1. Novembre 2014.
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Réforme du gouvernement Michel : prépensions et
chômeurs âgés. Quelques cas concrets
Contexte
Le gouvernement de Charles Michel prévoit de nombreuses mesures concernant les fins de
carrière et l’assurance chômage.
Nous avons chiffré les conséquences de certaines de ces mesures en tenant compte de leurs
effets combinés. Cette note se concentre sur les répercussions sociales et financières des
décisions du gouvernement de Charles Michel pour les travailleurs âgés victimes de
restructuration.
Réforme des prépensions « entreprises en restructuration ou en difficulté »
Aujourd’hui, les travailleurs d’une entreprise en difficulté ou en restructuration qui sont
licenciés peuvent bénéficier d’une prépension1 spécifique (sous certaines conditions).
L’accord de gouvernement du 9 octobre dernier prévoit de porter l’âge minimum requis de
55 à 60 ans dès 2017.
Suppression de l’allocation de chômage avec complément d’ancienneté
Actuellement, les sans emploi de plus de 55 ans qui remplissent un certain nombre de
conditions (20 ans de travail salarié et un an de chômage complet) peuvent bénéficier d’un
complément en plus de leur allocation de chômage de base. Ce complément est revalorisé
quand le demandeur d’emploi a plus de 58 ans. Dans ce dernier cas, il apporte un
supplément variant entre 10 et 12 €/jour soit un montant mensuel compris entre environ
260 et 312€.
Le gouvernement constitué par la famille libérale, la NV-A et le CD&V a purement et
simplement décidé de supprimer ce complément pour tous les nouveaux « entrants » à
partir de janvier 2015.
1 Les prépensions ont été « rebaptisées » régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC) le 1er janvier 2012.
Cependant, dans un souci de lisibilité et de compréhension, le terme « prépension » sera utilisé dans cette note.
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Les effets combinés de ces deux mesures : cas concrets
La combinaison de ces deux mesures fera que les travailleurs qui n’ont pas atteint l’âge de 60 ans n’auront droit ni à la prépension, ni au complément de chômage même s’ils sont licenciés dans le cadre d’une restructuration ou de difficultés économiques. Cette situation est d’autant plus grave que les travailleurs âgés sont les premiers à se voir « poussés vers la sortie » dans ces situations.
Cohabitant, pas d'enfants à charge Françoise Ouvrière Patrick Ouvrier Lucie Employée Bernard Employé
Salaire (brut)
2.000
2.800
2.500
3.000
Salaire (net)
1.341
1.697
1.585
1.809 Prépension (net) 1.265 1.288 1.265 1.313
Après 1 an, chômage net AVEC complément d'ancienneté 989 1.062 1.062 1.062 Différence avec prépension 276 226 203 251
Perte cumulée en 7 ans de chômage AVEC complément par rapport à une prépension
21.846
15.954
14.034
18.094
Après 1 an, chômage net SANS complément d'ancienneté 719 773 773 773 Différence avec prépension 546 515 492 540
Perte cumulée en 7 ans de chômage SANS complément par rapport à une prépension
41.267
36.807
34.887
38.947
NB : Pour le calcul des pertes cumulées, il a également été tenu compte des allocations versées durant la 1ère année de chômage (plus élevées). Dans un souci de lisibilité, elles n’ont néanmoins pas été intégrées dans ce tableau.
Explications
Françoise, ouvrière âgée actuellement de 56 ans, est licenciée en 2017. Elle va donc se retrouver chômeuse complète durant 7 ans. Si le gouvernement Michel s’était « limité » à relever l’âge minimum pour une prépension « restructuration », elle aurait déjà perdu 276 € net par mois, soit 22 % de moins qu’avec la législation actuelle.
Mais, avec la suppression du complément « chômeur âgé », sa perte financière sera presque doublée : 546 € net/mois, soit 43 % des revenus auxquels elle pourrait prétendre aujourd’hui.
Bernard, employé de 56 ans, fera lui aussi les frais de cette réforme si son entreprise est restructurée en 2017. A l’heure actuelle, il pourrait bénéficier d’une prépension de 1.313 € net/mois. Mais, en 2017, il ne remplira plus les conditions pour être
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prépensionné et deviendra donc chômeur. Après un an de chômage, dans le système actuel, il toucherait 1.062 € net, soit une perte sèche de 251 € (19 % de ses revenus). Mais dans le nouveau système, sans complément d’ancienneté, il ne percevra plus que 773 € net. Cela représente donc une diminution de 41 % de ses revenus (540 € par mois !) par rapport au système actuel.
Et ce n’est pas tout !
En tant que chômeurs complets, ces travailleurs âgés licenciés seront soumis au contrôle de disponibilité. Ce dispositif va en effet être étendu à tous les demandeurs d’emploi, quel que soit leur âge, jusqu’à 65 ans !
Ces contrôles, censés vérifier que les demandeurs d’emploi recherchent activement du travail, sont dénoncés depuis des années tant par la FGTB wallonne que de nombreuses associations : organismes d’insertion socioprofessionnelle, CPAS, associations de lutte contre l’exclusion…
Le caractère subjectif des entretiens mène tout d’abord à de nombreux abus et dérives. Depuis son instauration, ce dispositif a entraîné plus de 36.000 exclusions définitives, plus de 120.000 sanctions et autant de drames sociaux individuels et familiaux. Bon nombre des exclus se retrouvent malgré eux au CPAS, ce qui ne fait qu’aggraver la situation financière déjà difficile de ces institutions, a fortiori dans les communes les plus touchées par la précarité. Ce dispositif n’a enfin aucun sens dans la situation de chômage de masse que nous connaissons, si ce n‘est de précariser encore un peu plus les demandeurs d’emploi et de faire pression à la baisse sur les conditions de rémunération et de travail de l’ensemble des salariés.
On peut donc légitimement se demander quel intérêt il y a étendre aux chômeurs âgés un dispositif qui a déjà largement fait la preuve de son inefficacité, d’autant plus que de nombreuses études ont déjà prouvé les difficultés que rencontrent ces demandeurs d’emploi sur le marché du travail (préjugés, discrimination à l’embauche…). En 2012, une enquête de SD Worx révélait par exemple que moins de 8 % des PME ayant recruté au cours des douze derniers mois avaient embauché un travailleur de 50 ans ou plus2 !
NB : le gouvernement a d’ores et déjà prévu d’économiser 66 millions € d’ici à la fin 2018 en tablant sur les milliers de nouvelles sanctions et exclusions qu’entraîneront l’élargissement des contrôles jusqu’à 65 ans.
2 http://www.leblogdesdworx.be/labor-market/la-grande-majorite-des-pme-souhaitent-garder-jusqu%E2%80%99a-65-ans- les-travailleurs-ages-de-50-ans-ou-plus-mais-ne-les-engagent-pas%E2%80%A6/