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LA PRÉSENCE ÉDUCATIVE dans une perspective de spiritualité laïque
René Barbier
(conférence à Font-Romeu, juillet 2010)
à Danièle Legros
INTRODUCTION
L’éducation est sans doute l’accomplissement d’une spiritualité laïque.
Laïque d’abord parce qu’une éducation – surtout nationale - doit être sans
obédience quelconque à un univers religieux considéré comme une référence
absolue.
Spiritualité ensuite parce qu’il s’agit du résultat d’une activité de l’esprit qui
n’est pas simplement rationnelle mais comporte, un dépassement, par intuition,
imagination et expériences affectives supra-sensibles, des ouvertures de sens
sur l’inconnu de ce qui est et advient sans cesse
Spiritualité laïque : état d’un être humain qui a simplement la conscience d’être
ici et maintenant et qui, de ce fait, éprouve une joie subtile comme un mince
filet de menthe se dissout dans un verre d’eau fraiche par temps de canicule pour
tous les assoiffés que nous sommes.
Cinq carrefours de questionnements autour de « la présence en éducation ».
- Carrefour sémantique
- Carrefour philosophique
- Carrefour spatio-temporel
- Carrefour de sens de l’être humain présent
- Carrefour pragmatique
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2

1. CARREFOUR SÉMANTIQUE
.
Quid de la présence ?
Certainement un des principaux concepts en éducation aujourd’hui, mais peu
explicité. Mot tabou si on va au fond car trop révolutionnaire ou mot valise
prononcé à tout vent si on s’arrête au superficiel.
Tout d’abord je me démarque immédiatement d’une représentation du concept
pris au piège de la société spectaculaire et de pouvoir d’aujourd’hui. Il s’agit
alors de la présence comme instantanéité de là jouissance individuelle à tout
prix, notamment pour tous ceux qui possèdent les biens de ce monde. Les
sociologues parlent de « l’homme instantané » ou encore de « l’homme
présent » en ce sens. Celui du stress comme moyen efficace de management, de
la concurrence effrénée, du temps c’est de l’argent, du « culte de l’urgence »
(Nicole Aubert) et des réunions dérisoires du G20.
Au sein de ce sens de la présence fallacieuse, la personne au plus bas de
l’échelle sociale n’a plus qu’un moyen souvent, pour survivre physiquement et
psychologiquement comme l’a montré magistralement une psychosomaticienne
et psychanalyste clinicienne du travail, Marie Pezé, lors d’une communication
récente (au 40e anniversaire du Laboratoire de Changement Social à l’université
Paris 7, 9-12 juin 2010) : se laisser envahir par la conscience de la réalisation
objectale à accomplir, ne plus penser à rien d’autre, être totalement dans l’acte,
même ridiculement machinal. L’ouvrière, dans ce cas, est bien « présente » mais
dans une aliénation totale à l’ordre néolibéral.
Par ailleurs, le mot « présence » est trop connoté par ses références aux grandes
religions monothéistes, notamment au christianisme. Le mot reflète l’emprise
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des Religions du Livre et la liaison avec la déchristianisation et la sécularisation
du sacré.
La présence n’est pas seulement liée au mystère de l’incarnation d’une déité
innommable et indéfinissable par la raison, malgré les réfutations de Thomas
d’Aquin. Il faut l’ouvrir à tous dans le sens d’une spiritualité laïque, aux noncroyants a priori mais sans nier que ce terme puisse également concerner les
croyants d’aujourd’hui.
Comme le propose très bien Gilles Deleuze, en suivant les Stoïciens, dans les
premières pages de Logique du sens consacrées à Alice au Pays des Merveilles
et Lewis Caroll1, le présent est en quelque sorte la surface du temporel. Pour lui
seule la surface fait sens, avec l’événement, la surface sans frontière, et comme
dit Paul Valéry, « le plus profond c’est la peau » (cit.p.18). L’hédonisme solaire
de Michel Onfray, aujourd’hui, dirait-il autre chose ?
Dans la ligne du philosophe indien Shankara (VIIIe siècle) et de la non-dualité2,
surface et profondeur sont d’un seul tenant. Instant et éternité d’une même
dynamique. Le présent absolu dans la conscience d’exister est présence à soi et
ne se fractionne pas. On peut dire que toucher d’un doigt la surface de l’océan ,
c’est rencontrer la totalité de l’océan. Comme le pensait Krishnamurti,
comprendre un arbre, savoir le voir sans le penser en tant que catégorie, c’est
rencontrer la forêt et plus largement la vie dans son intensité transformatrice et
sempiternelle.
Cela pose les questions suivantes : qu’est-ce qu’un éducateur et l’éducation ?
quel est le sens de l’éducation ? qu’est-ce-que la présence en éducation ?

1

Gulles Deleuze, Logique du sens, 10/18, Éditions d e Minuit, 1973, (1969), 446 p.
Roger-Pol Droit, s/dir, Philosophies de l’ailleurs, Les pensées indiennes, chinoises et
tibétaines, Hermann, 2009, 488 p., pages 75-97
2
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La crise de l’école a de multiples causes. Au moment où je prépare cette
conférence (en mai et juin 2010), une élève de collège a poignardé sa camarade
à Villiers le Bel, plusieurs autres collégiens ailleurs ont tenté de se suicider, une
jeune adolescente à réussi malheureusement son coup et personne n’y comprend
rien. Il se pourrait que l’une des causes, indépendamment du contexte général
quelque peu cynique de la société contemporaine, reflète le manque de présence
de l’enseignant considéré non seulement comme un transmetteur d’informations
et de savoirs mais surtout comme un éducateur digne de ce nom.
Peut-on parler d’un processus de la présence éducative comme le sens de
l’apprendre à être présent aux autres, au monde et à soi-même tout en
s’enrichissant des visions du monde plurielles issues des cultures humaines ?
1.1. PRÉCISIONS CONCEPTUELLES
Commençons par préciser quelques concepts dans la perspective philosophique
qui est la mienne :
GLOSSAIRE TRANSVERSAL
ACTIVITÉ
J’appelle « activité » un courant d’actions dirigées vers un but
EDUCATION
L’éducation est le processus d’activités dont le but est la connaissance de l’être
humain dans son entièreté et sa complexité.
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Elle s’exprime par une dialogique incessante entre un champ de savoirs pluriels
et un champ de connaissance expérientielle de soi. J’y reviendrai.
La méditation sans objet (sans concept ni image) est au cœur de cette dialogique
car elle introduit au non-savoir sur ce qui est et advient sans cesse.
FORMATION
La formation est l’éducation que se donne un individu lorsqu’il rencontre des
maîtres d’enseignement et des maîtres de vie, formellement dans des institutions
et informellement tout le long de sa vie.
INSTRUCTION
L’instruction est la formation donnée et souvent imposée par un tiers doté d’une
puissance sociale institutionnalisée.
ENSEIGNEMENT
L’enseignement est l’instruction qui consiste à marquer symboliquement
l’enseigné sous l’emprise d’un cursus de savoir considéré comme légitime au
sein d’une société à un moment donné de son histoire.
PRÉSENCE ÉDUCATIVE
La présence éducative est l’influence humaine qui conjugue à la fois la plus
grande simplicité, le plus haut degré de connaissance de soi et la somme de
savoirs pluriels la plus complète.
APPRENDRE
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Apprendre est un processus psychologique que vit un individu volontairement et
qui le fait entrer dans l’éducation à la fois par soi-même et par les autres.
EDUCATEUR
L’éducateur est la personne dont la présence est déterminante pour autrui dans
l’acte d’apprendre.
POÉSIE
La poésie comme forme tangentielle à ce qui est et advient prend sa source dans
la méditation sans objet. Si le sens de l’être est une énigme à jamais ouverte, la
poésie dessine son bouton d’or.
SPIRITUALITÉ LAÏQUE
Je nomme "spiritualité laïque" sans référence a priori à un dieu et dans la
perspective d'une reconnaissance de la non-dualité de ce qui est et advient, le
résultat du processus éducatif précédemment défini,

d'une personne qui

s'achemine vers un état de "présence" dans la vie de tous les jours.
Pour comprendre, revenons sur quelques points précis.

1.2. Le sens de l’éducation : les trois dimensions
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Les trois composantes du sens (dans une vidéo du ministère de l’éducation et
de la recherche en 1996 pour moi actuellement sur « le journal des chercheurs »,
récemment en 2006 chez François Cheng, Cinq méditations sur la beauté,
p.35 : « Si je poussais plus avant ma pensée, je dirais que notre sens du sens,
notre sens d’un univers ayant sens vient aussi de la beauté, dans la mesure où,
justement, cet univers composé d’éléments sensibles et sensoriels prend
toujours une orientation précise, celle de tendre, à l’instar d’une fleur, d’un
arbre, vers la réalisation du désir de l’éclat d’être qu’il porte en lui, jusqu’à
ce qu’il signe la plénitude de sa présence.
On trouve en ce processus écrit F.Cheng, les trois acceptions du mot sens en
français : sensation, direction, signification cf. aussi p.40-41 « Précisons que par
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signification, nous n’entendons pas forcément un acte intentionnel en vue de
quelque chose. Si « en vue » il y a, c’est de la jouissance, tant il est vrai qu’on
ne peut pleinement jouir de l’Être qu’en jouissant de tous les sens, y compris
cette instinctive connaissance de sa présence au monde, en tant que « signe de
vie », un signe qui implique toujours les potentialités et virtualités qu’on porte
en soi »)
- direction ou finalité. La finalité semble être le plein accomplissement de la
« puissance d’agir » qui s’ouvre sur la joie d’exister au sens de Spinoza, mais
d’une puissance d’agir qui tient compte de l’être-ensemble parce que, comme
l’ont bien vu les anciens Chinois, l’être humain est avant tout un être avec, un
être de l’entre deux, un être de relation.
- signification ou compréhension et intelligence de la finalité
La signification est l’ensemble des rapports de sens en liaison avec la finalité de
l’activité qui permet de donner une intelligibilité au monde avec lequel le sujet
entre en relation.
- sensation ou inscription corporelle de la signification.
La sensation constitue l’éprouvé de l’être humain et du vivant non humain dont
le corps est en contact avec le monde. Elle est le premier objet de connaissance
en tant qu’en elle s’inscrit et s’anime l’énergie même de ce qui est, c’est à dire le
Réel.
1.3 L’Advenir et le Sensible
Par la sensation nous percevons le présent du présent, c’est à dire la conscience
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de ce qui advient, le Sensible dont nous parle Danis Bois.

L’Advenir chez Danis Bois

L’Advenir est à la croisée des temporalités comme le propose le professeur
Danis Bois dans le massage des « fascias » (mouvements des muscles internes)
et

la

reconnaissance

radicale

de

la

catégorie

du

Sensible

en

somatopsychopédagogie3. L’advenir nous place sur le seuil d’un regard vers le
passé et d’un regard sur l’avenir, au moment même de leur prise de conscience.
Vers le passé, il éclaire en les réactualisant des pans de conscience dépassée et
vers l’avenir, il découvre intuitivement des potentialités non encore actualisées.
2. CARREFOUR PHILOSOPHIQUE

3

Danis Bois et alii, Sujet et renouvellement du moi. Les apports de la fasciathérapie et de la
somato-psychopédagogie, éditions Points d’appui, 2009, 454 p. et Danis Bois, « L’advenir, à
la croisée des temporalités, Analyse biographique du processus d’émergence du concept de
l’advenir », revue Réciprocités, n°3, mai 2009, pages 8 à 15.
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2.1. L’éducation entre médiation et défi

- une médiation dialogique entre savoirs pluriels et connaissance de soi
* les savoirs pluriels sont ceux que légitimement l’humanité reconnaît
comme pertinents pour entrer dans l’intelligibilité du monde aujourd’hui. Ils
englobent toutes les disciplines et tous les savoirs scientifiques et
philosophiques comme toutes les formes d’expressions artistiques.
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* La connaissance de soi est essentiellement expérientielle et évolue en
fonction d’une intégration à la fois des savoirs pluriels, nécessairement limités
pour l’individu, et son rapport direct et vécu à la réalité, y compris dans des
moments de flashes existentiels étonnants.
* un défi radical qui correspond à l’interpellation de chaque pôle par
rapport à l’autre. Des savoirs pluriels par la connaissance de soi et de la
connaissance de soi par les savoirs pluriels.
* la méditation à reconnaître et à vivre comme moment de non-agir et de
non-savoir entre médiation et défi (sur la question de la méditation : Mathieu
Ricard, Krishnamurti, Thich Nhat Hanh, Jon Kabat-Zinn Jean Klein, etc)
2.2. Pourquoi l’éducation en rapport avec la présence ?
L’éducation nous pousse à nous ouvrir aux autres, au monde et, en fin de
compte à nous redécouvrir en personne. Il existe un rapport étroit entre
éducation et philosophie sur ce plan. Mais à condition de ne pas enfermer la
philosophie comme on l’a fait à partir de la fin du XIXe siècle et au XXe siècle
dans la sphère de la civilisation gréco-latine, anglosaxonne et française. RogerPol Droit a bien montré qu’il s’agissait maintenant de s’ouvrir à ce qu’il nomme
« les philosophies d’ailleurs » (Chez Hermann, 2009) c’est à dire l’Inde, La
Chine, le Tibet, l’Egypte ancienne, la pensée hébraïque, arabe ou persane etc.
Toutes traditions de pensée véritablement philosophique mais que les
philosophes professionnels d’Occident et leur cursus académique ont tenu horsjeu jusqu’à la fin du XXe siècle.
Comme l’écrit Pierre Hadot dans son livre d’entretiens « La philosophie comme
manière

de

vivre » :

« D’une

manière

générale,

j’aurais

tendance

personnellement à me représenter le choix philosophique fondamental, dont
l’effort vers la sagesse, comme un dépassement du moi partial, partiel,
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égocentrique, égoïste, pour atteindre au niveau d’un moi supérieur qui voit
toutes choses, dans la perspective de l’universalité et de la totalité, qui prend
conscience de lui-même comme partie du cosmos, qui embrasse alors la totalité
des choses » (p.141)
3. CARREFOUR SPATIO-TEMPOREL
3.1. La présence comme croisement entre l’horizontalité et verticalité de
l’existence.
3.1.1. L’horizontalité du quotidien
C’est le temps de l’habitude, de la routine, de la conformité de pensée, le temps
linéaire, de l’homme enfermé dans ces certitudes et ses peurs, ses
conditionnements, le temps de l’homme de désir et du conflit, de l’homme de
l’art et de la poésie aussi. Et parfois, du questionnement en fonction de flashes
existentiels lorsque la vie percute le réel et désarticule les charpentes de sens
trop rigides que nous nous étions données pour nous rassurer devant l’inconnu.
P.Hadot, parle d’exercice spirituel ? = « prise de conscience de la présence du
monde et de notre appartenance au monde. Ici l’expérience du philosophe rejoint
celles du poète et du peintre » (p.156,) la philosophie comme manière de vivre).
Il s’agit de savoir changer de regard sur ce qui est : « Percevoir les choses
comme étranges, c’est transformer son regard de telle manière que l’on a
l’impression de les voir pour la première fois, en se libérant de l’habitude et de
la banalité » p.156
Mais ce nouveau regard s’arrime à l’instant lorsque l’horizontalité de l’existence
rencontre la verticalité de l’être.
3.1.2. la verticalité comme flash existentiel
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- un éclairement de l’être lié à une instantanéité de notre présence au
monde : F.Cheng écrit « L’unicité transforme chaque être en présence, laquelle
à l’image d’une fleur ou d’un arbre, n’a de cesse de tendre, dans le temps, vers
la plénitude de son éclat, qui est la définition même de la beauté » (p.26 des
Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel, 2006) et « la vraie transcendance
est dans l’entre » (p.28)
- une interpellation sur l’horizontalité de notre existence : qu’est-ce qui fait
sens ?
Un jour un accroc dans notre réalité quotidienne vient nous interpeller, nos
inquiéter, nous plonger dans le non-sens. Nous nous ouvrons à autre chose, à la
Profondeur et à la philosophie. Pour ma part ce fut un jeune homme mort sur la
route et rencontré lorsque j’avais une dizaine d’années.
- une ouverture à la Profondeur, dans laquelle on semble entrer définitivement
mais où nous étions déjà depuis toujours, malgré la mort de l’homme et la
finitude de toute chose.
Robert Linssen, ce grand connaisseur de la pensée de Krishnamurti, en parlait
ainsi : Dans le numéro 3 de la revue OM sur le thème « Lucidité » (p. 607), à la
question : « Comment voyez vous la « finitude » de la personne, il
répondait :« Rien ! Une vaguelette évanescente, anonyme, parmi les milliards de
vagues de l’Océan insondable du Grand Vivant, un corps parmi les milliards
de corps connus et inconnus, incompréhensiblement envahi par la bénédiction
surprenante et non recherchée d’une force d’Amour, présente au cœur de tous
les êtres, un corps qui ne respire plus mais qui « est respiré », qui n’agit plus
mais

« est

agi »

et

qui

n’y

est

pour

rien ».

http://www.maaber.org/issue_march06/spiritual_traditions2f.htm )

(voir
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3.1.3. La présence comme moment vécu au croisement entre l’horizon
quotidien et la verticalité de l’existence en situation

- le lieu devient l’endroit, l’universel passe vers le particulier et le singulier
Le lieu dans l’enseignement supérieur par exemple c’est l’ensemble
géographiquement situé de chaque établissement universitaire sur le territoire
national, ensemble considéré comme universel.
L’endroit, c’est là où se tient un établissement particulier, précis, dans un
rapport à cet ensemble universel. L’université de la Sorbonne dans le 5e
arrondissement de Paris. Plus précisément l’endroit sera même là où l’on fait
cours, dans sa classe, à une heure donnée, dans cet endroit précis.
- Le lieu va de pair avec la durée. L’endroit introduit à l’instant qui
particularise la durée en lui donnant une existentialité immédiate et à nulle autre
pareille. En passant du lieu à l’endroit la durée linéaire de Chronos devient
Kaïros, événementiel et existentiel, durée bergsonienne à proprement parler.
- la situation et le moment
En fait, l’éducation concrète est toujours située à un moment donné. La
situation est constituée par l’ensemble des activités des personnes concernées
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par un endroit et une série d’instants qui se déroulent d’une manière processuelle
dans un moment éducatif. Le moment singulier de la présence est toujours plus
que l’instant particulier mais toujours moins que la durée universelle.
Comme l’écrit Krishnamurti :
« Le présent, dans son intensité exigeante et sa rapidité changeante, apparaît
comme un défi constant à l'esprit. Le présent et le passé sont toujours en conflit,
sauf si l'esprit s'avère capable d'appréhender totalement le passé mobile. Le
conflit n'a lieu que lorsque l'esprit, alourdi par le passé, le connu, l'expérimenté,
répond de façon incomplète au défi du présent, qui est par essence nouveau, en
constante mutation. » (Extrait du livre :CSV Tome 3, note 54 'Le défi du
présent')
- Dans cet esprit, l’histoire générale et universelle devient situation singulière
enracinée dans la complexité du moment existentiel.
4. CARREFOUR DU SENS DE L’ÊTRE HUMAIN PRÉSENT
4.1. La présence au carrefour de la Profondeur, de la Reliance et de la
Gravité.
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4.1.1 La Profondeur ou l’impossible de la symbolisation (J.Lacan, les
mystiques rhénans, Krishnamurti et l’otherness, mais aussi Bernard D’Espagnat
et le « réel voilé »)
- ce qui est et advient sans cesse, le Réel-Monde, comme Sans-Fond de tous les
fonds, et ce qui ne peut être représenté
- ce qui agit et nous agit en permanence parce que nous sommes pour l’essentiel
cette Profondeur même.
- ce qui nous fonde comme projet implié en nous-mêmes et nous donne la
direction du sens : Peut-être « l’éloge du simple » et une sorte d’archétype du
moine en nous-mêmes comme le pense le philosophe Raimon Panikkar.
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4.1.2. La Reliance comme conséquence du vécu de la Profondeur (Marcel
Bolle de Bal4, Edgar Morin, Michel Maffesoli5 et sur le plan épistémologique
en physique quantique (Michel Bitbol6) etc.)
- c’est le sentiment d’être relié au monde et aux autres, à tout ce qui vit et même
à tout ce qui est pour les Orientaux.
- le sentiment océanique de la présence considéré comme un éprouvé qui nous
affirme qu’il faut « relier ce qui est séparé et distinguer ce qui est confondu »
comme l’écrit Edgar Morin.
4

Marcel Bolle de Bal, la reliance : connexions et sens, Paris, Connexions, n°33, Epi,1981; La
reliance ou la
médiatisation du lien social : la dimension sociologique d’un concept charnière, Actes du
XIIIe Colloque de
l’Association International des Sociologues de Langue Française, 1988, Tome 1, pp. 598611. Voir aussi
(“Voyages au coeur des sciences humaines, la reliance”, L’Harmattan, 1996, 2 volumes
5
Michel Maffesoli, Reliance et triplicité, Religiologiques, Jeux et traverses. Rencontre avec
Michel
Maffesoli, s/dir. Guy Ménard, Université du Québec à Montréal, Département des Sciences
religieuses,
Printemps 1991, n°3, 163 p., pp 25-86 (avec les débats). Cet article est à mettre en rapport
avec le livre de DanyRobert Dufour “les mystères de la trinité”, Paris, Gallimard, 1991 en fonction de la pensée
trinitaire. Comme
pour moi, la “reliance” chez Maffesoli n’exclut pas le conflit, bien au contraire. L’écoute de la
reliance sociale
suppose une très grande ouverture d’esprit et d’improvisation d’expression : “...il y a une
multiplicité
d’expressions de cette rhétorique sociale. Et cette multiplicité d’expressions peut aller du
bouquin théorique au
roman en passant par d’autres expressions spécifiques. Il faut que je sois à même, moi qui
veux dire mon temps,
de l’intégrer dans ce que j’essaie de dire. Donc, jouer d’une construction qui soit le plus
fidèle possible à la
rhétorique générale et qui intègre une dimension de stylisation.” (p.82). On retrouvera un
développement sur la
reliance, à partir de l’oeuvre de E. Durkheim, dans la présentation de M. Maffesoli à la
réédition des “formes
élémentaires de la vie religieuse” en livre de poche (L.G.E. 1991), 758 p.. La “reliance” est
alors, pour M.
Maffesoli, très proche de la notion d’ “effervescence” chez Durkheim (cf. p.16-17
6
Michel Bitbol, De l’intérieur du monde, pour une philosophie et une science des relations,
Pari, Flammarion, Bibliothèque des savoirs, 2010, 720 pages (remarquable exposé de la
nouvelle théorie de la connaissance en fonction de la physique contemporaine).
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4.1.3. La Gravité comme implication
Nous n’échappons pas au sentiment de gravité dès que nous sommes reliés. La
Gravité est une conséquence inéluctable de la Reliance.
Nous saisissons ainsi les trois dimensions en boucle de l’implication (être
impliqué, s’impliquer, impliquer autrui), et avec Hans Jonas nous faisons nôtre
le principe de responsabilité, l’ éthique du visage chez Levinas, la distinction
des quatre ordres chez Comte-Sponville et leur autonomie relative (technoéconomico-scientifique, juridico-politque, morale et éthique).
- C’est être responsable de ses paroles et de ses actes comme de leur absence le
cas échéant.
- C’est la solidarité avec le vivant : une éthique écologique et sociale
-

C’est une implication politique dans le devenir du « vivre-ensemble »

(Castoriadis et principe d’autonomie ; Robert Legros et « idée d’humanité »,
Alain Touraine et son « penser autrement »)
4.2. La présence éducative comme l’advenir du Profond
Revenir à la Profondeur
4.2.1. La Profondeur fait naître le Profond
Je propose le terme de Profondeur pour nommer et pouvoir discuter, c’est à
dire porter sur le plan symbolique, malgré l’inadéquation radicale de tout
concept, le Réel-Monde. La Profondeur, c'est tout ce qui est, sans pouvoir être
nommé ou imaginé dans sa totalité dynamique. Elle n'a ni commencement ni fin.
Dans sa mouvance permanente de structuration, destructuration, restructuration,
elle est le Procès du monde en cours.
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La Profondeur est transcendante, ailleurs, tout-autre, insaisissable, nonrationalisable, au-delà du temps et de l'espace, innommable, sans naissance et
sans mort, englobante.
Dans la Profondeur, amour et mort s'enchevêtrent sans fin et sans limite, d'une
manière corpusculaire et ondulatoire.
La Profondeur dans son flux est amour et mort dans son reflux.
- Quid du Profond dans sa relation à la Profondeur ?
Nuitée Sur un pic, un temple
Je lève la main, frôle les étoiles
Je n'ose parler à haute voix
Peur d'effrayer les êtres célestes
Li Bai
Le Profond est cet état de nomination "conventionnelle", inadéquate et
polysémique d'inscription du procès de la Profondeur dans le cours du monde, à
un moment donné. Il représente la multitude infinie des formes de la Profondeur
dans son déploiement incessant.
La Profondeur donne au Profond sa lumière et son sens.
Le Profond donne à la Profondeur son existence concrète et sa voix toujours
inachevée.
Le Profond est immanent, incarné, ici et maintenant, en mouvance.
Entre le Profond et la Profondeur existe un lien de réciprocité nécessaire et
l'espace de l'imaginaire.
Le Profond, dans le flux de la Profondeur, se donne et participe. Dans son
reflux, il tue et prend.
Le Profond, entre le flux et le reflux de la Profondeur, se passionne et s'élève.
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20

Le Profond, au sein de la Profondeur, est au-delà de la joie et de la souffrance.
Moment ineffable où le Temps et l'Eternité se croisent et flambent.
Lorsque le Profond sait, il s'arrête et s'endort.
Lorsque le Profond connaît, il se perd et se tait.
Lorsque le Profond s'approfondit, il connaît et s'allège.
La Profondeur est Jeu du Monde, le Profond est jeu de l'homme.
Entre la Profondeur et le Profond, le jeu se fait symboles.
Quand le Profond s'approche de la Profondeur, son jeu devient un jeu d'enfant.
Le jeu de l'homme est relié au Jeu du Monde par un sourire.
Dans la flamme, le jeu de l'adulte ne voit que du feu.
Dans la Profondeur, le jeu de l'enfant touche la flamme de l'eau.
Le jeu de l'homme est relié à l'ordre social par un cri.
Dans sa nature ludique la plus spontanée, la Profondeur est Errance.
La solitude est la demeure du Profond.
Le Profond va vers le silence et trouve la solitude.
Derrière la solitude du Profond, la Profondeur joue et gagne.
Pour le Profond, le silence est le bruit de la Profondeur.
Entre le silence et la solitude, un rien, qu'on ne peut recouvrir.
La mort est ce point d'être qui transforme la solitude en silence.
4.2.2. Profond et Surface : une étroite liaison

Le Profond reste prisonnier de la blancheur des choses. Il n’est jamais très loin
de la vie en acte avec son cortège de malentendus, d’ambivalences, de lâchetés
et de courages incompréhensibles. Mais il est également porteur de la
Profondeur qui ne le quitte jamais car il est cela même, comme un poignard
planté dans l’infini.
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Éloge du "Surfaciel"
Ce qui n’advient qu’en surface, c’est l’événement et l’existentialité du Profond.
Deleuze écrit « Là, les événements, dans leur différence radicale avec les
choses, ne sont plus du tout cherchés en profondeur, mais à la surface, dans cette
mince vapeur incorporelle qui s’échappe des corps, pellicule sans volume qui les
entoure, miroir qui les réfléchit, échiquier qui les planifie.( Logique du sens,
Paris, Éditions de Minuit, 1969, Paris, p. 19 et 20.)

Pour Benoît Proux,

reprenant une doctrine stoïcienne, Gilles Deleuze propose justement une théorie
de l’événement fluide, qu’il oppose à la fixité des choses, (Benoît Proux,
Philosophiques,

vol.

30,

n°

2,

2003,

p.

371-389.

Cit.

p.383,

http://www.erudit.org/revue/philoso/2003/v30/n2/008646ar.pdf ). L’événement
arrive en surface, et fait advenir la surface, parce qu’il est attribut logique, et non
pas qualité ou propriété physique. Il est effet incorporel de corps qui sont causes
pour d’autres corps. L’événement insiste, mais n’existe pas pour Deleuze7.
La Surface ou plutôt "le Surfaciel" ne doit pas être confondu avec le surperficiel.
Ce dernier est au Surfaciel ce que le fond de teint est à la peau de jeune fille. Le
Surfaciel vous enveloppe dès les premiers moments de votre naissance. Il
représente une catégorie de contact. On sait que l’attachement va de pair avec la
7

Selon Alexandre Matheron, pour Toni Negri, commentant Spinoza, on peut encore parler de
Dieu (comme le fait Spinoza, et comme, de son propre point de vue, il a raison de le faire)
pour désigner cette activité productrice immanente aux choses, cette productivité infinie et
inépuisable de toute la nature, mais à la condition de bien se rappeler ce que cela veut dire : la
nature naturante, c’est la nature en tant que naturante, la nature considérée dans son aspect
producteur isolé par abstraction ; et la nature naturée, ou les modes, ce sont les structures
qu’elle se donne en se déployant, la nature en tant que naturée ; mais dans la réalité, il n’y a
que des individus plus ou moins composés, dont chacun (naturant et naturé à la fois) s’efforce
de produire tout ce qu’il peut, et de se produire et de se reproduire soi-même en produisant
tout ce qu’il peut : l’ontologie concrète commence avec la théorie du conatus. C’est pourquoi
Negri a tout à fait raison de caractériser cet état final du spinozisme comme une métaphysique
de la force productive ; et cela par opposition à toutes les autres métaphysiques classiques, qui
sont toujours plus ou moins des métaphysiques des rapports de production dans la mesure où
elles subordonnent la productivité des choses à un ordre transcendant.
http://multitudes.samizdat.net/Preface-a-l-Anomalie-sauvage-de,1417 (préface à l’Anomalie
sauvage de Toni Negri, par Alexandre Materon)
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présence chaleureuse de l’autre, bien au-delà de la simple fonctionnalité
nourricière. Chez les grands mammifères comme chez le petit de l’homme le
contact de la peau et la réalité du toucher (Montagu, 1979) constituent un
élément essentiel de la survie et du développement psychologique. Le "moipeau" de Didier Anzieu, à la fois protège, dessine une frontière du self, et en
mème temps permet l’ouverture et l’échange avec le milieu extérieur. En
Gestalt-thérapie l’ancrage va toujours dans le sens d’un retour au Surfaciel, à
l’enracinement.
Le Surfaciel exige la rencontre avec ma finitude et avec le monde. C’est en
devenant sans cesse immanent, intramondain, que je glisse vers la
transcendance. Il faut comprendre ici le sens du visage de l’autre chez
Emmanuel Levinas. Le visage d’autrui est le lieu de ma présence au monde.
Quand je regarde mon prochain, je ne cherche pas la Profondeur, je la trouve. Je
n’ai aucune intention, aucun projet sur l’autre. Alors la Profondeur est là,
imperceptiblement cachée dans la Surface d’un visage qui se donne à voir. Je
n’ai rien à inventer mais tout à contempler. Si je suis dans l’attitude juste, même
la chaleur du visage me touche et mon regard est une brûlure mystérieuse.
Pourquoi acceptons-nous de faire vaciller le Surfaciel - cette surface qui porte le
ciel - dans les ornières du Superficiel ? Qu’est-ce qui nous pousse à devenir des
êtres virtuels et spectaculaires là où nous pourrions être les mouvements mêmes,
les vagues, de la surface océanique ? Les machines modernes de virtualisation ordinateurs et autres engins - nous éloignent de la surface pour nous engloutir
dans l’image. Plus exactement ils mettent à la place d’une surface réelle
d’échange interhumain un plan artificiel de communication. Ce qui devrait rester
un moyen technique et fonctionnel remarquable envahit notre existence concrète
et nous transforme en cybernautes abstraits.
L’éducation implique le contact, le Surfaciel. L’éducation à distance, sans
aucune présence physique et sans manifestation de notre sensibilité, est une
aberration de notre temps post-moderne. Elle va dans le sens d’une éducation-
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spectacle, d’un "show" de tête à claques. Mais surtout elle rassure les politiques
qui ne trouvent plus les moyens d’une véritable éducation collective, trop
coûteuse dans sa nécessité relationnelle. L’éducation à distance ne supporte pas
l’improvisation et le chaos créateur qui sont propres à la vie. Elle nous conduit
vers des procédures de fonctionnement programmé, des pseuso interactivités où
les jeux combinatoires sont toujours déjà faits. Nous entrons peu à peu dans
l’ère du Niktando éducatif. Le superficiel grignote ainsi le Surfaciel. Le poète
cherche désespérément celui qui viendra le surprendre :
"Celui qui vient sur terre pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience"
écrit René Char.
Le Profond est l’homme ou la femme de la surface tangentielle à la Profondeur.
Il est conscient d’engager une lutte à mort contre les impresarii du mirage. Ces
derniers parlent sans cesse de l’avenir, du progrès, de la chance inespérée de
vivre avec nos technologies et nos technocrates. Ils se moquent volontiers du
traditionnel, du "dépassé", du vieillot. Leur jouissance s’enracine dans la
science-fiction qu’ils colorent selon leur humeur manichéenne en catastrophe ou
en paradis ensoleillés. Ils prennent de plus en plus le pouvoir dans nos lieux
quotidiens, dans nos usines, dans nos administrations, dans nos universités. Ce
sont les seuls "envahisseurs venus de notre monde" que je connaisse.
Le Profond revendique de comprendre et de connaître - de prendre et de naître
avec - la parole et les pratiques des Anciens. Il inscrit cette culture du passé dans
le mouvement du présent. Il ne déifie aucun symbole, il ne se vautre dans aucun
mythe. Il sait que la Profondeur fait fondre l’établi, fait voler l’institué en
poussières de suie. Mais c’est la vie même qu’il recueille du passé. Un élan de
vie qui lui fait signe à travers les péripéties, les malheurs quotidiens, les
catastrophes à hauteur d’homme.
- Le Profond c’est le Réel-Monde incarné dans ses dimensions humaines.
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- le Profond ou l’être humain de la pleine conscience dans la relation entre
Profondeur, Reliance et Gravité au quotidien « là où le temps et l’éternité se
croisent et flambent »
- le Profond ou le futur de l’accomplissement : par dépassement de l’achèvement
et de l’inachèvement
- le Profond , la Profondeur et l’Etre humain fondent l’activité de Création
comme étant au cœur d’une éducation radicale.

Par l’existence au niveau du Profond, l’être humain entre dans la Présence
et trouve les moyens de son activité féconde
5. CARREFOUR PRAGMATIQUE
5.1. Comment être présent ?
Il faut aller en chercher les manières d’être chez les sages et philosophes de
l’humanité :: Revue « Question de n°107, Conscience et présence, 1997,
Gabriel Marcel, Albert Camus, Krishnamurti, Baruch Spinoza, Nicolas Go,
Pierre Hadot, André Comte-Sponville, Jean Klein, Arnaud Desjardins et
Prajnanpad, Thich Nhat Hanh, Daniel Pons.

Que veut dire « être présent ? »
pour Krishnamurti : L'état d'une conscience si totalement présente est
semblable à celui où l'on se trouverait en vivant avec un serpent dans la
chambre: on observerait tous ses mouvements, on serait très, très sensible au
16/07/10

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moindre bruit qu'il ferait. Un tel état d'attention est une plénitude d'énergie où
la totalité de nous-mêmes se révèle en un instant. (se libérer du connu, ch3)
5.1.1. Interpeller l’intention et l’attachement conditionné (un besoin
primaire ? attachement et amour : René Zazzo, John Bowlby)
Pour cela il va entrer dans la lucidité et voir
- Lucidité sans limite Krishnamurti : Êtes-vous conscients de la fragmentation
de vos existences? Est-il possible à un cerveau qui a mis en pièces la structure
de sa pensée de percevoir le champ total de la conscience? Nous est-il possible
d'appréhender tout notre état de conscience, complètement, absolument, c'est-àdire de devenir des êtres humains achevés? (se libéré du connu, ch3)
- l’intention et le désir : intention vers quelque chose ou quelqu’un. Suppose la
pensée dans le passé et l’envie de retrouver le passé. Frustration et souffrance
répétitives. François Roustang parle dans son livre de « la fin de la plainte » et
se dégage de la psychanalyse classique pour s’ouvrir au bouddhisme.
Krishnamurti : Comprendre le plaisir, ce n'est pas y renoncer. Nous ne le
condamnons pas, nous ne disons pas que c'est bien ou mal de le poursuivre ;
mais faites-le, du moins, les yeux ouverts, en sachant que sa recherche constante
trouve toujours son ombre: la douleur. (Se libérer du connu, ch4)
- l’attachement sous emprise (Bouddhisme) : attachement aux objets, aux
personnes, aux pays, aux rencontres, aux souvenirs, aux projets, aux statuts
sociaux et économiques
- Sans passer par la pensée (ni concept, ni image) :Krishnamurti La pensée
n'est jamais neuve, car elle est une réaction de la mémoire, de l'expérience, du
savoir. Parce qu'elle est vieille, elle vieillit l'objet que vous avez regardé avec
16/07/10

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délectation et que vous avez, dans l'instant, senti profondément. Et c'est ce qui
est vieux qui donne du plaisir, jamais ce qui est neuf, car, dans le neuf, le temps
n'existe pas. (Se libérer du connu, ch 4)
- Sans aucune comparaison : Krishnamurti Lorsque je comprends que toute
comparaison, quelle qu'elle soit, ne peut que conduire vers de nouvelles
illusions et de nouveaux maux, j'élimine complètement cette façon de penser,
tout comme j'élimine l'analyse psychologique, l'étude de moi-même morceau par
morceau, ou mon identification avec quelque chose d'extérieur à moi, une
idéologie, un Sauveur, l'État. (se libéré du connu ch 3)
- Se détacher ou plutôt être avec, ni dans l’attachement, ni dans le
détachement,

mais

dans

le

non-attachement.

Accompagner,

écouter/observer sans attachement
- la voie apophatique et le Faire
« La manière de vivre philosophique, c’est tout simplement le comportement du
philosophe dans la vie quotidienne. Par exemple, le juste selon un stoïcien
romain de l’époque républicaine, Qintus Mucius Scaevola, gouverneur de la
province d’Asie, qui mit son point d’honneur, à la différence de ses
prédécesseurs, à payer son séjour en Asie de ses propres deniers, à obliger son
entourage à en faire autant et à mettre fin aux excès des collecteurs d’impôts
romains » (P.Hadot, p.159)
Le FAIRE est de l’ordre du la vie minuscule (la vaisselle, le jardinage, la
moindre petite action, l’écoute sensible de notre interlocuteur) tel qu’en parle
Thich Nhat Hanh
5.1.2. De l’intention à l’attention par la méditation et les « exercices
spirituels » :
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27

« Être présent » Plotin s’efforçait dit Porphyre d’ « être présent à lui-même et
aux autres » (Vide de Plotin, 8, 19)
Exercices spirituels : ni exercices purement religieux (cf Paul Rabbow), ni
exercices moraux, ni exercices éthiques, ni pratiques de soi (Foucault), ni
« montages » (Raymond Ruyer), plutôt proches de la poésie « comme exercice
spirituel » (revue Fontaine après 2e Guerre mondiale) ou proche de Georges
Friedmann « La Puissance et la sagesse » qui affirmait « chaque jour un exercice
spirituel » comme les stoïciens. Une « physique vécue » qui « consiste à prendre
conscience du fait que l’on est une partie du Tout et qu’il faut accepter le
déroulement nécessaire de ce Tout avec lequel nous nous identifions puisque
nous sommes l’une de ses parties » (p.154). Marc Aurèle le rappelait « à chaque
instant je peux penser à l’indicible événement cosmique dont je fais partie »
(P.Hadot, 259)
- le désencombrement de l’esprit par l’observation :
- L’attention vigilante, holistique, non attachée à l’égard de tout ce qui est et
advient d’instant en instant
Krishnamurti, Le vol de l'aigle (partie1)
http://www.nous-les-dieux.org/index.php/Krishnamurti/Krishnamurti_1960Le_vol_de_l%27aigle/Le_vol_de_l’aigle_-_Partie_I__Questions_et_Réponses/meditation
Là où il y a une observation constante il n'y a aucun mouvement du passé.
« Observer » implique une vision claire, et pour qu'il y ait une vision claire il
faut qu'il y ait liberté, il faut être libre de tout ressentiment, de toute hostilité, de
tout préjugé, de toute rancune, de tous ces souvenirs que nous avons accumulés
qui sont notre savoir et qui sont autant d'empêchements à notre vision. Quand
existe cette qualité, cette liberté qui accompagne un état d'observation constante,
observation des choses extérieures aussi bien qu'intérieures, observation de ce
16/07/10

28

qui se passe réellement – dans un tel état quel besoin de recherche ? – car tout
est là, le fait, le « ce qui est », tout cela est observé.
- Savoir passer de l’intention 1 à l’intention 2 : Lorsqu’agit la présence de la
Profondeur dans tout regard sur ce qui nous arrive. L’intention 2 est sans désir
au sens habituel mais avec beaucoup d’ardeur et d’intensité sans objet.
Dans le processus noétique, plus encore l’intention 2 est création
permanente – esprit créateur – porté sur le monde par le regard,
l’expression, l’action. C’est la liberté créatrice par excellence, dénuée de
lourdeurs narcissiques.
Cela conduit à la participation immédiate à la réalité

5.2. Complexité de la sagesse
L’expérience spirituelle de Ramana Maharshi s’ouvre sur la sempiternelle
question du « qui-suis-je ? » . De son côté, un autre sage non dualiste comme
Jean Klein nous interpelle sans cesse.
16/07/10

29

Les propos de Jean Klein ont le pouvoir de nous éveiller au silence intérieur, à la
Présence Essentielle qui peut se dévoiler lorsque l’ego se dissout. « C’est par
l’interrogation Qui suis-je que nous progressons vers la reconnaissance que le
corps et le mental ne sont pas notre véritable nature, pas plus que nos pensées,
nos sensations et nos sentiments. Ils sont seulement objets de la Conscience,
tandis que nous sommes la Conscience. Il est donc évident qu’en tant que
Témoin nous les transcendons. Tôt ou tard, nous réalisons cet ultime Sujet,
Réalité non-duelle qui ne peut jamais être objet. »
L’expérience du Soi « est à la fois un état d’Etre et de Connaître où il y a
identité totale entre l’observateur, l’observation et la chose observée. » «
Seul, celui qui utilise le Qui Suis-je ? peut faire l’Expérience de l’état de
Félicité sans objet, et s’y établir d’une manière permanente. […] Comment le je
personnel, c’est-à-dire l’ego, pourrait-il être l’ultime Réalité ? Le moins ne peut
jamais être le plus, ni le changement identique à l’Immuable. Le je de l’ego ne
peut jamais être la Conscience-Témoin et l’expérience Je-suis-Brahman est
absolument impensable. Je-suis-Brahman signifie qu’une fois éliminée, il ne
reste que l’arrière-plan, Conscience sans objet, ultime Réalité, Brahman. Pour
cette ultime Réalité, il faut avoir complètement éliminé le je et cessé d’être
personnel. Le lâcher-prise de tout ce qui est objectif en nous se fait par
étapes, sans effort, sans que l’on se rende compte que quelque chose a lâché,
donc sans conflit. C’est le résultat du discernement. De la même manière
qu’on cesse de prendre l’ombre pour un voleur, on cesse de surimposer le je à la
Réalité. » (« la joie sans objet » Almora, 2009)
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30

- Une mise à distance à la fois de la misologie (haine du concept) et de la
philodoxie (surabondance du concept)
- un rapport à la méditation silencieuse du philosophe et à la méditation
silenciaire du sage (Nicolas Go, les printemps du silence)
- une pratique du tétralemme platonicien ou bouddhique : si on trouve A et B
(comme contraire de A) : ex vie et mort ou mieux encore vide et plein, une suite
logique peut être celle-ci :
*A ou B
* A et B
* Ni A ni B
* Ni niA ni niB
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31

Ce processus logique nous fait entrer dans la transdisciplinarité telle qu’en parle
Basarab Nicolescu comme approche entre et au delà des disciplines.
- être ici et maintenant c’est à dire être atopos paradoxalement « Dans
l’Antiquité le philosophe est toujours considéré un peu comme Socrate luimême ; il n’est « pas à sa place », il est atopos, on ne peut pas le mettre dans un
lieu, dans une classe spéciale, il est inclassable » (P.Hadot, p.162). Peut-être
cherche-t-il lui aussi comme le poète, le vrai lieu ? (« le désir du vrai lieu est le
serment de la poésie » Yves Bonnefoy)
- entrer dans la joie sans objet qui est le joie simplement d’être.
- être libre radicalement : pouvoir dire oui là où l’Autre demande de dire non,
pourvoir dire non là où l’Autre demande de dire oui ; pouvoir dire oui et non, là
où l’autre demande de choisir ; pourvoir dire ni oui ni non là où l’Autre
demande de décider et d’agir vite. (L’Autre = Tout ce qui vient conditionner la
représentation singulière de l’être humain dans son rapport au monde)
5.3. Conclusion partielle sur la présence éducative
Ce que nous a appris la pensée asiatique par son ouverture à la non-dualité, c'est
la reconnaissance de la nature essentielle de la présence comme instant vécu.
Paradoxalement, le présent fait disparaître la temporalité de l'instant tout
en reconnaissant sa seule existence. Le sujet réellement présent n'est ni dans le
passé, ni dans l'avenir. Il vit dans l'instant même du présent à ce qui est, mais
cette instantanéité ne donne lieu à aucune prise temporelle en terme de durée. Le
sujet présent n'est pas dans le concept ou

dans l’image mais dans un vide de

conscience qui est pourtant un « plein » et non un néant. Un rien qui appréhende
le tout. Il n'arrête pas le flux de conscience dans les détours de la mémoire ni ne
16/07/10

32

l'excite dans le projet comme projections de figures d'espérance ou de
désespérance tissant un avenir hypothétique. Le sujet présent se vit comme un
être au cœur d'une attention vigilante à tout ce qui est et advient. Il passe sans
cesse de l'intention à l'attention dans une perception directe de la réalité. Plus
exactement sa seule intention est de faire attention. Il demeure parfaitement
immobile au sein de l'extraordinaire mobilité du vivant et du monde. Il est sans
mouvement psychologique intérieur et n'engendre aucune temporalité ni ne crée
aucun espace superflu car il ressent, profondément, un espace sans limite et
omniprésent. Il semble être tout l'espace en un seul point. L'infini dans le chas
d'une aiguille.
Le sujet présent n'est pas dans un temps psychologique ou chronologique bien
qu'il puisse en tenir compte, le cas échéant, pour les besoins d'une vie ordinaire
et fonctionnelle. Il est a-temporel, au delà du temps et de l'espace, mais au cœur
de ce qui advient. Il est la création même, mais aussi la mort (par la conscience
de l'instantanéité de ce qui naît et disparait) et l'amour (par la reliance) nous dit
Krishnamurti, comme termes équivalents. Il est jaillissement attentif de l'
écouter-voir dans son rapport aux autres, au monde et à lui-même. Il vit un
moment de « pleine conscience » (Thich Nhat Hanh) comme une sorte de « trou
noir » cosmique dans la conscience absorbant tout ce qui l'entoure dans sa
conscience d'être. C'est la raison pour laquelle le sujet présent attire et fascine
selon un processus proche du sacré. N'étant ni dans la temporalité dominante et
linéaire, ni dans l'espace banalisé, il paraît venir d'un autre monde, d'un autre
niveau de réalité, dans les moments où sa « présence » est la plus soutenue. À ce
niveau, le savoir habituel se dilue dans la connaissance singulière et
expérientielle. Mais, ce faisant, cette connaissance donne naissance à un
nouveau savoir totalement imprévu.
Examinons les effets de la présence en éducation
16/07/10

33

5.4. Les effets de la présence en éducation
5.4.1. Pour l’autre : une autre autorité, l’autorité-source
- la reconnaissance du Visage non comme effraction mais comme infini dans le
fini qui fait reliance dans l’étrangeté (Lévinas, G.Marcel)
5.4.2. Pour le monde : le Réel-Monde comme plénitude mais dans l’étrangeté et
l’inconnu : imprévu, ouverture
5.4.3. Pour soi : apprendre à dire OUI, sens du DON, de l’absorption dans la
nature , sans perte de singularité, sens de l’amour et de la compassion , sens de
l’engagement politique vers une véritable autonomie collective (Castoriadis)
5.4.4. Retrouver l’esprit d’enfance (repuerescere), sans faire l’enfant
le « retour chez soi » des traditions asiatiques
cf. Denis Kambouchner et Roger-Pol Droit
Retrouver l’esprit d’enfance c’est découvrir le sens de « l’autre nuit » que je
traduis dans un poème. Cet « autre nuit » que l’éducateur d’aujourd’hui doit
savoir reconnaître chez son élève comme le psychanalyste chez son analysant et
l’être aimant à l’égard de l’être aimé.
La nuit
Tous les chemins sont des fruits mûrs
Le vent s'apaise dans le feuillage de la mémoire
Le temps s'écoule à l'envers
16/07/10

34

La nuit revient et nous enroule
Dans ses courbes et dans ses flux
Nous changeons d'univers
Nous traversons les tempêtes
Nous ne sommes plus d'ici
Mais peut-être de chez nous
La nuit porte l'épée
Dans nos rêves
Les sources se décantent
L'amour s'éclaire dans nos images
C'est dans cette nuit
Que je veux te dire un silence
Fourré de clair-obscur
Animé par la vague bleutée de l'univers
Il jaillit du fond des âges
Nomme le cœur des choses
Découvre la mer dans les murs
Ce silence de la présence
Qu'il soit pour toi
En cet instant
Un oreiller de douceur
Une petite flambée de menthe
Pour caresser ton sommeil
16/07/10

35

Nous entrons alors dans l’univers de la Profondeur qui se donne à voir, toujours
d’une façon inadéquate et inattendue, par la poésie et, peut-être, par une vision
taoïste de la vie qui peut se dire ainsi :
16/07/10

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  • 1. 16/07/10 1 LA PRÉSENCE ÉDUCATIVE dans une perspective de spiritualité laïque René Barbier (conférence à Font-Romeu, juillet 2010) à Danièle Legros INTRODUCTION L’éducation est sans doute l’accomplissement d’une spiritualité laïque. Laïque d’abord parce qu’une éducation – surtout nationale - doit être sans obédience quelconque à un univers religieux considéré comme une référence absolue. Spiritualité ensuite parce qu’il s’agit du résultat d’une activité de l’esprit qui n’est pas simplement rationnelle mais comporte, un dépassement, par intuition, imagination et expériences affectives supra-sensibles, des ouvertures de sens sur l’inconnu de ce qui est et advient sans cesse Spiritualité laïque : état d’un être humain qui a simplement la conscience d’être ici et maintenant et qui, de ce fait, éprouve une joie subtile comme un mince filet de menthe se dissout dans un verre d’eau fraiche par temps de canicule pour tous les assoiffés que nous sommes. Cinq carrefours de questionnements autour de « la présence en éducation ». - Carrefour sémantique - Carrefour philosophique - Carrefour spatio-temporel - Carrefour de sens de l’être humain présent - Carrefour pragmatique
  • 2. 16/07/10 2 1. CARREFOUR SÉMANTIQUE . Quid de la présence ? Certainement un des principaux concepts en éducation aujourd’hui, mais peu explicité. Mot tabou si on va au fond car trop révolutionnaire ou mot valise prononcé à tout vent si on s’arrête au superficiel. Tout d’abord je me démarque immédiatement d’une représentation du concept pris au piège de la société spectaculaire et de pouvoir d’aujourd’hui. Il s’agit alors de la présence comme instantanéité de là jouissance individuelle à tout prix, notamment pour tous ceux qui possèdent les biens de ce monde. Les sociologues parlent de « l’homme instantané » ou encore de « l’homme présent » en ce sens. Celui du stress comme moyen efficace de management, de la concurrence effrénée, du temps c’est de l’argent, du « culte de l’urgence » (Nicole Aubert) et des réunions dérisoires du G20. Au sein de ce sens de la présence fallacieuse, la personne au plus bas de l’échelle sociale n’a plus qu’un moyen souvent, pour survivre physiquement et psychologiquement comme l’a montré magistralement une psychosomaticienne et psychanalyste clinicienne du travail, Marie Pezé, lors d’une communication récente (au 40e anniversaire du Laboratoire de Changement Social à l’université Paris 7, 9-12 juin 2010) : se laisser envahir par la conscience de la réalisation objectale à accomplir, ne plus penser à rien d’autre, être totalement dans l’acte, même ridiculement machinal. L’ouvrière, dans ce cas, est bien « présente » mais dans une aliénation totale à l’ordre néolibéral. Par ailleurs, le mot « présence » est trop connoté par ses références aux grandes religions monothéistes, notamment au christianisme. Le mot reflète l’emprise
  • 3. 16/07/10 3 des Religions du Livre et la liaison avec la déchristianisation et la sécularisation du sacré. La présence n’est pas seulement liée au mystère de l’incarnation d’une déité innommable et indéfinissable par la raison, malgré les réfutations de Thomas d’Aquin. Il faut l’ouvrir à tous dans le sens d’une spiritualité laïque, aux noncroyants a priori mais sans nier que ce terme puisse également concerner les croyants d’aujourd’hui. Comme le propose très bien Gilles Deleuze, en suivant les Stoïciens, dans les premières pages de Logique du sens consacrées à Alice au Pays des Merveilles et Lewis Caroll1, le présent est en quelque sorte la surface du temporel. Pour lui seule la surface fait sens, avec l’événement, la surface sans frontière, et comme dit Paul Valéry, « le plus profond c’est la peau » (cit.p.18). L’hédonisme solaire de Michel Onfray, aujourd’hui, dirait-il autre chose ? Dans la ligne du philosophe indien Shankara (VIIIe siècle) et de la non-dualité2, surface et profondeur sont d’un seul tenant. Instant et éternité d’une même dynamique. Le présent absolu dans la conscience d’exister est présence à soi et ne se fractionne pas. On peut dire que toucher d’un doigt la surface de l’océan , c’est rencontrer la totalité de l’océan. Comme le pensait Krishnamurti, comprendre un arbre, savoir le voir sans le penser en tant que catégorie, c’est rencontrer la forêt et plus largement la vie dans son intensité transformatrice et sempiternelle. Cela pose les questions suivantes : qu’est-ce qu’un éducateur et l’éducation ? quel est le sens de l’éducation ? qu’est-ce-que la présence en éducation ? 1 Gulles Deleuze, Logique du sens, 10/18, Éditions d e Minuit, 1973, (1969), 446 p. Roger-Pol Droit, s/dir, Philosophies de l’ailleurs, Les pensées indiennes, chinoises et tibétaines, Hermann, 2009, 488 p., pages 75-97 2
  • 4. 16/07/10 4 La crise de l’école a de multiples causes. Au moment où je prépare cette conférence (en mai et juin 2010), une élève de collège a poignardé sa camarade à Villiers le Bel, plusieurs autres collégiens ailleurs ont tenté de se suicider, une jeune adolescente à réussi malheureusement son coup et personne n’y comprend rien. Il se pourrait que l’une des causes, indépendamment du contexte général quelque peu cynique de la société contemporaine, reflète le manque de présence de l’enseignant considéré non seulement comme un transmetteur d’informations et de savoirs mais surtout comme un éducateur digne de ce nom. Peut-on parler d’un processus de la présence éducative comme le sens de l’apprendre à être présent aux autres, au monde et à soi-même tout en s’enrichissant des visions du monde plurielles issues des cultures humaines ? 1.1. PRÉCISIONS CONCEPTUELLES Commençons par préciser quelques concepts dans la perspective philosophique qui est la mienne : GLOSSAIRE TRANSVERSAL ACTIVITÉ J’appelle « activité » un courant d’actions dirigées vers un but EDUCATION L’éducation est le processus d’activités dont le but est la connaissance de l’être humain dans son entièreté et sa complexité.
  • 5. 16/07/10 5 Elle s’exprime par une dialogique incessante entre un champ de savoirs pluriels et un champ de connaissance expérientielle de soi. J’y reviendrai. La méditation sans objet (sans concept ni image) est au cœur de cette dialogique car elle introduit au non-savoir sur ce qui est et advient sans cesse. FORMATION La formation est l’éducation que se donne un individu lorsqu’il rencontre des maîtres d’enseignement et des maîtres de vie, formellement dans des institutions et informellement tout le long de sa vie. INSTRUCTION L’instruction est la formation donnée et souvent imposée par un tiers doté d’une puissance sociale institutionnalisée. ENSEIGNEMENT L’enseignement est l’instruction qui consiste à marquer symboliquement l’enseigné sous l’emprise d’un cursus de savoir considéré comme légitime au sein d’une société à un moment donné de son histoire. PRÉSENCE ÉDUCATIVE La présence éducative est l’influence humaine qui conjugue à la fois la plus grande simplicité, le plus haut degré de connaissance de soi et la somme de savoirs pluriels la plus complète. APPRENDRE
  • 6. 16/07/10 6 Apprendre est un processus psychologique que vit un individu volontairement et qui le fait entrer dans l’éducation à la fois par soi-même et par les autres. EDUCATEUR L’éducateur est la personne dont la présence est déterminante pour autrui dans l’acte d’apprendre. POÉSIE La poésie comme forme tangentielle à ce qui est et advient prend sa source dans la méditation sans objet. Si le sens de l’être est une énigme à jamais ouverte, la poésie dessine son bouton d’or. SPIRITUALITÉ LAÏQUE Je nomme "spiritualité laïque" sans référence a priori à un dieu et dans la perspective d'une reconnaissance de la non-dualité de ce qui est et advient, le résultat du processus éducatif précédemment défini, d'une personne qui s'achemine vers un état de "présence" dans la vie de tous les jours. Pour comprendre, revenons sur quelques points précis. 1.2. Le sens de l’éducation : les trois dimensions
  • 7. 16/07/10 7 Les trois composantes du sens (dans une vidéo du ministère de l’éducation et de la recherche en 1996 pour moi actuellement sur « le journal des chercheurs », récemment en 2006 chez François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, p.35 : « Si je poussais plus avant ma pensée, je dirais que notre sens du sens, notre sens d’un univers ayant sens vient aussi de la beauté, dans la mesure où, justement, cet univers composé d’éléments sensibles et sensoriels prend toujours une orientation précise, celle de tendre, à l’instar d’une fleur, d’un arbre, vers la réalisation du désir de l’éclat d’être qu’il porte en lui, jusqu’à ce qu’il signe la plénitude de sa présence. On trouve en ce processus écrit F.Cheng, les trois acceptions du mot sens en français : sensation, direction, signification cf. aussi p.40-41 « Précisons que par
  • 8. 16/07/10 8 signification, nous n’entendons pas forcément un acte intentionnel en vue de quelque chose. Si « en vue » il y a, c’est de la jouissance, tant il est vrai qu’on ne peut pleinement jouir de l’Être qu’en jouissant de tous les sens, y compris cette instinctive connaissance de sa présence au monde, en tant que « signe de vie », un signe qui implique toujours les potentialités et virtualités qu’on porte en soi ») - direction ou finalité. La finalité semble être le plein accomplissement de la « puissance d’agir » qui s’ouvre sur la joie d’exister au sens de Spinoza, mais d’une puissance d’agir qui tient compte de l’être-ensemble parce que, comme l’ont bien vu les anciens Chinois, l’être humain est avant tout un être avec, un être de l’entre deux, un être de relation. - signification ou compréhension et intelligence de la finalité La signification est l’ensemble des rapports de sens en liaison avec la finalité de l’activité qui permet de donner une intelligibilité au monde avec lequel le sujet entre en relation. - sensation ou inscription corporelle de la signification. La sensation constitue l’éprouvé de l’être humain et du vivant non humain dont le corps est en contact avec le monde. Elle est le premier objet de connaissance en tant qu’en elle s’inscrit et s’anime l’énergie même de ce qui est, c’est à dire le Réel. 1.3 L’Advenir et le Sensible Par la sensation nous percevons le présent du présent, c’est à dire la conscience
  • 9. 16/07/10 9 de ce qui advient, le Sensible dont nous parle Danis Bois. L’Advenir chez Danis Bois L’Advenir est à la croisée des temporalités comme le propose le professeur Danis Bois dans le massage des « fascias » (mouvements des muscles internes) et la reconnaissance radicale de la catégorie du Sensible en somatopsychopédagogie3. L’advenir nous place sur le seuil d’un regard vers le passé et d’un regard sur l’avenir, au moment même de leur prise de conscience. Vers le passé, il éclaire en les réactualisant des pans de conscience dépassée et vers l’avenir, il découvre intuitivement des potentialités non encore actualisées. 2. CARREFOUR PHILOSOPHIQUE 3 Danis Bois et alii, Sujet et renouvellement du moi. Les apports de la fasciathérapie et de la somato-psychopédagogie, éditions Points d’appui, 2009, 454 p. et Danis Bois, « L’advenir, à la croisée des temporalités, Analyse biographique du processus d’émergence du concept de l’advenir », revue Réciprocités, n°3, mai 2009, pages 8 à 15.
  • 10. 16/07/10 10 2.1. L’éducation entre médiation et défi - une médiation dialogique entre savoirs pluriels et connaissance de soi * les savoirs pluriels sont ceux que légitimement l’humanité reconnaît comme pertinents pour entrer dans l’intelligibilité du monde aujourd’hui. Ils englobent toutes les disciplines et tous les savoirs scientifiques et philosophiques comme toutes les formes d’expressions artistiques.
  • 11. 16/07/10 11 * La connaissance de soi est essentiellement expérientielle et évolue en fonction d’une intégration à la fois des savoirs pluriels, nécessairement limités pour l’individu, et son rapport direct et vécu à la réalité, y compris dans des moments de flashes existentiels étonnants. * un défi radical qui correspond à l’interpellation de chaque pôle par rapport à l’autre. Des savoirs pluriels par la connaissance de soi et de la connaissance de soi par les savoirs pluriels. * la méditation à reconnaître et à vivre comme moment de non-agir et de non-savoir entre médiation et défi (sur la question de la méditation : Mathieu Ricard, Krishnamurti, Thich Nhat Hanh, Jon Kabat-Zinn Jean Klein, etc) 2.2. Pourquoi l’éducation en rapport avec la présence ? L’éducation nous pousse à nous ouvrir aux autres, au monde et, en fin de compte à nous redécouvrir en personne. Il existe un rapport étroit entre éducation et philosophie sur ce plan. Mais à condition de ne pas enfermer la philosophie comme on l’a fait à partir de la fin du XIXe siècle et au XXe siècle dans la sphère de la civilisation gréco-latine, anglosaxonne et française. RogerPol Droit a bien montré qu’il s’agissait maintenant de s’ouvrir à ce qu’il nomme « les philosophies d’ailleurs » (Chez Hermann, 2009) c’est à dire l’Inde, La Chine, le Tibet, l’Egypte ancienne, la pensée hébraïque, arabe ou persane etc. Toutes traditions de pensée véritablement philosophique mais que les philosophes professionnels d’Occident et leur cursus académique ont tenu horsjeu jusqu’à la fin du XXe siècle. Comme l’écrit Pierre Hadot dans son livre d’entretiens « La philosophie comme manière de vivre » : « D’une manière générale, j’aurais tendance personnellement à me représenter le choix philosophique fondamental, dont l’effort vers la sagesse, comme un dépassement du moi partial, partiel,
  • 12. 16/07/10 12 égocentrique, égoïste, pour atteindre au niveau d’un moi supérieur qui voit toutes choses, dans la perspective de l’universalité et de la totalité, qui prend conscience de lui-même comme partie du cosmos, qui embrasse alors la totalité des choses » (p.141) 3. CARREFOUR SPATIO-TEMPOREL 3.1. La présence comme croisement entre l’horizontalité et verticalité de l’existence. 3.1.1. L’horizontalité du quotidien C’est le temps de l’habitude, de la routine, de la conformité de pensée, le temps linéaire, de l’homme enfermé dans ces certitudes et ses peurs, ses conditionnements, le temps de l’homme de désir et du conflit, de l’homme de l’art et de la poésie aussi. Et parfois, du questionnement en fonction de flashes existentiels lorsque la vie percute le réel et désarticule les charpentes de sens trop rigides que nous nous étions données pour nous rassurer devant l’inconnu. P.Hadot, parle d’exercice spirituel ? = « prise de conscience de la présence du monde et de notre appartenance au monde. Ici l’expérience du philosophe rejoint celles du poète et du peintre » (p.156,) la philosophie comme manière de vivre). Il s’agit de savoir changer de regard sur ce qui est : « Percevoir les choses comme étranges, c’est transformer son regard de telle manière que l’on a l’impression de les voir pour la première fois, en se libérant de l’habitude et de la banalité » p.156 Mais ce nouveau regard s’arrime à l’instant lorsque l’horizontalité de l’existence rencontre la verticalité de l’être. 3.1.2. la verticalité comme flash existentiel
  • 13. 16/07/10 13 - un éclairement de l’être lié à une instantanéité de notre présence au monde : F.Cheng écrit « L’unicité transforme chaque être en présence, laquelle à l’image d’une fleur ou d’un arbre, n’a de cesse de tendre, dans le temps, vers la plénitude de son éclat, qui est la définition même de la beauté » (p.26 des Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel, 2006) et « la vraie transcendance est dans l’entre » (p.28) - une interpellation sur l’horizontalité de notre existence : qu’est-ce qui fait sens ? Un jour un accroc dans notre réalité quotidienne vient nous interpeller, nos inquiéter, nous plonger dans le non-sens. Nous nous ouvrons à autre chose, à la Profondeur et à la philosophie. Pour ma part ce fut un jeune homme mort sur la route et rencontré lorsque j’avais une dizaine d’années. - une ouverture à la Profondeur, dans laquelle on semble entrer définitivement mais où nous étions déjà depuis toujours, malgré la mort de l’homme et la finitude de toute chose. Robert Linssen, ce grand connaisseur de la pensée de Krishnamurti, en parlait ainsi : Dans le numéro 3 de la revue OM sur le thème « Lucidité » (p. 607), à la question : « Comment voyez vous la « finitude » de la personne, il répondait :« Rien ! Une vaguelette évanescente, anonyme, parmi les milliards de vagues de l’Océan insondable du Grand Vivant, un corps parmi les milliards de corps connus et inconnus, incompréhensiblement envahi par la bénédiction surprenante et non recherchée d’une force d’Amour, présente au cœur de tous les êtres, un corps qui ne respire plus mais qui « est respiré », qui n’agit plus mais « est agi » et qui n’y est pour rien ». http://www.maaber.org/issue_march06/spiritual_traditions2f.htm ) (voir
  • 14. 16/07/10 14 3.1.3. La présence comme moment vécu au croisement entre l’horizon quotidien et la verticalité de l’existence en situation - le lieu devient l’endroit, l’universel passe vers le particulier et le singulier Le lieu dans l’enseignement supérieur par exemple c’est l’ensemble géographiquement situé de chaque établissement universitaire sur le territoire national, ensemble considéré comme universel. L’endroit, c’est là où se tient un établissement particulier, précis, dans un rapport à cet ensemble universel. L’université de la Sorbonne dans le 5e arrondissement de Paris. Plus précisément l’endroit sera même là où l’on fait cours, dans sa classe, à une heure donnée, dans cet endroit précis. - Le lieu va de pair avec la durée. L’endroit introduit à l’instant qui particularise la durée en lui donnant une existentialité immédiate et à nulle autre pareille. En passant du lieu à l’endroit la durée linéaire de Chronos devient Kaïros, événementiel et existentiel, durée bergsonienne à proprement parler. - la situation et le moment En fait, l’éducation concrète est toujours située à un moment donné. La situation est constituée par l’ensemble des activités des personnes concernées
  • 15. 16/07/10 15 par un endroit et une série d’instants qui se déroulent d’une manière processuelle dans un moment éducatif. Le moment singulier de la présence est toujours plus que l’instant particulier mais toujours moins que la durée universelle. Comme l’écrit Krishnamurti : « Le présent, dans son intensité exigeante et sa rapidité changeante, apparaît comme un défi constant à l'esprit. Le présent et le passé sont toujours en conflit, sauf si l'esprit s'avère capable d'appréhender totalement le passé mobile. Le conflit n'a lieu que lorsque l'esprit, alourdi par le passé, le connu, l'expérimenté, répond de façon incomplète au défi du présent, qui est par essence nouveau, en constante mutation. » (Extrait du livre :CSV Tome 3, note 54 'Le défi du présent') - Dans cet esprit, l’histoire générale et universelle devient situation singulière enracinée dans la complexité du moment existentiel. 4. CARREFOUR DU SENS DE L’ÊTRE HUMAIN PRÉSENT 4.1. La présence au carrefour de la Profondeur, de la Reliance et de la Gravité.
  • 16. 16/07/10 16 4.1.1 La Profondeur ou l’impossible de la symbolisation (J.Lacan, les mystiques rhénans, Krishnamurti et l’otherness, mais aussi Bernard D’Espagnat et le « réel voilé ») - ce qui est et advient sans cesse, le Réel-Monde, comme Sans-Fond de tous les fonds, et ce qui ne peut être représenté - ce qui agit et nous agit en permanence parce que nous sommes pour l’essentiel cette Profondeur même. - ce qui nous fonde comme projet implié en nous-mêmes et nous donne la direction du sens : Peut-être « l’éloge du simple » et une sorte d’archétype du moine en nous-mêmes comme le pense le philosophe Raimon Panikkar.
  • 17. 16/07/10 17 4.1.2. La Reliance comme conséquence du vécu de la Profondeur (Marcel Bolle de Bal4, Edgar Morin, Michel Maffesoli5 et sur le plan épistémologique en physique quantique (Michel Bitbol6) etc.) - c’est le sentiment d’être relié au monde et aux autres, à tout ce qui vit et même à tout ce qui est pour les Orientaux. - le sentiment océanique de la présence considéré comme un éprouvé qui nous affirme qu’il faut « relier ce qui est séparé et distinguer ce qui est confondu » comme l’écrit Edgar Morin. 4 Marcel Bolle de Bal, la reliance : connexions et sens, Paris, Connexions, n°33, Epi,1981; La reliance ou la médiatisation du lien social : la dimension sociologique d’un concept charnière, Actes du XIIIe Colloque de l’Association International des Sociologues de Langue Française, 1988, Tome 1, pp. 598611. Voir aussi (“Voyages au coeur des sciences humaines, la reliance”, L’Harmattan, 1996, 2 volumes 5 Michel Maffesoli, Reliance et triplicité, Religiologiques, Jeux et traverses. Rencontre avec Michel Maffesoli, s/dir. Guy Ménard, Université du Québec à Montréal, Département des Sciences religieuses, Printemps 1991, n°3, 163 p., pp 25-86 (avec les débats). Cet article est à mettre en rapport avec le livre de DanyRobert Dufour “les mystères de la trinité”, Paris, Gallimard, 1991 en fonction de la pensée trinitaire. Comme pour moi, la “reliance” chez Maffesoli n’exclut pas le conflit, bien au contraire. L’écoute de la reliance sociale suppose une très grande ouverture d’esprit et d’improvisation d’expression : “...il y a une multiplicité d’expressions de cette rhétorique sociale. Et cette multiplicité d’expressions peut aller du bouquin théorique au roman en passant par d’autres expressions spécifiques. Il faut que je sois à même, moi qui veux dire mon temps, de l’intégrer dans ce que j’essaie de dire. Donc, jouer d’une construction qui soit le plus fidèle possible à la rhétorique générale et qui intègre une dimension de stylisation.” (p.82). On retrouvera un développement sur la reliance, à partir de l’oeuvre de E. Durkheim, dans la présentation de M. Maffesoli à la réédition des “formes élémentaires de la vie religieuse” en livre de poche (L.G.E. 1991), 758 p.. La “reliance” est alors, pour M. Maffesoli, très proche de la notion d’ “effervescence” chez Durkheim (cf. p.16-17 6 Michel Bitbol, De l’intérieur du monde, pour une philosophie et une science des relations, Pari, Flammarion, Bibliothèque des savoirs, 2010, 720 pages (remarquable exposé de la nouvelle théorie de la connaissance en fonction de la physique contemporaine).
  • 18. 16/07/10 18 4.1.3. La Gravité comme implication Nous n’échappons pas au sentiment de gravité dès que nous sommes reliés. La Gravité est une conséquence inéluctable de la Reliance. Nous saisissons ainsi les trois dimensions en boucle de l’implication (être impliqué, s’impliquer, impliquer autrui), et avec Hans Jonas nous faisons nôtre le principe de responsabilité, l’ éthique du visage chez Levinas, la distinction des quatre ordres chez Comte-Sponville et leur autonomie relative (technoéconomico-scientifique, juridico-politque, morale et éthique). - C’est être responsable de ses paroles et de ses actes comme de leur absence le cas échéant. - C’est la solidarité avec le vivant : une éthique écologique et sociale - C’est une implication politique dans le devenir du « vivre-ensemble » (Castoriadis et principe d’autonomie ; Robert Legros et « idée d’humanité », Alain Touraine et son « penser autrement ») 4.2. La présence éducative comme l’advenir du Profond Revenir à la Profondeur 4.2.1. La Profondeur fait naître le Profond Je propose le terme de Profondeur pour nommer et pouvoir discuter, c’est à dire porter sur le plan symbolique, malgré l’inadéquation radicale de tout concept, le Réel-Monde. La Profondeur, c'est tout ce qui est, sans pouvoir être nommé ou imaginé dans sa totalité dynamique. Elle n'a ni commencement ni fin. Dans sa mouvance permanente de structuration, destructuration, restructuration, elle est le Procès du monde en cours.
  • 19. 16/07/10 19 La Profondeur est transcendante, ailleurs, tout-autre, insaisissable, nonrationalisable, au-delà du temps et de l'espace, innommable, sans naissance et sans mort, englobante. Dans la Profondeur, amour et mort s'enchevêtrent sans fin et sans limite, d'une manière corpusculaire et ondulatoire. La Profondeur dans son flux est amour et mort dans son reflux. - Quid du Profond dans sa relation à la Profondeur ? Nuitée Sur un pic, un temple Je lève la main, frôle les étoiles Je n'ose parler à haute voix Peur d'effrayer les êtres célestes Li Bai Le Profond est cet état de nomination "conventionnelle", inadéquate et polysémique d'inscription du procès de la Profondeur dans le cours du monde, à un moment donné. Il représente la multitude infinie des formes de la Profondeur dans son déploiement incessant. La Profondeur donne au Profond sa lumière et son sens. Le Profond donne à la Profondeur son existence concrète et sa voix toujours inachevée. Le Profond est immanent, incarné, ici et maintenant, en mouvance. Entre le Profond et la Profondeur existe un lien de réciprocité nécessaire et l'espace de l'imaginaire. Le Profond, dans le flux de la Profondeur, se donne et participe. Dans son reflux, il tue et prend. Le Profond, entre le flux et le reflux de la Profondeur, se passionne et s'élève.
  • 20. 16/07/10 20 Le Profond, au sein de la Profondeur, est au-delà de la joie et de la souffrance. Moment ineffable où le Temps et l'Eternité se croisent et flambent. Lorsque le Profond sait, il s'arrête et s'endort. Lorsque le Profond connaît, il se perd et se tait. Lorsque le Profond s'approfondit, il connaît et s'allège. La Profondeur est Jeu du Monde, le Profond est jeu de l'homme. Entre la Profondeur et le Profond, le jeu se fait symboles. Quand le Profond s'approche de la Profondeur, son jeu devient un jeu d'enfant. Le jeu de l'homme est relié au Jeu du Monde par un sourire. Dans la flamme, le jeu de l'adulte ne voit que du feu. Dans la Profondeur, le jeu de l'enfant touche la flamme de l'eau. Le jeu de l'homme est relié à l'ordre social par un cri. Dans sa nature ludique la plus spontanée, la Profondeur est Errance. La solitude est la demeure du Profond. Le Profond va vers le silence et trouve la solitude. Derrière la solitude du Profond, la Profondeur joue et gagne. Pour le Profond, le silence est le bruit de la Profondeur. Entre le silence et la solitude, un rien, qu'on ne peut recouvrir. La mort est ce point d'être qui transforme la solitude en silence. 4.2.2. Profond et Surface : une étroite liaison Le Profond reste prisonnier de la blancheur des choses. Il n’est jamais très loin de la vie en acte avec son cortège de malentendus, d’ambivalences, de lâchetés et de courages incompréhensibles. Mais il est également porteur de la Profondeur qui ne le quitte jamais car il est cela même, comme un poignard planté dans l’infini.
  • 21. 16/07/10 21 Éloge du "Surfaciel" Ce qui n’advient qu’en surface, c’est l’événement et l’existentialité du Profond. Deleuze écrit « Là, les événements, dans leur différence radicale avec les choses, ne sont plus du tout cherchés en profondeur, mais à la surface, dans cette mince vapeur incorporelle qui s’échappe des corps, pellicule sans volume qui les entoure, miroir qui les réfléchit, échiquier qui les planifie.( Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1969, Paris, p. 19 et 20.) Pour Benoît Proux, reprenant une doctrine stoïcienne, Gilles Deleuze propose justement une théorie de l’événement fluide, qu’il oppose à la fixité des choses, (Benoît Proux, Philosophiques, vol. 30, n° 2, 2003, p. 371-389. Cit. p.383, http://www.erudit.org/revue/philoso/2003/v30/n2/008646ar.pdf ). L’événement arrive en surface, et fait advenir la surface, parce qu’il est attribut logique, et non pas qualité ou propriété physique. Il est effet incorporel de corps qui sont causes pour d’autres corps. L’événement insiste, mais n’existe pas pour Deleuze7. La Surface ou plutôt "le Surfaciel" ne doit pas être confondu avec le surperficiel. Ce dernier est au Surfaciel ce que le fond de teint est à la peau de jeune fille. Le Surfaciel vous enveloppe dès les premiers moments de votre naissance. Il représente une catégorie de contact. On sait que l’attachement va de pair avec la 7 Selon Alexandre Matheron, pour Toni Negri, commentant Spinoza, on peut encore parler de Dieu (comme le fait Spinoza, et comme, de son propre point de vue, il a raison de le faire) pour désigner cette activité productrice immanente aux choses, cette productivité infinie et inépuisable de toute la nature, mais à la condition de bien se rappeler ce que cela veut dire : la nature naturante, c’est la nature en tant que naturante, la nature considérée dans son aspect producteur isolé par abstraction ; et la nature naturée, ou les modes, ce sont les structures qu’elle se donne en se déployant, la nature en tant que naturée ; mais dans la réalité, il n’y a que des individus plus ou moins composés, dont chacun (naturant et naturé à la fois) s’efforce de produire tout ce qu’il peut, et de se produire et de se reproduire soi-même en produisant tout ce qu’il peut : l’ontologie concrète commence avec la théorie du conatus. C’est pourquoi Negri a tout à fait raison de caractériser cet état final du spinozisme comme une métaphysique de la force productive ; et cela par opposition à toutes les autres métaphysiques classiques, qui sont toujours plus ou moins des métaphysiques des rapports de production dans la mesure où elles subordonnent la productivité des choses à un ordre transcendant. http://multitudes.samizdat.net/Preface-a-l-Anomalie-sauvage-de,1417 (préface à l’Anomalie sauvage de Toni Negri, par Alexandre Materon)
  • 22. 16/07/10 22 présence chaleureuse de l’autre, bien au-delà de la simple fonctionnalité nourricière. Chez les grands mammifères comme chez le petit de l’homme le contact de la peau et la réalité du toucher (Montagu, 1979) constituent un élément essentiel de la survie et du développement psychologique. Le "moipeau" de Didier Anzieu, à la fois protège, dessine une frontière du self, et en mème temps permet l’ouverture et l’échange avec le milieu extérieur. En Gestalt-thérapie l’ancrage va toujours dans le sens d’un retour au Surfaciel, à l’enracinement. Le Surfaciel exige la rencontre avec ma finitude et avec le monde. C’est en devenant sans cesse immanent, intramondain, que je glisse vers la transcendance. Il faut comprendre ici le sens du visage de l’autre chez Emmanuel Levinas. Le visage d’autrui est le lieu de ma présence au monde. Quand je regarde mon prochain, je ne cherche pas la Profondeur, je la trouve. Je n’ai aucune intention, aucun projet sur l’autre. Alors la Profondeur est là, imperceptiblement cachée dans la Surface d’un visage qui se donne à voir. Je n’ai rien à inventer mais tout à contempler. Si je suis dans l’attitude juste, même la chaleur du visage me touche et mon regard est une brûlure mystérieuse. Pourquoi acceptons-nous de faire vaciller le Surfaciel - cette surface qui porte le ciel - dans les ornières du Superficiel ? Qu’est-ce qui nous pousse à devenir des êtres virtuels et spectaculaires là où nous pourrions être les mouvements mêmes, les vagues, de la surface océanique ? Les machines modernes de virtualisation ordinateurs et autres engins - nous éloignent de la surface pour nous engloutir dans l’image. Plus exactement ils mettent à la place d’une surface réelle d’échange interhumain un plan artificiel de communication. Ce qui devrait rester un moyen technique et fonctionnel remarquable envahit notre existence concrète et nous transforme en cybernautes abstraits. L’éducation implique le contact, le Surfaciel. L’éducation à distance, sans aucune présence physique et sans manifestation de notre sensibilité, est une aberration de notre temps post-moderne. Elle va dans le sens d’une éducation-
  • 23. 16/07/10 23 spectacle, d’un "show" de tête à claques. Mais surtout elle rassure les politiques qui ne trouvent plus les moyens d’une véritable éducation collective, trop coûteuse dans sa nécessité relationnelle. L’éducation à distance ne supporte pas l’improvisation et le chaos créateur qui sont propres à la vie. Elle nous conduit vers des procédures de fonctionnement programmé, des pseuso interactivités où les jeux combinatoires sont toujours déjà faits. Nous entrons peu à peu dans l’ère du Niktando éducatif. Le superficiel grignote ainsi le Surfaciel. Le poète cherche désespérément celui qui viendra le surprendre : "Celui qui vient sur terre pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience" écrit René Char. Le Profond est l’homme ou la femme de la surface tangentielle à la Profondeur. Il est conscient d’engager une lutte à mort contre les impresarii du mirage. Ces derniers parlent sans cesse de l’avenir, du progrès, de la chance inespérée de vivre avec nos technologies et nos technocrates. Ils se moquent volontiers du traditionnel, du "dépassé", du vieillot. Leur jouissance s’enracine dans la science-fiction qu’ils colorent selon leur humeur manichéenne en catastrophe ou en paradis ensoleillés. Ils prennent de plus en plus le pouvoir dans nos lieux quotidiens, dans nos usines, dans nos administrations, dans nos universités. Ce sont les seuls "envahisseurs venus de notre monde" que je connaisse. Le Profond revendique de comprendre et de connaître - de prendre et de naître avec - la parole et les pratiques des Anciens. Il inscrit cette culture du passé dans le mouvement du présent. Il ne déifie aucun symbole, il ne se vautre dans aucun mythe. Il sait que la Profondeur fait fondre l’établi, fait voler l’institué en poussières de suie. Mais c’est la vie même qu’il recueille du passé. Un élan de vie qui lui fait signe à travers les péripéties, les malheurs quotidiens, les catastrophes à hauteur d’homme. - Le Profond c’est le Réel-Monde incarné dans ses dimensions humaines.
  • 24. 16/07/10 24 - le Profond ou l’être humain de la pleine conscience dans la relation entre Profondeur, Reliance et Gravité au quotidien « là où le temps et l’éternité se croisent et flambent » - le Profond ou le futur de l’accomplissement : par dépassement de l’achèvement et de l’inachèvement - le Profond , la Profondeur et l’Etre humain fondent l’activité de Création comme étant au cœur d’une éducation radicale. Par l’existence au niveau du Profond, l’être humain entre dans la Présence et trouve les moyens de son activité féconde 5. CARREFOUR PRAGMATIQUE 5.1. Comment être présent ? Il faut aller en chercher les manières d’être chez les sages et philosophes de l’humanité :: Revue « Question de n°107, Conscience et présence, 1997, Gabriel Marcel, Albert Camus, Krishnamurti, Baruch Spinoza, Nicolas Go, Pierre Hadot, André Comte-Sponville, Jean Klein, Arnaud Desjardins et Prajnanpad, Thich Nhat Hanh, Daniel Pons. Que veut dire « être présent ? » pour Krishnamurti : L'état d'une conscience si totalement présente est semblable à celui où l'on se trouverait en vivant avec un serpent dans la chambre: on observerait tous ses mouvements, on serait très, très sensible au
  • 25. 16/07/10 25 moindre bruit qu'il ferait. Un tel état d'attention est une plénitude d'énergie où la totalité de nous-mêmes se révèle en un instant. (se libérer du connu, ch3) 5.1.1. Interpeller l’intention et l’attachement conditionné (un besoin primaire ? attachement et amour : René Zazzo, John Bowlby) Pour cela il va entrer dans la lucidité et voir - Lucidité sans limite Krishnamurti : Êtes-vous conscients de la fragmentation de vos existences? Est-il possible à un cerveau qui a mis en pièces la structure de sa pensée de percevoir le champ total de la conscience? Nous est-il possible d'appréhender tout notre état de conscience, complètement, absolument, c'est-àdire de devenir des êtres humains achevés? (se libéré du connu, ch3) - l’intention et le désir : intention vers quelque chose ou quelqu’un. Suppose la pensée dans le passé et l’envie de retrouver le passé. Frustration et souffrance répétitives. François Roustang parle dans son livre de « la fin de la plainte » et se dégage de la psychanalyse classique pour s’ouvrir au bouddhisme. Krishnamurti : Comprendre le plaisir, ce n'est pas y renoncer. Nous ne le condamnons pas, nous ne disons pas que c'est bien ou mal de le poursuivre ; mais faites-le, du moins, les yeux ouverts, en sachant que sa recherche constante trouve toujours son ombre: la douleur. (Se libérer du connu, ch4) - l’attachement sous emprise (Bouddhisme) : attachement aux objets, aux personnes, aux pays, aux rencontres, aux souvenirs, aux projets, aux statuts sociaux et économiques - Sans passer par la pensée (ni concept, ni image) :Krishnamurti La pensée n'est jamais neuve, car elle est une réaction de la mémoire, de l'expérience, du savoir. Parce qu'elle est vieille, elle vieillit l'objet que vous avez regardé avec
  • 26. 16/07/10 26 délectation et que vous avez, dans l'instant, senti profondément. Et c'est ce qui est vieux qui donne du plaisir, jamais ce qui est neuf, car, dans le neuf, le temps n'existe pas. (Se libérer du connu, ch 4) - Sans aucune comparaison : Krishnamurti Lorsque je comprends que toute comparaison, quelle qu'elle soit, ne peut que conduire vers de nouvelles illusions et de nouveaux maux, j'élimine complètement cette façon de penser, tout comme j'élimine l'analyse psychologique, l'étude de moi-même morceau par morceau, ou mon identification avec quelque chose d'extérieur à moi, une idéologie, un Sauveur, l'État. (se libéré du connu ch 3) - Se détacher ou plutôt être avec, ni dans l’attachement, ni dans le détachement, mais dans le non-attachement. Accompagner, écouter/observer sans attachement - la voie apophatique et le Faire « La manière de vivre philosophique, c’est tout simplement le comportement du philosophe dans la vie quotidienne. Par exemple, le juste selon un stoïcien romain de l’époque républicaine, Qintus Mucius Scaevola, gouverneur de la province d’Asie, qui mit son point d’honneur, à la différence de ses prédécesseurs, à payer son séjour en Asie de ses propres deniers, à obliger son entourage à en faire autant et à mettre fin aux excès des collecteurs d’impôts romains » (P.Hadot, p.159) Le FAIRE est de l’ordre du la vie minuscule (la vaisselle, le jardinage, la moindre petite action, l’écoute sensible de notre interlocuteur) tel qu’en parle Thich Nhat Hanh 5.1.2. De l’intention à l’attention par la méditation et les « exercices spirituels » :
  • 27. 16/07/10 27 « Être présent » Plotin s’efforçait dit Porphyre d’ « être présent à lui-même et aux autres » (Vide de Plotin, 8, 19) Exercices spirituels : ni exercices purement religieux (cf Paul Rabbow), ni exercices moraux, ni exercices éthiques, ni pratiques de soi (Foucault), ni « montages » (Raymond Ruyer), plutôt proches de la poésie « comme exercice spirituel » (revue Fontaine après 2e Guerre mondiale) ou proche de Georges Friedmann « La Puissance et la sagesse » qui affirmait « chaque jour un exercice spirituel » comme les stoïciens. Une « physique vécue » qui « consiste à prendre conscience du fait que l’on est une partie du Tout et qu’il faut accepter le déroulement nécessaire de ce Tout avec lequel nous nous identifions puisque nous sommes l’une de ses parties » (p.154). Marc Aurèle le rappelait « à chaque instant je peux penser à l’indicible événement cosmique dont je fais partie » (P.Hadot, 259) - le désencombrement de l’esprit par l’observation : - L’attention vigilante, holistique, non attachée à l’égard de tout ce qui est et advient d’instant en instant Krishnamurti, Le vol de l'aigle (partie1) http://www.nous-les-dieux.org/index.php/Krishnamurti/Krishnamurti_1960Le_vol_de_l%27aigle/Le_vol_de_l’aigle_-_Partie_I__Questions_et_Réponses/meditation Là où il y a une observation constante il n'y a aucun mouvement du passé. « Observer » implique une vision claire, et pour qu'il y ait une vision claire il faut qu'il y ait liberté, il faut être libre de tout ressentiment, de toute hostilité, de tout préjugé, de toute rancune, de tous ces souvenirs que nous avons accumulés qui sont notre savoir et qui sont autant d'empêchements à notre vision. Quand existe cette qualité, cette liberté qui accompagne un état d'observation constante, observation des choses extérieures aussi bien qu'intérieures, observation de ce
  • 28. 16/07/10 28 qui se passe réellement – dans un tel état quel besoin de recherche ? – car tout est là, le fait, le « ce qui est », tout cela est observé. - Savoir passer de l’intention 1 à l’intention 2 : Lorsqu’agit la présence de la Profondeur dans tout regard sur ce qui nous arrive. L’intention 2 est sans désir au sens habituel mais avec beaucoup d’ardeur et d’intensité sans objet. Dans le processus noétique, plus encore l’intention 2 est création permanente – esprit créateur – porté sur le monde par le regard, l’expression, l’action. C’est la liberté créatrice par excellence, dénuée de lourdeurs narcissiques. Cela conduit à la participation immédiate à la réalité 5.2. Complexité de la sagesse L’expérience spirituelle de Ramana Maharshi s’ouvre sur la sempiternelle question du « qui-suis-je ? » . De son côté, un autre sage non dualiste comme Jean Klein nous interpelle sans cesse.
  • 29. 16/07/10 29 Les propos de Jean Klein ont le pouvoir de nous éveiller au silence intérieur, à la Présence Essentielle qui peut se dévoiler lorsque l’ego se dissout. « C’est par l’interrogation Qui suis-je que nous progressons vers la reconnaissance que le corps et le mental ne sont pas notre véritable nature, pas plus que nos pensées, nos sensations et nos sentiments. Ils sont seulement objets de la Conscience, tandis que nous sommes la Conscience. Il est donc évident qu’en tant que Témoin nous les transcendons. Tôt ou tard, nous réalisons cet ultime Sujet, Réalité non-duelle qui ne peut jamais être objet. » L’expérience du Soi « est à la fois un état d’Etre et de Connaître où il y a identité totale entre l’observateur, l’observation et la chose observée. » « Seul, celui qui utilise le Qui Suis-je ? peut faire l’Expérience de l’état de Félicité sans objet, et s’y établir d’une manière permanente. […] Comment le je personnel, c’est-à-dire l’ego, pourrait-il être l’ultime Réalité ? Le moins ne peut jamais être le plus, ni le changement identique à l’Immuable. Le je de l’ego ne peut jamais être la Conscience-Témoin et l’expérience Je-suis-Brahman est absolument impensable. Je-suis-Brahman signifie qu’une fois éliminée, il ne reste que l’arrière-plan, Conscience sans objet, ultime Réalité, Brahman. Pour cette ultime Réalité, il faut avoir complètement éliminé le je et cessé d’être personnel. Le lâcher-prise de tout ce qui est objectif en nous se fait par étapes, sans effort, sans que l’on se rende compte que quelque chose a lâché, donc sans conflit. C’est le résultat du discernement. De la même manière qu’on cesse de prendre l’ombre pour un voleur, on cesse de surimposer le je à la Réalité. » (« la joie sans objet » Almora, 2009)
  • 30. 16/07/10 30 - Une mise à distance à la fois de la misologie (haine du concept) et de la philodoxie (surabondance du concept) - un rapport à la méditation silencieuse du philosophe et à la méditation silenciaire du sage (Nicolas Go, les printemps du silence) - une pratique du tétralemme platonicien ou bouddhique : si on trouve A et B (comme contraire de A) : ex vie et mort ou mieux encore vide et plein, une suite logique peut être celle-ci : *A ou B * A et B * Ni A ni B * Ni niA ni niB
  • 31. 16/07/10 31 Ce processus logique nous fait entrer dans la transdisciplinarité telle qu’en parle Basarab Nicolescu comme approche entre et au delà des disciplines. - être ici et maintenant c’est à dire être atopos paradoxalement « Dans l’Antiquité le philosophe est toujours considéré un peu comme Socrate luimême ; il n’est « pas à sa place », il est atopos, on ne peut pas le mettre dans un lieu, dans une classe spéciale, il est inclassable » (P.Hadot, p.162). Peut-être cherche-t-il lui aussi comme le poète, le vrai lieu ? (« le désir du vrai lieu est le serment de la poésie » Yves Bonnefoy) - entrer dans la joie sans objet qui est le joie simplement d’être. - être libre radicalement : pouvoir dire oui là où l’Autre demande de dire non, pourvoir dire non là où l’Autre demande de dire oui ; pouvoir dire oui et non, là où l’autre demande de choisir ; pourvoir dire ni oui ni non là où l’Autre demande de décider et d’agir vite. (L’Autre = Tout ce qui vient conditionner la représentation singulière de l’être humain dans son rapport au monde) 5.3. Conclusion partielle sur la présence éducative Ce que nous a appris la pensée asiatique par son ouverture à la non-dualité, c'est la reconnaissance de la nature essentielle de la présence comme instant vécu. Paradoxalement, le présent fait disparaître la temporalité de l'instant tout en reconnaissant sa seule existence. Le sujet réellement présent n'est ni dans le passé, ni dans l'avenir. Il vit dans l'instant même du présent à ce qui est, mais cette instantanéité ne donne lieu à aucune prise temporelle en terme de durée. Le sujet présent n'est pas dans le concept ou dans l’image mais dans un vide de conscience qui est pourtant un « plein » et non un néant. Un rien qui appréhende le tout. Il n'arrête pas le flux de conscience dans les détours de la mémoire ni ne
  • 32. 16/07/10 32 l'excite dans le projet comme projections de figures d'espérance ou de désespérance tissant un avenir hypothétique. Le sujet présent se vit comme un être au cœur d'une attention vigilante à tout ce qui est et advient. Il passe sans cesse de l'intention à l'attention dans une perception directe de la réalité. Plus exactement sa seule intention est de faire attention. Il demeure parfaitement immobile au sein de l'extraordinaire mobilité du vivant et du monde. Il est sans mouvement psychologique intérieur et n'engendre aucune temporalité ni ne crée aucun espace superflu car il ressent, profondément, un espace sans limite et omniprésent. Il semble être tout l'espace en un seul point. L'infini dans le chas d'une aiguille. Le sujet présent n'est pas dans un temps psychologique ou chronologique bien qu'il puisse en tenir compte, le cas échéant, pour les besoins d'une vie ordinaire et fonctionnelle. Il est a-temporel, au delà du temps et de l'espace, mais au cœur de ce qui advient. Il est la création même, mais aussi la mort (par la conscience de l'instantanéité de ce qui naît et disparait) et l'amour (par la reliance) nous dit Krishnamurti, comme termes équivalents. Il est jaillissement attentif de l' écouter-voir dans son rapport aux autres, au monde et à lui-même. Il vit un moment de « pleine conscience » (Thich Nhat Hanh) comme une sorte de « trou noir » cosmique dans la conscience absorbant tout ce qui l'entoure dans sa conscience d'être. C'est la raison pour laquelle le sujet présent attire et fascine selon un processus proche du sacré. N'étant ni dans la temporalité dominante et linéaire, ni dans l'espace banalisé, il paraît venir d'un autre monde, d'un autre niveau de réalité, dans les moments où sa « présence » est la plus soutenue. À ce niveau, le savoir habituel se dilue dans la connaissance singulière et expérientielle. Mais, ce faisant, cette connaissance donne naissance à un nouveau savoir totalement imprévu. Examinons les effets de la présence en éducation
  • 33. 16/07/10 33 5.4. Les effets de la présence en éducation 5.4.1. Pour l’autre : une autre autorité, l’autorité-source - la reconnaissance du Visage non comme effraction mais comme infini dans le fini qui fait reliance dans l’étrangeté (Lévinas, G.Marcel) 5.4.2. Pour le monde : le Réel-Monde comme plénitude mais dans l’étrangeté et l’inconnu : imprévu, ouverture 5.4.3. Pour soi : apprendre à dire OUI, sens du DON, de l’absorption dans la nature , sans perte de singularité, sens de l’amour et de la compassion , sens de l’engagement politique vers une véritable autonomie collective (Castoriadis) 5.4.4. Retrouver l’esprit d’enfance (repuerescere), sans faire l’enfant le « retour chez soi » des traditions asiatiques cf. Denis Kambouchner et Roger-Pol Droit Retrouver l’esprit d’enfance c’est découvrir le sens de « l’autre nuit » que je traduis dans un poème. Cet « autre nuit » que l’éducateur d’aujourd’hui doit savoir reconnaître chez son élève comme le psychanalyste chez son analysant et l’être aimant à l’égard de l’être aimé. La nuit Tous les chemins sont des fruits mûrs Le vent s'apaise dans le feuillage de la mémoire Le temps s'écoule à l'envers
  • 34. 16/07/10 34 La nuit revient et nous enroule Dans ses courbes et dans ses flux Nous changeons d'univers Nous traversons les tempêtes Nous ne sommes plus d'ici Mais peut-être de chez nous La nuit porte l'épée Dans nos rêves Les sources se décantent L'amour s'éclaire dans nos images C'est dans cette nuit Que je veux te dire un silence Fourré de clair-obscur Animé par la vague bleutée de l'univers Il jaillit du fond des âges Nomme le cœur des choses Découvre la mer dans les murs Ce silence de la présence Qu'il soit pour toi En cet instant Un oreiller de douceur Une petite flambée de menthe Pour caresser ton sommeil
  • 35. 16/07/10 35 Nous entrons alors dans l’univers de la Profondeur qui se donne à voir, toujours d’une façon inadéquate et inattendue, par la poésie et, peut-être, par une vision taoïste de la vie qui peut se dire ainsi :