un visa
d’étudiant, l’intéressé doit
soumettre un certificat ou une
lettre d’acceptation émis par une
institution universitaire reconnue
par l’État haïtien, une attestation
de ses moyens économiques au
consul, un certificat de bonnes vies
et mœurs, un certificat médical, un
passeport valide et quatre photos
d’identité. D’autres visas peuvent
être délivrés par le consulat,
comme un visa de résidence
temporaire, un visa de contrat
de travail ou un visa de courtoisie.
Ce dernier est strictement réservé
aux diplomates et aux officiels du
gouvernement.
Un pays accueillant
Le quotidien ‘Le National’ a
rencontré Wilhem Jeannite, un
immigrant qui vit au Chili depuis
deux ans. De retour au pays pour
visiter sa famille et régulariser
ses documents de voyage, il a
qualifié le Chili de « pays qui crée
de l’emploi pour tout le monde,
que l’on soit professionnellement
qualifié ou pas. Chacun - a-t-il
poursuivi - pourrait y trouver
un emploi lui permettant de
satisfaire ses besoins. Dans
des conditions favorables et
légalement acceptables, la sécurité
alimentaire, les soins de santé
sont garantis : « J’ai un salaire
raisonnable là-bas. Les conditions
de travail y sont acceptables
». Wilhem est convaincu que le
Chili est un pays où l’on peut
vivre comme une personne,
les conditions de vie y étant
respectées.
D’un autre côté, Hélène Harold,
bénéficiaire d’une bourse d’étude
en langues vivantes croit qu’il
faudrait resserrer les liens entre
les deux pays. « J’ai passé deux
ans environ au Chili, je me sentais
à l’aise dans mes études. J’y
ai trouvé un bon encadrement
académique. C’était vraiment
formidable. Je crois que les deux
pays devraient resserrer leurs liens
de coopération afin d’augmenter
les chances des jeunes qui veulent
poursuivre leurs études au Chili ».
De retour au bercail, la jeune
linguiste se prépare déjà à
retourner au Chili. « Sous peu,
je repars pour le Chili afin de
continuer mes recherches pour
un emploi. J’ai déjà postulé
pour un poste.. ». Le Chili est la
meilleure destination touristique
et estudiantine pour les Haïtiens,
affirme-t-elle.
*Le processus d’inscription pour
les bourses d’études débutera dès
la fin du mois de septembre 2015.
L
e Fonds monétaire internation-
al a abaissé jeudi sa prévision
de hausse du PIB mondial à
3,3 % en 2015, notamment
en raison d’une croissance améric-
aine plus morose que prévu en début
d’année.
En avril, le FMI attendait une
croissance économique mondiale
à 3,5 %. Jeudi 9 juillet, il a revu
sa prévision à la baisse. Désormais
il table sur une hausse du PIB
mondial à 3,3 %.
Cela représente un léger
ralentissement par rapport aux
3,4 % de croissance engrangée
en 2014, indiquent ces nouvelles
projections de l’institution.
« La reprise économique dans la
zone euro est plus solidement
installée »
Le « fléchissement inattendu en
Amérique du Nord », notamment
aux Etats-Unis, au Mexique et au
Canada, au début de 2015, pèse
sur les nouvelles estimations du
FMI. La prévision de croissance
des Etats-Unis pour l’année a été
abaissée de 0,6 point, à 2,5 %.
L’institution note toutefois que
les moteurs de la consommation
et de l’investissement aux États-
Unis restent intacts, notamment
la croissance des salaires et la
situation du marché de l’emploi.
Concernant la zone euro, la
reprise économique y « est plus
solidement installée », assure
l’institution dirigée par Christine
Lagarde, qui attend une hausse du
PIB à 1,7 % en 2015, conforme à
sa prévision du mois d’avril.
Cette croissance est portée
par « des indices de hausse de
la demande intérieure et de
l’inflation ».
Si le FMI estime que « les
événements en Grèce n’ont
jusqu’à présent pas eu d’effet
de contagion significatif », il
prévient toutefois qu’il « subsiste
des risques de réapparition de
tensions financières ».
Concernant la zone euro, la reprise
économique y « est plus solidement
installée », assure l’institution dirigée
par Christine Lagarde qui attend une
hausse du PIB à 1,7 % en 2015. /
Photo : © Francois Lenoir / Reuters
12 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
ÉCONOMIE
RÉSONANCES
Le Cameroun mettra en place un système de
collecte et de diffusion des prix des denrées
alimentaires via le mobile
Sources combinées
L
e gouvernement cameroun-
ais, à travers le ministère de
l’Agriculture et celui en charge
de l’Elevage, des Pêches et des
Industries animales, vient de lancer,
avec le concours de l’Institut national
de la statistique (INS), un projet qui
aboutira d’ici octobre 2015, à la mise
en place d’un système électronique
permettant de collecter et de diffuser
les prix des denrées alimentaires via
les smartphones.
Le projet financé par la Commis-
sion économique des Nations Unies
pour l’Afrique, apprend-on, rendre
dans le cadre d’une initiative visant
à mettre à niveau les compétences
des pays africains dans l’utilisation
de la téléphonie mobile pour la col-
lecte des données statistiques. Au
Cameroun, le projet ambitionne de
limiter l’instabilité des prix dans
les marchés camerounais, en don-
nant en temps réel aux ménagères
eu autres producteurs des informa-
tions leur permettant de prendre
les meilleures décisions d’achat ou
de vente.
Ce type de système d’information
existe déjà dans les filières cacao
et café au Cameroun, et permet
aux acteurs de recevoir, chaque
jour, via des Sms envoyés sur
leurs téléphones portables, les prix
FOB et CAF de ces produits. Selon
l’interprofession cacao-café, le
Système d’information ces filières
(SIF) a, depuis quelques années,
renforcé le pouvoir de négocia-
tion des producteurs devant les
acheteurs, induisant ainsi une
rémunération plus intéressante de
la force de travail
L’OCDE et l’ONU lancent le pro-
gramme « Inspecteurs des impôts
sans frontières ». L’OCDE et le Pro-
gramme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) ont lancé
le 13 juillet 2015 à Addis-Abeba
(Ethiopie), le projet Inspecteurs
des impôts sans frontières (IISF).
Cette nouvelle initiative envisage
d’aider les pays en développement,
à accroître leurs recettes intéri-
eures en renforçant leurs capacités
en matière de vérification fiscale.
« L’IISF facilitera le déploie-
ment d’une assistance ciblée en
matière de vérification fiscale
dans les pays en développement
du monde entier. Elle se concré-
tisera par l’envoi de spécialistes de
la vérification fiscale qui travail-
leront aux côtés de fonctionnaires
d’administrations fiscales de pays
en développement afin de les aider
à renforcer leurs capacités en la
matière, y compris sur des ques-
tions concernant des dossiers de
fiscalité internationale », peut-on
lire dans le communiqué qui donne
l’information. Pour les pays afric-
ains au sud du Sahara, l’initiative
pourrait se présenter comme une
opportunité d’améliorer la mobili-
sation des ressources dont ils ont
besoin dans le financement de
leur développement. Plusieurs
d’entre eux, pour attirer d’avantage
d’investissements étrangers, ont
adopté des politiques fiscales
accommodantes, sur lesquelles
certaines entreprises s’appuient
pour payer parfois le moins
d’impôts possible.
Création d’une cellule de journali-
stes ouest-africains pour traquer la
mal gouvernance. « Je pense qu’il
était temps pour les journalistes
de l’Afrique de l’Ouest de former
un groupe pour se consacrer à
l’investigation », a déclaré Will
Fitzgibbon, journaliste installé
aux Etats-Unis, membre du Con-
sortium international des jour-
nalistes d’investigation (Interna-
tional Consortium of Investigative
Journalists-ICIJ). Il a pris part aux
travaux de création au Burkina
Faso de la Cellule Norbert Zongo
pour la promotion du journalisme
d’investigation (Cenozo). Il s’agit
d’une initiative de plusieurs jour-
nalistes venus de plusieurs pays
d’Afrique de l’Ouest : Burkina
Faso, Nigéria, Gambie, Cap Vert,
Niger ou encore Guinée Bissau.
La cellule s’est dotée d’un conseil
d’administration présidé par Allen
Yero Embalo, correspondant de
Radio France Internationale (RFI)
en Guinée Bissau. « L’investigation
est un sacrifice de soi », a-t-dit,
rendant hommage au journaliste
Norbert Zongo assassiné au Burki-
na Faso. « Nous allons travailler
ensemble, se partager les bonnes
informations afin de lutter contre
l’impunité, les crimes économiques
et la violation des droits humains
», a prévenu Allen Yero Embalo.
La cellule est soutenue par le
Centre national de presse Norbert
Zongo, l’Office des Nations unies
contre la drogue et le crime, la
Media foundation for West Africa
basée au Ghana et le Consortium
international des journalistes
d’investigation.
Kenya : les TV et radios ont 1 an
pour consacrer 40% de leurs pro-
grammes aux contenus locaux. A
l’ère du numérique au Kenya, les
contenus locaux représenteront au
moins 60% de l’offre des stations
de radio et des chaînes de télévi-
sion. Ces médias ont une année
pour passer à 40% au moins. Au
bout des 4 années suivantes, il
faudra atteindre les 60% exigés.
Ça c’est pour les grands médias.
Les plus petits ont 5 ans pour se
mettre à jour. Ainsi en a décidé
la Commission kenyane des com-
munications (Communications
Authority of Kenya-CA).
Lorsque les délais seront expi-
rés, toute violation de la nouvelle
règlementation sera punie d’une
amende de 1 million de shillings
kenyans et d’un supplément de
0,5% sur les revenus annuels.
Le régulateur a finalement accepté
de s’inscrire sur la durée pour faire
appliquer les nouveaux cahiers des
charges applicables aux stations
de radio et chaînes de télé. C’est
que plusieurs responsables de ces
médias se sont plaints d’être mis
sous pression, car le délai était
fixé à juin 2015 pour s’arrimer aux
quotas. « Nous savons que les con-
tenus locaux permettront de créer
plus d’opportunités d’emplois dans
le secteur », a expliqué le président
de la commission, Ngene Gituku.
Cameroun : les troncs de bananiers
bientôt transformés en produits
pour revêtement des murs. Le
consortium constitué par les entre-
prises camerounaise Eto’s Farm et
française Fibe & Co, ambitionne
de construire au Cameroun, dès
l’année 2016, une unité de trans-
formation de troncs de bananier
plantain en produits pour revête-
ments muraux, objets de déco-
ration d’intérieur et d’extérieur,
ainsi que les tableaux de bord de
véhicules. Les représentants de ces
entreprises, notamment Vladimir
Hayot, co-président de Fibe & Co
et Roger Samuel Eto, DG d’Eto’s
Farm, viennent de rencontrer la
ministre déléguée auprès du min-
istre de l’Agriculture, Clémentine
Ananga Messina, pour lui faire part
de ce projet. Mais, il s’est surtout
agi, à préciser Roger Samuel Eto,
de s’assurer de la «production
pérenne de cette matière première
utile pour nos futures usines».
Selon les orientations données
aux investisseurs par Mme Ananga
Messina, cette unité de production,
dont le montant de l’investissement
n’a pas été révélé, pourrait bien
être construite dans la région de
l’Est-Cameroun, présentée par la
ministre comme étant le principal
bassin de production de banane
plantain dans le pays.
Grâce à cette unité industrielle,
soutiennent les porteurs du projet,
Fibe & Co et Eto’s Farm entendent
dupliquer au Cameroun des exem-
ples existants déjà en Europe et
en Asie. A en croire Roger Samuel
Eto, la future usine ambitionne de
produire «100 000 m2 de plaquage
par an» pour les marchés local et
africain, dont une bonne quantité
exclusivement livrée à Fibe & Co,
détenteur du brevet en matière de
transformation de troncs de bana-
niers, et qui dispose déjà d’un con-
trat d’achat ferme dans le cadre de
ce projet, a-t-on appris.
Cette usine devrait permettre
d’industrialiser la transformation
des troncs de bananier plantain au
Cameroun, puisque cette activité
existe déjà depuis des lustres, mais
sous une forme purement artisa-
nale.
En effet, pour l’heure, cette
matière première sert à fabri-
quer un tissu traditionnel appelé
«obom», généralement exhibé lors
des défilés de mode.
/ Photo: tisoleil-madinina.eklablog.com
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 13
N
os mâles octogénaires prennent plaisir à se venter du
temps où les femmes s’éventaient farouchement en bat-
tant des cils. Rien de plus, pour leur faire tourner la tête
que les mouvements onduleux des carabellas brodées
et dentelées. Mesdemoiselles, la plupart pudiquement vierges,
aimaient se promener en groupe le dimanche soir sur la place
publique. Le charme se jouait de par le style élégant de leur coiffe,
par la sensualité de leurs épaules dénudées et leurs chevilles mises
en valeur par les sandales plates en cuir. Tout ça n’a rien à voir
avec la génération de femmes « sou moun » qui parcourent les
rues à moitié nues, maquillées comme si le carnaval était pour
toute l’année. Les femmes semblent penser qu’afficher quelques
bouts de chair par ci et par là est synonyme de séduction. Et nos
Haïtiens les trouvent comment ? « Sexy ! » ( au sens américain
du terme c’est-à-dire qui fait appel à l’envoûtement).
Là où les choses deviennent de plus en plus alléchantes, c’est
quand nos femmes sont de plus en plus complexées en ce qui
a trait à leurs physiques. Il paraît qu’avoir de belles rondeurs
dans tout le corps n’est plus à la mode, pitit ! Maintenant ce
sont les « seksi (sexy)» au sens haïtien du terme qui font la
une. Oh oui ! Est appelée « sexy » une femme qui est mince
ou qui a un corps assez élancé. Si cela s’arrêtait là, le monde
serait en paix. Mais il se trouve qu’en plus elles veuillent avoir
un corps à la Nicki Minaj : une grosse « dach »…correction…
de grosses fesses pour aller de pair avec des seins gonflés. En
toute logique ! Comme ça, ce sera plus beau sur les photos
qu’elles devront publier sur leurs pages Instagram. La recette
du canon de beauté devient : diète + « piki bokit »! Et en
passant, n’oubliez pas que si vous êtes « grimèl » ça fera
plus de sensation alors ne ménagez pas votre « douko », les
intéressées. Après il suffit d’ajouter les accessoires nécessaires
(comme les talons « kikit » qui font monter les fesses en
« tèt digèt ») et le tour est joué : vous serez officiellement une
femme attirante !
Cerise sur le gâteau : les femmes courtisent fièrement les
hommes, à présent. Cela plaît même à beaucoup d’eux. Mais
attention, les hommes ! En faisant le compte des faits, vous
verrez que vous le perdez à vitesse grand V, votre position de
dominants. Certaines femmes exigent que ce soit vous, les
hommes, qui faites la cuisine en permanence. Les temps ont
changé. Le féminisme bat son plein : les femelles vont à l’école,
travaillent, s’habillent comme elles le veulent et ne sont plus
obligées de s’occuper exclusivement du foyer, en Haïti. Ce sont
elles qui font « psiiit ! Ti cheri vini m’ pale w’ » maintenant
sans besoin d’être une fille de joie! Bon nombre d’entre elles
sont des femmes-boussoles à portefeuilles qui chantent
« Alouette… Gentille alouette… Alouette, je te déplumerai ».
C’est comme le chant d’une sirène. Et si un homme résiste
il suffit de faire un coup de « gouyad » ou une pirouette : les
seins et les fesses retombent en « dekabès ». Ça marche à tous
les coups ! Ne vous offusquez pas, messieurs. Vous pouvez
toujours leur taper dessus. Que sont quelques bleus devant le
privilège de pouvoir voter que les femmes possèdent de nos
jours? Du moment que vous n’êtes pas à la cuisine, près des
casseroles, vous pouvez battre votre femme en toute sécurité.
Je suis sûre qu’elles n’y verront aucune objection. Si vous
réunissez tous ces critères, félicitations, mesdames: vous êtes
nationalement sexy dans les deux sens du terme…
Sexy...par Edna Blaise
L
es bordels prolifèrent au
jour le jour dans la cité de
l’Indépendance. Actuellement,
la ville compte près de cinq
endroits de débauche et d’autres
lieux informels. Citons, le club Rosie
situé au cœur de Raboto, un lieu
très fréquenté par les jeunes Gona-
ïviens. Rambo club, à Parc Vincent,
cet endroit est surtout fréquenté par
des étrangers. La Dominicana, au
centre de la ville, son nom l’indique,
c’est le commerce transfrontalier. Ce
sont des travailleuses du sexe venant
de la République voisine qui y fonc-
tionnent. La Passion disco, à la rue
Christophe, là où les strip-teaseuses
se donnent rendez-vous.
Contrairement au prix de ces
quatre endroits, un lieu comme
« Malè Pandye », situé à la rue
du Quai, dans les périmètres du
port de cabotage des Gonaïves,
les femmes ne sont pas trop
pointilleuses. Cinquante gourdes
doivent suffire pour passer un
moment avec l’une d’entre elles.
« Anba meb yo », à proximité
du Commissariat Toussaint
Louverture, à la tombée de la
nuit, les activités sexuelles se
font en plein air. Cet endroit est
utilisé par certains ébénistes pour
exposer des meubles, d’où son
nom. « Free night » à l’intérieur
du marché, Topa, à l’avenue Paul
Eugene Magloire (Descahos). Là
encore les travailleuses du sexe ne
sont pas à couvert. Entre chiens et
loups, le va et vient se fait sentir
à l’intérieur du marché.
« Pwè Ovan », un nouveau site
pour les amants de la détente et
du plaisir. Il est situé à environ
1.5 kilomètre du centre-ville,
précisément à Phaéton, Bassin, 2e
section communale. Un weekend
à « Pwèl Ovan » se distingue. On
donne ce qu’on a pour y avoir accès.
Au bord de la mer, un disc-jockey
(Dj) assure l’animation musicale.
Les bredjenn défilent. L’alcool et
la cigarette sont au rendez-vous.
L’ambiance bat son plein. « Jwi
lavi w, il n’y a pas mieux que ça »,
a lâché un jeune homme, avec en
main une bouteille « d’asowosi ».
Les boites de nuit attirent de
nombreuses personnes, a-t-on
constaté. Ces espaces, le plus
souvent, sont fréquentés par des
jeunes âgés entre 18 et 25 ans. Si
certains considèrent cette activité
comme une dérive, d’autres
estiment qu’elle est normale. « À
chacun, sa manière de vivre », dixit
un citoyen interrogé sur ce sujet.
La vie nocturne
aux Gonaïvespar Dieulivens Jules
Qui l’aurait cru ? Les boîtes de nuit prennent du
champ aux Gonaïves, au nord de Port-au-Prince. Les
professionnelles du sexe procurent du plaisir aux
bredjenn comme aux membres de l’intelligentsia sans
aucune discrimination.
Dominicana Bar Resto aux Gonaïves. / Photo : Dieulivens Jules
14 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
SOCIÉTÉ
À
l’Église, à 6 heures 50 du
matin, il y a encore une
messe. Elle a commencé
depuis cinq heures, selon
ce que racontent les pèlerins. La
salle est pleine. Pour participer à la
fête, les retardataires sont obligés de
s’entasser à l’entrée. Ils sont debout.
Mains en l’air. Ils font incessamment
le signe de la croix. On aurait cru
qu’il y a un secret derrière ce geste
que même les adeptes ignorent. Ils
le font, ce signe. Avec conviction !
À l’intérieur, ils sont vêtus décem-
ment. Ils portent des robes de cou-
leur blanche et/ou bleue, des maillots
frappés du portrait de la Sainte, des
mouchoirs… Ils chantent, s’oublient
dans leurs prières et récitent le Notre
Père en égrenant leurs chapelets.
Dehors, les pèlerins sont allongés
sur les marches de l’escalier
conduisant à la porte principale
de l’Église. Certains d’entre eux
dorment encore. « Une messe a
duré toute la nuit », raconte un
homme qui dit attendre sa femme
se trouvant à l’intérieur. D’autres
sont déjà réveillés. Ils attendent.
Le miracle de la Sainte ? Non.
Le miracle du jour. Celui qui leur
permettra de manger. Ils attendent.
Parmi eux, des nourrices. De
vielles femmes. Des vieillards. Des
enfants aussi. Mais très peu de
jeunes. Ils viennent pour la plupart
du bicentenaire et de la place de
Sainte-Anne. Ils sont restés sur les
marches de l’église, question de ne
rien rater. Surtout, les maillots et
la nourriture que distribuent les
candidats.
Derrière l’Église, des pèlerins
dorment également. Leurs lits
sont faits de draps étendus sur le
ciment. Certains y ont passé la nuit.
Ils dorment profondément. Et, il est
déjà sept heures. « Ce n’est pas une
tragédie de dormir dans de telles
situations quand, à la maison, la vie
n’est pas moins pénible », a affirmé
une vielle dame qui a préféré parler
sous couvert d’anonymat.
Elle est venue à la Mont Carmel
pour la deuxième fois. Mais, cette
année, d’autres raisons la motivent.
Elle veut faire pénitence et implorer
la pitié de « Manman » Notre dame
parce qu’elle a des problèmes
familiaux. « C’est ce qui m’amène
ici. Je n’ai aucun autre recours
que de me confier à Notre Dame »,
avoue la vieille de 75 ans. Depuis
deux semaines, elle se trouve aux
pieds de Mont Carmel. Elle a acheté
une maison avec sa fille. Après la
mort de celle-ci, ses petits-enfants
veulent aujourd’hui la mettre à
la porte. Elle aurait pu porter le
dossier par devant un juge. Mais
elle n’a pas le papier de la maison.
« Je ne vois aucun problème à me
confier à ma fille. On est du même
sang. J’ai laissé le papier entre
les mains du mari de ma fille »,
regrette-t-elle.
Pour manger, la septuagénaire reste
à l’église, à portée de main. Elle ne
veut pas rater la distribution de la
nourriture. « On venait distribuer
la nourriture hier, mais j’étais trop
loin. Je n’ai pas reçu mon plat.
C’était un « bon manjé ». Il y avait
beaucoup de viandes de bœuf, des
légumes… », raconte la dame.
À Mont carmel, les pèlerins ne
viennent pas tous pour les mêmes
raisons. Certains sont venus pour
remercier la Sainte. Ils sont de
ceux qui viennent de l’étranger. Ils
ont trouvé leur visa grâce à Notre-
Dame. Pour remercier leur mère
(ils l’appellent manman Notre-
Dame), ils sont retournés au pays
pour faire des dons aux pauvres,
leur donner à manger ; déposer des
gerbes de fleur à l’Église…
D’autres y sont venus aussi pour
demander un emploi, mettre sur
pied un business, recevoir un
anneau (symbole du mariage),
un enfant… D’autres encore ne
viennent que pour « chercher la
vie ». Ils sont éparpillés sur la cour
de la paroisse avec leurs assiettes
en mains. Ils attendent le miracle
de cette matinée. Huit heures du
matin. Fin de visite.
Une matinée à la paroisse
Notre-Dame du Mont-Carmelpar Ritzamarum ZETRENNE
La date du 16 juillet marque la fête de Notre-Dame du Mont- Carmel. À Bizoton, de nombreux pèlerins, venus de
partout, se cantonnent aux environs de l’Église, pour la plupart depuis deux semaines. Ils attendent le miracle
qui les délivrera de tous leurs problèmes.
Une des célébrations de la messe de 5 heures du matin de la paroisse Notre-Dame du Mont-Carmel à Bizoton (Carrefour). / Photo : Ritzamarum Zétrenne
Dehors, les pèlerins sont allongés sur les marches de l’escalier conduisant à la
porte principale de l’Église.. / Photo : Ritzamarum Zétrenne
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 15
SOCIÉTÉ
La banalisation des funérailles,
une pratique à la mode en Haïtipar Evens RÉGIS
D
éfilé de motards, habits
extravagants (skinny Zoe,
dekòlte, bout jip ), scènes
de joie, propos malsains,
musiques de toutes tendances, tout
rythme, réceptions identiques à celles
des mariages, communions, gradua-
tions, ou autres, sont désormais au
menu des funérailles dans le pays.
 Le port des vêtements, des
boutons noirs par les filles et
les garçons en signe de deuil, a
disparu depuis un certain temps. «
Kote kafe a, te sa poko bon toujou,
kibò resepsyon an ap fèt », sont le
refrain de la plupart des individus
lors des veillées et des obsèques.
Sous prétexte d’esquiver les
critiques, des familles mortuaires,
inconsciemment, encouragent
souvent ce phénomène. Elles
font des dépenses énormes et des
fois, consentent même des prêts
hypothécaires pour préparer des
réceptions. Alors, est-il possible de
savoir si elles sont dans la joie ou
la tristesse.
Selon ce qu’a expliqué l’octogénaire
Ysmena Canon, les funérailles, au
cours des années cinquante, etaient
tout à fait différentes de celles
observées de nos jours. Certes, à
l’époque, les familles organisaient
des réceptions aux amis et aux
proches mais différentes de celles
d’aujourd’hui.
La sympathie était, avant tout,
au rendez-vous et la mort de
quiconque avait toujours attristé
toute la communauté. Aujourd’hui
tout a changé, c’est l’ère de la mode
et de l’influence des jeunes. La
bière, l‘immoralité, l’insensibilité,
remplaçant le thé, le café, les jeux
de dominos, de cartes, les moments
de devinette, comme signes de
sympathie dans les obsèques
d’autrefois, a-t-elle ajouté.
Des adeptes opinent
Des chefs-guides du secteur 3
de la mission des adventistes du
Sud d’Haïti, font savoir que nous
sommes au dernier temps, que
les prophéties sont en train de
s’accomplir. Pour ces jeunes de la
promotion phare, ce peut-être la
nouvelle façon de sympathiser avec
la famille du défunt, de banaliser la
mort qui fait mal pourtant.. Nous
sommes en train de vivre l’ère de
la fuite des vraies valeurs.
« C’est le résultat de la mondia-
lisation, et de l’acculturation», a
déclaré Raymond Pierre, étudiant
mémorant à la faculté d’Ethnologie
de l’Université d’Etat d’Haïti. Selon
lui, c’est une situation qui porte
atteinte à notre culture. Elle lais-
sera de graves conséquences sur la
société haïtienne, croit-il.
« Nous avons perdu le sens de nos
valeurs morales, l’idiotie nous
rend aveugle », a lâché Stéphat
Junior Sainsurin, qui nous a
confié que deux de ses meilleurs
amis ont préféré questionner sur
la nourriture le jour des obsèques
de son père, il ya quelques semaine
de cela, au lieu de sympathiser
réellement avec lui qui était dans
une profonde tristesse.
La semaine dernière, la veille des
funérailles de Linstant Bienné,
un habitant de la zone de Côte
plage 28, un acte d’inhumain s’est
produit. Suivant notre coutume, un
moment a été réservé dans la soirée,
la veille de la cérémonie funéraire
pour sympathiser avec la famille,
mais ce moment a été transformé
en un véritable spectacle.
Comme au club, les grands buveurs,
les bambocheurs étaient au rendez-
vous. Ils ont fait une liste des
personnages qui doivent attendre
leurs tours. L’ambiance était à un
niveau tel qu’une bagarre a éclaté.
Le nommé Valéry et son ami ont été
poignardés et transportés d’urgence
à l’hôpital. Leurs intestins étant
touchés, s’ils arrivent à survivre, ce
sera avec des dommages physiques,
selon les médecins.
Quelle que soit la façon dont une
personne est morte, dans son
jeune âge ou dans sa vieillesse,
les obsèques sont de nos jours
très insignifiants. Aucun signe de
respect, de sympathie envers les
familles endeuillées, encore moins
des moments de recueillement en
mémoire des défunts.
Des scènes de liesse, des propos et réactions contraires à la circonstance, des habits de toutes couleurs, c’est ce
qu’on observe, de nos jours, aux cérémonies funéraires en Haïti.
Funérailles au Cap-Haïtien du Monseigneur François Gayot. / Photo : reseaucitadelle.blogspot.com.
16 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
SOCIÉTÉ
Express partout
ou la mort ambulantepar Stéphanie Balmir
«
Evite miyò pase mande
padon/ mieux vaut prévenir
que guérir.». Ce proverbe
s’explique de lui-même. Mieux
vaut prevenir une situation délicate
au lieu de chercher des solutions.
Ici en Haïti, l’on préfère l’inverse.
Personne ne saura dire pourquoi.
Mais les problèmes attirent l’attention
des autorités concernées uniquement
quand une catastrophe se produit.
À la Capitale ou à l’extérieur, les
conditions ne changent pas. Les
moyens de transport ne sont pas des
meilleurs. Et ceci, sur tous les plans.
Ces camions sont un peu partout
sur les routes qui conduisent
vers les villes de province. Serait-
ce pourquoi ils sont marqués du
sceau : express partout. Ils ont tous
une spécificité, ces camions : ils
transportent tout. Le tout englobe
: marchandes, marchandises de
toute sorte et animaux. Équipés
uniquement de barres de fer qui
servent de bancs aux passagers,
ils n’ont pas de carrosserie qui
pourrait les protéger du soleil qui
tape fort en ce mois de juillet. De la
pluie, encore moins de la poussière.
Ces « express partout » parcourent
de longues distances. Aussi
chargés qu’ils puissent être, ils
ne se contentent pas d’assurer la
connexion entre deux communes.
Ils traversent des départements.
Certains font le trajet Jérémie-
Cayes.
D’autres Beaumont-Cayes. Mais la
majorité rentre à Port-au-Prince. Ce
qui justifie le fait qu’ils sont légion
sur la route qui conduit à Jérémie.
Plusieurs ralentiront pour laisser
passer les bus qui arrivent en sens
inverse. Parfois à toute vitesse.
Ou encore, ils devront même
stationner au bord la falaise pour
laisser passer d’autres véhicules, vu
l’étroitesse de la route.
Sur ce camion, l’on peut lire :
Immaculée. Sur un autre : un
proverbe quelconque. Mais ils ont
les mêmes règles et remplissent
les mêmes fonctions dans des
conditions identiques. Qui s’est
déjà prononcé sur la sécurité de
ces hommes et ces « madan sara »
qui, avant tout, essayent de survire
? Qui veille à ce qu’ils ne soient pas
empilés sur des sacs de charbon, de
bananes et d’autres denrées ? Qui
empêche qu’ils soient transportés
comme ces cabris ? Qui diront
leur peine s’ils pouvaient parler ?
Qui surveille ces véhicules remplis
à la limite ? À quoi servent ces
commissariats sur le long des routes
fréquentées par ces véhicules ?
Les concernés se montreront un
jour. Peut-être. Sans doute quand
l’un de ces véhicules tuera des
dizaines de personnes, de « madan
sara » spécialement. Toutes les
couches de la société donneront
leur avis et leurs conseils. Ce sera
l’heure des discours et des fleurs.
L’on enterrera ensuite nos morts
dans la tristesse et les « express
partout » continueront leur tra-
vail.
Les moyens de locomotion et de transport demeurent un problème dans la société haïtienne. Rien n’est soumis
à une quelconque régulation. Qu’il s’agisse de la circulation des véhicules, du montant des courses laissé au
caprice des chauffeurs, de l’entretien des véhicules de transport et finalement les conditions dans lesquelles
les passagers sont transportés. Les « express partout », camions transportant des marchandises traduisent une
partie de cette réalité.
JEUDI 16 JUILLET 2015 N0
40 | 17
CULTURE
Charlemagne Péralte :
le cheminement d'un véritable soldatPar Elisée Décembre
Il ne fait aucun doute que, pour la quasi-totalité du peuple haïtien, Jean-Jacques Dessalines est le héros par
excellence. Nous ne devons cependant pas perdre de vue Charlemagne Péralte, qui mérite bien d’être placé sur
le même piédestal que Jean-Jacques Dessalines par l’ensemble des mouvements qu’il a menés contre l’occupant
américain de 1915 à 1934.
I
l est impossible de parler de
l’occupation américaine sans
évoquer le nom de Charlemagne
Péralte. Né à Hinche le 10 octo-
bre 1885 et assassiné dans la nuit du
31 octobre au 1er novembre 1919,
Charlemagne avait plusieurs cordes
à son arc. Il était fermier, guildivier,
distilleur et éleveur. Avec tous ses cha-
peaux, il lui fallut peu de temps pour
se faire un nom. Cependant, ce fier
héros, piqué par le devoir de servir
son pays, s’intéressait aussi à la chose
publique.
Ainsi donc, il fut nommé vice-
consul d’Haïti à Elias Piña en
République dominicaine, maire
de Hinche en 1909, juge de paix à
Mirebalais en 1911. Et, après avoir
pris part aux côtés de son frère
Saül en 1914 aux soulèvements
contre le président Michel Oreste,
qui allaient porter à la première
magistrature le citoyen Oreste
Zamor, lui aussi originaire du Pla-
teau central, comme récompense,
Charlemagne, à 28 ans, fut nommé
commandant de l’arrondissement
de Port-de-Paix et avait sous ses
ordres le 9e régiment d’Infanterie
de ligne, anciennement appelée
9e demi-brigade commandée par
le grand et inoubliable Capois-la-
Mort. Néanmoins, partout où il
fut placé, il était aimé et respecté
tant par ses subalternes que par les
populations locales.
Lorsque le président Oreste Zamor
fut renversé par Davilmar Théo-
dore, Charlemagne fut démis de ses
fonctions et n’a pas tardé à passer
à l’opposition. En 1915, avec son
cousin Dupéra Péralte, il prit les
armes contre le nouveau président
sous la bannière de Vilbrun Guil-
laume Sam. Alors qu’il occupait,
avec ses troupes et celles de son
cousin, les trois forts de Lascaho-
bas, celui-ci, sous les assauts des
forces gouvernementales, fut tué
mais, lui, Charlemagne, s’en sortit
sain et sauf. Davilmar Théodore
vaincu, Vilbrun Guillaume Sam
devint président. Il nomma Char-
lemagne Péralte commandant de
l’Arrondissement de Léogâne, et
Saül, son grand-frère, commandant
de l’arrondissement de Saint-Marc.
C’est à Léogâne que la vie de
Charlemagne allait prendre une
autre tournure, lorsque, le 27
juillet 1915, sur ordre du général
Charles Oscar, plus de 300 prison-
niers furent massacrés au Péniten-
cier national, dont un parent de
Charlemagne Péralte, le général
Gaspard Péralte. Et, selon Alain
Turnier, « Charles Oscar, pris
d’une fureur homicide, fit arrêter
le train allant à Bizoton, obligea
les passagers à descendre et en
fusilla une quinzaine (…) » Tou-
jours selon Alain Turnier, « dans la
matinée du 27 juillet, la résistance
des défenseurs du Palais national,
vite écrasée, le Pprésident Vilbrun
Guillaume, blessé d’une balle à la
jambe, se réfugia à la légation de
France. Les parents et amis des
prisonniers se précipitèrent à la
prison où les cadavres gisaient
encore dans leur sang, poitrines
labourées, cervelles éparpillées.
Mis en rage par l’orgie de sang,
ils se ruèrent vers la légation
dominicaine où s’était réfugié
Charles Oscar. Ce dernier en fut
arraché, abattu à la porte même
de l’immeuble de trois balles par
Edmond, dont trois fils avaient
péri dans le carnage à la prison.
Les acolytes d’Oscar n’ont pas été
épargnés, eux non plus.
Ces troubles allaient donner un
faux prétexte aux États-Unis
d’Amérique, qui brûlaient long-
temps le désir d’occuper le pays
de Charlemagne Péralte, de mettre
finalement leur plan impérialiste
et raciste à exécution. Alors le 28
juillet 1915, les soldats de l’Aigle
foulèrent le sol haïtien en passant
par Bizoton. Charlemagne Péralte
ne pouvait pas digérer cet affront.
Pour lui, c’est un coup de massue
sur sa tête de nationaliste, c’est une
piqûre empoisonnée injectée dans
son âme haïtienne. Alors, en tant
que soldat nationaliste, défenseur
de la souveraineté nationale, il ne
se fit pas prier pour passer tout de
suite à l’action tout en ressassant
les vers on ne peut plus stimulants
du poète Capois : « Si un jour sur
tes rives / Reparaissent nos tyrans
/ Que leurs hordes fugitives / Ser-
vent d’engrais à nos champs. »
Les troupes américaines arrivèrent
à Léogâne le 17 août 1915. Le
commandant américain intima
l’ordre à Charlemagne Péralte de
lui livrer la ville, mais c’était mal
connaitre ce nationaliste farouche
qui allait devenir le cauchemar
de l’occupant. Le commandant
yankee avait reçu le message clair
et net et ne fit pas le forcing. Il se
contenta de garder ses troupes sur
leurs bateaux et dans leurs avions.
Mais cet invertébré que fut le nou-
veau président Surdre Dartigue-
nave, chien fidèle et docile de
l’occupant, licencia le Comman-
dant Charlemagne Péralte pour son
refus de livrer la ville aux envahis-
seurs.
Dans une lettre d’adieu à la popu-
lation de Léogâne, Charlemagne
expliqua ses sentiments face à
l’affront que vient de subir la
Nation. Quelques jours avant son
départ pour Hinche, il se rendit à
Bourdon chez le Général Edmond
Polinice, un acteur au centre des
évènements du 14 juillet, à qui
il aurait confié ces paroles : «
Général, je rentre chez moi. Mais
j’ai confiance en mon étoile. Je
soulèverai le peuple et mettrai les
Américains hors du pays. » Péralte
savait de quoi il parlait car, en
tant que citoyen responsable, il
ne pouvait et ne voulait en aucun
cas rester les bras croisés pendant
que la Nation est remise dans les
chainemaudites de la colonisation.
C’est ainsi que, arrivé à Hinche,
constatant les déboires de ses
frères sous le poids du nouveau
système appelé « corvée » insti-
tuée par les nouveaux colons éta-
suniens, Charlemagne passa de la
parole aux actes. Suzy Castor, dans
son fameux ouvrage L’occupation
Américaine, rapporte ce qui suit
: « Le 11 octobre 1916, avec ses
frères Saül et Saint-Rémy et 60
hommes presque sans armes,
Charlemagne Péralte attaqua la
maison du général Doxey, com-
mandant de Hinche. L’attaque
fut repoussée, les chefs arrêtés et
Charlemagne Péralte condamné à
5ans de travaux forcés par un tri-
bunal prévôtal. » Astucieux comme
pas un, Charlemagne utilisa tous
les moyens à sa disposition pour
prêcher dans la prison même la
résistance à cette infamie qu’était
l’occupation de sa chère patrie.
C’est ainsi qu’il réussit à convain-
cre son gardien le gendarme Luc-
zama Luc à prendre la fuite avec
lui en trompant la vigilance des
soldats yankee. Cela se passa le 3
septembre 1918. Et de sa cachette
chez Madame Raoul Deetjeen au
Cap-Haïtien, il regagna, avec l’aide
d’autres compatriotes le Plateau
Central, son fief.
Charlemagne Péralte fut un grand
stratège. Et selon Roger Gaillard,
les Américains reconnaissaient
que le leader principal des mou-
vements de la résistance contre
l’occupation était un organisateur-
né. Pour communiquer avec ses
lieutenants dans les différents
points du pays, voici ce que rap-
porte F. Wirkus, un officier yankee
: « Les tanmbours envoyaient des
messages à une centaine de mille
ou plus presque aussi vite que par
télégraphe ou la radio. Les « madan
sara » servaient d’agents actifs de
propagande et de liaison : c’étaient
des femmes commerçantes et dis-
tributrices de produits agricoles,
qui sans éviller les soupçons par
leurs activités de redistribution
et de relations entre la ville et la
campagne, recueillaient des infor-
mations qu’elles transmettaient
au quartier-général des insurgés,
sur les déplacements des troupes
américaines et les rumeurs en
cours. »
Charlemagne Péralte est trahi, et
tué par les Américains le 31 octo-
bre 1919. La mort de Charlemagne
Péralte a pris pour les Haïtiens la
dimension d’un martyr. Après le
départ des forces américaines en
1934, le corps de Péralte fut déter-
ré, identifié par sa mère et enterré
avec les honneurs au cimetière de
Cap-Haïtien.
Charlemagne Péralte.
18 | N0
40 JEUDI 16 JUILLET 2015
CULTURE
Georges Sylvain, un opposant farouche de
l'occupation américaine de 1915
Par Schultz Laurent Junior
G
eorges sylvain, poète éclec-
tique de la génération de la
Ronde (1898-1915), disci-
ple d’Etzer Vilaire, est entré
dans la littérature haïtienne en pub-
liant une mince plaquette de vers con-
tenant 29 poèmes écrits en français, «
Les confidences et mélancolies », en
1901. Pourtant le curriculum vitae
du poète, né à Puerto Plata en Répub-
lique dominicaine en 1866, est à bien
des égards impressionnant. Georges
sylvain fit ses études supérieures à la
Faculté des lettres et à la Faculté de
droit de Paris. Animateur de plusieurs
centres intellectuels, il fonda l’École
de droit, la Société de législation, créa
l’Alliance française en Haïti et fonda
L’œuvre des écrivains.
Emporté et animé par un souffle
nationaliste zélé, il a esquissé
pendant les dix dernières années
de sa vie une posture de combat-
tant en luttant contre l’occupation
américaine de 1915. « Non, je ne
vais me résigner à cette occupa-
tion, je vais lutter jusqu’au bout
pour la désoccupation de mon
pays. » Ne voulant pas rester
impassible, voulant associer la
parole aux actes, il porta, pour
citer Perceval Thoby, une virile
et invincible fermeté à la bataille
partout où il pouvait atteindre
l’ennemi. Il était à la tête de tous
les rassemblements politiques qui
s’étaient organisés dans le pays et
fonda le journal La patrie.
Il a écrit des articles de journaux,
adressé des correspondances
au Sénat américain, prononcé
des conférences, organisé des
tournées patriotiques et a su, en
plusieurs occasions, mettre sa vie
en péril pour l’honneur et le salut
de la patrie.
Symbole de la résistance haïti-
enne à l’occupation américaine,
il écrira plus tard « Nous lutter-
ons, nous et nos enfants, tant que
notre patrie n’aura pas retrouvé la
plénitude de son indépendance.
Nous le devons à nos morts
héroïques, pères à jamais bénis,
qui avaient donné tant de peines
pour que les enfants issus de notre
sang eussent au moins dans le
monde un coin de terre où vivre
en paix, libres et respectés ».
Avec un cœur débordant de
patriotisme, Georges sylvain est
devenu le porte-parole de tout un
pays gémissant sous les bottes
de l’Oncle Sam. Selon lui, pour
reprendre les réflexions perti-
nentes du professeur Eddy Arnold
Jean, « ce déshonneur national ne
permet plus le silence. C’est un
devoir impérieux pour tout Haï-
tien d’engager le combat aux fins
de restituer au pays sa dignité. »
S’armant de sa plume vengeresse,
il flétrit l’acte liberticide perpé-
tré par le grand voisin du Nord
et invite les Haïtiens à conjuguer
leurs forces en vue de rendre au
pays son indépendance. Il a exhor-
té la nation à protester énergique-
ment contre l’occupation. Il lui a
demandé après coup de manifester
à l’oppresseur une farouche résis-
tance, car l’agresseur peut tirer de
notre passivité la justification de
son comportement.
Il peut croire, selon lui, que nous
acceptons sa domination et que
nous renonçons à notre souver-
aineté.
« Haïti, lève-toi, le
monstre qui t’entraîne
Vers l’abîme, la honte, le
deuil aura peur
S’il voit se soulever la
conscience humaine !
Fais frissonner le monde
à tes cris de douleur !
Montre ton âme en plaie
où meurt ton rêve en
cendre. »
(Page 43, 2007, Éditions Mémoire
d’encrier.)
Si Georges Sylvain n’avait pas eu le
temps de voir le départ des Améri-
cains de notre pays, l’Histoire
cependant, retiendra son nom
comme celui qui avait élevé le ton
de sa voix pour crier son patrio-
tisme et son attachement filial à la
terre natale. Il a souffert dans les
fibres les plus sensibles de son être
le comportement antipatriotique et
la mauvaise foi de ses concitoyens
sans pour autant renoncer à son
idéal de voir une Haïti libre, pros-
père et régénérée.
Georges Sylvain
CENTENAIREDEL’OCCUPATIONAMÉRICAINE/GEORGESSYLVAIN
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  • 1. » P. 14 » P. 21 »   P. 5 SOCIÉTÉ SPORT » suite page 4 » lire page 10 Une matinée à la paroisse Notre-Dame du Mont-Carmel par Ritzamarum ZETRENNE Monuma Constant Junior chanceux, Manchini Telfort maudit ! par Gérald Bordes Soixante-dix millions de gourdes disparuesPar Reynold Aris HAÏTI / ÉCONOMIE/DÉPRÉCIATION DE LA GOURDE JEUDI 16 JUILLET 2015 NUMÉRO 40 WWW.LENATIONAL.HT QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI ACTUALITÉ Des mesures qui ne rassurent pas HAÏTI / ÉDUCATION / PSUGO / CORRUPTION Le gouverneur de la BRH, Charles Castel, en conférence de presse, le mercredi 15 juillet 2015. / Photo : J.J. Augustin L es directeurs fautifs doivent restituer l’argent qu’ils avaient reçu en usant de subterfuges, c’est la principale décision arrêtée au terme de cette réunion. Au micro des journalistes, le chef de l’État, Michel Martelly a réitéré son engagement à contribuer à la scolarisation d’un plus grand nombre d’enfants en vue de les doter des moyens nécessaires leur permettant d’affronter l’avenir. Il a affirmé en ce sens que l’éducation demeure la pierre angulaire à même de sortir le pays de l’ornière du sous-développement. Près de 70 millions de gourdes ont disparu à travers 340 écoles qui sont éclaboussées dans la corruption sur les 8 mille 300 inscrites dans le Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (Psugo). Une rencontre spéciale s’est tenue, le mercredi 15 juillet 2015, entre le président Michel Martelly, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Nesmy Manigat, celui de la Justice, Pierre Richard Casimir, et le directeur général de l’ULCC, Rodiny Jean-Baptiste, sur la question. Objectif : restitution de l’argent détourné. Escapade à Malpasse et à Jimani ! Par Gary Victor
  • 2. 2 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 TRIBUNE Lettre ouverte du regroupement Concertation pour Haiti L’honorable Stephen Harper Premier ministre du Canada Monsieur le Premier ministre Concertation pour Haïti (CPH) est un regroupement d’organisations de la société civile et de membres individuels du Québec et du Canada qui participent au mouvement de solidarité avec le peuple haïtien. La CPH œuvre au niveau de la promotion des droits humains et des libertés fondamentales en Haïti, du développement solidaire et de la sensibilisation du public. Concertation pour Haïti fut profondément indignée par l’arrêt 168-13 du Tribunal constitutionnel dominicain qui enleva la nationalité dominicaine à des milliers de Dominicains et Dominicaines d’ascendance haïtienne, et les rendirent de fait apatrides, comme nous l’écrivions à l’honorable John Baird, ministre des Affaires étrangères le 23 octobre 2013. Cet arrêt, dont les effets sont rétroactifs jusqu’en 1929, a ouvert la porte à de nouvelles expulsions et mesures répressives prises par les autorités de la République Dominicaine, en violation flagrante des droits humains et du droit international. Depuis le 17 juin 2015, date de l’échéance du Plan national de régularisation des étrangers, notre indignation s’est transformée en colère face à la crise humanitaire découlant des expulsions massives et violentes effectuées dans des conditions infrahumaines, dégradantes et révoltantes. Derrière l’apparence “volontaire” du retour massif en Haïti des immigrants haïtiens et des dominicains d’ascendance haïtienne, se cache une vraie « chasse aux sorcières», volontairement incontrôlée par l’État dominicain. Depuis le 17 juin, plus de 17 000 personnes sont arrivées en Haïti. où, chaque jour, des centaines de personnes n’ayant pu régulariser leur statut ont été expulsées manu militari. La plupart d’entre elles n’ont pas eu la possibilité de prendre leurs maigres effets personnels et certaines sont mortes en cours de route. La majorité est composée de femmes et d’enfants et souvent ces derniers ont été séparés de leurs parents. Dans les centres d’accueil improvisés en Haïti, la situation humanitaire devient problématique. Toutefois ici on entend peu parler de cette crise dans les nouvelles internationales. Monsieur le premier ministre, nous demandons que le Canada brise le silence et condamne haut et fort l’imposture de ces retours forcés, la brutalité des agents de la force publique dominicaine et les violations massives des droits fondamentaux et de la dignité humaine afin que cessent ces expulsions contraires aux engagements internationaux de la République dominicaine. Reprenant à notre compte les demandes des organisations haïtiennes des droits humains, de la société civile et du secteur religieux du 25 juin 2015 [1], la CPH réclame que le Gouvernement canadien : 1. Exige de l’État dominicain le respect de la dignité des Haïtiens- nesetduprotocolede1999signépar les deux États sur les mécanismes de rapatriement (informations préalables sur les personnes, respect du regroupement familial, rapatriements dans des points officiels et pendant les jours ouvrables, possibilité offerte aux gens de prendre leurs effets...) ; 2. Demande à l’État dominicain de faire cesser la « chasse aux Haïtiens et Haïtiennes » ; 3. Sollicite sur le champ une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question en vue de recommander, en urgence, une mission d’évaluation sur la frontière et sur le territoire dominicain (articles 13 et 20 de la Charte de l’ONU) ; 4. Explore et utilise toutes les voies juridico-diplomatiques et stratégiques appropriées à la situation dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et des autres institutions régionales (OÉA, CARICOM) ; 5. Propose son appui à la préparation et à l’organisation en Haïti des états généraux de la nation sur le plan économique et social afin de faciliter la réinsertion des nombreux rapatriés et trouver des solutions à long terme à l’exode historique vers la République dominicaine ; 6. Offre son concours à la création d’une cellule de crise au niveau de l’État haïtien sur la question haïtiano-dominicaine, qui respecte les principes de bonne gouvernance (transparence, reddition de compte, efficacité...) ; 7. Encourage l’État haïtien à établir des mécanismes clairs et transparents pour l’accueil des ressortissant-e-s haïtiens-nes expulsés, en misant sur des centres provisoires pour mieux orienter les gens, sans toutefois entrer dans une logique de camps afin d’éviter de fortes concentrations démographiques. 8. Offre d’appuyer l’État haïtien et les organisations de la société civile dans l’élaboration et la mise en ouvre de programmes de réinsertion qui répondent véritablement aux besoins des différents groupes notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes ayant une déficience etc. ; 9. Offre son appui à la création d’une structure de terrain entre les organisations de la société civile intervenant sur la ligne frontalière et les autorités locales en mettant à leur disposition les moyens nécessaires (humains, logistiques, financiers, technologique, etc.). Monsieur le Premier ministre, Concertation pour Haïti compte sur le leadership du Canada - pays ami d’Haïti - et demande instamment à votre gouvernement de porter ce dossier par devant les instances internationales concernées afin qu’il soit traité avec diligence. Nous nous attendons également à ce que tous les Partis politiques dont les élus- es siègent au Parlement appuient cette démarche qui s’inscrit dans la tradition du Canada de dénoncer les atteintes aux droits des minorités où qu’elles se trouvent, de prendre leur défense dans les instances appropriées et de leur porter assistance lorsqu’elles sont victimes de racisme et d’exactions diverses. Nous vous prions d’agréer, monsieur le Premier ministre, l’expression de nos sentiments distingués. Pierre Bonin pour les membres de la Concertation pour Haïti : • Alternatives • Amnistie internationale Canada francophone • AQOCI •Carrefour de solidarité internationale - Sherbrooke (CSI - Sherbrooke) • Centre international de solidarité ouvrière (CISO) • Centre justice et foi • Comité de solidarité / Trois- Rivières (CS/TR) • Développement et Paix • Église Unie du Canada • Équitas • Fédération des travailleuses et des travailleurs du Québec (FTQ) • L’Entraide missionnaire • Solidarité - Union - Coopération (SUCO) • Terre sans frontières (TSF) • Les YMCA du Québec - Initiatives internationales Copies : Robert Nicholson. ministre des Affaires étrangères ; Christian Paradis, ministre du Développement international et de la Francophonie ; Thomas Mulcare, chef de l’opposition (NPD) ; Justin Trudeau (Parti libéral) ; Gilles Duceppe (Bloc québécois) ; Christine St-Pierre, ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec. [1] Source Position du secteur des droits humains, de la société civile et du secteur religieux haïtiens (25 juin 2015) : Tiré de Haïti-RD/ Déportations : La société civile et le secteur religieux fixent les responsabilités et formulent des propositions. AlterPresse 28 juin 2015. http://www.alterpresse.org/ spip.php.... Texte original sur http:// rnddh.org/crise-ha%C3%AFtian...! 15 organisations canadiennes de solidarité demandent au Canada de rompre le silence sur les « retours forcés » Publié par Alterpresse
  • 3. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 3 ACTUALITÉ L'incertitude continue On attendait comme la terre sèche attend la pluie une réaction autorisée de la Banque de la République d’Haïti (BRH) face à la chute accélérée de notre monnaie. De46gourdespourundollaraméricainenseptembre2014,ilfallaitcemercredi 15 juillet 2015 56 gourdes pour acheter le billet vert qui se fait parfois rare, alorsquenousimportonspresquetout.AuNational,noussavons,parexemple, que pour de grandes transactions sur le marché il faut déjà 60 gourdes pour undollar. LegouverneurdelaBRH,CharlesCastel,aparléd’untraindemesures prises parl’institution,invitantlapopulationetlesopérateursaucalme,sansarriver pourtantàrassurerl’opinion. Il a indexé les problèmes structurels et mis en cause, dans le même temps, les gouvernants haïtiens. Ces problèmes structurels, le manque de vision et d’intelligencedenosdirigeants,leurfaiblesensibilitésociale,leurpropensionà jouirsanslimitesdesprivilègesréservés,dirait-on,auxchefsenHaïti,seraientles causesdecettedégradationsystématiquedelamonnaienationaleparrapport àladeviseaméricaine.Aucuneconsidérationn’aétéfaitesurlequotidiendes Haïtiens,doncdelamassedesconsommateurs. Onestendroitdes’interrogersurlerôleeffectifdelaBRH.N’a-t-ellepaspour missiondeprotégernotremonnaie? Encesens,commetouteslesinstitutions quiontcettefonctionrégulatricedanslesautrespays,elledevraitêtreindépen- dantedupouvoirpolitiqueetêtrecapabledetirerlasonnetted’alarmeencasde mauvaisesdécisionsouderazziadesgouvernements,etmêmedes’opposerà certainesdemandesquimettraientéventuellementnotremonnaieenpéril.La BRHs’est-elleélevéeàlahauteurdesamissionous’est-ellemislaqueueentre lesjambes,commebeaucoupd’autresinstitutionsdupays,devantcespouvoirs dontl’incompétencen’estplusàdémontrer? Ce n’est pas la population qui provoque les spéculations sur le billet vert. Ce sont les spéculateurs eux-mêmes qui prennent des décisions, en prévoyant (provoquantouenanticipant)leshausses. Detoutemanière,lagourdepeutcontinueràs’effondrer.Lesgrandsmanitousse protégerontavecleursalaireendollarsUSouavecunemassedegourdessup- plémentaires.Lapopulation,lesclassesmoyenness’appauvrirontencoreplus. Quidisaitqu’onfestoyaitdansunavionenpremièreclasse,pendantqu’enclasse économique,unebombeétaitprêteàexploser? Gary Victor Édito Grève au service de radiologie de l'HUEH Par Stephen Ralph Henri HAÏTI/SANTÉ L ’espace est désert, les bancs réservés aux patients sont vides et les résidents se casent dans une petite chambre, s’ils ne sont pas dans d’autres espaces de l’hôpital. Une situation qui indique clairement qu’il n’y a pas de service. D’après des explications recueillies auprès des médecins résidents, qui souhaitent garder l’anonymat, la grève est une façon de faire passer leurs revendications méprisées par leur chef de service, dont ils souhaitent désormais la démission. Les résidents sont des médecins licenciés effectuant une spécialisation dans une branche en vue d’obtenir le plein droit de pratiquer. La résidence consiste alors en une période de for- mation continue. Par rapport à leur statut, ces rési- dents en radiologie, réclament sur le plan structurel, de meilleures condi- tions de travail. De l’internet pour pouvoir effectuer des recherches, des toilettes, de l’eau potable dans le service, une meilleure aération de la salle d’interprétation, une cham- bre de garde et la réparation des machines défectueuses ou ayant une pièce manquante. Ces résidents rencontrés par Le National souhaitent surtout sur le plan académique la poursuite de la pratique de certains examens médi- caux à la section, « lesquels ne sont plus effectuées depuis un certain temps », disent-ils. Parmi ces tests, ils soulignent l’urétrocystographie, con- sistant à faire un bilan de l’appareil génito-urinaire chez l’homme, l’hystérosalpingographie, destiné à faire un bilan d’infertilité chez la femme, l’urographie intraveineuse (Uiv), servant à l’exploration des reins, et d’autres examens visant l’analyse de l’appareil digestif, pour détecter d’éventuelles anomalies. En pratiquant ces activités, ces jeunes médecins continuent de se former tout en servant la population. Des rotations dans d’autres structures hospitalières, des déplacements à l’étranger pour des formations, sont d’autres demandes de ces résidents. Toutes ces sollicitations ont été regroupées dans un document remis au chef de service, le 2 juin, qui a décidé de les « ignorer », tout en les menaçant « d’expulsion », d’après leur dire. Ils sont au nombre de 16 Au cours de la journée du 15 juillet, ils ont adressé une lettre au chef de service pour lui demander de démissionner. Mais « on ne peut pas renvoyer le chef de service, juste parce que quelqu’un le demande », a déclaré à Le National, le directeur général de l’Hôpital, le Dr Maurice Fils Mainville, qui affirme être informé de la situation. « Un chef de service pour partir doit commettre une faute grave ou un acte attentatoire à l’administration », poursuit Maurice Mainville. Il reconnaît toutefois qu’il y a eu « des manquements » dans les échanges entre le chef de service, Carine Clépah et les résidents. Il explique que des dispositions sont déjà prises pour satisfaire les autres griefs des résidents en radiologie. Les médecins de service menacent de leur côté d’entrer en grève, si la responsable du service de radiologie est révoquée, rapporte le directeur Mainville. D’ici le mois prochain (août) les examens médicaux, qui ont été suspendus devront recommencer, pour les rotations, des ententes sont déjà trouvées avec ces institutions, et c’est autant pour la question de formation à l’étranger, toujours d’après le directeur général de l’hôpital. Mainville explique que les examens ont été suspendus en raison de « mauvaises conditions ». Il invite les résidents à trouver un modus operandi. Il envisage d’acheminer le dossier par devant, la haute direction du ministère de la Santé publique et de la Population (Mspp), si les résidents restent intransigeants. Le service de la radiologie et de l’imagerie médicale de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (Hueh), a cessé de fonctionner depuis le 15 juin de l’année en cours, en raison d’une grève observée par les médecins résidents de la section, réclamant entre autres le départ du chef de service; une revendication difficile à satisfaire d’après la direction générale de l’institution. L.’espace désert et les bancs réservés aux patients vides au service de radiologie de l’HUEH, le mercredi 15 juillet 2015.. / Photo : Stephen Ralph Henri
  • 4. WWW.LENATIONAL.HT 10, RUE GABART · PÉTION-VILLE EMAIL: INFO@LENATIONAL.HT PUBLICITE@LENATIONAL.HT REDACTION@LENATIONAL.HT (509) 4611-1010 / 3214-5554 PROPRIÉTAIRE : LE NATIONAL. SA DIRECTEUR : JEAN GARDY LORCY PUBLICITÉ : SASKIA P.L.MICHEL DIRECTION ARTISTIQUE : FABRICE LAFLEUR RÉDACTEUR EN CHEF : GARY VICTOR RÉDACTEUR EN CHEF ADJ : HENRI ALPHONSE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : JACQUES DESROSIERS JDESROSIERS@LENATIONAL.HT CONSEILLER À LA RÉDACTION : PIERRE CLITANDRE SECTION ACTUALITÉ : LIONEL EDOUARD SECTION CULTURE : DANGELO NÉARD SECTION ECONOMIE : HENRI ALPHONSE SECTION SPORTS : GERALD BORDES SECTION SOCIÉTÉ : JOE ANTOINE JN-BAPTISTE RÉDACTEURS : NOCLÈS DEBRÉUS, CADET JEAN MICHEL, STÉPHANIE BALMIR, EDDY LAGUERRE, VANTZ BRUTUS, KENSON DÉSIR, MONDÉSIR JEAN BILLY, REYNOLD ARIS, ISABELLE THÉOSMY, WALTER CAMEAU, SCHULTZ LAURENT JUNIOR PHOTOGRAPHES : JEAN JACQUES AUGUSTIN, RUBEN CHÉRY CORRECTEURS : JEAN ERIC FOUCHÉ, FRANTZ CLERGÉ, JACKSON JOSEPH GRAPHISTE : JUNIOR ADME CARICATURISTE : FRANCISCO SILVA DISTRIBUTION : PIERRE PAUL EMMANUEL ADMINISTRATION : RACHELLE COMPÈRE ••••••••••••• IMPRIMÉ EN HAÏTI PAR LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A 4 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 ACTUALITÉ Soixante-dix millions de gourdes disparuesPar Reynold Aris HAÏTI/ÉDUCATION/PSUGO/CORRUPTION Selon ce qu’a indiqué le président de la République, près de 8 mille 300 établissements scolaires font partie du Psugo dont 6 mille 200 privés et 2 mille 100 écoles publiques, soulignant que ces deux effectifs combinés totalisent environ 1,4 million d’enfants scolarisés durant l’exercice de son mandat. Il a fallu, poursuit-il, la conduite d’une enquête dans le cadre de l’évaluation du programme pour déceler le nombre d’écoles respectant les clauses du contrat paraphé avec le MENFP. De l’avis de M. Martelly, il convient de faire la lumière autour de diverses questions en ce qui concerne l’éducation des enfants du pays. Mais, il incombe à l’État haïtien de jeter les bases afin de développer la coopération avec d’autres partenaires, notamment avec la France qui manifeste sa volonté de contribuer au renforcement du système éducatif, voire à l’amélioration de sa qualité. Quant aux rumeurs faisant état d’un secrétaired’Étatquiseraitpropriétaire d’un de ces établissements impliqués dans ce dossier, le chef de l’État se dit impartial dans le cadre du travail de la loi. Ce qui importe c’est d’agir selon ce que stipule la loi. Minimisant le pourcentage d’établissements éclaboussés dans cette affaire de « fraudes et d’irrégularités », M. Martelly s’est contenté de dire que ce nombre représente moins d’un tiers de l’effectif global des écoles inscrites dans le Programme. De son côté, Nesmy Manigat, titulaire du MENFP informe que des « irrégularités graves » ont été enregistrées dans les écoles inscrites dans le programme, notamment dans les départements de l’Ouest (Carrefour) et de l’Artibonite (Gros- Morne). En ce qui concerne les 85 établissements éclaboussés dans ce dossier, il s’agit d’un ensemble d’écoles dont l’effectif subventionné est supérieur à l’effectif constaté après la vérification des cahiers d’appel et le comptage physique des élèves. Le titulaire du MENFP a indiqué que l’enquête de l’ULCC parvient d’abord à prouver qu’il est des établissements scolaires qui n’existent que par le compte bancaire soumis aux autorités du MENFP. Ensuite, les directeurs de ces écoles fournissent des effectifs qui ne correspondent pas dans la réalité à ceux constatés. Enfin, précise M. Manigat, l’empressement de certains de ces directeurs les conduit à dupliquer les noms de certains élèves. » suite de la première page De gauche à droite, le ministre de l’Éducation national, Nesmy Manigat, et le président Michel Martelly au palais national, le mercredi 15 juillet 2015. / Photo : J.J. Augustin
  • 5. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 5 ACTUALITÉ Escapade à Malpasse et à Jimani !Par Gary Victor HAÏTI/ZONEFRONTALIÈRE O n a peine à croire qu’on est sur une route internatio- nale. Si l’entrée de la Croix- des-Bouquets ressemble à une vraie cour des miracles avec sa route en mauvais état, les marchands des deux côtés de la rue, les méca- niciens, les artisans en ferronnerie, la partie vers Malpasse est une véritable plongée vers le néant haïtien. Pas de présence étatique sur des dizaines de kilomètres. Un marché en bon état qu’on trouve vide ce lundi matin, avec une banque, sont l’œuvre d’une ONG. À Fond-Parisien, nous remarquons deux autobus surchargés, stationnés au bord de la route, transportant les effets d’Haïtiens obligés de quitter la République dominicaine. Ces auto- bus sont allés jusqu’à Santo Domingo pour récupérer ces compatriotes qui ont décidé, par peur, de revenir. Les choses ne semblent pas se passer bien à Fond-Parisien. Quand nous commençons à poser des questions, les chauffeurs des deux autobus nous apprennent que le syndicat des chauffeurs de la zone leur réclame 5 000 gourdes chacun comme droit de passage, sinon ils ne pourront plus revenir chercher d’autres compatriotes. Nous allons au renseignement au siège même du syndicat dont le président confirme les dires des chauffeurs en parlant de « taxes » qu’ils veulent prélever sur ces autobus qui font le circuit qui leur appartient, c’est-à-dire Mal- passe-Fond Parisien. Ce président de syndicat est convaincu d’être du bon côté de la barrière. Si on suit sa logique, pour faire le trajet Cap- Haïtien-Port-au-Prince on devrait changer chaque fois de véhicule ou payer une « taxe » pour chaque tronçon. De toute manière, ce syn- dicat ne dispose pas d’autobus pour aller chercher nos compatriotes en République dominicaine. On quitte Fond-Parisien pour Mal- passe. S’approchant de la fron- tière, on est confronté à la fois à la beauté des eaux du lac Azuéi et au spectacle apocalyptique des mon- tagnes érodées jusqu’à la roche et des carrières de sable qui donnent à penser à des morsures gigantesques dans le paysage. En l’absence de tout contrôle, les mineurs à la recherche de sable ont totalement détruit l’environnement de la zone, et la route poussiéreuse qu’on tra- verse risque bien, un jour, en cas de cyclone ou de tremblement de terre, d’être submergée par les eaux. Les beaux autobus des compagnies dominicaines transportant surtout des Haïtiens des deux côtés de la frontière sont anachroniques dans ce paysage cauchemardesque. Dans ce qui reste des carrières de sable, des cabris sommeillent. On ne sait pas où ils trouvent de l’herbe pour se nourrir. Avant d’arriver au poste de la douane, on découvre un grand espace sableux vide avec une pancarte du ministère de la Défense : « Ici bientôt : Centre d’accueil des rapatriés ». Pas trop loin après, un point de stockage et de vente de sacs de charbon de bois. Le long de la frontière, du côté dominic- ain, des Haïtiens coupent le bois, en font du charbon qu’ils viennent vendre en Haïti. Des Dominicain,s et même des militaires dominicains, toujours prêts à gagner quelques pesos en plus pour arrondir leur solde misérable, participent à ce commerce. C’est la mafia du char- bon de bois dont on parle en pays voisin. Ce commerce roule sur plus de 30 millions de dollars américains par an. La proximité du territoire haïtien avec sa misère et la non- gouvernance ne permettent pas à l’armée dominicaine d’enrayer ce trafic qui menace de transformer la zone frontalière du côté dominicain en zone aussi désertique que le côté haïtien. L’armée dominicaine aussi, sur la frontière, comme on vient de le voir, est rongée par la corruption. Au poste de la douane à Malpasse, c’est un véritable Capharnaüm : marchands de nourriture, march- andes de pacotilles, camions, con- tainers, autobus ! Les douaniers haïtiens, certains jeunes, ne savent où donner de la tête pour effectuer leurs tâches dans des conditions si déplorables. Nous en faisons d’ailleurs le constat. De la pous- sière partout. Tout est sale. Les bureaux sont dans des baraque- ments exigus. Pour se désaltérer, on est souvent obligé d’acheter de l’eau aux commerçantes. Pas de cafétéria. On se débrouille comme on peut. Tout le monde se démène pour effectuer sa tâche et, là, tout dépend de l’honnêteté et de la con- science de chaque fonctionnaire. Mais leur boss, l’État haïtien, lui, n’est pas honnête. C’est le prédateur suprême. Malpasse est le deuxième port d’entrée, après la douane du port de Port-au-Prince, qui apporte le plus d’argent au pays. On ne peut que comprendre la frustration des commerçantes haïtiennes qui, revenant de la République voisine, sont soumises à des taxes prélevées par les fonctionnaires de la douane. Elles assimilent ces taxes à du vol, surtout quand tout le monde sait que des ayants droit ou proches du pouvoir, font ce qu’ils veulent à la frontière. Le lac est toujours là, beau et indif- férent. Deux pirogues, propulsées par des moteurs, se dirigent du côté dominicain. La contrebande, au vu et au su de tout le monde, surtout la nuit, se déploie, de la frontière dominicaine à Fond-Parisien. Le charbon de bois décime la terre d’Hispaniola le long de la frontière. Entre la douane et l’Immigration haïtienne, on peut observer un vaste no man’s land. C’est ici que se tient le marché. Des milliers de commer- çants et de commerçantes y vien- nent s’approvisionner. Les produits sont à 95 % dominicains. Gourdes et pesos ont cours ici, tout comme le créole et l’espagnol. Dans ce troisième pays, comme dit Ives Marie Channel dans son beau et courageux reportage, les natifs et habitués de la zone passent d’un point à l’autre de la frontière sans papier. Ce sont, en général, les Haïtiens qui n’ont pas de papiers. Ils ont développé des relations amicales, à Jimani, avec des militaires dominicains tou- jours à l’affût de quelques pesos. Ces derniers sont satisfaits de peu (20 ou 50 pesos) car ils ont de quoi s’acheter un paquet de cigarettes, un rafraîchissement, alors que le policier haïtien se sentirait offensé de recevoir de telles sommes. En revanche, le policier a l’habitude de créer des difficultés pour soutirer des gens quelque chose de plus subséquent. Bref, la corruption est partout. Mais, curieusement, elle n’aboutit pas à la même chose car… Quand on se rend à Jimani, l’une des villes les plus pauvres de la République dominicaine, on trouve tout le nécessaire, en particulier l’électricité et l’eau potable. Devant la grande caserne, des lots de sacs de charbon de bois saisis qu’on s’apprête à brûler. Une lutte con- tinuelle, mais qui égratigne très peu la mafia du charbon de bois sur la frontière. Un petit Haïtien d’une dizaine d’années s’accroche à un militaire dominicain et lui demande de l’argent. Ils semblent se connaî- tre, car ils se parlent en espagnol, bien sûr, pendant quelques min- utes. Une traversée rapide à Jimani donne le haut-le-cœur à tout Haïtien manifestant un vrai amour pour son pays. Yves Marie Channel a fait une comparaison stupéfiante entre les villes haïtiennes et dominicaines se trouvant face à face à la frontière. Des exemples flagrants de la nullité de la gouvernance haïtienne. Quant à la question des rapatriements, elle est comme anecdotique. Les gens sont plongés dans leur vie au quotidien. Le commerce continue ,même si, selon divers témoignages, il a baissé de 20 à 30 % en raison de la tension entre les deux pays et de la chute de la gourde – il faut maintenant 120 à 130 pesos pour 100 gourdes alors qu’auparavant les deux monnaies oscillaient dans une certaine parité. On a demandé à quelques militaires dominicains ce qu’ils pensaient de la question des rapatriements. «Ils vont tous revenir dès que les choses se seront calmées. Il y a un consulat secret qui fonctionne bien mieux que celui placé en Haïti pour faire entrer des Haïtiens en République dominicaine », a répondu l’un d’eux, les autres éclatant de rire. Ils nous parlent des Haïtiens qui passent par les mon- tagnes et marchent des heures pour arriver jusqu’à Azua. Ces militaires semblent, eux aussi, très loin de la question des rapatriements. Ce qui est important pour tout le monde dans cet espace quand même loin de Santo Domingo et de Port-au- Prince, c’est qu’il y a de l’argent, ici, à empocher. Malpasse, véritable néant haïtien. / Photo : J.J. Augustin
  • 6. 6 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 ACTUALITÉ Tourner la page BoulosPar Lionel Edouard HAÏTI/MAST/CSS D ans le collimateur de nom- breux syndicats de travail- leurs et organismes de défense des droits humains, pour sa gestion jugée approximative de la question du salaire minimum, le CSS tente de jouer la carte de la transparence. L’évacuation du dossier de la démission de Réginald Boulos parait de plus en plus pressante pour les conseillers. Sévèrement éclabous- sés, ils ont décidé conjointement avec le ministre des Affaires sociales de ne plus en parler. C’est en tout cas ce qu’a rapporté le ministre Victor Benoit, lors de cette conférence de presse tenue dans les locaux du MAST. « Nous ne pouvons pas laisser la démission de M. Boulos devenir le point central du débat qui devrait être le salaire minimum », a renchéri le conseiller Renan Hédouville qui assurait le rôle de maître de cérémonie à cette activité. En ce qui a trait aux résultats de l’enquête devant permettre de faire la lumière sur la démission du propriétaire de l’Autoplaza, d’un ton désinvolte le ministre a lâché: « je n’ai pas trouvé d’éclairage », toutefois, il a tenu à préciser que le remplacement de M. Boulos par une autre personnalité issue du monde des affaires, revenait au président de la République. En guise de transparence, Victor benoît fait remarquer qu’en 2013, la direction administrative du Mast a mis 410 mille gourdes à la disposi- tion du CSS, contrairement aux 410 millions de gourdes mentionnées lors de la démission de Réginald Boulos. « Une erreur de frappe », argumente-il. Rassurant dans cette République en manque de tout. Le ministère des Affaires sociales et les membres du CSS, pour se blanchir, sollicitent à cet effet, de la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif, un audit sur l’utilisation de ces fonds. Par ailleurs, Victor Benoît s’est dit désolé de la frustration suscitée par ces fonds en question. Cette conférence de presse a aussi été l’occasion pour le ministre Benoît de faire le point, dans « l’intérêt de la transparence qui doit marquer le fonctionnement de cette institution », autour de la demande faite en 2014 par le CSS au ministre des Affaires sociales d’alors, pour l’ouverture de Comptes bancaires. Lesquels comptes ont été effectivement ouverts par le ministère de l’Économie et des Finances au nom de cette institution en 2015. Cependant, le Ministre explique que ces comptes ne sont pas encore opérationnels. « Il n y a pas d’argent sur les comptes et la BRH n’a pas encore les spécimens des signatures des concernés ». Bientôt, un autre rapport Le ministre des Affaires sociales a aussi annoncé lors de cette rencontre avec la presse que le Conseil supérieur des salaires avait initié des réflexions autour de la problématique du salaire minimum, deux mois avant la clôture de l’exercice fiscal 2014-2015. Compte tenu de la dépréciation de la gourde par rapport au dollar, la permanence est donc décrétée au sein du Conseil, insiste-il. D’un autre côté, Jean Dany Pierre François, représentant du secteur patronal, malgré les critiques, acerbes pour certains, croit que le CSS a fait un travail satisfaisant, en réussissant à satisfaire tant bien que mal la demande du secteur ouvrier, tenant compte, dit-il, que nous sommes dans un pays où le taux de chômage, l’inflation et les indices économiques sont difficiles à gérer. Une situation, reconnait-il, qui crée des frustrations dans le secteur ouvrier qui réclame de gros salaires pour faire face à la cherté de la vie.Toutefois, il se félicite de l’entente entre le secteur patronal, le gouvernement et le secteur syndical au sein du CSS qui a permis de faire des propositions de salaire à l’État haïtien. Aussi, croit-il que les dernières erreurs administratives qui ont suscité des remous au sein du CSS, ont été corrigées. Jean Dany Pierre François a par ail- leurs informé de la mise en place d’une commission pour la finalisa- tion des règlements intérieurs du CSS, tout en annonçant la sortie sous peu du troisième rapport du Conseil. Un rapport plus qu’attendu, dans un contexte où la cherté de la vie bat son plein et où les ménages haïtiens sont aux abois. Le ministre des Affaires sociales et du Travail, Victor Benoit. / Photo: J.J. Augustin Le ministre des Affaires sociales, Victor Benoit, et le Conseil supérieur des salaires (CSS) ont conjointement présenté, mercredi, en conférence de presse au local dudit ministère, les dispositions adoptées lors de leur dernière séance de travail tenue le lundi 13 juillet, en vue de faire face aux problèmes générés par la question du salaire minimum et les soupçons de corruption créés par la démission de Réginald Boulos .
  • 7. « Il faut que les journalistes continuent à se mobiliser. Les organismes des droits humains doivent continuer avec la mobilisation », lance Guyler Cius Delva, responsable de SOS journalistes. Cette mobilisation devrait permettre l’arrestation, le jugement et l’emprisonnement de ceux qui sont inculpés dans ce dossier. Il estime nécessaire que les inculpés soient écroués. Le 30 août 2007, deux individus ont été condamnés à perpétuité par la justice haïtienne comme les assassins de Jacques Roche. Guyler C. Delva, doute que ces derniers soient encore en prison. Pour lui, « ils se sont évadés ». Le juge qui a instruit le dossier, Jean Pérez Paul a rendu une ordonnance, suivant laquelle une dizaine de personnes devaient être inculpées. Par rapport à ces inculpations, « les instances de la justice, notamment le commissaire du Gouvernement et la Police doivent agir », insiste Delva. « Ces personnes sont là, que la justice prenne ses responsabilités en les cherchant, pour les arrêter et les faire juger conformément à la loi», réclame le responsable de SOS Journalistes. Il pointe du doigt le secteur lavalassien, qui à son avis serait à l’origine du crime. « Jacques Roche a été assassiné pour des raisons politiques », parce qu’il fournissait son « support à l’opposition politique de l’époque », affirme-t-il avec conviction. Confiant, il croit que « le temps ne doit pas tuer la justice, ni donner libre cours à l’impunité ». Mais, dix ans plus tard, les chances pour que la lumière soit faite sur le dossier de Jacques Roche sont de plus en plus réduites. Le RNDDH qui lutte pour le respect des droits humains n’est pas confiant quant à l’aboutissement de cette quête de justice du journaliste. Pierre Espérance, directeur exécutif du réseau, estime qu’on « ne peut pas dire qu’il y a eu un procès dans l’assassinat de Jacques Roche. Il n’a jamais trouvé justice ». Il considère les deux inculpés comme « deux exécutants », le focus devrait être mis sur les auteurs intellectuels, où sont-ils? Considérant que la justice haïtienne avait seulement décidé de condamner ces deux derniers sans se soucier de continuer avec le procès pour démasquer les auteurs intel- lectuels de l’acte, Pierre Espérance pense que tout est clos sur ce dossier. « Il est clair, tout espoir est perdu. Dix ans plus tard, on ne peut pas s’attendre à ce que la justice Haïtienne reprenne le dossier ». Le système est trop faible à son avis pour produire un tel miracle. Enlevé par des bandits le 10 juillet 2005, le corps du poète et journaliste a été découvert à Delmas 4, dans la matinée du 14 juillet. Retrouvé les mains menottées, il avait été torturé par ses kidnappeurs. À côté de Jacques Roche, sur la liste des journalistes broyés par le système, on retrouve Jean Léopold Dominique, assassiné le 3 avril 2000, au moment où il entrait dans sa station de radio à Delmas. Avec lui, est tué au même moment le gardien de la station Jean-Claude Louissaint. Le 3 décembre 2001, le journaliste Brignol Lindor est assassiné à Petit- Goâve. Un peu plus près, le 9 février 2011, Jean Richard Louis Charles, jeune journaliste de 29 ans, est abattu au cœur de la capitale, non loin du Champs-de-Mars. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 7 ACTUALITÉ Jacques Roche, dix ans après, entre confiance et désespoir !Par Stephen Ralph Henri HAÏTI/JUSTICE Dix années après l’assassinat du journaliste et poète Jacques Roche, la justice haïtienne se montre incapable de faire la lumière sur le mobile du crime. Dans ce contexte, l’organisation « SOS Journalistes » appelle à la mobilisation des personnalités et organisations défendant les droits humains pour que justice soit rendue à la victime, tandis que de l’autre côté, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) perd tout espoir.
  • 8. 8 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 MONDE S i les États-Unis arrivent à effacer les derniers vestiges de la guerre froide avec Cuba, ils sont loin d’être prêts à par- donner à l’Iran. Même si une issue favorable a été trouvée sur le dossier très sensible du nucléaire iranien, la République islamique est une invitée récurrente de la liste noire américaine d’« États soutenant le terrorisme ». Qu’est-ce, cette liste noire ? Publiée par le département d’État sous l’administration de Jimmy Carter, la première liste noire d’« États soutenant le terrorisme » (« State sponsors of terrorism », en anglais) date de décembre 1979. Quatre pays partageaient le tableau : l’Irak, la Libye, la Syrie et le Yémen du Sud. Il s’agit d’un pur produit « inspiré par un manichéisme démocratique similaire à la chasse aux sorcières de la guerre froide », explique Annick Cizel, spécialiste de la politique étrangère américaine à la Sorbonne. Dans les années 1980 et 1990, Cuba, l’Iran, la Corée du Nord et le Soudan y ont été ajoutés. « Au total, on relève des ajouts dans cette liste sous des administrations aussi bien démocrates (Carter, Clinton) que républicaines (Reagan), ce qui indique un traitement bipartisan de cette question aux États- Unis », remarque Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’Iris, spécialiste des relations internationales. L’actuelle liste comprend trois États « sponsors du terrorisme » : l’Iran, la Syrie et le Soudan. Alors qu’elle fait grand bruit en Europe, la liste demeure relativement inconnue aux États- Unis. Même si c’est difficile à établir, « on peut penser que la grande majorité de l’opinion publique américaine ignore l’existence d’une telle liste », constatent Annick Cizel et Julien Zarifian, maîtres de conférence en civilisation américaine à l’université de Cergy- Pontoise. Pour ceux qui sont au courant, elle est loin de faire l’unanimité. Des associations et des intellectuels, dont le philosophe Noam Chomsky, dénoncent le vide juridique et la tentation visant à criminaliser les pays qui ne sont pas des alliés de Washington. « Le concept d’État soutenant le terrorisme est difficile à définir avec précision. Il peut sembler partiel ou réducteur », souligne Julien Zarifian. Comment l’Iran, la Syrie et le Soudan ont-ils réussi leur entrée sur cette liste ? L’Iran y fut inscrit en 1984. À la suite de la Révolution islamique de 1979 qui détrône le Shah pro-américain, le nouveau Guide suprême, l’Ayatollah Khomeiny, mène une politique de résistance acharnée contre l’« impérialisme américain ». L’antagonisme entre les deux pays atteint son paroxysme avec la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran, qui s’achève en 1981 après 444 jours de détention. En outre, Téhéran s’attire les foudres de Washington en raison de son soutien assidu aux groupes armés classés « terroristes », dont le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, fondé par l’Iran. Mais l’élément déclencheur, selon Thierry Coville, spécialiste de l’Iran, est l’attentat du 23 octobre 1983 à Beyrouth dans lequel ont péri 241 soldats américains. Washington accuse Téhéran et le Hezbollah d’en être responsables. Un an après, la République islamique intègre la liste noire qu’elle n’a jamais pu quitter depuis. Considérée par Washington dès les années 1970 comme l’autre « sponsor du terrorisme » au Moyen- Orient, la Syrie « ne cesse d’appuyer les organisations terroristes, telles que le Front de libération de la Palestine et le Jihad islamique palestinien », selon un rapport du département d’État américain. D’après la même source, Damas aurait abrité ces terroristes et leur aurait permis la libre circulation sur les territoires qu’il contrôle au Liban. Mais ce n’est qu’en 1979, au moment où le régime de Hafez el-Assad se positionne fermement pour la Révolution islamique iranienne, que Washington décide de placer la Syrie sur sa liste noire. Il n’y a pas d’amis éternels La mésentente entre Khartoum et Washington remonte bien avant le « génocide » au Darfour. Situé au carrefour de l’Afrique et du Moyen- Orient, le « pays des Noirs » sert depuis les années 1990 de terre de transitpourlesarmesenprovenance d’Iran à destination de la bande de Gaza. « Le Soudan apparaît aux États-Unis comme un refuge aussi bien pour des groupuscules affiliés à Al-Qaïda qu’au Hamas palestinien, une base logistique où convergent des extrémistes issus d’Afghanistan, de Libye, du Mali ou de Syrie », ajoute Annick Cizel, spécialiste de politique étrangère américaine à la Sorbonne. En outre, il suffit de rappeler que le fameux chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, à l’époque déjà dans le collimateur américain, s’est installé au Soudan en 1992 pour y former des combattants au Jihad. « L’inscription du pays sur la liste en 1993 est ainsi directement liée à l’identification d’Al-Qaïda comme un risque sécuritaire majeur », relève Barthélémy Courmont. Comme disait Lord Palmerston : « Il n’y a pas d’amis éternels, ni d’ennemis éternels. Que l’intérêt éternel. » La liste d’« États soutenant le terrorisme » évolue en effet selon les intérêts américains. L’exemple de la Corée du Nord est édifiant. Bête noire historique des États- Unis, Pyongyang fut ajouté en 1988 à cause de sa présumée implication dans la destruction d’un avion de ligne sud-coréen en 1987, avant d’être retiré de la liste en 2008, à la suite d’un accord (éphémère) conclu avec Washington sur son programme nucléaire. En décembre dernier, à la suite de l’affaire de piratage de Sony, le président Barack Obama a déclaré qu’un retour de Pyongyang à la liste serait tout à fait envisageable. Les grands satans des États-UnisPar Junzhi Zheng / Le Point.fr Si les relations diplomatiques entre Washington et Téhéran se sont réchauffées grâce à l’accord sur le nucléaire, la République islamique d’Iran reste sur la liste noire des États-Unis des États qui supportent le terrorisme. / Photo: AFP©CARLOS BARRIA Les Américains mettent régulièrement à jour une liste noire « d’États soutenant le terrorisme ». De quoi s’agit-il ? Nos explications.
  • 9. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 9 MONDE D es heurts ont opposé mer- credi des manifestants anti-austérité à la police grecque devant le Parlement à Athènes, où les députés débattaient de l’accord conclu lundi à Bruxelles avec les créanciers de la Grèce. Les manifestants ont lancé des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre, qui ont riposté en tirant des grenades lacrymogènes, provoquant la fuite de centaines de personnes rassemblées place Syntagma. Il s’agit des affrontements les plus violents depuis plus de deux ans dans la capitale grecque. La Vouli, le Parlement monocaméral grec, doit se prononcer dans la nuit sur l’accord de Bruxelles, qui prévoit des mesures d’austérité draconiennes en échange d’un nouveau plan d’aide international. Juste avant les affrontements place Syntagma, des manifestants avaient défilé en scandant « Annulez le plan d’aide ! ». « Non à la politique de l’UE, de la BCE et du FMI », en référence aux créanciers de la Grèce - l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. Dans la journée, des marches pacifiques avaient été organisées à travers la ville à l’occasion d’une journée de protestation contre le nouveau plan d’austérité. Le syndicat des fonctionnaires ADEDY avait appelé à une grève de vingt-quatre heures et les pharmaciens avaient baissé leurs rideaux. Violente manifestation devant le Parlement à AthènesSources : Reuters Des heurts ont opposé mercredi des manifestants anti-austérité à la police grecque devant le Parlement à Athènes, où les députés débattaient de l’accord conclu lundi à Bruxelles avec les créanciers de la Grèce. / Photo: REUTERS / Yannis Behrakis moins Iran : Washington présente à l'ONU une résolution entérinant l'accords Sources : afp L es Etats-Unis ont soumis mer- credi au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution qui entérine l’accord nucléaire conclu à Vienne mardi entre l’Iran et les grandes puissances, selon des diplomates. Ce texte, qui devrait être adopté au début de la semaine prochaine, valide l’accord de Vienne et remplace en fait les sept résolutions adoptées depuis 2006 par l’ONU pour sanctionner l’Iran par les dispositions de cet accord. Celui-ci prévoit une levée progressive et conditionnelle des sanctions économiques internationales imposées à l’Iran au fur et à mesure que Téhéran réduira sa capacité à fabriquer une bombe atomique. Il maintient cependant un embargo sur les armes conventionnelles pendant cinq ans et une interdiction de tout commerce lié à des missiles balistiques ayant la capacité d’emporter des têtes nucléaires pendant huit ans. Le vote de cette résolution devrait intervenir « lundi ou mardi », a précisé un diplomate du Conseil. Il devrait s’agir d’une simple formalité puisque l’accord, et le projet de résolution lui-même, ont été négociés à Vienne par les mêmes membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume- Uni), plus l’Allemagne. L’accord de Vienne introduit aussi un mécanisme de « snapback », c’est-à-dire de rétablissement des sanctions par le Conseil de sécurité en cas de non respect de l’accord par l’Iran. L’Iran est actuellement sous le coup de quatre séries de sanctions de l’ONU, contenues dans sept résolutions adoptées entre 2006 et 2015, pour réagir aux activités militaires et balistiques de Téhéran. Le président américain Barack Obama donne une conférence de presse, le 15 juillet 2015 à la Maison Blanche à Washington. / Photo : AFP/AFP
  • 10. 10 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 ÉCONOMIE Des mesures qui ne rassurent pasPar Jean Michel Cadet C harles Castel n’y va pas par quatre chemins pour répon- dre aux spéculations de plus d’un sur l’inaction ou l’incapacité de la BRH à intervenir face à cette crise. Les réserves nettes de cette institution sont estimées, rassure-t-il, à 860 millions de dol- lars américains, l’équivalent de cinq mois d’importations en guise des trois mois exigés par les institutions financières internationales. Il informe que l’organe régulateur des banques a mobilisé tous les outils mis à sa dis- position pour intervenir au niveau de l’offre et la demande du dollar : les réserves obligatoires, l’achat et la vente de dollars et les bons du trésor public. Le gouverneur a fait savoir, à cet effet, que 70 millions de dollars provenant des réserves nettes de la BRH ont été vendus. L’institution qu’il dirige a pu, entre autres mesures, stériliser 11 milliards de gourdes notamment en imposant aux banques commerciales d’appliquer un taux d’intérêt très élevé sur les prêts à la consom- mation. Charles Castel invite au calme mais En adoptant ces mesures, M. Castel dit observer une certaine stabilité au niveau de la fluctuation du taux de change à l’opposé de ceux qui affirment que la gourde est quoti- diennement dépréciée. Cependant, contrairement à l’espérance de plus d’un, le gouverneur ne croit pas que la BRH pourrait ramener le taux de change à 46 gourdes pour un dollar comme c’était le cas en septembre 2014. Ce serait, selon lui, une mesure contre-productive pour l’économie. Il dit redouter qu’une trop grande contraction sur l’économie n’engendre des effets néfastes comme le chômage. Invitant la population au calme, M. Castel estime que la panique, dit- on, que provoque cette situation se trouve au niveau des perceptions. Il revient au gens, recommande-t- il, de ne pas se laisser manipuler par les spéculateurs. Or, estiment certains spécialistes en écono- mie, les spéculations seraient le fait de grands importateurs, qui soulignent-ils, spéculent déjà sur un taux de change susceptible d’atteindre la barre des 60 gourdes pour s’acheter le dollar. Les gouvernants sur le banc des accusés Sous l’air apparemment calme de Charles Castel, pouvait se lire une certaine nervosité face à l’insistance des journalistes désireux de connaître les résultats concrets à espérer des mesures prises par la BRH. Le gouverneur était sur la défensive. Il a rappelé que la Banque centrale joue sa partition et qu’il a les moyens de sa politique. Tout en reconnais- sant ne pas vouloir se dédouaner de ses responsabilités, il renvoie la balle dans le camp des dirige- ants haïtiens en pointant du doigt les problèmes structurels, causes majeures selon lui de la déprécia- tion de la gourde par rapport à la devise américaine. « Il importe aux dirigeants d’adresser les questions struc- turelles à travers la mise en place de politiques publiques respon- sables », souligne-t-il. Comme pour faire montre de son pessimisme en l’avenir, il dit n’attendre rien de bon des prochaines élections. Celles-ci, s’avèrent généralement contre-productives, rappelant au passage qu’il a fallu six mois pour installer un nouveau premier min- istre au lendemain des élections de novembre 2010 ayant conduit Michel Martelly à la Présidence. Dans cette veine, le gouverneur rejette la thèse selon laquelle la BRH serait de connivence avec l’équipe au pouvoir qui aurait mal géré les fonds publics. Cette mauvaise gestion, croit-on, serait l’une des principales causes con- joncturelles de la dégringolade de la gourde. Charles Castel avise qu’il n’est pas de la compétence de l’institution qu’il dirige de jauger les dépenses publiques. Le cadre légal régissant le fonc- tionnement de la banque cen- trale, rappelle-t-il, ne lui impose qu’une seule limite à ce propos : le financement de la BRH ne doit pas dépasser 20% des recettes de l’État du précédent exercice fiscal. De septembre 2014 à juillet 2015, le taux de change a fluctué de 46 à 56 gourdes pour un dollar améri- cain. Un phénomène qui, d’une part, résulte, selon les experts, de la nature de l’économie haïtienne reposant sur les importations net- tement supérieures aux exporta- tions : la balance commerciale s’estime actuellement à 3 millions de dollars américains. Cette rareté du dollar, d’autre part, est due, selon eux, au ralen- tissement considérable de l’aide externe joint à une réduction du budget 2014-2015 de 10 milliards de gourdes provenant des fonds petro caribe, soit 49 % des recettes internes. HAÏTI/ÉCONOMIE/DÉPRÉCIATIONDELAGOURDE Des membres du conseil d’administration de la BRH en conférence de presse, le mercredi 15 juillet 2015. / Photo: J. J. Augustin La Banque de la République d’Haïti (BRH) sort de son mutisme face à la dégringolade accélérée de la gourde par rapport au dollar américain. Pour tenter de calmer les tensions, le gouverneur Charles Castel informe, au cours d’une conférence de presse donnée le mercredi 15 juillet, que des mesures ont été prises par l’institution qu’il dirige et que leurs effets se font déjà sentir. Ces mesures, hélas, ne permettront pas de redresser la pente rapidement car, elles peuvent causer, selon lui, de graves dommages à l’économie. » suite de la première page
  • 11. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 11 ÉCONOMIE Depuis toujours, les États-Unis d’Amérique ont représenté l’eldorado pour bon nombre d’Haïtiens. Pour d’autres, plus maintenant. Lorsque des Haïtiens, au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, décidèrent de quitter le pays à la recherche d’un mieux-être, plusieurs choisirent de partir vers d’autres destinations. Après le Brésil, le Chili … Le Chili, entre voyages d'études, destination touristique et possibilité d'emplois pour les Haïtiens Par Therno N. A. Sénélus MIGRATIONETOPPORTUNITÉS Croissance mondiale : le FMI revoit ses prévisions à la baisse Sources : latribune.fr D e nos jours, le Chili devi- ent la terre promise pour bon nombre de nos com- patriotes. Ils sont de plus en plus nombreux à la recherche de bourses d’études, visas de séjour et possibilités d’emplois. Tal vez ! ¿ Quien sabe ? Plus de 3000 ressortissants haïtiens résident aujourd’hui au Chili. Durant ce semestre de 2015, au moins dix visas ont été délivrés à des citoyens haïtiens. Des visas relatifs aux études, aux emplois et à la résidence permanente, confirme une employée du consulat chilien s’exprimant sous couvert de l’anonymat. « Pour aller au Chili, les Haïtiens passent le plus souvent par la République dominicaine ». C’est bien, parce que le processus y coûte moins cher. Au niveau du consulat, on constate, en effet, qu’il y a beaucoup d’Haïtiens à choisir la République dominicaine comme point de transit pour arriver au Chili. « Ils estiment que le billet y coûte moins cher ». Notre visite à l’ambassade du Chili de Port-au-Prince n’a pas été infructueuse. L’on nous y a remis la documentation spécifiant les pièces à produire pour l’octroi d’un visa temporaire d’étudiant ou de contrat de travail. Aucun visa n’est exigé aux personnes qui comptent séjourner au Chili à titre de touristes. Permis de séjour Dans le cadre d’un accord diplomatique bilatéral, les Haïtiens n’ont pas besoin de visa pour visiter le Chili. La durée d’un séjour, dans cette perspective, est de quatre-vingt- dix jours. Apres cette échéance, toute personne y sera considérée illégale. Mais tout n’est pas perdu. Si la personne épinglée veut rester dans le pays, elle devra se diriger vers le ministère de l’Intérieur du Chili pour payer un droit de prolongation de séjour. Il en est de même pour les Chiliens séjournant en Haïti. Eux aussi doivent se procurer un permis de séjour du ministère de l’Intérieur ou le renouveler. Pour obtenir un visa de résidence temporaire d’un an ou un contrat de travail de deux ans (730 jours), le prix du visa est de 25 dollars. Un visa d’étudiant coûte environ 15 dollars américains. Le coût total d’un voyage vers ce pays d’Amérique du Sud est de 3500 dollars américains pour une personne. Le billet d’avion coûte normalement 1400 dollars américains. En cas de variation des prix, le billet pourrait coûter jusqu’à 2000 dollars. Un passeport ou une pièce d’identité valide, une accréditation de solvabilité, une lettre d’invitation d’un individu ou d’une entreprise au Chili, voilà les documents sollicités par le consulat pour solliciter un permis de séjour au pays de Pablo Neruda. Toutefois, au cas où la personne ne produirait pas une invitation d’un individu ou d’une entreprise, une réservation d’hôtel est exigée. Pour l’obtention d’un visa d’étudiant, l’intéressé doit soumettre un certificat ou une lettre d’acceptation émis par une institution universitaire reconnue par l’État haïtien, une attestation de ses moyens économiques au consul, un certificat de bonnes vies et mœurs, un certificat médical, un passeport valide et quatre photos d’identité. D’autres visas peuvent être délivrés par le consulat, comme un visa de résidence temporaire, un visa de contrat de travail ou un visa de courtoisie. Ce dernier est strictement réservé aux diplomates et aux officiels du gouvernement. Un pays accueillant Le quotidien ‘Le National’ a rencontré Wilhem Jeannite, un immigrant qui vit au Chili depuis deux ans. De retour au pays pour visiter sa famille et régulariser ses documents de voyage, il a qualifié le Chili de « pays qui crée de l’emploi pour tout le monde, que l’on soit professionnellement qualifié ou pas. Chacun - a-t-il poursuivi - pourrait y trouver un emploi lui permettant de satisfaire ses besoins. Dans des conditions favorables et légalement acceptables, la sécurité alimentaire, les soins de santé sont garantis : « J’ai un salaire raisonnable là-bas. Les conditions de travail y sont acceptables ». Wilhem est convaincu que le Chili est un pays où l’on peut vivre comme une personne, les conditions de vie y étant respectées. D’un autre côté, Hélène Harold, bénéficiaire d’une bourse d’étude en langues vivantes croit qu’il faudrait resserrer les liens entre les deux pays. « J’ai passé deux ans environ au Chili, je me sentais à l’aise dans mes études. J’y ai trouvé un bon encadrement académique. C’était vraiment formidable. Je crois que les deux pays devraient resserrer leurs liens de coopération afin d’augmenter les chances des jeunes qui veulent poursuivre leurs études au Chili ». De retour au bercail, la jeune linguiste se prépare déjà à retourner au Chili. « Sous peu, je repars pour le Chili afin de continuer mes recherches pour un emploi. J’ai déjà postulé pour un poste.. ». Le Chili est la meilleure destination touristique et estudiantine pour les Haïtiens, affirme-t-elle. *Le processus d’inscription pour les bourses d’études débutera dès la fin du mois de septembre 2015. L e Fonds monétaire internation- al a abaissé jeudi sa prévision de hausse du PIB mondial à 3,3 % en 2015, notamment en raison d’une croissance améric- aine plus morose que prévu en début d’année. En avril, le FMI attendait une croissance économique mondiale à 3,5 %. Jeudi 9 juillet, il a revu sa prévision à la baisse. Désormais il table sur une hausse du PIB mondial à 3,3 %. Cela représente un léger ralentissement par rapport aux 3,4 % de croissance engrangée en 2014, indiquent ces nouvelles projections de l’institution. « La reprise économique dans la zone euro est plus solidement installée » Le « fléchissement inattendu en Amérique du Nord », notamment aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada, au début de 2015, pèse sur les nouvelles estimations du FMI. La prévision de croissance des Etats-Unis pour l’année a été abaissée de 0,6 point, à 2,5 %. L’institution note toutefois que les moteurs de la consommation et de l’investissement aux États- Unis restent intacts, notamment la croissance des salaires et la situation du marché de l’emploi. Concernant la zone euro, la reprise économique y « est plus solidement installée », assure l’institution dirigée par Christine Lagarde, qui attend une hausse du PIB à 1,7 % en 2015, conforme à sa prévision du mois d’avril. Cette croissance est portée par « des indices de hausse de la demande intérieure et de l’inflation ». Si le FMI estime que « les événements en Grèce n’ont jusqu’à présent pas eu d’effet de contagion significatif », il prévient toutefois qu’il « subsiste des risques de réapparition de tensions financières ». Concernant la zone euro, la reprise économique y « est plus solidement installée », assure l’institution dirigée par Christine Lagarde qui attend une hausse du PIB à 1,7 % en 2015. / Photo : © Francois Lenoir / Reuters
  • 12. 12 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 ÉCONOMIE RÉSONANCES Le Cameroun mettra en place un système de collecte et de diffusion des prix des denrées alimentaires via le mobile Sources combinées L e gouvernement cameroun- ais, à travers le ministère de l’Agriculture et celui en charge de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales, vient de lancer, avec le concours de l’Institut national de la statistique (INS), un projet qui aboutira d’ici octobre 2015, à la mise en place d’un système électronique permettant de collecter et de diffuser les prix des denrées alimentaires via les smartphones. Le projet financé par la Commis- sion économique des Nations Unies pour l’Afrique, apprend-on, rendre dans le cadre d’une initiative visant à mettre à niveau les compétences des pays africains dans l’utilisation de la téléphonie mobile pour la col- lecte des données statistiques. Au Cameroun, le projet ambitionne de limiter l’instabilité des prix dans les marchés camerounais, en don- nant en temps réel aux ménagères eu autres producteurs des informa- tions leur permettant de prendre les meilleures décisions d’achat ou de vente. Ce type de système d’information existe déjà dans les filières cacao et café au Cameroun, et permet aux acteurs de recevoir, chaque jour, via des Sms envoyés sur leurs téléphones portables, les prix FOB et CAF de ces produits. Selon l’interprofession cacao-café, le Système d’information ces filières (SIF) a, depuis quelques années, renforcé le pouvoir de négocia- tion des producteurs devant les acheteurs, induisant ainsi une rémunération plus intéressante de la force de travail L’OCDE et l’ONU lancent le pro- gramme « Inspecteurs des impôts sans frontières ». L’OCDE et le Pro- gramme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont lancé le 13 juillet 2015 à Addis-Abeba (Ethiopie), le projet Inspecteurs des impôts sans frontières (IISF). Cette nouvelle initiative envisage d’aider les pays en développement, à accroître leurs recettes intéri- eures en renforçant leurs capacités en matière de vérification fiscale. « L’IISF facilitera le déploie- ment d’une assistance ciblée en matière de vérification fiscale dans les pays en développement du monde entier. Elle se concré- tisera par l’envoi de spécialistes de la vérification fiscale qui travail- leront aux côtés de fonctionnaires d’administrations fiscales de pays en développement afin de les aider à renforcer leurs capacités en la matière, y compris sur des ques- tions concernant des dossiers de fiscalité internationale », peut-on lire dans le communiqué qui donne l’information. Pour les pays afric- ains au sud du Sahara, l’initiative pourrait se présenter comme une opportunité d’améliorer la mobili- sation des ressources dont ils ont besoin dans le financement de leur développement. Plusieurs d’entre eux, pour attirer d’avantage d’investissements étrangers, ont adopté des politiques fiscales accommodantes, sur lesquelles certaines entreprises s’appuient pour payer parfois le moins d’impôts possible. Création d’une cellule de journali- stes ouest-africains pour traquer la mal gouvernance. « Je pense qu’il était temps pour les journalistes de l’Afrique de l’Ouest de former un groupe pour se consacrer à l’investigation », a déclaré Will Fitzgibbon, journaliste installé aux Etats-Unis, membre du Con- sortium international des jour- nalistes d’investigation (Interna- tional Consortium of Investigative Journalists-ICIJ). Il a pris part aux travaux de création au Burkina Faso de la Cellule Norbert Zongo pour la promotion du journalisme d’investigation (Cenozo). Il s’agit d’une initiative de plusieurs jour- nalistes venus de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest : Burkina Faso, Nigéria, Gambie, Cap Vert, Niger ou encore Guinée Bissau. La cellule s’est dotée d’un conseil d’administration présidé par Allen Yero Embalo, correspondant de Radio France Internationale (RFI) en Guinée Bissau. « L’investigation est un sacrifice de soi », a-t-dit, rendant hommage au journaliste Norbert Zongo assassiné au Burki- na Faso. « Nous allons travailler ensemble, se partager les bonnes informations afin de lutter contre l’impunité, les crimes économiques et la violation des droits humains », a prévenu Allen Yero Embalo. La cellule est soutenue par le Centre national de presse Norbert Zongo, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la Media foundation for West Africa basée au Ghana et le Consortium international des journalistes d’investigation. Kenya : les TV et radios ont 1 an pour consacrer 40% de leurs pro- grammes aux contenus locaux. A l’ère du numérique au Kenya, les contenus locaux représenteront au moins 60% de l’offre des stations de radio et des chaînes de télévi- sion. Ces médias ont une année pour passer à 40% au moins. Au bout des 4 années suivantes, il faudra atteindre les 60% exigés. Ça c’est pour les grands médias. Les plus petits ont 5 ans pour se mettre à jour. Ainsi en a décidé la Commission kenyane des com- munications (Communications Authority of Kenya-CA). Lorsque les délais seront expi- rés, toute violation de la nouvelle règlementation sera punie d’une amende de 1 million de shillings kenyans et d’un supplément de 0,5% sur les revenus annuels. Le régulateur a finalement accepté de s’inscrire sur la durée pour faire appliquer les nouveaux cahiers des charges applicables aux stations de radio et chaînes de télé. C’est que plusieurs responsables de ces médias se sont plaints d’être mis sous pression, car le délai était fixé à juin 2015 pour s’arrimer aux quotas. « Nous savons que les con- tenus locaux permettront de créer plus d’opportunités d’emplois dans le secteur », a expliqué le président de la commission, Ngene Gituku. Cameroun : les troncs de bananiers bientôt transformés en produits pour revêtement des murs. Le consortium constitué par les entre- prises camerounaise Eto’s Farm et française Fibe & Co, ambitionne de construire au Cameroun, dès l’année 2016, une unité de trans- formation de troncs de bananier plantain en produits pour revête- ments muraux, objets de déco- ration d’intérieur et d’extérieur, ainsi que les tableaux de bord de véhicules. Les représentants de ces entreprises, notamment Vladimir Hayot, co-président de Fibe & Co et Roger Samuel Eto, DG d’Eto’s Farm, viennent de rencontrer la ministre déléguée auprès du min- istre de l’Agriculture, Clémentine Ananga Messina, pour lui faire part de ce projet. Mais, il s’est surtout agi, à préciser Roger Samuel Eto, de s’assurer de la «production pérenne de cette matière première utile pour nos futures usines». Selon les orientations données aux investisseurs par Mme Ananga Messina, cette unité de production, dont le montant de l’investissement n’a pas été révélé, pourrait bien être construite dans la région de l’Est-Cameroun, présentée par la ministre comme étant le principal bassin de production de banane plantain dans le pays. Grâce à cette unité industrielle, soutiennent les porteurs du projet, Fibe & Co et Eto’s Farm entendent dupliquer au Cameroun des exem- ples existants déjà en Europe et en Asie. A en croire Roger Samuel Eto, la future usine ambitionne de produire «100 000 m2 de plaquage par an» pour les marchés local et africain, dont une bonne quantité exclusivement livrée à Fibe & Co, détenteur du brevet en matière de transformation de troncs de bana- niers, et qui dispose déjà d’un con- trat d’achat ferme dans le cadre de ce projet, a-t-on appris. Cette usine devrait permettre d’industrialiser la transformation des troncs de bananier plantain au Cameroun, puisque cette activité existe déjà depuis des lustres, mais sous une forme purement artisa- nale. En effet, pour l’heure, cette matière première sert à fabri- quer un tissu traditionnel appelé «obom», généralement exhibé lors des défilés de mode. / Photo: tisoleil-madinina.eklablog.com
  • 13. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 13 N os mâles octogénaires prennent plaisir à se venter du temps où les femmes s’éventaient farouchement en bat- tant des cils. Rien de plus, pour leur faire tourner la tête que les mouvements onduleux des carabellas brodées et dentelées. Mesdemoiselles, la plupart pudiquement vierges, aimaient se promener en groupe le dimanche soir sur la place publique. Le charme se jouait de par le style élégant de leur coiffe, par la sensualité de leurs épaules dénudées et leurs chevilles mises en valeur par les sandales plates en cuir. Tout ça n’a rien à voir avec la génération de femmes « sou moun » qui parcourent les rues à moitié nues, maquillées comme si le carnaval était pour toute l’année. Les femmes semblent penser qu’afficher quelques bouts de chair par ci et par là est synonyme de séduction. Et nos Haïtiens les trouvent comment ? « Sexy ! » ( au sens américain du terme c’est-à-dire qui fait appel à l’envoûtement). Là où les choses deviennent de plus en plus alléchantes, c’est quand nos femmes sont de plus en plus complexées en ce qui a trait à leurs physiques. Il paraît qu’avoir de belles rondeurs dans tout le corps n’est plus à la mode, pitit ! Maintenant ce sont les « seksi (sexy)» au sens haïtien du terme qui font la une. Oh oui ! Est appelée « sexy » une femme qui est mince ou qui a un corps assez élancé. Si cela s’arrêtait là, le monde serait en paix. Mais il se trouve qu’en plus elles veuillent avoir un corps à la Nicki Minaj : une grosse « dach »…correction… de grosses fesses pour aller de pair avec des seins gonflés. En toute logique ! Comme ça, ce sera plus beau sur les photos qu’elles devront publier sur leurs pages Instagram. La recette du canon de beauté devient : diète + « piki bokit »! Et en passant, n’oubliez pas que si vous êtes « grimèl » ça fera plus de sensation alors ne ménagez pas votre « douko », les intéressées. Après il suffit d’ajouter les accessoires nécessaires (comme les talons « kikit » qui font monter les fesses en « tèt digèt ») et le tour est joué : vous serez officiellement une femme attirante ! Cerise sur le gâteau : les femmes courtisent fièrement les hommes, à présent. Cela plaît même à beaucoup d’eux. Mais attention, les hommes ! En faisant le compte des faits, vous verrez que vous le perdez à vitesse grand V, votre position de dominants. Certaines femmes exigent que ce soit vous, les hommes, qui faites la cuisine en permanence. Les temps ont changé. Le féminisme bat son plein : les femelles vont à l’école, travaillent, s’habillent comme elles le veulent et ne sont plus obligées de s’occuper exclusivement du foyer, en Haïti. Ce sont elles qui font « psiiit ! Ti cheri vini m’ pale w’ » maintenant sans besoin d’être une fille de joie! Bon nombre d’entre elles sont des femmes-boussoles à portefeuilles qui chantent « Alouette… Gentille alouette… Alouette, je te déplumerai ». C’est comme le chant d’une sirène. Et si un homme résiste il suffit de faire un coup de « gouyad » ou une pirouette : les seins et les fesses retombent en « dekabès ». Ça marche à tous les coups ! Ne vous offusquez pas, messieurs. Vous pouvez toujours leur taper dessus. Que sont quelques bleus devant le privilège de pouvoir voter que les femmes possèdent de nos jours? Du moment que vous n’êtes pas à la cuisine, près des casseroles, vous pouvez battre votre femme en toute sécurité. Je suis sûre qu’elles n’y verront aucune objection. Si vous réunissez tous ces critères, félicitations, mesdames: vous êtes nationalement sexy dans les deux sens du terme… Sexy...par Edna Blaise L es bordels prolifèrent au jour le jour dans la cité de l’Indépendance. Actuellement, la ville compte près de cinq endroits de débauche et d’autres lieux informels. Citons, le club Rosie situé au cœur de Raboto, un lieu très fréquenté par les jeunes Gona- ïviens. Rambo club, à Parc Vincent, cet endroit est surtout fréquenté par des étrangers. La Dominicana, au centre de la ville, son nom l’indique, c’est le commerce transfrontalier. Ce sont des travailleuses du sexe venant de la République voisine qui y fonc- tionnent. La Passion disco, à la rue Christophe, là où les strip-teaseuses se donnent rendez-vous. Contrairement au prix de ces quatre endroits, un lieu comme « Malè Pandye », situé à la rue du Quai, dans les périmètres du port de cabotage des Gonaïves, les femmes ne sont pas trop pointilleuses. Cinquante gourdes doivent suffire pour passer un moment avec l’une d’entre elles. « Anba meb yo », à proximité du Commissariat Toussaint Louverture, à la tombée de la nuit, les activités sexuelles se font en plein air. Cet endroit est utilisé par certains ébénistes pour exposer des meubles, d’où son nom. « Free night » à l’intérieur du marché, Topa, à l’avenue Paul Eugene Magloire (Descahos). Là encore les travailleuses du sexe ne sont pas à couvert. Entre chiens et loups, le va et vient se fait sentir à l’intérieur du marché. « Pwè Ovan », un nouveau site pour les amants de la détente et du plaisir. Il est situé à environ 1.5 kilomètre du centre-ville, précisément à Phaéton, Bassin, 2e section communale. Un weekend à « Pwèl Ovan » se distingue. On donne ce qu’on a pour y avoir accès. Au bord de la mer, un disc-jockey (Dj) assure l’animation musicale. Les bredjenn défilent. L’alcool et la cigarette sont au rendez-vous. L’ambiance bat son plein. « Jwi lavi w, il n’y a pas mieux que ça », a lâché un jeune homme, avec en main une bouteille « d’asowosi ». Les boites de nuit attirent de nombreuses personnes, a-t-on constaté. Ces espaces, le plus souvent, sont fréquentés par des jeunes âgés entre 18 et 25 ans. Si certains considèrent cette activité comme une dérive, d’autres estiment qu’elle est normale. « À chacun, sa manière de vivre », dixit un citoyen interrogé sur ce sujet. La vie nocturne aux Gonaïvespar Dieulivens Jules Qui l’aurait cru ? Les boîtes de nuit prennent du champ aux Gonaïves, au nord de Port-au-Prince. Les professionnelles du sexe procurent du plaisir aux bredjenn comme aux membres de l’intelligentsia sans aucune discrimination. Dominicana Bar Resto aux Gonaïves. / Photo : Dieulivens Jules
  • 14. 14 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 SOCIÉTÉ À l’Église, à 6 heures 50 du matin, il y a encore une messe. Elle a commencé depuis cinq heures, selon ce que racontent les pèlerins. La salle est pleine. Pour participer à la fête, les retardataires sont obligés de s’entasser à l’entrée. Ils sont debout. Mains en l’air. Ils font incessamment le signe de la croix. On aurait cru qu’il y a un secret derrière ce geste que même les adeptes ignorent. Ils le font, ce signe. Avec conviction ! À l’intérieur, ils sont vêtus décem- ment. Ils portent des robes de cou- leur blanche et/ou bleue, des maillots frappés du portrait de la Sainte, des mouchoirs… Ils chantent, s’oublient dans leurs prières et récitent le Notre Père en égrenant leurs chapelets. Dehors, les pèlerins sont allongés sur les marches de l’escalier conduisant à la porte principale de l’Église. Certains d’entre eux dorment encore. « Une messe a duré toute la nuit », raconte un homme qui dit attendre sa femme se trouvant à l’intérieur. D’autres sont déjà réveillés. Ils attendent. Le miracle de la Sainte ? Non. Le miracle du jour. Celui qui leur permettra de manger. Ils attendent. Parmi eux, des nourrices. De vielles femmes. Des vieillards. Des enfants aussi. Mais très peu de jeunes. Ils viennent pour la plupart du bicentenaire et de la place de Sainte-Anne. Ils sont restés sur les marches de l’église, question de ne rien rater. Surtout, les maillots et la nourriture que distribuent les candidats. Derrière l’Église, des pèlerins dorment également. Leurs lits sont faits de draps étendus sur le ciment. Certains y ont passé la nuit. Ils dorment profondément. Et, il est déjà sept heures. « Ce n’est pas une tragédie de dormir dans de telles situations quand, à la maison, la vie n’est pas moins pénible », a affirmé une vielle dame qui a préféré parler sous couvert d’anonymat. Elle est venue à la Mont Carmel pour la deuxième fois. Mais, cette année, d’autres raisons la motivent. Elle veut faire pénitence et implorer la pitié de « Manman » Notre dame parce qu’elle a des problèmes familiaux. « C’est ce qui m’amène ici. Je n’ai aucun autre recours que de me confier à Notre Dame », avoue la vieille de 75 ans. Depuis deux semaines, elle se trouve aux pieds de Mont Carmel. Elle a acheté une maison avec sa fille. Après la mort de celle-ci, ses petits-enfants veulent aujourd’hui la mettre à la porte. Elle aurait pu porter le dossier par devant un juge. Mais elle n’a pas le papier de la maison. « Je ne vois aucun problème à me confier à ma fille. On est du même sang. J’ai laissé le papier entre les mains du mari de ma fille », regrette-t-elle. Pour manger, la septuagénaire reste à l’église, à portée de main. Elle ne veut pas rater la distribution de la nourriture. « On venait distribuer la nourriture hier, mais j’étais trop loin. Je n’ai pas reçu mon plat. C’était un « bon manjé ». Il y avait beaucoup de viandes de bœuf, des légumes… », raconte la dame. À Mont carmel, les pèlerins ne viennent pas tous pour les mêmes raisons. Certains sont venus pour remercier la Sainte. Ils sont de ceux qui viennent de l’étranger. Ils ont trouvé leur visa grâce à Notre- Dame. Pour remercier leur mère (ils l’appellent manman Notre- Dame), ils sont retournés au pays pour faire des dons aux pauvres, leur donner à manger ; déposer des gerbes de fleur à l’Église… D’autres y sont venus aussi pour demander un emploi, mettre sur pied un business, recevoir un anneau (symbole du mariage), un enfant… D’autres encore ne viennent que pour « chercher la vie ». Ils sont éparpillés sur la cour de la paroisse avec leurs assiettes en mains. Ils attendent le miracle de cette matinée. Huit heures du matin. Fin de visite. Une matinée à la paroisse Notre-Dame du Mont-Carmelpar Ritzamarum ZETRENNE La date du 16 juillet marque la fête de Notre-Dame du Mont- Carmel. À Bizoton, de nombreux pèlerins, venus de partout, se cantonnent aux environs de l’Église, pour la plupart depuis deux semaines. Ils attendent le miracle qui les délivrera de tous leurs problèmes. Une des célébrations de la messe de 5 heures du matin de la paroisse Notre-Dame du Mont-Carmel à Bizoton (Carrefour). / Photo : Ritzamarum Zétrenne Dehors, les pèlerins sont allongés sur les marches de l’escalier conduisant à la porte principale de l’Église.. / Photo : Ritzamarum Zétrenne
  • 15. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 15 SOCIÉTÉ La banalisation des funérailles, une pratique à la mode en Haïtipar Evens RÉGIS D éfilé de motards, habits extravagants (skinny Zoe, dekòlte, bout jip ), scènes de joie, propos malsains, musiques de toutes tendances, tout rythme, réceptions identiques à celles des mariages, communions, gradua- tions, ou autres, sont désormais au menu des funérailles dans le pays.  Le port des vêtements, des boutons noirs par les filles et les garçons en signe de deuil, a disparu depuis un certain temps. « Kote kafe a, te sa poko bon toujou, kibò resepsyon an ap fèt », sont le refrain de la plupart des individus lors des veillées et des obsèques. Sous prétexte d’esquiver les critiques, des familles mortuaires, inconsciemment, encouragent souvent ce phénomène. Elles font des dépenses énormes et des fois, consentent même des prêts hypothécaires pour préparer des réceptions. Alors, est-il possible de savoir si elles sont dans la joie ou la tristesse. Selon ce qu’a expliqué l’octogénaire Ysmena Canon, les funérailles, au cours des années cinquante, etaient tout à fait différentes de celles observées de nos jours. Certes, à l’époque, les familles organisaient des réceptions aux amis et aux proches mais différentes de celles d’aujourd’hui. La sympathie était, avant tout, au rendez-vous et la mort de quiconque avait toujours attristé toute la communauté. Aujourd’hui tout a changé, c’est l’ère de la mode et de l’influence des jeunes. La bière, l‘immoralité, l’insensibilité, remplaçant le thé, le café, les jeux de dominos, de cartes, les moments de devinette, comme signes de sympathie dans les obsèques d’autrefois, a-t-elle ajouté. Des adeptes opinent Des chefs-guides du secteur 3 de la mission des adventistes du Sud d’Haïti, font savoir que nous sommes au dernier temps, que les prophéties sont en train de s’accomplir. Pour ces jeunes de la promotion phare, ce peut-être la nouvelle façon de sympathiser avec la famille du défunt, de banaliser la mort qui fait mal pourtant.. Nous sommes en train de vivre l’ère de la fuite des vraies valeurs. « C’est le résultat de la mondia- lisation, et de l’acculturation», a déclaré Raymond Pierre, étudiant mémorant à la faculté d’Ethnologie de l’Université d’Etat d’Haïti. Selon lui, c’est une situation qui porte atteinte à notre culture. Elle lais- sera de graves conséquences sur la société haïtienne, croit-il. « Nous avons perdu le sens de nos valeurs morales, l’idiotie nous rend aveugle », a lâché Stéphat Junior Sainsurin, qui nous a confié que deux de ses meilleurs amis ont préféré questionner sur la nourriture le jour des obsèques de son père, il ya quelques semaine de cela, au lieu de sympathiser réellement avec lui qui était dans une profonde tristesse. La semaine dernière, la veille des funérailles de Linstant Bienné, un habitant de la zone de Côte plage 28, un acte d’inhumain s’est produit. Suivant notre coutume, un moment a été réservé dans la soirée, la veille de la cérémonie funéraire pour sympathiser avec la famille, mais ce moment a été transformé en un véritable spectacle. Comme au club, les grands buveurs, les bambocheurs étaient au rendez- vous. Ils ont fait une liste des personnages qui doivent attendre leurs tours. L’ambiance était à un niveau tel qu’une bagarre a éclaté. Le nommé Valéry et son ami ont été poignardés et transportés d’urgence à l’hôpital. Leurs intestins étant touchés, s’ils arrivent à survivre, ce sera avec des dommages physiques, selon les médecins. Quelle que soit la façon dont une personne est morte, dans son jeune âge ou dans sa vieillesse, les obsèques sont de nos jours très insignifiants. Aucun signe de respect, de sympathie envers les familles endeuillées, encore moins des moments de recueillement en mémoire des défunts. Des scènes de liesse, des propos et réactions contraires à la circonstance, des habits de toutes couleurs, c’est ce qu’on observe, de nos jours, aux cérémonies funéraires en Haïti. Funérailles au Cap-Haïtien du Monseigneur François Gayot. / Photo : reseaucitadelle.blogspot.com.
  • 16. 16 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 SOCIÉTÉ Express partout ou la mort ambulantepar Stéphanie Balmir « Evite miyò pase mande padon/ mieux vaut prévenir que guérir.». Ce proverbe s’explique de lui-même. Mieux vaut prevenir une situation délicate au lieu de chercher des solutions. Ici en Haïti, l’on préfère l’inverse. Personne ne saura dire pourquoi. Mais les problèmes attirent l’attention des autorités concernées uniquement quand une catastrophe se produit. À la Capitale ou à l’extérieur, les conditions ne changent pas. Les moyens de transport ne sont pas des meilleurs. Et ceci, sur tous les plans. Ces camions sont un peu partout sur les routes qui conduisent vers les villes de province. Serait- ce pourquoi ils sont marqués du sceau : express partout. Ils ont tous une spécificité, ces camions : ils transportent tout. Le tout englobe : marchandes, marchandises de toute sorte et animaux. Équipés uniquement de barres de fer qui servent de bancs aux passagers, ils n’ont pas de carrosserie qui pourrait les protéger du soleil qui tape fort en ce mois de juillet. De la pluie, encore moins de la poussière. Ces « express partout » parcourent de longues distances. Aussi chargés qu’ils puissent être, ils ne se contentent pas d’assurer la connexion entre deux communes. Ils traversent des départements. Certains font le trajet Jérémie- Cayes. D’autres Beaumont-Cayes. Mais la majorité rentre à Port-au-Prince. Ce qui justifie le fait qu’ils sont légion sur la route qui conduit à Jérémie. Plusieurs ralentiront pour laisser passer les bus qui arrivent en sens inverse. Parfois à toute vitesse. Ou encore, ils devront même stationner au bord la falaise pour laisser passer d’autres véhicules, vu l’étroitesse de la route. Sur ce camion, l’on peut lire : Immaculée. Sur un autre : un proverbe quelconque. Mais ils ont les mêmes règles et remplissent les mêmes fonctions dans des conditions identiques. Qui s’est déjà prononcé sur la sécurité de ces hommes et ces « madan sara » qui, avant tout, essayent de survire ? Qui veille à ce qu’ils ne soient pas empilés sur des sacs de charbon, de bananes et d’autres denrées ? Qui empêche qu’ils soient transportés comme ces cabris ? Qui diront leur peine s’ils pouvaient parler ? Qui surveille ces véhicules remplis à la limite ? À quoi servent ces commissariats sur le long des routes fréquentées par ces véhicules ? Les concernés se montreront un jour. Peut-être. Sans doute quand l’un de ces véhicules tuera des dizaines de personnes, de « madan sara » spécialement. Toutes les couches de la société donneront leur avis et leurs conseils. Ce sera l’heure des discours et des fleurs. L’on enterrera ensuite nos morts dans la tristesse et les « express partout » continueront leur tra- vail. Les moyens de locomotion et de transport demeurent un problème dans la société haïtienne. Rien n’est soumis à une quelconque régulation. Qu’il s’agisse de la circulation des véhicules, du montant des courses laissé au caprice des chauffeurs, de l’entretien des véhicules de transport et finalement les conditions dans lesquelles les passagers sont transportés. Les « express partout », camions transportant des marchandises traduisent une partie de cette réalité.
  • 17. JEUDI 16 JUILLET 2015 N0 40 | 17 CULTURE Charlemagne Péralte : le cheminement d'un véritable soldatPar Elisée Décembre Il ne fait aucun doute que, pour la quasi-totalité du peuple haïtien, Jean-Jacques Dessalines est le héros par excellence. Nous ne devons cependant pas perdre de vue Charlemagne Péralte, qui mérite bien d’être placé sur le même piédestal que Jean-Jacques Dessalines par l’ensemble des mouvements qu’il a menés contre l’occupant américain de 1915 à 1934. I l est impossible de parler de l’occupation américaine sans évoquer le nom de Charlemagne Péralte. Né à Hinche le 10 octo- bre 1885 et assassiné dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1919, Charlemagne avait plusieurs cordes à son arc. Il était fermier, guildivier, distilleur et éleveur. Avec tous ses cha- peaux, il lui fallut peu de temps pour se faire un nom. Cependant, ce fier héros, piqué par le devoir de servir son pays, s’intéressait aussi à la chose publique. Ainsi donc, il fut nommé vice- consul d’Haïti à Elias Piña en République dominicaine, maire de Hinche en 1909, juge de paix à Mirebalais en 1911. Et, après avoir pris part aux côtés de son frère Saül en 1914 aux soulèvements contre le président Michel Oreste, qui allaient porter à la première magistrature le citoyen Oreste Zamor, lui aussi originaire du Pla- teau central, comme récompense, Charlemagne, à 28 ans, fut nommé commandant de l’arrondissement de Port-de-Paix et avait sous ses ordres le 9e régiment d’Infanterie de ligne, anciennement appelée 9e demi-brigade commandée par le grand et inoubliable Capois-la- Mort. Néanmoins, partout où il fut placé, il était aimé et respecté tant par ses subalternes que par les populations locales. Lorsque le président Oreste Zamor fut renversé par Davilmar Théo- dore, Charlemagne fut démis de ses fonctions et n’a pas tardé à passer à l’opposition. En 1915, avec son cousin Dupéra Péralte, il prit les armes contre le nouveau président sous la bannière de Vilbrun Guil- laume Sam. Alors qu’il occupait, avec ses troupes et celles de son cousin, les trois forts de Lascaho- bas, celui-ci, sous les assauts des forces gouvernementales, fut tué mais, lui, Charlemagne, s’en sortit sain et sauf. Davilmar Théodore vaincu, Vilbrun Guillaume Sam devint président. Il nomma Char- lemagne Péralte commandant de l’Arrondissement de Léogâne, et Saül, son grand-frère, commandant de l’arrondissement de Saint-Marc. C’est à Léogâne que la vie de Charlemagne allait prendre une autre tournure, lorsque, le 27 juillet 1915, sur ordre du général Charles Oscar, plus de 300 prison- niers furent massacrés au Péniten- cier national, dont un parent de Charlemagne Péralte, le général Gaspard Péralte. Et, selon Alain Turnier, « Charles Oscar, pris d’une fureur homicide, fit arrêter le train allant à Bizoton, obligea les passagers à descendre et en fusilla une quinzaine (…) » Tou- jours selon Alain Turnier, « dans la matinée du 27 juillet, la résistance des défenseurs du Palais national, vite écrasée, le Pprésident Vilbrun Guillaume, blessé d’une balle à la jambe, se réfugia à la légation de France. Les parents et amis des prisonniers se précipitèrent à la prison où les cadavres gisaient encore dans leur sang, poitrines labourées, cervelles éparpillées. Mis en rage par l’orgie de sang, ils se ruèrent vers la légation dominicaine où s’était réfugié Charles Oscar. Ce dernier en fut arraché, abattu à la porte même de l’immeuble de trois balles par Edmond, dont trois fils avaient péri dans le carnage à la prison. Les acolytes d’Oscar n’ont pas été épargnés, eux non plus. Ces troubles allaient donner un faux prétexte aux États-Unis d’Amérique, qui brûlaient long- temps le désir d’occuper le pays de Charlemagne Péralte, de mettre finalement leur plan impérialiste et raciste à exécution. Alors le 28 juillet 1915, les soldats de l’Aigle foulèrent le sol haïtien en passant par Bizoton. Charlemagne Péralte ne pouvait pas digérer cet affront. Pour lui, c’est un coup de massue sur sa tête de nationaliste, c’est une piqûre empoisonnée injectée dans son âme haïtienne. Alors, en tant que soldat nationaliste, défenseur de la souveraineté nationale, il ne se fit pas prier pour passer tout de suite à l’action tout en ressassant les vers on ne peut plus stimulants du poète Capois : « Si un jour sur tes rives / Reparaissent nos tyrans / Que leurs hordes fugitives / Ser- vent d’engrais à nos champs. » Les troupes américaines arrivèrent à Léogâne le 17 août 1915. Le commandant américain intima l’ordre à Charlemagne Péralte de lui livrer la ville, mais c’était mal connaitre ce nationaliste farouche qui allait devenir le cauchemar de l’occupant. Le commandant yankee avait reçu le message clair et net et ne fit pas le forcing. Il se contenta de garder ses troupes sur leurs bateaux et dans leurs avions. Mais cet invertébré que fut le nou- veau président Surdre Dartigue- nave, chien fidèle et docile de l’occupant, licencia le Comman- dant Charlemagne Péralte pour son refus de livrer la ville aux envahis- seurs. Dans une lettre d’adieu à la popu- lation de Léogâne, Charlemagne expliqua ses sentiments face à l’affront que vient de subir la Nation. Quelques jours avant son départ pour Hinche, il se rendit à Bourdon chez le Général Edmond Polinice, un acteur au centre des évènements du 14 juillet, à qui il aurait confié ces paroles : « Général, je rentre chez moi. Mais j’ai confiance en mon étoile. Je soulèverai le peuple et mettrai les Américains hors du pays. » Péralte savait de quoi il parlait car, en tant que citoyen responsable, il ne pouvait et ne voulait en aucun cas rester les bras croisés pendant que la Nation est remise dans les chainemaudites de la colonisation. C’est ainsi que, arrivé à Hinche, constatant les déboires de ses frères sous le poids du nouveau système appelé « corvée » insti- tuée par les nouveaux colons éta- suniens, Charlemagne passa de la parole aux actes. Suzy Castor, dans son fameux ouvrage L’occupation Américaine, rapporte ce qui suit : « Le 11 octobre 1916, avec ses frères Saül et Saint-Rémy et 60 hommes presque sans armes, Charlemagne Péralte attaqua la maison du général Doxey, com- mandant de Hinche. L’attaque fut repoussée, les chefs arrêtés et Charlemagne Péralte condamné à 5ans de travaux forcés par un tri- bunal prévôtal. » Astucieux comme pas un, Charlemagne utilisa tous les moyens à sa disposition pour prêcher dans la prison même la résistance à cette infamie qu’était l’occupation de sa chère patrie. C’est ainsi qu’il réussit à convain- cre son gardien le gendarme Luc- zama Luc à prendre la fuite avec lui en trompant la vigilance des soldats yankee. Cela se passa le 3 septembre 1918. Et de sa cachette chez Madame Raoul Deetjeen au Cap-Haïtien, il regagna, avec l’aide d’autres compatriotes le Plateau Central, son fief. Charlemagne Péralte fut un grand stratège. Et selon Roger Gaillard, les Américains reconnaissaient que le leader principal des mou- vements de la résistance contre l’occupation était un organisateur- né. Pour communiquer avec ses lieutenants dans les différents points du pays, voici ce que rap- porte F. Wirkus, un officier yankee : « Les tanmbours envoyaient des messages à une centaine de mille ou plus presque aussi vite que par télégraphe ou la radio. Les « madan sara » servaient d’agents actifs de propagande et de liaison : c’étaient des femmes commerçantes et dis- tributrices de produits agricoles, qui sans éviller les soupçons par leurs activités de redistribution et de relations entre la ville et la campagne, recueillaient des infor- mations qu’elles transmettaient au quartier-général des insurgés, sur les déplacements des troupes américaines et les rumeurs en cours. » Charlemagne Péralte est trahi, et tué par les Américains le 31 octo- bre 1919. La mort de Charlemagne Péralte a pris pour les Haïtiens la dimension d’un martyr. Après le départ des forces américaines en 1934, le corps de Péralte fut déter- ré, identifié par sa mère et enterré avec les honneurs au cimetière de Cap-Haïtien. Charlemagne Péralte.
  • 18. 18 | N0 40 JEUDI 16 JUILLET 2015 CULTURE Georges Sylvain, un opposant farouche de l'occupation américaine de 1915 Par Schultz Laurent Junior G eorges sylvain, poète éclec- tique de la génération de la Ronde (1898-1915), disci- ple d’Etzer Vilaire, est entré dans la littérature haïtienne en pub- liant une mince plaquette de vers con- tenant 29 poèmes écrits en français, « Les confidences et mélancolies », en 1901. Pourtant le curriculum vitae du poète, né à Puerto Plata en Répub- lique dominicaine en 1866, est à bien des égards impressionnant. Georges sylvain fit ses études supérieures à la Faculté des lettres et à la Faculté de droit de Paris. Animateur de plusieurs centres intellectuels, il fonda l’École de droit, la Société de législation, créa l’Alliance française en Haïti et fonda L’œuvre des écrivains. Emporté et animé par un souffle nationaliste zélé, il a esquissé pendant les dix dernières années de sa vie une posture de combat- tant en luttant contre l’occupation américaine de 1915. « Non, je ne vais me résigner à cette occupa- tion, je vais lutter jusqu’au bout pour la désoccupation de mon pays. » Ne voulant pas rester impassible, voulant associer la parole aux actes, il porta, pour citer Perceval Thoby, une virile et invincible fermeté à la bataille partout où il pouvait atteindre l’ennemi. Il était à la tête de tous les rassemblements politiques qui s’étaient organisés dans le pays et fonda le journal La patrie. Il a écrit des articles de journaux, adressé des correspondances au Sénat américain, prononcé des conférences, organisé des tournées patriotiques et a su, en plusieurs occasions, mettre sa vie en péril pour l’honneur et le salut de la patrie. Symbole de la résistance haïti- enne à l’occupation américaine, il écrira plus tard « Nous lutter- ons, nous et nos enfants, tant que notre patrie n’aura pas retrouvé la plénitude de son indépendance. Nous le devons à nos morts héroïques, pères à jamais bénis, qui avaient donné tant de peines pour que les enfants issus de notre sang eussent au moins dans le monde un coin de terre où vivre en paix, libres et respectés ». Avec un cœur débordant de patriotisme, Georges sylvain est devenu le porte-parole de tout un pays gémissant sous les bottes de l’Oncle Sam. Selon lui, pour reprendre les réflexions perti- nentes du professeur Eddy Arnold Jean, « ce déshonneur national ne permet plus le silence. C’est un devoir impérieux pour tout Haï- tien d’engager le combat aux fins de restituer au pays sa dignité. » S’armant de sa plume vengeresse, il flétrit l’acte liberticide perpé- tré par le grand voisin du Nord et invite les Haïtiens à conjuguer leurs forces en vue de rendre au pays son indépendance. Il a exhor- té la nation à protester énergique- ment contre l’occupation. Il lui a demandé après coup de manifester à l’oppresseur une farouche résis- tance, car l’agresseur peut tirer de notre passivité la justification de son comportement. Il peut croire, selon lui, que nous acceptons sa domination et que nous renonçons à notre souver- aineté. « Haïti, lève-toi, le monstre qui t’entraîne Vers l’abîme, la honte, le deuil aura peur S’il voit se soulever la conscience humaine ! Fais frissonner le monde à tes cris de douleur ! Montre ton âme en plaie où meurt ton rêve en cendre. » (Page 43, 2007, Éditions Mémoire d’encrier.) Si Georges Sylvain n’avait pas eu le temps de voir le départ des Améri- cains de notre pays, l’Histoire cependant, retiendra son nom comme celui qui avait élevé le ton de sa voix pour crier son patrio- tisme et son attachement filial à la terre natale. Il a souffert dans les fibres les plus sensibles de son être le comportement antipatriotique et la mauvaise foi de ses concitoyens sans pour autant renoncer à son idéal de voir une Haïti libre, pros- père et régénérée. Georges Sylvain CENTENAIREDEL’OCCUPATIONAMÉRICAINE/GEORGESSYLVAIN