Qu'est-ce qu'écouter ? Ontophanie et design de l'attention à l'ère numérique
1. L’ÊTRE ET L’ÉCRAN PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE WWW.ETRE-ET-ECRAN.NET
QU’EST-CE QU’ÉCOUTER ?
ONTOPHANIE ET DESIGN
DE L’ATTENTION
À L’ÈRE NUMÉRIQUE
www.stephane-vial.net
Maître de conférences, Université de Nîmes
Chercheur à l’Institut ACTE (UMR 8218, CNRS/Université Paris 1
stephane.vial@unimes.fr
@svial
3. LA PHÉNOMÉNOTECHNIQUE
Dans la physique moderne, le noyau atomique a d’abord
existé comme une hypothèse avant d’exister comme un
phénomène. Les scientifiques ont eu besoin de construire
des accélérateurs de particules pour transformer la théorie
en « réalité » observable, c’est-à-dire en « phénomène ».
4. BACHELARD
« La science atomique moderne est plus
qu’une description de phénomènes,
c’est une production de phénomènes. »
La science « est par conséquent
essentiellement une phénoménotechnique. »
5. CONSÉQUENCE
La constructibilité technique est un critère
d’existence phénoménale. La technique a la capacité
d’engendrer la phénoménalité, c’est-à-dire la
possibilité d’apparaître et d’apparaître comme réel
(le visible étant souvent confondu avec le réel).
6. L’ONTOPHANIE
Tous les phénomènes sont phénoménotechniques, i.e.
doivent directement ou indirectement leur phénoménalité à
des facteurs techniques. Il y a une technicité transcendantale
de l’apparaître, c’est-à-dire une dimension technique a priori
dans toute manifestation phénoménale ou « phanie ». On
peut rapprocher cela des « relations d’arrière-plan » de
Don Ihde (Technology and the Lifeworld, 1990).
10. « MÉTAPHYSIQUE DESTUYAUX »
Les techniques ne sont pas seulement des outils, ce
sont des structures de la perception. Dans le tuyau
numérique, se joue rien moins que la complexité du
rapport perceptif de l’homme au monde (B. Stiegler
a aussi montré qu’elles sont des organes).
11. « ONTOPHANY SHIFT »
À travers les âges, les techniques nouvelles
provoquent des changements d’ontophanie. Un
changement d’ontophanie, c’est un renouvellement
des structures techniques de la perception et, par
suite, un renouvellement qualitatif de notre sens du
réel et de notre manière de nous sentir-au-monde.
12. TECHNO-PERCEPTIF
Les systèmes techniques sont donc avant tout
des systèmes techno-perceptifs. Ils structurent au
plan phénoménologique notre expérience du
monde possible en créant un Umwelt perceptif
dans lequel « baignent » toutes nos perceptions.
13. LA PREUVE PAR LETRAUMATISME
Le numérique a introduit un trauma phéno-
ménologique dans notre expérience du monde en
nous présentant des perceptions inédites, issues d’un
monde inconnu. Nous avons appelé cela le virtuel.
14. « DUALISME NUMÉRIQUE »
Pour absorber le choc, nous avons eu besoin de
croire en l’existence de deux mondes séparés. Nous
avons développé une métaphysique ordinaire du
numérique, fondée sur une croyance dualiste. Nous
avons cru à un « Second Self » (Turkle, 1984) et
même à une « Second Life » (1999).
15. « IRL OUT OFTHE URL » (1990s)
N. Jurgenson (2012) a appelé Dualisme Numérique la
croyance en l’existence de deux mondes séparés dont l'un
serait virtuel/numérique/en ligne/sur écran
et l'autre serait réel/physique/hors ligne/hors écran.
THEVIRTUAL (in the url)
computer-simulated world
based on software and abstraction
cut off from the Body
far from theTruth
red pill / inside-the-Cave
SIMULACRUM OR COPY
Cyberspace
THE REAL (out of the url)
physical-processed world
based on tangible objects
Body-grounded
considered as theTrue world
blue pill / out-of-the-Cave
GENUINE OR ORIGINAL
Real Life (IRL)
17. LEVIRTUEL EST MORT,
VIVE LE NUMÉRIQUE !
En 20 ans, nous avons appris à vivre dans et avec le
« cyberespace » (S. Turkle). Nous avons acquis de
nouvelles habitudes perceptives.Aujourd’hui, nous
sommes habitués au virtuel et aux interactions en
ligne, elles sont devenues banales et routinières.
Nous avons appris à considérer comme réel ce qui
est affiché sur l’écran. Nous avons compris que le
virtuel est réel.
18. 1998
cyberprof @ voila.fr
ANONYMAT ET DOUBLE IDENTITÉ
avatar, pseudonyme... (forums, IRC)
Nous interagissions en ligne avec des gens que nous ne
connaissions pas hors ligne et dont nous ne savions rien
THÉORIE DU « SECOND SELF »
!
2014
vial.stephane @ gmail.com
TRANSPARENCE ET UNIQUE IDENTITÉ
photo de profil, prénom, nom... (réseaux sociaux)
Nous interagissons en ligne principalement avec des personnes que
nous connaissons et rencontrons plus ou moins régulièrement et
don nous savons beaucoup de choses (données en ligne).
’SINGLE SELF’
20. DIGITAL ONTOPHANY (irl in the url)
digital-centered global environment
based on pervasive computing
online and offline mix of everything
theTruth is no more a problem
impossible to separate the 2 aspects
REAL WORLD
Augmented Reality
VIRTUAL (in the url)
computer-simulated world
based on software and abstraction
cut off from the Body
far from theTruth
red pill / inside-the-Cave
SIMULACRUM OR COPY
Cyberspace
REAL (out of the url)
physical-processed world
based on tangible objects
Body-grounded
considered as theTrue world
blue pill / out-of-the-Cave
GENUINE OR ORIGINAL
Real Life (IRL)
ONTOPHANY
SHIFT
21. « IRL INTHE URL » (2000s +)
Monisme Numérique (#TtW13, #TtW14)
Nous vivons désormais dans « l’ontophanie numérique »,
un nouvel environnement (Umwelt) techno-perceptif qui est
numériquement centré et fondamentalement hybride, à la
fois numérique et non-numérique, en ligne et hors ligne, sur
écran et hors écran, qui forme un seul et même monde, i.e.
une seule et même substance continue, à savoir : la réalité.
22. L’ONTOPHANIE NUMÉRIQUE
Elle repose sur 11 catégories phénoménologiques :
nouménalité (1), idéalité (2), interactivité (3), virtualité (4),
versatilité (5), réticularité (6), reproductibilité
instantanée (7), réversibilité (8), destructibilité (9),
fluidité (10) et ludogénéité (11).Ces catégories
définissent la manière dont le numérique, comme
matière calculée, structure nos perceptions et les
coulent dans un Umwelt numérico-perceptif constant.
23.
24.
25.
26. BILAN
Cette phénoménologie techno-transcendantale du
numérique est une métaphysique
« savante » (philosophie première) qui corrige les
illusions de notre métaphysique ordinaire ou
« profane ». Elle a potentiellement un grand nombre
d’applications (philosophie seconde), en particulier
dans les Humanités numériques (recherche,
enseignement, publication).
28. PHÉNOMÉNOLOGIE DE L’ÉCOUTE
Si toute perception est appareillée, tout usage l’est aussi,
y compris celui d’enseigner. Il existe une techno-
phénoménologie de la relation pédagogique. Celle-ci est
très facile à observer dans ce processus bien connu des
pédagogues : l’écoute. Comment se manifeste l’écoute ?
Comment le fait d’être attentif apparaît à l’enseignant ?
Avons-nous des préjugés phénoménologiques ?
35. DESIGN ET ONTOPHANIE
Le design est un travail créatif sur l’ontophanie visant
à faire-être de nouvelles dimensions perceptives et
faire-faire de nouvelles pratiques (factitivité). Le
design est une phénoménologie appliquée.
36.
37. DESIGN DE L’ATTENTION
Écouter, c’est une manière parmi d’autres possibles
d’être en classe. Être en classe, c’est d’abord se
spatialiser et être destinataire d’un geste de design
qui travaille sur l’ontophanie.
45. NUMÉRIQUE & PÉDAGOGIE ?
« Le numérique peut ne rien changer ; c'est une
opportunité, encore faut-il la saisir »
(Jean-PierreVeran, Univ. Montpellier 2,
colloque sur le mobilier scolaire, École Boulle, mai 2014)
46. PISTES INTÉRESSANTES
Classe inversée. Pédagogie par projet. Être actif.
Le numérique, la coopération, l’échange, la co-construction.
L’enseignant, un « maître » ou un « coach » (Y. Bergheaud) ?
Les élèves comme « apprentis chercheurs
accompagnés » (J-PVéran) ?
Les MOOCs ou les SPOCs ?
Hybridation des espaces hors ligne et en ligne