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LA PLANIFICATION DANS LES
ESPACES FONCTIONNELS




Territoire &
Environnement
Novembre no 6/12
T&E



La planification dans les espaces fonctionnels
Développements récents et perspectives juridiques


Les principes de coordination et de                  1. Quelques remarques
collaboration sont plus que jamais au centre            introductives
de l’aménagement du territoire compte tenu
des défis auxquels les collectivités publiques
sont aujourd’hui confrontées. En effet, la           Avant de traiter les problèmes que peut poser la
Suisse s’urbanise et la mobilité de la popu-         planification dans les espaces fonctionnels, il
lation augmente sans cesse. Les activités            convient d’expliquer rapidement le lien étroit que
humaines ont toujours plus d’emprise sur le          cette problématique entretient avec la planifica-
territoire ou d’effets sur l’environnement. Il       tion régionale (ch. 2.1.) et d’en évoquer le cadre
n’est aujourd’hui plus possible d’assurer un         constitutionnel (ch. 2.2.).
aménagement du territoire satisfaisant en
coordonnant la planification uniquement
au sein des espaces politiques traditionnels,        1.1 La renaissance de la
lesquels ne coïncident souvent plus avec les             planification régionale
espaces fonctionnels actuels. La nécessité
d’organiser l’utilisation du sol de manière          Depuis longtemps, dans les grands et moyens
rationnelle à un niveau intercommunal et             cantons, les autorités ont compris l’utilité de pla-
intercantonal, voire international, devient          nifier l’aménagement du territoire à un niveau
toujours plus pressante, si l’on veut ména-          régional, c’est-à-dire de permettre ou de
ger l’utilisation du sol et préserver le pay-        contraindre un groupe de communes à régler
sage. C’est d’ailleurs pourquoi le Projet de         certaines questions de manière concertée. D’une
territoire Suisse retient que le renforcement        part, on avait déjà pris conscience de l’impossibi-
de la coordination et de la collaboration est        lité de résoudre les problèmes d’aménagement
un défi central de l’aménagement du terri-           du territoire au seul niveau communal, compte
toire.                                               tenu notamment des ressources financières et
Le présent article se propose dès lors de survoler   humaines parfois limitées de certaines com-
les derniers développements et les perspectives      munes. D’autre part, les cantons et les com-
juridiques en matière de planification des espaces   munes ont aussi compris assez tôt l’intérêt qu’il
fonctionnels. Les contours de cette probléma-        pouvait exister d’assurer une certaine coordina-
tique étant encore très flous et les problèmes       tion – tant horizontale que verticale – par d’autres
qu’elle pose innombrables, il ne prétend cepen-      canaux que celui de la planification directrice
dant nullement à l’exhaustivité, ce d’autant plus    cantonale. Dans les Cantons de Zurich et des
que la pratique s’écarte souvent du cadre lé-        Grisons notamment, où la planification régionale
gal  ou n’a simplement pas encore trouvé d’an-       a toujours occupé une place centrale en matière
crage légal.                                         d’aménagement du territoire, celle-là permet
                                                     d’alléger la planification directrice cantonale tout
                                                     en servant de base à son élaboration1. Le principe
                                                     de la collaboration régionale et, plus spéciale-
                                                     ment, de la planification régionale a même été

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VLP-ASPAN no 6/12


ancré dans la Constitution grisonne lors de sa
dernière révision totale2.                                              Sommaire
Aujourd’hui, comme nous le verrons, la
planification régionale est appelée à répondre à
de nombreux défis; elle vit ainsi une véritable                         1.	 Quelques remarques introductives	      2
renaissance dans de nombreux cantons. La né-                            	 1.1	La renaissance de la planification 		
cessité de coordonner la planification au-delà des                      		 régionale	                              2
frontières politiques semble en effet avoir large-                      	 1.2	Le tabou des réformes
ment supplanté la simple utilité de planifier à un                      		 constitutionnelles	                     4
niveau supracommunal.
Certes, la délimitation de nombreuses «régions                          2. Coordonner dans les espaces fonctionnels	 6
d’aménagement» s’est faite et se fait encore sou-                       	 2.1 Un principe juridique reconnu	           7
vent selon des critères historiques, culturels, géo-                    	 2.2 Les enjeux politiques	                   8
graphiques ou encore politiques (p. ex. les ré-                         	 2.3 Les incitations fédérales et cantonales	10
gions correspondent aux arrondissements ou aux                          	 2.4 Les moyens de contrainte juridique	 11
districts). Dès lors, la planification régionale n’est
encore que rarement intercantonale ou interna-                          3. La difficulté de définir les espaces
tionale si l’on excepte quelques projets d’agglo-                       	fonctionnels	                               13
mération précurseurs. Et si certaines aires de pla-                     	 3.1 La notion d’«espace fonctionnel»	      13
nification régionale correspondent aux espaces                          	 3.2 La délimitation des «espaces
fonctionnels actuels (p. ex. la région d’aménage-                       		 fonctionnels»	                            14
ment de la Haute-Engadine), de nombreuses
autres ne couvrent pas ou plus ceux-ci, (p. ex.                         4. Les moyens spéciaux de coordination	      16
régions d’aménagement zurichoises)3. Dans cette                         	 4.1 Les plateformes de coordination 	      17
mesure, la problématique de la planification des                        	 4.2 Les concepts d’aménagement	            18
espaces fonctionnels ne doit pas être totalement                        	 4.3 Les plans directeurs régionaux	        19
confondue avec celle de la planification inter-                         	 4.4 Les projets d’agglomération	           20
communale ou de la planification régionale tradi-                       	 4.5 Les plans d’affectation
tionnelle.                                                              		 cantonaux et régionaux	                   21
Il n’empêche toutefois que la problématique de
la planification régionale et celle de la planifica-                    5. La gouvernance des espaces fonctionnels	 23
tion dans les espaces fonctionnels sont appelées                        	 5.1 Entre contractualisation et
à s’imbriquer fortement. En effet, les instruments                      		 institutionnalisation	                   23
et les mécanismes de planification régionale et                         	 5.2 La forme juridique de la
de collaboration intercommunale permettent                              		 collaboration	                           25
                                                                        	 5.3 Les compétences de l’organe commun	27
	 1	 Art. 3 al. 2 Raumplanungsgesetz/GR (KRG/GR; BR 801.100);           	 5.4 La participation démocratique	        28
     §13 Planungs- und Baugesetz/ZH (PBG/ZH; OS 700.1).
	 2	 Cf. art. 69 et 72 de la Constitution du Canton des Grisons/GR      6. Conclusion	                               29
     (Cst./GR; RS 131.226), entrée en vigueur le 1er janvier 2004.
	 3	 Cf. Schenkel/Wehrli/Kübler/Scheuss, Strukturen für eine bes-
     sere Zusammenarbeit im Wirtschaftsraum Zürich Grundlagen-
     bericht, Zürich 2005, p. 6 s.; Conférence tripartite sur les ag-
     glomérations CTA (édit.), La voie vers une politique des
     agglomérations globale. Possibilités et limites de la politique
     cantonale des agglomérations, Études de cas cantonaux,
     Berne 2007, p. 86 s.


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T&E


d’adapter le périmètre de planification aux en-        tercantonale6. Le droit fédéral ne peut cependant
jeux à traiter; ils trouvent ainsi une application     fixer le périmètre des espaces fonctionnels et leur
nouvelle et toute naturelle s’agissant de la plani-    planification concrète, ni même déterminer quels
fication dans les espaces fonctionnels, que ces        mécanismes organisationnels doivent être prévus
derniers soient intercommunaux, intercantonaux         à cette fin, cela même lorsqu’il s’agit de planifier
ou internationaux. De même, comme nous le              un espace fonctionnel intercantonal7. En outre, la
verrons, de nouveaux modèles de coopération et         situation n’est pas moins complexe au niveau
de planification régionale tant légaux (p. ex. la      cantonal; dans la plupart des cantons, les com-
conférence régionale et l’agglomération dans les       munes jouissent historiquement de larges com-
Cantons de Berne et de Fribourg; cf. encadré           pétences en matière d’aménagement local et la
p. 6-7) qu’extralégaux (p. ex. concept d’aména-        plupart y sont encore très attachées. Cette auto-
gement ou projet d’agglomération) ont été déve-        nomie communale est d’ailleurs souvent ancrée
loppés spécialement afin d’assurer une meilleure       dans les constitutions cantonales, tout comme le
coordination dans les espaces fonctionnels. Pour       principe selon lequel le canton ne doit intervenir
toutes ces raisons, le présent article, à l’image de   qu’à titre subsidiaire8. Ainsi, d’un point de vue
nombreux plans directeurs cantonaux d’ailleurs4,       politique et juridique, il est difficile d’attribuer à
traitera indifféremment de planification régionale     la Confédération ou aux cantons davantage de
et de planification dans les espaces fonctionnels.     compétences en matière d’aménagement. Par
                                                       conséquent, en l’état, la planification coordon-
                                                       née des espaces fonctionnels ne peut être sim-
1.2	Le tabou des réformes                              plement solutionnée «par le haut», mais doit en
    constitutionnelles                                 principe faire l’objet de solutions concertées «par
                                                       le bas».
Il faut rappeler qu’à défaut de réformes constitu-     Il est certain qu’à long terme, les problèmes que
tionnelles profondes, l’aménagement coordonné          pose l’absence de coïncidence entre les espaces
du territoire ne semble pouvoir passer pour            politico-administratifs et les espaces fonctionnels
l’heure que par un renforcement des mécanismes         devraient conduire à des réformes territoriales. Il
et des instruments de collaboration entre les dif-     est à cet égard réjouissant que de nombreuses
férentes autorités en charge de l’aménagement          fusions de communes aient été déjà menées à
du territoire5.                                        bien et soient en cours (cf. encadré p. 5). Au Tes-
En effet, le système actuel a été pensé à une          sin par exemple, et contrairement à la discussion
époque où la société commençait seulement à            au niveau fédéral, le thème des agglomérations a
s’urbaniser. La répartition des compétences en         englobé la question des fusions de communes9.
matière d’aménagement du territoire est donc           On signalera aussi la récente révision constitu-
fortement décentralisée. Selon l’article 75 de la      tionnelle et législative dans le Canton de Berne
Constitution fédérale (Cst.), dans le domaine de       – sur laquelle le peuple bernois a été appelé à se
l’aménagement du territoire, la Confédération          prononcer le 23 septembre 2012 – qui met en
ne jouit que d’une compétence limitée aux «prin-       place des mécanismes incitatifs en matière de
cipes». Dans ce cadre et comme le prévoyait            fusion de communes (réduction des prestations
l’avant-projet de Loi fédérale sur le développe-       de péréquation et de subventionnement, etc.) et
ment territorial (AP-LDTer), elle peut certes          qui autorise également le Grand Conseil à
contraindre les cantons à planifier de manière         contraindre les communes à fusionner contre
coordonnée les espaces fonctionnels, expliquer le      leur gré10. Il semble toutefois qu’à l’instar d’une
sens de cette obligation, voire fixer quelques         nouvelle répartition des compétences en matière
règles de bases s’agissant de la coordination in-      d’aménagement du territoire, une révolution de

4
VLP-ASPAN no 6/12


Effectif des communes en Suisse


  3000


  2900


  2800


  2700


  2600


  2500


  2400


  2300


  2200
                2000

                        2001

                                2002

                                        2003

                                                2004

                                                        2005

                                                                2006

                                                                        2007

                                                                                2008

                                                                                        2009

                                                                                                2010

                                                                                                        2011

                                                                                                                2012

                                                                                                                        2013

                                                                                                                                2014
la structure territoriale suisse – notamment des
fusions de cantons – soit pour l’heure inconce-
vable, comme en témoigne d’ailleurs la difficulté
actuelle de convaincre certaines communes à fu-
sionner.



	 4	 Cf., p. ex., Fiche R2 «Regionale Entwicklungsträger» du plan directeur lucernois (PDCn/LU); Ligne d’action 1.3 «Adapter les péri-
     mètres aux enjeux à traiter» du plan directeur cantonal vaudois (PDCn/VD).
	 5	 Michel Rey/Laurent Thévoz, La collaboration intercommunale: facteur décisif du succès de la mise en œuvre des plans régionaux et
     des schémas d’agglomération, Essai sur la pratique de la gouvernance territoriale en Suisse romande, p. 2 s.
	 6	 Art. 21-24 AP-LDTer et Office fédéral du développement territorial (ARE), Rapport explicatif accompagnant l’avant-projet de Loi fé-
     dérale sur le développement territorial (AP-LDTer), Berne 2008, p. 103-105.
	 7	 Cf. art. 5a Cst. et voir, entre autres, Pascal Mahon, in: Jean-François Aubert/Pascal Mahon (édit.), Petit commentaire de la Constitu-
     tion fédérale de la Confédération suisse, Zurich – Bâle – Genève 2003, N 4-5 ad art. 75 Cst.
	 8	 Pour le principe de subsidiarité, cf., notamment, § 4 al. 2 de la Constitution du Canton de Lucerne (Cst./LU; RS 131.213), art. 26 al.
     1 de la Constitution du Canton de Saint-Gall (Cst./SG; RS 131.225) et art. 27 al. 3 de la Constitution du Canton d’Appenzell Rhodes-
     Extérieures (Cst./AR; RS 131.224.1) et, pour le principe d’autonomie communale en aménagement du territoire, cf., notamment,
     art. 47 al. 2 de la Constitution du Canton d’Uri (Cst./UR; RS 131.214).
	 9	 Voir CTA, Études de cas cantonaux (précité note 3), p.47.
	10	 Art. 101 al. 2 de la Constitution du Canton de Berne (Cst./BE; RSB 101.1) qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013.


                                                                                                                                        5
T&E



    La conférence régionale dans le Canton de Berne

    En 2007, le Canton de Berne s’est attelé à encourager la coopération entre les communes au
    niveau régional, en conférant des bases contraignantes à la collaboration intercommunale et
    régionale. Dans ce but, il a créé une nouvelle forme de corporation de droit public, la conférence
    régionale (cf. art. 137 à 143 de la Loi bernoise sur les communes; LCo/BE; RSB 170.11). En clair,
    chaque commune bernoise doit adhérer à une conférence régionale, laquelle est compétente
    pour harmoniser, à son échelle, le développement des transports et de l’urbanisation. Pour ce
    faire, la conférence régionale doit notamment adopter des concepts régionaux (des transport
    et de l’urbanisation). Les conférences régionales se chargent en outre, le cas échéant, des
    tâches des conférences culturelles régionales existantes. Enfin, les communes peuvent – si elles
    le souhaitent – déléguer d’autres tâches aux conférences régionales.

    Afin de démocratiser cette nouvelle forme de collaboration intercommunale, le constituant et
    le législateur bernois ont aménagé de la manière suivante la participation et la représentation
    de la population au sein des conférences régionales:

    ‚‚ Droits d’initiative et de référendum – En fait, il y a non seulement des votations régionales
       au moment de la création ou de la dissolution de la conférence régionale, mais également
       à chaque fois qu’une fraction du corps électoral régional ou des communes demande le
       référendum (par exemple contre la modification du règlement de la conférence régionale)
       ou qu’une initiative populaire régionale est valablement déposée. Toutes ces votations re-
       quièrent l’approbation de la majorité des votants et des communes membres.

    ‚‚ Élection et composition de l’assemblée régionale – Chaque commune est représentée à
       l’assemblée régionale – c’est-à-dire l’organe central des conférences régionales détenant
       notamment le pouvoir réglementaire – par son président de commune. Afin d’assurer une
       certaine représentativité des communes, chaque commune jouit d’une voix jusqu’à 1’000
       habitants et d’une voix supplémentaire par tranche additionnelle de 3’000 habitants.




2.	Coordonner dans les espaces                        tion (cf. 2.1.). L’expérience démontre toutefois
   fonctionnels                                       que, malgré l’intérêt à planifier de manière coor-
                                                      donnée dans les espaces fonctionnels, de nom-
                                                      breuses collectivités sont tentées de négliger
À vrai dire, même si la Loi fédérale sur l’aména-     leurs obligations de collaborer et de coordonner
gement du territoire LAT ne traite pas encore ex-     (ch. 2.2.). Il convient dès lors de développer des
pressément de la problématique de la planifica-       moyens non seulement incitatifs (ch. 2.3.) mais
tion dans les espaces fonctionnels, celle-ci n’en     également contraignants (ch. 2.4.) pour favoriser
est pas moins reconnue depuis longtemps sur le        le respect de celles-ci.
plan juridique, puisqu’elle découle des principes
de collaboration, de coordination et de planifica-

6
VLP-ASPAN no 6/12



   L’agglomération dans le Canton de Fribourg

   Avec l’entrée en vigueur en 1997 de sa Loi cantonale sur les agglomérations (LAgg/FR; RSF
   140.2.), le Canton de Fribourg a été le premier à proposer un cadre institutionnel ad hoc aux
   problèmes que posait la nécessité de développer la coopération régionale, en particulier dans
   les agglomérations urbaines. Il existe dans ce canton une nouvelle forme de corporation de
   droit public, l’agglomération. Ainsi, Agglo Fribourg – qui a été formée sur cette base par les
   communes de Fribourg et sa couronne – est censée favoriser la collaboration intercommunale
   sur des problématiques aussi variées que celles de la mobilité, de l’aménagement du territoire,
   de la protection de l’environnement, de la promotion touristique, de la promotion culturelle et
   de la promotion économique. Quelques cantons romands ont repris ou tenté de reprendre les
   grandes lignes de ce modèle de collaboration (cf. infra ch. 3.2 et 5.2).

   D’un point de vue institutionnel, l’agglomération présente de larges similitudes avec les confé-
   rences régionales; la population et les communes membres jouissent notamment des droits
   d’initiative et de référendum. De même l’essentiel des pouvoirs de l’agglomération sont du
   ressort d’un conseil d’agglomération. Il appartient aux statuts de l’agglomération de détermi-
   ner le nombre de représentants auquel a droit chaque commune, laquelle forme obligatoire-
   ment une circonscription électorale, étant précisé que chaque commune a deux conseillers
   d’agglomération au moins et qu’aucune commune ne doit disposer de plus de la moitié des
   conseillers d’agglomération. Enfin, les membres dudit conseil ne peuvent être élus par scrutin
   populaire que dans la mesure où les statuts de l’agglomération le prévoiraient, à défaut de quoi
   ils le sont par le législatif communal.



2.1 	 n principe juridique reconnu
    U                                                   responde aux projets de développement régio-
                                                        nal, ce que rappelle expressément la récente révi-
Pour rappel, selon les articles 2 et 7 LAT, la Confé-   sion de la LAT soumise au vote du peuple en mars
dération, les cantons et les communes doivent           201312.
établir des plans d’aménagement en veillant à les       Dès lors, l’éventuelle inscription dans le droit fé-
faire concorder. Ils doivent également collaborer       déral d’une réglementation expresse sur la ques-
entre eux lorsque leurs tâches entrent en concur-       tion de la planification des espaces fonctionnels
rence. Ils doivent même chercher à collaborer           ne constituerait pas une révolution juridique en
avec les autorités étrangères, lorsque les mesures      soi, mais une simple clarification des obligations
qu’ils prennent peuvent avoir des effets au-delà
des frontières nationales. Par conséquent, l’obli-
gation de planifier les espaces fonctionnels –          	11	 Cf. dans ce sens, notamment, Regierungsrat des Kantons Aar-
compris comme des territoires au sein desquels la            gau, Botschaft zur Teilrevision des Gesetzes über Raumpla-
                                                             nung, Umweltschutz und Bauwesen vom 19. Januar 1993, du
planification doit être particulièrement coordon-            5 décembre 2007, p. 40 s.
née (cf. infra ch. 3.1.) – découle en réalité déjà de   	12	Voir notamment ATF 116 Ia 339, consid. 3b, et TF
l’application cohérente et conséquente des prin-             1C_35/2011, consid. 2.6, et, enfin, art. 15 al. 3 nLAT (FF
cipes de coordination et de collaboration11. Par             2012 5531) qui prévoirait notamment que «[l]’emplacement
                                                             et la dimension des zones à bâtir doivent être coordonnés
exemple le Tribunal fédéral exige depuis toujours            par-delà les frontières communales en respectant les buts et
que le dimensionnement des zones à bâtir cor-                les principes de l’aménagement du territoire».


                                                                                                                      7
T&E


incombant aux autorités de planification. Elle tra-    sûr, la planification dans les espaces fonctionnels
duirait simplement la nécessité de prendre en          peut être perçue comme une forme de tâche
compte la réalité des espaces fonctionnels13.          nouvelle induisant une charge financière supplé-
Cette réalité est d’ailleurs largement reconnue        mentaire, à laquelle toute collectivité, notam-
par les droits et les plans directeurs cantonaux       ment communale, est tentée de rechigner.
puisque la plupart d’entre eux traitent déjà ex-       Pourtant, la planification dans les espaces fonc-
pressément de la nécessité d’accroître la collabo-     tionnels présente de nombreux intérêts autres
ration et la coordination de la planification14. Le    que celui de permettre une utilisation économe
droit glaronnais, traite même expressément de la       du sol:
problématique de la planification des espaces          ‚‚ Tout d’abord, une planification coordonnée en
fonctionnels (cf. encadré p. 12).                         amont à l’échelle de l’espace fonctionnel per-
Actuellement déjà, la coordination de la planifi-         met d’optimiser l’utilité des investissements (p.
cation communale devrait en principe être abor-           ex. transports publics) ou, du moins, d’éviter
dée de manière détaillée dans le rapport de pla-          que des dépenses soient réalisées inutilement
nification (cf. art. 47 OAT) ou, selon les cas, dans      (p. ex. nécessité de redimensionner les équi-
le plan directeur communal. Dans certains can-            pements).
tons, les communes voisines ou l’éventuel orga-        ‚‚ De même, le fait d’avoir élaboré une planifi-
nisme de planification régionale sont même ap-            cation à l’échelle de l’espace fonctionnel offre
pelés à contrôler – sous forme de préavis – que           à un tribunal la possibilité d’apprécier rapide-
les plans d’aménagement soient coordonnés à               ment si un projet est suffisamment coordonné
un niveau intercommunal ou régional15.                    au niveau régional et s’il repose sur une pesée
                                                          globale d’intérêts. Ainsi, effectuer une bonne
                                                          planification en amont au niveau des espaces
2.2 Les enjeux politiques                                 fonctionnels permet d’accélérer la réalisation
                                                          de projets de détails, notamment en cas de
En réalité, de nombreux facteurs compliquent la           recours18.
collaboration et la coordination entre les diffé-      ‚‚ Planifier de manière coordonnée dans un es-
rentes autorités en charge de la planification. On        pace fonctionnel renforce également la com-
citera la concurrence qui peut exister entre les          pétitivité des collectivités qui en font partie.
collectivités, particulièrement communales, en            Une meilleure coordination des politiques pu-
matière d’aménagement du territoire. Le senti-            bliques permet en effet d’optimiser les condi-
ment de concurrence peut même être exacerbé               tions-cadres favorables à l’implantation d’en-
lorsque la région en question connaît une évolu-          treprises (p. ex. transports et équipement)19.
tion négative des emplois et/ou de la population.         Cet enjeu est particulièrement important pour
On ajoutera à cela l’«esprit de clocher» lors de la       les grandes agglomérations qui se trouvent
mise en œuvre des projets régionaux. Même                 dans un rapport de concurrence important
dans les régions où une collaboration offrirait un        avec les autres espaces métropolitains euro-
gain à chacune des collectivités, la collaboration        péens et mondiaux. Il l’est bien sûr également
régionale implique souvent un trop grand                  à tous les niveaux – national, cantonal ou
nombre d’acteurs, lesquels sont en plus tentés de         régional – comme en témoigne le développe-
penser de manière sectorielle ou à court terme            ment de nombreuses zones de développement
compte tenu de la durée de leur mandat poli-              économique régionales.
tique16. Les compétences sont ainsi enchevêtrées       ‚‚ La planification bénéficie ensuite d’une meil-
et une perception globale de la planification est         leure légitimité si elle est effectuée au niveau
rendue extrêmement compliquée17. Enfin, bien              de l’espace fonctionnel. Il est en effet juste

8
VLP-ASPAN no 6/12


   que la population ou les collectivités touchées       peut aussi représenter – suivant d’où l’on se
   – même indirectement – par une mesure de              place – soit un premier pas vers des réformes
   planification puissent se prononcer sur celle-        territoriales plus profondes, notamment des
   ci. Il est parfois dérangeant que le sort d’un        fusions de communes, soit précisément une
   projet de grande envergure (p. ex. une instal-        alternative à celles-ci. En effet, une planifica-
   lation génératrice de trafic ou un parc éolien)       tion régionale et, surtout, l’appartenance à un
   soit dans les mains d’une seule commune –             organisme de planification régionale sont des
   laquelle peut être relativement petite – et que       engagements aptes à produire un sentiment
   la population ou les communes de la région,           d’appartenance à une région, c’est-à-dire le
   également concernées ou peut-être davan-              sentiment de partager un destin commun23.
   tage, ne soient pas appelées à participer à la
   planification de ce dernier20. La question reste
   bien sûr de développer certains mécanismes         	13	 ARE, Rapport LDTer (précité note 6), p. 38.
   participatifs au niveau régional; mais on y re-    	14	 Cf., par exemple, § 3 de la Constitution du Canton de Bâle-
                                                           Ville); Art. 6 Raumentwicklungs- und Baugesetz (RBG/GL; GS
   viendra (cf. infra ch. 5.4).                            VII B/1/1); art. 10 de la Loi sur l’aménagement du territoire et
‚‚ Il faut reconnaître que le besoin de coor-              les constructions (LATeC/FR; RSF 710.1) qui prévoit que les
   dination a plutôt tendance à renforcer la               autorités veillent «à collaborer en vue d’une concordance
                                                           entre les mesures et dispositions qu’elles prennent en appli-
   position des cantons et de la Confédération.            cation de la loi».
   Cependant, procéder à une planification des        	 Voir Departement Bau, Verkehr und Umwelt, Regionale Ab-
                                                       15	
   espaces fonctionnels sur une base volontaire            stimmung und Begründung kommunaler Nutzungspläne des
                                                           Kanton Aargau (AG), Empfehlung, Aarau février 2012; art. 11
   «par le bas» permet parfois d’éviter qu’une             BauG/AG; art. 36 de la Loi sur l’aménagement du territoire et
   mesure d’aménagement soit simplement                    les constructions (LATC/VD; RSV 700.11).
   imposée «par le haut»21. Prenons l’exemple         	16	 Conférence tripartite sur les agglomérations (édit.), Collabo-
   des Commissions régionales des transports               ration horizontale et verticale dans les agglomérations, Berne
                                                           2004, p. 29.
   (Commissioni regionali dei transporti) qui sont
                                                      	 Voir, sur cette question, Rey/Thévoz, Essai (précité note 5),
                                                       17	
   aujourd’hui institutionnalisés dans le Canton           p. 6-12 ; CTA, Collaboration (précité note 16), p. 29 et 33.
   du Tessin. À l’origine, ces dernières avaient      	18	 Cf. sur une question similaire, Gilles Wachsmuth, L’évaluation
   été créées sur une base volontaire par les              environnementale stratégique EES, Territoire & Environne-
                                                           ment 4/11, p. 14.
   communes, afin d’élaborer des plans régio-
                                                      	19	 Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA), Renforce-
   naux des transports à une époque où la pla-             ment de la compétitivité internationale de la Suisse, Pistes
   nification cantonale était insatisfaisante dans         pour une politique métropolitaine suisse, Berne 2010,
                                                           p. 7-10.
   ce domaine22. Aujourd’hui, la loi prévoit que
                                                      	20	 Dans ce sens, notamment, voir ATF 137 II 254, consid. 4.3.
   ces plans, certes sanctionnés par le canton,
                                                      	21	 Voir, p. ex., Baudepartement des Kantons St. Gallen (SG), Be-
   mais toujours élaborés par les commissions              richt und Entwurf zum Planungs- und Baugesetz, du 15 mai
   régionales, deviennent partie intégrante du             2012, p. 8;
   plan cantonal des transports. La planification     	22	 Voir, la Legge sul coordinamento pianificatorio e finanziario in
                                                           materia di infrastrutture e di servizi di transporto (RL 7.4.1.3);
   des espaces fonctionnels peut donc représen-
                                                           CTA, Études de cas cantonaux (précité note 3), p. 59.
   ter, pour les communes, une nouvelle forme         	23	Voir, notamment, la fiche 1.03 «Planifications microrégio-
   de décentralisation de l’aménagement du                 nales» du Plan directeur cantonal jurassien (PDCn/JU). On
   territoire par un renforcement du principe de           précisera cependant que lier fusion de communes et planifi-
                                                           cation dans les espaces fonctionnels n’est pas sans danger:
   «contre-courant». Les communes peuvent                  d’une part, cela peut créer certaines peurs au niveau commu-
   recouvrer une certaine autonomie, même si               nal, lesquelles peuvent constituer un obstacle supplémentaire
   celle-ci est en quelque sorte exercée collecti-         à la planification dans les espaces fonctionnels (CTA, La voie
                                                           vers une politique des agglomérations globale, Possibilités et
   vement.                                                 limites de la politique cantonale des agglomérations, Berne
‚‚ La planification dans les espaces fonctionnels          2007, p. 20).


                                                                                                                          9
T&E


   À l’inverse, l’option d’une fusion peut ne plus    ment à la réalisation de mesures prévues par des
   s’imposer parce que la collaboration fonc-         projets d’agglomération25. La planification dans
   tionne de manière satisfaisante24.                 les espaces fonctionnels ruraux est quant à elle
‚‚ 	 nfin, planifier dans les espaces fonctionnels
   E                                                  encouragée de manière plus indirecte au travers
   permet aussi d’obtenir certaines aides finan-      d’autres politiques fédérales, comme la politique
   cières fédérales ou cantonales; on y reviendra     régionale ou, encore, le soutien apporté à la créa-
   ci-dessous (cf. ch. 4.4.).                         tion de parcs naturels d’importance nationale26.
                                                      On réfléchit actuellement à redéfinir la politique
                                                      fédérale des agglomérations et la politique régio-
     Quels sont les intérêts pour les                 nale afin de mieux les coordonner. Le Conseil fé-
     communes de planifier de manière                 déral a ainsi chargé l’Office fédéral du dévelop-
     coordonnée au sein des espaces                   pement territorial ARE et le Secrétariat d’Etat à
     fonctionnels:                                    l’économie SECO d’examiner les possibilités de
                                                      lier plus étroitement les deux politiques à partir
     ‚‚ Améliorer la qualité de la planification      de 2016. Une politique de développement terri-
     ‚‚ Améliorer la légitimité de la planifica-      torial à l’échelle nationale dont les instruments
        tion                                          s’appliqueraient indifféremment aux espaces ur-
     ‚‚ Éviter qu’une planification soit à terme      bains et aux espaces ruraux n’est toutefois pas à
        imposée «par le haut»                         l’étude27.
     ‚‚ Faire un premier pas vers une fusion ou       Quant aux cantons, ils couvrent souvent une par-
        développer une alternative à celle-ci         tie des coûts induits par l’élaboration d’une plani-
     ‚‚ Optimiser l’utilité des investissements       fication concertée à un niveau régional, comme
        publics                                       c’est le cas dans le Canton de Berne qui a parti-
     ‚‚ Éviter des frais inutiles d’infrastructure    cipé à 75 pourcent des coûts induits par l’élabo-
     ‚‚ Réduire la durée d’éventuelles procé-         ration des Conceptions Régionales des Trans-
        dures judiciaires                             ports et de l’Urbanisation CRTU28. Les cantons
     ‚‚ Favoriser les conditions-cadres à l’im-       couvrent parfois même la réalisation des projets
        plantation d’entreprise                       qui en résulteraient. On citera le cas du Canton
     ‚‚ Obtenir des aides financières de la part      des Grisons qui, afin de favoriser un développe-
        de la Confédération ou des cantons            ment coordonné des infrastructures touristiques,
                                                      peut participer à la moitié de leurs coûts de réno-
                                                      vation ou de construction, si ces infrastructures
                                                      répondent à un besoin régional et sont conformes
2.3	Les incitations fédérales et                      aux concepts de développement régionaux29.
    cantonales                                        Enfin, les cantons fournissent en principe égale-
                                                      ment une assistance technique aux communes
Une politique incitative permet assurément d’at-      qui s’engagent sur la voie de la planification des
ténuer les réticences locales à collaborer, comme     espaces fonctionnels auxquels ils appartiennent.
en témoigne le succès de l’actuelle Politique fé-     Une telle assistance n’est pas toujours incondi-
dérale des agglomérations. Pour rappel, au tra-       tionnelle, ni désintéressée. Le Canton du Jura,
vers de cette politique, la Confédération soutient    par exemple, prête une assistance technique et
les projets novateurs émanant des communes et         administrative à l’élaboration d’une planification
des cantons qui visent à améliorer la collabora-      régionale dès le moment où l’organe régional
tion entre autorités au sein des agglomérations       constitué à cet effet engage une réflexion sur la
(projets-modèles). Elle participe aussi financière-   fusion des communes concernées30.

10
VLP-ASPAN no 6/12


L’assistance des cantons est à vrai dire essentielle;      nisation, transport, paysage et énergie). De
ces derniers sont en effet appelés à jouer un rôle         cette manière, les communes sont contraintes
central dans la planification des espaces fonc-            de prendre en compte la planification des col-
tionnels, notamment en tant qu’initiateurs, coor-          lectivités voisines et de collaborer entre elles
dinateurs et animateurs de celle-ci. L’expérience          au risques que leur planification ne soit autre-
semble effectivement démontrer qu’un accom-                ment pas approuvée par le canton33. C’est en-
pagnement politique fort est nécessaire vu les             fin une voie similaire que devrait prendre la 2e
difficultés politiques et techniques inhérentes au         étape de révision de la LAT en prévoyant que
développement de la coordination31.                        les cantons doivent fixer dans leur plan direc-
                                                           teur les espaces, cantonaux et intercantonaux,
                                                           qui nécessitent une planification commune en
2.4	Les moyens de contrainte                               matière de développement de l’urbanisation,
    juridique
                                                        	 Mirjam Strecker/Daniel Arn, Synthèse de l’échange d’expé-
                                                         24	
Le désavantage des mesures incitatives est que               riences sur les projets-modèles, Développement de la culture
celles-ci dépendent des limites budgétaires. En              de collaboration dans les agglomérations: réflexions sur les
outre, de telles mesures favorisent plutôt le déve-          expériences des projets-modèles, Berne 2010, p. 5.
                                                        	25	 Cf. Conseil fédéral, Politique des agglomérations de la confé-
loppement de collaborations volontaires, les-
                                                             dération, Berne 2001. Cf., sur les projets d’agglomération,
quelles peuvent se révéler précaires sur le long             infra ch. 4.4.
terme. Il a ainsi été constaté que les nouvelles        	 Sur la question des parcs naturels d’importance nationale,
                                                         26	
formes de collaboration instaurées dans le cadre             voir Heidi Haag, Parcs naturels d’importance nationale,
                                                             Territoire & Environnement 1/08.
de projets d’agglomération continuaient à repo-
                                                        	27	 Cf., entre autres, Réponse du Conseil fédéral du 24 août 2011
ser sur des fondations fragiles32. La probléma-              à l’interpellation de M. Dominique de Buman (11.3718) en
tique de la planification dans les espaces fonc-             lien avec Office fédéral du développement territorial (ARE) et
                                                             Secrétariat d’État à l’économie (SECO), Évaluation et suite de
tionnels passe donc obligatoirement par le
                                                             la politique des agglomérations de la Confédération - Rap-
développement parallèle de mécanismes de                     port à l’attention du Conseil fédéral, Berne 2011, p. 52 ad
coordination contraignants (cf. aussi infra ch.              Recommandation 8.
5.1. et 5.2.).                                          	28	 Cf. art. 7 al. 2 de l’Ordonnance sur le financement de l’amé-
                                                             nagement (OFA ; RSB 706.111). Voir, également, dans le Can-
En l’occurrence, il existe plusieurs moyens de               ton d’Argovie, Dekret über die Beiträge an die Raumplanung
contraindre à la coordination et à la collaboration          (SAR 713.510); dans le Canton de Vaud, Décret instituant une
dans les espaces fonctionnels:                               aide aux communes établissant des plans directeurs d’amé-
                                                             nagement régional (DACPD; RSV 701.441); dans le Canton
‚‚ Tout d’abord, l’obligation de planifier de ma-            du Valais, Règlement concernant les mesures d’encourage-
   nière coordonnée dans les espaces fonction-               ment en matière d’aménagement du territoire (RS/VS
   nels pourrait, de manière générale, être mieux            701.101).
                                                        	 Cf. art. 15 Verordnung über die Förderung der wirtschaftli-
                                                         29	
   précisée dans la législation. Cela permettrait
                                                             chen Entwicklung im Kanton Graubünden (BR 932.160) .
   notamment d’améliorer la justiciabilité de ce        	30	 Voir, notamment, Fiche 1.03 «Planifications microrégionales»
   principe. On ancrerait surtout mieux la règle             PDCn/JU.
   selon laquelle un plan directeur ou un plan          	31	 Conférence tripartite sur les agglomérations (édit.), Collabo-
   d’aménagement ne peut être approuvé s’il                  ration horizontale et verticale dans les agglomérations, Berne
                                                             2004, p. 17; Rey/Thévoz, Essai (précité note 5), p. 16 s.
   n’est pas coordonné avec ceux des collectivités
                                                        	32	 Office fédéral du développement territorial (ARE) et Secréta-
   voisines. Le Canton de St-Gall semble suivre              riat d’Etat à l’économie (SECO), Evaluation et suite de la poli-
   cette voie en projetant de rendre obligatoire             tique des agglomérations de la Confédération – Rapport à
                                                             l’attention du Conseil fédéral, Berne 2011, p. 25 s.
   l’adoption de plans directeurs communaux
                                                        	33	 Baudepartement/SG, Bericht (précité note 22), p. 12, et art. 6
   censés arranger la coordination à long terme              al. 2 de l’avant-projet de Planungs- und Baugesetz (AP-PBG/
   de diverses problématiques régionales (urba-              SG).


                                                                                                                        11
T&E


  de transports, d’énergie et de protection du            aller plus loin, puisque le droit cantonal leur
  paysage. De telles règles supposent néan-               donne souvent le droit de réviser directement
  moins une volonté politique forte d’assurer             les plans d’affectation communaux et d’adop-
  une planification coordonnée au sein des es-            ter des plans d’affectation cantonaux (cf. infra
  paces fonctionnels de la part des cantons et de         ch. 4.5.), voire d’élaborer unilatéralement un
  la Confédération. On peut craindre dans le cas          projet d’agglomération35. Par exemple, dans le
  contraire qu’elles aient plus de valeur symbo-          Canton de Fribourg, si les communes n’entre-
  lique que de véritable portée normative.                prenaient rien d’elles-mêmes ou ne s’enten-
                                                          daient pas, le Conseil d’État fribourgeois pour-
                                                          rait se substituer à la communauté régionale et
     Art. 6 de la Loi sur le développement                aux communes pour établir le projet d’agglo-
     territorial et les constructions du                  mération ou une partie de celui-ci36. De telles
     Canton de Glaris                                     planifications «par le haut» ne peuvent tou-
                                                          tefois intervenir qu’en ultime recours, confor-
     1
        Le canton et les communes sont en                 mément au principe de subsidiarité (cf. égale-
     charge de l’aménagement du territoire                ment infra ch. 4.5.).
     au sens de la présente loi. Ils planifient        ‚‚ Enfin, une collectivité peut être contrainte
     celles de leurs activités ayant un impact            d’élaborer de manière concertée avec d’autres
     sur le territoire et les coordonnent. Ils            autorités une planification propre à un espace
     s’assurent que celles-ci correspondent au            donné ou alors être obligée d’adhérer à une
     développement territorial souhaité.                  organisation régionale chargée d’élaborer une
     (...)                                                planification commune. De très nombreuses
                                                          constitutions cantonales prévoient d’ailleurs
     3
       Lorsque, dans une région, il est                   déjà que le canton peut contraindre les com-
     nécessaire que deux ou plusieurs                     munes à coopérer entre elles37. Même si de
     collectivités procèdent à un                         nombreux cantons misent encore sur un amé-
     développement territorial concerté                   nagement régional volontaire, l’idée d’exiger
     (espaces fonctionnels), le canton peut               des communes l’établissement d’une plani-
     exiger et encourager l’établissement                 fication ou d’un concept de développement
     d’une planification commune. (...)                   régional commun – à l’image de ce qui se fait
                                                          dans les Cantons des Grisons, de Berne et de
                                                          Zurich – semble faire son chemin, tout en se
‚‚ Ensuite, les cantons peuvent – et doivent –            heurtant encore, il est vrai, à une forte résis-
   fixer eux-mêmes dans leurs plans directeurs            tance politique . Ces dernières années, même
   (ou dans la loi) les principes et même quelque-        s’ils y ont finalement renoncé, les Cantons
   fois les détails, lorsque cela est nécessaire, de      de Thurgovie et de Fribourg ont longuement
   la planification des espaces fonctionnels (p. ex.      débattu de l’éventuelle obligation pour les
   délimiter, au moins grossièrement, les espaces         communes d’adhérer à un syndicat d’amé-
   fonctionnels, fixer les principes de développe-        nagement régional au moins, lequel aurait la
   ment, etc.; cf. infra ch. 3.2. et 4.). De nom-         charge d’adopter un plan directeur régional
   breux plans directeurs cantonaux prévoient             obligatoire38. On soulignera encore qu’il existe,
   déjà que certains de leurs concepts ne peuvent         dans certains cantons, quelques procédures
   être mis en oeuvre que moyennant l’ébora-              originales permettant de contraindre des com-
   tion d’un plan directeur régional34. Théori-           munes récalcitrantes à coopérer à un niveau
   quement, certains cantons pourraient même              régional (cf. infra ch. 3.3.). Dans le Canton

12
VLP-ASPAN no 6/12


   d’Argovie notamment, un plan régional sec-          3.	La difficulté de définir les
   toriel peut être imposé à certaines communes           espaces fonctionnels
   refusant de l’approuver, si ce plan – habituelle-
   ment approuvé par le Conseil d’État – l’est par
   le Grand Conseil sur requête de la majorité des     Il faut malgré tout reconnaître que la probléma-
   communes concernées par ledit plan39.               tique de la planification dans les espaces fonc-
‚‚ Au plan national, il est difficile de mettre en     tionnels ne pourra jamais être réglée strictement
   œuvre des moyens de collaboration et de             par le droit, tant il est vrai qu’il est difficile – voire
   coordination contraignants; en effet, la Confé-     impossible – de régler précisément la notion
   dération n’a pas la compétence de contraindre       d’«espaces fonctionnels» (ch. 3.1.). À cela
   de manière directe un canton à coordonner sa        s’ajoute que les autorités politiques – cantonales
   planification avec celle des autres cantons40.      mais également communales – jouissent, la plu-
   Partant, il convient d’accorder une place im-       part du temps, d’une certaine liberté lorsqu’elles
   portante aux moyens incitatifs en matière de        délimitent un espace fonctionnel ou en fixent le
   planification des espaces fonctionnels inter-       périmètre institutionnel (ch. 3.2.)41.
   cantonaux, à l’instar de ce qui prévaut a for-
   tiori en matière de planification des espaces
   fonctionnels transnationaux.                        3.1	La notion d’«espace
                                                           fonctionnel»

   Comment améliorer la planification                  Si des notions telles que celle de région de même
   dans les espaces fonctionnels?                      que celle d’agglomération ont déjà reçu des défi-

   Mesures contraignantes:
                                                       	34	Rapport sur l’aménagement du territoire du Canton de
   ‚‚ Précision des principes de coordination               Fribourg, Fribourg 2008, p. 95.
      et de collaboration et refus d’approba-          	35	 Art. 14 BauG/AG.
      tion de la planification (plan directeur         	36	 Art. 27 al. 2 de la Loi sur l’aménagement du territoire et les
      ou d’affectation)                                     constructions (LATeC/FR; RSF 710.1). Une disposition simi-
                                                            laire existe en droit bernois pour les Conceptions régionales
   ‚‚ Planification «par le haut»                           des Transports et de l’Urbanisation (cf. art. 98a LC/BE).
   ‚‚ Obligation d’adhérer à un organisme              	37	 P. ex. art. 103 de la Constitution du Canton d’Appenzell (Rh.-
      régional et/ou d’adopter une planifica-               Ext.; Cst./AR; RS 131.224.1; art. 92 de la Constitution du
                                                            Canton de Neuchâtel (Cst./NE; 131.233); art. 155 al. 3 de la
      tion régionale
                                                            Constitution du Canton de Vaud (Cst./VD; RS 131.231); § 71
                                                            de la Constitution du Canton de Lucerne (Cst./LU; RS
   Mesures incitatives:                                     131.213).
   ‚‚ Assistance technique et administrative           	 Voir, entre autres, Regierungsrat des Kantons Thurgau (TG),
                                                        38	
                                                            Botschaft zur Totalrevision des Planungs- und Baugesetzes
      par les cantons                                       vom 16. August 1995, Frauenfeld 2010, p. 5; Bulletin officiel
   ‚‚ Subventionnement des coûts de plani-                  du Grand Conseil (FR), BGC octobre 2008 (FR), p. 1733-1736.
      fication                                         	39	 Art. 12a BauG/AG; cf. également infra ch. 3.2.
   ‚‚ Subventionnement de mesures et pro-              	40	 Certes, l’art. 48a Cst. autoriserait la Confédération à forcer un
                                                            canton à adhérer à une convention portant sur la gestion des
      jets concrets coordonnés au niveau                    déchets, l’épuration des eaux usées ou les transports d’agglo-
      régional                                              mération. Il faudrait cependant au préalable qu’une conven-
                                                            tion ait été conclue entre deux cantons.
                                                       	41	 Voir sur la question, notamment, Bernard Dafflon/Steve Perri-
                                                            taz, De la définition de l’agglomération à la délimitation de
                                                            son périmètre, Éléments de réflexion pour une démarche de
                                                            référence, Fribourg 2000, p. 3.


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T&E


nitions précises en matière d’aménagement du          tique, puisque la notion d’espace fonctionnel in-
territoire42, la notion d’ «espace fonctionnel» se    clut non seulement des espaces urbains, mais
révèle assurément plus compliquée à définir. Au-      également d’autres types d’espaces fonctionnels,
cun législateur cantonal ne s’y est d’ailleurs en-    tels que certains espaces fonctionnels ruraux et
core risqué, à l’exception du Canton de Glaris (cf.   touristiques, qui se laissent difficilement catégori-
encadré p. 14)43. L’avant-projet de Loi fédérale      ser. À cela s’ajoute qu’un territoire peut apparte-
sur le développement territorial (AP-LDTer) rete-     nir à plusieurs espaces fonctionnels, par exemple
nait laconiquement qu’un espace fonctionnel           l’un urbain et l’autre rural, et qu’il existe parfois
était simplement un territoire «dont le dévelop-      un enchevêtrement important entre les agglomé-
pement nécessite une action commune de plu-           rations et les régions rurales qui les entourent,
sieurs collectivités».                                comme en témoigne par exemple le projet d’ag-
                                                      glomération de Frauenfeld qui intègre de nom-
                                                      breuses communes rurales45.
     Art. 5 de l’Ordonnance sur les                   Il faut par conséquent retenir, de manière prag-
     constructions du Canton de Glaris                matique, qu’un espace fonctionnel est un terri-
                                                      toire au sein duquel la planification doit être
     1
       Un espace fonctionnel est un territoire        coordonnée dans un ou plusieurs domaines
     qui s’étend au-delà des frontières               compte tenu, notamment et prioritairement, de
     communales ou cantonales et qui se               l’interdépendance des diverses collectivités qui la
     détermine en fonction de son                     composent en matière de développement de
     accessibilité générale, des liens existant       l’urbanisation et des transports, d’approvisionne-
     entre ses habitants, de leurs modes de           ment en énergie ou de protection du paysage. Il
     vie et des activités qui s’y déploient.          appartient finalement plus aux autorités respon-
                                                      sables de l’aménagement du territoire – particu-
     2
      Un espace fonctionnel peut notamment            lièrement cantonales – qu’au législateur de préci-
     être un espace économique, une                   ser la notion d’  «espace fonctionnel». Celles-là
     agglomération, un espace rural ou une            jouissent à cet égard d’un large pouvoir d’appré-
     région touristique.                              ciation et peuvent se fonder sur des critères tant
                                                      socioéconomiques (flux de pendulaires, présence
     3
      De manière générale, l’espace                   d’une ville centre, etc.) que géographiques
     fonctionnel se détermine en fonction du          (continuité du bâti, frontières naturelles, etc.) ou
     problème à résoudre et des collectivités         culturels (langue parlée, équipements sportifs et
     concernées.                                      culturels partagés etc.). Elles peuvent évidem-
                                                      ment intégrer à leurs réflexions certains enjeux
     4
       Lorsque l’intérêt cantonal l’exige, le         politiques (p. ex. faisabilité et acceptation poli-
     département compétent procède                    tiques d’un projet, volonté de créer un espace
     lui-même à la délimitation de l’espace           polycentrique, etc.)46.
     fonctionnel en concertation avec les
     communes concernées.
                                                      3.2	La délimitation des «espaces
                                                          fonctionnels»
Il est vrai que tenter de définir précisément les
espaces fonctionnels – à l’image de la définition     Vu ce qui précède, il est essentiellement du res-
analytique de l’agglomération donnée par l’Of-        sort de la planification directrice cantonale de
fice fédéral de la statistique OFS44– est probléma-   délimiter concrètement les espaces fonctionnels.

14
VLP-ASPAN no 6/12


Une telle délimitation «de haut en bas» répond          concrètement, sur demande d’un dixième des ci-
en quelque sorte à un certain pragmatisme et au         toyens de deux communes ou des deux conseils
rôle d’arbitre que doit assumer le canton en ma-        communaux, le Conseil d’État fribourgeois fixe un
tière de planification dans les espaces fonction-       périmètre provisoire pour l’agglomération, les
nels. Ce dernier l’assume déjà régulièrement            communes ne pouvant alors y déroger que si
dans le cadre de l’élaboration des projets d’ag-        l’assemblée constitutive – formée de représen-
glomération47. La délimitation précise et exacte        tants des communes – le décide à la majorité des
du périmètre des espaces fonctionnels peut le cas       deux tiers ou qu’en refusant purement et simple-
échéant être laissée à l’appréciation des com-          ment la constitution de l’agglomération52.
munes et notamment être corrigée si le périmètre
de l’espace fonctionnel en question était délimité
autrement par un plan directeur régional ou un          	42	 ATF 103 la 176, consid. 3a: «En droit suisse de l’aménage-
concept d’aménagement régional conformé-                     ment du territoire, la notion de «région» désigne un groupe
                                                             de communes qui forment un ensemble géographique et éco-
ment au principe de contre-courant48.                        nomique et qui entendent résoudre ensemble une partie des
Actuellement déjà, la plupart des plans directeurs           tâches qui leur incombent.»
s’attachent à délimiter les espaces fonctionnels        	43	 Art. 5 Bauverdnung (BauV/GL; GS VII B/1/1).
principaux ou, du moins, les centres régionaux          	44	 Cf. OFS (édit.), Les niveaux géographiques en Suisse, réalisé
                                                             par Martin Schuler/Pierre Dessemontet/Dominique Joye, Neu-
autour desquels devraient s’articuler la planifica-
                                                             châtel 2005.
tion, en vue notamment d’assurer un développe-          	45	 Berz Hafner/Partner AG/CEAT, Accorder politique des agglo-
ment rationnel de l’urbanisation et des transports.          mérations et politique de l’espace rural, Berne 2009, spécia-
Ainsi, une éventuelle obligation pour les cantons            lement p. 41.
                                                        	46	 Cf., entre autres, Département des institutions et des relations
de délimiter dans leurs plans directeurs les es-
                                                             extérieures de l’État de Vaud (DIRE), Guide pour la planifica-
paces fonctionnels principaux existant sur leur              tion intercommunale et régionale, Lausanne 2005, p. 8; CTA,
territoire (urbanisation, transports, énergie et pay-        Collaboration (précité note 31), p. 58 s.
sage) ne constituerait pas une révolution.              	47	 Voir, sur le rôle d’arbitre du canton, CTA, Collaboration (pré-
                                                             cité note 31), p. 25 et 64.
Certains regretteront cependant que la délimita-
                                                        	48	 Pour un exemple similaire portant sur la délimitation des Han-
tion des espaces fonctionnels par le plan directeur          dlungsräume (territoires d’action) dans le plan directeur zuri-
n’ait, à l’heure actuelle, pas forcément d’implica-          chois, voir Regierungsrat des Kantons Zürich (ZH), Richtplan,
tions institutionnelles49. En effet, les communes            Erläuterungsbericht zu den Einwendungen, Zurich 2012, p.
                                                             15 et 24; pour un exemple de définition du «périmètre des
restent en principe largement libres de choisir à            centres», dans le Canton de Vaud, voir Service du développe-
quel organisme de planification régionale elles              ment territorial, Méthode pour délimiter le périmètre des
                                                             centres, Lausanne 2011.
veulent appartenir, et cela même lorsque le droit
                                                        	 Alain Griffel, Raumplanungs-, Bau- und Umweltrecht - En-
                                                         49	
cantonal impose l’appartenance à un tel orga-                twicklungen 2008, Berne 2009, p. 23 s.
nisme50. Dans certains cantons, la cohérence            	50	 Cf., notamment, art. 3 al. 2 de la Loi concernant l’application
d’une «région d’aménagement» est tout au plus                de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LALAT/VS;
assurée par la règle selon laquelle la délimitation          RS/VS 701.1); voir, également, OFS, Niveaux géographiques
                                                             (précité note 44).
de la région doit reposer sur des critères objectifs
                                                        	51	 Cf. art. 75b de la loi sur les constructions et l’aménagement du
(p. ex. présence d’une commune-centre, liens                 territoire (LCAT/JU; RSJU 701.1) et Message du Gouvernement
économiques, intérêts urbanistiques, etc.)51. Il est         jurassien concernant la modification de la LCAT, Journal des
                                                             Débats no 11, p. 497; voir aussi 24 LATeC/FR. Dans ces can-
pourtant possible d’imaginer, comme dans le                  tons, le Gouvernement, respectivement le Conseil d’Etat pour-
Canton de Fribourg, des procédures originales qui            rait ainsi refuser d’approuver la constitution d’un syndicat
permettent de délimiter le périmètre d’une corpo-            d’aménagement régional si son périmètre n’est pas approprié.
ration de droit public – en l’occurrence l’agglomé-     	52	Cf. art. 3 et 7 LAgg/FR. Le Gouvernement jurassien peut
                                                             contraindre une commune récalcitrante à adhérer au syndicat
ration (cf. supra encadré) – selon une logique à la          d’agglomération (cf. art. 135a et 135d de la Loi sur les com-
fois «de bas en haut» et «de haut en bas»:                   munes; RSJU 190.11).


                                                                                                                        15
T&E


Le canton du Jura connaît aussi une réglementa-        mieux coïncider le périmètre de la planification
tion similaire en ce qui concerne la constitution de   régionale avec celui des espaces fonctionnels et
syndicat d’agglomération.                              d’empêcher que certaines petites communes ne
                                                       forment de petits syndicats d’aménagement ré-
Délimitation du périmètre de l’aggloméra-              gionaux qui ne correspondraient à aucune réalité
tion et du syndicat d’agglomération dans               fonctionnelle.
les cantons de Fribourg et du Jura:


           Consultation des communes
                                                       4.	Les moyens spéciaux de
                                                         coordination
       Fixation du périmètre provisoire de
          l‘agglomération par le canton
                                                       Le plan directeur cantonal a la spécificité de re-
                                                      présenter une plateforme de coordination entre
                                                       tous les échelons institutionnels et tous les do-
     Modification du périmètre provisoire par
            l‘assemblée constitutive                   maines d’activités à incidences spatiales. Il joue

                        
                                                       ainsi et doit jouer, comme nous l’avons déjà vu,
                                                       un rôle central en matière de planification des
          Votation sur la constitution de              espaces fonctionnels55. Il lui appartient en prin-
       l‘agglomération à la double majorité            cipe de délimiter les espaces fonctionnels existant

                                                      sur son territoire (cf. supra ch. 3.2.) et, le cas
                                                       échéant, d’en fixer les principes d’aménagement
      Adhésion automatique des communes,               (cf. supra ch. 2.4.).
      même récalcitrantes (FR) ou adhésion             Le plan directeur cantonal ne peut toutefois fixer
       obligatoire de celle-ci par décision
                 du canton (JU)                        en détail la planification des espaces fonction-
                                                       nels; d’une part, il doit se limiter à l’essentiel et,
                                                       d’autre part, respecter l’autonomie communale
En fait, jusqu’à présent, seul le canton de Berne a    en matière d’aménagement. Il ne peut de surcroît
franchi le pas de fixer lui-même dans une ordon-       régler unilatéralement la planification des es-
nance – après avoir consulté les communes – le         paces fonctionnels intercantonaux. De ce fait, la
périmètre des éventuelles conférences régionales       planification dans les espaces fonctionnels sup-
(cf. sur celles-ci encadré p. 6)53. Le Canton des      pose le renforcement d’autres mécanismes et
Grisons va cependant suivre prochainement son          instruments de coordination, tels que les plate-
exemple alors qu’il s’était jusqu’à présent tou-       formes de coordination et d’information (ch.
jours refusé à fixer le périmètre des syndicats ré-    4.1.), les plans directeurs régionaux (ch. 4.2.), les
gionaux d’aménagement54. Le 23 septembre               concepts régionaux (ch. 4.3.), les programmes et
2012, le peuple a en effet accepté le principe         projets d’agglomération (ch. 4.4.) et les plans
constitutionnel selon lequel le territoire cantonal    d’affectation cantonaux et intercommunaux (ch.
doit être délimité en onze nouvelles corporations      4.5.).
de droit public, les régions. Ces organisations ré-
gionales reprendraient les compétences actuelle-
ment dévolues aux districts judiciaires et aux syn-
dicats régionaux d’aménagement. L’un des
objectifs avancés est notamment celui de faire

16
VLP-ASPAN no 6/12


4.1	Les plateformes de                                 (Plattform Aargau-Solothurn) qui réunit les Can-
    coordination                                       tons de Soleure et d’Argovie, les trois villes
                                                       d’Olten, Aarau et Zofingue ainsi que les syndicats
La pratique a démontré que la coordination de la       régionaux d’aménagement dans la région. Cette
planification au sein des espaces fonctionnels est     collaboration a permis l’émergence de nombreux
largement facilitée par la mise en place de plate-     projets. On pensera surtout à l’élaboration de
formes d’information et d’échange propre à un          projets d’agglomération communs aux trois villes
espace fonctionnel donné. De telles plateformes        précitées, alors même qu’elles pourraient à pre-
permettent, sans imposer de collaboration forcée       mière vue paraître en concurrence. On citera éga-
ou de planification contraignante, d’instaurer         lement d’autres mesures assez diverses tendant à
une collaboration plus étroite entre les acteurs       favoriser l’émergence d’une identité commune:
politiques d’un espace fonctionnel et, le cas          création de la marque AareLand et d’un site
échéant, de favoriser l’élaboration de projet          Internet, la revalorisation et mise en réseau des
d’aménagement commun. Il semblerait en effet           espaces bordés par l’Aare et la Wigger sous
que cette forme d’institutionnalisation de la dis-     forme d’un parc d’agglomération et la mise en
cussion facilite les contacts, contribue à instaurer   place d’une zone tarifaire commune pour les
la confiance et favorise l’émergence de visions        transports publics, etc.59. Sur le plan transnatio-
communes56. Au niveau national, la Conférence          nal, l’association de droit français Eurodistrict Tri-
tripartite sur les agglomérations CTA – regrou-        national de Bâle ETB est quant à elle censée déve-
pant depuis 2001 la Conférence des gouverne-           lopper les idées stratégiques de développement
ments cantonaux, l’Union des villes suisses,           au sein de l’agglomération bâloise. L’ETB est éga-
l’Association des communes suisses et la Confé-        lement un appel politique lancé en faveur d’une
dération – a fait aujourd’hui preuve d’utilité,        forme plus intensive de collaboration transfron-
notamment en formulant des recommandations             talière60. Selon le Projet de territoire Suisse, ces
et des modèles de gouvernance en matière de            trois organisations, en particulier, devraient être
collaboration dans les agglomérations57.               développées progressivement en vue de renfor-
La LAT devrait ainsi bientôt prévoir que les can-
tons doivent au moins instituer une telle plate-
forme – ou bien sûr un autre organisme aux com-
                                                       	53	 Voir Ordonnance sur les conférences régionales (OCR/BE; RSB
pétences plus étendues – pour chaque espace
                                                            170.211). On précisera cependant que les communes-
fonctionnel intercantonal. À nouveau, une telle             membres peuvent tout de même se constituer librement en
règle ne représenterait pas une révolution dans la          sous-conférences au sein de la conférence régionale (art. 143
                                                            de la Loi sur les communes, LCo/BE; RSB 170.11).
mesure où la majorité des formes actuelles de
                                                       	 Voir notamment le nouvel art. 68 Cst./GR; Regierung des
                                                        54	
collaboration transcantonale et transnationale              Kantons Graubünden, Teilrevision der Kantonverfassung (Ge-
prennent déjà la forme de plateformes de coordi-            bietsreform), in: Botschaft der Regierung an den Grossen Rat,
nation.                                                     Heft Nr. 18/2011-2012, p. 1963 ss, p. 1983; Botschaft der
                                                            Regierung an den Grossen Rat zur Totalrevision der Kan-
Par exemple, la Conférence métropolitaine de                tonverfassung, Heft 10/2001-2002, p. 479 et suivantes, spé-
Zurich, qui réunit au sein d’une association pas            cialement p. 529.
moins de huit cantons et plus de deux cents com-       	55	 Voir, sur cette question, Heidi Haag, Coordonner urbanisation
                                                            et transports, Territoire & Environnement, 4/08, p. 11 s.
munes, permet aujourd’hui déjà d’améliorer la
                                                       	56	 CTA, Études de cas cantonaux (précité note 3), p. 77.
collaboration en facilitant l’échange d’informa-
                                                       	 Cf. le site internet de la CTA, www.tak.cta.ch, et les nom-
                                                        57	
tions au sein de l’espace métropolitain zurichois           breuses publications qui y sont consultables.
et de dégager des perspectives de développe-           	58	 Cf. www.metropolitanraum-zuerich.ch.
ment commun58. On citera également la plate-           	59	 Cf. www.aareland.ch.
forme intercantonale de coopération PASO               	60	 Cf. www.eurodistrictbasel.eu.


                                                                                                                    17
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cer la collaboration au sein de ces espaces fonc-       ner les diverses planifications sur un ou plusieurs
tionnels61.                                             thèmes donnés. Leurs fonctions et leurs utilités
Enfin, les plateformes de coordination peuvent          sont très diverses. Ainsi, dans le canton de Zurich,
également être appelées à jouer un rôle impor-          les concepts d’aménagement régionaux rem-
tant au plan cantonal. C’est notamment le cas           plissent au moins trois fonctions. Ils servent
des syndicats de planification régionale auxquels       d’étude de base en vue de la révision des plans
appartiennent les communes du Canton                    directeurs régionaux et de l’élaboration des pro-
d’Argovie. Ceux-là assurent une fonction de re-         jets d’agglomération. Enfin, ils précisent le
lais entre canton et communes. Leurs tâches             concept d’aménagement cantonal et servent
consistent par ailleurs à informer les communes         donc également d’études de base en vue de
qui désirent réviser leur planification de l’état de    l’élaboration du plan directeur cantonal63.
celles des autres communes de la région. Les syn-       Ne représentant que des bases de travail, ces
dicats procèdent enfin à un examen préalable            concepts d’aménagement ne jouissent certes
des projets de planification communale afin d’as-       d’aucune force obligatoire, à moins qu’ils ne
surer une coordination régionale le plus tôt pos-       soient intégrés au plan directeur cantonal ou,
sible, de même qu’ils assistent les communes            comme le prévoira peut-être le droit lucernois,
désireuses d’élaborer un plan régional sectoriel62.     qu’ils soient déclarés contraignants par l’orga-
                                                        nisme régional (en principe un syndicat intercom-
                                                        munal)64. Il n’en demeure pas moins qu’en tant
4.2	Les concepts d’aménagement                          qu’outil de coordination et base d’argumenta-
                                                        tion, les autorités doivent tout de même en tenir
Alors que l’adoption d’un plan directeur régional       compte65; elles ne peuvent pratiquement s’en
est en principe soumise à un certain nombre de          écarter qu’en démontrant que la planification
contraintes (p. ex. nécessité d’une base légale         esquissée n’est pas ou n’est plus opportune. À
correspondante dans le droit cantonal, obligation       vrai dire, l’essentiel est surtout que le développe-
de se grouper en association de communes, pro-          ment d’instruments tels que les concepts d’amé-
cédure d’information et d’approbation canto-            nagement ou les stratégies de développement
nale, etc.), d’autres instruments de planification      régional contraint les collectivités à analyser leurs
ont été développés et ont tendance à se multi-          rôles et à se positionner, une telle prise de
plier dans la pratique, tels que ceux de concept        conscience étant une avancée en soi.
ou conception d’aménagement, de charte de               Enfin, l’avantage de ces instruments de planifica-
développement, de schéma directeur et autres            tions est qu’ils sont très flexibles, tant au niveau
stratégies régionales. Au niveau national,              de la forme que de la procédure d’adoption, ce
l’exemple actuel est bien sûr le Projet de territoire   qui les rend spécialement intéressants comme
Suisse, qui a été élaboré par la Confédération, les     instruments de planification intercantonale ou
cantons, les communes et les villes et qui est          internationale. Le concept d’aménagement
censé fixer des objectifs et des stratégies pour le     pourrait ainsi devenir un instrument important en
développement territorial futur de notre pays.          matière d’aménagement des espaces fonction-
Ces instruments représentent simplement le ré-          nels. C’est d’ailleurs ce à quoi semble tendre le
sultat formalisé d’une discussion de principe           Canton de Lucerne; afin de flexibiliser les instru-
entre les différentes collectivités concernées sur      ments de planification régionale, celui-ci projette
l’orientation que doit prendre la politique d’amé-      actuellement d’ancrer expressément dans la loi
nagement du territoire au sein d’un territoire          l’idée selon laquelle les concepts d’aménage-
donné. Ils déclinent en quelque sorte les choix         ment représentent un instrument central de la
stratégiques qui doivent permettre de coordon-          planification des espaces fonctionnels régionaux,

18
VLP-ASPAN no 6/12


tout en prévoyant de supprimer l’obligation,          veau intracantonal. Plusieurs cantons ont d’ail-
pour les organismes de planification régionale,       leurs introduit ou renforcé – ou prévoient de le
d’adopter un plan directeur régional (cf. encadré     faire – cet instrument de planification dans leur
p. 19)66.                                             législation67. La réintroduction de la planification
                                                      directrice régionale est d’ailleurs l’une des inno-
                                                      vations centrales de la récente révision du droit
4.3 Les plans directeurs régionaux                    thurgovien68. Comme déjà évoqué, il est toute-
                                                      fois vrai que la plupart des cantons misent encore
Malgré le développement des instruments de            largement sur le principe de la planification régio-
planification régionale extralégaux, le plan direc-   nale volontaire, contrairement aux Cantons de
teur régional semble trouver un souffle nouveau       Berne, des Grisons et de Zurich qui contraignent
comme instrument principal de la planification        les communes à collaborer en vue de l’adoption
dans les espaces fonctionnels, du moins au ni-        d’un plan directeur régional commun. La ques-
                                                      tion d’une planification directrice régionale obli-
                                                      gatoire est toutefois régulièrement proposée
   §3 de l’avant-projet de Loi sur                    dans de nombreux cantons (cf. supra ch. 2.4).
   l’aménagement du territoire et les                 Compte tenu de la multiplication des espaces
   constructions du Canton de Lucerne                 fonctionnels et de leurs éventuelles superposi-
                                                      tions, l’idée d’élaborer des plans directeurs cou-
   1
     L’aménagement local incombe aux
   communes.
                                                      	61	 Voir Projet de territoire Suisse, Version remaniée 2012, p. 35,
   2
     Les organismes régionaux de                           37, et 49.
   développement coordonnent au niveau                	62	 Cf. art. 11 BauG/AG; AG, Empfehlung zur regionalen Abstim-
                                                           mung (précité note 15); Lukas Bühlmann, Renaissance de la
   régional les activités des communes qui
                                                           planification régionale, Territoire & Environnement, Juillet
   ont un impact sur le territoire                         2002, p. 20-27, p. 26.
   conformément au plan directeur cantonal            	63	Regierungsrat/ZH, Erläuterungsbericht (précité note 48), p.
   et, au besoin, au moyen de plans et de                  15; Regionalplanung Zürich und Umgebung (RZU), Inte-
                                                           griertes Zielbild 2030 der Regio-ROKs, Zürich 2012, 10-12.
   concepts d’aménagement. En accord
                                                      	64	 Cf. Bau-, Umwelt- und Wirtschaftsdepartement des Kantons
   avec les communes et le canton, d’autres                Luzern (LU), Erläuterungen zum Entwurf einer neuen Pla-
   tâches peuvent leur être confiées. Le                   nungs- und Bauverordnung, Lucerne 2012, p. 5; § 10 de
                                                           l’avant-projet de révision (AP-PBV/LU). Pour un exemple, voir
   Conseil d’Etat règle par ordonnance la
                                                           l’arrêt du Tribunal cantonal vaudois AC.2010.0172 du 25 mai
   question de l’éventuelle force obligatoire              2011 rappelant que le schéma directeur de l‘ouest lausannois
   des plans et des concepts                               n’est en soi pas contraignant pour les communes dans le
                                                           cadre de l’élaboration de leurs plans d’affectation.
   d’aménagement.
                                                      	65	 Cf., par exemple, Bau-, Umwelt- und Wirtschaftsdepartement
                                                           des Kantons Luzern (LU), Erläuterungen zum Entwurf einer
   3
      Le canton élabore les bases du plan                  Teilrevision des Planungs- und Baugesetzes, Lucerne 2012, p.
   directeur cantonal et l’établit                         26; §9 al. 2 AP-PBG/LU.
                                                      	66	 Departement/LU, Erläuterungen (précité note 65), p. 25 et § 8
   conformément aux dispositions de la loi
                                                           AP-PBG/LU; Memorial für die Landsgemeinde des Kantons
   sur l’aménagement du territoire. Il                     Glarus 2010, § 17 Raumentwicklungs- und Baugesetz (To-
   coordonne les plans et concepts                         talrevision), p. 141ss, p. 146.
   d’aménagement régionaux et                         	67	 C’est notamment le cas du Canton du Jura qui ne connaît que
                                                           depuis quelques années cet instrument (cf. art. 75d LCAT/JU).
   communaux quand cela est nécessaire                     Pour d’autres exemples, voir notes infra.
   d’un point de vue cantonal.                        	68	 Cf. §3 et §13 Planungs- und Baugesetz (PBG/TG; RB 700), qui
                                                           entrent en vigueur le 1er janvier 2013.


                                                                                                                     19
T&E


vrant l’ensemble du territoire et intégrant pêle-       cantonales et communales74. Une telle planifica-
mêle les domaines de l’urbanisation, des                tion intercommunale ou régionale pourra d’ail-
transports et du paysage, comme c’était parfois         leurs tenir lieu de planification directrice commu-
le cas dans le passé, semble être révolue. Sont         nale75. A l’inverse, le Canton de St-Gall, projette
aujourd’hui requis des plans directeurs régionaux       de supprimer l’instrument de plan directeur ré-
structurés par thèmes, c’est-à-dire sectoriels ou       gional, qui n’est actuellement qu’indicatif (we-
partiels, qui établissent des priorités et proposent    gleitend) dans ce canton76.
des solutions concrètes aux problèmes69. Un plan
régional n’est pas forcément utile s’il ne consiste
qu’à reprendre, à son niveau, ce qui est déjà ins-      4.4	Les projets d’agglomération
crit dans le plan directeur cantonal, sans l’appro-
fondir. Autrement dit et pour reprendre l’expres-       La politique fédérale des agglomérations a fait du
sion consacrée par le plan directeur cantonal           projet d’agglomération un instrument central de
vaudois, les plans directeurs régionaux doivent         la planification des espaces fonctionnels urbains.
«se recentrer sur l’essentiel»70, tout en gardant       C’est un instrument de conduite stratégique per-
une vue d’ensemble sur l’aménagement du terri-          mettant de coordonner certains thèmes transver-
toire régional. C’est pourquoi d’ailleurs, selon le     saux par une collaboration horizontale (com-
nouveau droit thurgovien, le plan directeur régio-      mune-commune, canton-canton) et verticale
nal que pourront dorénavant adopter les com-            (Confédération–canton–agglomération)           entre
munes thurgoviennes doit être compris comme             partenaires politiques. Il vise ainsi à garantir la
un instrument flexible de résolution des pro-           coordination des projets de même que leur mise
blèmes régionaux et se rapporter à des domaines         en œuvre au sein des agglomérations. Le projet
et des espaces qui nécessitent véritablement un         d’agglomération est en même temps un plan
aménagement concerté71.                                 d’action qui, contrairement aux autres instru-
Le Canton d’Argovie est allé au bout de cette lo-       ments de planification territoriale, fixe les condi-
gique en introduisant l’instrument de plan régio-       tions d’organisation et de financement de me-
nal sectoriel après avoir abandonné celui de plan       sures considérées comme prioritaires ainsi que
directeur régional72. Il en va de même dans le          l’échéancier de celles-ci77.
Canton de Berne où les Conceptions régionales           Cet instrument est à présent bien connu et large-
des transports et d’urbanisation – censées per-         ment pratiqué, bien qu’aucune loi n’ait à l’ori-
mettre d’harmoniser le développement du milieu          gine défini sa véritable nature juridique. Jusqu’à
bâti et celui des transports dans l’ensemble du         présent, la plupart des projets d’agglomération
canton de Berne – deviennent des plans direc-           ont été intégrés au plan directeur cantonal afin
teurs régionaux partiels qui ont force obligatoire      qu’ils jouissent d’une force obligatoire, condition
pour les autorités après avoir été adoptées par la      à l’octroi de l’aide financière fédérale. Néan-
conférence régionale concernée et approuvées            moins, à l’image de ce qu’il est prévu de faire au
par le canton73.                                        niveau fédéral, de nombreux cantons ont choisi
La pratique semble enfin avoir démontré qu’un           d’offrir un ancrage légal à cet instrument  afin
plan directeur régional n’était véritablement utile     d’en légitimer l’action: soit il est prévu expressé-
et utilisé que s’il était contraignant pour les auto-   ment que le projet peut être intégré dans le plan
rités. Le Canton de Vaud prévoit ainsi de renfor-       directeur cantonal78, soit que le projet d’agglo-
cer l’instrument du plan directeur régional – qui       mération doit prendre la forme d’un instrument
ne représente pour l’heure qu’un plan d’inten-          légal à la fonction similaire (p. ex. par la CRTU
tion servant de référence et d’instrument de tra-       dans le canton de Berne)79, soit en prévoyant que
vail – en le rendant obligatoire pour les autorités     le projet d’agglomération – pour ses aspects liés

20
VLP-ASPAN no 6/12


à l’aménagement du territoire – équivaut à un          4.5	Les plans d’affectation
plan directeur régional80. Dans ce dernier cas, le         cantonaux et régionaux
projet doit alors être adopté conformément à la
procédure d’adoption des plans directeurs régio-       L’élaboration de concepts de planification et de
naux.                                                  plans directeurs communs devrait en principe
Enfin, le succès rencontré par ce nouvel instru-       suffire à assurer un aménagement du territoire
ment, sa pertinence et sa nécessité font que la        coordonné à l’échelle des espaces fonctionnels.
tendance serait aujourd’hui de l’appliquer égale-      L’adoption d’un plan d’affectation – général ou
ment en matière de planification des espaces           spécial – propre à un espace fonctionnel peut
fonctionnels ruraux. Le Canton de St-Gall pro-         cependant être opportun, notamment lorsque la
jette d’ailleurs d’inscrire expressément la possibi-   réalisation d’un projet d’importance régionale le
lité de développer des programmes pour les es-         requiert. L’idée n’est cependant pas que quelques
paces ruraux81.                                        communes imposent un aménagement précis à



                                                       	69	 Bühlmann (précité note 62), p. 27. Voir aussi Departement/
                                                            LU, Erläuterungen (précité note 65), p. 25.
   Art. 3 de l’avant-projet de Loi sur                 	70	 Cf. Ligne d’action 1.2 du PDCn/VD.
   l’aménagement du territoire et les                  	 Cf. §13 PBG/TG et Departement für Bau- und Umwelt der
                                                        71	
                                                            Kanton Thurgau (TG), Erläuternder Bericht vom 15. Dezember
   constructions du Canton de St-Gall                       2009 zur Totalrevision des Planungs- und Baugesetzes, p. 9.
                                                       	72	 Art. 12a BauG/AG; Regierungsrat/AG, Botschaft (précité note
   Afin de coordonner le développement de                   11), p. 38.
   l’urbanisation et des infrastructures de            	73	 Voir à ce sujet, Coordination entre transports et urbanisation
                                                            dans le canton de Berne, INFORUM 6/12 p. 3 s
   transport en dehors des agglomérations,
                                                       	74	 Etat de Vaud, Exposé des motifs l’avant-projet de loi modi-
   le gouvernement peut:                                    fiant la loi sur l’aménagement du territoire et les construc-
                                                            tions du Canton de Vaud 1985, Lausanne 2011; Art. 31 al. 2
   a) dans le plan directeur cantonal:                      AP-LATC/VD.
                                                       	 Mesure 1.3.1. «  Périmètre fonctionnel  » du Plan directeur
                                                        75	
   1.	fixer des principes de développement
                                                            vaudois et art. 38 al. 1 AP-LATC/VD.
      et prévoir l’établissement de projets de         	76	 Baudepartement/SG, Bericht (précité note 21), p. 12.
      développement territorial;                       	 Office fédéral du développement territorial (ARE), Le projet
                                                        77	
   2.	régler de manière contraignante la mise               d’agglomération, Les buts, les caractéristiques et les éléments
      en œuvre des mesures prévus par un tel                de contenu en bref, Berne 2003, p. 3 s.
                                                       	 Art. 2 AP-PBG/SG; §3 al. 3 PBG/TG qui prévoit les projets
                                                        78	
      projet;
                                                            d’agglomération font partie intégrante du plan directeur can-
                                                            tonal ou d’un plan directeur régional.
   b) créer des organismes chargés d’élaborer          	79	 Art. 98a de la loi sur les constructions (LC/BE; RSB 721.9) ;
   de tels projet, les soutenir financièrement              Direction des travaux publics, des transports et de l’énergie,
                                                            Direction de la justice, des affaires communales et des affaires
   et décider de l’adhésion du canton à ceux-               ecclésiastiques du Canton de Berne, Manuel de la CRTU.
   ci;                                                      Berne 2009, p. 13. Dans le canton d’Argovie, le plan d’agglo-
                                                            mération pourrait également prendre la forme, du moins en
                                                            partie, d’un plan régional sectoriel (art. 1 al. 1 let. a BauV/AG;
   c) conclure des conventions interétatiques               Departement Bau, Verkehr und Umwelt, Abteilung Rau-
   sur l’élaboration et la mise en œuvre de                 mentwicklung, Regionale Abstimmung und Begründung
                                                            kommunaler Nutzungspläne des Kantons Aargau (AG), Emp-
   tels projets régionaux.
                                                            fehlung, Aarau janvier 2012, p. 5).
                                                       	80	 Art. 27 al. 1 LATeC/FR; §3 al. 3 PBG/TG; art. 39 al. 3 AP-LATC/
                                                            VD.
                                                       	81	 Art. 3 AP-PBG/SG.


                                                                                                                         21
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La planification dans les espaces fonctionnels

  • 1. LA PLANIFICATION DANS LES ESPACES FONCTIONNELS Territoire & Environnement Novembre no 6/12
  • 2. T&E La planification dans les espaces fonctionnels Développements récents et perspectives juridiques Les principes de coordination et de 1. Quelques remarques collaboration sont plus que jamais au centre introductives de l’aménagement du territoire compte tenu des défis auxquels les collectivités publiques sont aujourd’hui confrontées. En effet, la Avant de traiter les problèmes que peut poser la Suisse s’urbanise et la mobilité de la popu- planification dans les espaces fonctionnels, il lation augmente sans cesse. Les activités convient d’expliquer rapidement le lien étroit que humaines ont toujours plus d’emprise sur le cette problématique entretient avec la planifica- territoire ou d’effets sur l’environnement. Il tion régionale (ch. 2.1.) et d’en évoquer le cadre n’est aujourd’hui plus possible d’assurer un constitutionnel (ch. 2.2.). aménagement du territoire satisfaisant en coordonnant la planification uniquement au sein des espaces politiques traditionnels, 1.1 La renaissance de la lesquels ne coïncident souvent plus avec les planification régionale espaces fonctionnels actuels. La nécessité d’organiser l’utilisation du sol de manière Depuis longtemps, dans les grands et moyens rationnelle à un niveau intercommunal et cantons, les autorités ont compris l’utilité de pla- intercantonal, voire international, devient nifier l’aménagement du territoire à un niveau toujours plus pressante, si l’on veut ména- régional, c’est-à-dire de permettre ou de ger l’utilisation du sol et préserver le pay- contraindre un groupe de communes à régler sage. C’est d’ailleurs pourquoi le Projet de certaines questions de manière concertée. D’une territoire Suisse retient que le renforcement part, on avait déjà pris conscience de l’impossibi- de la coordination et de la collaboration est lité de résoudre les problèmes d’aménagement un défi central de l’aménagement du terri- du territoire au seul niveau communal, compte toire. tenu notamment des ressources financières et Le présent article se propose dès lors de survoler humaines parfois limitées de certaines com- les derniers développements et les perspectives munes. D’autre part, les cantons et les com- juridiques en matière de planification des espaces munes ont aussi compris assez tôt l’intérêt qu’il fonctionnels. Les contours de cette probléma- pouvait exister d’assurer une certaine coordina- tique étant encore très flous et les problèmes tion – tant horizontale que verticale – par d’autres qu’elle pose innombrables, il ne prétend cepen- canaux que celui de la planification directrice dant nullement à l’exhaustivité, ce d’autant plus cantonale. Dans les Cantons de Zurich et des que la pratique s’écarte souvent du cadre lé- Grisons notamment, où la planification régionale gal  ou n’a simplement pas encore trouvé d’an- a toujours occupé une place centrale en matière crage légal. d’aménagement du territoire, celle-là permet d’alléger la planification directrice cantonale tout en servant de base à son élaboration1. Le principe de la collaboration régionale et, plus spéciale- ment, de la planification régionale a même été 2
  • 3. VLP-ASPAN no 6/12 ancré dans la Constitution grisonne lors de sa dernière révision totale2. Sommaire Aujourd’hui, comme nous le verrons, la planification régionale est appelée à répondre à de nombreux défis; elle vit ainsi une véritable 1. Quelques remarques introductives 2 renaissance dans de nombreux cantons. La né- 1.1 La renaissance de la planification cessité de coordonner la planification au-delà des régionale 2 frontières politiques semble en effet avoir large- 1.2 Le tabou des réformes ment supplanté la simple utilité de planifier à un constitutionnelles 4 niveau supracommunal. Certes, la délimitation de nombreuses «régions 2. Coordonner dans les espaces fonctionnels 6 d’aménagement» s’est faite et se fait encore sou- 2.1 Un principe juridique reconnu 7 vent selon des critères historiques, culturels, géo- 2.2 Les enjeux politiques 8 graphiques ou encore politiques (p. ex. les ré- 2.3 Les incitations fédérales et cantonales 10 gions correspondent aux arrondissements ou aux 2.4 Les moyens de contrainte juridique 11 districts). Dès lors, la planification régionale n’est encore que rarement intercantonale ou interna- 3. La difficulté de définir les espaces tionale si l’on excepte quelques projets d’agglo- fonctionnels 13 mération précurseurs. Et si certaines aires de pla- 3.1 La notion d’«espace fonctionnel» 13 nification régionale correspondent aux espaces 3.2 La délimitation des «espaces fonctionnels actuels (p. ex. la région d’aménage- fonctionnels» 14 ment de la Haute-Engadine), de nombreuses autres ne couvrent pas ou plus ceux-ci, (p. ex. 4. Les moyens spéciaux de coordination 16 régions d’aménagement zurichoises)3. Dans cette 4.1 Les plateformes de coordination 17 mesure, la problématique de la planification des 4.2 Les concepts d’aménagement 18 espaces fonctionnels ne doit pas être totalement 4.3 Les plans directeurs régionaux 19 confondue avec celle de la planification inter- 4.4 Les projets d’agglomération 20 communale ou de la planification régionale tradi- 4.5 Les plans d’affectation tionnelle. cantonaux et régionaux 21 Il n’empêche toutefois que la problématique de la planification régionale et celle de la planifica- 5. La gouvernance des espaces fonctionnels 23 tion dans les espaces fonctionnels sont appelées 5.1 Entre contractualisation et à s’imbriquer fortement. En effet, les instruments institutionnalisation 23 et les mécanismes de planification régionale et 5.2 La forme juridique de la de collaboration intercommunale permettent collaboration 25 5.3 Les compétences de l’organe commun 27 1 Art. 3 al. 2 Raumplanungsgesetz/GR (KRG/GR; BR 801.100); 5.4 La participation démocratique 28 §13 Planungs- und Baugesetz/ZH (PBG/ZH; OS 700.1). 2 Cf. art. 69 et 72 de la Constitution du Canton des Grisons/GR 6. Conclusion 29 (Cst./GR; RS 131.226), entrée en vigueur le 1er janvier 2004. 3 Cf. Schenkel/Wehrli/Kübler/Scheuss, Strukturen für eine bes- sere Zusammenarbeit im Wirtschaftsraum Zürich Grundlagen- bericht, Zürich 2005, p. 6 s.; Conférence tripartite sur les ag- glomérations CTA (édit.), La voie vers une politique des agglomérations globale. Possibilités et limites de la politique cantonale des agglomérations, Études de cas cantonaux, Berne 2007, p. 86 s. 3
  • 4. T&E d’adapter le périmètre de planification aux en- tercantonale6. Le droit fédéral ne peut cependant jeux à traiter; ils trouvent ainsi une application fixer le périmètre des espaces fonctionnels et leur nouvelle et toute naturelle s’agissant de la plani- planification concrète, ni même déterminer quels fication dans les espaces fonctionnels, que ces mécanismes organisationnels doivent être prévus derniers soient intercommunaux, intercantonaux à cette fin, cela même lorsqu’il s’agit de planifier ou internationaux. De même, comme nous le un espace fonctionnel intercantonal7. En outre, la verrons, de nouveaux modèles de coopération et situation n’est pas moins complexe au niveau de planification régionale tant légaux (p. ex. la cantonal; dans la plupart des cantons, les com- conférence régionale et l’agglomération dans les munes jouissent historiquement de larges com- Cantons de Berne et de Fribourg; cf. encadré pétences en matière d’aménagement local et la p. 6-7) qu’extralégaux (p. ex. concept d’aména- plupart y sont encore très attachées. Cette auto- gement ou projet d’agglomération) ont été déve- nomie communale est d’ailleurs souvent ancrée loppés spécialement afin d’assurer une meilleure dans les constitutions cantonales, tout comme le coordination dans les espaces fonctionnels. Pour principe selon lequel le canton ne doit intervenir toutes ces raisons, le présent article, à l’image de qu’à titre subsidiaire8. Ainsi, d’un point de vue nombreux plans directeurs cantonaux d’ailleurs4, politique et juridique, il est difficile d’attribuer à traitera indifféremment de planification régionale la Confédération ou aux cantons davantage de et de planification dans les espaces fonctionnels. compétences en matière d’aménagement. Par conséquent, en l’état, la planification coordon- née des espaces fonctionnels ne peut être sim- 1.2 Le tabou des réformes plement solutionnée «par le haut», mais doit en constitutionnelles principe faire l’objet de solutions concertées «par le bas». Il faut rappeler qu’à défaut de réformes constitu- Il est certain qu’à long terme, les problèmes que tionnelles profondes, l’aménagement coordonné pose l’absence de coïncidence entre les espaces du territoire ne semble pouvoir passer pour politico-administratifs et les espaces fonctionnels l’heure que par un renforcement des mécanismes devraient conduire à des réformes territoriales. Il et des instruments de collaboration entre les dif- est à cet égard réjouissant que de nombreuses férentes autorités en charge de l’aménagement fusions de communes aient été déjà menées à du territoire5. bien et soient en cours (cf. encadré p. 5). Au Tes- En effet, le système actuel a été pensé à une sin par exemple, et contrairement à la discussion époque où la société commençait seulement à au niveau fédéral, le thème des agglomérations a s’urbaniser. La répartition des compétences en englobé la question des fusions de communes9. matière d’aménagement du territoire est donc On signalera aussi la récente révision constitu- fortement décentralisée. Selon l’article 75 de la tionnelle et législative dans le Canton de Berne Constitution fédérale (Cst.), dans le domaine de – sur laquelle le peuple bernois a été appelé à se l’aménagement du territoire, la Confédération prononcer le 23 septembre 2012 – qui met en ne jouit que d’une compétence limitée aux «prin- place des mécanismes incitatifs en matière de cipes». Dans ce cadre et comme le prévoyait fusion de communes (réduction des prestations l’avant-projet de Loi fédérale sur le développe- de péréquation et de subventionnement, etc.) et ment territorial (AP-LDTer), elle peut certes qui autorise également le Grand Conseil à contraindre les cantons à planifier de manière contraindre les communes à fusionner contre coordonnée les espaces fonctionnels, expliquer le leur gré10. Il semble toutefois qu’à l’instar d’une sens de cette obligation, voire fixer quelques nouvelle répartition des compétences en matière règles de bases s’agissant de la coordination in- d’aménagement du territoire, une révolution de 4
  • 5. VLP-ASPAN no 6/12 Effectif des communes en Suisse 3000 2900 2800 2700 2600 2500 2400 2300 2200 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 la structure territoriale suisse – notamment des fusions de cantons – soit pour l’heure inconce- vable, comme en témoigne d’ailleurs la difficulté actuelle de convaincre certaines communes à fu- sionner. 4 Cf., p. ex., Fiche R2 «Regionale Entwicklungsträger» du plan directeur lucernois (PDCn/LU); Ligne d’action 1.3 «Adapter les péri- mètres aux enjeux à traiter» du plan directeur cantonal vaudois (PDCn/VD). 5 Michel Rey/Laurent Thévoz, La collaboration intercommunale: facteur décisif du succès de la mise en œuvre des plans régionaux et des schémas d’agglomération, Essai sur la pratique de la gouvernance territoriale en Suisse romande, p. 2 s. 6 Art. 21-24 AP-LDTer et Office fédéral du développement territorial (ARE), Rapport explicatif accompagnant l’avant-projet de Loi fé- dérale sur le développement territorial (AP-LDTer), Berne 2008, p. 103-105. 7 Cf. art. 5a Cst. et voir, entre autres, Pascal Mahon, in: Jean-François Aubert/Pascal Mahon (édit.), Petit commentaire de la Constitu- tion fédérale de la Confédération suisse, Zurich – Bâle – Genève 2003, N 4-5 ad art. 75 Cst. 8 Pour le principe de subsidiarité, cf., notamment, § 4 al. 2 de la Constitution du Canton de Lucerne (Cst./LU; RS 131.213), art. 26 al. 1 de la Constitution du Canton de Saint-Gall (Cst./SG; RS 131.225) et art. 27 al. 3 de la Constitution du Canton d’Appenzell Rhodes- Extérieures (Cst./AR; RS 131.224.1) et, pour le principe d’autonomie communale en aménagement du territoire, cf., notamment, art. 47 al. 2 de la Constitution du Canton d’Uri (Cst./UR; RS 131.214). 9 Voir CTA, Études de cas cantonaux (précité note 3), p.47. 10 Art. 101 al. 2 de la Constitution du Canton de Berne (Cst./BE; RSB 101.1) qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013. 5
  • 6. T&E La conférence régionale dans le Canton de Berne En 2007, le Canton de Berne s’est attelé à encourager la coopération entre les communes au niveau régional, en conférant des bases contraignantes à la collaboration intercommunale et régionale. Dans ce but, il a créé une nouvelle forme de corporation de droit public, la conférence régionale (cf. art. 137 à 143 de la Loi bernoise sur les communes; LCo/BE; RSB 170.11). En clair, chaque commune bernoise doit adhérer à une conférence régionale, laquelle est compétente pour harmoniser, à son échelle, le développement des transports et de l’urbanisation. Pour ce faire, la conférence régionale doit notamment adopter des concepts régionaux (des transport et de l’urbanisation). Les conférences régionales se chargent en outre, le cas échéant, des tâches des conférences culturelles régionales existantes. Enfin, les communes peuvent – si elles le souhaitent – déléguer d’autres tâches aux conférences régionales. Afin de démocratiser cette nouvelle forme de collaboration intercommunale, le constituant et le législateur bernois ont aménagé de la manière suivante la participation et la représentation de la population au sein des conférences régionales: ‚‚ Droits d’initiative et de référendum – En fait, il y a non seulement des votations régionales au moment de la création ou de la dissolution de la conférence régionale, mais également à chaque fois qu’une fraction du corps électoral régional ou des communes demande le référendum (par exemple contre la modification du règlement de la conférence régionale) ou qu’une initiative populaire régionale est valablement déposée. Toutes ces votations re- quièrent l’approbation de la majorité des votants et des communes membres. ‚‚ Élection et composition de l’assemblée régionale – Chaque commune est représentée à l’assemblée régionale – c’est-à-dire l’organe central des conférences régionales détenant notamment le pouvoir réglementaire – par son président de commune. Afin d’assurer une certaine représentativité des communes, chaque commune jouit d’une voix jusqu’à 1’000 habitants et d’une voix supplémentaire par tranche additionnelle de 3’000 habitants. 2. Coordonner dans les espaces tion (cf. 2.1.). L’expérience démontre toutefois fonctionnels que, malgré l’intérêt à planifier de manière coor- donnée dans les espaces fonctionnels, de nom- breuses collectivités sont tentées de négliger À vrai dire, même si la Loi fédérale sur l’aména- leurs obligations de collaborer et de coordonner gement du territoire LAT ne traite pas encore ex- (ch. 2.2.). Il convient dès lors de développer des pressément de la problématique de la planifica- moyens non seulement incitatifs (ch. 2.3.) mais tion dans les espaces fonctionnels, celle-ci n’en également contraignants (ch. 2.4.) pour favoriser est pas moins reconnue depuis longtemps sur le le respect de celles-ci. plan juridique, puisqu’elle découle des principes de collaboration, de coordination et de planifica- 6
  • 7. VLP-ASPAN no 6/12 L’agglomération dans le Canton de Fribourg Avec l’entrée en vigueur en 1997 de sa Loi cantonale sur les agglomérations (LAgg/FR; RSF 140.2.), le Canton de Fribourg a été le premier à proposer un cadre institutionnel ad hoc aux problèmes que posait la nécessité de développer la coopération régionale, en particulier dans les agglomérations urbaines. Il existe dans ce canton une nouvelle forme de corporation de droit public, l’agglomération. Ainsi, Agglo Fribourg – qui a été formée sur cette base par les communes de Fribourg et sa couronne – est censée favoriser la collaboration intercommunale sur des problématiques aussi variées que celles de la mobilité, de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement, de la promotion touristique, de la promotion culturelle et de la promotion économique. Quelques cantons romands ont repris ou tenté de reprendre les grandes lignes de ce modèle de collaboration (cf. infra ch. 3.2 et 5.2). D’un point de vue institutionnel, l’agglomération présente de larges similitudes avec les confé- rences régionales; la population et les communes membres jouissent notamment des droits d’initiative et de référendum. De même l’essentiel des pouvoirs de l’agglomération sont du ressort d’un conseil d’agglomération. Il appartient aux statuts de l’agglomération de détermi- ner le nombre de représentants auquel a droit chaque commune, laquelle forme obligatoire- ment une circonscription électorale, étant précisé que chaque commune a deux conseillers d’agglomération au moins et qu’aucune commune ne doit disposer de plus de la moitié des conseillers d’agglomération. Enfin, les membres dudit conseil ne peuvent être élus par scrutin populaire que dans la mesure où les statuts de l’agglomération le prévoiraient, à défaut de quoi ils le sont par le législatif communal. 2.1 n principe juridique reconnu U responde aux projets de développement régio- nal, ce que rappelle expressément la récente révi- Pour rappel, selon les articles 2 et 7 LAT, la Confé- sion de la LAT soumise au vote du peuple en mars dération, les cantons et les communes doivent 201312. établir des plans d’aménagement en veillant à les Dès lors, l’éventuelle inscription dans le droit fé- faire concorder. Ils doivent également collaborer déral d’une réglementation expresse sur la ques- entre eux lorsque leurs tâches entrent en concur- tion de la planification des espaces fonctionnels rence. Ils doivent même chercher à collaborer ne constituerait pas une révolution juridique en avec les autorités étrangères, lorsque les mesures soi, mais une simple clarification des obligations qu’ils prennent peuvent avoir des effets au-delà des frontières nationales. Par conséquent, l’obli- gation de planifier les espaces fonctionnels – 11 Cf. dans ce sens, notamment, Regierungsrat des Kantons Aar- compris comme des territoires au sein desquels la gau, Botschaft zur Teilrevision des Gesetzes über Raumpla- nung, Umweltschutz und Bauwesen vom 19. Januar 1993, du planification doit être particulièrement coordon- 5 décembre 2007, p. 40 s. née (cf. infra ch. 3.1.) – découle en réalité déjà de 12 Voir notamment ATF 116 Ia 339, consid. 3b, et TF l’application cohérente et conséquente des prin- 1C_35/2011, consid. 2.6, et, enfin, art. 15 al. 3 nLAT (FF cipes de coordination et de collaboration11. Par 2012 5531) qui prévoirait notamment que «[l]’emplacement et la dimension des zones à bâtir doivent être coordonnés exemple le Tribunal fédéral exige depuis toujours par-delà les frontières communales en respectant les buts et que le dimensionnement des zones à bâtir cor- les principes de l’aménagement du territoire». 7
  • 8. T&E incombant aux autorités de planification. Elle tra- sûr, la planification dans les espaces fonctionnels duirait simplement la nécessité de prendre en peut être perçue comme une forme de tâche compte la réalité des espaces fonctionnels13. nouvelle induisant une charge financière supplé- Cette réalité est d’ailleurs largement reconnue mentaire, à laquelle toute collectivité, notam- par les droits et les plans directeurs cantonaux ment communale, est tentée de rechigner. puisque la plupart d’entre eux traitent déjà ex- Pourtant, la planification dans les espaces fonc- pressément de la nécessité d’accroître la collabo- tionnels présente de nombreux intérêts autres ration et la coordination de la planification14. Le que celui de permettre une utilisation économe droit glaronnais, traite même expressément de la du sol: problématique de la planification des espaces ‚‚ Tout d’abord, une planification coordonnée en fonctionnels (cf. encadré p. 12). amont à l’échelle de l’espace fonctionnel per- Actuellement déjà, la coordination de la planifi- met d’optimiser l’utilité des investissements (p. cation communale devrait en principe être abor- ex. transports publics) ou, du moins, d’éviter dée de manière détaillée dans le rapport de pla- que des dépenses soient réalisées inutilement nification (cf. art. 47 OAT) ou, selon les cas, dans (p. ex. nécessité de redimensionner les équi- le plan directeur communal. Dans certains can- pements). tons, les communes voisines ou l’éventuel orga- ‚‚ De même, le fait d’avoir élaboré une planifi- nisme de planification régionale sont même ap- cation à l’échelle de l’espace fonctionnel offre pelés à contrôler – sous forme de préavis – que à un tribunal la possibilité d’apprécier rapide- les plans d’aménagement soient coordonnés à ment si un projet est suffisamment coordonné un niveau intercommunal ou régional15. au niveau régional et s’il repose sur une pesée globale d’intérêts. Ainsi, effectuer une bonne planification en amont au niveau des espaces 2.2 Les enjeux politiques fonctionnels permet d’accélérer la réalisation de projets de détails, notamment en cas de En réalité, de nombreux facteurs compliquent la recours18. collaboration et la coordination entre les diffé- ‚‚ Planifier de manière coordonnée dans un es- rentes autorités en charge de la planification. On pace fonctionnel renforce également la com- citera la concurrence qui peut exister entre les pétitivité des collectivités qui en font partie. collectivités, particulièrement communales, en Une meilleure coordination des politiques pu- matière d’aménagement du territoire. Le senti- bliques permet en effet d’optimiser les condi- ment de concurrence peut même être exacerbé tions-cadres favorables à l’implantation d’en- lorsque la région en question connaît une évolu- treprises (p. ex. transports et équipement)19. tion négative des emplois et/ou de la population. Cet enjeu est particulièrement important pour On ajoutera à cela l’«esprit de clocher» lors de la les grandes agglomérations qui se trouvent mise en œuvre des projets régionaux. Même dans un rapport de concurrence important dans les régions où une collaboration offrirait un avec les autres espaces métropolitains euro- gain à chacune des collectivités, la collaboration péens et mondiaux. Il l’est bien sûr également régionale implique souvent un trop grand à tous les niveaux – national, cantonal ou nombre d’acteurs, lesquels sont en plus tentés de régional – comme en témoigne le développe- penser de manière sectorielle ou à court terme ment de nombreuses zones de développement compte tenu de la durée de leur mandat poli- économique régionales. tique16. Les compétences sont ainsi enchevêtrées ‚‚ La planification bénéficie ensuite d’une meil- et une perception globale de la planification est leure légitimité si elle est effectuée au niveau rendue extrêmement compliquée17. Enfin, bien de l’espace fonctionnel. Il est en effet juste 8
  • 9. VLP-ASPAN no 6/12 que la population ou les collectivités touchées peut aussi représenter – suivant d’où l’on se – même indirectement – par une mesure de place – soit un premier pas vers des réformes planification puissent se prononcer sur celle- territoriales plus profondes, notamment des ci. Il est parfois dérangeant que le sort d’un fusions de communes, soit précisément une projet de grande envergure (p. ex. une instal- alternative à celles-ci. En effet, une planifica- lation génératrice de trafic ou un parc éolien) tion régionale et, surtout, l’appartenance à un soit dans les mains d’une seule commune – organisme de planification régionale sont des laquelle peut être relativement petite – et que engagements aptes à produire un sentiment la population ou les communes de la région, d’appartenance à une région, c’est-à-dire le également concernées ou peut-être davan- sentiment de partager un destin commun23. tage, ne soient pas appelées à participer à la planification de ce dernier20. La question reste bien sûr de développer certains mécanismes 13 ARE, Rapport LDTer (précité note 6), p. 38. participatifs au niveau régional; mais on y re- 14 Cf., par exemple, § 3 de la Constitution du Canton de Bâle- Ville); Art. 6 Raumentwicklungs- und Baugesetz (RBG/GL; GS viendra (cf. infra ch. 5.4). VII B/1/1); art. 10 de la Loi sur l’aménagement du territoire et ‚‚ Il faut reconnaître que le besoin de coor- les constructions (LATeC/FR; RSF 710.1) qui prévoit que les dination a plutôt tendance à renforcer la autorités veillent «à collaborer en vue d’une concordance entre les mesures et dispositions qu’elles prennent en appli- position des cantons et de la Confédération. cation de la loi». Cependant, procéder à une planification des Voir Departement Bau, Verkehr und Umwelt, Regionale Ab- 15 espaces fonctionnels sur une base volontaire stimmung und Begründung kommunaler Nutzungspläne des Kanton Aargau (AG), Empfehlung, Aarau février 2012; art. 11 «par le bas» permet parfois d’éviter qu’une BauG/AG; art. 36 de la Loi sur l’aménagement du territoire et mesure d’aménagement soit simplement les constructions (LATC/VD; RSV 700.11). imposée «par le haut»21. Prenons l’exemple 16 Conférence tripartite sur les agglomérations (édit.), Collabo- des Commissions régionales des transports ration horizontale et verticale dans les agglomérations, Berne 2004, p. 29. (Commissioni regionali dei transporti) qui sont Voir, sur cette question, Rey/Thévoz, Essai (précité note 5), 17 aujourd’hui institutionnalisés dans le Canton p. 6-12 ; CTA, Collaboration (précité note 16), p. 29 et 33. du Tessin. À l’origine, ces dernières avaient 18 Cf. sur une question similaire, Gilles Wachsmuth, L’évaluation été créées sur une base volontaire par les environnementale stratégique EES, Territoire & Environne- ment 4/11, p. 14. communes, afin d’élaborer des plans régio- 19 Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA), Renforce- naux des transports à une époque où la pla- ment de la compétitivité internationale de la Suisse, Pistes nification cantonale était insatisfaisante dans pour une politique métropolitaine suisse, Berne 2010, p. 7-10. ce domaine22. Aujourd’hui, la loi prévoit que 20 Dans ce sens, notamment, voir ATF 137 II 254, consid. 4.3. ces plans, certes sanctionnés par le canton, 21 Voir, p. ex., Baudepartement des Kantons St. Gallen (SG), Be- mais toujours élaborés par les commissions richt und Entwurf zum Planungs- und Baugesetz, du 15 mai régionales, deviennent partie intégrante du 2012, p. 8; plan cantonal des transports. La planification 22 Voir, la Legge sul coordinamento pianificatorio e finanziario in materia di infrastrutture e di servizi di transporto (RL 7.4.1.3); des espaces fonctionnels peut donc représen- CTA, Études de cas cantonaux (précité note 3), p. 59. ter, pour les communes, une nouvelle forme 23 Voir, notamment, la fiche 1.03 «Planifications microrégio- de décentralisation de l’aménagement du nales» du Plan directeur cantonal jurassien (PDCn/JU). On territoire par un renforcement du principe de précisera cependant que lier fusion de communes et planifi- cation dans les espaces fonctionnels n’est pas sans danger: «contre-courant». Les communes peuvent d’une part, cela peut créer certaines peurs au niveau commu- recouvrer une certaine autonomie, même si nal, lesquelles peuvent constituer un obstacle supplémentaire celle-ci est en quelque sorte exercée collecti- à la planification dans les espaces fonctionnels (CTA, La voie vers une politique des agglomérations globale, Possibilités et vement. limites de la politique cantonale des agglomérations, Berne ‚‚ La planification dans les espaces fonctionnels 2007, p. 20). 9
  • 10. T&E À l’inverse, l’option d’une fusion peut ne plus ment à la réalisation de mesures prévues par des s’imposer parce que la collaboration fonc- projets d’agglomération25. La planification dans tionne de manière satisfaisante24. les espaces fonctionnels ruraux est quant à elle ‚‚ nfin, planifier dans les espaces fonctionnels E encouragée de manière plus indirecte au travers permet aussi d’obtenir certaines aides finan- d’autres politiques fédérales, comme la politique cières fédérales ou cantonales; on y reviendra régionale ou, encore, le soutien apporté à la créa- ci-dessous (cf. ch. 4.4.). tion de parcs naturels d’importance nationale26. On réfléchit actuellement à redéfinir la politique fédérale des agglomérations et la politique régio- Quels sont les intérêts pour les nale afin de mieux les coordonner. Le Conseil fé- communes de planifier de manière déral a ainsi chargé l’Office fédéral du dévelop- coordonnée au sein des espaces pement territorial ARE et le Secrétariat d’Etat à fonctionnels: l’économie SECO d’examiner les possibilités de lier plus étroitement les deux politiques à partir ‚‚ Améliorer la qualité de la planification de 2016. Une politique de développement terri- ‚‚ Améliorer la légitimité de la planifica- torial à l’échelle nationale dont les instruments tion s’appliqueraient indifféremment aux espaces ur- ‚‚ Éviter qu’une planification soit à terme bains et aux espaces ruraux n’est toutefois pas à imposée «par le haut» l’étude27. ‚‚ Faire un premier pas vers une fusion ou Quant aux cantons, ils couvrent souvent une par- développer une alternative à celle-ci tie des coûts induits par l’élaboration d’une plani- ‚‚ Optimiser l’utilité des investissements fication concertée à un niveau régional, comme publics c’est le cas dans le Canton de Berne qui a parti- ‚‚ Éviter des frais inutiles d’infrastructure cipé à 75 pourcent des coûts induits par l’élabo- ‚‚ Réduire la durée d’éventuelles procé- ration des Conceptions Régionales des Trans- dures judiciaires ports et de l’Urbanisation CRTU28. Les cantons ‚‚ Favoriser les conditions-cadres à l’im- couvrent parfois même la réalisation des projets plantation d’entreprise qui en résulteraient. On citera le cas du Canton ‚‚ Obtenir des aides financières de la part des Grisons qui, afin de favoriser un développe- de la Confédération ou des cantons ment coordonné des infrastructures touristiques, peut participer à la moitié de leurs coûts de réno- vation ou de construction, si ces infrastructures répondent à un besoin régional et sont conformes 2.3 Les incitations fédérales et aux concepts de développement régionaux29. cantonales Enfin, les cantons fournissent en principe égale- ment une assistance technique aux communes Une politique incitative permet assurément d’at- qui s’engagent sur la voie de la planification des ténuer les réticences locales à collaborer, comme espaces fonctionnels auxquels ils appartiennent. en témoigne le succès de l’actuelle Politique fé- Une telle assistance n’est pas toujours incondi- dérale des agglomérations. Pour rappel, au tra- tionnelle, ni désintéressée. Le Canton du Jura, vers de cette politique, la Confédération soutient par exemple, prête une assistance technique et les projets novateurs émanant des communes et administrative à l’élaboration d’une planification des cantons qui visent à améliorer la collabora- régionale dès le moment où l’organe régional tion entre autorités au sein des agglomérations constitué à cet effet engage une réflexion sur la (projets-modèles). Elle participe aussi financière- fusion des communes concernées30. 10
  • 11. VLP-ASPAN no 6/12 L’assistance des cantons est à vrai dire essentielle; nisation, transport, paysage et énergie). De ces derniers sont en effet appelés à jouer un rôle cette manière, les communes sont contraintes central dans la planification des espaces fonc- de prendre en compte la planification des col- tionnels, notamment en tant qu’initiateurs, coor- lectivités voisines et de collaborer entre elles dinateurs et animateurs de celle-ci. L’expérience au risques que leur planification ne soit autre- semble effectivement démontrer qu’un accom- ment pas approuvée par le canton33. C’est en- pagnement politique fort est nécessaire vu les fin une voie similaire que devrait prendre la 2e difficultés politiques et techniques inhérentes au étape de révision de la LAT en prévoyant que développement de la coordination31. les cantons doivent fixer dans leur plan direc- teur les espaces, cantonaux et intercantonaux, qui nécessitent une planification commune en 2.4 Les moyens de contrainte matière de développement de l’urbanisation, juridique Mirjam Strecker/Daniel Arn, Synthèse de l’échange d’expé- 24 Le désavantage des mesures incitatives est que riences sur les projets-modèles, Développement de la culture celles-ci dépendent des limites budgétaires. En de collaboration dans les agglomérations: réflexions sur les outre, de telles mesures favorisent plutôt le déve- expériences des projets-modèles, Berne 2010, p. 5. 25 Cf. Conseil fédéral, Politique des agglomérations de la confé- loppement de collaborations volontaires, les- dération, Berne 2001. Cf., sur les projets d’agglomération, quelles peuvent se révéler précaires sur le long infra ch. 4.4. terme. Il a ainsi été constaté que les nouvelles Sur la question des parcs naturels d’importance nationale, 26 formes de collaboration instaurées dans le cadre voir Heidi Haag, Parcs naturels d’importance nationale, Territoire & Environnement 1/08. de projets d’agglomération continuaient à repo- 27 Cf., entre autres, Réponse du Conseil fédéral du 24 août 2011 ser sur des fondations fragiles32. La probléma- à l’interpellation de M. Dominique de Buman (11.3718) en tique de la planification dans les espaces fonc- lien avec Office fédéral du développement territorial (ARE) et Secrétariat d’État à l’économie (SECO), Évaluation et suite de tionnels passe donc obligatoirement par le la politique des agglomérations de la Confédération - Rap- développement parallèle de mécanismes de port à l’attention du Conseil fédéral, Berne 2011, p. 52 ad coordination contraignants (cf. aussi infra ch. Recommandation 8. 5.1. et 5.2.). 28 Cf. art. 7 al. 2 de l’Ordonnance sur le financement de l’amé- nagement (OFA ; RSB 706.111). Voir, également, dans le Can- En l’occurrence, il existe plusieurs moyens de ton d’Argovie, Dekret über die Beiträge an die Raumplanung contraindre à la coordination et à la collaboration (SAR 713.510); dans le Canton de Vaud, Décret instituant une dans les espaces fonctionnels: aide aux communes établissant des plans directeurs d’amé- nagement régional (DACPD; RSV 701.441); dans le Canton ‚‚ Tout d’abord, l’obligation de planifier de ma- du Valais, Règlement concernant les mesures d’encourage- nière coordonnée dans les espaces fonction- ment en matière d’aménagement du territoire (RS/VS nels pourrait, de manière générale, être mieux 701.101). Cf. art. 15 Verordnung über die Förderung der wirtschaftli- 29 précisée dans la législation. Cela permettrait chen Entwicklung im Kanton Graubünden (BR 932.160) . notamment d’améliorer la justiciabilité de ce 30 Voir, notamment, Fiche 1.03 «Planifications microrégionales» principe. On ancrerait surtout mieux la règle PDCn/JU. selon laquelle un plan directeur ou un plan 31 Conférence tripartite sur les agglomérations (édit.), Collabo- d’aménagement ne peut être approuvé s’il ration horizontale et verticale dans les agglomérations, Berne 2004, p. 17; Rey/Thévoz, Essai (précité note 5), p. 16 s. n’est pas coordonné avec ceux des collectivités 32 Office fédéral du développement territorial (ARE) et Secréta- voisines. Le Canton de St-Gall semble suivre riat d’Etat à l’économie (SECO), Evaluation et suite de la poli- cette voie en projetant de rendre obligatoire tique des agglomérations de la Confédération – Rapport à l’attention du Conseil fédéral, Berne 2011, p. 25 s. l’adoption de plans directeurs communaux 33 Baudepartement/SG, Bericht (précité note 22), p. 12, et art. 6 censés arranger la coordination à long terme al. 2 de l’avant-projet de Planungs- und Baugesetz (AP-PBG/ de diverses problématiques régionales (urba- SG). 11
  • 12. T&E de transports, d’énergie et de protection du aller plus loin, puisque le droit cantonal leur paysage. De telles règles supposent néan- donne souvent le droit de réviser directement moins une volonté politique forte d’assurer les plans d’affectation communaux et d’adop- une planification coordonnée au sein des es- ter des plans d’affectation cantonaux (cf. infra paces fonctionnels de la part des cantons et de ch. 4.5.), voire d’élaborer unilatéralement un la Confédération. On peut craindre dans le cas projet d’agglomération35. Par exemple, dans le contraire qu’elles aient plus de valeur symbo- Canton de Fribourg, si les communes n’entre- lique que de véritable portée normative. prenaient rien d’elles-mêmes ou ne s’enten- daient pas, le Conseil d’État fribourgeois pour- rait se substituer à la communauté régionale et Art. 6 de la Loi sur le développement aux communes pour établir le projet d’agglo- territorial et les constructions du mération ou une partie de celui-ci36. De telles Canton de Glaris planifications «par le haut» ne peuvent tou- tefois intervenir qu’en ultime recours, confor- 1 Le canton et les communes sont en mément au principe de subsidiarité (cf. égale- charge de l’aménagement du territoire ment infra ch. 4.5.). au sens de la présente loi. Ils planifient ‚‚ Enfin, une collectivité peut être contrainte celles de leurs activités ayant un impact d’élaborer de manière concertée avec d’autres sur le territoire et les coordonnent. Ils autorités une planification propre à un espace s’assurent que celles-ci correspondent au donné ou alors être obligée d’adhérer à une développement territorial souhaité. organisation régionale chargée d’élaborer une (...) planification commune. De très nombreuses constitutions cantonales prévoient d’ailleurs 3 Lorsque, dans une région, il est déjà que le canton peut contraindre les com- nécessaire que deux ou plusieurs munes à coopérer entre elles37. Même si de collectivités procèdent à un nombreux cantons misent encore sur un amé- développement territorial concerté nagement régional volontaire, l’idée d’exiger (espaces fonctionnels), le canton peut des communes l’établissement d’une plani- exiger et encourager l’établissement fication ou d’un concept de développement d’une planification commune. (...) régional commun – à l’image de ce qui se fait dans les Cantons des Grisons, de Berne et de Zurich – semble faire son chemin, tout en se ‚‚ Ensuite, les cantons peuvent – et doivent – heurtant encore, il est vrai, à une forte résis- fixer eux-mêmes dans leurs plans directeurs tance politique . Ces dernières années, même (ou dans la loi) les principes et même quelque- s’ils y ont finalement renoncé, les Cantons fois les détails, lorsque cela est nécessaire, de de Thurgovie et de Fribourg ont longuement la planification des espaces fonctionnels (p. ex. débattu de l’éventuelle obligation pour les délimiter, au moins grossièrement, les espaces communes d’adhérer à un syndicat d’amé- fonctionnels, fixer les principes de développe- nagement régional au moins, lequel aurait la ment, etc.; cf. infra ch. 3.2. et 4.). De nom- charge d’adopter un plan directeur régional breux plans directeurs cantonaux prévoient obligatoire38. On soulignera encore qu’il existe, déjà que certains de leurs concepts ne peuvent dans certains cantons, quelques procédures être mis en oeuvre que moyennant l’ébora- originales permettant de contraindre des com- tion d’un plan directeur régional34. Théori- munes récalcitrantes à coopérer à un niveau quement, certains cantons pourraient même régional (cf. infra ch. 3.3.). Dans le Canton 12
  • 13. VLP-ASPAN no 6/12 d’Argovie notamment, un plan régional sec- 3. La difficulté de définir les toriel peut être imposé à certaines communes espaces fonctionnels refusant de l’approuver, si ce plan – habituelle- ment approuvé par le Conseil d’État – l’est par le Grand Conseil sur requête de la majorité des Il faut malgré tout reconnaître que la probléma- communes concernées par ledit plan39. tique de la planification dans les espaces fonc- ‚‚ Au plan national, il est difficile de mettre en tionnels ne pourra jamais être réglée strictement œuvre des moyens de collaboration et de par le droit, tant il est vrai qu’il est difficile – voire coordination contraignants; en effet, la Confé- impossible – de régler précisément la notion dération n’a pas la compétence de contraindre d’«espaces fonctionnels» (ch. 3.1.). À cela de manière directe un canton à coordonner sa s’ajoute que les autorités politiques – cantonales planification avec celle des autres cantons40. mais également communales – jouissent, la plu- Partant, il convient d’accorder une place im- part du temps, d’une certaine liberté lorsqu’elles portante aux moyens incitatifs en matière de délimitent un espace fonctionnel ou en fixent le planification des espaces fonctionnels inter- périmètre institutionnel (ch. 3.2.)41. cantonaux, à l’instar de ce qui prévaut a for- tiori en matière de planification des espaces fonctionnels transnationaux. 3.1 La notion d’«espace fonctionnel» Comment améliorer la planification Si des notions telles que celle de région de même dans les espaces fonctionnels? que celle d’agglomération ont déjà reçu des défi- Mesures contraignantes: 34 Rapport sur l’aménagement du territoire du Canton de ‚‚ Précision des principes de coordination Fribourg, Fribourg 2008, p. 95. et de collaboration et refus d’approba- 35 Art. 14 BauG/AG. tion de la planification (plan directeur 36 Art. 27 al. 2 de la Loi sur l’aménagement du territoire et les ou d’affectation) constructions (LATeC/FR; RSF 710.1). Une disposition simi- laire existe en droit bernois pour les Conceptions régionales ‚‚ Planification «par le haut» des Transports et de l’Urbanisation (cf. art. 98a LC/BE). ‚‚ Obligation d’adhérer à un organisme 37 P. ex. art. 103 de la Constitution du Canton d’Appenzell (Rh.- régional et/ou d’adopter une planifica- Ext.; Cst./AR; RS 131.224.1; art. 92 de la Constitution du Canton de Neuchâtel (Cst./NE; 131.233); art. 155 al. 3 de la tion régionale Constitution du Canton de Vaud (Cst./VD; RS 131.231); § 71 de la Constitution du Canton de Lucerne (Cst./LU; RS Mesures incitatives: 131.213). ‚‚ Assistance technique et administrative Voir, entre autres, Regierungsrat des Kantons Thurgau (TG), 38 Botschaft zur Totalrevision des Planungs- und Baugesetzes par les cantons vom 16. August 1995, Frauenfeld 2010, p. 5; Bulletin officiel ‚‚ Subventionnement des coûts de plani- du Grand Conseil (FR), BGC octobre 2008 (FR), p. 1733-1736. fication 39 Art. 12a BauG/AG; cf. également infra ch. 3.2. ‚‚ Subventionnement de mesures et pro- 40 Certes, l’art. 48a Cst. autoriserait la Confédération à forcer un canton à adhérer à une convention portant sur la gestion des jets concrets coordonnés au niveau déchets, l’épuration des eaux usées ou les transports d’agglo- régional mération. Il faudrait cependant au préalable qu’une conven- tion ait été conclue entre deux cantons. 41 Voir sur la question, notamment, Bernard Dafflon/Steve Perri- taz, De la définition de l’agglomération à la délimitation de son périmètre, Éléments de réflexion pour une démarche de référence, Fribourg 2000, p. 3. 13
  • 14. T&E nitions précises en matière d’aménagement du tique, puisque la notion d’espace fonctionnel in- territoire42, la notion d’ «espace fonctionnel» se clut non seulement des espaces urbains, mais révèle assurément plus compliquée à définir. Au- également d’autres types d’espaces fonctionnels, cun législateur cantonal ne s’y est d’ailleurs en- tels que certains espaces fonctionnels ruraux et core risqué, à l’exception du Canton de Glaris (cf. touristiques, qui se laissent difficilement catégori- encadré p. 14)43. L’avant-projet de Loi fédérale ser. À cela s’ajoute qu’un territoire peut apparte- sur le développement territorial (AP-LDTer) rete- nir à plusieurs espaces fonctionnels, par exemple nait laconiquement qu’un espace fonctionnel l’un urbain et l’autre rural, et qu’il existe parfois était simplement un territoire «dont le dévelop- un enchevêtrement important entre les agglomé- pement nécessite une action commune de plu- rations et les régions rurales qui les entourent, sieurs collectivités». comme en témoigne par exemple le projet d’ag- glomération de Frauenfeld qui intègre de nom- breuses communes rurales45. Art. 5 de l’Ordonnance sur les Il faut par conséquent retenir, de manière prag- constructions du Canton de Glaris matique, qu’un espace fonctionnel est un terri- toire au sein duquel la planification doit être 1 Un espace fonctionnel est un territoire coordonnée dans un ou plusieurs domaines qui s’étend au-delà des frontières compte tenu, notamment et prioritairement, de communales ou cantonales et qui se l’interdépendance des diverses collectivités qui la détermine en fonction de son composent en matière de développement de accessibilité générale, des liens existant l’urbanisation et des transports, d’approvisionne- entre ses habitants, de leurs modes de ment en énergie ou de protection du paysage. Il vie et des activités qui s’y déploient. appartient finalement plus aux autorités respon- sables de l’aménagement du territoire – particu- 2 Un espace fonctionnel peut notamment lièrement cantonales – qu’au législateur de préci- être un espace économique, une ser la notion d’  «espace fonctionnel». Celles-là agglomération, un espace rural ou une jouissent à cet égard d’un large pouvoir d’appré- région touristique. ciation et peuvent se fonder sur des critères tant socioéconomiques (flux de pendulaires, présence 3 De manière générale, l’espace d’une ville centre, etc.) que géographiques fonctionnel se détermine en fonction du (continuité du bâti, frontières naturelles, etc.) ou problème à résoudre et des collectivités culturels (langue parlée, équipements sportifs et concernées. culturels partagés etc.). Elles peuvent évidem- ment intégrer à leurs réflexions certains enjeux 4 Lorsque l’intérêt cantonal l’exige, le politiques (p. ex. faisabilité et acceptation poli- département compétent procède tiques d’un projet, volonté de créer un espace lui-même à la délimitation de l’espace polycentrique, etc.)46. fonctionnel en concertation avec les communes concernées. 3.2 La délimitation des «espaces fonctionnels» Il est vrai que tenter de définir précisément les espaces fonctionnels – à l’image de la définition Vu ce qui précède, il est essentiellement du res- analytique de l’agglomération donnée par l’Of- sort de la planification directrice cantonale de fice fédéral de la statistique OFS44– est probléma- délimiter concrètement les espaces fonctionnels. 14
  • 15. VLP-ASPAN no 6/12 Une telle délimitation «de haut en bas» répond concrètement, sur demande d’un dixième des ci- en quelque sorte à un certain pragmatisme et au toyens de deux communes ou des deux conseils rôle d’arbitre que doit assumer le canton en ma- communaux, le Conseil d’État fribourgeois fixe un tière de planification dans les espaces fonction- périmètre provisoire pour l’agglomération, les nels. Ce dernier l’assume déjà régulièrement communes ne pouvant alors y déroger que si dans le cadre de l’élaboration des projets d’ag- l’assemblée constitutive – formée de représen- glomération47. La délimitation précise et exacte tants des communes – le décide à la majorité des du périmètre des espaces fonctionnels peut le cas deux tiers ou qu’en refusant purement et simple- échéant être laissée à l’appréciation des com- ment la constitution de l’agglomération52. munes et notamment être corrigée si le périmètre de l’espace fonctionnel en question était délimité autrement par un plan directeur régional ou un 42 ATF 103 la 176, consid. 3a: «En droit suisse de l’aménage- concept d’aménagement régional conformé- ment du territoire, la notion de «région» désigne un groupe de communes qui forment un ensemble géographique et éco- ment au principe de contre-courant48. nomique et qui entendent résoudre ensemble une partie des Actuellement déjà, la plupart des plans directeurs tâches qui leur incombent.» s’attachent à délimiter les espaces fonctionnels 43 Art. 5 Bauverdnung (BauV/GL; GS VII B/1/1). principaux ou, du moins, les centres régionaux 44 Cf. OFS (édit.), Les niveaux géographiques en Suisse, réalisé par Martin Schuler/Pierre Dessemontet/Dominique Joye, Neu- autour desquels devraient s’articuler la planifica- châtel 2005. tion, en vue notamment d’assurer un développe- 45 Berz Hafner/Partner AG/CEAT, Accorder politique des agglo- ment rationnel de l’urbanisation et des transports. mérations et politique de l’espace rural, Berne 2009, spécia- Ainsi, une éventuelle obligation pour les cantons lement p. 41. 46 Cf., entre autres, Département des institutions et des relations de délimiter dans leurs plans directeurs les es- extérieures de l’État de Vaud (DIRE), Guide pour la planifica- paces fonctionnels principaux existant sur leur tion intercommunale et régionale, Lausanne 2005, p. 8; CTA, territoire (urbanisation, transports, énergie et pay- Collaboration (précité note 31), p. 58 s. sage) ne constituerait pas une révolution. 47 Voir, sur le rôle d’arbitre du canton, CTA, Collaboration (pré- cité note 31), p. 25 et 64. Certains regretteront cependant que la délimita- 48 Pour un exemple similaire portant sur la délimitation des Han- tion des espaces fonctionnels par le plan directeur dlungsräume (territoires d’action) dans le plan directeur zuri- n’ait, à l’heure actuelle, pas forcément d’implica- chois, voir Regierungsrat des Kantons Zürich (ZH), Richtplan, tions institutionnelles49. En effet, les communes Erläuterungsbericht zu den Einwendungen, Zurich 2012, p. 15 et 24; pour un exemple de définition du «périmètre des restent en principe largement libres de choisir à centres», dans le Canton de Vaud, voir Service du développe- quel organisme de planification régionale elles ment territorial, Méthode pour délimiter le périmètre des centres, Lausanne 2011. veulent appartenir, et cela même lorsque le droit Alain Griffel, Raumplanungs-, Bau- und Umweltrecht - En- 49 cantonal impose l’appartenance à un tel orga- twicklungen 2008, Berne 2009, p. 23 s. nisme50. Dans certains cantons, la cohérence 50 Cf., notamment, art. 3 al. 2 de la Loi concernant l’application d’une «région d’aménagement» est tout au plus de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LALAT/VS; assurée par la règle selon laquelle la délimitation RS/VS 701.1); voir, également, OFS, Niveaux géographiques (précité note 44). de la région doit reposer sur des critères objectifs 51 Cf. art. 75b de la loi sur les constructions et l’aménagement du (p. ex. présence d’une commune-centre, liens territoire (LCAT/JU; RSJU 701.1) et Message du Gouvernement économiques, intérêts urbanistiques, etc.)51. Il est jurassien concernant la modification de la LCAT, Journal des Débats no 11, p. 497; voir aussi 24 LATeC/FR. Dans ces can- pourtant possible d’imaginer, comme dans le tons, le Gouvernement, respectivement le Conseil d’Etat pour- Canton de Fribourg, des procédures originales qui rait ainsi refuser d’approuver la constitution d’un syndicat permettent de délimiter le périmètre d’une corpo- d’aménagement régional si son périmètre n’est pas approprié. ration de droit public – en l’occurrence l’agglomé- 52 Cf. art. 3 et 7 LAgg/FR. Le Gouvernement jurassien peut contraindre une commune récalcitrante à adhérer au syndicat ration (cf. supra encadré) – selon une logique à la d’agglomération (cf. art. 135a et 135d de la Loi sur les com- fois «de bas en haut» et «de haut en bas»: munes; RSJU 190.11). 15
  • 16. T&E Le canton du Jura connaît aussi une réglementa- mieux coïncider le périmètre de la planification tion similaire en ce qui concerne la constitution de régionale avec celui des espaces fonctionnels et syndicat d’agglomération. d’empêcher que certaines petites communes ne forment de petits syndicats d’aménagement ré- Délimitation du périmètre de l’aggloméra- gionaux qui ne correspondraient à aucune réalité tion et du syndicat d’agglomération dans fonctionnelle. les cantons de Fribourg et du Jura: Consultation des communes 4. Les moyens spéciaux de  coordination Fixation du périmètre provisoire de l‘agglomération par le canton Le plan directeur cantonal a la spécificité de re-  présenter une plateforme de coordination entre tous les échelons institutionnels et tous les do- Modification du périmètre provisoire par l‘assemblée constitutive maines d’activités à incidences spatiales. Il joue  ainsi et doit jouer, comme nous l’avons déjà vu, un rôle central en matière de planification des Votation sur la constitution de espaces fonctionnels55. Il lui appartient en prin- l‘agglomération à la double majorité cipe de délimiter les espaces fonctionnels existant  sur son territoire (cf. supra ch. 3.2.) et, le cas échéant, d’en fixer les principes d’aménagement Adhésion automatique des communes, (cf. supra ch. 2.4.). même récalcitrantes (FR) ou adhésion Le plan directeur cantonal ne peut toutefois fixer obligatoire de celle-ci par décision du canton (JU) en détail la planification des espaces fonction- nels; d’une part, il doit se limiter à l’essentiel et, d’autre part, respecter l’autonomie communale En fait, jusqu’à présent, seul le canton de Berne a en matière d’aménagement. Il ne peut de surcroît franchi le pas de fixer lui-même dans une ordon- régler unilatéralement la planification des es- nance – après avoir consulté les communes – le paces fonctionnels intercantonaux. De ce fait, la périmètre des éventuelles conférences régionales planification dans les espaces fonctionnels sup- (cf. sur celles-ci encadré p. 6)53. Le Canton des pose le renforcement d’autres mécanismes et Grisons va cependant suivre prochainement son instruments de coordination, tels que les plate- exemple alors qu’il s’était jusqu’à présent tou- formes de coordination et d’information (ch. jours refusé à fixer le périmètre des syndicats ré- 4.1.), les plans directeurs régionaux (ch. 4.2.), les gionaux d’aménagement54. Le 23 septembre concepts régionaux (ch. 4.3.), les programmes et 2012, le peuple a en effet accepté le principe projets d’agglomération (ch. 4.4.) et les plans constitutionnel selon lequel le territoire cantonal d’affectation cantonaux et intercommunaux (ch. doit être délimité en onze nouvelles corporations 4.5.). de droit public, les régions. Ces organisations ré- gionales reprendraient les compétences actuelle- ment dévolues aux districts judiciaires et aux syn- dicats régionaux d’aménagement. L’un des objectifs avancés est notamment celui de faire 16
  • 17. VLP-ASPAN no 6/12 4.1 Les plateformes de (Plattform Aargau-Solothurn) qui réunit les Can- coordination tons de Soleure et d’Argovie, les trois villes d’Olten, Aarau et Zofingue ainsi que les syndicats La pratique a démontré que la coordination de la régionaux d’aménagement dans la région. Cette planification au sein des espaces fonctionnels est collaboration a permis l’émergence de nombreux largement facilitée par la mise en place de plate- projets. On pensera surtout à l’élaboration de formes d’information et d’échange propre à un projets d’agglomération communs aux trois villes espace fonctionnel donné. De telles plateformes précitées, alors même qu’elles pourraient à pre- permettent, sans imposer de collaboration forcée mière vue paraître en concurrence. On citera éga- ou de planification contraignante, d’instaurer lement d’autres mesures assez diverses tendant à une collaboration plus étroite entre les acteurs favoriser l’émergence d’une identité commune: politiques d’un espace fonctionnel et, le cas création de la marque AareLand et d’un site échéant, de favoriser l’élaboration de projet Internet, la revalorisation et mise en réseau des d’aménagement commun. Il semblerait en effet espaces bordés par l’Aare et la Wigger sous que cette forme d’institutionnalisation de la dis- forme d’un parc d’agglomération et la mise en cussion facilite les contacts, contribue à instaurer place d’une zone tarifaire commune pour les la confiance et favorise l’émergence de visions transports publics, etc.59. Sur le plan transnatio- communes56. Au niveau national, la Conférence nal, l’association de droit français Eurodistrict Tri- tripartite sur les agglomérations CTA – regrou- national de Bâle ETB est quant à elle censée déve- pant depuis 2001 la Conférence des gouverne- lopper les idées stratégiques de développement ments cantonaux, l’Union des villes suisses, au sein de l’agglomération bâloise. L’ETB est éga- l’Association des communes suisses et la Confé- lement un appel politique lancé en faveur d’une dération – a fait aujourd’hui preuve d’utilité, forme plus intensive de collaboration transfron- notamment en formulant des recommandations talière60. Selon le Projet de territoire Suisse, ces et des modèles de gouvernance en matière de trois organisations, en particulier, devraient être collaboration dans les agglomérations57. développées progressivement en vue de renfor- La LAT devrait ainsi bientôt prévoir que les can- tons doivent au moins instituer une telle plate- forme – ou bien sûr un autre organisme aux com- 53 Voir Ordonnance sur les conférences régionales (OCR/BE; RSB pétences plus étendues – pour chaque espace 170.211). On précisera cependant que les communes- fonctionnel intercantonal. À nouveau, une telle membres peuvent tout de même se constituer librement en règle ne représenterait pas une révolution dans la sous-conférences au sein de la conférence régionale (art. 143 de la Loi sur les communes, LCo/BE; RSB 170.11). mesure où la majorité des formes actuelles de Voir notamment le nouvel art. 68 Cst./GR; Regierung des 54 collaboration transcantonale et transnationale Kantons Graubünden, Teilrevision der Kantonverfassung (Ge- prennent déjà la forme de plateformes de coordi- bietsreform), in: Botschaft der Regierung an den Grossen Rat, nation. Heft Nr. 18/2011-2012, p. 1963 ss, p. 1983; Botschaft der Regierung an den Grossen Rat zur Totalrevision der Kan- Par exemple, la Conférence métropolitaine de tonverfassung, Heft 10/2001-2002, p. 479 et suivantes, spé- Zurich, qui réunit au sein d’une association pas cialement p. 529. moins de huit cantons et plus de deux cents com- 55 Voir, sur cette question, Heidi Haag, Coordonner urbanisation et transports, Territoire & Environnement, 4/08, p. 11 s. munes, permet aujourd’hui déjà d’améliorer la 56 CTA, Études de cas cantonaux (précité note 3), p. 77. collaboration en facilitant l’échange d’informa- Cf. le site internet de la CTA, www.tak.cta.ch, et les nom- 57 tions au sein de l’espace métropolitain zurichois breuses publications qui y sont consultables. et de dégager des perspectives de développe- 58 Cf. www.metropolitanraum-zuerich.ch. ment commun58. On citera également la plate- 59 Cf. www.aareland.ch. forme intercantonale de coopération PASO 60 Cf. www.eurodistrictbasel.eu. 17
  • 18. T&E cer la collaboration au sein de ces espaces fonc- ner les diverses planifications sur un ou plusieurs tionnels61. thèmes donnés. Leurs fonctions et leurs utilités Enfin, les plateformes de coordination peuvent sont très diverses. Ainsi, dans le canton de Zurich, également être appelées à jouer un rôle impor- les concepts d’aménagement régionaux rem- tant au plan cantonal. C’est notamment le cas plissent au moins trois fonctions. Ils servent des syndicats de planification régionale auxquels d’étude de base en vue de la révision des plans appartiennent les communes du Canton directeurs régionaux et de l’élaboration des pro- d’Argovie. Ceux-là assurent une fonction de re- jets d’agglomération. Enfin, ils précisent le lais entre canton et communes. Leurs tâches concept d’aménagement cantonal et servent consistent par ailleurs à informer les communes donc également d’études de base en vue de qui désirent réviser leur planification de l’état de l’élaboration du plan directeur cantonal63. celles des autres communes de la région. Les syn- Ne représentant que des bases de travail, ces dicats procèdent enfin à un examen préalable concepts d’aménagement ne jouissent certes des projets de planification communale afin d’as- d’aucune force obligatoire, à moins qu’ils ne surer une coordination régionale le plus tôt pos- soient intégrés au plan directeur cantonal ou, sible, de même qu’ils assistent les communes comme le prévoira peut-être le droit lucernois, désireuses d’élaborer un plan régional sectoriel62. qu’ils soient déclarés contraignants par l’orga- nisme régional (en principe un syndicat intercom- munal)64. Il n’en demeure pas moins qu’en tant 4.2 Les concepts d’aménagement qu’outil de coordination et base d’argumenta- tion, les autorités doivent tout de même en tenir Alors que l’adoption d’un plan directeur régional compte65; elles ne peuvent pratiquement s’en est en principe soumise à un certain nombre de écarter qu’en démontrant que la planification contraintes (p. ex. nécessité d’une base légale esquissée n’est pas ou n’est plus opportune. À correspondante dans le droit cantonal, obligation vrai dire, l’essentiel est surtout que le développe- de se grouper en association de communes, pro- ment d’instruments tels que les concepts d’amé- cédure d’information et d’approbation canto- nagement ou les stratégies de développement nale, etc.), d’autres instruments de planification régional contraint les collectivités à analyser leurs ont été développés et ont tendance à se multi- rôles et à se positionner, une telle prise de plier dans la pratique, tels que ceux de concept conscience étant une avancée en soi. ou conception d’aménagement, de charte de Enfin, l’avantage de ces instruments de planifica- développement, de schéma directeur et autres tions est qu’ils sont très flexibles, tant au niveau stratégies régionales. Au niveau national, de la forme que de la procédure d’adoption, ce l’exemple actuel est bien sûr le Projet de territoire qui les rend spécialement intéressants comme Suisse, qui a été élaboré par la Confédération, les instruments de planification intercantonale ou cantons, les communes et les villes et qui est internationale. Le concept d’aménagement censé fixer des objectifs et des stratégies pour le pourrait ainsi devenir un instrument important en développement territorial futur de notre pays. matière d’aménagement des espaces fonction- Ces instruments représentent simplement le ré- nels. C’est d’ailleurs ce à quoi semble tendre le sultat formalisé d’une discussion de principe Canton de Lucerne; afin de flexibiliser les instru- entre les différentes collectivités concernées sur ments de planification régionale, celui-ci projette l’orientation que doit prendre la politique d’amé- actuellement d’ancrer expressément dans la loi nagement du territoire au sein d’un territoire l’idée selon laquelle les concepts d’aménage- donné. Ils déclinent en quelque sorte les choix ment représentent un instrument central de la stratégiques qui doivent permettre de coordon- planification des espaces fonctionnels régionaux, 18
  • 19. VLP-ASPAN no 6/12 tout en prévoyant de supprimer l’obligation, veau intracantonal. Plusieurs cantons ont d’ail- pour les organismes de planification régionale, leurs introduit ou renforcé – ou prévoient de le d’adopter un plan directeur régional (cf. encadré faire – cet instrument de planification dans leur p. 19)66. législation67. La réintroduction de la planification directrice régionale est d’ailleurs l’une des inno- vations centrales de la récente révision du droit 4.3 Les plans directeurs régionaux thurgovien68. Comme déjà évoqué, il est toute- fois vrai que la plupart des cantons misent encore Malgré le développement des instruments de largement sur le principe de la planification régio- planification régionale extralégaux, le plan direc- nale volontaire, contrairement aux Cantons de teur régional semble trouver un souffle nouveau Berne, des Grisons et de Zurich qui contraignent comme instrument principal de la planification les communes à collaborer en vue de l’adoption dans les espaces fonctionnels, du moins au ni- d’un plan directeur régional commun. La ques- tion d’une planification directrice régionale obli- gatoire est toutefois régulièrement proposée §3 de l’avant-projet de Loi sur dans de nombreux cantons (cf. supra ch. 2.4). l’aménagement du territoire et les Compte tenu de la multiplication des espaces constructions du Canton de Lucerne fonctionnels et de leurs éventuelles superposi- tions, l’idée d’élaborer des plans directeurs cou- 1 L’aménagement local incombe aux communes. 61 Voir Projet de territoire Suisse, Version remaniée 2012, p. 35, 2 Les organismes régionaux de 37, et 49. développement coordonnent au niveau 62 Cf. art. 11 BauG/AG; AG, Empfehlung zur regionalen Abstim- mung (précité note 15); Lukas Bühlmann, Renaissance de la régional les activités des communes qui planification régionale, Territoire & Environnement, Juillet ont un impact sur le territoire 2002, p. 20-27, p. 26. conformément au plan directeur cantonal 63 Regierungsrat/ZH, Erläuterungsbericht (précité note 48), p. et, au besoin, au moyen de plans et de 15; Regionalplanung Zürich und Umgebung (RZU), Inte- griertes Zielbild 2030 der Regio-ROKs, Zürich 2012, 10-12. concepts d’aménagement. En accord 64 Cf. Bau-, Umwelt- und Wirtschaftsdepartement des Kantons avec les communes et le canton, d’autres Luzern (LU), Erläuterungen zum Entwurf einer neuen Pla- tâches peuvent leur être confiées. Le nungs- und Bauverordnung, Lucerne 2012, p. 5; § 10 de l’avant-projet de révision (AP-PBV/LU). Pour un exemple, voir Conseil d’Etat règle par ordonnance la l’arrêt du Tribunal cantonal vaudois AC.2010.0172 du 25 mai question de l’éventuelle force obligatoire 2011 rappelant que le schéma directeur de l‘ouest lausannois des plans et des concepts n’est en soi pas contraignant pour les communes dans le cadre de l’élaboration de leurs plans d’affectation. d’aménagement. 65 Cf., par exemple, Bau-, Umwelt- und Wirtschaftsdepartement des Kantons Luzern (LU), Erläuterungen zum Entwurf einer 3 Le canton élabore les bases du plan Teilrevision des Planungs- und Baugesetzes, Lucerne 2012, p. directeur cantonal et l’établit 26; §9 al. 2 AP-PBG/LU. 66 Departement/LU, Erläuterungen (précité note 65), p. 25 et § 8 conformément aux dispositions de la loi AP-PBG/LU; Memorial für die Landsgemeinde des Kantons sur l’aménagement du territoire. Il Glarus 2010, § 17 Raumentwicklungs- und Baugesetz (To- coordonne les plans et concepts talrevision), p. 141ss, p. 146. d’aménagement régionaux et 67 C’est notamment le cas du Canton du Jura qui ne connaît que depuis quelques années cet instrument (cf. art. 75d LCAT/JU). communaux quand cela est nécessaire Pour d’autres exemples, voir notes infra. d’un point de vue cantonal. 68 Cf. §3 et §13 Planungs- und Baugesetz (PBG/TG; RB 700), qui entrent en vigueur le 1er janvier 2013. 19
  • 20. T&E vrant l’ensemble du territoire et intégrant pêle- cantonales et communales74. Une telle planifica- mêle les domaines de l’urbanisation, des tion intercommunale ou régionale pourra d’ail- transports et du paysage, comme c’était parfois leurs tenir lieu de planification directrice commu- le cas dans le passé, semble être révolue. Sont nale75. A l’inverse, le Canton de St-Gall, projette aujourd’hui requis des plans directeurs régionaux de supprimer l’instrument de plan directeur ré- structurés par thèmes, c’est-à-dire sectoriels ou gional, qui n’est actuellement qu’indicatif (we- partiels, qui établissent des priorités et proposent gleitend) dans ce canton76. des solutions concrètes aux problèmes69. Un plan régional n’est pas forcément utile s’il ne consiste qu’à reprendre, à son niveau, ce qui est déjà ins- 4.4 Les projets d’agglomération crit dans le plan directeur cantonal, sans l’appro- fondir. Autrement dit et pour reprendre l’expres- La politique fédérale des agglomérations a fait du sion consacrée par le plan directeur cantonal projet d’agglomération un instrument central de vaudois, les plans directeurs régionaux doivent la planification des espaces fonctionnels urbains. «se recentrer sur l’essentiel»70, tout en gardant C’est un instrument de conduite stratégique per- une vue d’ensemble sur l’aménagement du terri- mettant de coordonner certains thèmes transver- toire régional. C’est pourquoi d’ailleurs, selon le saux par une collaboration horizontale (com- nouveau droit thurgovien, le plan directeur régio- mune-commune, canton-canton) et verticale nal que pourront dorénavant adopter les com- (Confédération–canton–agglomération) entre munes thurgoviennes doit être compris comme partenaires politiques. Il vise ainsi à garantir la un instrument flexible de résolution des pro- coordination des projets de même que leur mise blèmes régionaux et se rapporter à des domaines en œuvre au sein des agglomérations. Le projet et des espaces qui nécessitent véritablement un d’agglomération est en même temps un plan aménagement concerté71. d’action qui, contrairement aux autres instru- Le Canton d’Argovie est allé au bout de cette lo- ments de planification territoriale, fixe les condi- gique en introduisant l’instrument de plan régio- tions d’organisation et de financement de me- nal sectoriel après avoir abandonné celui de plan sures considérées comme prioritaires ainsi que directeur régional72. Il en va de même dans le l’échéancier de celles-ci77. Canton de Berne où les Conceptions régionales Cet instrument est à présent bien connu et large- des transports et d’urbanisation – censées per- ment pratiqué, bien qu’aucune loi n’ait à l’ori- mettre d’harmoniser le développement du milieu gine défini sa véritable nature juridique. Jusqu’à bâti et celui des transports dans l’ensemble du présent, la plupart des projets d’agglomération canton de Berne – deviennent des plans direc- ont été intégrés au plan directeur cantonal afin teurs régionaux partiels qui ont force obligatoire qu’ils jouissent d’une force obligatoire, condition pour les autorités après avoir été adoptées par la à l’octroi de l’aide financière fédérale. Néan- conférence régionale concernée et approuvées moins, à l’image de ce qu’il est prévu de faire au par le canton73. niveau fédéral, de nombreux cantons ont choisi La pratique semble enfin avoir démontré qu’un d’offrir un ancrage légal à cet instrument  afin plan directeur régional n’était véritablement utile d’en légitimer l’action: soit il est prévu expressé- et utilisé que s’il était contraignant pour les auto- ment que le projet peut être intégré dans le plan rités. Le Canton de Vaud prévoit ainsi de renfor- directeur cantonal78, soit que le projet d’agglo- cer l’instrument du plan directeur régional – qui mération doit prendre la forme d’un instrument ne représente pour l’heure qu’un plan d’inten- légal à la fonction similaire (p. ex. par la CRTU tion servant de référence et d’instrument de tra- dans le canton de Berne)79, soit en prévoyant que vail – en le rendant obligatoire pour les autorités le projet d’agglomération – pour ses aspects liés 20
  • 21. VLP-ASPAN no 6/12 à l’aménagement du territoire – équivaut à un 4.5 Les plans d’affectation plan directeur régional80. Dans ce dernier cas, le cantonaux et régionaux projet doit alors être adopté conformément à la procédure d’adoption des plans directeurs régio- L’élaboration de concepts de planification et de naux. plans directeurs communs devrait en principe Enfin, le succès rencontré par ce nouvel instru- suffire à assurer un aménagement du territoire ment, sa pertinence et sa nécessité font que la coordonné à l’échelle des espaces fonctionnels. tendance serait aujourd’hui de l’appliquer égale- L’adoption d’un plan d’affectation – général ou ment en matière de planification des espaces spécial – propre à un espace fonctionnel peut fonctionnels ruraux. Le Canton de St-Gall pro- cependant être opportun, notamment lorsque la jette d’ailleurs d’inscrire expressément la possibi- réalisation d’un projet d’importance régionale le lité de développer des programmes pour les es- requiert. L’idée n’est cependant pas que quelques paces ruraux81. communes imposent un aménagement précis à 69 Bühlmann (précité note 62), p. 27. Voir aussi Departement/ LU, Erläuterungen (précité note 65), p. 25. Art. 3 de l’avant-projet de Loi sur 70 Cf. Ligne d’action 1.2 du PDCn/VD. l’aménagement du territoire et les Cf. §13 PBG/TG et Departement für Bau- und Umwelt der 71 Kanton Thurgau (TG), Erläuternder Bericht vom 15. Dezember constructions du Canton de St-Gall 2009 zur Totalrevision des Planungs- und Baugesetzes, p. 9. 72 Art. 12a BauG/AG; Regierungsrat/AG, Botschaft (précité note Afin de coordonner le développement de 11), p. 38. l’urbanisation et des infrastructures de 73 Voir à ce sujet, Coordination entre transports et urbanisation dans le canton de Berne, INFORUM 6/12 p. 3 s transport en dehors des agglomérations, 74 Etat de Vaud, Exposé des motifs l’avant-projet de loi modi- le gouvernement peut: fiant la loi sur l’aménagement du territoire et les construc- tions du Canton de Vaud 1985, Lausanne 2011; Art. 31 al. 2 a) dans le plan directeur cantonal: AP-LATC/VD. Mesure 1.3.1. «  Périmètre fonctionnel  » du Plan directeur 75 1. fixer des principes de développement vaudois et art. 38 al. 1 AP-LATC/VD. et prévoir l’établissement de projets de 76 Baudepartement/SG, Bericht (précité note 21), p. 12. développement territorial; Office fédéral du développement territorial (ARE), Le projet 77 2. régler de manière contraignante la mise d’agglomération, Les buts, les caractéristiques et les éléments en œuvre des mesures prévus par un tel de contenu en bref, Berne 2003, p. 3 s. Art. 2 AP-PBG/SG; §3 al. 3 PBG/TG qui prévoit les projets 78 projet; d’agglomération font partie intégrante du plan directeur can- tonal ou d’un plan directeur régional. b) créer des organismes chargés d’élaborer 79 Art. 98a de la loi sur les constructions (LC/BE; RSB 721.9) ; de tels projet, les soutenir financièrement Direction des travaux publics, des transports et de l’énergie, Direction de la justice, des affaires communales et des affaires et décider de l’adhésion du canton à ceux- ecclésiastiques du Canton de Berne, Manuel de la CRTU. ci; Berne 2009, p. 13. Dans le canton d’Argovie, le plan d’agglo- mération pourrait également prendre la forme, du moins en partie, d’un plan régional sectoriel (art. 1 al. 1 let. a BauV/AG; c) conclure des conventions interétatiques Departement Bau, Verkehr und Umwelt, Abteilung Rau- sur l’élaboration et la mise en œuvre de mentwicklung, Regionale Abstimmung und Begründung kommunaler Nutzungspläne des Kantons Aargau (AG), Emp- tels projets régionaux. fehlung, Aarau janvier 2012, p. 5). 80 Art. 27 al. 1 LATeC/FR; §3 al. 3 PBG/TG; art. 39 al. 3 AP-LATC/ VD. 81 Art. 3 AP-PBG/SG. 21