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Conférence Introductive au congrès de Rennes de la SFSIC
                              (30 mai 2012)


                                                            Bernard Miège
                                                                    Gresec
                                              Université Stendhal, Grenoble




               L’édification des SIC : encore et toujours


       A chacun de mes voyages à Rennes, je fais retour sur les
trois années que j’ai passées ici au début des années quatre-
vingt,    au   moment    du     lancement     de   la   première    filière
d’Information – Communication habilitée dans cette Université.
Malgré les conditions propres à tout démarrage, c’est surtout à
l’accueil (chaleureux) et aux contacts (conviviaux) que je ne peux
m’empêcher de penser, ainsi qu’à ce qui se mettait en place et
aux atouts incontestables que pouvaient faire valoir cette
Université et la région Bretagne, autrement plus favorables que
ceux que j’ai rencontrés dans l’agglomération grenobloise. Après
mon départ qui était … programmé, Armand Mattelart me
remplaça puis d’autres vinrent (Michael Palmer, etc.) ; l’élan était
donné, puis au cours des années quatre-vingt-dix la mécanique
s’est enrayée, les conflits interpersonnels et entre groupes– qui, ce
n’est pas une originalité de le dire, s’observent dans (toutes) ces
organisations spécifiques que sont les Universités, sans doute
surtout en raison des particularités de l’avancée des carrières et
des difficultés d’objectivation des contributions individuelles et
des      mérites-   connurent    ici   et   longuement       un    niveau

                                                                          1
d’exacerbation     intolérable ;   les   promesses    ne   purent    se
concrétiser et l’Université de Rennes n’est pas encore le pôle
qu’elle avait tout naturellement vocation à devenir. Pour notre
communauté universitaire, bien des enseignements pourraient
être tirés de cette méconvenue (qui, cela va de soi, n’a rien
d’irrémédiable), ainsi que de toute autre, similaire ou proche ; il
me semble qu’elle ne regarde pas les seuls participants locaux, et
qu’elle nous incite à porter grand intérêt certes aux conditions
socio-cognitives     mais      aussi     socio-institutionnelles    qui
accompagnent le développement de notre discipline, à tous les
niveaux ; en tout cas à y apporter plus d’intérêt que nous ne le
faisons couramment, comme si les choses étaient assurées.
Cette entrée en matière, vous le comprendrez, n’est pas empreinte
de regrets ; surtout, elle nous introduit directement au sujet qui
m’incombe aujourd’hui. L’édification des SIC est encore en cours,
même si on peut dans une certaine mesure considérer qu’elle est
nationalement un fait institutionnel acquis, mais un (état) de fait
qu’il nous faut toujours collectivement réaffirmer face aux
méconnaissances,       aux     réductions     ou     aux   entreprises
déconstructrices qui nous guettent régulièrement, surtout dans
les instances de la recherche. Qu’on me comprenne bien : le
statut de discipline s’est affirmé à partir d’une indiscipline, mais
il a toujours besoin d’être conforté, et ce d’autant plus que
l’augmentation des effectifs et la diversification des activités ont
contribué à un relâchement certain de nos investissements dans
cette tâche commune. D’autant plus également, que trop
d’enseignants-chercheurs et trop d’intervenants, surtout dans les




                                                                      2
filières professionnalisées, gardent encore un rapport distant avec
     la recherche, ce qui ne saurait être toléré.
     C’est ce qui me conduit aujourd’hui à insister auprès de vous sur
     un certain nombre d’exigences, qui sont avant tout de nature
     cognitive ou méthodologique, sans pour autant que je néglige
     celles qui sont plus institutionnelles, je ne les tiens pas pour
     secondaires, aujourd’hui comme hier, mais ma position présente
     m’éloigne nécessairement de celles-ci. Ces exigences actuelles
     seront       regroupées       dans      les     6    préconisations            (ou
     recommandations) suivantes.
1.        La critique argumentée et plus que jamais indispensable de
     quelques     notions-écran,        certaines   toujours       renaissantes      et
     d’autres      récentes.       De      quoi      s’agit-il ?      La      pensée
     communicationnelle,       on    le    sait,    emprunte       tout    autant    à
     l’élaboration théorique qu’à des propositions émanant des milieux
     professionnels ou des instances publiques. Elle n’est pas figée,
     presque en changement constant, ce qui ne va pas sans certains
     bénéfices, mais dans le même temps entraîne pas mal de biais et
     même d’emprunts peu contrôlés, surtout lorsque ces propositions
     donnent lieu à des rationalisations de spécialistes, d’experts ou
     de    publicistes,   et   qu’elles     acquièrent    une       reconnaissance
     internationale. Le tri reste à faire, plus que le tri, la critique au
     sens fort et, en réponse, la conceptualisation. L’accord entre nous
     sera aisé pour marquer de la distance avec certaines de ces
     notions écran : la société de l’information, l’ère des réseaux, la
     société de connaissance, la convergence, la diversité culturelle,
     etc., mais sans doute la discussion sera plus serrée pour
     d’autres :    l’immatériel,     l’injonction     participative,       l’ère    du


                                                                                      3
numérique, la créativité et les industries créatives,      l’identité
numérique, voire même les normes (j’avoue, après l’intéressant
colloque international de Roubaix de mars 2012, ne pas voir été
convaincu de l’intérêt qu’il y a à réintroduire une notion aussi
polysémique, surtout après les critiques fortes adressées en leur
temps à Durkheim). Et vous avez certainement des suggestions à
faire pour compléter la liste. Ce n’est pas l’emploi de ces termes
ou syntagmes qui est en soi discutable, mais ce qui est discutable
c’est leur emploi incontrôlé ; tels que présentés le plus souvent,
ils ne constituent pas des objets scientifiques. Mais, sous réserve,
ils peuvent le devenir : ainsi la question des médiations a été
progressivement conceptualisée.
  2. La focalisation de nos travaux autour de l’axe central
     circonscrit par l’information – communication. En un sens,
     nous ne tirons pas tous les avantages de la constitution, en
     partie accidentelle et contingente, de notre discipline –les
     SIC- autour de ce couple de paradigmes. Et beaucoup parmi
     nous ne se sont pas vraiment approprié les propositions
     simples mais toujours pertinentes de notre Président-
     fondateur    Jean   Meyriat,   sur   la   relation   contenus/
     contenants, une relation qui, il est vrai, s’est nettement
     complexifiée, et qui doit être interrogée sous bien des
     aspects. Mais comment comprendre que certains en restent
     à une approche réduite à la communication entre acteurs
     sociaux, en dehors donc de tout intérêt pour l’information,
     et souvent à un niveau seulement microsocial ? comment
     admettre qu’à l’inverse, l’information, notamment de presse,
     soit traitée indépendamment des réseaux et supports par


                                                                   4
lesquels elle est diffusée, ou même que la seule information
  envisagée par eux soit l’information journalistique, comme
  si la recherche devait éviter tout ce qui échappe aux normes
  reconnues de celle-ci ? comment ne pas voir que l’explosion
  constatée de l’information documentaire rend réducteur les
  conceptions        aujourd’hui   étroitement        sectorielles   de    la
  bibliothéconomie ? comment ne pas faire le constat que des
  conceptualisations        sont      par      trop    extérieures        aux
  orientations théoriques qui nous sont propres et relèvent
  d’autres   disciplines     (ainsi     pour    certaines    thématiques
  relevant de la psychologie sociale) ? Certes dans tous ces
  domaines, des oppositions et des spécificités demeurent qui
  justifient des traitements propres et différenciés, mais on ne
  peut s’en tenir à des découpages professionnels qui, depuis
  trente ans, ont été maintes fois bousculés et même remis en
  cause ; l’articulation entre Information et Communication
  (avec un tiret et non un trait d’union, comme je l’ai proposé)
  est désormais notre horizon, et ce qui contribue à donner à
  notre discipline un positionnement fort, marquant les
  différences avec la plupart des autres disciplines de SHS
  quand      elles     traitent    de    l’information       ou      de    la
  communication.
3. Le dépassement de l’approche par les techniques. Il se peut
  que certains d’entre vous trouvent paradoxal qu’après
  plusieurs recherches et un ouvrage sur l’ancrage social des
  Tic, j’en vienne à recommander aujourd’hui un rééquilibrage
  de nos orientations de recherche qui accorde une place plus
  mesurée à l’émergence des techniques. Or le paradoxe n’est


                                                                            5
qu’apparent. D’une part, il faut se demander pourquoi
pendant deux décennies la balance de nos recherches a
autant penché en faveur de la question de l’émergence des
Tic et des nouveaux médias et admettre que ce sont des
conditions spécifiquement françaises qui expliquent cet
intérêt (comparativement) excessif. D’autre part et surtout,
la plupart des travaux s’y rapportant ont été conduits, de
facto ou par choix assumé, en marquant une différence
nette   avec        la   communication       ordinaire    et   avec   la
communication              médiatique :    l’intérêt    postulé   pour
l’innovation ou plus simplement pour les changements a
entraîné une distorsion des analyses, et sans doute amplifié
l’accent      mis    sur    les   discontinuités   au    détriment    de
continuités que la longue durée permet mieux de mettre en
évidence. Mon évaluation apparaîtra peut-être exagérée et
mériterait assurément d’être mieux étayée ; en tout cas, je
souhaiterais vous faire partager une conviction : il ne suffit
pas de faire la chasse aux conceptions techno-déterminées,
toujours florissantes (cf. par exemple les discours tenus
pendant les printemps arabes), il importe également de
positionner les phénomènes observés en relation avec les
phénomènes info- communicationnels (encore) dominants,
et   isoler    d’autant       moins   la   nouvelle     communication
médiatisée que le système médiatique en place s’adapte
progressivement à elle. En outre, on conviendra que les
travaux sur les techniques gagneraient à mieux coordonner
ceux qui traitent des consommations individuelles (le plus
souvent hors travail) et ceux, plus récemment engagés et


                                                                       6
qui envisagent les Tic dans la sphère du travail et
  particulièrement           dans    le    cadre    de      la    communication
  organisationnelle ; pour l’essentiel ces travaux sont séparés
  et même cloisonnés, ce qui est contre-productif.
4. La   prise    en     charge        de    questions        délaissées.        Cette
  recommandation pourrait sembler aller de soi, et être
  valable   à     tout        moment        pour       chaque       communauté
  scientifique. Pour les SIC, elle revêt une importance toute
  particulière    que        je    tiens    à   souligner.         En      effet,    les
  confrontations        et     échanges         avec     d’autres        disciplines
  connexes, ainsi que les relations nécessaires entretenues
  avec les milieux professionnels, nous rendent souvent
  dépendants lorsqu’il s’agit de fixer les thématiques et les
  agendas       des    recherches.         Durant      de        longues     années,
  beaucoup parmi nous ont choisi de se focaliser sur les Tic
  et les nouveaux médias dans la perspective ouverte par la
  dite sociologie francophone de la formation des usages
  sociaux ; depuis, un bilan a commencé à en être tiré, et les
  raisons de cet engouement, voire de cet emballement, ont
  été   à   peu        près       éclaircies.    De      même,          notre       sur-
  investissement (relatif car les travaux effectivement conduits
  sont beaucoup moins nombreux qu’annoncé ou escompté!)
  dans le domaine de la communication organisationnelle,
  interroge : cette spécialisation est trompeuse car rien ne
  nous assure que ce « terrain » suffise à préciser les objets de
  recherche,      et    il    serait       pertinent     d’y       appliquer        des
  problématiques développées ailleurs au sein de la discipline.
  Donc, sans doute ici et également pour d’autres objets de


                                                                                       7
recherche, nous n’évitons pas des précipitations pas
   toujours maîtrisées. Mais dans le même temps on observe
   que des thématiques ou des questionnements sont à peu
   près     complètement        négligés,    sans       que   nous    nous
   inquiétions de cette inconséquence collective. Cela a déjà
   été signalé pour l’approche par genres (du reste, c’est encore
   le cas pour la grande partie des sciences humaines et
   sociales),     mais      c’est   encore       plus    manifeste    pour
   l’environnement : rien ou presque sur les rapports entre Tic
   et environnement (comme si le fonctionnement des réseaux
   n’était pas fortement consommateur d’énergie !). Rien ou
   presque sur les spécificités médiatiques européennes. Et je
   suis aussi mal placé que chacun d’entre vous pour détecter
   d’autres thématiques délaissées. Car ce qui fait défaut c’est,
   en     dépit   du     fonctionnement          d’un    certain    nombre
   d’instances spécifiques à notre discipline (qu’elles soient à
   caractère officiel ou que ce soient des institutions que nous
   nous sommes données), c’est une maîtrise collective des
   enjeux scientifiques ; c’est même un lieu où, régulièrement,
   est tiré le bilan scientifique d’ensemble de nos productions.
   Ce     pourrait   être    une    initiative   que    certaines    revues
   pourraient prendre.
5. Le projet de l’interdimensionnalité. Il m’apparaît maintenant
   que nous aurions intérêt à nous interroger sur les
   méthodologies       des    recherches     que    nous      menons,   en
   prenant le terme au sens fort, (généralement retenu par nos
   collègues anglo-américains), et non pas au sens réducteur
   souvent adopté d’ensemble de techniques de recherche. Ces


                                                                          8
méthodologies ne nous permettent pas de traiter des
       phénomènes d’Information – Communication avec une
       suffisante largeur de vues, et précisément dans toutes (ou
       presque toutes) leurs dimensions. Mettre en œuvre des
       problématiques partielles, comme nous le faisons avec une
       prudence méthodologique avisée, ne doit pas nous interdire
       de     replacer      nos     travaux       dans      un     faisceau       de
       questionnements, ni de déplacer nos observations et
       investigations là où cela s’avère désormais nécessaire.
       Aussi, à l’image de ce que je propose dans le N° 1 des
       Cahiers des sciences de l’information et de la communication,
       pour l’une des théories composante des SIC, à savoir la
       Théorie des industries culturelles, je fais ici l’apologie d’une
       méthodologie inter-dimensionnelle. A titre d’illustration,
       pour l’approche des industries culturelles, cela revient à
       relier :
       (1) les stratégies des principaux industriels de la communication, autant
   celles des industries de matériels que des industries de réseaux ;
      (2) les stratégies des diffuseurs et producteurs ou éditeurs de contenus, et à
   leur suite les contributions des artistes, intellectuels et spécialistes de
   l’information à la conception de ces mêmes contenus (= la phase de conception
   ou de création) ;
      (3) les tendances structurantes des pratiques culturelles et informationnelles,
et particulièrement l’expansion des consommations marchandes ;
      (4) ce qui était produit par les changements et innovations techniques, et
notamment les usages se formant à partir des outils techniques ;
       et (5) les activités de réception, d’appropriation et de réinterprétation des

contenus par les destinataires.   Ce projet pourrait/devrait être repris,
avec des modulations, par d’autres théories à l’œuvre dans notre
discipline ; il indique en tout cas des pistes qui devraient se
révéler heuristiques.

                                                                                   9
6.          Une obligation de publicisation. Nos problématiques et les
     résultats de nos travaux de recherche sont-ils suffisamment
     connus et reconnus ? C’est loin d’être assuré. Si nous offrons
     aujourd’hui un dispositif renforcé en matière de publications
     scientifiques, notre visibilité reste faible en dehors de notre propre
     communauté         scientifique,   y   compris   dans   les   disciplines
     connexes, et à plus forte raison dans l’espace public, où les
     questions d’information et de communication continuent à être
     traitées, et pas seulement dans les grands médias, selon des
     figures du sens commun. Les avancées sont encore limitées, et
     nous avons du mal à nous faire entendre et même comprendre,
     quand on ne fait pas appel à nous pour énoncer des « vérités » sur
     des problèmes d’actualité sans enjeux réels. Plus que la diffusion
     des travaux, ce sont des confrontations que nous devons
     rechercher, conduisant à des discussions argumentées, à des
     critiques étayées et même à des polémiques. Est-il démesuré
     d’observer que nous nous contentons trop souvent du confort des
     discussions fermées, au sein de petites « communautés », restant
     cloisonnées ? La fragmentation excessive est une dérive à laquelle
     nous sommes trop peu attentifs.
     En tout cas ce Congrès nous donne l’occasion de prendre en
     compte –collectivement- cette exigence de publicisation. ; c’est un
     point de départ.
     Je vous remercie pour l’attention que vous avez bien voulu porter
     à la présentation de ces préconisations.




     	
  



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  • 1. Conférence Introductive au congrès de Rennes de la SFSIC (30 mai 2012) Bernard Miège Gresec Université Stendhal, Grenoble L’édification des SIC : encore et toujours A chacun de mes voyages à Rennes, je fais retour sur les trois années que j’ai passées ici au début des années quatre- vingt, au moment du lancement de la première filière d’Information – Communication habilitée dans cette Université. Malgré les conditions propres à tout démarrage, c’est surtout à l’accueil (chaleureux) et aux contacts (conviviaux) que je ne peux m’empêcher de penser, ainsi qu’à ce qui se mettait en place et aux atouts incontestables que pouvaient faire valoir cette Université et la région Bretagne, autrement plus favorables que ceux que j’ai rencontrés dans l’agglomération grenobloise. Après mon départ qui était … programmé, Armand Mattelart me remplaça puis d’autres vinrent (Michael Palmer, etc.) ; l’élan était donné, puis au cours des années quatre-vingt-dix la mécanique s’est enrayée, les conflits interpersonnels et entre groupes– qui, ce n’est pas une originalité de le dire, s’observent dans (toutes) ces organisations spécifiques que sont les Universités, sans doute surtout en raison des particularités de l’avancée des carrières et des difficultés d’objectivation des contributions individuelles et des mérites- connurent ici et longuement un niveau 1
  • 2. d’exacerbation intolérable ; les promesses ne purent se concrétiser et l’Université de Rennes n’est pas encore le pôle qu’elle avait tout naturellement vocation à devenir. Pour notre communauté universitaire, bien des enseignements pourraient être tirés de cette méconvenue (qui, cela va de soi, n’a rien d’irrémédiable), ainsi que de toute autre, similaire ou proche ; il me semble qu’elle ne regarde pas les seuls participants locaux, et qu’elle nous incite à porter grand intérêt certes aux conditions socio-cognitives mais aussi socio-institutionnelles qui accompagnent le développement de notre discipline, à tous les niveaux ; en tout cas à y apporter plus d’intérêt que nous ne le faisons couramment, comme si les choses étaient assurées. Cette entrée en matière, vous le comprendrez, n’est pas empreinte de regrets ; surtout, elle nous introduit directement au sujet qui m’incombe aujourd’hui. L’édification des SIC est encore en cours, même si on peut dans une certaine mesure considérer qu’elle est nationalement un fait institutionnel acquis, mais un (état) de fait qu’il nous faut toujours collectivement réaffirmer face aux méconnaissances, aux réductions ou aux entreprises déconstructrices qui nous guettent régulièrement, surtout dans les instances de la recherche. Qu’on me comprenne bien : le statut de discipline s’est affirmé à partir d’une indiscipline, mais il a toujours besoin d’être conforté, et ce d’autant plus que l’augmentation des effectifs et la diversification des activités ont contribué à un relâchement certain de nos investissements dans cette tâche commune. D’autant plus également, que trop d’enseignants-chercheurs et trop d’intervenants, surtout dans les 2
  • 3. filières professionnalisées, gardent encore un rapport distant avec la recherche, ce qui ne saurait être toléré. C’est ce qui me conduit aujourd’hui à insister auprès de vous sur un certain nombre d’exigences, qui sont avant tout de nature cognitive ou méthodologique, sans pour autant que je néglige celles qui sont plus institutionnelles, je ne les tiens pas pour secondaires, aujourd’hui comme hier, mais ma position présente m’éloigne nécessairement de celles-ci. Ces exigences actuelles seront regroupées dans les 6 préconisations (ou recommandations) suivantes. 1. La critique argumentée et plus que jamais indispensable de quelques notions-écran, certaines toujours renaissantes et d’autres récentes. De quoi s’agit-il ? La pensée communicationnelle, on le sait, emprunte tout autant à l’élaboration théorique qu’à des propositions émanant des milieux professionnels ou des instances publiques. Elle n’est pas figée, presque en changement constant, ce qui ne va pas sans certains bénéfices, mais dans le même temps entraîne pas mal de biais et même d’emprunts peu contrôlés, surtout lorsque ces propositions donnent lieu à des rationalisations de spécialistes, d’experts ou de publicistes, et qu’elles acquièrent une reconnaissance internationale. Le tri reste à faire, plus que le tri, la critique au sens fort et, en réponse, la conceptualisation. L’accord entre nous sera aisé pour marquer de la distance avec certaines de ces notions écran : la société de l’information, l’ère des réseaux, la société de connaissance, la convergence, la diversité culturelle, etc., mais sans doute la discussion sera plus serrée pour d’autres : l’immatériel, l’injonction participative, l’ère du 3
  • 4. numérique, la créativité et les industries créatives, l’identité numérique, voire même les normes (j’avoue, après l’intéressant colloque international de Roubaix de mars 2012, ne pas voir été convaincu de l’intérêt qu’il y a à réintroduire une notion aussi polysémique, surtout après les critiques fortes adressées en leur temps à Durkheim). Et vous avez certainement des suggestions à faire pour compléter la liste. Ce n’est pas l’emploi de ces termes ou syntagmes qui est en soi discutable, mais ce qui est discutable c’est leur emploi incontrôlé ; tels que présentés le plus souvent, ils ne constituent pas des objets scientifiques. Mais, sous réserve, ils peuvent le devenir : ainsi la question des médiations a été progressivement conceptualisée. 2. La focalisation de nos travaux autour de l’axe central circonscrit par l’information – communication. En un sens, nous ne tirons pas tous les avantages de la constitution, en partie accidentelle et contingente, de notre discipline –les SIC- autour de ce couple de paradigmes. Et beaucoup parmi nous ne se sont pas vraiment approprié les propositions simples mais toujours pertinentes de notre Président- fondateur Jean Meyriat, sur la relation contenus/ contenants, une relation qui, il est vrai, s’est nettement complexifiée, et qui doit être interrogée sous bien des aspects. Mais comment comprendre que certains en restent à une approche réduite à la communication entre acteurs sociaux, en dehors donc de tout intérêt pour l’information, et souvent à un niveau seulement microsocial ? comment admettre qu’à l’inverse, l’information, notamment de presse, soit traitée indépendamment des réseaux et supports par 4
  • 5. lesquels elle est diffusée, ou même que la seule information envisagée par eux soit l’information journalistique, comme si la recherche devait éviter tout ce qui échappe aux normes reconnues de celle-ci ? comment ne pas voir que l’explosion constatée de l’information documentaire rend réducteur les conceptions aujourd’hui étroitement sectorielles de la bibliothéconomie ? comment ne pas faire le constat que des conceptualisations sont par trop extérieures aux orientations théoriques qui nous sont propres et relèvent d’autres disciplines (ainsi pour certaines thématiques relevant de la psychologie sociale) ? Certes dans tous ces domaines, des oppositions et des spécificités demeurent qui justifient des traitements propres et différenciés, mais on ne peut s’en tenir à des découpages professionnels qui, depuis trente ans, ont été maintes fois bousculés et même remis en cause ; l’articulation entre Information et Communication (avec un tiret et non un trait d’union, comme je l’ai proposé) est désormais notre horizon, et ce qui contribue à donner à notre discipline un positionnement fort, marquant les différences avec la plupart des autres disciplines de SHS quand elles traitent de l’information ou de la communication. 3. Le dépassement de l’approche par les techniques. Il se peut que certains d’entre vous trouvent paradoxal qu’après plusieurs recherches et un ouvrage sur l’ancrage social des Tic, j’en vienne à recommander aujourd’hui un rééquilibrage de nos orientations de recherche qui accorde une place plus mesurée à l’émergence des techniques. Or le paradoxe n’est 5
  • 6. qu’apparent. D’une part, il faut se demander pourquoi pendant deux décennies la balance de nos recherches a autant penché en faveur de la question de l’émergence des Tic et des nouveaux médias et admettre que ce sont des conditions spécifiquement françaises qui expliquent cet intérêt (comparativement) excessif. D’autre part et surtout, la plupart des travaux s’y rapportant ont été conduits, de facto ou par choix assumé, en marquant une différence nette avec la communication ordinaire et avec la communication médiatique : l’intérêt postulé pour l’innovation ou plus simplement pour les changements a entraîné une distorsion des analyses, et sans doute amplifié l’accent mis sur les discontinuités au détriment de continuités que la longue durée permet mieux de mettre en évidence. Mon évaluation apparaîtra peut-être exagérée et mériterait assurément d’être mieux étayée ; en tout cas, je souhaiterais vous faire partager une conviction : il ne suffit pas de faire la chasse aux conceptions techno-déterminées, toujours florissantes (cf. par exemple les discours tenus pendant les printemps arabes), il importe également de positionner les phénomènes observés en relation avec les phénomènes info- communicationnels (encore) dominants, et isoler d’autant moins la nouvelle communication médiatisée que le système médiatique en place s’adapte progressivement à elle. En outre, on conviendra que les travaux sur les techniques gagneraient à mieux coordonner ceux qui traitent des consommations individuelles (le plus souvent hors travail) et ceux, plus récemment engagés et 6
  • 7. qui envisagent les Tic dans la sphère du travail et particulièrement dans le cadre de la communication organisationnelle ; pour l’essentiel ces travaux sont séparés et même cloisonnés, ce qui est contre-productif. 4. La prise en charge de questions délaissées. Cette recommandation pourrait sembler aller de soi, et être valable à tout moment pour chaque communauté scientifique. Pour les SIC, elle revêt une importance toute particulière que je tiens à souligner. En effet, les confrontations et échanges avec d’autres disciplines connexes, ainsi que les relations nécessaires entretenues avec les milieux professionnels, nous rendent souvent dépendants lorsqu’il s’agit de fixer les thématiques et les agendas des recherches. Durant de longues années, beaucoup parmi nous ont choisi de se focaliser sur les Tic et les nouveaux médias dans la perspective ouverte par la dite sociologie francophone de la formation des usages sociaux ; depuis, un bilan a commencé à en être tiré, et les raisons de cet engouement, voire de cet emballement, ont été à peu près éclaircies. De même, notre sur- investissement (relatif car les travaux effectivement conduits sont beaucoup moins nombreux qu’annoncé ou escompté!) dans le domaine de la communication organisationnelle, interroge : cette spécialisation est trompeuse car rien ne nous assure que ce « terrain » suffise à préciser les objets de recherche, et il serait pertinent d’y appliquer des problématiques développées ailleurs au sein de la discipline. Donc, sans doute ici et également pour d’autres objets de 7
  • 8. recherche, nous n’évitons pas des précipitations pas toujours maîtrisées. Mais dans le même temps on observe que des thématiques ou des questionnements sont à peu près complètement négligés, sans que nous nous inquiétions de cette inconséquence collective. Cela a déjà été signalé pour l’approche par genres (du reste, c’est encore le cas pour la grande partie des sciences humaines et sociales), mais c’est encore plus manifeste pour l’environnement : rien ou presque sur les rapports entre Tic et environnement (comme si le fonctionnement des réseaux n’était pas fortement consommateur d’énergie !). Rien ou presque sur les spécificités médiatiques européennes. Et je suis aussi mal placé que chacun d’entre vous pour détecter d’autres thématiques délaissées. Car ce qui fait défaut c’est, en dépit du fonctionnement d’un certain nombre d’instances spécifiques à notre discipline (qu’elles soient à caractère officiel ou que ce soient des institutions que nous nous sommes données), c’est une maîtrise collective des enjeux scientifiques ; c’est même un lieu où, régulièrement, est tiré le bilan scientifique d’ensemble de nos productions. Ce pourrait être une initiative que certaines revues pourraient prendre. 5. Le projet de l’interdimensionnalité. Il m’apparaît maintenant que nous aurions intérêt à nous interroger sur les méthodologies des recherches que nous menons, en prenant le terme au sens fort, (généralement retenu par nos collègues anglo-américains), et non pas au sens réducteur souvent adopté d’ensemble de techniques de recherche. Ces 8
  • 9. méthodologies ne nous permettent pas de traiter des phénomènes d’Information – Communication avec une suffisante largeur de vues, et précisément dans toutes (ou presque toutes) leurs dimensions. Mettre en œuvre des problématiques partielles, comme nous le faisons avec une prudence méthodologique avisée, ne doit pas nous interdire de replacer nos travaux dans un faisceau de questionnements, ni de déplacer nos observations et investigations là où cela s’avère désormais nécessaire. Aussi, à l’image de ce que je propose dans le N° 1 des Cahiers des sciences de l’information et de la communication, pour l’une des théories composante des SIC, à savoir la Théorie des industries culturelles, je fais ici l’apologie d’une méthodologie inter-dimensionnelle. A titre d’illustration, pour l’approche des industries culturelles, cela revient à relier : (1) les stratégies des principaux industriels de la communication, autant celles des industries de matériels que des industries de réseaux ; (2) les stratégies des diffuseurs et producteurs ou éditeurs de contenus, et à leur suite les contributions des artistes, intellectuels et spécialistes de l’information à la conception de ces mêmes contenus (= la phase de conception ou de création) ; (3) les tendances structurantes des pratiques culturelles et informationnelles, et particulièrement l’expansion des consommations marchandes ; (4) ce qui était produit par les changements et innovations techniques, et notamment les usages se formant à partir des outils techniques ; et (5) les activités de réception, d’appropriation et de réinterprétation des contenus par les destinataires. Ce projet pourrait/devrait être repris, avec des modulations, par d’autres théories à l’œuvre dans notre discipline ; il indique en tout cas des pistes qui devraient se révéler heuristiques. 9
  • 10. 6. Une obligation de publicisation. Nos problématiques et les résultats de nos travaux de recherche sont-ils suffisamment connus et reconnus ? C’est loin d’être assuré. Si nous offrons aujourd’hui un dispositif renforcé en matière de publications scientifiques, notre visibilité reste faible en dehors de notre propre communauté scientifique, y compris dans les disciplines connexes, et à plus forte raison dans l’espace public, où les questions d’information et de communication continuent à être traitées, et pas seulement dans les grands médias, selon des figures du sens commun. Les avancées sont encore limitées, et nous avons du mal à nous faire entendre et même comprendre, quand on ne fait pas appel à nous pour énoncer des « vérités » sur des problèmes d’actualité sans enjeux réels. Plus que la diffusion des travaux, ce sont des confrontations que nous devons rechercher, conduisant à des discussions argumentées, à des critiques étayées et même à des polémiques. Est-il démesuré d’observer que nous nous contentons trop souvent du confort des discussions fermées, au sein de petites « communautés », restant cloisonnées ? La fragmentation excessive est une dérive à laquelle nous sommes trop peu attentifs. En tout cas ce Congrès nous donne l’occasion de prendre en compte –collectivement- cette exigence de publicisation. ; c’est un point de départ. Je vous remercie pour l’attention que vous avez bien voulu porter à la présentation de ces préconisations.   10