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UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III
Centre de Droit Maritime et des Transports
MEMOIRE
LE CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME
MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS
Promotion 2007
Sous la direction de Maître Christian Scapel
Par Wahiba SAHED.
1
2
REMERCIEMENTS
Je remercie Monsieur Christian Scapel, mon directeur de mémoire, et le Professeur Pierre
Bonassies, pour leur disponibilité et leur bienveillance.
J’adresse également toute ma gratitude à l’ensemble de l’équipe enseignante du Centre de droit
maritime et des transports, pour leur aide, et pour les connaissances aussi bien théoriques que pratiques
qu’ils m’ont apporté tout au long de l’année.
3
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 4
Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL 12
Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement maritime 12
Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime 12
Section 2/ Les formalités du contrat d'engagement maritime 27
Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime 29
Chapitre 2 Les particularités de l'exécution du contrat d'engagement maritime 32
Section 1 Les conditions de travail à bord des navires 33
Section 2/ La discipline 56
Section 3/ La rémunération 56
Section 4 La suspension des obligations 63
Chapitre 3 Les dispositions spécifiques applicables au contrat
d’engagement maritime du capitaine et du jeune marin 72
Section 1/ Les rapports professionnels et juridiques du capitaine et de l’armateur 72
Section 2/ Les dispositions spécifiques applicables aux mineurs 81
Partie 2 La fin du contrat d’engagement maritime 85
Chapitre 1 La rupture du contrat 85
Section 1/ Les dispositions communes à tous les contrats 89
Section 2 Les dispositions spécifiques aux contrats à durée indéterminée 92
Section 3 / Les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée 93
Section 4/ Les dispositions propres à certains contrats 93
Chapitre 2 Le contentieux relatif au contrat d'engagement maritime 95
Section 1/ Les compétence juridictionnelles 95
Section 2 La procédure 100
CONCLUSION 104
BIBLIOGRAPHIE 105
4
INTRODUCTION
Il y a trois sortes d'hommes : "les vivants, les hommes et ceux qui vont en mer". C'est ainsi que
PLATON définissait le genre humain. Le personnage du marin a nourri les imaginaires, apparaissant le
plus souvent dans la littérature comme un être sans attache, dont la vie est dédiée à l'aventure. Cette
image "romantique " du marin traversant les mers et les océans en quête de nouveaux mondes, tel un
héros d'Hugo Pratt, a largement contribué au prestige de la navigation européenne.
Au-delà des mythes, les marins ont surtout joué un rôle essentiel dans le développement économique et
dans l'influence politique de l'Europe.
Le marin est l'homme dont la profession est de naviguer sur la mer (Dictionnaire Le
Robert).Certains travaillent dans la marine marchande d'autres, d'autres servent dans la marine de
guerre, d'autres naviguent à la pêche.
Le Contrat d'Engagement Maritime est aujourd'hui défini dans les termes suivant par l'article
1er de la loi du 13 décembre 1926 portant sur le Code du travail maritime :"tout contrat d'engagement
conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir à
bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime Trois
conditions sont requises :
* un contrat conclu avec un armateur ;
* un contrat ayant pour objet un service à bord d'un navire en vue de son exploitation ;
* un contrat exécuté à bord d'un navire français.
En raison de ses spécificités, le Code du travail maritime n'a classiquement vocation à
s'appliquer qu'aux seules périodes d'embarquement du marin. En dehors de celles-ci, le contrat de
louage de services conclu entre un armateur ou son représentant et un marin est régi par les dispositions
du Code du travail 1.
Cette conception classique est aujourd'hui remise en cause : le contrat d'engagement maritime ne peut
se réduire à un service à bord et doit couvrir également toutes les périodes consécutives au travail
nautique telles que les suspensions de travail, les congés, les maladies. La jurisprudence a appréhendé
cette nouvelle réalité : seules les périodes de travail à terre sont soumises au Code du travail 2. En
conséquence, les litiges relatifs à des périodes consécutives à un travail à bord ou à des périodes de
congés ou d'arrêts de travail relèvent du droit maritime 3.
Le contrat d'engagement maritime est un contrat conclu entre un armateur et un marin.
L'article 2 du Code du travail maritime définit l'armateur comme "tout particulier, toute société,
tout service public, pour le compte desquels un navire est armé".
Cette définition qui renvoie à la notion de navire n'est pas spécifique au travail maritime. L'armateur
n'est pas nécessairement le propriétaire du navire, il est celui qui arme le navire 4.
1- C. trav. mar., art. 4.
2- Cass. soc., 27 juin 1973 : DMF 1974, p. 10, note R. Jambu-Merlin..
3- Cass. soc., 14 janv. 1987 : Bull. civ. 1987, V, n° 24. - Cass. soc., 13 oct. 1988 : Bull. civ. 1988, V, n° 502. - Cass. soc., 12 janv. 1993 :
JCP G 1993, II, 22185, note M. Pierchon ; Dr. soc. 1993, p. 444, note P. Chaumette. - Cass. soc., 5 janv. 1995 : DMF 1995, p. 740, obs. P.
Chaumette. 4- L. 3 janv. 1969, art. 1er.
5
La définition de l'armateur est à relier avec les situations complexes qui peuvent surgir lors de
l'exploitation des navires, notamment en cas d'affrètement. Il faut se référer aux solutions admises
par le droit commun. Ainsi, en cas d'affrètement coque-nue, l'affréteur ayant l'obligation d'armer le
navire et d'engager l'équipage, c'est lui qui aura la qualité d'armateur 5.
Le contrat d'engagement maritime a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue
d'une exploitation maritime. L'article 1er du décret du 7 août 1967 6. confirme et précise cet objet en
définissant la profession de marin comme visant "... toute personne engagée par un armateur ou
embarquée pour son propre compte en vue d'accomplir à bord d'un navire français un emploi
permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire".
La notion de service à bord suscite néanmoins des difficultés pour tous les personnels effectuant un
service à bord mais concernant des prestations annexes.
Comment définir l'emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à
l'exploitation du navire ? Le personnel hôtelier répond-il à ces critères ? La jurisprudence a tendance
à refuser de qualifier de marin le personnel de service embarqué à bord d'un navire. Le personnel
hôtelier à bord d'un transbordeur n'est pas soumis au Code du travail maritime 7.
La Cour de cassation s'est récemment orientée vers une conception plus large en soumettant au droit
maritime un éducateur employé à bord d'un navire 8.
Ne sont pas soumises au Code du travail maritime les personnes embarquées occasionnellement
à bord d'un navire pour effectuer des travaux ou essais 9.
La loi du 3 mai 2005 portant création du RIF se réfère non pas à la notion de marin mais à celle
de "navigant" qu'elle définit comme "toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien
ou à l'exploitation du navire". Les travailleurs indépendants et les salariés sans lien avec ces
fonctions ne sont pas soumis au régime spécifique prévu par la loi mais bénéficient néanmoins des
dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports (L. préc., art. 3). La
définition du navigant s'effectue donc selon des critères identiques à ceux du marin.
Le navire constitue pour l'équipage un lieu de travail dont la fonction est de se déplacer, ce qui
conduit à un isolement continu; il peut être défini comme une usine qui fonctionne constamment, jour
et nuit, se déplace à une certaine distance de son lieu d'origine, et que son personnel ne peut quitter en
dehors des heures de travail 10.
Le bâtiment de mer, ou navire, constitue un lieu de travail mobile, dans un environnement
mobile. Non seulement, les marins sont soumis aux périls de la mer, mais encore ils sont isolés,
éloignés des secours. Du fait des dangers encourus, la sécurité constitue une exigence permanente,
source de discipline et de solidarité.
5- V. I. Corbier, La notion juridique d'armateur : PUF, Paris, coll. Les grandes thèses du droit français, 1999.
6- D. n° 67-690, 7 août 1967 : Journal Officiel 13 Août 1967.
7- TGI Morlaix, 20 juill. 1995 : DMF 1995, p. 907, note J-P. Declercq confirmé par CA Rennes, 24 janv. 1998 : DMF 1998, p. 1018, obs.
M. Morin .
8- Cass. soc., 28 nov. 2002, navire Le Gloazen : DMF 2003 p. 847 obs. P. Chaumette ; DMF 2004 HS n° 8, n° 38, p. 41, obs. P.
Bonassies..
9- Cass. soc., 22 juil. 1981, Le Tallec, Rev. Jur. Ouest, 1983, p. 28, note H. Blaise.
10- R.JAMBU-MERLIN, "Réflexions sur le droit social", DMF, 1961-131;"Les gens de mer", Traité de droit maritime, Paris,Dalloz,
1978,p317.
6
Ce qui caractérise les marins, c'est leur capacité de travailler et de vivre en mer. L'expédition
maritime, commerciale ou de pêche, a nécessité un cadre juridique spécifique, concernant notamment
les gens de mer. Les coutumes internationales du Moyen Âge déterminaient déjà la nourriture, l'accès
aux soins en cas de maladie ou de blessures, le rapatriement, éventuellement le sort des marins en cas
de capture par des pirates barbaresques et leur vente au marché des esclaves. L'historien Alain
Cabantous a relevé le caractère étrange des gens de mer : "En faisant de leur principal instrument de
travail, le bateau, un lieu de labeur, un lieu d'existence, un intermédiaire matériel et symbolique entre
eux et le reste des hommes, les gens de mer étaient les seuls à entretenir une relation particulière et
indispensable avec un espace que les autres ignoraient ou voulaient ignorer"11.
Le droit social des gens de mer s'est ensuite constitué dans des cadres nationaux, au cours du
XVIIe siècle. Les spécificités du droit du travail maritime se cristallisent autour du contrat écrit
d'engagement maritime, issu du statut professionnel des marins 12.
L'Etat, protecteur de ses intérêts et des gens de mer, a assumé une fonction tutélaire; il
enregistre les marins, autrefois par l'inscription maritime, aujourd'hui par une immatriculation,
reconnaît leur aptitude professionnelle; il vise les contrats d'engagement lors de l'établissement des
rôles d'équipage, assure l'information préalable sur la durée et le contenu des contrats, contrôle leur
légalité; il a mis en place une protection sociale spécifique, qui perdure en France dans le cadre de
l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM)13.
Le contrat d'engagement maritime trouve sa source dans le Code du travail maritime, mis en
place par la loi du 13 décembre 1926 14. , le Code du travail maritime demeure le coeur du droit du
travail maritime. Ce code marque le particularisme du droit du travail maritime. Texte spécial, il déroge
au régime général du droit social terrestre, conformément à l'article L. 742-1 du Code de travail.
Aujourd'hui, l'autonomie du droit du travail maritime s'atténue, le droit du travail maritime
n'étant plus autonome de l'évolution du Code du travail. Certaines dispositions du Code du travail
s'appliquent directement ou indirectement par renvoi aux marins 15.
D'autres sont rendues applicables aux marins par un texte particulier 16.
Longtemps en avance sur la législation terrestre, "le droit du travail maritime traverse une
profonde crise d'identité"17.
Même s'il est fait abstraction de dispositions obsolètes 18. , de nombreuses dispositions du Code du
travail maritime sont désormais éloignées des réalités maritimes : obligation de la lecture des
conditions d'engagement au moment de l'inscription du marin au rôle d'équipage (C. trav. mar., art.
12). Le droit social maritime qui pendant longtemps a affiché un particularisme, s'aligne aujourd'hui
sur le droit terrestre par l'oeuvre combinée du législateur et de la jurisprudence.
11- A.Cabantous, Les citoyens du large,Les identités maritimes en France (XVIIe-XIXe siècles),Aubier, coll "historique"Paris,1995.
12- D;DANJON, Traité de droit maritime, t,I,2ed,Sirey, Paris, 1926-M; Mollat, Histoire des pêches maritimes, Privat,Toulouse,1987
13- R.Jambu-Merlin, Les gens de mer, Traité général de droit maritime,Dalloz,Paris,1978.
14. Journal Officiel 15 Décembre 1926
15- ex. : C. trav., art. L. 141-16 ; C. trav., art. L. 322-44 ; C. trav., art. L. 511-1...
16- D. n° 95-912, 8 août 1995 : Journal Officiel 15 Août 1995 sur le travail maritime à temps partiel.
17- V. C. Eoche-Duval, op. cit., bibliographie.
18- C. trav. mar., art. 58 : relatif aux avances sur salaires pour les voiliers dépassant le Cap Horn ou le Cap de Bonne Espérance.
7
Dans le silence du législateur, les dispositions protectrices du salarié terrestre, sont-elles
applicables au marin ?
Un temps, la Cour de cassation a répondu négativement en confirmant le principe de
l'autonomie du droit du travail maritime 19 . La Cour de renvoi n'avait cependant pas repris cette
argumentation 20.
L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 7 mars 1997, inversé les
rapports droit maritime droit terrestre : dans le silence du législateur, la loi nouvelle s'applique aux
marins, sauf dispositions spécifiques du Code du travail maritime ou adaptations précises au Livre
VII du Code du travail 21 . Cette jurisprudence a été confirmée 22.
Il y a d'autres sources nationales, notamment des textes législatifs, à l'instar du Code du travail
maritime, le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande a été instauré par une loi du 13
décembre 1926 23. Il constitue le deuxième pilier du dispositif d'ensemble mis en place à la suite de la
Première guerre mondiale. Indépendamment de ces deux textes, d'autres codes contiennent des
dispositions relatives au travail maritime : Code de commerce 24. , Code de l'organisation judiciaire 25.
sans oublier les lois non codifiées : loi sur le congé parental d'éducation 26. , loi sur le contrat-initiative
emploi 27.
De nombreux décrets et arrêtés ont été adoptés dans des domaines les plus divers ayant des
conséquences sur le droit du travail maritime. Parmi les plus récents, on peut citer le décret n°
2005-305 du 31 mars 2005 sur la durée du travail des gens de mer (JORF 1er avr. 2005), l'arrêté du
20 mai 1999 (Journal Officiel 1er Juin 1999) créant une Commission nationale de l'emploi
maritime appelée à donner son avis sur toutes questions intéressant la main d'œuvre maritime et
notamment à examiner la situation et les perspectives de l'emploi maritime.
L'article L. 742-2 du Code du travail rend applicables au personnel navigant de la marine
marchande des dispositions relatives aux conventions et accords collectifs de travail prévus par le
titre III du Livre 1er de ce code. Le législateur soumet ainsi les conventions collectives de travail
terrestres et maritimes au même régime même si le décret n° 85-1256 du 4 novembre 1985 (Journal
Officiel 30 Novembre 1985) a précisé les particularités maritimes. Les conventions et accords
collectifs ont joué un rôle essentiel dans l'évolution du droit du travail maritime en France.
Pour la marine de commerce, ces accords ont donné aux marins en bénéficiant un statut protecteur
allant bien au-delà des dispositions du Code du travail maritime.
En présence d'une convention collective complétant le régime légal, les juges veillent à appliquer le
régime le plus favorable au marin 28.
19- Cass. soc., 12 janv. 1993, Port autonome Bordeaux c/ Vendier : DMF 1993, p. 165, note P. Chaumette.
20- CA Poitiers, Aud. sol., 23 nov. 1994 : Juris-Data n° 1994-053660 ; DMF 1995, p. 739, note P. Chaumette ; Dr. soc. 11 nov. 1995, 1,
comm. C. Eoche-Duval.
21- Cass. ass. plén., 7 mars 1997 : DMF 1997, p. 337 concl. Y Chauvy ; Dr. soc. 1997, p. 424, obs. P. Chaumette ; JCP G 1997, II,
22863, note M. Pierchon.
22 - Cass. soc., 28 oct. 1997 : Dr. soc. 1998, p. 181, note P. Chaumette.
23- Journal Officiel 19 Décembre 1926.
24- C. com, art. 433-1 sur la prescription des actions en paiement des membres d'équipage...
25- COJ, art. R. 321-6 sur le tribunal d'instance et les contestations relatives au contrat d'engagement entre armateurs et marins.
26- L. n° 84-9, 4 janv. 1984, art. 7 : Journal Officiel 5 Janvier 1984.
27- L. n° 95-881, 4 août 1995 : Journal Officiel 5 Aout 1995.
28- Cass. soc., 7 avr. 1998, n° 95-41.652, inédit.
8
On peut citer à titre d'exemple la convention collective du 19 juillet 1947 conclue entre le
Comité central des armateurs de France (CCAF) et la fédération nationale des syndicats maritimes,
relative à la stabilité de l'emploi .... Plus récemment, un arrêté du 30 octobre 2003 (Journal Officiel 19
Novembre 2003) porte extension d'un accord national du 28 février 2003 pour l'application de la
réduction du temps de travail et du SMIC dans le secteur de la pêche maritime hauturière.
Le Code du travail maritime se réfère expressément aux usages parmi les éléments pouvant
avoir des effets juridiques : C. trav. mar., art.15-2 (effets des contrats), C. trav. mar., art. 17
(accomplissement du service), C. trav. mar., art. 53 (parts de profit), C. trav. mar., art. 82 (indemnité
de nourriture), C. trav. mar., art. 95 (indemnité de résiliation), C. trav. mar., art. 102-4 (sur la durée du
délai-congé en cas de licenciement).
Dans le domaine de la pêche, les usages, nombreux, varient suivant les ports.
Enfin, la jurisprudence a souvent un rôle déterminant, notamment en matière de licenciement.
Le droit communautaire constitue aujourd'hui une source non négligeable du droit du travail
maritime. Les principes d'égalité et de non-discrimination des travailleurs ainsi que celui de la liberté
d'établissement énoncés dans les Traités des États membres ont influencé le droit national, en
particulier quant au privilège français de nationalité des marins .Le droit communautaire est
également intervenu dans des domaines spécifiques au droit social maritime tel la formation des
marins.
En droit international, élaborées à l'initiative de l'Organisation internationale du Travail, de
nombreuses conventions internationales concernant les gens de mer ont été ratifiées par la France.
Elles ne jouent toutefois qu'un rôle mineur, leurs dispositions étant souvent moins contraignantes ou
moins protectrices. La loi n° 2004-146 du 16 février 2004 (Journal Officiel 17 Février 2004) a ainsi
autorisé la ratification de plusieurs conventions et protocole de l'OIT :
1 n° 163 sur le bien être des gens de mer, en mer et dans les ports ;
2 n° 164 sur la protection de la santé et des soins médicaux des gens de mer ;
3 n° 166 sur le rapatriement des marins ;
4 n° 178 sur l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer ;
5 n° 179 sur le recrutement et placement des gens de mer ;
6 n° 185 sur les pièces d'identité des gens de mer ;
7 n° 180 du 22 octobre 1996 sur la durée de travail et l'effectif des navires ; cette
dernière ayant été ratifiée et publiée par un décret du 8 novembre 2004 (Journal Officiel
18 Novembre 2004).
Ces conventions ont été publiées par des décrets du 11 mai 2005 29.
Le contrat d'engagement maritime doit exécution à bord d'un navire français
Selon le principe de la loi du pavillon , l'article 5 du Code du travail maritime réserve son application
aux seuls contrats conclus pour tout service à accomplir à bord d'un navire français. Il ne s'applique
pas aux marins engagés en France pour servir sur un navire étranger. La nationalité se détermine en
fonction des critères retenus par le droit commun maritime, le lieu et le port d'immatriculation ayant
toute leur importance.
29- D. n° 508 à 512 : JORF 20 mai 2005.
9
Le Code du travail maritime s'applique aux navires immatriculés en métropole et dans les
départements d'outre-mer, avec quelques modifications sur les navires immatriculés à Saint-Pierre et
Miquelon 30. , si leur jauge brute est égale ou supérieure à 10 tonneaux 31.
Conformément à l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958, les lois édictées en France ne
sont applicables dans les territoires d'outre-mer qu'en vertu d'une loi spéciale, principe confirmé par le
nouvel article 72-3 de la Constitution 32.
En l'absence d'une telle loi, le Code du travail maritime ne peut s'appliquer. Si la loi du 12 juillet 1966
a étendu à Wallis et Futuna le Code du travail, elle prévoit qu'un décret en Conseil d'État apportera les
adaptations nécessaires. Or, ce décret n'a pas été promulgué, suite à l'annulation du décret du 20 mai
1987 33 .
En l'absence du décret d'application, les navires immatriculés dans les Terres australes et antarctiques
françaises (TAAF) relèvent des dispositions de la loi du 15 décembre 1952 instituant le Code du travail
d'outre-mer 34. La Cour de cassation a récemment rappelé cette solution 35. , même si une juridiction du
fond a abouti à une solution contraire en appliquant le Code du travail maritime à des marins
embarqués sur un navire immatriculé à Wallis et Futuna 36.
À noter cependant que la loi du 3 mai 2005 relative à la création du registre international
français 37. prévoit en son article 34 que dans les deux années suivant sa publication, les conditions
d'immatriculation au registre des TAAF ne seront plus applicables aux navires de commerce. Ce sont
ainsi les dispositions spécifiques au RIF qui s'appliqueront aux marins et non plus le Code du travail
d'outre-mer. Le problème du régime applicable aux marins ne se posera plus que pour les navires de
pêche ou de plaisance.
Selon Convention de Rome du 19 juin 1980 et la loi d'autonomie, la loi du contrat de travail,
inclus le contrat d'engagement maritime, est la loi des parties. Cette loi est indépendante de la loi du
pavillon, la loi française s'applique donc à des pavillons non français si elle a été choisie par les parties
38.
L'article 6 de la Convention de Rome pose des limites à la loi d'autonomie qui ne peut priver le
travailleur des dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu
de cette Convention 39.
30 - D. 30 août 1936 : Journal Officiel 12 Septembre 1936.
31- L. n° 66-509, 12 juill. 1966 : Journal Officiel 13 Juillet 1966.
32- L. const. n° 2003-276, 28 mars 2003 : JORF n° 75, 29 mars 2003, p. 5568.
33- CE ass., 27 oct. 1995 : DMF 1995, p. 893, concl. M. Denis-Linton ; Dr. soc. 1995, p. 1006, obs. P. Chaumette.
34- L. n° 52-1322, 15 déc. 1952 : Journal Officiel 16 Décembre 1952. - CE, 9 févr. 2001 : DMF 2001, p. 399, obs. P. Chaumette ; DMF
2002, HS n° 6, n° 35 p. 34, obs. P. Bonassies.
35- Cass. soc., 18 juill. 2000 : JCP E 2000, p. 1740 ; DMF 2000, p. 892, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2000, p. 1043, obs. P. Chaumette. -
Cass. soc., 18 déc. 2001 : DMF 2002, p. 235, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2002, p. 363, obs. P. Chaumette. - Cass. soc., 26 mars 2002 :
Juris-Data n° 2002-013832. - Cass. soc., 11 déc. 2002, n° 01-12599. - Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-10680 et n° 01-10681, inédits.
36- CA Aix-en-Provence, 21 oct. 2003, Navire Paul Gauguin : DMF 2004, p. 906, obs. P. Chaumette ; DMF HS 2005, p. 52, n° 56, obs.
P. Bonassies.
37- JORF n° 103, 4 mai 2005, p. 7697.
38- Cass. soc., 16 nov. 1993 : JCP E 1994, II, 613, note P. Pochet ; DMF 1994, p. 472, obs. P. Chaumette.
39- Cass. soc., 29 avr. 2003 : DMF 2004, p. 429 obs. P. Chaumette ; DMF juin 2005 HS n° 9, p. 53, n° 57, obs. P. Bonassies.
10
Les lois de police doivent également s'appliquer conformément aux principes généraux du droit
international privé 40.
À défaut de choix, la Convention de Rome pose trois critères de rattachement 41. :
* la loi applicable au contrat de travail est la loi du pays où le travailleur exerce habituellement son
travail ;
* à défaut celle du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur "si le travailleur
n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays" ;
* en tout état de cause, ces deux critères de rattachement sont écartés s'il ressort des circonstances que
le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays.
Ces critères jouent pour le contrat d'engagement maritime sous réserve d'absence de loi
d'autonomie des parties 42.
Le droit international privé recourt à la fiction juridique selon laquelle le navire constitue une portion
du territoire national. La loi du lieu d'exécution du contrat d'engagement maritime est la loi du pavillon.
Cette même fiction s'applique en droit aérien, la loi de l'État d'immatriculation de l'aéronef régissant les
contrats de travail 43.
Cette fiction n'est pas sans critique lorsqu'il s'agit de pavillon de complaisance. Plus
généralement, elle permet à l'armateur d'échapper à l'application de certaines lois, notamment
l'application du Code du travail maritime. Il serait néanmoins possible de se fonder sur la notion de
fraude à la loi pour écarter la loi du pavillon au profit de la loi du lieu d'embauche par exemple 44.
La loi du pavillon est écartée en cas de mise à disposition d'un marin sur un navire, le marin
restant soumis à la loi applicable à l'armement d'embauche 45.
Les dispositions spécifiques au RIF sont différentes, la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 (Journal
Officiel 4 Mai 2005) distingue selon que le personnel navigant réside en France ou non. Les premiers
ne relèvent pas des dispositions spécifiques de la loi précitée. Les navires immatriculés au Registre
International Français étant des navires français, la situation des marins relève donc exclusivement
du Code du Travail maritime. En revanche, pour le personnel navigant résidant hors de France, il y a
lieu d'appliquer les dispositions insérées au Titre II de la loi du 3 mai 2005.
Au sujet de la loi d'autonomie, la loi du 3 mai 2005 reprend les principes du droit international
privé. Pour les navigants résidant hors de France, les contrats d'engagement et le régime de
protection sociale sont soumis à la loi d'autonomie (L. préc., art. 12).
La loi d'autonomie connaît des limites. Outre l'application de l'article 6 de la Convention de
Rome du 19 juin 1980, la loi du 3 mai 2005 prévoit d'autres limites : les dispositions de la loi du 3 mai
2005, les dispositions plus favorables des conventions ou accords collectifs applicables aux non-
résidents.
40- V. J-Cl. Droit international, Fasc. 573-10.
41- art. 6 § 2.
42- Cass. soc., 29 avr. 2003 : préc. n° 19.
43- Cass. soc., 6 nov. 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 75, note P. Lagarde.
44- V. J-Cl. Droit international, Fasc. 573-10, spéc. n° 41. - Ph. Coursier, op. cit., bibliographie.
45- T. Sup. d'appel de Saint-Pierre et Miquelon, 12 janv. 2005 : DMF 2005, p. 337, obs. P. Chaumette.
11
Les conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un navire immatriculé au RIF ne
peuvent être moins favorables que celles résultant des conventions de l'OIT ratifiées par la France (L.
préc., art. 13).
Le lien juridique d'une nature originale ne peut être assimilé au contrat de travail terrestre,"même si
le fossé psychologique qui le séparait du contrat d'engagement maritime" tend à se combler 46.
. Les intervenants particuliers à ce contrats expliquent non seulement, son déroulement spécifique
(partie 1) mais encore, les conditions de sa cessation (partie 2).
46- R.Jambu-Merlin, Réflexions sur le droit social maritime, DMF 1961,p131.
12
Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE
TRAVAIL
"Tout contrat d'engagement conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, et ayant
pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat
d'engagement maritime". Des conditions sont alors posées, tant pour la conclusion de ce contrat
(Chapitre 1) que pour son exécution (Chapitre 2).
Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement
maritime
Le contrat du travail terrestre a connu le contrat de louage de services, puis, vers la fin du XIXe
siècle un nouveau terme est venu lui faire concurrence, celui contrat de travail. Le droit du travail
maritime s'applique, quant à lui, au contrat d'engagement maritime. La terminologie suffit d'ailleurs à
caractériser le particularisme de la relation contractuelle, comme le laisse apparaître, l'article 1 Code
du travail maritime.
Des conditions sont alors posée, tant pour la conclusion de ce contrat que pour son exécution.
Le contrat est un contrat spécifique conclu entre un armateur et un marin (section 1), un
formalisme particulier est obligatoire (section 2), ce contrat s'inscrit dans une durée (section 3).
Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime
Le contrat d'engagement maritime, soumis au Code du travail maritime. La finalité de
l'expédition maritime dénote l'âge de la loi du 13 décembre 1926; elle renvoie au concept de navire,
engin de navigation maritime. La définition du le contrat d'engagement est déterminée par les concepts
de navire, de marin et d'armateur.
Ce contrat a pour but la constitution d'un équipage.
Le contrat d'engagement maritime, contrat individuel de travail, met en présence deux intervenants:
l'armateur d'une part (§1), le marin d'autre part (§2).
13
§1 /Un contrat conclu avec un armateur
Le contrat d'engagement maritime peut être conclu par un armateur, il convient de définir la
notion d'armateur (A), le marin peut se trouver confronté à une situation particulière en cas de
succession d'armateur (B), les sociétés de manning sont très présentes en tant que recruteurs mais pas
en tant que partie au contrat (C).
A/ La notion d'armateur
Tout contrat d'engagement conclu entre un armateur, ou son représentant, et un marin, et ayant
pour objet un service à accomplir a bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat
d'engagement maritime régi par les dispositions de la présente loi (C.trav.mr., art.1er).
L'article 2 du Code du travail maritime définit l'armateur comme "tout particulier, toute société,
tout service public, pour le compte desquels un navire est armé". Cette définition qui renvoie à la
notion de navire n'est pas spécifique au travail maritime. L'armateur n'est pas nécessairement le
propriétaire du navire, il est celui qui arme le navire (L. 3 janv. 1969, art. 1er). La définition de
l'armateur est à relier avec les situations complexes qui peuvent surgir lors de l'exploitation des navires,
notamment en cas d'affrètement. Il faut se référer aux solutions admises par le droit commun. Ainsi, en
cas d'affrètement coque-nue, l'affréteur ayant l'obligation d'armer le navire et d'engager l'équipage, c'est
lui qui aura la qualité d'armateur 47.
Cette définition soulève quelques difficultés car l'armateur a trois visages:"il est à la fois celui
qui possède, celui qui équipe et celui qui exploite le navire" 48.
Son identification n'est donc pas toujours aisée. L'armateur est de moins en moins le propriétaire du
navire.
A la pêche artisanale cependant, armateurs et propriétaires se confondent en règle générale,
mais l'on peut trouver des armements ayant la forme de société coopérative.
A la pêche industrielle, le coût élevé d'exploitation des navires, devenus pour certains de véritables
usines flottantes, ne peut plus être assumé par un seul individu. Des armements coopératifs et des
sociétés anonymes ont fait leur apparition.
L'armement au commerce, même de petit tonnage est quant à lui, le fait de groupements privés.
Outre la copropriété 49. , d'autres formes d'exploitations sont possibles et "n'appellent aucune remarque,
car aucune règle du droit des sociétés ne se trouve modifiée, lorsque a pour objet social l'exploitation
commerciale des navires"50.
B/ La succession d'armateur
Le contrat d'engagement maritime est conclu avec l'armateur. Le Code du travail maritime
prévoit les modifications survenant dans la situation juridique de l'armateur : en cas de succession,
vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats d'engagement maritime
subsistent et s'imposent au nouvel armateur 51.
47- V. I. Corbier, La notion juridique d'armateur : PUF, Paris, coll. Les grandes thèses du droit français, 1999.
48- Mme Rémond Gouilloud, Droit maritime, éd Pédone n°219.
49- Rodiére E du Pontavice, n°245)
50- R Rodiére E du Pontavice, piéc n°245.
51- C. trav. mar., art. 102-8. - Cass. soc., 26 janv. 2005 : Juris-Data n° 2005-026716 ; DMF 2005, p. 426, obs. P. Chaumette.
14
L'armateur est aujourd’hui un financier très soucieux de maintenir sa position sur le marché
international. Dans ce contexte, la position du marin devient inconfortable, et ses intérêts ne sont pas
toujours préservés. Il convient de privilégier les rendements des navires. Cette situation n'est pas sans
inquiéter les marins, comme en témoigne particulièrement la vente du navire et la cession de
l'entreprise. La vente d'un navire implique en effet, le plus souvent, un changement dans la personne de
l'armateur. Ce changement met-il fin au contrat d'engagement du marin?
L'affirmer de façon catégorique impliquerait d'ignorer le lien du marin avec le navire. Ce lien
est l'essence même du contrat d'engagement" qui a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire.
Liés à ce dernier, les marins non stabilisés doivent être conservés par le nouveau propriétaire, sauf à ce
que leur ancien armateur ne les licencie auparavant, auquel cas la loi du 18 mai 1977 s'applique, si les
marins concernés entrent dans son champ d'application .En revanche, les marins stabilisés trouvent, en
général, un nouvel embarquement sur un autre navire de la compagnie.
Doit-on dans ces conditions affirmer que le lien du marin au navire n'est pas à l'avantage du
marin? Rien n'est moins sûr. En effet, le marin stabilisé n'est pas toujours certain de trouver un nouvel
embarquement sur un autre bâtiment de l'armement. La réduction de l'activité de l'entreprise est une
cause de licenciement du marin stabilisé . L'activité du marin dépend du nombre de navires en service.
La cession d'entreprise pose d'ailleurs un problème de nature identique en droit terrestre, car
l'entreprise "est une entité organique dont relève le salarié membre et à laquelle il demeure lié en dépit
des avatars juridiques pouvant affecter la forme de sa direction" . Le contrat de travail subsiste, en cas
de modification dans la situation juridique de l'employeur, entre le nouvel employeur et le nouveau
personnel de l'entreprise ( Art L122-12 al 2 Code du travail).
De la même façon, lié au navire, le marin ne doit pas être concerné par ce changement, d'autant
plus que la loi du 18 mai 1977 a introduit les dispositions de l'article L122-12 du code du travail, dans
le code du travail maritime. Désormais, tous les contrats d'engagement, ainsi que tous les contrats liant
l'armateur au marin titularisé ou stabilisé dans leur emploi, subsistent (art 102-8 al 2 code de travail
maritime) à moins que les licenciements n'aient lieu avant la cession... Faut il en conclure une perte
d'identité du marin par rapport au salarié? Nullement car le fait pour le marin d'être lié au navire et non
pas à l'armateur renforce la continuité des relations contractuelles, ou du moins n'est pas un obstacle à
cette continuité. En droit terrestre la jurisprudence fait valoir la notion d'identité de l'emploi 52.
Ceci ne se trouve pas en droit du travail maritime, car le marin est lié au navire pendant la durée de son
embarquement, et le lieu de travail du marin retrouve ici toute son importance.
C/ Les sociétés de manning
Ces sociétés sont des bureaux de recrutement qui se chargent de recruter des marins pour le
compte de l'armement. Même si elles prennent en charge la gestion et la rémunération des marins, elles
ne sont que des intermédiaires et ne peuvent être assimilées à l'employeur du marin. Le Code du travail
maritime ignore en effet le travail temporaire. Le droit maritime ne connaît donc pour le moment que
l'embauche directe.
52- Soc 15 fév. 1978, Bull civ. V n°105 p 77 soc 15 juin 1978 ,JCP 1978.
15
§2/ Un contrat conclu avec un Marin
Des règles générales sont applicables à l'équipages ( A), et l'accès à la profession est
particulièrement réglementé( B).
A/ Les règles générales applicables à l'équipage
Dans son article 3, le code du travail maritime définit comme "marin quiconque s'engage envers
l'armateur ou son représentant pour servir à bord d'un navire". Le code du travail maritime fait ainsi
référence au marin embarqué (a).Mais le marin n'est pas toujours embarqué. De ce fait, sa situation
entre deux embarquements est plus originale (b).
a/Le marin embarqué
Le marin travail à bord d'un navire. Il y occupe un emploi relatif à la marche, à la conduite, à
l'entretien et à l'exploitation du navire. Cette énumération recouvre les divers aspects du travail
maritime (1), qui ne suffisent cependant pas à définir le marin. Il lui faut être, de plus, engagé par un
armateur sauf s'il travaille pour son propre compte (2).
1/ Le travail maritime
L'article 1er du décret du 7 août 1967 donne une définition du travail maritime. En
conséquence, l'équipage d'un navire doit comprendre des marins professionnels, salariés, qui réunissent
les conditions particulières d'un emploi en milieu maritime. Le service à bord couvre des spécialités
diverses telles que le pont, la machine, le service général (ADSG), et concerne les marins du commerce
comme ceux de la pêche. Aussi, certaines catégories de personnes travaillent en mer, à bord des
navires, ne sont-elles pas concernées par ces dispositions, parce qu'elles n'occupent pas à bord un
emploi relatif à la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire, ou parce qu'elles n'ont
pas été engagées directement par l'armateur. Elles peuvent être par exemple des ingénieurs des
télécommunications....Ce sont des personnels salariés, non marins. Il leur manque, entre autre, la
permanence de l'emploi à bord du navire. Le travail maritime suppose en effet, un embarquement
habituel. Ce caractère est constaté par l'inscription sur le rôle d'équipage. Ce titre de navigation constate
les conditions d'engagement du marin, et tout navire pratiquant une navigation maritime avec à son
bord des marins affiliés à l'ENIM doit en être pourvu.
Des dérogations sont toutefois accordées par le ministre chargé de la marine marchande aux
bâtiments fluviaux dont la construction et l'équipement sont jugés suffisants pour accéder, en passant
par la mer à des ports maritimes sans être pourvus de rôle d'équipage. C'est le cas de la navigation entre
Port Saint Louis du Rhône et Marseille 53, en Seine, en aval de Rouen.
La navigation maritime effectuée, de commerce ou de pêche, est déterminante pour l'obtention du rôle
d'équipage 54.
La situation de l'aquaculteur apparaît ici tout à fait singulière.
53- Cours EAAM. Le navire, p.45.
16
L'aquaculture recouvre l'ensemble des activités de culture et d'élevage d'organismes aquatiques,
végétaux ou animaux 55. Il y a donc aquaculture chaque fois que l'homme intervient sur la vie de
l'organisme, par opposition à la pêche, dans laquelle l'intervention humaine est réduite à la capture ou à
la mort de l'animal. Il convient de distinguer la conchyliculture (l'élevage des huîtres et des moules), et
l'aquaculture dite nouvelle (l'élevage de saumons, turbots etc...); il n'existe pas de statut juridique
uniforme de l'aquaculture, ni de structure juridique conçue pour l'exploitation d'une entreprise aquacole
type. La structure juridique découle du choix opéré par l'aquaculteur pour se rattacher à un statut
connu, comme celui de l'agriculture ou de la pêche maritime 56. En effet, l'aquaculture et la pêche sont
deux métiers différents 57.
Selon l'emplacement géographique de l'exploitation, la configuration de la côte; l'aquaculteur devra
emprunter une embarcation afin d'exploiter sa parcelle: c'est l'utilisation du navire qui constituedans la
profession d'aquaculteur la frontière
Entre deux régimes sociaux, celui du marin d'une part, de l'agriculteur, d'autre part. En effet,
sont considérées comme pratiquant une navigation de pêche, les embarcations affectées à l'exploitation
des parcelles concédées sur le domaine public maritime. Il faut que cette exploitation nécessite une
navigation totale d'au moins trois milles aller - retour 58. Les personnes embarquées sont considérées
comme des marins et soumises au Code du travail maritime.
Mais il convient de préciser les conditions d'exercice de cette activité. En d'autres termes, la
qualité de conchyliculteur marin, ne peut être reconnue à l'intéressé, s'il n'occupe pas à bord un emploi
relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire 59. Les exploitants ou les
salariés de la conchyliculture qui n'utilisent une embarcation que comme un moyen de transport pour se
rendre sur les parcs, ne sont ainsi que de simples passagers.
Si l'on excepte la situation particulière de l'aquaculteur 60, un embarquement occasionnel ne peut
entraîner la qualité de marin, laquelle nécessite la permanence d'un service à bord.
Ce service à bord, est d'ailleurs lui-même imposé par le code du travail maritime 61 et peut
revêtir des aspects différents. Certes, il comprend tout d'abord ce que le Code, mais aussi le
fonctionnement du navire exigent du marin, c'est à dire "un emploi relatif à la marche, à la conduite, à
l'entretien et à l'exploitation du navire" 62. Il comprend également un certain nombre d'emplois distincts
de ceux accomplis normalement par le marin, notamment, ceux tenus à bord des car-ferries 63.
55- Lucien Laubier, les cultures marines en France et le droit, publication du CNEXO, 1983, n°11, Avant-propos.
56- M. Le Roy, les structures juridiques de l'exploitation. Les cultures marines en France et le droit, Publication du CNEXO, n° 11 préc.,
p.135.
57- J. Weber, économiste 'iFremer. Propos tenus dans le journal Le Marin, 22 septembre 1989, p.39.
58- Loi du 30 décembre 1966 modifiée par la loi du 25 octobre 1972. La loi du 1er avril 1942, relative aux titres de navigation, considère
ces embarcations comme des navires (article 5 alinée 8).
59- Décret du 7 août 1967, article 1er préc.
60- Les aquaculterus représentent d'ailleurs un faible pourcentage dans la population maritime embarquée.
61- Articles 1er et 3 du Code du travail maritime.
62- Décret du 7 août 1967, article 1er.
63- Les ferries battant pavillon français relèvent de trois compagnies: la BAI, l'armement Naval SNCF, devenu la société nouvelle
d'Armement Transmanche (SNAT) à compter du 1er juin 1990, aujourd'hui Seafrance, et la Société Nationale Maritime Corse-
Méditérannée.
17
L'ensemble du personnel embarqué n'est d'ailleurs pas dans une situation identique. Il est peut
être souhaitable de différencier d'une part, les officiers et le personnel d'exécution, qui assurent la
conduite, la marche, l'exploitation du bâtiment, qui sont des marins soumis à ce titre aux dispositions
du Code du travail maritime, et d'autre part, certaines catégories de personnel embarqué par exemple,
les vendeurs de parfums, de souvenirs, à propos desquels il est permis de s'interroger. Sont-ils des
marins au sens du Code du travail maritime?
Il est vrai que le problème se posait surtout à bord des paquebots. Les traversées nécessitaient
l'emploi d'un personnel de spécialités diverses: artistes, coiffeurs, photographes, guignolistes... Ils ne
sont ni des passagers ni des salariés directs de l'armateur. Le contrat qui est à la base de leur
engagement n'est pas un contrat d'engagement maritime, et le Code du travail maritime ne leur est pas
applicable 64, car ils n'ont pas le statut de marin.
Aujourd'hui, les compagnies de ferries ont pris le relais, s'agissant de l'emploi de ce type de
personnel navigant. Leur situation semble comparable à celle du travailleur placé par une société de
travail temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice. Le personnel hôtelier ne se voit donc pas
reconnaître la qualité de marin. Il convient cependant de nuancer le propos, car une compagnie de
ferries -la Brittanny Ferries- 65 a semblé redonner une actualité à ce problème 66.
Le personnel hôtelier devait conformément à l'accord signé par un syndicat, la CFDT, et la BAI,
se voir reconnaître la qualité de salarié affilié au régime général. En effet, depuis 1984, ce personnel,
bien qu'étant embarqué n'a pas la qualité de marin. Il n'est pas soumis au code du travail maritime. Il est
Salarié de la société Serestel 67, cotise à la sécurité sociale et non à l'ENIM. Or le syndicat des
marins CGT a souhaité intenter une action en nullité de cet accord et il appartenait au tribunal 68 de
résoudre le problème de savoir si le personnel concerné par cet accord avait ou non le statut de marin et
devait bénéficier des dispositions du Code du travail maritime.
Les juges n'ont pas reconnu à ce personnel la qualité de marin, car la présence à bord relève non de
l'exploitation maritime, mais de facilités qui ne sont pas indispensables à l'exploitation du navire. Or cet
élément est considéré à l'article premier du décret du 7 août 1967 comme conférant la qualité de marin.
Sur appel, la Cour de Rennes 69 a confirmé le jugement du TGI de Morlaix. L'emploi de ce personnel
servant à agrémenter la vie des passagers, est régi non par un contrat d'engagement maritime, mais par
un contrat d'entreprise qui ne concerne pas la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire
au sens maritime du terme.
Pour refuser la qualité de marin au personnel hôtelier, les juges retiennent le fait qu'il exerce à bord des
fonctions qui ne relèvent pas du statut de marin. De façon générale, la situation de cette catégorie de
personnel n'est guère aisée à cerner.
64- Cours EAAM. LE travail maritime, p.3.
65- La Brittany Ferries assure des liaisons transmanche Bretagne-Irlande.
66- Négociations à la Brittany Ferries, Ouest-France, 5 février 1990.
67- La société Serestel embouche le personnel hôtelier, qui exerce son activité à bord des ferries.
68- TGI Morlaix, 20 juillet 1995, DMF 1995, p.907
69- Rennes, 27 janvier 1998, DMF 1998, p.1018.
18
On peut d'ailleurs également évoquer le cas similaire du vendeur de parfums, de souvenirs.
Madame Rémond-Gouilloud 70 fait référence au "concessionnaire de l'échoppe de souvenirs" qu'elle
qualifie de marin. Pourtant, très souvent, la direction des compagnies impose aux barmen l'occupation
de ce poste. Il n'y a donc pas de vendeurs indépendants à bord. Il convient alors d'évoquer deux
situations: dans un cas ces vendeurs font partie du personnel hôtelier intérimaire, non salarié de
l'armement, non marin, ils sont à ce titre soumis au droit commun.
Dans un autre cas, ils font partie des saisonniers embarqués par l'armement, rémunérés par lui,
considérés alors comme des marins. A ce titre, l'Armement Naval SNCF aujourd'hui Seafrance 71
emploie généralement des saisonniers sous contrat à durée déterminée. Ce sont des marins 72. Il faut
convenir que la situation de ces personnels embarqués est particulière.
Pour les autres catégories de personnel embarqué, une activité à bord ne peut suffire pour les
qualifier de marins 73. Il faut convenir que la situation de ces personnels embarqués est particulière.
Pour les autres catégories de personnel embarqué, une activité à bord ne peut suffire pour les qualifier
de marin. L'article 3 du Code du travail impose d'ailleurs une condition supplémentaire.
LA COUR D'APPEL DE RENNES a estimé que le personnel du service général d'un navire,
personnel hôtelier de ferries, qui n'a pas conclu de contrat d'engagement maritime avec l'armateur, ne
participe pas à son exploitation au sens maritime du terme, n'est pas marin( CA Rennes, 24 janv. 1998,
DMF 1998, 1018, obs. M. Morin
Cependant, la Cour de cassation a privilégié une conception large du marin, concernant un éducateur
spécialisé, recruté pour encadrer les enfants à bord d'un navire Cass. soc., 28 nov.2002, n° 00-12.365,
voilier le Go-zen, Bull. civ. V, n°360; DMF 2003, p.847-853, obs. P. Chaumette.
La loi n°97-1051 du 18 novembre 1997 s'est efforcée d'harmoniser le secteur des cultures marines, qui
représente 8 000 entreprises, et où se rencontre une dualité des régimes sociaux, maritime ou agricole,
applicable aux salariés. Sont étendues aux marins salariés des entreprises de cultures marines les
dispositions relatives au repos compensateur, dans un souci de parité avec les entreprises agricoles
(C.trav.mar., art.26-2 _ C. rur. 993 et 993-1). Les salariés des entreprises de culture marine bénéficient
du repos hebdomadaire dans les mêmes conditions que les salariés des entreprises agricoles
(C.trav.mar., art.28-1 _ C. rur. art. 997).
Le législateur a privilégié l'unité du statut du marin, que l'armateur soit une personne privée ou
publique. Dès lors un agent du ministère des Transports, capitaine de baliseur , n'est pas un
fonctionnaire , ni un contractuel de droit public, mais un contractuel de droit maritime; en cas de litige
avec son employeur, le service des phares et des balises du ministère des transports, le contentieux
relèvera en première instance d' tribunal de commerce pour le capitaine et du tribunal d'instance pour
les autres membres de l'équipage (P.Chaumette, "La retraite des marins: l'application du droit
commun", comm. de cassation soc;,28 oct.1997,2 arrêts, Rouxel et le Douarin,Dr.soc.1998,p181-184).
70- Mme Rémond-Gouilloud, Droit Maritime, éd.Pedone, p.98.
71- Cette compagnie assure les liaisons transmanche entre les ports du Havre à Dunkerque et les ports de Grande-Bretagne.
72- Les protocoles d'accord en vigueur prévoient leurs conditions de travail et de rémunération. Par exemple, l'accord particulier signé en
novembre 1980, renouvelable par tacite reconduction, signé par les syndicats (CGT-CFDT) et l'Armement Naval SNCF désormais
Seafrance, fixe une organisation du travail avec une base de 24 heures de présence effective à bord et 48 heures de repos à terre.
73- Le contrat d'engagement maritime, ou CEM
19
La spécificité de la relation de travail maritime, vis-à-vis d'un autre rapport de travail, se situe
concrètement dans un travail à bord d'un navire, en vue d'une navigation maritime, puis
essentiellement dans les particularités d'un contrat d'engagement maritime. Mais celui ci a
imperceptiblement changé de nature depuis le code de travail maritime de 1926, passant du modèle du
contrat de voyage, un contrat d'embarquement, au modèle du contrat de travail. Le système de la presse
ne fournissait pas à la Marine Royale des équipages de qualités. Colbert mit en place en 1668, le
système des classes et l'administration de l'inscription maritime, chargée de l'affectation des marins, de
la gestion des rôles, du paiement des soldes, du contrôle de la formation et de l'exécution des contrats
d'engagements maritime, de la tenue des comptes des marins servant au commerce.
L'Etat prête ses inscrits maritimes aux armateurs, en quelque sorte. La caisse des invalides de la
marine est créée en 1673, verse une demi-solde militaire aux marins blessés en service, aux marins
blessés en service, aux marins âgés; cette pension fut étendue aux marins de commerce en 1709, puis
aux marins pêcheurs en 1823.L'ordonnance de 1681 réglemente l'engagement et les loyers des marins,
détermine les obligations de l'armateur, en cas de blessure ou de maladie au service du navire. Le droit
social maritime apparaît hors structures corporatives, de l'initiative et sous la tutelle de l'Etat. Il met en
place les premiers éléments de protection sociale. Le marin relève surtout d'un statut professionnel,
puis ensuite d'un contrat d'engagement le liant à un armateur.
.
2/ Le lien juridique avec l'armateur
Le marin doit s'engager envers l'armateur ou son représentant. Ce lien est fondamental pour le
marin: il est créateur de droits et d'obligations pour les parties. Le contrat d'engagement maritime ou, à
la pêche côtière, à la petite pêche, l'inscription sur le rôle , certifie que l'activité maritime a un caractère
professionnel: le marin est un marin professionnel. Le lien avec l'armateur peut d'ailleurs être de durée
variable. Le contrat peut être conclu au voyage, à durée déterminée...
La vie du marin se déroule au rythme des embarquements, sui le soumettent périodiquement
aux dispositions du Code du travail maritime. En effet, lorsque le marin est à terre, les dispositions de
ce Code lui sont plus applicables 74.
Il importe donc, que le service soit accompli à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime. Le
lieu du travail est, à cet égard fondamental.
La définition du marin professionnel résulte du caractère indissociable de trois critères: le
premier est un engagement envers un armateur, le deuxième est un service à accomplir à bord et le
troisième est le navire. Et il n'est pas possible de privilégier l'un ni l'autre.
Doit on considérer que, si l'un de ces critères n'est pas respecté, la qualité du marin disparaît? Une
réponse négative s'impose. En effet, une telle lecture des textes entraînerait un schéma simplificateur
très éloigné de la réalité maritime.
Aussi, l'article premier du décret du 7 août 1967 nous apporte-t-il une première exception, en
envisageant le cas du marin embarqué pour son propre compte. On peut être marin, au sens du Code du
travail maritime, sans avoir d'employeur.
74- Il demeure cependant un marin pour l'ENIM.
20
C'est le cas de l'artisan-pêcheur lorsqu'il est propriétaire embarqué, du capitaine-armateur au
commerce. L'inscription sur le rôle d'équipage vaut dans cette constatation de l'acte des services du
marin. Le cas des goémoniers est également intéressant. Ils utilisent un bateau pour récolter en mer des
algues marines. Ils sont des marins à la condition qu'ils tirent de cette activité leur principal moyen
d'existence. Il leur est délivré un rôle d'équipage et la navigation est prise en compte pour le droit à la
pension 75.
La seconde exception concerne le lieu du travail du marin. Normalement, il est indispensable
que le marin travaille à bord d'un navire et que ce dernier pratique une navigation maritime. Pourtant,
tous les navires en construction sont au fur et à mesure de l'avancement des travaux, pourvus d'un rôle
de pré-armement qui constate les services des marins embarqués.
Le marin est, en conséquence, l'individu qui navigue ou, du moins, qui est destiné à le faire.
Ceci explique le fait qu'en dehors d'une période d'embarquement un navigant puisse conserver sa
qualité de marin, qui peut non seulement se prolonger au-delà du débarquement, mais encore prendre
naissance antérieurement à toute navigation maritime.
b/ Le marin en dehors d'une période d'embarquement
Selon l'article 4 du Code du travail maritime "le contrat de louage de services est régi en dehors
des périodes d'embarquement du marin par les dispositions du code du travail". Cette disposition
semble ainsi exclure la qualification de marin lorsque l'intéressé se trouve à terre. Pourtant, la
stabilisation ou la titularisation du marin tempère ces dispositions puisqu'elle entraîne le maintien de la
qualité de marin professionnel entre deux périodes d'embarquements. L'alternance - terre-mer - du
travail est parfois source de difficultés. La détermination de la compétence judiciaire peut être délicate.
Selon M. Jambu-Merlin 76, la navigation maritime a acquis une stabilité qu'elle n'avait pas
autrefois, stabilité qui s'est transmise dans une large mesure au marin lui-même. IL poursuit en
affirmant que le matelot de jadis, qui mettait sac à terre à la fin du voyage en attendant qu'un nouveau
capitaine, complétant son équipage, vienne l'embaucher à l'auberge, a fait place au marin embarqué
pour des mois ou des années sur des bâtiments qui assurent des lignes régulières.
.C'est la convention collective nationale du 19 juillet 1947 33 qui matérialisa en France une tendance
qui s'affirmait déjà depuis 1944: en effet, la charte internationale des gens de mer dans ses articles,77 et
suivants exprimait "un désir de
Stabilité professionnelle" 78. La stabilisation offre certaines garanties au marin: elle lui permet
de bénéficier d'une priorité d'embarquement à l'intérieur de la compagnie. Il faut cependant, à une
stabilisation du personnel, certaines conditions que précise la convention collective du 19 juillet 1947 à
son article cinq 79. Les marins doivent notamment avoir 21 ans révolus et totaliser deux ans de
navigation au commerce, être reconnus physiquement aptes à la navigation.
75- Article L.2 du code des pensions de retraite des marins.
76- Jambu-Merlin, Réflexions sur le droit social maritime,DMF 1961, p.131.
77- Convention collective nationale du 19 juillet 1947 relative à la stabilité de l'emploi.
78- R. Rodière, Traité Général de Droit Maritime, R. Jambu-Merlin, les gens de mer, n°102.
79 - La convention collective du 19 Juillet 1947 a été conclue entre le CCAF et la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT. Elle
s'applique à toutes les entreprises de navigation armant ou gérant plus d'un navire, à l'exception de celles ne possédant que des navires de
moins de 250 tonneaux de jauge brute et aux entreprises de remorquage (article 1er).La recommandation n°154 (1976) du Bureau
International du Travail va dans ce sens, s'agissant de garantir un emploi continu ou régulier au marin.
21
La convention collective du 30 septembre 1948 concerne les officiers et les dispositions
particulières traitent des conditions de titularisation de ces derniers 79. Il leur faut avoir accompli un
stage comportant douze mois d'embarquement effectif sur un navire armé 80. Tout officier titularisé
dans l'entreprise, qui aura accompli une fonction pendant une durée totale de deux années sera stabilisé
dans cette fonction 81.
"La titularisation a des effets beaucoup plus étendus que la stabilisation des marins. Il n'est pas
question, pour l'officier titulaire, d'inactivité, ou de demi-solde, ou de travail à terre"82.
Le marin stabilisé 83, ou titularisé puis stabilisé, est dans une situation très proche de celle du salarié
terrestre.
Le contrat d'engagement ne prend pas fin par son débarquement.
Sa situation apparaît tout à fait singulière, car embarqué ou en dehors d'une période d'embarquement, le
marin stabilisé reste un marin et est à ce titre, soumis au Code du travail maritime. Il est assuré de la
permanence de don emploi et de sa qualité de marin professionnel. La situation des autres marins est en
revanche plus précaire puisque le lien avec l'entreprise maritime est interrompu entre les
embarquements, à l'expiration de leur temps de congés.
A la pêche, la profession est peu favorable à l'engagement de longue durée. Pourtant, dans la
pratique, certains marins, d'après les usages ou les accords, reçoivent un salaire dans l'intervalle des
campagnes 84. Le marin est lié au navire; souhaiter le lier non plus à ce dernier mais à la compagnie
maritime achèverait l'évolution que pour l'instant, le Code du travail maritime ne reconnaît pas 85.
Le marin fait partie de l'équipage depuis le moment où il est inscrit sur le rôle d'équipage jusqu'au
moment où il en est rayé, où le rôle est déposé et clôturé. Avant et après ce moment, il n'est plus au
service du navire.
C'est une idée traditionnelle de la marine que de payer le marin une fois le voyage terminé, et de
le laisser à cet instant reprendre sa liberté, si tel est son souhait. Cette situation est certes pas sans
inconvénient pour le marin - il ne perçoit pas de salaire entre deux embarquements - et elle paraît même
insupportable à la marine marchande. Le milieu de la pêche en revanche, surtout celui de la pêche
artisanale, reste encore soumis au poids des traditions. Les mentalités diffèrent et le marin n'est pas
opposé à cette autonomie dans le choix de son embarquement, de son employeur.
Des considérations d'ordre économiques empêchent d'ailleurs toute rémunération fixe dans un secteur
largement tributaire des quantités de poissons capturés, lesquels conditionnent le salaire du marin, à la
fin d'une période d'embarquement.
Pourtant, la situation du marin pêcheur artisan a évolué, ainsi que les mentalités dans un secteur
d'activités longtemps très individualiste. En effet, un accord collectif a été signé par les partenaires
sociaux du secteur, le 6 juillet 2000.
79- Convention collective du 30 septembre 1948 intervenue entre le CCAF et la Fédération nationale des officiers de la marine
marchande.
80- Convention du 30 septembre 1948, article8.
81- Convention du 30 septembre 1948, article 8, alinéa 5.
82- R. Roidère. Traité Général de Droit Maritime. R. Jambu-Merlin. Les gens de mer, n°106.
83- La stabilité de l'emploi consiste notamment dans l'attribution aux marins d'un pourcentage du salaire contractuel de leur fonction,
augmenté de l'indemnité de nourriture et des allocations familiales entre deux embarquements, et dans une priorité d'embarquement sur
les navires de la société."Les marins ont des obligations: ils doivent se tenir dans les 24 heures à la disposition de l'armement pour tout
embarquement et doivent accepter de servir sur tous les navires de la compagnie (...) d'être rappelés durant leurs congés lorsqu'ils ont pris
les 3/4 de ceux ci- moyennant un prévis de huit jours". Cours EAAM " Le droit du travail des gens de mer", p.28 à 29.
84- A la grande pêche, il existait des contrats inter-campagne. Cours EAAM; "Le droit de travail des gens de mer", p.30.
85- M.Guellec: Révision du Code du travail maritime. Il prévoyait le remplacement du marin au navire par un lien avec l'armateur.
Publication du secrétaire d'Etat à la mer du 26 octobre 1986.
22
Le lieu particulier où il exerce son activité est fondamental, mais il est à l'origine de nombreux
conflits de compétence entre le conseil de prud'hommes et le tribunal d'instance. Si l'article premier du
Code du travail maritime soumet à ses dispositions la matière des contrats d'engagement maritime,
c'est-à-dire la période pendant laquelle le marin est embarqué, l'article 4 impose cependant les
dispositions du Code du travail pour réglementer les services accomplis à terre par le marin. Un contrat
de louage de services succède en conséquence au contrat d'engagement maritime, car le navigant n'est
plus, dès lors, un marin à moins qu'il ne soit stabilisé...
La difficulté provient du fait qu'un litige naissant pendant l'embarquement du marin n'est porté à
la connaissance de l'autorité compétente qu'au moment où le navire rentre au port.
Mais dès ce moment, le marin débarque. Comment dans ces conditions apprécier la compétence
judiciaire ?
Attachés au métier, les gens de mer forment une communauté tout à fait originale. Ce sont les hommes
qui font le particularisme de ce milieu, et d'un métier soumis à des conditions spécifiques d'exercice.
B/ Les conditions d'accès à la profession.
Compte tenu des périls de la mer, des exigences de la sécurité des personnes, du navire et des
marchandises, quiconque ne peut devenir marin. La conclusion d'un contrat d'engagement maritime est
soumise à des conditions strictes. Les conditions d'accès à la profession de marin sont fixées par le
décret n°67-690 du 7 août 1967: aptitude physique (a.1), moralité (a.2), formation professionnelle ( b),
nationalité ( c) 19, mais avant de voir si le futur marin remplit les conditions d'accès à la profession, il
y a la phase préalable du recrutement (d).
L'accès à la profession de marin est réglementé par des conditions énumérées par le décret n°
67-690 du 7 août 1967 (Journal Officiel 13 Août 1967). Ce décret s'applique également dans les DOM
et à Saint-Pierre et Miquelon. Pour les autres TOM, les conditions sont fixées par le décret n° 61-639
du 11 avril 1961 (Journal Officiel 15 Avril 1961).
En dehors de ces règles spécifiques, la capacité de contracter est soumise aux règles de droit commun
(C. trav. mar., art. 7).
a) L'aptitude physique et morale
1/ L'aptitude physique
Pour pouvoir être inscrit au rôle d'équipage d'un navire français (hors TAAF et RIF), le marin
doit remplir les conditions d'aptitude physique prévues par décret et arrêté (D. n° 60-865, 6 août 1960 :
Journal Officiel 17 Août 1960 et A. min., 16 air. 1986 : Journal Officiel 4 Mai 1986, modifié par A.
min., 27 avr. 1990 : Journal Officiel 23 Mai 1990, A. min., 11 janv. 1991 : Journal Officiel 30 Janvier
1991 et 6 juill. 2000 : Journal Officiel 6 Décembre 2000). L'État entend ainsi protéger le marin ainsi
que les autres personnels à bord des risques de contagion ou de faiblesse. Tout marin dont les capacités
à la navigation ne seraient plus reconnues devra nécessairement se reconvertir professionnellement.
23
Ces conditions sont contrôlées lors d'une visite médicale obligatoire pour toute entrée dans la
profession, même pour les établissements scolaires maritimes.
En exigeant du marin des conditions physiques et de moralité, l'Etat assume ses fonctions de
prévention des troubles de l'ordre public et à la sécurité publique. Il protége la collectivité du bord, et le
marin de lui-même, vis-à-vis de des risques dus à la faiblesse ou à la contagion de l'un de ses membres.
L'activité maritime n'est pas ouverte aux travailleurs handicapés, qui ne peuvent devenir marins;
l'ensemble des emplois mobiles du transport échappe à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés
.L'inaptitude à la navigation conduit à une reconversion professionnelle. Toutefois, un marin, accidenté
du travail, subissant une incapacité permanente d'au moins 10%et titulaire d'une rente, bénéficie en cas
de licenciement d'un préavis doublé, selon l'article L323-7 du code du travail .
L'entrée dans la profession, même dans un établissement scolaire maritime, nécessite une visite
médicale auprès du médecin des gens de mer, la constitution d'un dossier médical d'immatriculation. La
conclusion d'un contrat d'engagement maritime, l'inscription au rôle de l'équipage doivent être
précédées de la constatation médicale de l'aptitude du marins. Depuis 1990, dans tout les cas où une
inaptitude totale à la navigation est constatée, lors d'une visite périodique, la commission régionale
d'aptitude physique est saisie et statue. Le contentieux de l'aptitude à la navigation est de la compétence
du juge administratif .
2/ La moralité
Le marin ne doit avoir subi aucune des condamnations dont l'énumération figure à l'article 4, 4° du
décret du 7 août 1967. Des dérogations peuvent néanmoins être accordées à titre individuel, par le
Ministre chargé de la marine marchande, après avis du juge d'application des peines.
Les conditions de moralité et physique remplient, le marin doit avoir une formation professionnelle qui
lui permettra d'accomplir à bien sa tâche sur le navire.
b) La formation professionnelle
La formation professionnelle est une exigence ancienne. Le texte en vigueur sur les conditions
de délivrance des titres de formation est le décret n° 99-439 du 25 mai 1999 modifié par le décret n°
2002-1283 du 18 octobre 2002 et par le décret n° 2005-366 du 19 avril 2005. Seuls les certificats,
brevets et attestations définis par ce texte pourront être délivrés. Des arrêtés d'application de ces textes
ont été pris en application, notamment pour l'obtention de titres équivalents. La matière fait l'objet
d'une réglementation abondante 86.
Les impératifs de formation professionnelle sont pris en compte tant au niveau international que
communautaire. L'OIT a fixé des normes minimales de formation pour les différents emplois à bord :
pour les officiers (Conv. n° 53) ou encore pour les matelots qualifiés (Conv. n° 74). Cependant, la
principale Convention internationale est la Convention STCW élaborée en 1978 dans le cadre de
l'Organisation maritime internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des
brevets et de veille.
86- V. par exemple : D. n° 2003-18, 3 janv. 2003 : Journal Officiel 7 Janvier 2003 : sur les qualification requises pour l'exercice des
fonctions principales au niveau d'appui à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance armés avec un rôle d'équipage ...
24
Sur le plan européen, des directives ont été adoptées : directives générales 87. sur la
reconnaissance des diplômes puis des textes spécifiques aux gens de mer avec la directive 2001/25/CE
du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le niveau minimal de formation des
gens de mer 88.
Une fois la formation acquise se pose alors le problème de nationalité des membres de l’équipage.
c) La nationalité
Pour des motifs stratégiques et de défense nationale, les pays maritimes ont imposé un privilège
de nationalité (1), contrepartie des obligations militaires spécifiques de leurs marins, une jurisprudence
s'est développée en la matière (2), selon le Code du travail maritime une réglementation spécifique est
applicable aux membres de l'équipage (3), les règles sont différentes pour les navires immatriculés dans
les TAAF (4), tandis que la loi du RIF en dispose autrement (5).
1/ Le privilège de nationalité
Le privilège de nationalité pour certains emplois à bord du navire est rapidement apparu comme
contraire au principe d'égalité et de non-discrimination des ressortissants communautaires, conséquence
du principe de la libre circulation des travailleurs. À bord des navires battant pavillon français, ce
privilège de nationalité ne subsiste que pour le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance 89.
Les autres ressortissants communautaires ne peuvent en aucune manière exercer ces fonctions, même
s'ils sont titulaires des brevets requis. Cette exception au principe d'égalité se justifie par les
prérogatives de puissance publique dont le capitaine du navire est investi. L'article 48, alinéa 4 du
Traité de Rome autorise une dérogation à l'égalité d'accès à l'emploi pour les fonctions dans
l'administration publique.
2/ La jurisprudence
L'exception autorisée par l'article 48 du traité de Rome a fait l'objet d'une interprétation restrictive par
la Cour de justice des communautés européennes, limitant la dérogation "à la condition que les
prérogatives de puissance publique attribuées aux capitaines et aux seconds de ces navires soient
effectivement exercées de façon habituelle et ne représentent pas une part réduite de leurs activités" 90.
La Cour de cassation (Cass. crim., 23 juin 2003 : DMF 2004, p. 1054, obs. P. Bonassies) a fait
application de cette nouvelle condition en cassant un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers qui avait
condamné un armateur pour absence de second de nationalité française.
Les juges d'appel s'étaient fondés sur les pouvoirs reconnus au capitaine en matière d'état civil, pour les
actes de naissance, de décès et de mariage et avaient ajouté que "pour faible qu'elle soit, la probabilité
de l'exercice par ces officiers de prérogatives de puissance publique ne saurait être écartée, vu les
circonstances exceptionnelles qui peuvent se présenter en mer".
87- V. par exemple : Cons. UE, dir. n° 89/48/CE, 21 déc. 1988 : JOCE n° L 19, 24 janv. 1989, p. 16)
88- JOCE n° L 136, 18 mai 2001) récemment modifiée 89.89(Cons. UE, dir. n° 2005/23/CE, 8 mars 2005 : JOCE n° L 62, 9 mars 2005.
89- C. trav. mar., art. ).
90- CJCE, 21 sept. 2003 : DMF 2003, p. 1035, obs. P. Bonassies. - P. Bonassies, La nationalité des capitaines de navire et la CJCE :
DMF 2003, p. 1027.
25
La Cour de cassation censure au motif que la dérogation prévue par l'article 49 du Traité
européen nécessite que les prérogatives de puissance publique soient appliquées de façon habituelle et
ne représentent pas une part réduite de l'activité du capitaine et de son second. Néanmoins, cette
solution n'est pas figée : il appartient désormais aux juridictions du fond de motiver leurs décisions en
faisant ressortir l'importance des prérogatives de puissance publique.
3/ Les membres de l'équipage
Les membres de l'équipage autres que le capitaine et son second doivent être ressortissants d'un
État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen
dans une proportion minimale fixée par arrêté du ministre chargé de la marine marchande, en fonction
des caractéristiques techniques des navires ou de leur mode d'exploitation (C. trav. mar., art. 3, al. 2).
Des dérogations (sauf pour le capitaine et son second) peuvent être accordées en métropole par
le directeur des affaires maritimes et, hors métropole, par l'autorité administrative compétente en
matière maritime. En outre, les nationaux des États ayant conclu des accords avec la France sur ce sujet
(exemple : Monaco et de nombreux États africains francophones), les apatrides et réfugiés politiques
bénéficient de dispositions favorables.
4/ Le TAAF
Les règles sont différentes pour les navires immatriculés dans les TAAF : si le capitaine et son
second doivent être français, il en va différemment pour l'équipage ; les autres marins embarqués
doivent être français dans une proportion minimale définie en fonction des caractéristiques techniques
des navires ou de leur mode d'exploitation, sous réserve d'une dérogation par accord entre le chef
d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise 91.
5/ Le RIF
La loi sur le RIF maintient le privilège du capitaine et son second qu'elle justifie par leur qualité de
garants de la sécurité du navire, de l'équipage et de la protection de l'environnement et de la sûreté 92.
La proportion minimale des membres de l'équipage ressortissants d'un État membre de l'Union
européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen est de 35 % calculés sur la
fiche d'effectif (et non sur l'effectif embarqué), ce chiffre étant ramené à 25 % pour les navires ne
bénéficiant pas ou plus du dispositif d'aide fiscale attribué au titre de leur acquisition (L. préc., art. 5).
Cette disposition a fait l'objet de nombreuses discussions lors du vote de la loi.
Le marin doit passer par l'étape du recrutement avant d'être engagé sur ce lieu de travail très particulier,
le navire.
91- L. n° 96-151, 26 févr. 1996, art. 26 : Journal Officiel 27 Février 1996, modifié par Ord. n° 2002-357, 14 mars 2002 : JORF 16 mars
2002.
92- L. n° 2005-412, art. 5 : JORF n° 103, 4 mai 2005, p. 7697.
26
d/ Le recrutement
Selon l'article 6 du code du travail maritime (1) le recrutement peut se faire soit par
l’embauchage directe (2), soit par le placement par entremise (3), quant au
RIF, lui connaît les entreprises de travail maritime (4), si le demandeur d'emploi est recruté, un contrat
de mise à disposition lui sera proposé (5), le principe de non discrimination s'applique au contrat
d'engagement maritime (6).
1/ L’article 6 du Code du travail maritime
Cet article précise que le placement s'effectue par embauche directe, par l'entremise des bureaux
paritaires de placement maritime organisé par décret ou par l'entremise des offices de renseignements
créés par les syndicats professionnels.
2/ l’embauchage directe
L'embauchage direct est la forme la plus répandue et en particulier à la pêche où les rapports
personnels et les liens familiaux sont d'une grande importance. L'armateur a toujours la liberté de
choisir le ou les équipages de ses navires. Cependant, cette embauche n'est guère réglementée par le
Code du travail maritime qui se contente de préciser que le marin ne peut s'engager que s'il est libre de
tout engagement maritime (C. trav. mar., art. 7).
3/ Le placement par entremise
Les bureaux paritaires de placement maritime n'ont jamais été créés. Néanmoins, en application
de l'Ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967 (Journal Officiel 19 Juillet 1967) créant l'Agence
nationale pour l'Emploi, des accords ont été conclus entre le Comité central des armateurs de France et
les fédérations d'officiers et de marins, portant création de bureaux de main d'oeuvre maritime pour
chacune des catégories de personnels navigants. Ces bureaux ont été réunis en un seul en 1969, le
Bureau central de la main d'oeuvre maritime (BCMOM), reconnu comme correspondant de l'Agence
nationale pour l'emploi. Ce Bureau tient une liste des marins disponibles à l'embarquement. Les
récépissés qu'il délivre permettent au marin de justifier de sa situation de demandeur d'emploi et
d'obtenir des indemnités de chômage.
4/ Le RIF et les entreprises de travail maritime
Si le Code du travail maritime ne connaît que l'embauche directe, la loi du 3 mai 2005 relative
au RIF reconnaît l'entreprise de travail maritime définie comme : "toute personne physique ou morale
dont l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des navigants qu'elle embauche en fonction de
leur qualification et rémunère à cet effet"93.
Il s'agit donc bien de travail intérimaire, l'entreprise de travail maritime ne se limitant pas à agir pour le
compte de l'armateur. La loi réglemente cette nouvelle activité en imposant que l'entreprise de travail
maritime soit agréée par les autorités de l'État où elle est installée.
93- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 4 : JORF 4 mai 2005, p. 7697.
27
À défaut d'existence d'une procédure d'agrément ou lorsque l'entreprise est installée dans un
État n'ayant pas ratifié la Convention n° 179 de l'OIT sur le recrutement et le placement des gens de
mer, l'armateur s'assure que l'entreprise de travail maritime en respecte les exigences. Néanmoins, la
France n'ayant pas mis en place une procédure d'agrément pour les entreprises maritimes, ces dernières
ne peuvent pour le moment s'établir en France.
5/ Le Contrat de mise à disposition
Les articles 14 et 15 de la loi du 3 mai 2005 réglementent le contrat de mise à disposition. Il
s'agit nécessairement d'un contrat écrit comportant des mentions obligatoires sur la rémunération, la
durée du contrat, l'emploi à bord, les conditions générales d'engagement et les conditions de la
protection sociale. Une copie du contrat doit être conservée à bord du navire.
Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie
à bord.
En cas de défaillance de l'entreprise de mise à disposition, l'armateur prend en charge le paiement des
frais de rapatriement ou des sommes dues au navigant et aux organismes d'assurance sociale (L. n°
2005-412, art. 21).
6/Le principe de non-discrimination
Le Code pénal et ses dispositions spécifiques aux règles de non-discrimination ont vocation à
s'appliquer au contrat d'engagement maritime. Constitue une discrimination toute distinction entre deux
personnes physiques fondées sur le sexe, l'origine, la situation de famille, l'état de santé, les moeurs, la
religion... (C. pén., art. 255-1).
Section 2 Les formalités du contrat d'engagement
maritime
A la différence du droit commun du contrat de travail, le contrat d'engagement maritime ne
peut être conclu dans les formes qu'il convient aux parties. Ce contrat, normalement depuis les
ordonnances de colbert, doit être écrit (§1).La convention n°22 de l'organisation internationale du
travail exige également un contrat rédigé par écrit .Il est nécessaire qu'il est une information orale et
écrite de ce contrat est soumis au contrôle préalable, au visa de l'administration des affaires
maritimes(§2).Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite de ce contrat d'engagement
maritime (§3).
28
§1/ Le formalisme civil
Il y a une exigence d'écrit et de mentions obligatoires ( A), en cas de non respect de ces
exigences, une sanction aura lieu ( B), le RIF quant à lui exige un formalisme plus conséquent ( C).
A/ Écrit et mentions obligatoires
Le contrat d'engagement doit être écrit et rédigé en termes clairs de nature à ne laisser aucun
doute aux parties sur leurs droits et obligations respectifs (C. trav. mar., art. 10-1).
Sa durée (C. trav. mar., art. 10-1), le contrat étant conclu pour une durée indéterminée, déterminée ou
pour un voyage, est une mention obligatoire. Dans les deux premiers cas, la durée du préavis applicable
en cas de résiliation est mentionnée. L'objet doit être précisé i.e. le service pour lequel le marin
s'engage et les fonctions qu'il doit exercer, le montant de ses rémunérations ou lorsque celles-ci
consistent en une part des produits de vente ou du chiffre d'affaires, la répartition du produit (C. trav.
mar., art. 11).
L'exigence d'un écrit se trouvait déjà dans les ordonnances royales, préparées par Colbert.
En cas de rémunération à la part, pratique ancienne, demeurée courante à la pêche artisanale, le contrat
écrit doit indiquer la liste des frais communs, la répartition des parts. Cette exigence de l'écrit peut être
simplifiée, puisque toutes les clauses et stipulations du contrat doivent être inscrites ou annexées au
rôle de l'équipage, d'après l'article 9 du Code du travail maritime. Le rôle ainsi complété pouvait tenir
lieu de contrat écrit. L'informatisation des rôles et des mouvements de personnel conduit à la
disparition des rôles en blanc et devrait réveiller l'exigence de contrats écrits, clairs et précis.
L'armateur ou le capitaine est tenu de faire connaître aux marins qui vont s'engager la
composition de l'équipage, les éléments servant de base au calcul de l'effectif; ces éléments doivent être
déclarés lors de la confection du rôle de l'équipage, à la suite des conditions d'engagement, selon
l'article 27 du Code du travail maritime.
B/ Les sanctions
Les clauses non écrites du contrat d'engagement maritime sont nulles; elles ne sont pas
opposables au marin. En l'absence de tout contrat écrit, le contrat d'engagement est nul. Pour la
jurisprudence, cette nullité de protection ne peut être invoquée que par le marin; le marin a le droit à la
rémunération des périodes travaillées, à l'indemnisation du préjudice subi. Parfois, la nullité du contrat
d'engagement, resté verbal, entraîne l'application du droit du travail terrestre.
C/ Les Formalisme et RIF
Les mentions obligatoires sont plus nombreuses. Outre la durée du contrat, l'emploi à bord, le
montant de la rémunération, le contrat précise les conditions de la protection sociale, la raison sociale
de l'employeur, la qualification professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du navire, son numéro
d'identification internationale, le port et la date d'embarquement. Des copies du contrat d'engagement
29
sont remises respectivement au marin et au capitaine (L. préc., art. 15).
Une fois le formalisme civil rempli, le contrat doit remplir les conditions du formalisme administratif.
§2/ Le formalisme administratif
Il faut un visa administratif, le contrat d'engagement maritime est visé par l'autorité chargée de
l'inspection de travail maritime (C. trav. mar., art. 13). L'inspection du travail maritime ne peut régler
les conditions de l'engagement mais elle a le droit de refuser son visa lorsque le contrat contient une
clause contraire aux dispositions législatives d'ordre public, les parties ne pouvant déroger au Code du
travail maritime que lorsque celui-ci le prévoit expressément (C. trav. mar., art. 133). Ce contrôle
constitue une simple vérification de la conformité du contrat. Le défaut de visa d'un contrat conforme
aux dispositions légales est sans conséquence sur sa qualification 94.
L'inspection du travail doit délivrer gratuitement au marin un livret professionnel sur lequel
figure son engagement maritime mais aucune appréciation des services rendus (C. trav. mar., art. 14).
Par la suite le contrat d'engagement doit remplir des conditions de publicité et d'information.
§3/ La publicité et information
Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite, l'autorité chargée de l'inspection du
travail maritime doit donner lecture des conditions générales d'engagement au marin au moment de
l'inscription au rôle d'équipage, disposition à caractère désuet. L'inscription doit mentionner le lieu et la
date d'embarquement (C. trav. mar., art. 12).
Toutes les clauses et stipulations du contrat d'engagement maritime doivent, à peine de nullité,
être inscrites ou annexées au rôle d'équipage (C. trav. mar., art. 9). Les dispositions légales et
réglementaires qui régissent le contrat d'engagement doivent se trouver à bord pour être communiquées
par le capitaine au marin, sur sa demande. Les conditions générales d'engagement sont affichées dans
les locaux d'équipage.
Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime
L'histoire sociale maritime paraissait suivre la lente disparition des contrats d'engagement
conclus au voyage, pour la durée d'une expédition. La durée du contrat dépendait traditionnellement de
la volonté des contractants, quant à la fixation du terme. Lorsque la durée du contrat n'était pas précisée
par les parties, la durée du rôle d'équipage la déterminait implicitement et automatiquement. Or, le rôle
d'équipage était visé et fixé pour chaque voyage, mis à part quelques dérogations 95. Les contrats sont
donc essentiellement conclus au voyage, même si Valin constatait, dés le XVIIe siècle l'abandon de la
rémunération forfaitaire au voyage au profit du salaire mensuel. La notion de
Le contrat à durée indéterminée n'est pas employée et le congédiement est conçu comme une rupture
unilatérale anticipée, intervenant avant l'échéance du terme normal.
94- Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-45.183, inédit.
95- D.Danjon, Traité de droit maritime, LGDJ, Paris, 1910, t I. n° 257, p 421 et n° 366, p 575.
30
Le développement de la navigation de ligne, des télécommunications, de la vitesse de
navigation, a conduit au renforcement de l'activité des services sédentaires des compagnies
d'armement, à la réduction du rôle du capitaine de navire, en matière sociale et commerciale. Le marin
n'est plus recruté par le capitaine et lié à un navire pour la durée d'un voyage. Dés la convention
collective nationale du 15 mars 1927, les marins de la marine marchande avaient obtenu le principe
d'une rémunération mensuelle fixe, pratique déjà largement répandue. Le principe d'une stabilisation
fut posé et négocié en 1936.
La seconde guerre mondiale accentua le déplacement des contrats au voyage vers un lien à durée
indéterminée. Par la suite, les contrats d'engagements à durée indéterminée deviennent le principe,
l’autre l’exception.
La durée du contrat d'engagement maritime peut être de durée indéterminée ( §1), le contrat
d'engagement peut être requalifié de CDD en CDI (§2), il peut être conclu pour une durée déterminée (
§3), le législateur a créé des contrats spécifiques (§4).
§1/ La durée indéterminée
Le contrat d'engagement maritime peut être à durée indéterminée depuis la modification de l'article 10-
1 du Code du travail maritime par l'ordonnance n° 82-267 du 25 mars 1982 (Journal Officiel 27 Mars
1982), le droit maritime s'alignant ainsi sur les mécanismes applicables au contrat de travail terrestre.
Le contrat doit préciser la durée du préavis à observer en cas de résiliation unilatérale par l'une des
parties.
§2/ La requalification de CDD en CDI
Si au terme d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat au voyage, un nouveau contrat est
conclu avec le marin avant l'expiration des congés et repos, ce nouveau contrat est à durée indéterminée
96. Lorsqu'un marin a été lié à un armateur par deux ou plusieurs contrats d'engagement successifs et
discontinus de quelque nature qu'ils soient pour au moins 18 mois de services dont neuf
d'embarquement effectif au cours d'une période de 27 mois comptée depuis le premier embarquement,
le nouveau contrat conclu avant l'expiration de cette période ne peut être qu'un contrat à durée
indéterminée (C. trav. mar., art. 10-6).
Cette requalification ne joue pas lorsque le marin rompt de manière anticipée ou ne renouvelle
pas son contrat à durée indéterminée comportant une clause de report du terme (C. trav. mar., art. 10-6,
al. 2). De même, elle sera écartée pour certains contrats énoncés à l'article 10-7 du Code du travail
maritime, parmi lesquels figurent notamment les emplois à caractère saisonnier, les compléments de
formation professionnelle, les contrats pour remplacer un marin temporairement absent ou dont le
contrat de travail a été suspendu. Le contrat sera néanmoins à durée indéterminée s'il ne comporte ni le
nom ni la qualification du marin remplacé 97. La requalification de contrats successifs à durée
déterminée ne peut résulter du fait que ces contrats ont eu pour objet de remplacer un salarié parti à la
retraite 98.
96- C. trav. mar., art. 10-5, pour un exemple jurisprudentiel : Cass. soc., 23 févr. 2000, n° 97-45.816, inédit. - CA Montpellier, 10 juill.
2002 : DMF 2003, p. 653, obs. P. Chaumette.
97- CA Rouen, 15 oct. 1997 : Juris-Data n° 1997-055972.
98- Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-45.183, préc. n° 47.
31
§3/ La durée déterminée
Que le contrat soit conclu pour une durée déterminée ou pour un voyage, son terme doit être
fixé : indication de la durée ou désignation du port où le voyage prendra fin tout en précisant à quel
moment des opérations commerciales et maritimes effectuées dans ce port le voyage sera réputé
accompli (C. trav. mar., art. 10-1). Si cette désignation est insuffisamment précise, une durée
maximale est précisée.
Le contrat peut ainsi être renouvelé une fois, avec cependant une durée maximale de 12 mois
d'embarquement effectif (C. trav. mar., art. 10-2), cette limite ne s'appliquant pas aux contrats
spécifiques visés à l'article 10-7 du Code du travail maritime.
Le recours à un contrat à durée déterminée est, comme en matière terrestre, encadré. Un délai
d'une période égale au tiers de la durée du contrat à durée déterminée doit être observé avant la
conclusion d'un nouveau contrat pour remplacer le marin dont le contrat a pris fin. Un tel contrat ne
peut être conclu en vue de remplacer un marin dont l'absence temporaire ou la suspension du contrat
résulterait d'un conflit collectif de travail 99.
§4/ Les contrats spécifiques
Le législateur a créé des contrats spécifiques tels le contrat de qualification maritime qui est un
contrat à durée déterminée (de 6 à 24 mois) s'adressant aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, pourvus
d'une formation maritime, n'ayant pas acquis de qualification professionnelle maritime ou ayant une
qualification ne leur permettant pas d'obtenir un emploi 100.
Ou encore, le contrat initiative emploi maritime qui bénéficie d'un régime dérogatoire du droit
commun, notamment pour le versement des contributions sociales 101.
Plus récemment, le décret n° 2005-146 du 16 février 2005. 102 a rendu applicable aux personnels
navigants des entreprises d'armement maritime le contrat de professionnalisation.
Une fois le contrat d'engagement conclu entre le marin et l'armateur, le contrat devra être
exécuté par les parties, créant des obligations pour ces deux derniers.
99- sur l'obligation de motiver le recours à un contrat à durée déterminée : CA Aix-en-Provence, 6 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-047247.
100- D. n° 94-595, 14 juill. 1994 : Journal Officiel 16 Juillet 1994.
101- D. n° 2002-400, 25 mars 2002 : Journal Officiel 27 Mars 2002, modifié par D. n° 2003-565, 27 juin 2003 : Journal Officiel 28 Juin
2003.
102- Journal Officiel 19 Février 2005.
32
CHAPITRE 2 LES PARTICULARITES DE
L'EXECUTION DU CONTRAT D'ENGAGEMENT
MARITIME
Le Code du Travail maritime prévoit dans ses titres III et IV respectivement les obligations du
marin envers l'armateur et réciproquement. Le marin a l'obligation d'accomplir son service dans les
conditions déterminées par le contrat et par les lois, règlements et usages en vigueur (C. trav. mar., art.
17). Quant à l'armateur, son obligation principale est la rémunération du marin. Cependant, il est des
situations où ces obligations sont suspendues : en cas de congés ou de maladie étant précisé que la mise
à terre ne constitue plus une cause de rupture du contrat.
L'exécution du contrat de travail, de la conclusion du contrat à sa rupture, met en jeu un
ensemble complexe de règles juridiques. La relation du travail est caractérisée par le mécanisme
contractuel, de l’échange synallagmatique des prestations réciproques entre les contractants,
l'interdépendance de l'obligation faite au salarié de fournir la prestation de travail et de l'obligation faite
à l'employeur de payer la rémunération.
Cette symétrie contractuelle n'est plus apte à elle seule à expliquer l'ensemble des règles applicables à
la relation de travail. Les dispositions législatives et réglementaires encadrent le champ contractuel
dans un statut du salarié qui met l'accent sur la subordination du travailleur, mais aussi la protection de
ses droits et libertés.
La relation de travail ne peut être limitée à cet aspect patrimonial du salaire contre du travail. Le
travail n'est pas une marchandise, mais le résultat de l'activité de la personne. L'ordre public veille à la
protection du marin, compte tenu des périls de la mer, cette sécurité du marin a été fortement prise en
compte par l'administration maritime.
De nos jours, la prise en compte de la personne du travailleur, de ses droits et libertés, justifie le
principe de non-discrimination, la protection de la vie privée, la limitation de la durée du travail, les
mécanismes de suspension de l'exécution du travail. La stabilité du lien contractuel est ainsi
fréquemment assurée par-delà certains arrêts de travail, dus à des causes diverses. Quant au marin, les
traditions imposaient une discipline professionnelle particulièrement stricte qui n'a pas entièrement
disparu.
L'étude de l'exécution du contrat d'engagement sera articulée autour de la réglementation du
travail des gens de mer à bord du navire ( section1), puis de la discipline ( section 2), de la
rémunération ( section 3), et enfin de la suspension ( section 4) .
33
Section 1 Les conditions de travail à bord des navires
Les règles du droit maritime se rapprochent de plus en plus des règles du droit terrestre. Le
décret du 7 juin 1999 porte constitution de l’inspection du travail maritime.
Comme leurs homologues à terre, les inspecteurs du travail maritime vérifient le respect de la
législation du travail maritime, et constatent le cas échéant, les infractions.
L’inspecteur du travail maritime exerce, sous l’autorité du ministre chargé de la marine marchande, ses
missions avec les mêmes prérogatives et les mêmes obligations que l’inspecteur du travail placé sous
l’autorité du ministre chargé du travail mentionné à l’article L. 611-1 du Code du travail.
Pourtant l’originalité du travail maritime a impliqué un très large débordement de la
réglementation de droit commun tant en ce qui concerne la durée du travail que l’organisation de celui-
ci. L'environnement dans lequel le contrat d'engagement maritime s'exécute requiert des dispositifs
spécifiques. Les dangers de la navigation maritime, la vie à bord du navire, les impératifs de sécurité
sont autant de facteurs qui ont amené le législateur à légiférer sur les conditions d'exécution du travail :
temps de travail, conditions matérielles et discipline à bord.
Le navire, cadre de travail et lieu de vie, nécessite une organisation adaptée à ses spécificités.
"C'est parce qu'il y a des marins, qu'il a des navires..., et des conditions de travail si particulières 103.
L’analyse des conditions de travail des gens de mer sera divisé autour du temps du travail (§ 1)
et des conditions matérielles particulières ( §2).
§1/ Le temps de travail
L'étude du temps de travail nécessite de voir l'organisation du travail (A), la durée du travail (B), les
heures supplémentaires (C), le repos (D), et l'astreinte (E).
A/ L’organisation du travail
Le travail s’effectue à bord d’un engin mobile, coupé de la terre ferme, confronté à l’élément marin, et
où l’espace disponible est limité : le navire.
Cette configuration particulière du lieu de travail explique le caractère primordial de la connaissance
par chaque membre de l’équipage de son rôle et de sa fonction a bord.
C’est au capitaine que revient la charge d’organiser le travail a bord (a). C’est à l’équipage que revient
la charge d’effectuer le travail nécessaire à l’exploitation du navire ; ceci explique la nécessité d’un
effectif en nombre et en qualité suffisant (b).
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Z le contrat d'engagement maritime

  • 1. UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III Centre de Droit Maritime et des Transports MEMOIRE LE CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Promotion 2007 Sous la direction de Maître Christian Scapel Par Wahiba SAHED. 1
  • 2. 2 REMERCIEMENTS Je remercie Monsieur Christian Scapel, mon directeur de mémoire, et le Professeur Pierre Bonassies, pour leur disponibilité et leur bienveillance. J’adresse également toute ma gratitude à l’ensemble de l’équipe enseignante du Centre de droit maritime et des transports, pour leur aide, et pour les connaissances aussi bien théoriques que pratiques qu’ils m’ont apporté tout au long de l’année.
  • 3. 3 SOMMAIRE 3 INTRODUCTION 4 Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL 12 Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement maritime 12 Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime 12 Section 2/ Les formalités du contrat d'engagement maritime 27 Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime 29 Chapitre 2 Les particularités de l'exécution du contrat d'engagement maritime 32 Section 1 Les conditions de travail à bord des navires 33 Section 2/ La discipline 56 Section 3/ La rémunération 56 Section 4 La suspension des obligations 63 Chapitre 3 Les dispositions spécifiques applicables au contrat d’engagement maritime du capitaine et du jeune marin 72 Section 1/ Les rapports professionnels et juridiques du capitaine et de l’armateur 72 Section 2/ Les dispositions spécifiques applicables aux mineurs 81 Partie 2 La fin du contrat d’engagement maritime 85 Chapitre 1 La rupture du contrat 85 Section 1/ Les dispositions communes à tous les contrats 89 Section 2 Les dispositions spécifiques aux contrats à durée indéterminée 92 Section 3 / Les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée 93 Section 4/ Les dispositions propres à certains contrats 93 Chapitre 2 Le contentieux relatif au contrat d'engagement maritime 95 Section 1/ Les compétence juridictionnelles 95 Section 2 La procédure 100 CONCLUSION 104 BIBLIOGRAPHIE 105
  • 4. 4 INTRODUCTION Il y a trois sortes d'hommes : "les vivants, les hommes et ceux qui vont en mer". C'est ainsi que PLATON définissait le genre humain. Le personnage du marin a nourri les imaginaires, apparaissant le plus souvent dans la littérature comme un être sans attache, dont la vie est dédiée à l'aventure. Cette image "romantique " du marin traversant les mers et les océans en quête de nouveaux mondes, tel un héros d'Hugo Pratt, a largement contribué au prestige de la navigation européenne. Au-delà des mythes, les marins ont surtout joué un rôle essentiel dans le développement économique et dans l'influence politique de l'Europe. Le marin est l'homme dont la profession est de naviguer sur la mer (Dictionnaire Le Robert).Certains travaillent dans la marine marchande d'autres, d'autres servent dans la marine de guerre, d'autres naviguent à la pêche. Le Contrat d'Engagement Maritime est aujourd'hui défini dans les termes suivant par l'article 1er de la loi du 13 décembre 1926 portant sur le Code du travail maritime :"tout contrat d'engagement conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime Trois conditions sont requises : * un contrat conclu avec un armateur ; * un contrat ayant pour objet un service à bord d'un navire en vue de son exploitation ; * un contrat exécuté à bord d'un navire français. En raison de ses spécificités, le Code du travail maritime n'a classiquement vocation à s'appliquer qu'aux seules périodes d'embarquement du marin. En dehors de celles-ci, le contrat de louage de services conclu entre un armateur ou son représentant et un marin est régi par les dispositions du Code du travail 1. Cette conception classique est aujourd'hui remise en cause : le contrat d'engagement maritime ne peut se réduire à un service à bord et doit couvrir également toutes les périodes consécutives au travail nautique telles que les suspensions de travail, les congés, les maladies. La jurisprudence a appréhendé cette nouvelle réalité : seules les périodes de travail à terre sont soumises au Code du travail 2. En conséquence, les litiges relatifs à des périodes consécutives à un travail à bord ou à des périodes de congés ou d'arrêts de travail relèvent du droit maritime 3. Le contrat d'engagement maritime est un contrat conclu entre un armateur et un marin. L'article 2 du Code du travail maritime définit l'armateur comme "tout particulier, toute société, tout service public, pour le compte desquels un navire est armé". Cette définition qui renvoie à la notion de navire n'est pas spécifique au travail maritime. L'armateur n'est pas nécessairement le propriétaire du navire, il est celui qui arme le navire 4. 1- C. trav. mar., art. 4. 2- Cass. soc., 27 juin 1973 : DMF 1974, p. 10, note R. Jambu-Merlin.. 3- Cass. soc., 14 janv. 1987 : Bull. civ. 1987, V, n° 24. - Cass. soc., 13 oct. 1988 : Bull. civ. 1988, V, n° 502. - Cass. soc., 12 janv. 1993 : JCP G 1993, II, 22185, note M. Pierchon ; Dr. soc. 1993, p. 444, note P. Chaumette. - Cass. soc., 5 janv. 1995 : DMF 1995, p. 740, obs. P. Chaumette. 4- L. 3 janv. 1969, art. 1er.
  • 5. 5 La définition de l'armateur est à relier avec les situations complexes qui peuvent surgir lors de l'exploitation des navires, notamment en cas d'affrètement. Il faut se référer aux solutions admises par le droit commun. Ainsi, en cas d'affrètement coque-nue, l'affréteur ayant l'obligation d'armer le navire et d'engager l'équipage, c'est lui qui aura la qualité d'armateur 5. Le contrat d'engagement maritime a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une exploitation maritime. L'article 1er du décret du 7 août 1967 6. confirme et précise cet objet en définissant la profession de marin comme visant "... toute personne engagée par un armateur ou embarquée pour son propre compte en vue d'accomplir à bord d'un navire français un emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire". La notion de service à bord suscite néanmoins des difficultés pour tous les personnels effectuant un service à bord mais concernant des prestations annexes. Comment définir l'emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire ? Le personnel hôtelier répond-il à ces critères ? La jurisprudence a tendance à refuser de qualifier de marin le personnel de service embarqué à bord d'un navire. Le personnel hôtelier à bord d'un transbordeur n'est pas soumis au Code du travail maritime 7. La Cour de cassation s'est récemment orientée vers une conception plus large en soumettant au droit maritime un éducateur employé à bord d'un navire 8. Ne sont pas soumises au Code du travail maritime les personnes embarquées occasionnellement à bord d'un navire pour effectuer des travaux ou essais 9. La loi du 3 mai 2005 portant création du RIF se réfère non pas à la notion de marin mais à celle de "navigant" qu'elle définit comme "toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire". Les travailleurs indépendants et les salariés sans lien avec ces fonctions ne sont pas soumis au régime spécifique prévu par la loi mais bénéficient néanmoins des dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports (L. préc., art. 3). La définition du navigant s'effectue donc selon des critères identiques à ceux du marin. Le navire constitue pour l'équipage un lieu de travail dont la fonction est de se déplacer, ce qui conduit à un isolement continu; il peut être défini comme une usine qui fonctionne constamment, jour et nuit, se déplace à une certaine distance de son lieu d'origine, et que son personnel ne peut quitter en dehors des heures de travail 10. Le bâtiment de mer, ou navire, constitue un lieu de travail mobile, dans un environnement mobile. Non seulement, les marins sont soumis aux périls de la mer, mais encore ils sont isolés, éloignés des secours. Du fait des dangers encourus, la sécurité constitue une exigence permanente, source de discipline et de solidarité. 5- V. I. Corbier, La notion juridique d'armateur : PUF, Paris, coll. Les grandes thèses du droit français, 1999. 6- D. n° 67-690, 7 août 1967 : Journal Officiel 13 Août 1967. 7- TGI Morlaix, 20 juill. 1995 : DMF 1995, p. 907, note J-P. Declercq confirmé par CA Rennes, 24 janv. 1998 : DMF 1998, p. 1018, obs. M. Morin . 8- Cass. soc., 28 nov. 2002, navire Le Gloazen : DMF 2003 p. 847 obs. P. Chaumette ; DMF 2004 HS n° 8, n° 38, p. 41, obs. P. Bonassies.. 9- Cass. soc., 22 juil. 1981, Le Tallec, Rev. Jur. Ouest, 1983, p. 28, note H. Blaise. 10- R.JAMBU-MERLIN, "Réflexions sur le droit social", DMF, 1961-131;"Les gens de mer", Traité de droit maritime, Paris,Dalloz, 1978,p317.
  • 6. 6 Ce qui caractérise les marins, c'est leur capacité de travailler et de vivre en mer. L'expédition maritime, commerciale ou de pêche, a nécessité un cadre juridique spécifique, concernant notamment les gens de mer. Les coutumes internationales du Moyen Âge déterminaient déjà la nourriture, l'accès aux soins en cas de maladie ou de blessures, le rapatriement, éventuellement le sort des marins en cas de capture par des pirates barbaresques et leur vente au marché des esclaves. L'historien Alain Cabantous a relevé le caractère étrange des gens de mer : "En faisant de leur principal instrument de travail, le bateau, un lieu de labeur, un lieu d'existence, un intermédiaire matériel et symbolique entre eux et le reste des hommes, les gens de mer étaient les seuls à entretenir une relation particulière et indispensable avec un espace que les autres ignoraient ou voulaient ignorer"11. Le droit social des gens de mer s'est ensuite constitué dans des cadres nationaux, au cours du XVIIe siècle. Les spécificités du droit du travail maritime se cristallisent autour du contrat écrit d'engagement maritime, issu du statut professionnel des marins 12. L'Etat, protecteur de ses intérêts et des gens de mer, a assumé une fonction tutélaire; il enregistre les marins, autrefois par l'inscription maritime, aujourd'hui par une immatriculation, reconnaît leur aptitude professionnelle; il vise les contrats d'engagement lors de l'établissement des rôles d'équipage, assure l'information préalable sur la durée et le contenu des contrats, contrôle leur légalité; il a mis en place une protection sociale spécifique, qui perdure en France dans le cadre de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM)13. Le contrat d'engagement maritime trouve sa source dans le Code du travail maritime, mis en place par la loi du 13 décembre 1926 14. , le Code du travail maritime demeure le coeur du droit du travail maritime. Ce code marque le particularisme du droit du travail maritime. Texte spécial, il déroge au régime général du droit social terrestre, conformément à l'article L. 742-1 du Code de travail. Aujourd'hui, l'autonomie du droit du travail maritime s'atténue, le droit du travail maritime n'étant plus autonome de l'évolution du Code du travail. Certaines dispositions du Code du travail s'appliquent directement ou indirectement par renvoi aux marins 15. D'autres sont rendues applicables aux marins par un texte particulier 16. Longtemps en avance sur la législation terrestre, "le droit du travail maritime traverse une profonde crise d'identité"17. Même s'il est fait abstraction de dispositions obsolètes 18. , de nombreuses dispositions du Code du travail maritime sont désormais éloignées des réalités maritimes : obligation de la lecture des conditions d'engagement au moment de l'inscription du marin au rôle d'équipage (C. trav. mar., art. 12). Le droit social maritime qui pendant longtemps a affiché un particularisme, s'aligne aujourd'hui sur le droit terrestre par l'oeuvre combinée du législateur et de la jurisprudence. 11- A.Cabantous, Les citoyens du large,Les identités maritimes en France (XVIIe-XIXe siècles),Aubier, coll "historique"Paris,1995. 12- D;DANJON, Traité de droit maritime, t,I,2ed,Sirey, Paris, 1926-M; Mollat, Histoire des pêches maritimes, Privat,Toulouse,1987 13- R.Jambu-Merlin, Les gens de mer, Traité général de droit maritime,Dalloz,Paris,1978. 14. Journal Officiel 15 Décembre 1926 15- ex. : C. trav., art. L. 141-16 ; C. trav., art. L. 322-44 ; C. trav., art. L. 511-1... 16- D. n° 95-912, 8 août 1995 : Journal Officiel 15 Août 1995 sur le travail maritime à temps partiel. 17- V. C. Eoche-Duval, op. cit., bibliographie. 18- C. trav. mar., art. 58 : relatif aux avances sur salaires pour les voiliers dépassant le Cap Horn ou le Cap de Bonne Espérance.
  • 7. 7 Dans le silence du législateur, les dispositions protectrices du salarié terrestre, sont-elles applicables au marin ? Un temps, la Cour de cassation a répondu négativement en confirmant le principe de l'autonomie du droit du travail maritime 19 . La Cour de renvoi n'avait cependant pas repris cette argumentation 20. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 7 mars 1997, inversé les rapports droit maritime droit terrestre : dans le silence du législateur, la loi nouvelle s'applique aux marins, sauf dispositions spécifiques du Code du travail maritime ou adaptations précises au Livre VII du Code du travail 21 . Cette jurisprudence a été confirmée 22. Il y a d'autres sources nationales, notamment des textes législatifs, à l'instar du Code du travail maritime, le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande a été instauré par une loi du 13 décembre 1926 23. Il constitue le deuxième pilier du dispositif d'ensemble mis en place à la suite de la Première guerre mondiale. Indépendamment de ces deux textes, d'autres codes contiennent des dispositions relatives au travail maritime : Code de commerce 24. , Code de l'organisation judiciaire 25. sans oublier les lois non codifiées : loi sur le congé parental d'éducation 26. , loi sur le contrat-initiative emploi 27. De nombreux décrets et arrêtés ont été adoptés dans des domaines les plus divers ayant des conséquences sur le droit du travail maritime. Parmi les plus récents, on peut citer le décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 sur la durée du travail des gens de mer (JORF 1er avr. 2005), l'arrêté du 20 mai 1999 (Journal Officiel 1er Juin 1999) créant une Commission nationale de l'emploi maritime appelée à donner son avis sur toutes questions intéressant la main d'œuvre maritime et notamment à examiner la situation et les perspectives de l'emploi maritime. L'article L. 742-2 du Code du travail rend applicables au personnel navigant de la marine marchande des dispositions relatives aux conventions et accords collectifs de travail prévus par le titre III du Livre 1er de ce code. Le législateur soumet ainsi les conventions collectives de travail terrestres et maritimes au même régime même si le décret n° 85-1256 du 4 novembre 1985 (Journal Officiel 30 Novembre 1985) a précisé les particularités maritimes. Les conventions et accords collectifs ont joué un rôle essentiel dans l'évolution du droit du travail maritime en France. Pour la marine de commerce, ces accords ont donné aux marins en bénéficiant un statut protecteur allant bien au-delà des dispositions du Code du travail maritime. En présence d'une convention collective complétant le régime légal, les juges veillent à appliquer le régime le plus favorable au marin 28. 19- Cass. soc., 12 janv. 1993, Port autonome Bordeaux c/ Vendier : DMF 1993, p. 165, note P. Chaumette. 20- CA Poitiers, Aud. sol., 23 nov. 1994 : Juris-Data n° 1994-053660 ; DMF 1995, p. 739, note P. Chaumette ; Dr. soc. 11 nov. 1995, 1, comm. C. Eoche-Duval. 21- Cass. ass. plén., 7 mars 1997 : DMF 1997, p. 337 concl. Y Chauvy ; Dr. soc. 1997, p. 424, obs. P. Chaumette ; JCP G 1997, II, 22863, note M. Pierchon. 22 - Cass. soc., 28 oct. 1997 : Dr. soc. 1998, p. 181, note P. Chaumette. 23- Journal Officiel 19 Décembre 1926. 24- C. com, art. 433-1 sur la prescription des actions en paiement des membres d'équipage... 25- COJ, art. R. 321-6 sur le tribunal d'instance et les contestations relatives au contrat d'engagement entre armateurs et marins. 26- L. n° 84-9, 4 janv. 1984, art. 7 : Journal Officiel 5 Janvier 1984. 27- L. n° 95-881, 4 août 1995 : Journal Officiel 5 Aout 1995. 28- Cass. soc., 7 avr. 1998, n° 95-41.652, inédit.
  • 8. 8 On peut citer à titre d'exemple la convention collective du 19 juillet 1947 conclue entre le Comité central des armateurs de France (CCAF) et la fédération nationale des syndicats maritimes, relative à la stabilité de l'emploi .... Plus récemment, un arrêté du 30 octobre 2003 (Journal Officiel 19 Novembre 2003) porte extension d'un accord national du 28 février 2003 pour l'application de la réduction du temps de travail et du SMIC dans le secteur de la pêche maritime hauturière. Le Code du travail maritime se réfère expressément aux usages parmi les éléments pouvant avoir des effets juridiques : C. trav. mar., art.15-2 (effets des contrats), C. trav. mar., art. 17 (accomplissement du service), C. trav. mar., art. 53 (parts de profit), C. trav. mar., art. 82 (indemnité de nourriture), C. trav. mar., art. 95 (indemnité de résiliation), C. trav. mar., art. 102-4 (sur la durée du délai-congé en cas de licenciement). Dans le domaine de la pêche, les usages, nombreux, varient suivant les ports. Enfin, la jurisprudence a souvent un rôle déterminant, notamment en matière de licenciement. Le droit communautaire constitue aujourd'hui une source non négligeable du droit du travail maritime. Les principes d'égalité et de non-discrimination des travailleurs ainsi que celui de la liberté d'établissement énoncés dans les Traités des États membres ont influencé le droit national, en particulier quant au privilège français de nationalité des marins .Le droit communautaire est également intervenu dans des domaines spécifiques au droit social maritime tel la formation des marins. En droit international, élaborées à l'initiative de l'Organisation internationale du Travail, de nombreuses conventions internationales concernant les gens de mer ont été ratifiées par la France. Elles ne jouent toutefois qu'un rôle mineur, leurs dispositions étant souvent moins contraignantes ou moins protectrices. La loi n° 2004-146 du 16 février 2004 (Journal Officiel 17 Février 2004) a ainsi autorisé la ratification de plusieurs conventions et protocole de l'OIT : 1 n° 163 sur le bien être des gens de mer, en mer et dans les ports ; 2 n° 164 sur la protection de la santé et des soins médicaux des gens de mer ; 3 n° 166 sur le rapatriement des marins ; 4 n° 178 sur l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer ; 5 n° 179 sur le recrutement et placement des gens de mer ; 6 n° 185 sur les pièces d'identité des gens de mer ; 7 n° 180 du 22 octobre 1996 sur la durée de travail et l'effectif des navires ; cette dernière ayant été ratifiée et publiée par un décret du 8 novembre 2004 (Journal Officiel 18 Novembre 2004). Ces conventions ont été publiées par des décrets du 11 mai 2005 29. Le contrat d'engagement maritime doit exécution à bord d'un navire français Selon le principe de la loi du pavillon , l'article 5 du Code du travail maritime réserve son application aux seuls contrats conclus pour tout service à accomplir à bord d'un navire français. Il ne s'applique pas aux marins engagés en France pour servir sur un navire étranger. La nationalité se détermine en fonction des critères retenus par le droit commun maritime, le lieu et le port d'immatriculation ayant toute leur importance. 29- D. n° 508 à 512 : JORF 20 mai 2005.
  • 9. 9 Le Code du travail maritime s'applique aux navires immatriculés en métropole et dans les départements d'outre-mer, avec quelques modifications sur les navires immatriculés à Saint-Pierre et Miquelon 30. , si leur jauge brute est égale ou supérieure à 10 tonneaux 31. Conformément à l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958, les lois édictées en France ne sont applicables dans les territoires d'outre-mer qu'en vertu d'une loi spéciale, principe confirmé par le nouvel article 72-3 de la Constitution 32. En l'absence d'une telle loi, le Code du travail maritime ne peut s'appliquer. Si la loi du 12 juillet 1966 a étendu à Wallis et Futuna le Code du travail, elle prévoit qu'un décret en Conseil d'État apportera les adaptations nécessaires. Or, ce décret n'a pas été promulgué, suite à l'annulation du décret du 20 mai 1987 33 . En l'absence du décret d'application, les navires immatriculés dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) relèvent des dispositions de la loi du 15 décembre 1952 instituant le Code du travail d'outre-mer 34. La Cour de cassation a récemment rappelé cette solution 35. , même si une juridiction du fond a abouti à une solution contraire en appliquant le Code du travail maritime à des marins embarqués sur un navire immatriculé à Wallis et Futuna 36. À noter cependant que la loi du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français 37. prévoit en son article 34 que dans les deux années suivant sa publication, les conditions d'immatriculation au registre des TAAF ne seront plus applicables aux navires de commerce. Ce sont ainsi les dispositions spécifiques au RIF qui s'appliqueront aux marins et non plus le Code du travail d'outre-mer. Le problème du régime applicable aux marins ne se posera plus que pour les navires de pêche ou de plaisance. Selon Convention de Rome du 19 juin 1980 et la loi d'autonomie, la loi du contrat de travail, inclus le contrat d'engagement maritime, est la loi des parties. Cette loi est indépendante de la loi du pavillon, la loi française s'applique donc à des pavillons non français si elle a été choisie par les parties 38. L'article 6 de la Convention de Rome pose des limites à la loi d'autonomie qui ne peut priver le travailleur des dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de cette Convention 39. 30 - D. 30 août 1936 : Journal Officiel 12 Septembre 1936. 31- L. n° 66-509, 12 juill. 1966 : Journal Officiel 13 Juillet 1966. 32- L. const. n° 2003-276, 28 mars 2003 : JORF n° 75, 29 mars 2003, p. 5568. 33- CE ass., 27 oct. 1995 : DMF 1995, p. 893, concl. M. Denis-Linton ; Dr. soc. 1995, p. 1006, obs. P. Chaumette. 34- L. n° 52-1322, 15 déc. 1952 : Journal Officiel 16 Décembre 1952. - CE, 9 févr. 2001 : DMF 2001, p. 399, obs. P. Chaumette ; DMF 2002, HS n° 6, n° 35 p. 34, obs. P. Bonassies. 35- Cass. soc., 18 juill. 2000 : JCP E 2000, p. 1740 ; DMF 2000, p. 892, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2000, p. 1043, obs. P. Chaumette. - Cass. soc., 18 déc. 2001 : DMF 2002, p. 235, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2002, p. 363, obs. P. Chaumette. - Cass. soc., 26 mars 2002 : Juris-Data n° 2002-013832. - Cass. soc., 11 déc. 2002, n° 01-12599. - Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-10680 et n° 01-10681, inédits. 36- CA Aix-en-Provence, 21 oct. 2003, Navire Paul Gauguin : DMF 2004, p. 906, obs. P. Chaumette ; DMF HS 2005, p. 52, n° 56, obs. P. Bonassies. 37- JORF n° 103, 4 mai 2005, p. 7697. 38- Cass. soc., 16 nov. 1993 : JCP E 1994, II, 613, note P. Pochet ; DMF 1994, p. 472, obs. P. Chaumette. 39- Cass. soc., 29 avr. 2003 : DMF 2004, p. 429 obs. P. Chaumette ; DMF juin 2005 HS n° 9, p. 53, n° 57, obs. P. Bonassies.
  • 10. 10 Les lois de police doivent également s'appliquer conformément aux principes généraux du droit international privé 40. À défaut de choix, la Convention de Rome pose trois critères de rattachement 41. : * la loi applicable au contrat de travail est la loi du pays où le travailleur exerce habituellement son travail ; * à défaut celle du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur "si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays" ; * en tout état de cause, ces deux critères de rattachement sont écartés s'il ressort des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays. Ces critères jouent pour le contrat d'engagement maritime sous réserve d'absence de loi d'autonomie des parties 42. Le droit international privé recourt à la fiction juridique selon laquelle le navire constitue une portion du territoire national. La loi du lieu d'exécution du contrat d'engagement maritime est la loi du pavillon. Cette même fiction s'applique en droit aérien, la loi de l'État d'immatriculation de l'aéronef régissant les contrats de travail 43. Cette fiction n'est pas sans critique lorsqu'il s'agit de pavillon de complaisance. Plus généralement, elle permet à l'armateur d'échapper à l'application de certaines lois, notamment l'application du Code du travail maritime. Il serait néanmoins possible de se fonder sur la notion de fraude à la loi pour écarter la loi du pavillon au profit de la loi du lieu d'embauche par exemple 44. La loi du pavillon est écartée en cas de mise à disposition d'un marin sur un navire, le marin restant soumis à la loi applicable à l'armement d'embauche 45. Les dispositions spécifiques au RIF sont différentes, la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 (Journal Officiel 4 Mai 2005) distingue selon que le personnel navigant réside en France ou non. Les premiers ne relèvent pas des dispositions spécifiques de la loi précitée. Les navires immatriculés au Registre International Français étant des navires français, la situation des marins relève donc exclusivement du Code du Travail maritime. En revanche, pour le personnel navigant résidant hors de France, il y a lieu d'appliquer les dispositions insérées au Titre II de la loi du 3 mai 2005. Au sujet de la loi d'autonomie, la loi du 3 mai 2005 reprend les principes du droit international privé. Pour les navigants résidant hors de France, les contrats d'engagement et le régime de protection sociale sont soumis à la loi d'autonomie (L. préc., art. 12). La loi d'autonomie connaît des limites. Outre l'application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la loi du 3 mai 2005 prévoit d'autres limites : les dispositions de la loi du 3 mai 2005, les dispositions plus favorables des conventions ou accords collectifs applicables aux non- résidents. 40- V. J-Cl. Droit international, Fasc. 573-10. 41- art. 6 § 2. 42- Cass. soc., 29 avr. 2003 : préc. n° 19. 43- Cass. soc., 6 nov. 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 75, note P. Lagarde. 44- V. J-Cl. Droit international, Fasc. 573-10, spéc. n° 41. - Ph. Coursier, op. cit., bibliographie. 45- T. Sup. d'appel de Saint-Pierre et Miquelon, 12 janv. 2005 : DMF 2005, p. 337, obs. P. Chaumette.
  • 11. 11 Les conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un navire immatriculé au RIF ne peuvent être moins favorables que celles résultant des conventions de l'OIT ratifiées par la France (L. préc., art. 13). Le lien juridique d'une nature originale ne peut être assimilé au contrat de travail terrestre,"même si le fossé psychologique qui le séparait du contrat d'engagement maritime" tend à se combler 46. . Les intervenants particuliers à ce contrats expliquent non seulement, son déroulement spécifique (partie 1) mais encore, les conditions de sa cessation (partie 2). 46- R.Jambu-Merlin, Réflexions sur le droit social maritime, DMF 1961,p131.
  • 12. 12 Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL "Tout contrat d'engagement conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime". Des conditions sont alors posées, tant pour la conclusion de ce contrat (Chapitre 1) que pour son exécution (Chapitre 2). Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement maritime Le contrat du travail terrestre a connu le contrat de louage de services, puis, vers la fin du XIXe siècle un nouveau terme est venu lui faire concurrence, celui contrat de travail. Le droit du travail maritime s'applique, quant à lui, au contrat d'engagement maritime. La terminologie suffit d'ailleurs à caractériser le particularisme de la relation contractuelle, comme le laisse apparaître, l'article 1 Code du travail maritime. Des conditions sont alors posée, tant pour la conclusion de ce contrat que pour son exécution. Le contrat est un contrat spécifique conclu entre un armateur et un marin (section 1), un formalisme particulier est obligatoire (section 2), ce contrat s'inscrit dans une durée (section 3). Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime Le contrat d'engagement maritime, soumis au Code du travail maritime. La finalité de l'expédition maritime dénote l'âge de la loi du 13 décembre 1926; elle renvoie au concept de navire, engin de navigation maritime. La définition du le contrat d'engagement est déterminée par les concepts de navire, de marin et d'armateur. Ce contrat a pour but la constitution d'un équipage. Le contrat d'engagement maritime, contrat individuel de travail, met en présence deux intervenants: l'armateur d'une part (§1), le marin d'autre part (§2).
  • 13. 13 §1 /Un contrat conclu avec un armateur Le contrat d'engagement maritime peut être conclu par un armateur, il convient de définir la notion d'armateur (A), le marin peut se trouver confronté à une situation particulière en cas de succession d'armateur (B), les sociétés de manning sont très présentes en tant que recruteurs mais pas en tant que partie au contrat (C). A/ La notion d'armateur Tout contrat d'engagement conclu entre un armateur, ou son représentant, et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir a bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime régi par les dispositions de la présente loi (C.trav.mr., art.1er). L'article 2 du Code du travail maritime définit l'armateur comme "tout particulier, toute société, tout service public, pour le compte desquels un navire est armé". Cette définition qui renvoie à la notion de navire n'est pas spécifique au travail maritime. L'armateur n'est pas nécessairement le propriétaire du navire, il est celui qui arme le navire (L. 3 janv. 1969, art. 1er). La définition de l'armateur est à relier avec les situations complexes qui peuvent surgir lors de l'exploitation des navires, notamment en cas d'affrètement. Il faut se référer aux solutions admises par le droit commun. Ainsi, en cas d'affrètement coque-nue, l'affréteur ayant l'obligation d'armer le navire et d'engager l'équipage, c'est lui qui aura la qualité d'armateur 47. Cette définition soulève quelques difficultés car l'armateur a trois visages:"il est à la fois celui qui possède, celui qui équipe et celui qui exploite le navire" 48. Son identification n'est donc pas toujours aisée. L'armateur est de moins en moins le propriétaire du navire. A la pêche artisanale cependant, armateurs et propriétaires se confondent en règle générale, mais l'on peut trouver des armements ayant la forme de société coopérative. A la pêche industrielle, le coût élevé d'exploitation des navires, devenus pour certains de véritables usines flottantes, ne peut plus être assumé par un seul individu. Des armements coopératifs et des sociétés anonymes ont fait leur apparition. L'armement au commerce, même de petit tonnage est quant à lui, le fait de groupements privés. Outre la copropriété 49. , d'autres formes d'exploitations sont possibles et "n'appellent aucune remarque, car aucune règle du droit des sociétés ne se trouve modifiée, lorsque a pour objet social l'exploitation commerciale des navires"50. B/ La succession d'armateur Le contrat d'engagement maritime est conclu avec l'armateur. Le Code du travail maritime prévoit les modifications survenant dans la situation juridique de l'armateur : en cas de succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats d'engagement maritime subsistent et s'imposent au nouvel armateur 51. 47- V. I. Corbier, La notion juridique d'armateur : PUF, Paris, coll. Les grandes thèses du droit français, 1999. 48- Mme Rémond Gouilloud, Droit maritime, éd Pédone n°219. 49- Rodiére E du Pontavice, n°245) 50- R Rodiére E du Pontavice, piéc n°245. 51- C. trav. mar., art. 102-8. - Cass. soc., 26 janv. 2005 : Juris-Data n° 2005-026716 ; DMF 2005, p. 426, obs. P. Chaumette.
  • 14. 14 L'armateur est aujourd’hui un financier très soucieux de maintenir sa position sur le marché international. Dans ce contexte, la position du marin devient inconfortable, et ses intérêts ne sont pas toujours préservés. Il convient de privilégier les rendements des navires. Cette situation n'est pas sans inquiéter les marins, comme en témoigne particulièrement la vente du navire et la cession de l'entreprise. La vente d'un navire implique en effet, le plus souvent, un changement dans la personne de l'armateur. Ce changement met-il fin au contrat d'engagement du marin? L'affirmer de façon catégorique impliquerait d'ignorer le lien du marin avec le navire. Ce lien est l'essence même du contrat d'engagement" qui a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire. Liés à ce dernier, les marins non stabilisés doivent être conservés par le nouveau propriétaire, sauf à ce que leur ancien armateur ne les licencie auparavant, auquel cas la loi du 18 mai 1977 s'applique, si les marins concernés entrent dans son champ d'application .En revanche, les marins stabilisés trouvent, en général, un nouvel embarquement sur un autre navire de la compagnie. Doit-on dans ces conditions affirmer que le lien du marin au navire n'est pas à l'avantage du marin? Rien n'est moins sûr. En effet, le marin stabilisé n'est pas toujours certain de trouver un nouvel embarquement sur un autre bâtiment de l'armement. La réduction de l'activité de l'entreprise est une cause de licenciement du marin stabilisé . L'activité du marin dépend du nombre de navires en service. La cession d'entreprise pose d'ailleurs un problème de nature identique en droit terrestre, car l'entreprise "est une entité organique dont relève le salarié membre et à laquelle il demeure lié en dépit des avatars juridiques pouvant affecter la forme de sa direction" . Le contrat de travail subsiste, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, entre le nouvel employeur et le nouveau personnel de l'entreprise ( Art L122-12 al 2 Code du travail). De la même façon, lié au navire, le marin ne doit pas être concerné par ce changement, d'autant plus que la loi du 18 mai 1977 a introduit les dispositions de l'article L122-12 du code du travail, dans le code du travail maritime. Désormais, tous les contrats d'engagement, ainsi que tous les contrats liant l'armateur au marin titularisé ou stabilisé dans leur emploi, subsistent (art 102-8 al 2 code de travail maritime) à moins que les licenciements n'aient lieu avant la cession... Faut il en conclure une perte d'identité du marin par rapport au salarié? Nullement car le fait pour le marin d'être lié au navire et non pas à l'armateur renforce la continuité des relations contractuelles, ou du moins n'est pas un obstacle à cette continuité. En droit terrestre la jurisprudence fait valoir la notion d'identité de l'emploi 52. Ceci ne se trouve pas en droit du travail maritime, car le marin est lié au navire pendant la durée de son embarquement, et le lieu de travail du marin retrouve ici toute son importance. C/ Les sociétés de manning Ces sociétés sont des bureaux de recrutement qui se chargent de recruter des marins pour le compte de l'armement. Même si elles prennent en charge la gestion et la rémunération des marins, elles ne sont que des intermédiaires et ne peuvent être assimilées à l'employeur du marin. Le Code du travail maritime ignore en effet le travail temporaire. Le droit maritime ne connaît donc pour le moment que l'embauche directe. 52- Soc 15 fév. 1978, Bull civ. V n°105 p 77 soc 15 juin 1978 ,JCP 1978.
  • 15. 15 §2/ Un contrat conclu avec un Marin Des règles générales sont applicables à l'équipages ( A), et l'accès à la profession est particulièrement réglementé( B). A/ Les règles générales applicables à l'équipage Dans son article 3, le code du travail maritime définit comme "marin quiconque s'engage envers l'armateur ou son représentant pour servir à bord d'un navire". Le code du travail maritime fait ainsi référence au marin embarqué (a).Mais le marin n'est pas toujours embarqué. De ce fait, sa situation entre deux embarquements est plus originale (b). a/Le marin embarqué Le marin travail à bord d'un navire. Il y occupe un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire. Cette énumération recouvre les divers aspects du travail maritime (1), qui ne suffisent cependant pas à définir le marin. Il lui faut être, de plus, engagé par un armateur sauf s'il travaille pour son propre compte (2). 1/ Le travail maritime L'article 1er du décret du 7 août 1967 donne une définition du travail maritime. En conséquence, l'équipage d'un navire doit comprendre des marins professionnels, salariés, qui réunissent les conditions particulières d'un emploi en milieu maritime. Le service à bord couvre des spécialités diverses telles que le pont, la machine, le service général (ADSG), et concerne les marins du commerce comme ceux de la pêche. Aussi, certaines catégories de personnes travaillent en mer, à bord des navires, ne sont-elles pas concernées par ces dispositions, parce qu'elles n'occupent pas à bord un emploi relatif à la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire, ou parce qu'elles n'ont pas été engagées directement par l'armateur. Elles peuvent être par exemple des ingénieurs des télécommunications....Ce sont des personnels salariés, non marins. Il leur manque, entre autre, la permanence de l'emploi à bord du navire. Le travail maritime suppose en effet, un embarquement habituel. Ce caractère est constaté par l'inscription sur le rôle d'équipage. Ce titre de navigation constate les conditions d'engagement du marin, et tout navire pratiquant une navigation maritime avec à son bord des marins affiliés à l'ENIM doit en être pourvu. Des dérogations sont toutefois accordées par le ministre chargé de la marine marchande aux bâtiments fluviaux dont la construction et l'équipement sont jugés suffisants pour accéder, en passant par la mer à des ports maritimes sans être pourvus de rôle d'équipage. C'est le cas de la navigation entre Port Saint Louis du Rhône et Marseille 53, en Seine, en aval de Rouen. La navigation maritime effectuée, de commerce ou de pêche, est déterminante pour l'obtention du rôle d'équipage 54. La situation de l'aquaculteur apparaît ici tout à fait singulière. 53- Cours EAAM. Le navire, p.45.
  • 16. 16 L'aquaculture recouvre l'ensemble des activités de culture et d'élevage d'organismes aquatiques, végétaux ou animaux 55. Il y a donc aquaculture chaque fois que l'homme intervient sur la vie de l'organisme, par opposition à la pêche, dans laquelle l'intervention humaine est réduite à la capture ou à la mort de l'animal. Il convient de distinguer la conchyliculture (l'élevage des huîtres et des moules), et l'aquaculture dite nouvelle (l'élevage de saumons, turbots etc...); il n'existe pas de statut juridique uniforme de l'aquaculture, ni de structure juridique conçue pour l'exploitation d'une entreprise aquacole type. La structure juridique découle du choix opéré par l'aquaculteur pour se rattacher à un statut connu, comme celui de l'agriculture ou de la pêche maritime 56. En effet, l'aquaculture et la pêche sont deux métiers différents 57. Selon l'emplacement géographique de l'exploitation, la configuration de la côte; l'aquaculteur devra emprunter une embarcation afin d'exploiter sa parcelle: c'est l'utilisation du navire qui constituedans la profession d'aquaculteur la frontière Entre deux régimes sociaux, celui du marin d'une part, de l'agriculteur, d'autre part. En effet, sont considérées comme pratiquant une navigation de pêche, les embarcations affectées à l'exploitation des parcelles concédées sur le domaine public maritime. Il faut que cette exploitation nécessite une navigation totale d'au moins trois milles aller - retour 58. Les personnes embarquées sont considérées comme des marins et soumises au Code du travail maritime. Mais il convient de préciser les conditions d'exercice de cette activité. En d'autres termes, la qualité de conchyliculteur marin, ne peut être reconnue à l'intéressé, s'il n'occupe pas à bord un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire 59. Les exploitants ou les salariés de la conchyliculture qui n'utilisent une embarcation que comme un moyen de transport pour se rendre sur les parcs, ne sont ainsi que de simples passagers. Si l'on excepte la situation particulière de l'aquaculteur 60, un embarquement occasionnel ne peut entraîner la qualité de marin, laquelle nécessite la permanence d'un service à bord. Ce service à bord, est d'ailleurs lui-même imposé par le code du travail maritime 61 et peut revêtir des aspects différents. Certes, il comprend tout d'abord ce que le Code, mais aussi le fonctionnement du navire exigent du marin, c'est à dire "un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire" 62. Il comprend également un certain nombre d'emplois distincts de ceux accomplis normalement par le marin, notamment, ceux tenus à bord des car-ferries 63. 55- Lucien Laubier, les cultures marines en France et le droit, publication du CNEXO, 1983, n°11, Avant-propos. 56- M. Le Roy, les structures juridiques de l'exploitation. Les cultures marines en France et le droit, Publication du CNEXO, n° 11 préc., p.135. 57- J. Weber, économiste 'iFremer. Propos tenus dans le journal Le Marin, 22 septembre 1989, p.39. 58- Loi du 30 décembre 1966 modifiée par la loi du 25 octobre 1972. La loi du 1er avril 1942, relative aux titres de navigation, considère ces embarcations comme des navires (article 5 alinée 8). 59- Décret du 7 août 1967, article 1er préc. 60- Les aquaculterus représentent d'ailleurs un faible pourcentage dans la population maritime embarquée. 61- Articles 1er et 3 du Code du travail maritime. 62- Décret du 7 août 1967, article 1er. 63- Les ferries battant pavillon français relèvent de trois compagnies: la BAI, l'armement Naval SNCF, devenu la société nouvelle d'Armement Transmanche (SNAT) à compter du 1er juin 1990, aujourd'hui Seafrance, et la Société Nationale Maritime Corse- Méditérannée.
  • 17. 17 L'ensemble du personnel embarqué n'est d'ailleurs pas dans une situation identique. Il est peut être souhaitable de différencier d'une part, les officiers et le personnel d'exécution, qui assurent la conduite, la marche, l'exploitation du bâtiment, qui sont des marins soumis à ce titre aux dispositions du Code du travail maritime, et d'autre part, certaines catégories de personnel embarqué par exemple, les vendeurs de parfums, de souvenirs, à propos desquels il est permis de s'interroger. Sont-ils des marins au sens du Code du travail maritime? Il est vrai que le problème se posait surtout à bord des paquebots. Les traversées nécessitaient l'emploi d'un personnel de spécialités diverses: artistes, coiffeurs, photographes, guignolistes... Ils ne sont ni des passagers ni des salariés directs de l'armateur. Le contrat qui est à la base de leur engagement n'est pas un contrat d'engagement maritime, et le Code du travail maritime ne leur est pas applicable 64, car ils n'ont pas le statut de marin. Aujourd'hui, les compagnies de ferries ont pris le relais, s'agissant de l'emploi de ce type de personnel navigant. Leur situation semble comparable à celle du travailleur placé par une société de travail temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice. Le personnel hôtelier ne se voit donc pas reconnaître la qualité de marin. Il convient cependant de nuancer le propos, car une compagnie de ferries -la Brittanny Ferries- 65 a semblé redonner une actualité à ce problème 66. Le personnel hôtelier devait conformément à l'accord signé par un syndicat, la CFDT, et la BAI, se voir reconnaître la qualité de salarié affilié au régime général. En effet, depuis 1984, ce personnel, bien qu'étant embarqué n'a pas la qualité de marin. Il n'est pas soumis au code du travail maritime. Il est Salarié de la société Serestel 67, cotise à la sécurité sociale et non à l'ENIM. Or le syndicat des marins CGT a souhaité intenter une action en nullité de cet accord et il appartenait au tribunal 68 de résoudre le problème de savoir si le personnel concerné par cet accord avait ou non le statut de marin et devait bénéficier des dispositions du Code du travail maritime. Les juges n'ont pas reconnu à ce personnel la qualité de marin, car la présence à bord relève non de l'exploitation maritime, mais de facilités qui ne sont pas indispensables à l'exploitation du navire. Or cet élément est considéré à l'article premier du décret du 7 août 1967 comme conférant la qualité de marin. Sur appel, la Cour de Rennes 69 a confirmé le jugement du TGI de Morlaix. L'emploi de ce personnel servant à agrémenter la vie des passagers, est régi non par un contrat d'engagement maritime, mais par un contrat d'entreprise qui ne concerne pas la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire au sens maritime du terme. Pour refuser la qualité de marin au personnel hôtelier, les juges retiennent le fait qu'il exerce à bord des fonctions qui ne relèvent pas du statut de marin. De façon générale, la situation de cette catégorie de personnel n'est guère aisée à cerner. 64- Cours EAAM. LE travail maritime, p.3. 65- La Brittany Ferries assure des liaisons transmanche Bretagne-Irlande. 66- Négociations à la Brittany Ferries, Ouest-France, 5 février 1990. 67- La société Serestel embouche le personnel hôtelier, qui exerce son activité à bord des ferries. 68- TGI Morlaix, 20 juillet 1995, DMF 1995, p.907 69- Rennes, 27 janvier 1998, DMF 1998, p.1018.
  • 18. 18 On peut d'ailleurs également évoquer le cas similaire du vendeur de parfums, de souvenirs. Madame Rémond-Gouilloud 70 fait référence au "concessionnaire de l'échoppe de souvenirs" qu'elle qualifie de marin. Pourtant, très souvent, la direction des compagnies impose aux barmen l'occupation de ce poste. Il n'y a donc pas de vendeurs indépendants à bord. Il convient alors d'évoquer deux situations: dans un cas ces vendeurs font partie du personnel hôtelier intérimaire, non salarié de l'armement, non marin, ils sont à ce titre soumis au droit commun. Dans un autre cas, ils font partie des saisonniers embarqués par l'armement, rémunérés par lui, considérés alors comme des marins. A ce titre, l'Armement Naval SNCF aujourd'hui Seafrance 71 emploie généralement des saisonniers sous contrat à durée déterminée. Ce sont des marins 72. Il faut convenir que la situation de ces personnels embarqués est particulière. Pour les autres catégories de personnel embarqué, une activité à bord ne peut suffire pour les qualifier de marins 73. Il faut convenir que la situation de ces personnels embarqués est particulière. Pour les autres catégories de personnel embarqué, une activité à bord ne peut suffire pour les qualifier de marin. L'article 3 du Code du travail impose d'ailleurs une condition supplémentaire. LA COUR D'APPEL DE RENNES a estimé que le personnel du service général d'un navire, personnel hôtelier de ferries, qui n'a pas conclu de contrat d'engagement maritime avec l'armateur, ne participe pas à son exploitation au sens maritime du terme, n'est pas marin( CA Rennes, 24 janv. 1998, DMF 1998, 1018, obs. M. Morin Cependant, la Cour de cassation a privilégié une conception large du marin, concernant un éducateur spécialisé, recruté pour encadrer les enfants à bord d'un navire Cass. soc., 28 nov.2002, n° 00-12.365, voilier le Go-zen, Bull. civ. V, n°360; DMF 2003, p.847-853, obs. P. Chaumette. La loi n°97-1051 du 18 novembre 1997 s'est efforcée d'harmoniser le secteur des cultures marines, qui représente 8 000 entreprises, et où se rencontre une dualité des régimes sociaux, maritime ou agricole, applicable aux salariés. Sont étendues aux marins salariés des entreprises de cultures marines les dispositions relatives au repos compensateur, dans un souci de parité avec les entreprises agricoles (C.trav.mar., art.26-2 _ C. rur. 993 et 993-1). Les salariés des entreprises de culture marine bénéficient du repos hebdomadaire dans les mêmes conditions que les salariés des entreprises agricoles (C.trav.mar., art.28-1 _ C. rur. art. 997). Le législateur a privilégié l'unité du statut du marin, que l'armateur soit une personne privée ou publique. Dès lors un agent du ministère des Transports, capitaine de baliseur , n'est pas un fonctionnaire , ni un contractuel de droit public, mais un contractuel de droit maritime; en cas de litige avec son employeur, le service des phares et des balises du ministère des transports, le contentieux relèvera en première instance d' tribunal de commerce pour le capitaine et du tribunal d'instance pour les autres membres de l'équipage (P.Chaumette, "La retraite des marins: l'application du droit commun", comm. de cassation soc;,28 oct.1997,2 arrêts, Rouxel et le Douarin,Dr.soc.1998,p181-184). 70- Mme Rémond-Gouilloud, Droit Maritime, éd.Pedone, p.98. 71- Cette compagnie assure les liaisons transmanche entre les ports du Havre à Dunkerque et les ports de Grande-Bretagne. 72- Les protocoles d'accord en vigueur prévoient leurs conditions de travail et de rémunération. Par exemple, l'accord particulier signé en novembre 1980, renouvelable par tacite reconduction, signé par les syndicats (CGT-CFDT) et l'Armement Naval SNCF désormais Seafrance, fixe une organisation du travail avec une base de 24 heures de présence effective à bord et 48 heures de repos à terre. 73- Le contrat d'engagement maritime, ou CEM
  • 19. 19 La spécificité de la relation de travail maritime, vis-à-vis d'un autre rapport de travail, se situe concrètement dans un travail à bord d'un navire, en vue d'une navigation maritime, puis essentiellement dans les particularités d'un contrat d'engagement maritime. Mais celui ci a imperceptiblement changé de nature depuis le code de travail maritime de 1926, passant du modèle du contrat de voyage, un contrat d'embarquement, au modèle du contrat de travail. Le système de la presse ne fournissait pas à la Marine Royale des équipages de qualités. Colbert mit en place en 1668, le système des classes et l'administration de l'inscription maritime, chargée de l'affectation des marins, de la gestion des rôles, du paiement des soldes, du contrôle de la formation et de l'exécution des contrats d'engagements maritime, de la tenue des comptes des marins servant au commerce. L'Etat prête ses inscrits maritimes aux armateurs, en quelque sorte. La caisse des invalides de la marine est créée en 1673, verse une demi-solde militaire aux marins blessés en service, aux marins blessés en service, aux marins âgés; cette pension fut étendue aux marins de commerce en 1709, puis aux marins pêcheurs en 1823.L'ordonnance de 1681 réglemente l'engagement et les loyers des marins, détermine les obligations de l'armateur, en cas de blessure ou de maladie au service du navire. Le droit social maritime apparaît hors structures corporatives, de l'initiative et sous la tutelle de l'Etat. Il met en place les premiers éléments de protection sociale. Le marin relève surtout d'un statut professionnel, puis ensuite d'un contrat d'engagement le liant à un armateur. . 2/ Le lien juridique avec l'armateur Le marin doit s'engager envers l'armateur ou son représentant. Ce lien est fondamental pour le marin: il est créateur de droits et d'obligations pour les parties. Le contrat d'engagement maritime ou, à la pêche côtière, à la petite pêche, l'inscription sur le rôle , certifie que l'activité maritime a un caractère professionnel: le marin est un marin professionnel. Le lien avec l'armateur peut d'ailleurs être de durée variable. Le contrat peut être conclu au voyage, à durée déterminée... La vie du marin se déroule au rythme des embarquements, sui le soumettent périodiquement aux dispositions du Code du travail maritime. En effet, lorsque le marin est à terre, les dispositions de ce Code lui sont plus applicables 74. Il importe donc, que le service soit accompli à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime. Le lieu du travail est, à cet égard fondamental. La définition du marin professionnel résulte du caractère indissociable de trois critères: le premier est un engagement envers un armateur, le deuxième est un service à accomplir à bord et le troisième est le navire. Et il n'est pas possible de privilégier l'un ni l'autre. Doit on considérer que, si l'un de ces critères n'est pas respecté, la qualité du marin disparaît? Une réponse négative s'impose. En effet, une telle lecture des textes entraînerait un schéma simplificateur très éloigné de la réalité maritime. Aussi, l'article premier du décret du 7 août 1967 nous apporte-t-il une première exception, en envisageant le cas du marin embarqué pour son propre compte. On peut être marin, au sens du Code du travail maritime, sans avoir d'employeur. 74- Il demeure cependant un marin pour l'ENIM.
  • 20. 20 C'est le cas de l'artisan-pêcheur lorsqu'il est propriétaire embarqué, du capitaine-armateur au commerce. L'inscription sur le rôle d'équipage vaut dans cette constatation de l'acte des services du marin. Le cas des goémoniers est également intéressant. Ils utilisent un bateau pour récolter en mer des algues marines. Ils sont des marins à la condition qu'ils tirent de cette activité leur principal moyen d'existence. Il leur est délivré un rôle d'équipage et la navigation est prise en compte pour le droit à la pension 75. La seconde exception concerne le lieu du travail du marin. Normalement, il est indispensable que le marin travaille à bord d'un navire et que ce dernier pratique une navigation maritime. Pourtant, tous les navires en construction sont au fur et à mesure de l'avancement des travaux, pourvus d'un rôle de pré-armement qui constate les services des marins embarqués. Le marin est, en conséquence, l'individu qui navigue ou, du moins, qui est destiné à le faire. Ceci explique le fait qu'en dehors d'une période d'embarquement un navigant puisse conserver sa qualité de marin, qui peut non seulement se prolonger au-delà du débarquement, mais encore prendre naissance antérieurement à toute navigation maritime. b/ Le marin en dehors d'une période d'embarquement Selon l'article 4 du Code du travail maritime "le contrat de louage de services est régi en dehors des périodes d'embarquement du marin par les dispositions du code du travail". Cette disposition semble ainsi exclure la qualification de marin lorsque l'intéressé se trouve à terre. Pourtant, la stabilisation ou la titularisation du marin tempère ces dispositions puisqu'elle entraîne le maintien de la qualité de marin professionnel entre deux périodes d'embarquements. L'alternance - terre-mer - du travail est parfois source de difficultés. La détermination de la compétence judiciaire peut être délicate. Selon M. Jambu-Merlin 76, la navigation maritime a acquis une stabilité qu'elle n'avait pas autrefois, stabilité qui s'est transmise dans une large mesure au marin lui-même. IL poursuit en affirmant que le matelot de jadis, qui mettait sac à terre à la fin du voyage en attendant qu'un nouveau capitaine, complétant son équipage, vienne l'embaucher à l'auberge, a fait place au marin embarqué pour des mois ou des années sur des bâtiments qui assurent des lignes régulières. .C'est la convention collective nationale du 19 juillet 1947 33 qui matérialisa en France une tendance qui s'affirmait déjà depuis 1944: en effet, la charte internationale des gens de mer dans ses articles,77 et suivants exprimait "un désir de Stabilité professionnelle" 78. La stabilisation offre certaines garanties au marin: elle lui permet de bénéficier d'une priorité d'embarquement à l'intérieur de la compagnie. Il faut cependant, à une stabilisation du personnel, certaines conditions que précise la convention collective du 19 juillet 1947 à son article cinq 79. Les marins doivent notamment avoir 21 ans révolus et totaliser deux ans de navigation au commerce, être reconnus physiquement aptes à la navigation. 75- Article L.2 du code des pensions de retraite des marins. 76- Jambu-Merlin, Réflexions sur le droit social maritime,DMF 1961, p.131. 77- Convention collective nationale du 19 juillet 1947 relative à la stabilité de l'emploi. 78- R. Rodière, Traité Général de Droit Maritime, R. Jambu-Merlin, les gens de mer, n°102. 79 - La convention collective du 19 Juillet 1947 a été conclue entre le CCAF et la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT. Elle s'applique à toutes les entreprises de navigation armant ou gérant plus d'un navire, à l'exception de celles ne possédant que des navires de moins de 250 tonneaux de jauge brute et aux entreprises de remorquage (article 1er).La recommandation n°154 (1976) du Bureau International du Travail va dans ce sens, s'agissant de garantir un emploi continu ou régulier au marin.
  • 21. 21 La convention collective du 30 septembre 1948 concerne les officiers et les dispositions particulières traitent des conditions de titularisation de ces derniers 79. Il leur faut avoir accompli un stage comportant douze mois d'embarquement effectif sur un navire armé 80. Tout officier titularisé dans l'entreprise, qui aura accompli une fonction pendant une durée totale de deux années sera stabilisé dans cette fonction 81. "La titularisation a des effets beaucoup plus étendus que la stabilisation des marins. Il n'est pas question, pour l'officier titulaire, d'inactivité, ou de demi-solde, ou de travail à terre"82. Le marin stabilisé 83, ou titularisé puis stabilisé, est dans une situation très proche de celle du salarié terrestre. Le contrat d'engagement ne prend pas fin par son débarquement. Sa situation apparaît tout à fait singulière, car embarqué ou en dehors d'une période d'embarquement, le marin stabilisé reste un marin et est à ce titre, soumis au Code du travail maritime. Il est assuré de la permanence de don emploi et de sa qualité de marin professionnel. La situation des autres marins est en revanche plus précaire puisque le lien avec l'entreprise maritime est interrompu entre les embarquements, à l'expiration de leur temps de congés. A la pêche, la profession est peu favorable à l'engagement de longue durée. Pourtant, dans la pratique, certains marins, d'après les usages ou les accords, reçoivent un salaire dans l'intervalle des campagnes 84. Le marin est lié au navire; souhaiter le lier non plus à ce dernier mais à la compagnie maritime achèverait l'évolution que pour l'instant, le Code du travail maritime ne reconnaît pas 85. Le marin fait partie de l'équipage depuis le moment où il est inscrit sur le rôle d'équipage jusqu'au moment où il en est rayé, où le rôle est déposé et clôturé. Avant et après ce moment, il n'est plus au service du navire. C'est une idée traditionnelle de la marine que de payer le marin une fois le voyage terminé, et de le laisser à cet instant reprendre sa liberté, si tel est son souhait. Cette situation est certes pas sans inconvénient pour le marin - il ne perçoit pas de salaire entre deux embarquements - et elle paraît même insupportable à la marine marchande. Le milieu de la pêche en revanche, surtout celui de la pêche artisanale, reste encore soumis au poids des traditions. Les mentalités diffèrent et le marin n'est pas opposé à cette autonomie dans le choix de son embarquement, de son employeur. Des considérations d'ordre économiques empêchent d'ailleurs toute rémunération fixe dans un secteur largement tributaire des quantités de poissons capturés, lesquels conditionnent le salaire du marin, à la fin d'une période d'embarquement. Pourtant, la situation du marin pêcheur artisan a évolué, ainsi que les mentalités dans un secteur d'activités longtemps très individualiste. En effet, un accord collectif a été signé par les partenaires sociaux du secteur, le 6 juillet 2000. 79- Convention collective du 30 septembre 1948 intervenue entre le CCAF et la Fédération nationale des officiers de la marine marchande. 80- Convention du 30 septembre 1948, article8. 81- Convention du 30 septembre 1948, article 8, alinéa 5. 82- R. Roidère. Traité Général de Droit Maritime. R. Jambu-Merlin. Les gens de mer, n°106. 83- La stabilité de l'emploi consiste notamment dans l'attribution aux marins d'un pourcentage du salaire contractuel de leur fonction, augmenté de l'indemnité de nourriture et des allocations familiales entre deux embarquements, et dans une priorité d'embarquement sur les navires de la société."Les marins ont des obligations: ils doivent se tenir dans les 24 heures à la disposition de l'armement pour tout embarquement et doivent accepter de servir sur tous les navires de la compagnie (...) d'être rappelés durant leurs congés lorsqu'ils ont pris les 3/4 de ceux ci- moyennant un prévis de huit jours". Cours EAAM " Le droit du travail des gens de mer", p.28 à 29. 84- A la grande pêche, il existait des contrats inter-campagne. Cours EAAM; "Le droit de travail des gens de mer", p.30. 85- M.Guellec: Révision du Code du travail maritime. Il prévoyait le remplacement du marin au navire par un lien avec l'armateur. Publication du secrétaire d'Etat à la mer du 26 octobre 1986.
  • 22. 22 Le lieu particulier où il exerce son activité est fondamental, mais il est à l'origine de nombreux conflits de compétence entre le conseil de prud'hommes et le tribunal d'instance. Si l'article premier du Code du travail maritime soumet à ses dispositions la matière des contrats d'engagement maritime, c'est-à-dire la période pendant laquelle le marin est embarqué, l'article 4 impose cependant les dispositions du Code du travail pour réglementer les services accomplis à terre par le marin. Un contrat de louage de services succède en conséquence au contrat d'engagement maritime, car le navigant n'est plus, dès lors, un marin à moins qu'il ne soit stabilisé... La difficulté provient du fait qu'un litige naissant pendant l'embarquement du marin n'est porté à la connaissance de l'autorité compétente qu'au moment où le navire rentre au port. Mais dès ce moment, le marin débarque. Comment dans ces conditions apprécier la compétence judiciaire ? Attachés au métier, les gens de mer forment une communauté tout à fait originale. Ce sont les hommes qui font le particularisme de ce milieu, et d'un métier soumis à des conditions spécifiques d'exercice. B/ Les conditions d'accès à la profession. Compte tenu des périls de la mer, des exigences de la sécurité des personnes, du navire et des marchandises, quiconque ne peut devenir marin. La conclusion d'un contrat d'engagement maritime est soumise à des conditions strictes. Les conditions d'accès à la profession de marin sont fixées par le décret n°67-690 du 7 août 1967: aptitude physique (a.1), moralité (a.2), formation professionnelle ( b), nationalité ( c) 19, mais avant de voir si le futur marin remplit les conditions d'accès à la profession, il y a la phase préalable du recrutement (d). L'accès à la profession de marin est réglementé par des conditions énumérées par le décret n° 67-690 du 7 août 1967 (Journal Officiel 13 Août 1967). Ce décret s'applique également dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon. Pour les autres TOM, les conditions sont fixées par le décret n° 61-639 du 11 avril 1961 (Journal Officiel 15 Avril 1961). En dehors de ces règles spécifiques, la capacité de contracter est soumise aux règles de droit commun (C. trav. mar., art. 7). a) L'aptitude physique et morale 1/ L'aptitude physique Pour pouvoir être inscrit au rôle d'équipage d'un navire français (hors TAAF et RIF), le marin doit remplir les conditions d'aptitude physique prévues par décret et arrêté (D. n° 60-865, 6 août 1960 : Journal Officiel 17 Août 1960 et A. min., 16 air. 1986 : Journal Officiel 4 Mai 1986, modifié par A. min., 27 avr. 1990 : Journal Officiel 23 Mai 1990, A. min., 11 janv. 1991 : Journal Officiel 30 Janvier 1991 et 6 juill. 2000 : Journal Officiel 6 Décembre 2000). L'État entend ainsi protéger le marin ainsi que les autres personnels à bord des risques de contagion ou de faiblesse. Tout marin dont les capacités à la navigation ne seraient plus reconnues devra nécessairement se reconvertir professionnellement.
  • 23. 23 Ces conditions sont contrôlées lors d'une visite médicale obligatoire pour toute entrée dans la profession, même pour les établissements scolaires maritimes. En exigeant du marin des conditions physiques et de moralité, l'Etat assume ses fonctions de prévention des troubles de l'ordre public et à la sécurité publique. Il protége la collectivité du bord, et le marin de lui-même, vis-à-vis de des risques dus à la faiblesse ou à la contagion de l'un de ses membres. L'activité maritime n'est pas ouverte aux travailleurs handicapés, qui ne peuvent devenir marins; l'ensemble des emplois mobiles du transport échappe à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés .L'inaptitude à la navigation conduit à une reconversion professionnelle. Toutefois, un marin, accidenté du travail, subissant une incapacité permanente d'au moins 10%et titulaire d'une rente, bénéficie en cas de licenciement d'un préavis doublé, selon l'article L323-7 du code du travail . L'entrée dans la profession, même dans un établissement scolaire maritime, nécessite une visite médicale auprès du médecin des gens de mer, la constitution d'un dossier médical d'immatriculation. La conclusion d'un contrat d'engagement maritime, l'inscription au rôle de l'équipage doivent être précédées de la constatation médicale de l'aptitude du marins. Depuis 1990, dans tout les cas où une inaptitude totale à la navigation est constatée, lors d'une visite périodique, la commission régionale d'aptitude physique est saisie et statue. Le contentieux de l'aptitude à la navigation est de la compétence du juge administratif . 2/ La moralité Le marin ne doit avoir subi aucune des condamnations dont l'énumération figure à l'article 4, 4° du décret du 7 août 1967. Des dérogations peuvent néanmoins être accordées à titre individuel, par le Ministre chargé de la marine marchande, après avis du juge d'application des peines. Les conditions de moralité et physique remplient, le marin doit avoir une formation professionnelle qui lui permettra d'accomplir à bien sa tâche sur le navire. b) La formation professionnelle La formation professionnelle est une exigence ancienne. Le texte en vigueur sur les conditions de délivrance des titres de formation est le décret n° 99-439 du 25 mai 1999 modifié par le décret n° 2002-1283 du 18 octobre 2002 et par le décret n° 2005-366 du 19 avril 2005. Seuls les certificats, brevets et attestations définis par ce texte pourront être délivrés. Des arrêtés d'application de ces textes ont été pris en application, notamment pour l'obtention de titres équivalents. La matière fait l'objet d'une réglementation abondante 86. Les impératifs de formation professionnelle sont pris en compte tant au niveau international que communautaire. L'OIT a fixé des normes minimales de formation pour les différents emplois à bord : pour les officiers (Conv. n° 53) ou encore pour les matelots qualifiés (Conv. n° 74). Cependant, la principale Convention internationale est la Convention STCW élaborée en 1978 dans le cadre de l'Organisation maritime internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille. 86- V. par exemple : D. n° 2003-18, 3 janv. 2003 : Journal Officiel 7 Janvier 2003 : sur les qualification requises pour l'exercice des fonctions principales au niveau d'appui à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance armés avec un rôle d'équipage ...
  • 24. 24 Sur le plan européen, des directives ont été adoptées : directives générales 87. sur la reconnaissance des diplômes puis des textes spécifiques aux gens de mer avec la directive 2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le niveau minimal de formation des gens de mer 88. Une fois la formation acquise se pose alors le problème de nationalité des membres de l’équipage. c) La nationalité Pour des motifs stratégiques et de défense nationale, les pays maritimes ont imposé un privilège de nationalité (1), contrepartie des obligations militaires spécifiques de leurs marins, une jurisprudence s'est développée en la matière (2), selon le Code du travail maritime une réglementation spécifique est applicable aux membres de l'équipage (3), les règles sont différentes pour les navires immatriculés dans les TAAF (4), tandis que la loi du RIF en dispose autrement (5). 1/ Le privilège de nationalité Le privilège de nationalité pour certains emplois à bord du navire est rapidement apparu comme contraire au principe d'égalité et de non-discrimination des ressortissants communautaires, conséquence du principe de la libre circulation des travailleurs. À bord des navires battant pavillon français, ce privilège de nationalité ne subsiste que pour le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance 89. Les autres ressortissants communautaires ne peuvent en aucune manière exercer ces fonctions, même s'ils sont titulaires des brevets requis. Cette exception au principe d'égalité se justifie par les prérogatives de puissance publique dont le capitaine du navire est investi. L'article 48, alinéa 4 du Traité de Rome autorise une dérogation à l'égalité d'accès à l'emploi pour les fonctions dans l'administration publique. 2/ La jurisprudence L'exception autorisée par l'article 48 du traité de Rome a fait l'objet d'une interprétation restrictive par la Cour de justice des communautés européennes, limitant la dérogation "à la condition que les prérogatives de puissance publique attribuées aux capitaines et aux seconds de ces navires soient effectivement exercées de façon habituelle et ne représentent pas une part réduite de leurs activités" 90. La Cour de cassation (Cass. crim., 23 juin 2003 : DMF 2004, p. 1054, obs. P. Bonassies) a fait application de cette nouvelle condition en cassant un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers qui avait condamné un armateur pour absence de second de nationalité française. Les juges d'appel s'étaient fondés sur les pouvoirs reconnus au capitaine en matière d'état civil, pour les actes de naissance, de décès et de mariage et avaient ajouté que "pour faible qu'elle soit, la probabilité de l'exercice par ces officiers de prérogatives de puissance publique ne saurait être écartée, vu les circonstances exceptionnelles qui peuvent se présenter en mer". 87- V. par exemple : Cons. UE, dir. n° 89/48/CE, 21 déc. 1988 : JOCE n° L 19, 24 janv. 1989, p. 16) 88- JOCE n° L 136, 18 mai 2001) récemment modifiée 89.89(Cons. UE, dir. n° 2005/23/CE, 8 mars 2005 : JOCE n° L 62, 9 mars 2005. 89- C. trav. mar., art. ). 90- CJCE, 21 sept. 2003 : DMF 2003, p. 1035, obs. P. Bonassies. - P. Bonassies, La nationalité des capitaines de navire et la CJCE : DMF 2003, p. 1027.
  • 25. 25 La Cour de cassation censure au motif que la dérogation prévue par l'article 49 du Traité européen nécessite que les prérogatives de puissance publique soient appliquées de façon habituelle et ne représentent pas une part réduite de l'activité du capitaine et de son second. Néanmoins, cette solution n'est pas figée : il appartient désormais aux juridictions du fond de motiver leurs décisions en faisant ressortir l'importance des prérogatives de puissance publique. 3/ Les membres de l'équipage Les membres de l'équipage autres que le capitaine et son second doivent être ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen dans une proportion minimale fixée par arrêté du ministre chargé de la marine marchande, en fonction des caractéristiques techniques des navires ou de leur mode d'exploitation (C. trav. mar., art. 3, al. 2). Des dérogations (sauf pour le capitaine et son second) peuvent être accordées en métropole par le directeur des affaires maritimes et, hors métropole, par l'autorité administrative compétente en matière maritime. En outre, les nationaux des États ayant conclu des accords avec la France sur ce sujet (exemple : Monaco et de nombreux États africains francophones), les apatrides et réfugiés politiques bénéficient de dispositions favorables. 4/ Le TAAF Les règles sont différentes pour les navires immatriculés dans les TAAF : si le capitaine et son second doivent être français, il en va différemment pour l'équipage ; les autres marins embarqués doivent être français dans une proportion minimale définie en fonction des caractéristiques techniques des navires ou de leur mode d'exploitation, sous réserve d'une dérogation par accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise 91. 5/ Le RIF La loi sur le RIF maintient le privilège du capitaine et son second qu'elle justifie par leur qualité de garants de la sécurité du navire, de l'équipage et de la protection de l'environnement et de la sûreté 92. La proportion minimale des membres de l'équipage ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen est de 35 % calculés sur la fiche d'effectif (et non sur l'effectif embarqué), ce chiffre étant ramené à 25 % pour les navires ne bénéficiant pas ou plus du dispositif d'aide fiscale attribué au titre de leur acquisition (L. préc., art. 5). Cette disposition a fait l'objet de nombreuses discussions lors du vote de la loi. Le marin doit passer par l'étape du recrutement avant d'être engagé sur ce lieu de travail très particulier, le navire. 91- L. n° 96-151, 26 févr. 1996, art. 26 : Journal Officiel 27 Février 1996, modifié par Ord. n° 2002-357, 14 mars 2002 : JORF 16 mars 2002. 92- L. n° 2005-412, art. 5 : JORF n° 103, 4 mai 2005, p. 7697.
  • 26. 26 d/ Le recrutement Selon l'article 6 du code du travail maritime (1) le recrutement peut se faire soit par l’embauchage directe (2), soit par le placement par entremise (3), quant au RIF, lui connaît les entreprises de travail maritime (4), si le demandeur d'emploi est recruté, un contrat de mise à disposition lui sera proposé (5), le principe de non discrimination s'applique au contrat d'engagement maritime (6). 1/ L’article 6 du Code du travail maritime Cet article précise que le placement s'effectue par embauche directe, par l'entremise des bureaux paritaires de placement maritime organisé par décret ou par l'entremise des offices de renseignements créés par les syndicats professionnels. 2/ l’embauchage directe L'embauchage direct est la forme la plus répandue et en particulier à la pêche où les rapports personnels et les liens familiaux sont d'une grande importance. L'armateur a toujours la liberté de choisir le ou les équipages de ses navires. Cependant, cette embauche n'est guère réglementée par le Code du travail maritime qui se contente de préciser que le marin ne peut s'engager que s'il est libre de tout engagement maritime (C. trav. mar., art. 7). 3/ Le placement par entremise Les bureaux paritaires de placement maritime n'ont jamais été créés. Néanmoins, en application de l'Ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967 (Journal Officiel 19 Juillet 1967) créant l'Agence nationale pour l'Emploi, des accords ont été conclus entre le Comité central des armateurs de France et les fédérations d'officiers et de marins, portant création de bureaux de main d'oeuvre maritime pour chacune des catégories de personnels navigants. Ces bureaux ont été réunis en un seul en 1969, le Bureau central de la main d'oeuvre maritime (BCMOM), reconnu comme correspondant de l'Agence nationale pour l'emploi. Ce Bureau tient une liste des marins disponibles à l'embarquement. Les récépissés qu'il délivre permettent au marin de justifier de sa situation de demandeur d'emploi et d'obtenir des indemnités de chômage. 4/ Le RIF et les entreprises de travail maritime Si le Code du travail maritime ne connaît que l'embauche directe, la loi du 3 mai 2005 relative au RIF reconnaît l'entreprise de travail maritime définie comme : "toute personne physique ou morale dont l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des navigants qu'elle embauche en fonction de leur qualification et rémunère à cet effet"93. Il s'agit donc bien de travail intérimaire, l'entreprise de travail maritime ne se limitant pas à agir pour le compte de l'armateur. La loi réglemente cette nouvelle activité en imposant que l'entreprise de travail maritime soit agréée par les autorités de l'État où elle est installée. 93- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 4 : JORF 4 mai 2005, p. 7697.
  • 27. 27 À défaut d'existence d'une procédure d'agrément ou lorsque l'entreprise est installée dans un État n'ayant pas ratifié la Convention n° 179 de l'OIT sur le recrutement et le placement des gens de mer, l'armateur s'assure que l'entreprise de travail maritime en respecte les exigences. Néanmoins, la France n'ayant pas mis en place une procédure d'agrément pour les entreprises maritimes, ces dernières ne peuvent pour le moment s'établir en France. 5/ Le Contrat de mise à disposition Les articles 14 et 15 de la loi du 3 mai 2005 réglementent le contrat de mise à disposition. Il s'agit nécessairement d'un contrat écrit comportant des mentions obligatoires sur la rémunération, la durée du contrat, l'emploi à bord, les conditions générales d'engagement et les conditions de la protection sociale. Une copie du contrat doit être conservée à bord du navire. Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord. En cas de défaillance de l'entreprise de mise à disposition, l'armateur prend en charge le paiement des frais de rapatriement ou des sommes dues au navigant et aux organismes d'assurance sociale (L. n° 2005-412, art. 21). 6/Le principe de non-discrimination Le Code pénal et ses dispositions spécifiques aux règles de non-discrimination ont vocation à s'appliquer au contrat d'engagement maritime. Constitue une discrimination toute distinction entre deux personnes physiques fondées sur le sexe, l'origine, la situation de famille, l'état de santé, les moeurs, la religion... (C. pén., art. 255-1). Section 2 Les formalités du contrat d'engagement maritime A la différence du droit commun du contrat de travail, le contrat d'engagement maritime ne peut être conclu dans les formes qu'il convient aux parties. Ce contrat, normalement depuis les ordonnances de colbert, doit être écrit (§1).La convention n°22 de l'organisation internationale du travail exige également un contrat rédigé par écrit .Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite de ce contrat est soumis au contrôle préalable, au visa de l'administration des affaires maritimes(§2).Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite de ce contrat d'engagement maritime (§3).
  • 28. 28 §1/ Le formalisme civil Il y a une exigence d'écrit et de mentions obligatoires ( A), en cas de non respect de ces exigences, une sanction aura lieu ( B), le RIF quant à lui exige un formalisme plus conséquent ( C). A/ Écrit et mentions obligatoires Le contrat d'engagement doit être écrit et rédigé en termes clairs de nature à ne laisser aucun doute aux parties sur leurs droits et obligations respectifs (C. trav. mar., art. 10-1). Sa durée (C. trav. mar., art. 10-1), le contrat étant conclu pour une durée indéterminée, déterminée ou pour un voyage, est une mention obligatoire. Dans les deux premiers cas, la durée du préavis applicable en cas de résiliation est mentionnée. L'objet doit être précisé i.e. le service pour lequel le marin s'engage et les fonctions qu'il doit exercer, le montant de ses rémunérations ou lorsque celles-ci consistent en une part des produits de vente ou du chiffre d'affaires, la répartition du produit (C. trav. mar., art. 11). L'exigence d'un écrit se trouvait déjà dans les ordonnances royales, préparées par Colbert. En cas de rémunération à la part, pratique ancienne, demeurée courante à la pêche artisanale, le contrat écrit doit indiquer la liste des frais communs, la répartition des parts. Cette exigence de l'écrit peut être simplifiée, puisque toutes les clauses et stipulations du contrat doivent être inscrites ou annexées au rôle de l'équipage, d'après l'article 9 du Code du travail maritime. Le rôle ainsi complété pouvait tenir lieu de contrat écrit. L'informatisation des rôles et des mouvements de personnel conduit à la disparition des rôles en blanc et devrait réveiller l'exigence de contrats écrits, clairs et précis. L'armateur ou le capitaine est tenu de faire connaître aux marins qui vont s'engager la composition de l'équipage, les éléments servant de base au calcul de l'effectif; ces éléments doivent être déclarés lors de la confection du rôle de l'équipage, à la suite des conditions d'engagement, selon l'article 27 du Code du travail maritime. B/ Les sanctions Les clauses non écrites du contrat d'engagement maritime sont nulles; elles ne sont pas opposables au marin. En l'absence de tout contrat écrit, le contrat d'engagement est nul. Pour la jurisprudence, cette nullité de protection ne peut être invoquée que par le marin; le marin a le droit à la rémunération des périodes travaillées, à l'indemnisation du préjudice subi. Parfois, la nullité du contrat d'engagement, resté verbal, entraîne l'application du droit du travail terrestre. C/ Les Formalisme et RIF Les mentions obligatoires sont plus nombreuses. Outre la durée du contrat, l'emploi à bord, le montant de la rémunération, le contrat précise les conditions de la protection sociale, la raison sociale de l'employeur, la qualification professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du navire, son numéro d'identification internationale, le port et la date d'embarquement. Des copies du contrat d'engagement
  • 29. 29 sont remises respectivement au marin et au capitaine (L. préc., art. 15). Une fois le formalisme civil rempli, le contrat doit remplir les conditions du formalisme administratif. §2/ Le formalisme administratif Il faut un visa administratif, le contrat d'engagement maritime est visé par l'autorité chargée de l'inspection de travail maritime (C. trav. mar., art. 13). L'inspection du travail maritime ne peut régler les conditions de l'engagement mais elle a le droit de refuser son visa lorsque le contrat contient une clause contraire aux dispositions législatives d'ordre public, les parties ne pouvant déroger au Code du travail maritime que lorsque celui-ci le prévoit expressément (C. trav. mar., art. 133). Ce contrôle constitue une simple vérification de la conformité du contrat. Le défaut de visa d'un contrat conforme aux dispositions légales est sans conséquence sur sa qualification 94. L'inspection du travail doit délivrer gratuitement au marin un livret professionnel sur lequel figure son engagement maritime mais aucune appréciation des services rendus (C. trav. mar., art. 14). Par la suite le contrat d'engagement doit remplir des conditions de publicité et d'information. §3/ La publicité et information Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite, l'autorité chargée de l'inspection du travail maritime doit donner lecture des conditions générales d'engagement au marin au moment de l'inscription au rôle d'équipage, disposition à caractère désuet. L'inscription doit mentionner le lieu et la date d'embarquement (C. trav. mar., art. 12). Toutes les clauses et stipulations du contrat d'engagement maritime doivent, à peine de nullité, être inscrites ou annexées au rôle d'équipage (C. trav. mar., art. 9). Les dispositions légales et réglementaires qui régissent le contrat d'engagement doivent se trouver à bord pour être communiquées par le capitaine au marin, sur sa demande. Les conditions générales d'engagement sont affichées dans les locaux d'équipage. Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime L'histoire sociale maritime paraissait suivre la lente disparition des contrats d'engagement conclus au voyage, pour la durée d'une expédition. La durée du contrat dépendait traditionnellement de la volonté des contractants, quant à la fixation du terme. Lorsque la durée du contrat n'était pas précisée par les parties, la durée du rôle d'équipage la déterminait implicitement et automatiquement. Or, le rôle d'équipage était visé et fixé pour chaque voyage, mis à part quelques dérogations 95. Les contrats sont donc essentiellement conclus au voyage, même si Valin constatait, dés le XVIIe siècle l'abandon de la rémunération forfaitaire au voyage au profit du salaire mensuel. La notion de Le contrat à durée indéterminée n'est pas employée et le congédiement est conçu comme une rupture unilatérale anticipée, intervenant avant l'échéance du terme normal. 94- Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-45.183, inédit. 95- D.Danjon, Traité de droit maritime, LGDJ, Paris, 1910, t I. n° 257, p 421 et n° 366, p 575.
  • 30. 30 Le développement de la navigation de ligne, des télécommunications, de la vitesse de navigation, a conduit au renforcement de l'activité des services sédentaires des compagnies d'armement, à la réduction du rôle du capitaine de navire, en matière sociale et commerciale. Le marin n'est plus recruté par le capitaine et lié à un navire pour la durée d'un voyage. Dés la convention collective nationale du 15 mars 1927, les marins de la marine marchande avaient obtenu le principe d'une rémunération mensuelle fixe, pratique déjà largement répandue. Le principe d'une stabilisation fut posé et négocié en 1936. La seconde guerre mondiale accentua le déplacement des contrats au voyage vers un lien à durée indéterminée. Par la suite, les contrats d'engagements à durée indéterminée deviennent le principe, l’autre l’exception. La durée du contrat d'engagement maritime peut être de durée indéterminée ( §1), le contrat d'engagement peut être requalifié de CDD en CDI (§2), il peut être conclu pour une durée déterminée ( §3), le législateur a créé des contrats spécifiques (§4). §1/ La durée indéterminée Le contrat d'engagement maritime peut être à durée indéterminée depuis la modification de l'article 10- 1 du Code du travail maritime par l'ordonnance n° 82-267 du 25 mars 1982 (Journal Officiel 27 Mars 1982), le droit maritime s'alignant ainsi sur les mécanismes applicables au contrat de travail terrestre. Le contrat doit préciser la durée du préavis à observer en cas de résiliation unilatérale par l'une des parties. §2/ La requalification de CDD en CDI Si au terme d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat au voyage, un nouveau contrat est conclu avec le marin avant l'expiration des congés et repos, ce nouveau contrat est à durée indéterminée 96. Lorsqu'un marin a été lié à un armateur par deux ou plusieurs contrats d'engagement successifs et discontinus de quelque nature qu'ils soient pour au moins 18 mois de services dont neuf d'embarquement effectif au cours d'une période de 27 mois comptée depuis le premier embarquement, le nouveau contrat conclu avant l'expiration de cette période ne peut être qu'un contrat à durée indéterminée (C. trav. mar., art. 10-6). Cette requalification ne joue pas lorsque le marin rompt de manière anticipée ou ne renouvelle pas son contrat à durée indéterminée comportant une clause de report du terme (C. trav. mar., art. 10-6, al. 2). De même, elle sera écartée pour certains contrats énoncés à l'article 10-7 du Code du travail maritime, parmi lesquels figurent notamment les emplois à caractère saisonnier, les compléments de formation professionnelle, les contrats pour remplacer un marin temporairement absent ou dont le contrat de travail a été suspendu. Le contrat sera néanmoins à durée indéterminée s'il ne comporte ni le nom ni la qualification du marin remplacé 97. La requalification de contrats successifs à durée déterminée ne peut résulter du fait que ces contrats ont eu pour objet de remplacer un salarié parti à la retraite 98. 96- C. trav. mar., art. 10-5, pour un exemple jurisprudentiel : Cass. soc., 23 févr. 2000, n° 97-45.816, inédit. - CA Montpellier, 10 juill. 2002 : DMF 2003, p. 653, obs. P. Chaumette. 97- CA Rouen, 15 oct. 1997 : Juris-Data n° 1997-055972. 98- Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-45.183, préc. n° 47.
  • 31. 31 §3/ La durée déterminée Que le contrat soit conclu pour une durée déterminée ou pour un voyage, son terme doit être fixé : indication de la durée ou désignation du port où le voyage prendra fin tout en précisant à quel moment des opérations commerciales et maritimes effectuées dans ce port le voyage sera réputé accompli (C. trav. mar., art. 10-1). Si cette désignation est insuffisamment précise, une durée maximale est précisée. Le contrat peut ainsi être renouvelé une fois, avec cependant une durée maximale de 12 mois d'embarquement effectif (C. trav. mar., art. 10-2), cette limite ne s'appliquant pas aux contrats spécifiques visés à l'article 10-7 du Code du travail maritime. Le recours à un contrat à durée déterminée est, comme en matière terrestre, encadré. Un délai d'une période égale au tiers de la durée du contrat à durée déterminée doit être observé avant la conclusion d'un nouveau contrat pour remplacer le marin dont le contrat a pris fin. Un tel contrat ne peut être conclu en vue de remplacer un marin dont l'absence temporaire ou la suspension du contrat résulterait d'un conflit collectif de travail 99. §4/ Les contrats spécifiques Le législateur a créé des contrats spécifiques tels le contrat de qualification maritime qui est un contrat à durée déterminée (de 6 à 24 mois) s'adressant aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, pourvus d'une formation maritime, n'ayant pas acquis de qualification professionnelle maritime ou ayant une qualification ne leur permettant pas d'obtenir un emploi 100. Ou encore, le contrat initiative emploi maritime qui bénéficie d'un régime dérogatoire du droit commun, notamment pour le versement des contributions sociales 101. Plus récemment, le décret n° 2005-146 du 16 février 2005. 102 a rendu applicable aux personnels navigants des entreprises d'armement maritime le contrat de professionnalisation. Une fois le contrat d'engagement conclu entre le marin et l'armateur, le contrat devra être exécuté par les parties, créant des obligations pour ces deux derniers. 99- sur l'obligation de motiver le recours à un contrat à durée déterminée : CA Aix-en-Provence, 6 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-047247. 100- D. n° 94-595, 14 juill. 1994 : Journal Officiel 16 Juillet 1994. 101- D. n° 2002-400, 25 mars 2002 : Journal Officiel 27 Mars 2002, modifié par D. n° 2003-565, 27 juin 2003 : Journal Officiel 28 Juin 2003. 102- Journal Officiel 19 Février 2005.
  • 32. 32 CHAPITRE 2 LES PARTICULARITES DE L'EXECUTION DU CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME Le Code du Travail maritime prévoit dans ses titres III et IV respectivement les obligations du marin envers l'armateur et réciproquement. Le marin a l'obligation d'accomplir son service dans les conditions déterminées par le contrat et par les lois, règlements et usages en vigueur (C. trav. mar., art. 17). Quant à l'armateur, son obligation principale est la rémunération du marin. Cependant, il est des situations où ces obligations sont suspendues : en cas de congés ou de maladie étant précisé que la mise à terre ne constitue plus une cause de rupture du contrat. L'exécution du contrat de travail, de la conclusion du contrat à sa rupture, met en jeu un ensemble complexe de règles juridiques. La relation du travail est caractérisée par le mécanisme contractuel, de l’échange synallagmatique des prestations réciproques entre les contractants, l'interdépendance de l'obligation faite au salarié de fournir la prestation de travail et de l'obligation faite à l'employeur de payer la rémunération. Cette symétrie contractuelle n'est plus apte à elle seule à expliquer l'ensemble des règles applicables à la relation de travail. Les dispositions législatives et réglementaires encadrent le champ contractuel dans un statut du salarié qui met l'accent sur la subordination du travailleur, mais aussi la protection de ses droits et libertés. La relation de travail ne peut être limitée à cet aspect patrimonial du salaire contre du travail. Le travail n'est pas une marchandise, mais le résultat de l'activité de la personne. L'ordre public veille à la protection du marin, compte tenu des périls de la mer, cette sécurité du marin a été fortement prise en compte par l'administration maritime. De nos jours, la prise en compte de la personne du travailleur, de ses droits et libertés, justifie le principe de non-discrimination, la protection de la vie privée, la limitation de la durée du travail, les mécanismes de suspension de l'exécution du travail. La stabilité du lien contractuel est ainsi fréquemment assurée par-delà certains arrêts de travail, dus à des causes diverses. Quant au marin, les traditions imposaient une discipline professionnelle particulièrement stricte qui n'a pas entièrement disparu. L'étude de l'exécution du contrat d'engagement sera articulée autour de la réglementation du travail des gens de mer à bord du navire ( section1), puis de la discipline ( section 2), de la rémunération ( section 3), et enfin de la suspension ( section 4) .
  • 33. 33 Section 1 Les conditions de travail à bord des navires Les règles du droit maritime se rapprochent de plus en plus des règles du droit terrestre. Le décret du 7 juin 1999 porte constitution de l’inspection du travail maritime. Comme leurs homologues à terre, les inspecteurs du travail maritime vérifient le respect de la législation du travail maritime, et constatent le cas échéant, les infractions. L’inspecteur du travail maritime exerce, sous l’autorité du ministre chargé de la marine marchande, ses missions avec les mêmes prérogatives et les mêmes obligations que l’inspecteur du travail placé sous l’autorité du ministre chargé du travail mentionné à l’article L. 611-1 du Code du travail. Pourtant l’originalité du travail maritime a impliqué un très large débordement de la réglementation de droit commun tant en ce qui concerne la durée du travail que l’organisation de celui- ci. L'environnement dans lequel le contrat d'engagement maritime s'exécute requiert des dispositifs spécifiques. Les dangers de la navigation maritime, la vie à bord du navire, les impératifs de sécurité sont autant de facteurs qui ont amené le législateur à légiférer sur les conditions d'exécution du travail : temps de travail, conditions matérielles et discipline à bord. Le navire, cadre de travail et lieu de vie, nécessite une organisation adaptée à ses spécificités. "C'est parce qu'il y a des marins, qu'il a des navires..., et des conditions de travail si particulières 103. L’analyse des conditions de travail des gens de mer sera divisé autour du temps du travail (§ 1) et des conditions matérielles particulières ( §2). §1/ Le temps de travail L'étude du temps de travail nécessite de voir l'organisation du travail (A), la durée du travail (B), les heures supplémentaires (C), le repos (D), et l'astreinte (E). A/ L’organisation du travail Le travail s’effectue à bord d’un engin mobile, coupé de la terre ferme, confronté à l’élément marin, et où l’espace disponible est limité : le navire. Cette configuration particulière du lieu de travail explique le caractère primordial de la connaissance par chaque membre de l’équipage de son rôle et de sa fonction a bord. C’est au capitaine que revient la charge d’organiser le travail a bord (a). C’est à l’équipage que revient la charge d’effectuer le travail nécessaire à l’exploitation du navire ; ceci explique la nécessité d’un effectif en nombre et en qualité suffisant (b).