Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
1. n° 73 Sommaire
Avril 2012
l page 2 : Leadership : définition et
enjeux l page 8 : Les acteurs du
leadership l page 16 : Du leadership
distribué au leadership systémique ?
l page 24 : Bibliographie
QUELS LEADERSHIPS POUR LA
Dossier d’actualité
RÉUSSITE DE TOUS LES ÉLÈVES ?
La direction des établissements scolaires
est devenue une priorité forte de l’action
gouvernementale en matière d’éducation
dans un grand nombre de pays (Pont et al.,
2008). Politiques publiques et recherches Par Laure Endrizzi et
s’accordent pour considérer le rôle crucial Rémi Thibert
joué par le chef d’établissement non seu-
lement en matière de management, mais Chargés d’étude et de
aussi dans la dynamique pédagogique qui recherche au service
mobilise son personnel. Autrement dit, on Veille et Analyses de
évolue d’un modèle « gestionnaire » à l’Institut Français de
un modèle de direction au service des l’Éducation (IFÉ)
apprentissages des élèves.
Ces évolutions interviennent dans un
contexte marqué par une double tendance :
− d’une part une autonomie plus large des
établissements et corollairement une at- carrière, qui accompagnent l’engagement
tention plus forte portée aux résultats de des chefs d’établissements et des ensei-
VEILLE ET ANALYSES
l’école (Eurydice, 2007 ; Pair, 2007 ; Has- gnants en faveur d’une qualité de l’éducation
sani & Meuret, 2010), (Schleicher, 2012).
− et d’autre part une pénurie croissante de
candidats qualifiés pour assurer la relève Le « leadership », entendu comme une ap-
de chefs d’établissement vieillissants proche globale du partage des responsabi-
et une raréfaction des vocations ensei- lités au niveau de l’établissement, voire à un
gnantes (AFAE, 2010 ; Schleicher, 2012). niveau inter-établissements, en vue de pro-
mouvoir le changement, constitue une piste
Dans ce contexte, il est dans l’intérêt des sys- privilégiée aujourd’hui par nombre de pays.
tèmes éducatifs de promouvoir des formes
de pilotage, au niveau des établissements, En France toutefois, les résistances sont
qui vont au-delà des modalités bureaucra- fortes. Les chefs d’établissement, dont le
tiques et gestionnaires traditionnelles, avec corps a été créé en 2001, doivent rompre
des statuts, des salaires et indemnités et des avec la profession enseignante dont ils
mécanismes d’évaluation et de promotion de sont issus et se conformer à des pratiques
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
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2. Direction, pilotage,
de direction de plus en plus normalisées
(Pelage, 2011). Les enseignants sont pour leadership...
leur part traditionnellement hostiles à une
direction aux fonctions élargies, supposée Les travaux de l’OCDE montrent que la
aller à l’encontre de leur liberté pédago- notion de « direction », traduction restric-
gique (Gauthier, 2007). tive du terme anglais « leadership », sup-
pose l’exercice d’une influence intention-
Après une première synthèse sur les sy- nelle par une personne (ou un groupe) sur
nergies entre leadership et changements d’autres personnes (ou d’autres groupes),
éducatifs (Gaussel, 2007), le service Veille et repose sur la formulation d’objectifs ou
et Analyses propose dans ce dossier une de résultats à atteindre. Elle se distingue
analyse approfondie des acteurs et des de la gestion et de l’administration d’un
pratiques du leadership, à partir des tra- établissement scolaire, plus étroitement
vaux récents réalisés par des experts et associées à une efficacité procédurale, en
chercheurs internationaux. Après avoir lien avec un temps plus ou moins présent.
inscrit les principes du leadership dans un Les trois tâches, toutefois fortement imbri-
contexte politique global, nous nous inté- quées, rentrent dans les attributions des
ressons aux rôles des chefs d’établisse- chefs d’établissement. Le pouvoir de diri-
ment et des enseignants dans les établis- ger n’est pas le fait d’une seule personne,
sements scolaires avant de présenter plu- mais peut être réparti entre plusieurs per-
sieurs types de leadership qui semblent sonnes au sein de l’école et en dehors de
faire plus ou moins consensus. celle-ci (Pont et al., 2008).
En explorant les différentes approches
scientifiques, essentiellement nord-amé-
Leadership : ricaines, développées depuis les années
définition et enjeux 70, Spillane et al. (2008) distinguent deux
traditions dominantes : une tradition qui
Même si l’organisation du système sco- envisage le leadership comme lié à la per-
laire relève de la seule responsabilité des sonnalité, à la compétence et au style des
États, ces derniers sont tenus par des personnes, et une autre tradition, moins
lignes directrices communes, décidées au répandue et plus déterministe, liée à des
niveau européen (Hutmacher, 2007) ou formes d’organisations dominantes plutôt
dans des organismes internationaux tels qu’à des pratiques individuelles.
la Banque mondiale et l’OCDE. La doxa
dominante peut se résumer ainsi (Pair, En France, le terme utilisé est plutôt celui
2007) : de pilotage, dont Pair (2007) donne la dé-
− dans une économie fondée sur la finition suivante : « le pilotage met en jeu
connaissance et dans le cadre de la des règles de fonctionnement, des objec-
lutte contre la pauvreté, l’éducation est tifs à atteindre, des décisions pour que la
essentielle ; mise en œuvre conduise à des résultats
− mais les systèmes éducatifs sont trop conformes aux objectifs. Les décisions ne
rigides dans un monde en perpétuel sont pas prises une fois pour toutes et le
mouvement ; pilotage comporte donc une boucle de ré-
− la solution consiste à déplacer le pou- gulation qui vise à ce que les résultats ob-
voir vers les usagers et davantage res- tenus se rapprochent des objectifs fixés ».
ponsabiliser les établissements sco-
laires ; La notion de « pilotage » heurte certaines
− il revient aux pouvoirs publics de créer susceptibilités dans le corps enseignant :
le cadre de cette responsabilisation ; il y a une culture traditionnellement hostile
− les outils disponibles sont le mode de à cette idée qui est vécue comme allant à
financement, le libre choix de l’école l’encontre de la liberté pédagogique. Ceci
laissé aux usagers et l’évaluation des est d’autant plus prégnant en France que
établissements ainsi que la publication l’établissement n’est pas l’échelon princi-
des résultats de ces évaluations. pal en ce qui concerne le travail collectif ou
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3. l’évaluation : les programmes sont décidés des moyens que sur les résultats obtenus
au niveau national et sont mis en œuvre par les enseignants et les élèves. La pres-
dans la classe, ce qui est source d’inégalité sion sur le chef d’établissement peut géné-
et d’inefficacité (Gauthier, 2007). rer une tension plus ou moins forte entre la
responsabilité individuelle et les attentes
Pour Obin (2007), trois modes de pilotage collectives (parents, enseignants, adminis-
se confrontent : pilotage par les normes trateurs, etc.) (Barzano, 2011).
(dérive bureaucratique) ; pilotage par les
objectifs et les valeurs (prospère de nos Ces réformes empruntent cependant des
jours, mais dérive technocratique pos- formes variables. Globalement, on dis-
sible) ; pilotage par les valeurs et l’action tingue les pays du Nord de l’Europe où la
commune. C’est ce dernier mode de pilo- liberté des acteurs locaux est largement
tage qu’il défend. soutenue par la décentralisation politique,
des pays du Sud qui demeurent peu enclins
Pour Barroso, ce qui a été initié dans les à favoriser l’autonomie des établissements.
pays anglo-saxons par les politiques néo-
libérales de la nouvelle droite (Thatcher et Entre les deux, c’est la dissonance qui do-
Reagan), connu sous le nom de self-ma- mine. Ainsi en Belgique et au Pays-Bas, les
nagement school (Royaume-Uni, Australie établissements sont historiquement dotés
et Nouvelle Zélande) ou de school-based d’une forte autonomie. Des politiques extrê-
management (États-Unis ou Canada), mement volontaristes se sont développées
se distingue des volontés d’améliorer les dès les années 1980 au Royaume-Uni
systèmes existants comme en Allemagne, (Angleterre, Pays de Galles et Irlande du
Norvège, ou encore Portugal, Espagne, Nord). Des pays comme l’Allemagne et la
France, Italie : les contextes et les histoires France, de par leur histoire respective, ont
ne sont pas les mêmes. La principale dif- réalisé des avancées timides en matière
férence entre ces deux approches réside d’autonomie des établissements (Eurydice,
davantage dans le libre choix des familles 2007).
et la concurrence accrue entre établis-
sements (pays anglo-saxons) que dans S’agissant des mécanismes de responsa-
l’autonomie et la décentralisation qui est bilisation, l’Angleterre reste sans conteste
une tendance dans tous les pays (Barroso, le pays dans lequel une politique nationale
2007). exigeante a été généralisée, basée sur la
publication périodique de rapports. Dans
les autres pays, c’est la diversité qui pré-
Vers une nouvelle gestion vaut, avec une tendance naturelle à s’ap-
publique : décentralisation, puyer sur les dispositifs de contrôle déjà en
autonomie, obligation de vigueur. Au Portugal, le directeur rend des
résultats comptes devant l’assemblée qui l’a élu. En
France, ce sont les lettres de mission et les
contrats d’objectifs passés avec l’adminis-
Quelles réformes en matière de
tration territoriale qui sont les instruments
décentralisation ? d’évaluation. En Italie, même si l’évaluation
existe dans les textes officiels, elle n’a pas
De nombreux pays ont engagé des ré- de réalité dans le quotidien des établisse-
formes de leurs systèmes éducatifs en ments (Barzano, 2011).
faveur de la décentralisation. Il s’agit de
s’appuyer sur des établissements scolaires Malgré des calendriers différents, les pays
qui jouissent d’une plus grande autonomie, d’Europe ne font plus aujourd’hui de ces
tout en étant soumis à une plus grande obli- réformes une finalité ; la décentralisation
gation de résultats (accountability). Cette est ainsi davantage considérée comme un
autonomie touche potentiellement la ges- moyen au service d’objectifs plus directe-
tion budgétaire, les ressources humaines ment en lien avec l’enseignement et l’ap-
et la direction pédagogique. La reddition de prentissage (Eurydice, 2007).
comptes porte moins sur la mise en œuvre Autonomie des établissements et
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4. leadership (OCDE, 2011). Si dans des pays tels que
les États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-
Les travaux de l’OCDE distinguent deux Uni et la Suède, le pouvoir de décision
modèles de décentralisation qui peuvent des chefs d’établissement est élevé dans
influer sur le rôle du chef d’établissement la plupart des domaines, il reste bien plus
et donc sur le leadership (Pont et al., limité dans des pays tels que la Grèce, le
2008) : Portugal et la Turquie (OCDE, 2007). Au
− une décentralisation basée sur une Chili, en Corée et aux États-Unis, le rôle
responsabilité « locale », caracté- du chef d’établissement varie fortement
risée par un transfert des pouvoirs selon les écoles ; à l’inverse au Danemark
de décision à une instance intermé- et en Norvège, les chefs d’établissement
diaire entre l’État central et l’établis- ont des rôles relativement homogènes
sement scolaire (les Local Authorities d’une école à l’autre (Pont et al., 2008).
en Angleterre ou les School Districts
aux États-Unis). Les écoles font ainsi
partie d’un ensemble plus vaste d’éta- Leadership et culture du
blissements, les chefs d’établissement changement
sont amenés à exercer des fonctions
de pilotage en dehors du périmètre de Le leadership, en tant que relais entre
leur école et sont tenus de savoir tra- les politiques publiques et les pratiques
vailler en réseau au sein du système éducatives, est un maillon essentiel de la
éducatif local. mise en œuvre des réformes. Autrement
− une décentralisation basée sur une dit, il est en quelque sorte garant du chan-
responsabilité de l’école, caracté- gement. Son influence s’exerce à la fois
risée par une délégation de pouvoirs sur l’adaptation des processus scolaires
à l’établissement même. La charge et sur les cultures et comportements des
d’administration et de gestion dans personnels.
ces établissements est plus lourde et
va souvent de pair avec une diminu- Cette capacité de l’établissement, non
tion du temps accordé au pilotage des seulement à traduire sur le terrain les
activités d’enseignement et d’appren- réformes voulues par l’État central mais
tissage. Le personnel enseignant, les aussi à s’adapter à son environnement et
parents et les représentants locaux tenir compte des évolutions sociétales, est
participent souvent de façon formelle au cœur des défis que l’école doit relever
ou informelle aux prises de décision pour former les citoyens de demain (Pont
concernant l’établissement. et al., 2008). Pour Spillane et al. (2008),
le leadership vise fondamentalement à
Quel que soit le modèle dominant à promouvoir le changement et l’innovation
l’échelle nationale, les responsabilités des ; il se distingue ainsi du management qui
établissements varient considérablement cherche à garantir la stabilité et le bon
selon les pays, mais aussi selon les do- fonctionnement de l’établissement.
maines de décision. Certains pays prônent
l’autonomie à la fois administrative et
pédagogique des établissements ; c’est Dans une perspective de lea-
le cas des Pays-Bas, de la République dership, il s’agit en priorité
Tchèque et, dans une moindre mesure, d’agir sur l’environnement
de l’Angleterre. D’autres, à l’inverse, dis- et pas seulement de réagir à
posent de marges de manœuvre extrême-
l’environnement.
ment réduites, tant en terme de gestion de
budget et de ressources humaines, qu’en
termes de programmes et d’évaluation
(Grèce, Turquie). D’autres enfin com-
binent une forte autonomie pédagogique C’est aussi l’idée défendue par Ehrich &
avec une faible autonomie administra- Cranston (2009) lorsqu’ils estiment que
tive : Nouvelle-Zélande, Corée et Japon dans un monde en perpétuel changement,
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5. les chefs d’établissement doivent être qui rassemble ici professionnels du lea-
proactifs et ne pas se contenter d’appli- dership et chercheurs. Le 32ème colloque
quer des réformes. de l’AFAE, intitulé « Équipe de direc-
tion, équipe enseignante » interroge les
Pour Fullan (2010), le changement peut tensions entre sphère administrative et
être « conduit » (led) mais pas contrôlé sphère pédagogique, tout en cherchant
(managed), et c’est le chef d’établisse- à les dépasser (AFAE, 2010).
ment qui joue un rôle clé dans ce pro-
cessus. C’est lui qui peut mobiliser les Pour Gauthier (2007), en effet, l’initiative
enseignants, garantir de bonnes condi- pédagogique doit être au cœur de l’éta-
tions d’exercice et promouvoir une culture blissement et ne peut venir que d’un col-
apprenante au sein de l’établissement. Le lectif. Avec le leadership, « il ne s’agit en
changement n’est pas réductible à l’inno- réalité pas de quelque autorité person-
vation, mais concerne davantage la ca- nelle du chef qui irait imposer un « pou-
pacité à innover dont l’organisation - ici voir pédagogique », mais de la fonction
l’école - fait preuve (innovation vs inno- d’initiative pédagogique dont chaque pro-
vativeness). « The principal of the future fesseur doit être porteur et qui doit être
- the Cultural Change Principal - must be répartie entre les acteurs, et coordonnée
attuned to the big picture, a sophisticated par le chef d’établissement ». Il en est de
conceptual thinker who transforms the même pour Spillane et al. (2008) : « le
organization through people and teams leadership est défini comme l’identifica-
(Fullan, 2001). Cultural Change Principals tion, l’acquisition, l’affectation, la coor-
display palpable energy, enthusiasm, and dination et l’utilisation des ressources
hope. In addition, five essential compo- sociales, matérielles et culturelles qui
nents characterize leaders in the knowle- établissent les conditions préalables à
dge society: moral purpose, an understan- l’enseignement et aux apprentissages.
ding of the change process, the ability to Il implique de mobiliser le personnel, les
improve relationships, knowledge creation élèves pour repérer et s’attaquer aux
and sharing, and coherence making » tâches de réforme pédagogique et ex-
(Fullan, 2010). ploiter les ressources nécessaires pour
soutenir la transformation de l’enseigne-
Cette vision fondamentalement dyna- ment et des apprentissages. »
mique de l’établissement, qui s’incarne
notamment dans la fonction de chef d’éta- Cet horizon commun se traduit par la dé-
blissement, ne trouve que peu de réso- finition de nouveaux indicateurs, fondés
l nance dans les pratiques de leadership sur des objectifs d’équité et de réussite
Voir aussi : telles qu’elles peuvent être observées des élèves : améliorer les résultats des
- Hargreaves Andy, aujourd’hui par les chercheurs. Le focus élèves, notamment pour ce qui concerne
Liebermann Ann, Ful- porte clairement sur l’évaluation du les compétences de base ; réduire les
lan Michael & Hopkins « changement », c’est-à-dire l’améliora- écarts de résultats entre les différentes
David (dir.). (2010).
Second Internatio- tion des résultats des élèves. l populations d’élèves ; assurer une meil-
nal Hand-book of leure intégration de certaines popula-
Educational Change. tions d’élèves à besoins particuliers ; ré-
Dordrecht : Springer. duire les taux de décrochage, en particu-
Diriger autrement pour
- Townsend Tony & améliorer les résultats des lier dans l’enseignement obligatoire, etc.
MacBeath John (dir.) élèves
(2011). International L’idée qu’une direction d’établissement
Handbook of Lea- L’autonomie croissante des établisse- efficace doit permettre d’améliorer l’effi-
dership for Learning.
Dordrecht : Springer. ments s’accompagne d’un recentrage cience et l’équité de l’enseignement
sur les questions d’enseignement et s’enracine dans deux courants de pen-
d’apprentissage. Le réseau Leadership sée qui marquent les recherches sur la
for Learning récemment créé par la qualité en éducation depuis près de 30
faculté d’éducation de Cambridge, est ans : school effectiveness et school im-
une manifestation concrète des liens provement.
étroits entre leadership et pédagogie L’influence du school
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6. effectiveness et du school blissement est un facteur explicatif signifi-
improvement catif des différences entre établissements
scolaires. » (Dumay & Dupriez, 2004).
Si l’on observe aujourd’hui une certaine
convergence entre ces deux courants, les En tout état de cause, avec les enquêtes
approches qui ont présidé à leur création PISA, le rôle des établissements scolaires
restent relativement distinctes (Berger dans la réussite des élèves est revenu sur
et al., 2004). D’un côté, le courant des le devant de la scène (Rey, 2011), et les
écoles efficaces (school effectiveness) deux courants tendent à se rapprocher
cherche à montrer que les résultats va- (cf. revue School Effectiveness & School
riables des élèves peuvent s’expliquer Improvement) : les modes d’évaluation se
par des facteurs qui ne relèvent pas ex- combinent pour le bénéfice à la fois des
clusivement des caractéristiques de ces établissements et des élèves, sous l’effet
mêmes élèves, mais sont aussi liés aux de la généralisation des politiques d’obli-
établissements et aux enseignants. Les gation de résultats (Townsend, 2007).
recherches, plutôt quantitatives, sont
centrées sur l’organisation de l’école, Les recherches issues de ces courants
elles s’appuient préférentiellement sur trouvent cependant un écho marginal
des évaluations externes, s’intéressent à en France. Depuis la loi d’orientation de
l’école telle qu’elle est et privilégient une 1989, c’est le projet d’établissement qui
approche du changement focalisée sur concentre l’attention des pouvoirs publics
les réformes en cours. et des chercheurs, même si cette orien-
tation est moins dominante aujourd’hui.
D’un autre côté, le courant de l’amélio- C’est le rôle prépondérant de l’État fran-
ration de l’école (school improvement) çais dans la définition de l’architecture du
porte davantage sur les processus ; il système éducatif qui pourrait expliquer
s’agit d’une « approche particulière du le peu d’intérêt accordé aux corrélations
changement éducatif qui a pour objectif potentielles entre la vie de l’établissement
d’améliorer les résultats des élèves aussi et ses performances (Berger et al., 2004).
bien que la capacité de l’école à gérer les
changements. Elle se préoccupe d’amé- En France, l’effet maître est important,
liorer la performance de l’élève en se c’est pourquoi d’après Forestier (2007),
concentrant sur le processus d’enseigne- l’autonomie pédagogique doit primer
ment-apprentissage et sur les conditions lorsque l’on parle d’autonomie des établis-
qui le soutiennent. » (Hopkins 2001, cité sements. D’après les chiffres avancés par
par Berger et al., 2004). Les recherches Bressoux (2008), l’effet maitre intervient
sont plutôt qualitatives, privilégient l’auto- dans la réussite des élèves à hauteur
évaluation des établissements et s’inté- de 10%, tout comme l’origine sociale, et
ressent au « comment » les écoles « de- l’effet établissement à hauteur de 5%. Le
viennent » efficaces (et donc aux acteurs). rapport s’inverse toutefois dans les éta-
blissements situés dans des zones défa-
Dans l’un ou l’autre cas, les études réali- vorisées, rendant le travail en équipe plus
sées ont pris le contrepied de ce qui était nécessaire.
défendu dans les années 1960-70 : les
différences entre établissements s’expli-
queraient davantage par des pratiques Quel impact du leadership
managériales différentes que par les pu- sur l’enseignement et
blics qui les fréquentent. Les études plus l’apprentissage ?
récentes dépassent ce débat et posent
une double hypothèse : « d’une part, les Toutes les études portant sur le déploie-
processus managériaux et pédagogiques ment d’une réforme ou d‘un dispositif quel
développés dans les établissements sco- qu’il soit soulignent systématiquement
laires sont indexés par le public qui les l’importance de l’engagement du chef
compose, et d’autre part, l’articulation de d’établissement pour une meilleure at-
ces pratiques avec la composition d’éta- teinte des objectifs. Tout se passe comme
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7. s’il était entendu que la direction d’un éta- nisation de l’école et des relations avec
blissement devait jouer un rôle moteur à les parents et plus largement la commu-
tous les niveaux, sans que soient précisé- nauté qui peuvent avoir un impact sur la
ment pointés les effets d’une insuffisance. réussite des élèves.
Ce qui contribue effectivement à l’amélio- Les travaux de Leithwood et al. (2006)
ration des résultats des élèves n’est pas pour le Ministère de l’éducation anglais
non plus évident à démontrer parce que soulignent l’importance des qualités
la réussite ou l’échec n’est bien évidem- et des compétences personnelles des
ment pas imputable au seul leadership. leaders pour développer des stratégies
Les recherches mettent généralement en adaptées à l’environnement où ils se
évidence trois types de corrélation : trouvent : il s’agit d’agir simultanément sur
− l’origine sociale, économique et cultu- les capacités et motivations des person-
relle des élèves, qui constitue la princi- nels de l’établissement et sur les condi-
pale source de variation ; tions dans lesquelles ils interviennent. Si
− les facteurs liés au système scolaire les performances de l’établissement sont
(niveau macro) ; faibles, la mobilisation pour construire
− les variables liées à l’établissement une culture commune de la réussite par
scolaire, en particulier l’engagement exemple sera davantage le fait du chef
des enseignants et les pratiques péda- d’établissement au départ que le résultat
gogiques (Feyfant, 2011). d’une construction collective.
Les recherches de type « evidence- La revue systématique réalisée par Ro-
based » ne permettent pas en effet de binson et al. (2009) pour le Ministère de
mettre au jour une corrélation directe l’éducation néo-zélandais montre qu’un
entre le leadership et la réussite des leadership focalisé sur la pédagogie (pe-
élèves. La méga-analyse réalisée par dagocical leadership) est plus à même
Hattie (synthèse de 800 méta-analyses d’influencer positivement la réussite des
traitant 50000 recherches) ne fournit que élèves qu’un leadership davantage basé
des preuves indirectes de cette corré- sur les relations et la promotion d’une
lation : le fait que les apprentissages se vision commune (transformational lea-
déroulent dans un climat scolaire structu- dership). Parmi les cinq dimensions péda-
ré, que les enseignants développent des gogiques identifiées, ce sont les actions
pratiques collégiales au sein d’équipes du leadership visant à promouvoir le
motivées et stables, favorisent les ap- développement des enseignants qui
prentissages. Mais ce sont les facteurs sont les plus efficaces : il s’agit de leur
liés à la personnalité de l’enseignant et à fournir des opportunités formelles et in-
l’organisation d’une séance pédagogique formelles d’évoluer dans leurs pratiques
qui sont les mieux à même de prédire la en favorisant un climat d’échanges entre
réussite des élèves (Hattie, 2009). Ces ré- enseignants et élèves, en développant
Les domaines clés sultats convergent avec d’autres travaux une responsabilité collective pour la réus-
l
d’action pour un lea- qui mettent invariablement en évidence site des élèves et en accompagnant les
dership efficace sont
les suivants : adopter le rôle charnière, bien qu’indirect, joué enseignants pour résoudre les difficultés
un consensus concer- par le chef d’établissement dans la pro- rencontrées. l
nant les missions de gression des élèves (Scheerens, 2007 ;
l’établissement ; favori- Townsend, 2007). Si l’on appréhende toute l’importance du
ser la prise de décision
collective ; développer « collectif » dans la plupart des études
des pratiques réflexives Certaines revues systématiques, cen- d’impact dédiées au leadership, peu de
pour l’apprentissage trées exclusivement sur les liens entre recherches empiriques permettent d’éva-
mutuel ; développer leadership et réussite des élèves vont luer véritablement les effets du leadership
un climat de confiance
pour promouvoir la également dans ce sens. Les huit études distribué (Leithwood et al., 2006). D’après
collaboration ; favori- de cas analysées par l’EPPI-Centre de Mulford (2003), un leadership qui est à la
ser la prise d’initiative, Londres (Bell et al., 2003) montrent que fois basé sur un rôle fort du chef d’établis-
voire de risques (Mul- ce sont les actions du leadership en fa- sement et sur une distribution des fonc-
ford & Silins, 2009).
veur du travail des enseignants, de l’orga- tions de direction est le plus à même de
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8. faire une différence, en particulier dans une nombreux à détenir la responsabilité de la
perspective d’amélioration durable (sustai- définition et de l’élaboration de leurs pro-
nable improvement). Cette perspective, grammes et évaluations, plus la perfor-
pour être effective, ne peut se limiter aux mance du système d’éducation dans son
modalités du nouveau management public, ensemble est élevée » (OCDE, 2011).
elle doit s’appuyer sur la capacité même de
l’école à apprendre et évoluer. l
Voir aussi :
l
C’est donc l’autonomie péda-
Pour Elmore (2008) également, les stra-
tégies pour développer et diffuser les gogique au niveau de l’établis- - Huber Stephan
(dir.) (2010). School
connaissances et les compétences au sein sement qui prédit le mieux la Leadership - Interna-
des établissements sont essentielles. Il réussite des élèves. tional Perspectives.
plaide pour une fonction davantage centrée Dordrecht : Springer.
sur l’« apprentissage organisationnel » - Moos Lejf, Johans-
(organisational learning) et moins régulée son Olof, & Day Chris-
topher (dir.) (2011)
par les mesures de contrôle et évaluations En revanche, la corrélation entre l’autono- How School Princi-
externes. Les récents travaux de Day et mie administrative et la performance des pals Sustain Success
al. (2009) font écho à cette conclusion. établissements est moins évidente ; elle Over Time: Interna-
Les établissements les moins efficaces s’avère positive dans les pays où la culture tional Perspectives.
Dordrecht : Springer.
accordent plus d’importance à l’utilisation de la responsabilisation est favorisée,
des données qu’aux valeurs communes c’est-à-dire dans les pays où les établisse-
qui cimentent les actions de leadership et ments rendent majoritairement publics
qui visent à la fois la promotion du bien être leurs résultats (OCDE, 2011).
individuel et social et la meilleure réussite
des élèves.
Les acteurs du
Les chefs d’établissement leadership
des écoles les plus efficaces
savent améliorer les résultats L’autonomie des établissements va de pair
des élèves à travers ce qu’ils avec de nouveaux modèles de répartition
sont (leurs valeurs, leurs com- des tâches de direction et de nouveaux
types de responsabilité. Le leadership
pétences) et les stratégies
s’entend comme un engagement collectif, il
qu’ils déploient (Day et al., ne relève pas de la seule responsabilité du
2009). chef d’établissement. Cette répartition des
tâches de direction peut être plus ou moins
formalisée ; elle peut s’incarner dans la
constitution d’équipes de direction ou bien
Ils empruntent tous à un répertoire de va- s’ouvrir à une délégation plus systématique
leurs éducatives et de qualités person- des responsabilités et une implication plus
nelles et interpersonnelles et à un éventail forte des enseignants.
d’actions stratégiques internes et externes,
mais savent aussi articuler ces éléments
avec les besoins de l’école et les injonc- Chef d’établissement : une
tions des politiques nationales. profession en mutation
Les enseignements de PISA ne sont pour Quelle que soit l’autonomie dont jouit l’éta-
autant pas à négliger quand on s’éloigne blissement, et quelle que soit l’amplitude
des établissements pour examiner l’effi- de cette distribution des responsabilités, le
cacité des différents systèmes éduca- chef d’établissement reste dans une grande
tifs. Ils s’avèrent notamment sans ambi- majorité des cas celui à qui incombe la plus
guïté quand il s’agit d’évaluer l’impact de grande part de pouvoirs dans l’école.
l’autonomie sur les performances. « Plus
les établissements d’enseignement sont
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
8/28 Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
9. Une profession sous influence constitue un frein à l’implémentation des
réformes et au changement (Mulford,
Des responsabilités accrues, une fonc- 2003).
tion plus stratégique
Selon Barzano (2011), les chefs d’éta-
La fonction de chef d’établissement a blissement doivent agir dans un cadre
connu des évolutions importantes au cours qui est de plus en plus influencé par les
des décennies passées dans tous les pays politiques internationales, tout en tenant
de l’OCDE : de quelques responsabilités compte des particularités nationales et
supplémentaires assumées par un ensei- locales. Ils sont les agents principaux de
gnant, elle est devenue (ou tend à devenir) cette articulation entre le niveau global
une fonction à part entière, d’abord carac- et le niveau local (vernacular globaliza-
térisée par une responsabilité administra- tion ou glocalization). Les idées globales
tive accrue, puis de plus en plus concernée doivent être recontextualisées et remo-
aussi par des tâches d’ordre pédagogique. delées en fonction des histoires locales
et des relations sociales.
D’une façon générale, le rôle du chef d’éta-
blissement évolue vers une conception Des tensions entre administration et
du métier plus systémique, visant à faire pédagogie
de l’établissement une organisation appre-
nante et privilégiant le pilotage à l’adminis- Dans un grand nombre de pays, les
tration. Dans certains pays, le fait de définir chefs d’établissement disposent d’une
des stratégies à long terme et d’en garantir véritable responsabilité pédagogique
la réussite fait officiellement partie des at- (Dutercq, 2006). Cette dimension péda-
tributions du chef d’établissement (Suède, gogique de leur fonction, bien que sujet
Angleterre, Écosse, Irlande et Irlande du à débat en France, est reconnue comme
Nord). une évolution nécessaire par les milieux
scientifiques et politiques. Il s’agit de
Les chefs d’établissements sont donc savoir accueillir des populations d’élèves
censés développer une attitude plus stra- très diverses, de mettre en œuvre des
tégique, supposant une certaine compé- programmes plus propices à l’intégration
tence dans la manipulation de données de ces populations, de proposer des acti-
très diverses, en particulier les résultats vités permettant une démarche plus per-
des tests standardisés. Ils sont égale- sonnalisée et privilégiant un apprentis-
ment supposés savoir mieux communi- sage actif plus autonome (AFAE, 2010).
quer sur leur établissement, potentielle- Il s’agit surtout de favoriser « l’apprentis-
ment pour le « vendre » à une clientèle sage organisationnel », c’est-à-dire de
moins captive que par le passé, et en tout « donner aux établissements les moyens
état de cause savoir mieux se positionner d’obtenir de bonnes performances et de
dans un environnement plus concurren- s’améliorer en permanence », en vue
tiel (Pont et al., 2008). d’améliorer les résultats des élèves (El-
more, 2008).
Sous l’effet conjugué de l’autonomie plus
large des établissements et de l’obliga-
tion accrue de rendre des comptes, leur En d’autres termes, le chef
charge de travail s’est considérablement d’établissement est appelé
alourdie et complexifiée. Le caractère à devenir « le leader de l’ap-
cumulatif des exigences externes peut prentissage, chargé de créer
se traduire par une fragmentation exces- des communautés profession-
sive des tâches qui nuit à la cohérence nelles » et doit intégrer des
globale de l’activité et sape la capacité
méthodes d’évaluation et de
des établissements à évoluer. La concur-
valorisation professionnelles
rence potentielle entre des modes de
management anciens et nouveaux et des plus élaborées.
formes d’apprentissage organisationnel
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
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10. Il est censé jouer un rôle plus actif dans enseignants deviennent des prati-
le pilotage de l’enseignement : « suivre ciens réflexifs et sont engagés dans
et évaluer les performances des ensei- une dynamique collective au sein de
gnants, conduire et organiser des activi- l’établissement. L’État est un État
tés de mentorat et de soutien, gérer régulateur et évaluateur.
l’évolution professionnelle des ensei-
gnants et orchestrer le travail en équipe Des traditions nationales profondé-
et le travail pédagogique en groupe » ment ancrées
(Pont et al., 2008).
Les manières de recruter les chefs
Sur les 22 pays participant à l’enquête d’établissement restent marquées par
de l’OCDE sur la direction des établis- les traditions nationales ; elles mettent
sements, 14 signalent l’existence de au jour des relations complexes entre
dispositions officielles faisant de l’éva- direction et enseignement. Ils sont fré-
luation des enseignants une respon- quemment recrutés parmi les ensei-
sabilité importante des chefs d’éta- gnants et entrent dans la fonction à
blissement. Ces dispositions varient l’apogée d’une carrière d’enseignement,
de très importantes (Slovénie) à très même si c’est moins vrai en Angleterre
faibles (Chili), et sont le plus souvent et que ce n’est plus une obligation en
intégrées à un cadre d’évaluation plus France.
général visant à renforcer la qualité.
Les objectifs se répartissent de façon Le concours de recrutement est très
assez équilibrée « entre évaluation, es- centralisé en France et en Italie, le
timation des performances, planification postulat étant qu’un bon leader sera
du perfectionnement professionnel et bon quel que soit l’établissement dans
base pour les promotions ». L’entretien lequel il officie. En Angleterre, les chefs
annuel avec le chef d’établissement est d’établissements répondent à des an-
une pratique courante, couplée ou non nonces dans un journal spécialisé, ils
à d’autres méthodes telles que l’obser- passent ensuite des tests avec des cri-
vation en classe et l’examen des docu- tères qui varient d’un poste à l’autre ; la
ments préparés par l’enseignant (plans connaissance du contexte local s’avère
de cours, données sur les résultats des un atout important. Au Portugal, le chef
élèves, examens par les pairs, auto- d’établissement est élu pour une durée
évaluations, etc.) (Pont et al., 2008). de quatre ans par une assemblée mixte
− En France, où le degré d’autonomie comprenant entre autres des ensei-
des établissements est moindre, gnants ; s’il n’est pas réélu, il redevient
l’intervention plus importante des enseignant. Contrairement à l’Italie et la
chefs d’établissement dans l’activité France, le concept de mutation n’existe
des enseignants ne laisse pas indif- pas en Angleterre ni au Portugal (Bar-
férent. La liberté pédagogique des zano, 2011).
enseignants est toujours affirmée et
mise en avant par les organisations Les responsabilités du chef d’établis-
enseignantes pour refuser une plus sement et le niveau d’autonomie dont
grande implication des chefs d’éta- il dispose varient fortement d’un pays à
blissement au niveau pédagogique. l’autre, mais aussi parfois d’un établis-
En effet, deux discours s’affrontent sement à l’autre. Ses attributions sont
(Hassani & Meuret, 2010) : en effet plus ou moins réglementées.
− le discours critique : il y a un risque Si le Royaume-Uni dispose d’un cadre
de déprofessionnalisation des ensei- professionnel très élaboré et détaillé,
gnants, les enseignants sont « prolé- la législation en Autriche demeure plus
tarisés » et démoralisés par la perte évasive. Dans les pays nordiques, à
de sens de leur métier. Ils refusent l’exclusion de la Suède, en Belgique fla-
l’application de « l’idéologie néolibé- mande et aux Pays-Bas, le cadre légis-
rale » à l’école. latif est quasiment inexistant (Pont et
− le discours modernisateur : les al., 2008).
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
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11. la vie scolaire, l’orientation et l’insertion
« En Finlande, le chef d’éta- des élèves (Dutercq, 2006). Le référentiel
blissement est un Forestan- du métier de chef d’établissement (2000)
dare - c’est-à-dire celui qui précise que, s’il lui revient de conduire
représente l’établissement. Au la politique pédagogique et éducative de
Danemark, il est l’Inspektor, l’établissement et s’il est le garant de l’effi-
cacité pédagogique, ses responsabilités
celui qui supervise. En Suède,
concernent malgré tout la périphérie de
le chef d’établissement est ce- l’acte pédagogique (l’orientation, l’éva-
lui qui détient les plus hautes luation, l’assiduité) et non son cœur dont
responsabilités dans les écoles l’évaluation revient à l’inspecteur pédago-
confessionnelles, et il porte le gique régional (Hassani & Meuret, 2010).
titre de Rektor depuis la fin du
XIIIe siècle. Au Royaume-Uni, Des contextes locaux qui influent éga-
les chefs d’établissement sont lement sur l’activité des chefs d’éta-
des head teachers. » (Pont et blissement
al., 2008).
Outre les caractéristiques propres à la
population scolaire accueillie (ses ori-
gines sociales en particulier), les critères
les plus discriminants sont liés à l’école
même : sa situation géographique, sa
Dans de nombreux pays, les chefs d’éta- taille, le fait qu’elle soit ou non publique,
blissement sont considérés comme des le type de formation proposé et le niveau
primus inter-pares, c’est-à-dire des ensei- d’enseignement concerné.
gnants qui se distinguent des autres par
le nombre de responsabilités qu’ils assu- Dans les écoles primaires, le directeur
ment. En France et en Angleterre, ils sont est généralement plus proche des ensei-
les supérieurs hiérarchiques des ensei- gnants et des élèves, plus impliqué dans
gnants, mais pas en Italie ni au Portugal les questions d’ordre pédagogique, alors
(Barzano, 2011). Ils remplissent égale- que dans les grands établissements se-
ment très souvent des fonctions d’ensei- condaires, son rôle en matière de pédago-
gnement, en particulier dans les écoles pri- gie est plus indirect, il s’appuie davantage
maires et dans les établissements où les sur les instances et les professeurs princi-
effectifs sont peu importants : c’est le cas paux par exemple (Leithwood, 2005).
en Angleterre, en Autriche, en Belgique
(flamande et francophone), en Écosse,
en Espagne, en France, en Irlande et en
Une profession qui doit devenir plus
Nouvelle-Zélande par exemple (Pont et
attrayante
al., 2008).
En France, le rôle du chef d’établissement Une profession vieillissante, surmenée
a été redéfini avec la création en 1985 des et peu valorisée
Établissements publics locaux d’ensei-
gnement (EPLE), notamment pour ce qui D’après les travaux de l’OCDE (Pont et
concerne le domaine pédagogique. Avec al., 2008), l’effectif des chefs d’établis-
l’autonomie croissante des établisse- sement peut varier de 250 à 55000 per-
ments, les prérogatives de l’inspection di- sonnes selon les pays, et se situe majo-
minuent. Les chefs d’établissement jouent ritairement en deçà de 5000. Cet effectif
alors un rôle de régulateur des activités réduit, issu essentiellement des écoles
de son établissement (Hassani, 2007). Il primaires, plus nombreuses, compose
faut attendre la loi d’orientation de 1989 une profession vieillissante et peu fémi-
pour qu’ils se voient attribuer davantage nisée. Dans des pays tels que la Corée,
de pouvoirs concernant notamment la la Belgique (Communauté française) et le
relation avec les partenaires extérieurs, Danemark, plus de 75% des chefs d’éta-
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
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12. blissements sont âgés de plus de 50 ans. munération ;
Les femmes chefs d’établissement, sur- − des formations initiales et des moda-
représentées dans les écoles primaires, lités de formation continue qui sou-
sont en revanche sous-représentées dans tiennent la professionnalité ;
les établissements secondaires dans une − un rôle reconnu des organisations pro-
grande majorité de pays. fessionnelles de chefs d’établissement
dans la réforme de la profession et
Sur les 22 pays qui ont participé au pro- dans la dissémination des pratiques ;
gramme de l’OCDE, 15 signalent un − des perspectives d’évolution profes-
nombre de candidatures inférieur au sionnelle et de mobilité mieux formali-
nombre de postes publiés. Les motifs évo- sées (Pont et al., 2008).
qués pour expliquer la désaffection sont :
« l’image négative associée à ce poste, la Une mobilisation forte des États et des
surcharge de travail et de responsabilités, associations professionnelles
l’absence de préparation et de formation,
ainsi que le niveau insuffisant des traite- Nombre d’associations professionnelles
ments et rémunérations. » (Pont et al., sont aujourd’hui mobilisées pour définir et
2008). promouvoir des outils et ressources sus-
ceptibles de soutenir la professionnalisa-
Le nombre et la variété des exigences de tion des chefs d’établissement. La créa-
la profession soulèvent en effet de nom- tion en 2010 de l’Australian Institute for
breuses questions. En Angleterre, les Teaching and School Leadership témoigne
chefs d’établissement effectuent des ho- de l’intérêt australien pour la promotion de
raires hebdomadaires souvent longs (54h l’excellence au travers de normes parta-
dans le primaire et 65h dans le secondaire gées par la profession. L’association na-
en moyenne) ; 61% d’entre eux évoquent tionale américaine New Leaders accom-
un déséquilibre entre leur vie profession- pagne les écoles dans la mise en œuvre
nelle et leur vie privée (Pricewaterhou- de leurs politiques et de leurs pratiques de
seCoopers, 2007). En Nouvelle Zélande, leadership, et s’appuie notamment sur le
les réformes récentes en matière de lea- programme Urban Excellence Framework
dership ont eu pour effet d’allonger de 10 qui s’attache à disséminer ce que font les
heures par semaine le temps de travail « leaders » dans les bonnes écoles pour
des chefs d’établissement et d’accroître faire réussir leurs élèves. Le National Col-
les tensions entre les obligations adminis- lege for School Leadership en Angleterre
tratives et les attributions pédagogiques joue un rôle clé dans la définition du cadre
dans la gestion des priorités (Wylie, 2007). réglementaire de la profession et dans
la conception d’une offre de formation à
Dans ce contexte de fragilité, il importe l’échelle nationale.
que les pays se mobilisent pour prépa-
rer la relève et saisissent cette opportu- En Europe, le réseau European Qualifi-
nité pour recruter et former une nouvelle cation Network for Effective School Lea-
génération de chefs d’établissements, dership joue également un rôle clé dans
mieux sensibilisés aux questions de lea- la dissémination des pratiques de lea-
dership. Pour limiter la désaffection dont dership, tandis que le réseau d’experts
souffre cette profession, plusieurs actions European Policy Network on School Lea-
peuvent être entreprises à l’échelle même dership, récemment créé par la Commis-
du système : sion européenne, cherche à développer
− un renouvellement des modes de re- des synergies plus étroites entre les déci-
crutement visant plus de transparence deurs, les chercheurs et les profession-
et de cohérence, avec des critères ba- nels du leadership.
sés sur une évaluation plus diversifiée
des candidats, permettant par exemple Une des actions concrètes pour revalo-
de réduire l’importance accordée à riser la profession consiste à concevoir
l’ancienneté ; un référentiel métier. Ces référentiels
− une revalorisation des barèmes de ré- servent à fixer les caractéristiques, tâches
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
12/28 Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
13. et responsabilités des chefs d’établisse- enseignants. D’autres études montrent
ment efficaces. Ils jettent les bases d’une que les établissements s’améliorent plus
démarche cohérente de recrutement, de vite quand leurs leaders ont bénéficié
formation et d’évaluation des chefs d’éta- d’une certification (Schleicher, 2012).
blissements, et cherchent à définir les
principaux domaines de responsabilité, Si les enjeux stratégiques sont relative-
sans évacuer les éléments propres au ment convergents, les dispositifs déployés
contexte local et en y incluant potentielle- peuvent varier considérablement en fonc-
ment les responsabilités des enseignants tion des contextes nationaux et locaux,
(Ingvarson et al., 2006). et être plus ou moins axés sur le recrute-
ment, la formation et le perfectionnement
Plusieurs pays se sont d’ores et déjà dotés des chefs d’établissement. En matière de
de tels référentiels : c’est le cas en Écosse, recrutement, plusieurs pays cherchent au-
en Irlande du Nord, aux Pays-Bas, au Da- jourd’hui à encourager les vocations en
nemark et en Nouvelle-Zélande. Ces réfé- amont, en identifiant les enseignants pré-
rentiels doivent miser sur l’engagement sentant des aptitudes au leadership lors
plus que sur la conformité pour devenir des évaluations individuelles, ou bien en
des principes réellement structurants pour proposant des séances d’initiation à tous
la profession. Il importe donc qu’ils soient ceux qui manifesteraient un intérêt pour
conçus et mis à jour avec les chefs d’éta- ce type d’activité (Schleicher, 2012).
blissements eux mêmes, comme c’est le
cas aux Pays-Bas (Pont et al., 2008). Les dispositions relatives à la formation
initiale des chefs d’établissement sont
Comment recruter, former et accompa- généralement centralisées dans les pays
gner les chefs d’établissement ? dotés de systèmes éducatifs eux-mêmes
centralisés (Allemagne, France, Hong
Jusqu’à récemment, peu de systèmes Kong et Singapour). À l’autre extrémité,
éducatifs exigeaient une qualification en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas,
pour entrer dans la carrière et la forma- les établissements disposent d’une forte
tion initiale, quand elle existait, n’articulait autonomie et de nombreux programmes
pas toujours efficacement les contenus de formation sont proposés par les entre-
de formation avec les réalités du métier. prises locales (Mulford, 2003).
Récemment, les réformes engagées dans
plusieurs pays ont fait une priorité expli- Dans la majorité des pays, des mesures
cite de la formation et du développement d’accompagnement existent. Les évalua-
professionnel des chefs d’établissements, tions des chefs d’établissement, qu’elles
en rapport avec l’amélioration des perfor- relèvent des autorités locales, de l’inspec-
mances des établissements et des résul- torat ou des conseils d’établissement, sont
tats des élèves (Schleicher, 2012). moins systématiques que les programmes
de formation initiale et peu homogènes
L’existence de dispositifs de formation d’un pays à l’autre. Certains pays privi-
exerce une influence sur les pratiques pro- légient l’examen des performances des
fessionnelles des chefs d’établissement ; établissements, d’autres s’attachent da-
ces dispositifs impactent indirectement vantage aux résultats des élèves et à la
la réussite des élèves en favorisant de manière dont ces résultats sont utilisés
meilleures dynamiques d’enseignement pour progresser (Schleicher, 2012).
et d’apprentissage, comme le démontre
l’étude de Darling-Hammond (2007) sur Diverses formes d’accompagnement
les programmes de formation initiale iden- telles que le mentorat et le tutorat, qui ont
tifiés comme « exemplaires ». L’enquête fait leurs preuves auprès des enseignants
longitudinale réalisée sur 35 établisse- (Davidson & Jensen, 2009), peuvent être
ments suédois par Blossing & Ekholm mises au service du développement pro-
(2005), met en évidence l’impact de la fessionnel des chefs d’établissement. La
formation des chefs d’établissement sur le tendance qui se dessine est de privilégier
développement du travail collaboratif des des formations en situation, sur le lieu de
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
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14. travail (Angleterre, France, Singapour, sables de l’établissement ;
Afrique du Sud, etc.). Des anciens chefs − elles ont les fonctions d’un véritable
d’établissement ou certains encore en organe de direction, avec un chef
activité sont impliqués dans la formation, d’établissement considéré comme un
leurs savoir-faire sont sollicités (Bush, simple membre.
2008).
Les équipes de direction en tant que
Aujourd’hui des pays tels que l’Angleterre, telles sont plus ou moins dotées en per-
le Canada (Ontario), l’Irlande, l’Irlande du sonnels, selon le nombre d’élèves sco-
Nord, l’Écosse et l’Australie (Victoria) ont larisés dans l’établissement. Les chefs
opté pour une approche holistique. Ils ont d’établissement sont souvent secondés
tous mis en œuvre des programmes com- par des adjoints dont les attributions se
plexes allant de certifications initiales, à concentrent sur certaines tâches précises
des modules et stages de formation conti- d’administration et de gestion. Dans des
nue en passant par des dispositifs d’ac- pays tels que le Chili et l’Angleterre, les
compagnement à la prise de fonction en équipes de direction sont composées
début de carrière. Ces programmes sont d’une diversité de profils, permettant de
souvent intégrés à des stratégies plus prendre en charge de façon explicite la
globales pour améliorer l’école et sont multiplicité des responsabilités en termes
généralement conçues par une institution de budget, de ressources humaines et
ou une organisation nationale, telle que le d’organisation pédagogique (Pont et al.,
National College for School Leadership en 2008).
Angleterre (Schleicher, 2012).
Dans certaines configurations, rares
Répartition et délégation de cependant, les équipes de direction tra-
pouvoirs : les structures et vaillent de manière répartie sur plusieurs
acteurs sollicités établissements, avec ou sans le soutien
d’une structure extérieure. C’est le cas de
l’expérience menée par une municipalité
Des équipes de direction et conseils finlandaise, rapportée par Hargreaves et
d’établissement élargis al. (2008) : il a été demandé à cinq chefs
d’établissement d’occuper une fonction
Au sein des établissements, plusieurs de coordination à l’échelle du « district
structures de gouvernance peuvent être scolaire » pour un tiers de leur temps
identifiées, allant de l’équipe de direction de travail et d’intégrer l’équipe de direc-
au conseil d’administration en passant par tion municipale. Le leadership a ainsi été
divers autres conseils exerçant des res- redistribué entre la municipalité et les
ponsabilités plus ou moins fortes. établissements ; les activités des chefs
d’établissement ont trouvé un équilibre
Dans leurs travaux sur les établissements entre leur établissement, les quatre autres
scolaires anglais, Ranson et al. (2005) établissements et le district, alors que la
identifient quatre types de structures de reconfiguration des pouvoirs au sein des
gouvernance qui se distinguent par les établissements a ouvert de nouvelles
finalités et responsabilités, le rapport de perspectives en matière d’apprentissage
forces entre le chef d’établissement et mutuel, chacun pouvant se spécialiser
le(s) conseil(s), et le niveau de profession- dans un domaine d’expertise.
nalisation dont les membres font preuve
dans leurs délibérations et décisions : Dans la plupart des pays de l’OCDE, les
− ces structures sont enceintes de déli- établissements sont dotés de structures de
bération, lieux de débats ; gouvernance auxquelles sont associées
− elles sont antichambres de consulta- les parents, les élèves, les enseignants
tion, le pouvoir décisionnaire restant la et les membres de la communauté. Ces
prérogative du chef d’établissement ; conseils d’établissement peuvent inter-
− elles agissent en tant que comité exé- venir à trois niveaux : direction, gestion
cutif et sont juridiquement respon- et stratégie de l’établissement. Leur rôle
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
14/28 Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
15. varie considérablement selon les pays, mettent toutefois de mesurer l’impact de
allant « d’une simple fonction consultative ces conseils sur l’amélioration des établis-
sur des questions de moindre importance sements scolaires, même en Angleterre
à une mission plus vaste de développe- où le leadership bénéficie d’importantes
ment de la stratégie de l’établissement ». ressources pour se déployer. De même,
Dans certains pays, les responsabilités de la question des synergies entre équipe
ces conseils d’établissement sont impor- de direction et équipe enseignante reste
tantes, ils sont souvent partie prenante complexe à mettre en œuvre en France
dans la nomination du chef d’établisse- (AFAE, 2010).
ment (Belgique flamande, Irlande, Irlande
du Nord, Nouvelle-Zélande, Danemark). Des enseignants « leaders »
Dans d’autres pays, elles sont a contra-
rio relativement faibles et leur rôle reste Les enseignants sont de plus en plus
purement consultatif (Espagne, Portugal). amenés à exercer des responsabilités
Enfin, certains pays ont opté pour une officielles en matière d’encadrement,
approche à la fois décentralisée et res- même si celles-ci restent le plus souvent
ponsabilisante : c’est le cas au Pays-Bas mal définies statutairement. Il n’est pas
par exemple, où les conseils d’établisse- rare que les associations professionnelles
ments, composés dans des proportions soutiennent activement cet élargissement
variées de professionnels et de béné- des activités enseignantes (Bangs & Mac-
voles, sont au final responsables de l’éta- Beath, 2012).
blissement (Pont et al., 2008).
En Nouvelle-Zélande, les « enseignants
Au Pays de Galles, la décision la plus spécialistes » apportent un soutien péda-
importante prise par le conseil d’admi- gogique à leurs collègues. En Belgique,
nistration est la nomination du chef d’éta- les enseignants du secondaire peuvent
blissement. En Nouvelle-Zélande, suite réserver 3% de leurs heures d’enseigne-
à une réforme récente, les missions des ment au maximum à des fonctions péda-
conseils d’administration ont été élargies gogiques spécifiques. En Angleterre, des
et leurs membres bénéficient désormais postes nouveaux ont été créés : les middle
d’un accompagnement et peuvent égale- teachers coordonnent les enseignements
ment suivre une formation. En Angleterre, disciplinaires ; les learning managers ana-
tous les membres des conseils d’adminis- lysent les performances et préconisent
tration doivent être formés (Wylie, 2007). des interventions ciblées ; les advanced
En Italie, une assemblée d’enseignants a skills teachers fonctionnent comme des
des pouvoirs délibératifs qui vient contre- mentors auprès de collègues novices
balancer le pouvoir du chef d’établisse- (Pont et al., 2008).
ment. Par contre, les autorités locales ne
participent pas directement à la vie de La posture du praticien réflexif, encou-
l’établissement (Barzano, 2011). ragée dans plusieurs pays, contribue à
une forme de distribution du leadership.
Quelles que soient les configurations et Au Japon, il existe des adjoints formels
les attributions de ces structures, les re- et des adjoints informels. En Finlande, les
cherches s’accordent le plus souvent pour enseignants sont en posture de recherche
en signaler les faiblesses suivantes : des permanente, proposent des plans de for-
missions peu claires, assorties de res- mation qui sont négociés en fonction du
ponsabilités souvent trop nombreuses projet d’établissement. Au Royaume-Uni
ou trop importantes pour des person- et en Suède, on favorise la circulation des
nels partiellement bénévoles ; des ten- savoirs et le soutien professionnel (Lader-
sions fréquentes entre le chef d’établis- rière, 2008).
sement et les différents conseils ; une
participation et une implication souvent Parallèlement à ces responsabilités inter-
limitées des membres, liées en partie médiaires, occupées de façon plus ou
à un manque de compétences (Pont et moins formelle, émergent d’autres fonc-
al., 2008). Peu d’études probantes per- tions plus étroitement associées au pilo-
Dossier d’actualité veille et analyses • n° 73 • avril 2012
Quels leaderships pour la réussite de tous les élèves ?
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16. tage de l’établissement. C’est le cas, par les frontières entre leadership enseignant
exemple en Angleterre, des assistant et formation continue des enseignants,
head-teachers qui sont intégrés à l’équipe et par la remise en cause potentielle de
de direction. C’est aussi le cas en Austra- formes de leadership plus convention-
lie, avec des teacher leaders qui animent nelles où la répartition des rôles est plus
Plusieurs modélisations
l
des équipes ou sont responsables d’une explicite (Harris, 2003). l du teacher leader ont
matière ou d’un niveau comme les coor- vu le jour ces dernières
donnateurs disciplinaires en France. Si la plupart des recherches sur ces res- années. Le référentiel
ponsabilités des enseignants en sou- Teacher Leader
Model Standards,
Aux États-Unis, les teacher leaders lignent l’importance dans le cadre d’un publié par le Teacher
peuvent être appelés à jouer un rôle clé leadership distribué, visant un renforce- Leader Exploratory
dans l’implémentation d’une réforme, ment des capacités de direction straté- Consortium en 2011,
en servant d’interface entre les autorités gique, l’exercice de ces responsabilités distingue par exemple
sept domaines d’action
locales chargées de l’éducation et les éta- demeure une pratique mal définie, carac- pour l’enseignant
blissements. Leur proximité avec les per- térisée par un investissement souvent leader. Ces domaines
sonnels de l’établissement leur procure un faible en termes de formation et de valori- concernent en
certain avantage pour relayer les attentes sation des personnels concernés (Pont et tout premier lieu
l’apprentissage des
de l’autorité locale, tandis que cette der- al., 2008). élèves et les pratiques
nière parvient, par leur intermédiaire, à pédagogiques ; ils
influer davantage sur les pratiques péda- Les travaux menés dans le cadre de l’In- touchent aussi le
gogiques de l’établissement (Firestone & ternational Teacher Leadership project se développement
professionnel et les
Martinez, 2009). concentrent sur les moyens à mettre en relations sociales
œuvre pour soutenir les enseignants lea- avec les familles et
Le « teacher leadership » mobilise au- ders de l’innovation : 15 pays participants la communauté en
jourd’hui des chercheurs du monde entier, et 15 recommandations au final, permet- général.
comme en témoigne le projet International tant de discerner quels programmes se-
Teacher Leadership (ITL) mené par l’uni- raient efficaces dans cette perspective et
versité de Cambridge. L’existence d’asso- comment les enseignants peuvent consti-
ciations telles que le Teacher Leadership tuer des points d’appui pour l’implémenta-
Exploratory Consortium aux États-Unis, tion des réformes (Frost, 2011).
rassemblant à la fois les institutions de
recherche et les syndicats professionnels,
est également une illustration de l’intérêt Du leadership
porté au leadership enseignant.
distribué au
Le thème n’est pourtant pas nouveau. leadership
Nombre de recherches américaines ont
mis en évidence, dès les années 1990, la
systémique ?
combinaison fructueuse entre leadership
des enseignants, collaboration des ensei- Un horizon commun, des
gnants et renforcement des capacités conceptions et pratiques
(capacity building) au niveau des établis- diversifiées
sements. Le teacher leader peut être in-
vesti de responsabilités formelles ou infor- Normand (2010) distingue plusieurs mo-
melles ; dans tous les cas, il fait preuve dalités de leadership :
d’une forte capacité à collaborer. − transformational leadership : une ac-
tion collective, impulsée par le chef
Au Royaume-Uni, le concept de « teacher d’établissement, pour promouvoir une
leader » a connu une destinée plus chao- culture de la coopération au sein des
tique, et s’est répandu, depuis une dizaine équipes pédagogiques ;
d’années, plus ou moins en marge des − distributed leadership : des interactions
principaux travaux sur le leadership sco- multiples, dans différents « espaces-
laire. Cette difficulté à acquérir une légiti- temps » de l’établissement scolaire, au
mité s’explique à la fois par un certain flou service de la réussite des élèves ; une
conceptuel, qui permet mal d’appréhender action concertée où les enseignants
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17. collaborent et agissent collectivement situation respective ; une approche par les
pour ajuster, innover et changer leurs (macro) fonctions et les (micro) tâches est
pratiques ; à privilégier par rapport à une définition
− systemic leadership : en lien avec de basée sur les rôles (Spillane et al., 2008).
nouvelles formes de gouvernance lo-
cale, concrétisées par un engagement
des chefs d’établissement au delà de Exemple de l’Angleterre
leur établissement propre, qui devient
l’élément d’une communauté profes- L’examen des pratiques de répartition
sionnelle d’apprentissage plus large. des fonctions de direction en Angleterre a
permis de dresser une typologie des diffé-
D’après les travaux expérimentaux de rentes stratégies déployées dans les éta-
Spillane et al. (2009), le leadership dans blissements scolaires (Pricewaterhouse-
les établissements scolaires étudiés est Coopers, 2007) :
effectivement distribué : il est réparti sur − dans le modèle traditionnel, fréquent
de multiples acteurs, que ceux-ci soient dans les écoles primaires, l’équipe de
officiellement investis d’une mission de direction est composée d’un directeur
leadership ou non. Ce peut être des en- secondé par un ou plusieurs adjoints et
seignants, mais aussi dans une moindre par des enseignants qualifiés formelle-
mesure des élèves. Mais le degré de ré- ment impliqués ;
partition dépend du type d’activité (admi- − dans le modèle géré, plus fréquent
nistrative ou curriculaire par exemple) et dans les écoles secondaires et plus
varie d’un établissement à l’autre. flexible, la structure de direction peut
inclure un personnel expérimenté et
Plusieurs conceptions du leadership dis- encourage l’adoption de méthodes plus
tribué peuvent être identifiées. Dans une innovantes ;
première, il correspond à la somme des − le modèle à instances multiples,
interventions qui relèvent de la fonction variante du modèle géré, combine une
de direction ; cette conception « quantita- grande diversité de profils dans l’équipe
tive » va alors de pair avec des rôles iden- de direction et un mode de fonctionne-
tifiés au sein d’une organisation hiérar- ment qui s’appuie sur des instances
chique. Les modalités de mise en œuvre plus nombreuses, permettant de facili-
sont multiples mais se basent toujours sur ter l’accès des familles à des services
une délégation de pouvoirs du chef d’éta- d’aide variés ;
blissement aux gestionnaires et aux ensei- − le modèle fédéré se caractérise par
gnants. Dans une seconde, le leardership une collaboration inter-établissements,
comme action concertée est supérieur à avec la mise en place potentielle d’un
la somme des parties. Indépendamment organe extérieur de direction ;
des postes ou des rôles, il s’agit de mobili- − le modèle de direction à l’échelle du
ser à bon escient les compétences dispo- système éducatif, avec des chefs d’éta-
nibles dans l’établissement pour répondre blissement qui interviennent dans des
à un besoin dans un contexte précis, et de structures susceptibles d’influer sur le
privilégier les initiatives (Pont et al., 2008). système éducatif même.
Dans une troisième enfin, ce ne sont pas
les compétences des individus qui fondent
la concertation, mais les interactions et in- Exemple de la France
terdépendances entre les personnes et les
situations : « une perspective distribuée sur Pour Barrère (2007), le leadership de l’éta-
l’activité humaine oblige à dépasser l’acti- blissement ne doit pas rester cantonné
vité individuelle pour réfléchir aux façons aux bureaux de l’équipe de direction : il
dont la situation matérielle, culturelle et so- est nécessaire de « mettre en conflit » à
ciale la permet, l’informe et la contraint ». l’intérieur de l’établissement des positions
Autrement dit, la bonne unité d’analyse pédagogiques ainsi que des problèmes de
n’est ni l’acteur ni le groupe d’acteurs mais gestion de classe. Les réponses doivent
l’interaction des leaders, des affiliés et leur être trouvées collectivement.
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