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Université Paul Cézanne – Aix Marseille III
Faculté de Droit et de Science Politique
Les Terminaux à conteneurs portuaires
Mémoire de Master II de Droit Maritime et des Transports
Présenté par Axelle JOUVE
Sous la Direction de Me SCAPEL
ANNEE UNIVERSITAIRE 2007 / 2008
1
Abstract
While terminal operators have become an essential link to the international transport
chain, international legislations have yet to recognize and define the importance of this activity. In
most cases, operators are limited to incompatible and restrictive national legislations.
In France, the terminal exploitation in harbour areas is constrained by the application and
notion of public services. European Union legislations have permitted great improvements for
terminal operators, nevertheless, the activity remains characterized by a lack of flexibility as well as a
lack of judicial security.
Although operators around the world offer identical services, the notion of a common liability
is non-existent. The Vienna Convention on the responsibility of transport exploiters, attempted to
harmonize this responsibility on an international level which was then rejected by the international
community. So far the existing texts only offer fragmented answers, borrowed from the judicial
regimes of different transport actors.
Clarification of terminal operator’s legal status is wished.
L’opérateur de terminal est devenu un maillon essentiel de la chaîne de transport international.
Pourtant, aucun texte international ne reconnaît clairement son activité. Ne bénéficiant ni de définition
légale, ni d’un statut propre, les opérateurs sont soumis à des législations nationales souvent mal
adaptées et contraignantes.
En France, l’exploitation de terminal, implantée sur en zone portuaire, est soumise à un
ensemble de contraintes dont la plupart sont liées à l’application du régime de la domanialité publique,
encore trop largement rattaché à la notion de service public. La législation communautaire a
notamment permis d’améliorer la situation de l’exploitant de terminal mais l’activité reste caractérisée
par un manque de souplesse et de sécurité juridique.
Alors que les opérateurs réalisent des prestations identiques dans le monde entier, il n’existe
aucun régime impératif de responsabilité qui soit commun à tous. Les textes actuels n’apportent que
des réponses fragmentaires, empruntant aux régimes juridiques des différents auxiliaires de transport.
Le régime de responsabilité harmonisée initié par la Convention de Vienne sur la responsabilité des
exploitants de terminaux de transport dans le commerce international a été rejeté par la communauté
internationale.
Nous ne pouvons qu’espérer une clarification rapide du statut de l’opérateur de terminal.
2
Remerciements
Je tiens d’abord à adresser mes plus sincères remerciements à mes
professeurs, Christian Scapel et Pierre Bonassies, pour leur soutien et la qualité
de leur enseignement.
Je remercie tout particulièrement Mr Robert Rézenthel, pour son aide et sa
disponibilité tout au long de la rédaction de ce mémoire.
Je remercie également l’équipe du service juridique de la Compagnie
Maersk France à Marseille, pour m’avoir permis, lors de mon stage, d’aborder
sous un angle pratique et juridique les problématiques de transport et pour
m’avoir donné l’opportunité de visiter le Terminal à conteneurs de Fos-sur-Mer.
3
Sommaire
Abstract................................................................................................................................... 1
Remerciements........................................................................................................................ 2
Sommaire................................................................................................................................ 3
Introduction - L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité
économique prisée .................................................................................................................. 4
Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs portuaire .................................... 10
Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles de la
domanialité portuaire........................................................................................................... 11
Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire............. 11
Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire.................... 24
Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un environnement
portuaire compétitif et plus sûr ............................................................................................ 39
Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et l’application du droit
communautaire.................................................................................................................. 39
Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ? ........................... 40
Section 2- Accroissement de la sécurité et de la sûreté sur le terminal à conteneurs ....... 53
TITRE 2 Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs pour les
dommages causés aux marchandises........................................................................................ 60
Chapitre 1- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs
portuaire............................................................................................................................... 60
Section 1- La phase de responsabilité............................................................................... 61
Section 2- Les prestations réalisées par l’opérateur sur le terminal.................................. 70
Chapitre 2- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal.............................. 77
Section 1 – Les régimes actuels de responsabilité............................................................ 77
Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité
des opérateurs de terminaux.............................................................................................. 91
Conclusion.......................................................................................................................... 100
Bibliographie...................................................................................................................... 101
Annexes............................................................................................................................... 105
4
Introduction -
L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité
économique prisée
La croissance du commerce mondial nourrit les promesses d’un développement
toujours plus soutenu de la conteneurisation, suscitant ainsi un fort mouvement de
construction de nouveaux terminaux. Tous les grands ports maritimes ont leur projet de
terminal à conteneurs portuaire. Ces nouveaux aménagements devront répondre à la
croissance du trafic conteneurisé et disposer d’infrastructures adaptées aux navires porte-
conteneurs de plus en plus gros.
Le maître mot est à la réalisation d’économies d’échelle et à la maitrise du temps,
incitant les industries à se doter de navires et de terminaux de plus en plus gros1
. Dans ce
nouveau contexte maritime, l’objectif est d’optimiser et maîtriser les mouvements et flux de
conteneurs. L’avènement de la logistique a permis d’y parvenir en adoptant une vue globale
de la chaîne de transport. De L’organisation de véritables réseaux logistiques a résulté la
concentration des investissements et des innovations dans les plus grands ports maritimes, qui
bénéficient seuls du développement des trafics.
Depuis la fin de la période de construction des zones industrialo-portuaires dans les
années 1990 en Europe, les constructions des terminaux à conteneurs représentent les projets
d’aménagement les plus importants. Ils marquent une nouvelle étape dans le développement
des zones portuaires répondant à une nouvelle problématique des flux mer/territoire. Les ports
doivent aujourd’hui répondre aux exigences des armateurs et des méga manutentionnaires,
alors que le budget public qui lui est consacré diminue et que les critères environnementaux et
sociaux s’alourdissent.
Autrefois, les chargeurs ou leurs représentants choisissaient leur port et leur armateur.
Aujourd’hui, ils veulent un transport complet de leur entrepôt à celui de leur client, peu
important les modes de transport et le « routing ». C’est ce que la pratique qualifie de service
« porte-à-porte » (ou « door to door »), l’armement prenant en charge l’organisation du pré et
post-transport terrestre, dit « carrier haulage ». Les taux de fret étant aujourd’hui assez bas et
les prestations de transport maritime équivalentes d’une compagnie maritime à une autre,
c’est sur les maillons terrestres que peuvent se réaliser les plus importants gains financiers et
1
« Les terminaux repoussent leurs limites », Journal Le Marin, N°3163, 22 février 2008, p.3
5
de productivité. La « bataille » entre les armateurs se joue donc à terre. Les ports sont à leur
tour mis en concurrence.
La fiabilité et la qualité des services à terre sont des facteurs décisifs du choix des
armateurs pour tel port. Les armateurs exigent une manutention sécurisée, capable de mettre
en œuvre le plus grand nombre possible de portiques compte tenu de la taille du navire et de
son plan de chargement ainsi que des temps d’attente à quai minimums. Le but est de
rationaliser les transbordements et de garantir au mieux la performance du transport.
Autre facteur important, le coût de la manutention dans un port. Quelques dizaines de
dollars d’écart par conteneur feront basculer le choix entre deux ports, par exemple entre
Marseille et Malte.
Dans ce contexte de développement soutenu du trafic conteneurisé, l’exploitation de
terminaux à conteneurs est devenue une activité de premier plan2
.
La concurrence s’effectue aujourd’hui autant entre les opérateurs de terminaux
qu’entre les ports3
. Cette concurrence qui ne concernait que certaines régions asiatiques s’est
généralise à l’échelle du globe4
.
Dans les années 1990, on assista à l’émergence de groupes de manutention
internationaux spécialisés dans le trafic de conteneurs assurant leur manutention et leur garde.
Leur développement initial et leur originalité en termes de techniques de gestion ont été
rendus possible par leur réglementation portuaire nationale souple et ouverte aux
investissements privés. Ils ont, par la suite, exporté progressivement ce modèle. Les groupes
asiatiques tirent ici leur épingle du jeu aux côtés d’entreprises européennes et américaines.
Les stratégies de croissance des manutentionnaires mondiaux sont diverses. Elles
restent principalement axées sur l’implantation dans des zones à fort potentiel de
développement, notamment en Asie du Sud-est, zones appelées à devenir des plaques
tournantes des trafics mondiaux ou régionaux. Mais les grands groupes maintiennent aussi
leurs investissements dans les ports déjà plaques tournantes des trafics, situés sur les grandes
routes maritimes, car ils représentent une « valeur sûre ». Leur stratégie peut également passer
par l’acquisition de la gestion de nouveaux terminaux à conteneur par le rachat de groupes
2
Journal de la Marine Marchande du 29 juin 2007, N°4567/4568, « Les équipementiers profitent de la
mondialisation », Loïc Salmon, p.23
3
Wang and Slack, “The evolution of a regional container port system: the Pearl River Delta”, Journal of
Transport Geography n°8, 2000, p. 263 - 276
4
Par exemple, en Chine méridionale, Hutchinon Port Holdings (HPH) et Modern Terminals Limited (MTL) ont
des intérêts concurrentiels dans plusieurs ports du delta de la Rivière des Perles et à l’intérieur du port de Hong
Kong.
6
concurrents qui jouissent déjà de l’exploitation de terminaux ou encore par un partenariat avec
un autre opérateur pour la gestion en commun d’un terminal.
La tendance actuelle est à la concentration des grands opérateurs mondiaux, par le jeu
d’acquisitions, de partenariats et d’expansions. Le secteur est structuré autour des grands
opérateurs de terminaux, aux premiers rangs desquels on trouve Hutchinon Port Holdings
(HPH), Port of Singapore Authority (PSA), APM Terminals (groupe AP Moller), Peninsular
& Oriental Ports (P&O Ports) et Eurogates5
.
On notera que les entreprises de manutention sont entrées depuis peu dans une
nouvelle phase d’expansion de type organisationnelle. A l’heure de la logistique et du
management de la « supply chain », les opérateurs souhaitent, eux aussi, se diversifier en
offrant de plus en plus des services logistiques et deviennent organisateurs de transport6
.
Face à ce schéma de couverture mondiale des principaux sites portuaires par les
opérateurs de terminaux les plus importants, on peut s’interroger sur la réelle indépendance
des entreprises de taille plus réduite, manutentionnant des volumes moins importants et de
chiffres d’affaires moins colossaux7
,8
.
La venue de ces groupes leaders dans un port constitue un réel avantage pour ce
dernier. Les grands groupes n’investiront sur un site que lorsqu’ils seront sûrs de pouvoir
dégager des profits en s’appuyant sur la massification des trafics. Ceci explique qu’ils
recherchent toujours une position dominante dans un port. Au-delà de la position stratégique
d’un port, leur implantation sur un site dépendra largement de leur certitude de pouvoir
contrôler le plus de paramètres de gestion possibles dans l’exploitation du terminal, à partir
notamment d’une concession sur le long terme. Les opérateurs veulent pouvoir maitriser à la
fois leurs prix et les technologies de manutention, pour augmenter les cadences et avoir un
service de qualité. De cette manière, ils réalisent des économies d’échelle et augmentent la
rentabilité de leur activité en intégrant des logiques industrielles.
De nombreux Etats en ont bien pris conscience de cet enjeu et ont engagé des réformes
portuaires pour permettre le transfert vers le secteur privé d’une partie des investissements et
5
Cornier J-C « Opérateurs : les trois premiers pèsent plus de 60 millions d’EVP », Journal Le Marin, hors-série
novembre 2002, p.12
6
Lacoste Romuald et Terrassier Nicolas « La manutention portuaire conteneurs : les opérateurs internationaux –
perspectives européennes », Synthèse ISEMAR n°39, novembre 2001, p.2
7
Cornier J-C « Terminaux : à côté des très grands groupes… », Journal de la Marine Marchande, N°4586 du 16
novembre 2007, p.30
8
Citons l’exemple du groupe PSA qui a acquis la majorité du capital de HNN, premier manutentionnaire de
conteneurs d’Anvers, lui-même fruit d’une fusion entre deux opérateurs locaux (Hessenatie et Noord Natie
7
des compétences du secteur portuaire. Certains Etats, comme le Royaume-Unis dans les
années 1980, sont allés jusqu’à engager des procédures de privatisations des ports.
La France semble bien aujourd’hui décidée à s’engager dans ce mouvement de réforme
portuaire pour « attirer » les opérateurs en leur permettant de contrôler tous les paramètres de
leur activité et de développer leur industrie dans les mêmes conditions qu’une entreprise
privée. Les autorités publiques semblent maintenant prêtes à investir massivement dans les
installations portuaires9
.
Parallèlement au développement de ces grands groupes spécialisés sur les sites
portuaires, les armateurs de lignes régulières s’intéressent eux aussi, et de plus en plus, aux
terminaux à conteneurs10
. L’avènement du conteneur a changé la compréhension du transport
maritime de lignes régulières. En peu de temps, les armateurs ont dû adapter leurs méthodes
de travail et investir différemment, dans des navires coûteux, des flottes de conteneurs et dans
des installations adéquates au trafic conteneurisé.
Paradoxe des évolutions de la pratique maritime, les armateurs, autrefois actionnaires
de nombreux terminaux, avaient décidé de recentrer leur activité sur le transport maritime pur.
Les terminaux regagnent aujourd’hui leur faveur.
Pressentant la tendance prochaine, le transporteur maritime Sea-Land investit, dès 1972, dans
un terminal à Hong Kong, ce qu’a récemment fait la CMA-CGM sur le site de Marseille Fos
en devant l’opérateur de terminal pour la gestion de Fos 2XL11
, et encore plus récemment en
concluant un accord portant sur la construction et l’exploitation pour une durée de 50 ans d’un
futur terminal à conteneurs dans le port de Tanjin12
.
Les raisons qui poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et en particulier
dans les terminaux à conteneurs sont multiples.
Plusieurs raisons poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et, en
particulier, dans les terminaux à conteneurs.
Investir dans ces structures, c’est d’abord garantir à leurs clients chargeurs une
meilleure prestation globale de transport. Les armateurs s’assurent une gestion plus efficace
du passage portuaire, un gain de temps et partant, une fidélisation des chargeurs de plus en
9
Dossier de presse, Plan de relance des ports, 8 avril 2008, publié par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie,
du Développement durable et de l’Aménagement du territoire
10
Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Compagnies : intégrer ou non le terminal portuaire », p.2
11
Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Jean-François Mahé de la CMA-CGM : « Nous avons tout
intérêt à influer sur la manutention » », Pierre Graves, p.9
12
Accord du 21 août 2008, Communiqué de Presse de la CMA CGM « CMA CGM investit dans le port de
Tanjin », 21 août 2008
8
plus exigeants. Investir dans les terminaux, c’est aussi marquer un site portuaire de sa
présence et s’assurer une indépendance vis-à-vis des grands groupes de manutention qui
investissement massivement dans ces zones stratégiques. A l’heure où les prestations
maritimes des transporteurs se valent, la maîtrise du maillon portuaire peut clairement faire la
différence et constitue une marge potentielle de bénéfices. Les armateurs qui s’assurent de la
productivité de la chaine portuaire, viabilise et stabilise par la même, leurs investissements
nautiques.
Ce phénomène d’intégration portuaire répond d’avantage à une logique maritime qu’à
une volonté de diversification de leurs activités, le secteur étant déjà fortement structuré par
les grands groupes de manutention.
Pour disposer de terminaux dédiés, les grands armements constituent des filiales avec
les grands manutentionnaires ou développent des contrats d’exclusivité1314
. Certains
armements pourront aussi s’appuyer sur des filiales de leur groupe comme c’est le cas d’APM
Terminal, filiale de AP Möller auquel appartient Maersk Line.
Reste que les terminaux dédiés, bien qu’étant en augmentation, ne sont réalisables que
par les grands armateurs, car la chose est coûteuse. Ainsi, les partenariats sont fréquents15
.
Dans certains pays comme la France, les acteurs locaux auront leur « mot à dire » dans la
constitution des exploitations de terminaux dédiés16
.
C’est ainsi qu’une tendance à la privatisation s’accentue vivement.
Cet aperçu de l’environnement économique de l’activité d’exploitant de terminaux à
conteneurs portuaires, démontre bien l’enjeu que constitue le maillon terrestre pour les acteurs
du transport maritime en termes de développement et de productivité de la chaîne de transport
mais aussi plus largement pour les ports et leurs Etats.
Comment la législation envisage-t-elle cette activité ?
Nous le verrons, l’activité de terminaux à conteneurs portuaires reste encore largement
tributaire des législations nationales. Ainsi, nous nous attacherons principalement à l’étude de
la législation française.
13
Cornier J-C « Présence accrue des armateurs dans la manutention », Journal Le Marin, hors série, novembre
2002, p. 6 et 7
14
On citera en exemple le cas de Maersk-Sealand qui dispose de ses terminaux à Algesiras et à Tanjung Pelapas
15
Par exemple, APM Terminal et l’opérateur de manutention Terminaux de Normandie (TN) du groupe
Perrigault ont signé avec Maersk une convention pour la création, la gestion et l’exploitation du deuxième
terminal à conteneurs (Terminal de la Porte Océane) de Port 2000
16
Ainsi, CMA-CGM a signé une convention avec un opérateur local la Générale de Manutention Portuaire pour
exploiter le terminal de France à Port 2000 dédié à la CMA CGM
9
Notre mémoire s’attachera à envisager deux aspects juridiques de l’activité.
Sera d’abord abordée la problématique du terminal à conteneurs dans son contexte
portuaire. Dès lors qu’une activité s’implante en zone portuaire, un certain nombre de
contraintes seront à observer, et en particulier, les règles domaniales, les règles de
concurrence, de sécurité et de sûreté (Titre 1). Quelle sécurité juridique et quelle liberté,
l’opérateur de terminal à conteneurs peut-il escompter en s’implantant dans un port français ?
Si l’exploitation d’un terminal à conteneurs crée en premier lieu des relations de nature
publique entre l’exploitant et le gestionnaire de l’autorité portuaire, le propre même du
terminal est de créer des relations commerciales entre l’exploitant et ses clients. C’est sous cet
angle ci que le terminal sera ensuite envisagé (Titre 2). Dans le cadre de ses relations
contractuelles avec ses clients, l’exploitant s’engage à réaliser un certains nombres de
prestations. Si des dommages sont causés à la marchandise alors qu’il en avait la garde, la
question du régime de responsabilité qui lui sera applicable se pose.
La réponse à ces questions nous permettra d’apprécier l’opportunité de ces règles au
regard du contexte actuel d’économie de marché et de voir en quoi elles sont adaptées ou non
aux logiques du commerce international, de la conteneurisation et de la libéralisation des
échanges. Il est clair aujourd’hui que le terminal doit être envisagé comme un maillon intégré
de la chaîne de transport et qu’il devra s’adapter aux logiques du transport mondialisé. Il ne
doit plus caractériser un lieu de rupture dans la chaîne de transport.
Nous le verrons, cette activité souffre d’un grand nombre d’incertitudes, tant en ce qui
concerne ses modes d’exploitation qu’en ce qui concerne son régime de responsabilité.
10
Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs
portuaire
« L’exploitation d’un terminal portuaire constitue un labyrinthe juridique dans lequel on y
entre avec prudence, muni du « fil d’Ariane » tiré de la robe de Thémis
17
»
La pratique maritime exige aujourd’hui des ports qu’ils soient munis d’installations
spécifiques, d’un outillage et d’un personnel adapté pour recevoir et traiter les marchandises
qui leurs arrivent quotidiennement.
La conteneurisation quant à elle, exige que les ports recevant des conteneurs disposent
au moins de terre-pleins aux abords des quais, sur lesquels pourront être entreposés les
conteneurs, avant qu’ils ne soient chargés à bord du navire ou après qu’ils aient été déchargés.
Les ports de plus grande envergure possèdent des terminaux portuaires. Ils nécessitent
des installations techniques à la fois pour la manutention et pour la prise en charge de
conteneurs avec, en fonction de la nature des marchandises transportées, des installations
électriques auxquelles les conteneurs frigorifiques pourront être branchés.
En France, l’aménagement et l’extension des infrastructures portuaires se trouvent
cependant limités par des contraintes domaniales et un nombre restreint de modes
d’exploitation auxquels les opérateurs pourront recourir (Chapitre 1). Le manque de souplesse
de ces règles aura pour conséquence directe le ralentissement de la croissance du trafic
conteneurisé en France. Une réforme apparaît donc nécessaire.Si l’opérateur de terminal
manque de sécurité dans sa relation avec l’autorité portuaire, le droit de la concurrence, les
législations en matière de sécurité et de sûreté rendent l’exploitation des terminaux plus sûre
(Chapitre 2).
17
Rézenthel R. « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème
siècle, Mélanges offerts à P. Bonnasies, éd. Moreux 2001, p. 291
11
Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles
de la domanialité portuaire
Si l’on peut affirmer que l’exploitation d’un terminal est une activité de type
industrielle et commerciale, son implantation en zone portuaire, la contraint à composer avec
les règles de la domanialité publiques qui s’attachent à protéger l’intégrité du domaine public
(Section 1). En France, la législation permet aux opérateurs de conclure avec l’autorité
portuaire un certain nombre de conventions, qui demeurent, somme toute, encore assez mal
adaptées eu égard à l’obligation de service public qui est souvent corrélative (Section 2).
Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte
portuaire
Il convient en premier lieu d’envisager les notions de « terminal » et d’ « opérateur de
terminal » (I) qui, à l’instar de la notion de « port », sont des concepts imprécis de notre droit
positif et pour lequel une unité de conception fait clairement défaut. Autre incertitude, celle de
la consistance de la domanialité publique dans la réalité portuaire d’aujourd’hui (II).
I. Le terminal à conteneurs et l’opérateur en charge de son exploitation
Notions pourtant omniprésentes dans le jargon maritime, le « terminal » (A) et
l’ « opérateur de terminal » (B), restent des réalités difficiles à définir juridiquement. Ce
manque de précisions est un obstacle évident à l’établissement d’un régime juridique clair
d’exploitation de terminal portuaire.
12
A. Définition du terminal
1. L’absence d’unité de conception de la notion
La notion de « terminal », bien que traditionnellement invoquée en droit maritime et
droit portuaire, souffre d’une relative imprécision en droit positif. En effet, elle ne bénéficie
pas d’une définition légale générique. Ni les conventions internationales, ni le droit
communautaire, ni le droit national, ne s’entendent sur la signification et les limites de ce
concept18
.
Ce terme générique, importé des Etats-Unis, est né de la pratique. Il est avant tout le
fruit de la logistique et de l’économie portuaire. S’il ne fait l’objet d’aucune définition
précise, ce terme usuel du vocabulaire propre au monde des transports, est partie intégrante du
paysage portuaire, et des chaînes de transport et de logistique19
.
Au détour des textes et des décisions judiciaires, se dessinent des définitions mais qui
ne sont, malheureusement, qu’éparses et relatives.
2. Des références textuelles éparses
L’article R 115-7-III du Code des ports maritimes, évoquant la convention
d’exploitation de terminal, définit le terminal comme « (…) comprenant les terre-pleins, les
outillages et les aménagements nécessaires aux opérations de débarquement,
d'embarquement, de manutention et de stockage liées aux navires ». On retrouve dans cette
analyse pragmatique du terminal, les éléments constitutifs essentiels de son exploitation.
Quand il est envisagé sous un angle structurel, l’absence d’unité de la notion est
particulièrement évidente. Si le terminal est considéré comme une installation extérieure aux
ports20
, ou encore comme un équipement distinct des équipements portuaires 21
par certains
18
Pour une étude complète de la définition de « terminal », voir la thèse de Laurent Fedi « Le cadre juridique de
l’exploitation des terminaux pétroliers », thèse de droit maritime, Faculté de droit Université Paul Cézanne,
chap. I, p. 30 à 37 ; L. Fedi « La notion de « terminal » : entre incertitudes de jure et certitudes de facto », DMF
n°692, mai 2008, p. 455
19
Journal Le Marin du vendredi 16 mars 2007, « Dossier Logistique », p.17, 18 et 19
20
Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par hydrocarbures (publiée par le décret n°75-553 du 26 juin 19751 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716)
21
Accord multilatéral relatif à l’Annexe V des règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures des
navires telles que modifiée par le protocole de 1978, signé le 17 février 1978 publié par le décret n°89-115 du 21
février 1989
13
textes internationaux, il est pourtant implicitement reconnu élément d’un port par la
Commission des Communautés dans une décision en date du 9 juin 1989 22
ainsi que par
plusieurs arrêts23
de la Cour de Justice des communautés qui visent le « terminal portuaire ».
Parfois, le terminal est simplement décrit d’un point de vue fonctionnel. Ainsi, la
Convention de Genève du 25 juin 197924
, dans une approche soucieuse de la sécurité des
hommes et des biens, l’envisage comme un aménagement où s’effectue la manutention des
marchandises dans le respect des prescriptions réglementaires. Le Parlement européen a
également pu caractériser le terminal de « station de déchargement 25
».
Aucune des définitions ne pourra prétendre avoir valeur universelle ; chacune d’elles
ne vaut que pour l’application du texte qu’elles édictent. Dans cette logique, chaque
réglementation adopte une définition en fonction du type de trafic concerné.
Ainsi, la Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971, portant création d’un fonds
international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, vise
sous le terme « installation terminale », « tout emplacement de stockage d’hydrocarbures en
vrac permettant la réception d’hydrocarbures transportés par voie d’eau, y compris toute
installation située au large et reliée à cet emplacement »26
.
Certains textes communautaires adoptent aussi cette même approche. La Directive
communautaire sur l’établissement des exigences et des procédures harmonisées pour le
chargement et déchargement des vraquiers qualifie de « terminal », « toute installation fixe,
flottante ou mobile équipée et utilisée pour le chargement et déchargement de cargaisons
sèches, en vrac dans les vraquiers » 27
.
22
Décision de la Commission des Communautés européennes n°89/408/CEE du 9 juin 1989 relative à la
procédure d’application de l’article 85 du Traité CEE - J.O.C.E. n° L 190 du 5 juillet 1989 p.22
23
CJCE 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl – affaire n° C-343/95 – Rec. p. I-1580 ; CJCE 12 février 1998 –
Silvano Raso e.a. – affaire n° C-163/96 – Rec. p. I-570
24
Art 31-1 de la Convention de Genève du 25 juin 1979 qui concerne la sécurité et l’hygiène du travail dans les
manutentions portuaires (publiée par le décret n°86-1274 du 10 décembre 1986 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716)
25
Résolution du Parlement européen du 21 avril 1993 sur les industries maritimes – J.O.C.E. n° C 150 du 31 mai
1993 p. 76
26
Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour
les dommages dus à la pollution par hydrocarbures publiée par le décret n°96-774 du 30 août 1996 – J.O. du 7
septembre 1996 p. 13307
27
Directive 2001/96/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 décembre 2001, établissant des exigences et
des procédures harmonisées pour le chargement et le déchargement sûr des vraquiers
14
Le Livre vert de la Commission européenne relatif aux ports et aux infrastructures
maritimes fait de même et traite des terminaux comme des postes de manutention
spécialisés28
.
Pour aller au-delà de ces controverses sur la notion de terminal, il parait judicieux de
se reporter à la définition établie par la doctrine qui se veut unificatrice. Le terminal y est
envisagé comme « un espace portuaire aménagé, (…) mais également un concept technique
désignant un ensemble d’ouvrages (quais, terre-pleins, silos, hangars…) et d’outillages
(portiques, grues, passerelles de manutention horizontale…) dans un périmètre portuaire
déterminé et affecté au transit de trafics spécialisés »29
.
Cette approche a le mérite de présenter le terminal comme étant affecté spécialement à
un trafic spécifique, comme ayant un opérateur exclusif et comme ayant pour fonctions
essentielles, le transit, la manutention et le stockage.
Le terminal trouve ici sa place au sein des concepts du droit maritime. Il recouvre des
réalités différentes, lui permettant de la sorte de s’adapter aux logiques logistiques et
économiques. Le législateur a bien compris les enjeux qui se profilent derrière ce terme qu’il
ne vaut mieux ne pas figer dans le marbre.
Si la définition du terminal n’est pas aisée trouver, il en est de même pour celle de
l’ « opérateur de terminal ».
B. Compréhension de la notion d’ « opérateur de terminal»
1. Une notion incertaine
Il n’existe pas, présentement, de statut d’opérateur de terminal à conteneurs portuaire.
Terminologie née de l’avènement des terminaux, l’ « opérateur de terminal » correspond
d’avantage à une fonction plutôt qu’à une profession clairement établie et réglementée.
La notion s’appliquera aux organismes portuaires, parfois privés, souvent encore
publics, tenus de prendre en charge la marchandise avant ou après le transport maritime.
28
Livre vert, du 10 décembre 1997, relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM (97) 678 final - Non
publié au Journal officiel]
29
R. Rézenthel « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème
siècle, Mélanges offerts à P.Bonassiès, éd. Moreux 2001, p. 291
15
Si son intervention a lieu à l’issue du transport maritime, l’opérateur de terminal est
celui qui reçoit d’un entrepreneur de manutention, agissant pour le compte du transporteur
maritime, un ou plusieurs conteneurs, en vue de leur livraison ultérieure au destinataire ou à
son représentant.
Si son intervention a lieu avant le transport maritime, l’opérateur de terminal reçoit du
chargeur ou de son représentant, un ou plusieurs conteneurs en vue de leur livraison ultérieure
à une entreprise de manutention agissant pour le compte du transporteur maritime qui l’a
choisi.
Le seul texte faisant référence à la notion d’ « exploitant de terminal » est la
Convention de Vienne du 19 avril 1991, dont l’objet est précisément de déterminer le régime
de responsabilité à appliquer aux exploitants de terminaux de transport30
. Elle le définit dans
son article 1er
a) comme « toute personne qui, dans l’exercice de sa profession, prend en
garde des marchandises faisant l’objet d’un transport international en vue d’exécuter ou de
faire exécuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans
une zone placée sous son contrôle ou sur laquelle elle a un droit d’accès ou d’utilisation.
Toutefois, cette personne n’est pas considérée comme un exploitant dès lors qu’elle est un
transporteur en vertu des règles juridiques applicables au transporteur ».
Cette définition, si elle reste à ce jour dénuée de toute application - le texte n’étant à ce
jour pas encore entré en vigueur - a le mérite d’opter pour une approche claire et globale de
l’opérateur de terminal, qui rompt avec une approche « compartimentée » des différents
auxiliaires de transport en fonction des prestations fournies par eux31
. On note ici l’exclusion
formelle de la définition du transporteur, donc a priori, même les consignataires sont
concernés par cette législation.
2. La compréhension de la notion dans le système français de la manutention
Le droit français ne connait pas le terme d’ « opérateur de terminal » mais uniquement
le terme d’ « entreprise de manutention », qui est amené à réaliser les mêmes prestations que
celles réalisées par l’opérateur de terminal.
30
Convention des Nations Unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le
commerce international du 19 avril 1991, non entrée en vigueur à ce jour.
31
Martin Ndendé, « Regards sur une Convention internationale méconnue – la Convention de Vienne du 17 avril
1991 sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport », Revue de droit des transports n°4, Mai
2007, Etude 6
16
L’entreprise de manutention est définit comme « l'entreprise (…) qui effectue un
certain nombre d'opérations matérielles de manipulation des marchandises, et son rôle
consiste principalement à effectuer les opérations de chargement et de déchargement,
d'arrimage et de mise à quai ou en entrepôt »32
.
D’une nécessité impérieuse, elle intervient en phase de transit, à chaque rupture de charge,
quand il faut décharger puis recharger. Sa position stratégique dans les ports ainsi que la
difficulté et complexité des opérations qu’elle réalise font la particularité de la manutention
maritime.
Les activités et le régime juridique des entreprises de manutention sont réglementés
par la loi de 1966 33
relative aux contrats d’affrètement et de transport maritimes.
Traditionnellement, on distingue deux types de manutentionnaires dans les ports
français. Dans les ports de la façade Nord-Manche-Atlantique, les « stevedores » assurent le
chargement et le déchargement des navires. Dans les ports de la façade Méditerranée, ce sont
les acconiers qui assurent ces phases de chargement et déchargement, ainsi que la garde des
marchandises à quai avant le chargement et après le déchargement. Dans la plupart des cas, ils
agissent pour le compte du transporteur maritime.
Comment l’opérateur de terminal intègre-t-il cette logique ?
La notion d’ « entreprise de manutention » a le mérite d’une grande souplesse. Elle
s’appliquera quelque soit la qualification professionnelle de l’entreprise, dès lors que cette
entreprise effectue les opérations de chargement, déchargement et de garde à quai de la
marchandise prévues aux articles 50 et 51 de la loi française de 1966.
Cette précision a été apportée par le législateur français, dans la loi du 3 janvier 1969, tant
pour le consignataire du navire (art 13), que pour le consignataire de la cargaison (art 15).
« Le régime de la manutention pourrait s’appliquer à toute autre entreprise, par exemple à un
transitaire »34
.
La loi du 18 juin 1966 distingue les opérations réalisées à titre principal des opérations
dites accessoires, uniquement réalisées par les acconiers.
32
Lamy Transport Tome 2, Commission de transport, Mer, fer, air, Commerce extérieur, Editions Lamy, 2008, n°
972
33
Loi N° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises
de manutention », articles 50 et suivants et Décret N° 66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats
d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises de manutention », articles 80 et suivants
34
Bonassies Pierre et Scapel Christian, Traité de droit maritime, édition L.G.D.J 2006, p. 440, n° 679
17
L’entreprise de manutention réalise à titre principal « toutes les opérations qui
réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises, y compris les opérations de
mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite
nécessaire »35
. Si elle se limite à ces opérations, elle interviendra comme « stevedore ».
Les opérations accessoires que pourra en outre réaliser l’entreprise de manutention36
,
consistent d’une part, en la reconnaissance des marchandises et d’autre part, en leur garde sur
des emplacements à quai appropriés37
. Dans ce cas, l’entreprise de manutention intervient en
qualité d’ « acconier ».
L’avènement des terminaux et la naissance du terme d’opérateur de terminal, perturbe
le schéma classique de la manutention portuaire française. La distinction entre « stevedores »
et acconiers tend à s’estomper et les aspects logistiques et économiques prennent le devant. La
flexibilité du terme d’« entreprise de manutention », bien qu’imparfaitement adapté, permet
néanmoins aux opérateurs de terminaux de bénéficier d’une certaine existence légale.
Les difficultés de définitions et de concepts ne s’arrêtent pas là, puisque le terminal se
trouve lui-même englobé dans une autre entité mal définie et au régime peu clair, le « port ».
II. Le port et le régime de domanialité portuaire
Lieu d’interface entre les modes de transport maritime et terrestre et lieu de
massification des trafics, le port est au premier plan concerné par les enjeux que représentent
les infrastructures portuaires, notamment les terminaux, en termes de développement, de
complémentarité des modes de transports et de contribution aux objectifs de croissance. Il
reste une réalité complexe, juridiquement mal délimitée(A).
Réel enjeu économique de la croissance contemporaine, l’occupation du domaine
portuaire par les industries créatrices de richesse demeure soumise au régime bien particulier
et relativement « archaïque » de la domanialité publique, en décalage apparent avec le
développement économique des ports et la libéralisation du commerce38
(B).
35
Article 50, Loi n° 66-420, 18 juin 1966
36
Article 51, loi n° 66-420 18 juin 1966
37
Art. 80, décret 31 déc. 1966
38
Intervention du Professeur C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, Colloque de droit comparé, « L’implantation des
entreprises privées sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999, p. 682
18
A. La complexité de la réalité portuaire
Le monde portuaire est un monde complexe qui mêle public et privé, rendant ainsi
difficile sa pleine insertion dans un contexte pleinement concurrentiel.
Si le régime de la domanialité publique s’applique « logiquement », il doit trouver à
concilier la logique de marché et la gestion et l’exploitation des installations portuaires. Les
ports maritimes ne doivent plus être considérés uniquement comme un lieu d’exercice d’un
service public portuaire mais plutôt comme un pôle de développement économique.
Etablissements publics de l’Etat, les ports assurent, concurremment, une mission de
service public à caractère administratif, avec notamment l’aménagement, l’entretien, la police
des aménagements et l’accès au port, et également une activité de nature industrielle et
commerciale, avec en particulier l’exploitation des outillages portuaires39
. D’où la référence
qui a été faite au « double visage »40
du domaine public portuaire.
Historiquement, l’intervention de l’Etat dans le domaine portuaire a toujours été
importante en France. Nombre de ports sont nés de l’initiative de la puissance publique.
Le rôle de l’Etat demeure aujourd’hui encore prépondérant. Les politiques portuaires décident
des investissements à faire et des réformes à adopter. L’Etat exerce également la tutelle des
ports autonomes maritimes et gère les ports d’intérêt national. Il y consacre chaque année
entre 100 et 150 M€ de crédits budgétaires depuis 199941
.
Aujourd’hui, l’Etat n’est plus le seul acteur de ce secteur qui est désormais ouvert à la
concurrence. Depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales contribuent aussi
de plus en plus au financement des investissements des ports et de leurs dessertes. Depuis
plusieurs années, les grands armements et les opérateurs de la manutention s’engagent
également dans les stratégies de développement des ports maritimes. Ils ont investi, depuis
1980, plus de 4 Md€ dans des opérations de modernisation et de développement financées à
hauteur des deux tiers par des fonds publics.
39
L’article L111-2 du Code des ports maritimes définit les missions des ports autonomes en ces termes : « Le
port autonome est chargé, à l'intérieur des limites de sa circonscription, et dans les conditions définies ci-après,
des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de reconstruction, ainsi que de l'exploitation, de
l'entretien et de la police, au sens des dispositions du livre III du présent code, du port et de ses dépendances et
de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté. ».
40
J. Rosgovas, « L’utilisation du domaine public portuaire », mémoire sous la direction de Me C. Scapel, Aix
Marseille III, 2005, p. 4 à 9, « Le double visage du domaine public portuaire »
41
Chiffre donné par la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur « Les ports français face aux
mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p.1
19
A la complexité née de l’intervention d’acteurs multiples, s’ajoute la complexité née
de l’absence de définition claire des notions clés de « port », de « domanialité publique
portuaire ».
A l’instar de la notion de « terminal », la notion de « port » est absente de la loi
française42
, exception faite des délimitations administratives de la zone portuaire mentionnées
à l’article R 151-1 du Code des ports maritimes43
. La référence n’est malheureusement pas
d’une grande aide et se révèle n’être qu’une « présomption simple »44
. En effet, la
jurisprudence ajoute aux hésitations en adoptant une position fluctuante dans la définition du
« port » dont les critères ne sont pas clairement fiables.
Par exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que l’aménagement de quais de
déchargement sur l’une des berges d’un canal existant pouvant recevoir jusqu’à cinq péniches
constitue un port45
, alors que dans une autre affaire, il a qualifié un ouvrage ne pouvant
recevoir que quelques embarcations de plaisance, de « petite installation portuaire »46
.
La Haute Assemblée a également pu qualifier d’équipement portuaire des installations
établies dans le cadre d’une concession de plage artificielle et destinées à être utilisées par des
moyens nautiques légers à voile47
.
On notera que la Convention de Genève des Nations Unies du 9 décembre 1923
portant statut international des ports maritimes les définit comme des zones d’accueil des
navires affectées à titre principal au trafic maritime.
La Commission européenne, par l’intermédiaire de son groupe de travail portuaire, a
défini le port comme « une superficie de terrain et d’eau comprenant des aménagements et
des installations permettant principalement la réception des navires de mer, leur chargement
et leur déchargement, le stockage des marchandises par des moyens de transport terrestre et
42
R. Rézenthel « Le port maritime à la recherche d’une identité », Revue Espaces et ressources maritimes 1998,
n°12, p. 167 (éd. Pédone)
43
Article R 151-1 du Code des ports maritimes, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 1
JORF 3 janvier 1984, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 9 JORF 3 janvier 1984 : « Il est
procédé à la délimitation des ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat, du côté de la mer ou du côté
des terres, par le préfet sous réserve des droits des tiers. »
44
R. Rézenthel, « La gestion privatisée des terminaux dans les ports maritimes », JMM, 3 décembre 1993, n°
3859, p. 2969
45
CE, 13 juillet 1965, Min. int. et préfet Meurthe-et-Moselle, et Synd. de défense des copropriétaires exploitants
et non-exploitants, fermiers, horticulteurs de Fleuville-devant-Nancy, Ludres, Houdemont, Laneuville et
Richardmesnil et a. : Rec. CE 1965, p.438
46
CE, 14 mars 1986, n°40105, Sté du « domaine des Barbaresques » c/ Ferrari
47
CE, 4 novembre 1987, secr. D’Etat Mer c/ Paz : Rec. CE 1987, p. 345
20
pouvant comporter également des activités d’entreprises liées aux transports maritimes »48
.
Ce texte a une approche plus pragmatique et fonctionnelle qu’organique. Tout comme la
jurisprudence française, il ne retient pas le critère administratif.
Comment donc ne pas appréhender cette notion sans une certaine circonspection. Seul
trait commun à l’ensemble de ces approches, le port est considéré comme un espace plutôt
que comme une institution.
En droit français, l’exploitation de terminal, comme celle des autres activités
portuaires, est largement dépendante des régimes juridiques de la domanialité publique et du
service public, ce qui n’est pas pour encourager la venue de capitaux privés.
B. La domanialité publique
Le domaine portuaire s’est jusqu’à récemment caractérisé par l’appartenance
majoritaire de ses terrains portuaires au domaine public et par une conception extensive du
service public virtuel. Les terrains privés sur lesquels on peut de rencontrer des terminaux
purement privés restent peu nombreux.
Dans la tradition française, les terminaux portuaires relevaient logiquement du droit
public, le port appartenant par définition, au domaine public et était spécialement aménagé
pour satisfaire l’intérêt commun.
L’ancien article 538 du Code civil, abrogé par l’Ordonnance du 21 avril 2006
instituant le Code général de la propriété des personnes publiques, incorporait les ports dans le
domaine public49
. L’ensemble des ouvrages portuaires était considéré comme étant soumis au
régime de la domanialité publique.
Les règles de la domanialité publique ont longtemps constitué un réel obstacle pour les
opérateurs portuaires. Très contraignantes, elles engendrent une grande précarité pour
l’occupant du domaine. Parmi ces règles, on trouve le principe d’inaliénabilité,
d’imprescriptibilité et de précarité.
48
Commission européenne – ESPO, Report of an enquiry into the current situation in the major community sea-
ports, Rapport, publication ESPO, Bruxelles, 1996, p. 7
49
Art. 538 du Code civil abrogé : « Les chemins, routes et rues à la charge de l’Etat, les fleuves, rivières
navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et généralement
toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés
comme des dépendances du domaine public »
21
L’autorisation d’occupation du domaine public est précaire en ce qu’elle est toujours
révocable par l’autorité portuaire et non créatrice de droits au profit de son bénéficiaire50
, qui
ne peut revendiquer un droit au renouvellement de son autorisation d’exploitation51
.
L’occupant doit également supporter les frais de modification ou de déplacement de ses
installations et doit fondamentalement respecter la destination52
et la spécialité53
du domaine
public qu’il occupe. Ces restrictions à l’usage constituent des restrictions à l’exercice des
activités des occupants du domaine public.
Cette grande précarité est accrue par une définition incertaine de la notion de
« domanialité publique » qui reste largement tributaire de la jurisprudence. La jurisprudence
en matière portuaire a largement contribué à la compréhension de la notion de « domaine
public »54
, comme elle a d’ailleurs consacré celle de « domanialité publique portuaire »55
. Si
ce dernier terme marque la spécificité du contexte portuaire, il n‘en demeure pas moins en
principe entièrement soumis au régime classique de la domanialité publique.
La jurisprudence retient traditionnellement trois critères pour définir le régime
domanial de l’espace portuaire : l’appropriation par une personne publique, l’aménagement
spécial et l’affectation au service public ou à l’usage du public.
Le concept de domanialité publique a connu une très forte extension au gré des
jurisprudences jusqu’à la consécration d’une « domanialité publique globale » dont l’arrêt
« Société Le Béton » est fondateur56
. La jurisprudence a appliqué généreusement, pendant
plusieurs années, la théorie du « service public virtuel »57
, appliquant le régime de la
domanialité publique à un aménagement futur, ou encore qualifiant la manutention portuaire
d’élément du service public58
.
50
CE 24 novembre 1993 – société anonyme Atlantique bâtiments, construction – req. n°124933
51
CE 22 octobre 1971 – société des ateliers et chantiers de Bordeaux – req. n° 77608, 77611 et 77613 ; CE 23
avril 2001 – syndicat intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre – req. n° 187007
52
CE 3 juin 1988 – EDF GDF – req. n° 41918 ; Cons. Const. Décis. n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 – JO 23
juillet 1994 p. 10635, RFDA 1994 p. 1119
53
CE 9 juin 1972 – Ministre du développement industriel et scientifique c/ port autonome du Havre – req. n°
82828
54
CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681
55
CE 22 juin 1984, secrétaire d’Etat auprès du ministre des transports, chargé de la mer, Req. n°53630 ; CE 15
juin 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux, Req. n° 39250,39291 et 39308.
56
CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 : Dans cette espèce, l’aménagement
spécial résultait de la situation géographique de la parcelle, tandis que l’affectation au service public portuaire
découlait naturellement de l’ensemble formé par le port
57
CE 23 juin 1939, Ch. Synd. des entrepreneurs arrimeurs de chargements et déchargements des navires, Rec.
CE 1939, p. 429
58
CE Sect, 5 mai 1944, Cie maritime de l’Afrique Orientale, Rec. CE 1944, p. 129
22
Cette extension souvent injustifiée, en particulier lorsqu’elle s’applique aux parcelles
portuaires accueillant des entreprises privées, a eu pour conséquence pratique d’aggraver les
sujétions à l’égard des opérateurs économiques et des gestionnaires de terminaux.
La jurisprudence a alors entrepris de restreindre la consistance du domaine public.
Il a été jugé par le Conseil d’Etat des terrains qui appartiennent à un port maritime
autonome mais qui ne sont pas aménagés en vue de l’affectation au service public ne relèvent
pas du domaine public59
.
Le droit de déclassement du domaine public a ensuite été reconnu par le Conseil réuni
en Assemblée60
. L’aménagement ultérieur qui ne serait pas directement lié au fonctionnement
du service public ne peut entraîner de réintégration dans le domaine public. Il semble bien que
la Haute Assemblée écarte l’application de la théorie du domaine public virtuel pour les ports
maritimes et limite ainsi la portée de la jurisprudence « Société Le Béton »61
.
Envisageant le déclassement du domaine public aéroportuaire, le Conseil
Constitutionnel a précisé que le déclassement d’un bien ne saurait avoir pour effet de priver
de garanties légales les exigences résultant de l’existence et de la continuité de services
publics auxquels il est affecté62
. Désormais, le service public peut, dans certains cas
particuliers, être exercé sur des biens ne faisant pas partie du domaine public.
Les notions de domaine public et de service public se trouvent donc « déconnectées »
l’une de l’autre et bénéficient de régimes autonomes. La Cour de Justice des communautés a
considéré que le critère de la domanialité publique est insuffisant à déterminer le régime
juridique de l’activité qui y est exercé63
. Abondant dans le même sens, le Conseil d’Etat a
reconnu à l’occupant du domaine public propriétaire des ouvrages qu’il exploite pendant le
temps de l’occupation, sauf à servir directement le service public64
.
Les exigences légales d’existence et de continuité de service public pourront être
assurées par la participation majoritaire de l’Etat dans la société65
, ou encore par l’insertion
d’obligations de service public à un cahier des charges.
59
CE 30 mai 1951, Sieur Sempé, Rec. p. 297 ; CE 11 avril 1986, ministre des transports c. Daney, Mme Giret,
syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebou, Rec. p. 88, RFDA, 1987, p. 44, note Ph. Terneyre
60
Avis CE Ass. 16 octobre 1980, Revue de droit immobilier 1981 p. 309
61
R. Rezenthel, « La liberté de gestion du domaine des ports autonomes », DMF, juin 2000, n°605, p. 588
62
Cons. Const. Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005 – JO 21 avril 2005 p. 6974
63
CJCE 14 décembre 2000, Fazanda publica, aff. n° C-466/98
64
CE 23 juin 1993, Sté industrielle de construction et réparations, req. n° 111.569
65
Conformément au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946
23
Le Professeur C. Lavialle appelle même de ses vœux que les espaces affectés aux
services publics à caractère industriel et commercial soient placés sous le régime de la
domanialité privée. Citant l’exemple du port autonome de Strasbourg, il démontre que le
recours à la domanialité publique n’est pas nécessaire à une bonne gestion de l’espace
portuaire66
.
Mesurant les répercutions que la domanialité publique a nécessairement sur le mode
de gestion des terminaux et partant sur la compétitivité des ports, le législateur a engagé une
réflexion sur la domanialité publique qui aboutit à l’émergence du Code général de la
propriété des personnes publiques67
en 2006. La volonté de repenser et de réduire la
consistance du domaine public, pour se soucier d’avantage des intérêts des opérateurs
portuaires, a clairement été affichée dès l’exposé des motifs de l’Ordonnance du 21 avril
200668
. Le domaine public portuaire possède désormais la terminologie nouvelle
de « domaine public maritime artificiel », ainsi qu’une définition nouvelle donnée à l’article L
2111-1 de ce code69
. La domanialité publique s’appuie toujours sur le service public, mais le
« aménagement indispensable » est désormais requis.
Un mouvement de fond semble bien s’être engagé en faveur d’une conception
renouvelée de la domanialité publique et du service public.
Cependant, et contre toute attente, le Tribunal de Marseille a rendu, le 11 juin 200870
,
une ordonnance qui s’inscrit clairement à contre courant de cette tendance. Les juges y
adoptent une conception extensive de la notion d’outillage public à l’occasion d’un référé pré-
contractuel portant sur la mise à disposition d’une forme radoub et de terre-pleins adjacents.
Alors que cette activité ne saurait être considérée en tant que telle comme activité de service
public, la juridiction administrative a retenu qu’il s’agissait ici d’une concession d’outillage
66
Intervention de C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, « Colloque de droit comparé, « L’implantation des
entreprises privés sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999
67
Code général de la propriété des personnes publiques institué par l’Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006
68
Rapport au Président de la République relatif à l’Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relatif à la partie
législative du Code général de la propriété des personnes publiques, J.O. du 22 avril 2006, p. 6016 : « Il s’agit de
proposer une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique. C’est désormais la réalisation
certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service
public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien de la domanialité publique. De la sorte, cette
définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ».
69
L’article dispose : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne
publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct
du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement
indispensable à l’exécution des missions de ce service ».
70
Ordonnance du Tribunal Administratif de Marseille du 11 juin 2008, Observations Claire Merlin-Merrien et
Robert Rézenthel, DMF 694, juillet-août 2008, p. 674 à 683
24
public, en raison des équipements et outillages publics qui avaient été mis à sa disposition.
L’affaire fait l’objet d’un pourvoi en Cassation.
Quels sont à présent les principaux types de contrats d’occupation du domaine public
que l’opérateur de terminal peut conclure avec l’autorité portuaire ?
Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire
Maillon essentiel du paysage portuaire, le terminal est également un maillon essentiel
de la chaîne de transport et du « business plan » des grands groupes de manutentionnaires. A
partir de cette réalité, l’enjeu majeur qui se pose aux opérateurs de terminaux et aux autorités
portuaires est celui de trouver l’instrument juridique qui répondra le mieux à leurs attentes
respectives. Il devra à la fois concourir au développement du port et être compatible avec les
mécanismes d’une gestion commerciale.
La difficulté de mettre en place l’instrument juridique idéal résulte de l’antagonisme
premier qui existe entre l’exploitation de terminal, envisagée comme prérogative de puissance
publique et l’exploitation de terminal, envisagée comme une activité lucrative. La viabilité
d’un contrat et partant celle de l’infrastructure elle-même, dépendra de sa capacité à concilier
logique de service public et logique économique.
Initialement, on avait recours aux conventions traditionnelles d’occupation domaniale
(I). Si leur application perdure, elle se révèle plutôt inadaptée. A alors émergé une nouvelle
convention mieux adaptée aux réalités de l’activité, la « convention d’exploitation de terminal
portuaire » (II). Consacrée par les textes, elle se trouve aujourd’hui au centre de la réforme
portuaire à venir.
I. Dès régimes classiques d’occupation domaniale inadaptés à la création d’un régime
d’occupation propre à l’exploitation des terminaux
Les régimes des « concessions d’outillage public » et des « autorisations d’outillage
privée avec obligation de service public » ont largement été utilisés (A), avant d’être écartés
par les praticiens au profit de la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (B).
25
L’article R 115-7 du Code des ports maritimes consacrent ces trois modes d’exploitation.
A. La concession d’outillage public et l’autorisation d’outillage privé avec obligation
de service public
1. Le régime de la concession d’outillage public
La jurisprudence a reconnu l’application de ce régime à un ensemble d’exploitations
d’outillages divers, sans égard à l’importance de l’occupation domaniale. La notion
d’ « outillage public » ne possède pas de définition légale. Le Code des ports maritimes n’en
définit que sa procédure d’instruction préalable et ses conditions d’usage.
En pratique, seront notamment considérés comme des outillages publics, les grues,
portiques, hangars, silos et chemins de roulement. La jurisprudence a étendu la notion à un
grand nombre de biens mobiliers, par application de la théorie de l’accessoire. Le Conseil
d’Etat a même reconnu que la construction d’un ouvrage permanent pouvait se faire en
application d’une concession d’outillage publique, ce qui se révèle très intéressant pour la
réalisation de terminaux de transport71
.
On notera que l’avènement de la notion de « terminal » n’est pas sans causer de
difficultés dans la compréhension de la notion d’outillage public. Alors que les juges ont
refusé au port de commerce la qualification d’outillage public, elle a été reconnue au terminal
qui, pourtant selon l’article R 115-7 du code des ports maritimes dispose lui aussi de terre-
pleins, d’outillages et d’aménagements nécessaires aux opérations de débarquement,
d’embarquement et de stockage liées au navire, à l’instar d’un port.
Selon une jurisprudence constante, la gestion et l’exploitation de l’outillage public
constitue une délégation de service public72
à caractère industriel et commercial73
en raison du
contrôle de l’activité par une personne de droit public et de son utilité pour l’intérêt général.
Tout contrat passé par une autorité publique qui aurait pour objet de confier à un tiers la
71
Exemple de la construction du Centre multivrac au Port autonome du Havre sous le régime d’une concession
accordée à la Compagnie industrielle des pondéreux havrais, cité par M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques
d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit
maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 205
72
Conseil d'État – 20 décembre 2000 CCI du Var Requête n° 217639
73
CE 15 décembre 1967, Level, AJDA 1968, II, p. 230 concl. G. Braibant ; CE 5 avril 1978, société X…, Rec.
p.176 ; Trib. Confl. 12 janvier 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux c/ port autonome de
Dunkerque, req. n° 2449, D. 1987, J, p. 707 note Rézenthel ; CE 24 juillet 1987, société Carfos, Rec. p. 274
26
gestion du service public doit être considéré comme une convention de délégation de service
public et ce, quelque soit sa dénomination. Cette approche a été consacrée par l’article L.
1411-1 du Code général des collectivités territoriales, qui ajoute le critère d’une rémunération
du cocontractant « substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service »74
.
Ce mode de gestion indirect de service public par l’autorité publique apporte
l’assurance que les outillages publics exploités seront en priorité affectés aux besoins des
usagers du service public.
Un cahier des charges fixe les droits et obligations de l’autorité portuaire et de
l’opérateur concessionnaire. Support de l’exploitation d’un service public, il comporte un
ensemble de clauses réglementaires portant essentiellement sur la mise en œuvre du service
public concédé. Ces clauses pourront faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La
jurisprudence reconnaît cependant sa nature contractuelle75
. De nature hybride, il demeure un
bon outil de régulation et de contrôle des concessions passées avec l’autorité portuaire.
2. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public
L’exploitation est ici de type privatif, assortie d’une obligation de service public. Elle
s’entend comme la mise à disposition de ses équipements aux usagers du service public qui le
demandent, une fois ses besoins propres satisfaits76
. Ainsi, l’exploitation d’équipements
privés se concilie avec la possibilité de mise à disposition du public.
L’obligation de service public n’est donc pas permanente mais seulement
occasionnelle. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public demeure
néanmoins une véritable délégation de service public, avec les exigences qui en découlent.
On peut s’interroger sur la possibilité pour l’autorité portuaire d’autoriser l’exploitant
à s’exempter de l’obligation de service public. La réponse sera variable selon les cas d’espèce.
Un exploitant qui ne parvient pas à satisfaire ses besoins privés propres, sera de droit exempté
74
Article L 1411-1 du Code des collectivités territoriales tel qu’issu de la loi n° 2001-1168 du 11 déc. 2001
75
CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 concl. Bergeal ; CE 20
décembre 1933, Chambfrault, Rec. 1202
76
Art. R 122-11 du Code des ports maritimes
27
de l’obligation de service public. En revanche, il en sera exempté de fait lorsqu’il s’agit, par
exemple, de l’exploitation d’un terminal qui ne concerne que l’exploitant77
.
Pour la concession d’outillage public comme pour l’autorisation d’exploitation
d’outillage privé avec obligation de service public, la loi du 29 janvier 1993 relative à la
prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques, dite loi Sapin78
, impose une procédure de publicité pour la mise en concurrence des
offres. Un appel à la concurrence est ainsi nécessaire à l’attribution du droit d’exploiter un
terminal dans le cadre d’une occupation du domaine public avec obligation de service public.
Le Code des ports maritimes impose lui un tarif public pour l’usage des outillages
publics et équipements exploités selon le régime d’autorisation d’outillage privé avec
obligation de service public. Ces redevances constituent des redevances pour service rendu.
Avant 1999, leur barème était approuvé par l’autorité portuaire après procédure d’instruction.
Depuis le décret du 9 septembre 199979
, un certain assouplissement a eu lieu, et l’article
R115-17 prévoit désormais que les procédures d’instructions80
relatives aux tarifs et
conditions d'usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés,
lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de l'obligation de service public, ne sont pas applicables
aux « tarifs d’abonnement » ou « tarifs contractuels ».
Mais le principe même de la détermination des tarifs publics indépendamment du jeu
naturel de la concurrence, n’est-il pas contraire à l’article 1 de l’Ordonnance du 1er
décembre
1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui prône le principe de la liberté des
prix par le jeu de la concurrence ?
B. L’avènement d’un nouvel instrument juridique, « convention d’exploitation de
terminal »
Jusqu’à la fin des années 1990, les différents cadres juridiques et financiers existants
privaient les opérateurs de leur liberté tarifaire et ne les incitaient pas à investir dans les
terminaux qu’ils exploitaient dans le cadre, précaire, des conventions d’occupation du
domaine public.
77
M. Ndendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et
approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p.
206 et 207
78
L. n° 93-122, 29 janvier 1993, JO 30 janvier relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la
vie économique et des procédures publiques
79
Décret n° 99-782 du 9 septembre 1999, art. 11 JORF 11 septembre 1999
80
Art R 115-15 et R 115-16 du code des ports maritimes
28
En pratique, ces dispositifs ont connu des aménagements dans des secteurs d’activité
tels que les hydrocarbures ou les pondéreux, pour lesquels des concessions à usage exclusif
ont été octroyées. Ces exemples ont jusqu’alors bénéficié à des secteurs faiblement
consommateurs de main d’œuvre, ou à fort pouvoir de négociation vis-à-vis du port
bénéficiant de trafics à forte valeur ajoutée et dont les résultats compensaient les déficits
d’autres secteurs d’activité.
La volonté marquée des armateurs de disposer de terminaux dédiés à leurs trafics
conteneurisés, a rendu nécessaire un nouveau cadre juridique et financier d’exploitation des
terminaux. L’idée était de parvenir à simplifier les relations entre usagers et gestionnaire des
installations portuaires, et d’apporter plus de souplesse à l’activité d’exploitant de terminal.
Ainsi, la convention d’exploitation de terminaux portuaire (CET) est née de la
nécessité de pallier à la rigidité et à l’inadaptation des autorisations d’exploitation classiques,
et à celle de créer un instrument propre à l’exploitation de terminal. Elle est avant tout un
contrat né de la pratique. Le port de Dunkerque a été le premier port à appliquer un tel régime
et ce sans texte. Cette innovation a été rendue possible car le droit français pose comme
principe la liberté, sauf interdiction expresse.
L’objectif clairement affiché est d’offrir une gestion intégrée du domaine portuaire
dans un cadre juridique permettant le transfert de personnel de l’autorité portuaire à
l’exploitant de terminal.
Après l’expérience réussie à Dunkerque pour ses terminaux charbonniers et
conteneurs, elle a été introduite dans le Code des ports maritimes à l’article 115-7-III81
, par un
décret du 9 septembre 199982
. La convention d’exploitation est conforme à une convention
type approuvée par le Conseil d’Etat dans un décret du 19 juillet 200083
, texte qui reprend ce
qui avait été fait à Dunkerque. On y trouve notamment des dispositions relatives aux objectifs
de trafic du terminal et aux sanctions qui les accompagnent en cas de non respect de ces
81
Art R. 115-7, III : « Le port autonome peut également conclure avec une entreprise une convention
d’exploitation de terminal. Cette convention porte exclusivement sur la gestion et, le cas échéant, la réalisation
d’un terminal spécifique à certains types de trafics et comprenant les terre-pleins, les outillages et
aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d’embarquement, de manutention et de stockage
liées aux navires. Le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine portuaire,
doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publics ou d’outillages privés avec
obligation de service public. »
82
Article 115-7-III du code des ports maritimes, modifié par le décret nº 99-782 du 9 septembre 1999 ; art. 11,
Journal Officiel du 11 septembre 1999
83
Décret n° 2000-682 du 19 juillet 2000 approuvant la convention type d'exploitation de terminal dans les ports
autonomes maritimes et modifiant le Code des ports maritimes, JOFR 21 juillet 2000
29
objectifs. La convention est soumise au conseil d’administration et approuvée par arrêté du
ministre en charge des ports maritimes et du ministre chargé du budget.
La convention que chaque terminal passe avec l’autorité portuaire est un acte
contractuel assorti de clauses réglementaires, portant sur l’organisation du service public ou
en définissant les obligations. Si l’exploitation porte sur le domaine public, le contrat est de
nature administrative et donne compétence aux juridictions administratives.
Le CE a jugé que la convention d’exploitation de terminal ne portait pas atteinte aux
intérêts syndicaux et que partant, le recours pour excès de pouvoir d’un syndicat contre le
décret approuvant la convention type irrecevable84
.
Les ports de Marseille et du Havre ont aujourd’hui choisi de généraliser le modèle
économique de la convention d’exploitation pour l’exploitation de leurs terminaux. Au Havre,
la CMA CGM – GMP pour le Terminal de France, Maersk – TN pour le terminal de la Porte
Océane et MSC – TN pour le terminal Bougainville ont signé des CET avec l’autorité
portuaire. A Marseille, cela a été fait par MSC et Portsynergy (filiale de CMA CGM) pour le
terminal Fos2XL85
.
« Nouvel instrument de management portuaire »86
, la CET est un contrat
supplémentaire qui s’ajoute aux contrats classiques d’occupation domaniale, sans aucunement
se substituer à eux.
II. Le contenu de la convention d’exploitation de terminal
Conçues sur le modèle des conventions d’occupation du domaine public, les
conventions d’exploitation de terminal se composent à la fois de dispositions traditionnelles
visant à protéger l’affectation du domaine public et de dispositions innovantes dont le but est
d’augmenter le trafic et la qualité du service notamment par le jeu d’incitations financières
(A).
84
CE 14 juin 2002, n° 225113, Féd. Générale des transports et de l’équipement CFDT
85
Journal Le Marin, N° 3095, du 3 novembre 2006, p. 11 « Convention signée pour Fos2XL » ; Journal Le
Marin, N° 3152, du 7 décembre 2007, p. 14 « Appel à projet pour Fos3XL et Fos4XL lancé »
86
« L’exploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du 21ème
siècle », L. Fedi et R. Rézenthel
DMF octobre 2007, p.828
30
Si ces règles sont à l’évidence signe d’un progrès dans le secteur, leur impact reste
limité en pratique (B).
A. Les apports de la convention d’exploitation de terminal
Le régime de la CET marque une nouvelle étape dans la relation entre l’autorité
portuaire et l’exploitant de terminal. Elle offre plus de souplesse à l’exploitation des
terminaux portuaires.
Première précision apportée par la convention à son article 1, la convention type
d’exploitation précise que le terminal mis à disposition de l’exploitant doit être spécialisé. On
entend par là, qu’il doit être affecté à un trafic spécialisé et non au trafic général d’un port.
Cette précision évite la redoutée « privatisation » des ports.
Dans cette même logique, l’article R 115-7 III du Code des ports maritimes dispose
que « le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine
portuaire, doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publiques ou
d’outillages privés avec obligation de service public ». Aucun droit d’exclusivité ne saurait
être reconnu à l’opérateur qui conclut une CET. Cette convention ne saurait créer de
monopole. L’autorité portuaire est libre de conclure d’autres conventions avec des entreprises
concurrentes. Cette disposition marque son attachement au respect des règles
communautaires.
Pour chaque exploitation, sont prévus des objectifs de trafic87
. Les objectifs prévus au
contrat sont assortis de pénalités ou de bonus selon les résultats obtenus. On peut très bien
envisager que leur non-respect entraîne la résiliation de la CET, puisque les juges
reconnaissent que le non-respect des objectifs d’activité prévus au contrat puisse entraîner
résiliation du contrat88
. Dans ce cas, aucune indemnité ne sera versée à l’exploitant.
La clause de trafic reste une « clause excessive » car la maitrise parfaite d’un trafic est
impossible et ne dépend pas uniquement des conditions d’exploitation du terminal89
.
Apport important de la CET, l’exploitation peut porter à la fois sur le domaine public
et sur le domaine privé. La convention ne fait aucune distinction entre domaine public et
87
Art. 2 de la convention type d’exploitation
88
CE, sect., 13 juillet 1968, n° 73.161, Sté « Ets Serfati », Rec. CE p. 1 ; CE, 27 novembre 1974, n° 91.137, Sté
Internationale Commerciale et Industrielle, Rec. CE, p. 593
89
Lamy Manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 345-58
31
domaine privé. Traditionnellement, la jurisprudence90
considère que lorsqu’un terminal est
implanté à la fois sur les deux domaines, seul le régime de la domanialité publique s’applique.
Dorénavant, les biens appartenant au domaine privé conservent ce régime malgré la
l’exploitation de terminal. C’est donc une situation mixte qui est ici reconnue91
.
L’intérêt de cette position est notamment de permettre de remédier au flou qui existe
concernant l’étendue de la priorité d’embauche des dockers sur le domaine public. Si l’article
511-2 du Code des ports maritimes réserve cette priorité aux postes publics, la pression
sociale demeure forte pour revendiquer cet avantage sur l’ensemble du domaine public
portuaire92
.
Dans la détermination des droits et obligations des parties, la CET confie à l’opérateur
de terminal la charge de l’exploitation technique et commerciale du terminal. A ce titre, il
bénéficie d’une priorité permanente d’usage des quais et gère les installations et services pour
son propre compte93
.
L’article 5 de la convention type d’exploitation précise les moyens que le port mettra à
disposition de l’opérateur. Il pourra s’agir de terrains, terre-pleins, d’aménagements et
d’outillages publics selon des conditions financières différentes de celles de la procédure
d’instruction applicables aux redevances d’usage des outillages publics94
. La mise à
disposition « n’entraîne en aucun cas transfert de propriété ou constitution de droits réels »95
.
Cependant, on peut très bien imaginer la vente de terrains ou outillages, par acte distinct, à
l’opérateur, s’ils appartiennent au domaine privé du port.
Pour motif de vétusté, de sécurité ou tout motif d’intérêt général, l’autorité portuaire
peut toujours décider de mettre fin à la mise à disposition. Le retrait partiel peut être prononcé
après expiration d’un préavis de deux mois à compter de la notification de la décision à
l’exploitant. Dans ce cas, l’article 16.3 de la convention type exclut le droit à indemnité pour
l’exploitant.
Notons que la convention type prévoit que le port autonome puisse effectuer des
prestations de services à la demande de l’exploitant. Une convention particulière est alors
conclue. Elle précise les modalités et conditions de fourniture de ces prestations. L’objet de
90
CE 11 décembre 1957, sieurs Buffière et autres – Rec. p.666
91
« Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », R. Rézenthel
Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 1460
92
Lamy manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 545-63
93
Art. 3.1 « L’exploitation technique et commerciale du terminal » de la convention type d’exploitation
94
La liste des terrains et terre-pleins indiquant leur superficie et leur nature publique ou privée ainsi que la liste
des aménagements et celle des outillages sont annexées à la convention
95
Art.5 in fine de la convention type d’exploitation
32
cette disposition, prévue à l’article 3.3 de la convention type, est de rassurer le personnel des
ports maritimes autonomes qui redoutent la privatisation de l’exploitation et maintenance des
outillages publics. Juridiquement non contestable, cette disposition ne doit cependant pas
aboutir à créer un abus de position dominante en créant un état de dépendance économique à
l’égard d’une entreprise cliente qui ne disposerait pas de solution équivalente.
L’innovation principale de la CET est le rééquilibrage des pouvoirs entre autorité
publique et exploitant de terminal et son évolution vers un véritable contrat synallagmatique.
Pour une gestion optimisée, l’opérateur est libre de choisir les membres de son
personnel. La seule exception notoire à la règle est l’obligation faite à l’autorité portuaire, ou
à l’opérateur qui succède à l’exploitation, de maintenir le personnel du terminal dans ses
fonctions à l’expiration de la convention d’exploitation ou dans le cas de son retrait. Cette
apparente restriction à la liberté de l’opérateur a pour but d’assurer la protection des droits du
personnel et de permettre au nouvel opérateur de se retrouver dans la même situation que son
prédécesseur vis-à-vis des charges salariales.
S’agissant de la stratégie commerciale et de la politique tarifaire, l’opérateur de
terminal a aussi un large pouvoir de décision.
Les conditions tarifaires de la mise à disposition des outillages publics sont
déterminées par la CET96
. Les montants, les conditions de versement et les conditions de
révision sont fixés selon des modalités propres à chaque convention d’exploitation et ce par
dérogation aux articles R. 115-15 à R. 115-8 du Code des ports maritimes, applicables aux
outillages publiques concédés ou affermés ainsi qu’aux outillages privés utilisés dans le cadre
de l’obligation de service public.
La CET implique un commandement unique du terminal. L’idée est que l’opérateur
doit pouvoir disposer du pouvoir de gestion de l’ensemble des activités du terminal et de tous
les personnels. Bien que la CET ne règle pas la question du transfert de total des agents de
conduite et personnels de maintenance des ports vers les entreprises de manutention, elle
représente un « modèle convenable pour engager la modernisation et la compétitivité de nos
ports »97
.
Dans cette logique renouvelée des contrats d’exploitation, l’occupation du domaine
public a elle aussi été assouplie. Il est désormais possible pour l’exploitant de prendre
96
Art. 11.2 de la convention type
97
ISEMAR, Note de Synthèse n°92, février 2007, « De nouvelles pistes pour la politique portuaire française »
33
l’initiative de résilier le contrat, sous réserve de respecter un préavis de trois mois et du
versement d’une indemnité à l’autorité portuaire. Dans le même sens, l’article 20 de la
convention type prévoit qu’en raison de la nature essentiellement commerciale des relations
entre l’opérateur et l’autorité portuaire, un recours à l’arbitrage pourra être décidé. Cette
disposition fait entrer la transaction dans les relations entre l’autorité portuaire et l’opérateur
de terminal.
La CET est un instrument juridique que l’on pourrait qualifier d’ « équitable », en ce
sens qu’il fait entrer une nouvelle logique contractuelle dans les relations entre l’autorité
portuaire et l’opérateur, laissant place à une conception renouvelée du partenariat
public/privé. Partant, elle permet une plus grande responsabilisation des acteurs98
.
La question majeure qui se pose à présent est celle de savoir si la CET constitue une
délégation de service public.
D’un point de vue formel, on notera que l’article R 115-7-III du Code des ports
maritimes évoque uniquement le terme de « domaine portuaire », ne distinguant pas entre le
domaine public et le domaine privé et ne maintenant les obligations de service public que
pour les outillages privés. La domanialité ne semble plus se justifier.
Autre élément, l’absence de visa de la loi du 29 janvier 1993, dite « Loi Sapin », dans
le décret de 2000 approuvant la convention type d’exploitation de terminal99
. L’octroi d’une
autorisation d’exploitation de terminal paraît dispenser d’un appel d’offre, comme c’est
d’ailleurs le cas des autorisations d’occupation temporaire qui n’impliquent pas l’exploitation
d’un service public.
La référence au service public semble avoir été volontairement omise dans la CET. Il
faut donc considérer que l’exploitation de terminal sous CET est une activité purement
commerciale.
La CET démontre qu’elle est un nouvel instrument juridique d’avantage conforme aux
réalités du commerce. En cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’Etat qui met en avant
la liberté du commerce et de l’industrie et le droit de la concurrence que le gestionnaire de
l’autorité portuaire doit s’engager à respecter100
, elle semble aussi fortement s’inspirer du
98
Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de
Marseille, colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM du lundi 23 juin 2008
99
La CET reste soumise à la procédure d’instruction du Code des ports maritimes et devront être appliquées les
procédures relatives aux travaux portuaires, article L 155-1 et sv du Code des ports maritimes
100
CE Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex
34
droit communautaire, selon lequel, la manutention n’est pas considérée comme un service
d’intérêt économique et général101
.
B. Les limites à l’innovation
La naissance de ce nouveau contrat ne fait pas pour autant table rase du passé.
Plusieurs des limites classiques à l’occupation du domaine portuaire imposées à l’exploitant
se retrouvent dans la CET. Il faut ajouter à cela, un ensemble de réserves émises par la
doctrine quant à la viabilité de ce contrat sur le long terme.
1. Les limites classiques des conventions d’occupation du domaine public
Comme toute occupation du domaine public, la CET a un caractère personnel.
L’article 3.2 dispose « L’entreprise est tenue d’exploiter directement en son nom le terminal
objet de la présente convention. Elle est tenue d’occuper elle-même et sans discontinuité les
biens immobiliers dans l’emprise du terminal ». L’opérateur qui confie à un tiers une partie de
l’exploitation du terminal, demeure tenu par les obligations imposées par la convention envers
le port et les tiers. La cession totale ou partielle de l’exploitation exercée par l’opérateur de
terminal n’est possible qu’avec l’accord du port, sous peine de résiliation du contrat.
L’exploitant de terminal informera le port de tout changement dans sa situation susceptible de
modifier le contrôle de l’entreprise102
.
De la même manière que pour les concessions d’outillage public, l’article 7 de la
convention type impose, pour la réalisation de travaux de rénovation, modification ou
renouvellement des terre-pleins, aménagements et outillages mis à disposition, l’accord
préalable de l’autorité portuaire. Les modalités de financement sont prévues par la
convention. L’exécution des travaux est également soumise à l’accord du port103
.
Concernant les dépenses d’entretien des terre-pleins, aménagements et outillages, la
convention type détermine lequel de l’opérateur ou de l’autorité portuaire en supportera le
coût et dans quelle mesure. Les responsabilités de chacun des cocontractants en dépendront.
101
R. Rézenthel « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif »,
Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 146 ; CJCE 10 décembre 1991, Merci
convenzionali porto di Genova Spa, aff. C-179/90, Rec. CJCE, I, page 5889
102
Au sens de l’art. L. 233-3 du Code de commerce
103
Art. 32 du règlement général de police des ports maritimes de commerce et de pêche
35
L’exploitant maintiendra en bon état de fonctionnement l’ensemble des ouvrages et
outillages mis à sa disposition pendant tout le temps de la convention. Il s’agit là d’une
obligation habituelle à laquelle sont soumis les occupants du domaine public, afin que les
prestations de services soient assurées de manière satisfaisante jusqu’au terme de la
convention.
L’article 17.2 de la convention type fait état d’un droit de préemption de port sur les
biens mobiliers appartenant à l’exploitant et installés sur le terminal. Si l’autorité portuaire
n’exerce pas son droit, l’exploitant devra remettre les lieux dans leur état initial.
S’agissant des biens immobiliers, l’article 17.3 retranscrit la « théorie des biens de
retour » et dispose qu’une fois la convention venue à terme, les biens immobiliers qui ont été
aménagés par l’opérateur reviennent de plein droit et gratuitement à l’autorité portuaire si elle
l’accepte, à défaut, les biens devront être remis dans leur état initial.
Au titre des obligations imposées à l’exploitant, on retrouve plusieurs obligations de
service public, bien qu’aucune référence au « service public » ne soit directement faite.
L’opérateur devra occuper sans discontinuité le terminal, se conformer aux objectifs de trafics
prévus, réalisation des investissements selon un calendrier, payer une redevance, assurer
l’entretien des ouvrages et installations et supporter sans contre dédommagement le retrait
partiel de terre-pleins, aménagements et outillages. Si la résiliation de la CET intervient,
l’exploitant sera tenu de verser une indemnité à l’autorité portuaire, sauf résiliation pour motif
d’intérêt général.
Enfin, l’autorisation d’occupation du terminal est nécessairement limitée dans le
temps. Il appartient aux parties de s’entendre sur ce point. L’article 13 de la convention type,
reprenant l’article L 34-1 al.3 de code du domaine de l’Etat, précise que la durée est appréciée
au regard des de la durée d’amortissement des investissements à la charge de l’entreprise.
C’est ici une volonté plutôt claire de ne pas voir les droits de l’opérateur devenir le jeu normal
de la concurrence104
.
104
« Le régime d’exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes : un progrès significatif », R.
Rézenthel, Journal de la Marine Marchande, du vendredi 4 août 2000, n° 1460
36
2. Les faiblesses propres à la CET
Le rôle de la CET se trouve d’abord limité, en pratique, par l’obligation de se
conformer à une convention type.
De plus, la forme du décret exigé pour la validation de la convention type, a pour
conséquence d’alourdir la procédure en cas de dérogation à ce document type. L’article R
115-14 in fine du Code des ports maritimes prévoit dans ce cas l’approbation des ministres
chargés des ports maritimes, de l’économie et du budget.
Plusieurs critiques de la CET ont été émises par la Cour des comptes qui dénonce son
« caractère hybride, entre la convention d’occupation du domaine public et la concession
globale »105
. La critique vient notamment du fait que le partage des risques entre le
gestionnaire de l’autorité portuaire et l’exploitant de terminal est insuffisamment formalisé
pour permettre une bonne saine, équilibrée et transparente. La CET fait peser un risque
commercial important sur l’autorité portuaire qui assume les charges d’amortissement et
d’exploitation des infrastructures, alors même que ces charges contribuent à la « performance
des terminaux »106
.
Autre point soulevé, l’impact négatif résultant de la limitation du champ d’application
des CET aux seules superstructures. Cette restriction technique et économique est contestable,
car la qualité, comme l’entretien, et la disponibilité des infrastructures concourent à la
performance des terminaux.
La Cour dénonce également l’absence d’une « pleine maîtrise économique et
financière de l’entité que constitue le terminal ». Les conséquences sont l’absence de
« répartition juste et équitable des gains économiques et financiers des hausses de trafics
entre les deux parties concernées » ainsi que le défaut d’ « adaptation du montant des fonds
publics à la rentabilité socio-économique des projets ».
Autre interrogation soulevée par la doctrine, celle de savoir si l’autorité portuaire est
tenue de recourir à l’un des régimes prévus à l’article R 115-7 et suivants du code des ports
105
Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport
maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p. 74
106
La Cour de comptes illustre le maintien d’un niveau élevé de risque commercial sur l’autorité portuaire en
prenant pour exemple le port autonome du Havre dont la rémunération pour l’exploitation des premiers postes à
quai de Port 2000 est constituée à 92% par les droits de port et à 8% des redevances des CET
37
maritimes français, ce qui aurait pour conséquence de réduire la liberté de choix du
gestionnaire.
La liste proposée est clairement non exhaustive et ce d’autant qu’elle fait l’impasse sur
l’autorisation d’occupation temporaire, contrat pourtant largement répandu. Le Docteur en
droit, Robert Rézenthel, pencherait en faveur d’une liberté de choix du régime domanial,
estimant qu’il doit être possible de conclure des contrats sui generis ou innomés107
. La
question n’est pas tranchée et demeure une question doctrinale.
Sur le plan pratique, les différentes expériences menées connaissent un succès mitigé.
A Dunkerque, l’exploitation du terminal à conteneurs a seulement permis une réduction
significative des pertes sans permettre d’aboutir à une situation bénéficiaire. A Marseille et au
Havre, où des CET ont été passées pour l’exploitation de nouveaux terminaux, les
établissements portuaires ont été confrontés à la difficulté de respecter les engagements de
trafic, et à celle de concilier l’intérêt socio-économique des projets avec les exigences
commerciales des opérateurs. Les autorités publiques devront impérativement favoriser les
trafics dont les retombées sont les plus positives pour la collectivité en termes d’activité,
d’externalités et d’emplois108
.
Autre faiblesse de la pratique, l’application généralisée de la loi du 29 janvier 1993
relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques. La procédure de mise en concurrence appliquée à l’ensemble des
appels à projet revient à ne plus faire de distinction entre les différents instruments juridiques
à la disposition de l’autorité portuaire109
.
Il convient d’évoquer à nouveau l’Ordonnance du Tribunal de Marseille du 11 juin
2008110
, qui requalifie en concession d’outillage public, la mise à la disposition d’une forme
de radoub et de terre-pleins adjacents au bénéfice d’une entreprise de réparation navale. La
mise à disposition d’outillage public serait donc suffisante à entrainer la requalification de
l’ensemble d’un contrat en délégation de service public, avec les conséquences importantes
que cela entrainerait en termes de liberté de gestion. Le fait que l’activité concernée ne saurait
être qualifiée d’activité de service public semble indifférent. Il existe ici une réelle confusion
107
« La liberté de gestion du domaine des ports maritimes autonomes », R. Rézenthel, DMF 2000, p. 595
108
Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport
maritime : urgence de l’action », Chapitre 2, juillet 2006, p. 69 à 73
109
Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de
Marseille lors du colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM, le lundi 23 juin 2008
110
« Contentieux pré-contractuel pour l’exploitation d’une forme de radoub », Ordonnance du Tribunal
administratif de Marseille n° 0803537, du 11 juin 2008, Observations de Claire Merlin-Merrien et Robert
Rézenthel, DMF 694, juillet – août 2008, p. 674 à 683
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  • 1. Université Paul Cézanne – Aix Marseille III Faculté de Droit et de Science Politique Les Terminaux à conteneurs portuaires Mémoire de Master II de Droit Maritime et des Transports Présenté par Axelle JOUVE Sous la Direction de Me SCAPEL ANNEE UNIVERSITAIRE 2007 / 2008
  • 2. 1 Abstract While terminal operators have become an essential link to the international transport chain, international legislations have yet to recognize and define the importance of this activity. In most cases, operators are limited to incompatible and restrictive national legislations. In France, the terminal exploitation in harbour areas is constrained by the application and notion of public services. European Union legislations have permitted great improvements for terminal operators, nevertheless, the activity remains characterized by a lack of flexibility as well as a lack of judicial security. Although operators around the world offer identical services, the notion of a common liability is non-existent. The Vienna Convention on the responsibility of transport exploiters, attempted to harmonize this responsibility on an international level which was then rejected by the international community. So far the existing texts only offer fragmented answers, borrowed from the judicial regimes of different transport actors. Clarification of terminal operator’s legal status is wished. L’opérateur de terminal est devenu un maillon essentiel de la chaîne de transport international. Pourtant, aucun texte international ne reconnaît clairement son activité. Ne bénéficiant ni de définition légale, ni d’un statut propre, les opérateurs sont soumis à des législations nationales souvent mal adaptées et contraignantes. En France, l’exploitation de terminal, implantée sur en zone portuaire, est soumise à un ensemble de contraintes dont la plupart sont liées à l’application du régime de la domanialité publique, encore trop largement rattaché à la notion de service public. La législation communautaire a notamment permis d’améliorer la situation de l’exploitant de terminal mais l’activité reste caractérisée par un manque de souplesse et de sécurité juridique. Alors que les opérateurs réalisent des prestations identiques dans le monde entier, il n’existe aucun régime impératif de responsabilité qui soit commun à tous. Les textes actuels n’apportent que des réponses fragmentaires, empruntant aux régimes juridiques des différents auxiliaires de transport. Le régime de responsabilité harmonisée initié par la Convention de Vienne sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international a été rejeté par la communauté internationale. Nous ne pouvons qu’espérer une clarification rapide du statut de l’opérateur de terminal.
  • 3. 2 Remerciements Je tiens d’abord à adresser mes plus sincères remerciements à mes professeurs, Christian Scapel et Pierre Bonassies, pour leur soutien et la qualité de leur enseignement. Je remercie tout particulièrement Mr Robert Rézenthel, pour son aide et sa disponibilité tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je remercie également l’équipe du service juridique de la Compagnie Maersk France à Marseille, pour m’avoir permis, lors de mon stage, d’aborder sous un angle pratique et juridique les problématiques de transport et pour m’avoir donné l’opportunité de visiter le Terminal à conteneurs de Fos-sur-Mer.
  • 4. 3 Sommaire Abstract................................................................................................................................... 1 Remerciements........................................................................................................................ 2 Sommaire................................................................................................................................ 3 Introduction - L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité économique prisée .................................................................................................................. 4 Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs portuaire .................................... 10 Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles de la domanialité portuaire........................................................................................................... 11 Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire............. 11 Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire.................... 24 Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un environnement portuaire compétitif et plus sûr ............................................................................................ 39 Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et l’application du droit communautaire.................................................................................................................. 39 Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ? ........................... 40 Section 2- Accroissement de la sécurité et de la sûreté sur le terminal à conteneurs ....... 53 TITRE 2 Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs pour les dommages causés aux marchandises........................................................................................ 60 Chapitre 1- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs portuaire............................................................................................................................... 60 Section 1- La phase de responsabilité............................................................................... 61 Section 2- Les prestations réalisées par l’opérateur sur le terminal.................................. 70 Chapitre 2- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal.............................. 77 Section 1 – Les régimes actuels de responsabilité............................................................ 77 Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité des opérateurs de terminaux.............................................................................................. 91 Conclusion.......................................................................................................................... 100 Bibliographie...................................................................................................................... 101 Annexes............................................................................................................................... 105
  • 5. 4 Introduction - L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité économique prisée La croissance du commerce mondial nourrit les promesses d’un développement toujours plus soutenu de la conteneurisation, suscitant ainsi un fort mouvement de construction de nouveaux terminaux. Tous les grands ports maritimes ont leur projet de terminal à conteneurs portuaire. Ces nouveaux aménagements devront répondre à la croissance du trafic conteneurisé et disposer d’infrastructures adaptées aux navires porte- conteneurs de plus en plus gros. Le maître mot est à la réalisation d’économies d’échelle et à la maitrise du temps, incitant les industries à se doter de navires et de terminaux de plus en plus gros1 . Dans ce nouveau contexte maritime, l’objectif est d’optimiser et maîtriser les mouvements et flux de conteneurs. L’avènement de la logistique a permis d’y parvenir en adoptant une vue globale de la chaîne de transport. De L’organisation de véritables réseaux logistiques a résulté la concentration des investissements et des innovations dans les plus grands ports maritimes, qui bénéficient seuls du développement des trafics. Depuis la fin de la période de construction des zones industrialo-portuaires dans les années 1990 en Europe, les constructions des terminaux à conteneurs représentent les projets d’aménagement les plus importants. Ils marquent une nouvelle étape dans le développement des zones portuaires répondant à une nouvelle problématique des flux mer/territoire. Les ports doivent aujourd’hui répondre aux exigences des armateurs et des méga manutentionnaires, alors que le budget public qui lui est consacré diminue et que les critères environnementaux et sociaux s’alourdissent. Autrefois, les chargeurs ou leurs représentants choisissaient leur port et leur armateur. Aujourd’hui, ils veulent un transport complet de leur entrepôt à celui de leur client, peu important les modes de transport et le « routing ». C’est ce que la pratique qualifie de service « porte-à-porte » (ou « door to door »), l’armement prenant en charge l’organisation du pré et post-transport terrestre, dit « carrier haulage ». Les taux de fret étant aujourd’hui assez bas et les prestations de transport maritime équivalentes d’une compagnie maritime à une autre, c’est sur les maillons terrestres que peuvent se réaliser les plus importants gains financiers et 1 « Les terminaux repoussent leurs limites », Journal Le Marin, N°3163, 22 février 2008, p.3
  • 6. 5 de productivité. La « bataille » entre les armateurs se joue donc à terre. Les ports sont à leur tour mis en concurrence. La fiabilité et la qualité des services à terre sont des facteurs décisifs du choix des armateurs pour tel port. Les armateurs exigent une manutention sécurisée, capable de mettre en œuvre le plus grand nombre possible de portiques compte tenu de la taille du navire et de son plan de chargement ainsi que des temps d’attente à quai minimums. Le but est de rationaliser les transbordements et de garantir au mieux la performance du transport. Autre facteur important, le coût de la manutention dans un port. Quelques dizaines de dollars d’écart par conteneur feront basculer le choix entre deux ports, par exemple entre Marseille et Malte. Dans ce contexte de développement soutenu du trafic conteneurisé, l’exploitation de terminaux à conteneurs est devenue une activité de premier plan2 . La concurrence s’effectue aujourd’hui autant entre les opérateurs de terminaux qu’entre les ports3 . Cette concurrence qui ne concernait que certaines régions asiatiques s’est généralise à l’échelle du globe4 . Dans les années 1990, on assista à l’émergence de groupes de manutention internationaux spécialisés dans le trafic de conteneurs assurant leur manutention et leur garde. Leur développement initial et leur originalité en termes de techniques de gestion ont été rendus possible par leur réglementation portuaire nationale souple et ouverte aux investissements privés. Ils ont, par la suite, exporté progressivement ce modèle. Les groupes asiatiques tirent ici leur épingle du jeu aux côtés d’entreprises européennes et américaines. Les stratégies de croissance des manutentionnaires mondiaux sont diverses. Elles restent principalement axées sur l’implantation dans des zones à fort potentiel de développement, notamment en Asie du Sud-est, zones appelées à devenir des plaques tournantes des trafics mondiaux ou régionaux. Mais les grands groupes maintiennent aussi leurs investissements dans les ports déjà plaques tournantes des trafics, situés sur les grandes routes maritimes, car ils représentent une « valeur sûre ». Leur stratégie peut également passer par l’acquisition de la gestion de nouveaux terminaux à conteneur par le rachat de groupes 2 Journal de la Marine Marchande du 29 juin 2007, N°4567/4568, « Les équipementiers profitent de la mondialisation », Loïc Salmon, p.23 3 Wang and Slack, “The evolution of a regional container port system: the Pearl River Delta”, Journal of Transport Geography n°8, 2000, p. 263 - 276 4 Par exemple, en Chine méridionale, Hutchinon Port Holdings (HPH) et Modern Terminals Limited (MTL) ont des intérêts concurrentiels dans plusieurs ports du delta de la Rivière des Perles et à l’intérieur du port de Hong Kong.
  • 7. 6 concurrents qui jouissent déjà de l’exploitation de terminaux ou encore par un partenariat avec un autre opérateur pour la gestion en commun d’un terminal. La tendance actuelle est à la concentration des grands opérateurs mondiaux, par le jeu d’acquisitions, de partenariats et d’expansions. Le secteur est structuré autour des grands opérateurs de terminaux, aux premiers rangs desquels on trouve Hutchinon Port Holdings (HPH), Port of Singapore Authority (PSA), APM Terminals (groupe AP Moller), Peninsular & Oriental Ports (P&O Ports) et Eurogates5 . On notera que les entreprises de manutention sont entrées depuis peu dans une nouvelle phase d’expansion de type organisationnelle. A l’heure de la logistique et du management de la « supply chain », les opérateurs souhaitent, eux aussi, se diversifier en offrant de plus en plus des services logistiques et deviennent organisateurs de transport6 . Face à ce schéma de couverture mondiale des principaux sites portuaires par les opérateurs de terminaux les plus importants, on peut s’interroger sur la réelle indépendance des entreprises de taille plus réduite, manutentionnant des volumes moins importants et de chiffres d’affaires moins colossaux7 ,8 . La venue de ces groupes leaders dans un port constitue un réel avantage pour ce dernier. Les grands groupes n’investiront sur un site que lorsqu’ils seront sûrs de pouvoir dégager des profits en s’appuyant sur la massification des trafics. Ceci explique qu’ils recherchent toujours une position dominante dans un port. Au-delà de la position stratégique d’un port, leur implantation sur un site dépendra largement de leur certitude de pouvoir contrôler le plus de paramètres de gestion possibles dans l’exploitation du terminal, à partir notamment d’une concession sur le long terme. Les opérateurs veulent pouvoir maitriser à la fois leurs prix et les technologies de manutention, pour augmenter les cadences et avoir un service de qualité. De cette manière, ils réalisent des économies d’échelle et augmentent la rentabilité de leur activité en intégrant des logiques industrielles. De nombreux Etats en ont bien pris conscience de cet enjeu et ont engagé des réformes portuaires pour permettre le transfert vers le secteur privé d’une partie des investissements et 5 Cornier J-C « Opérateurs : les trois premiers pèsent plus de 60 millions d’EVP », Journal Le Marin, hors-série novembre 2002, p.12 6 Lacoste Romuald et Terrassier Nicolas « La manutention portuaire conteneurs : les opérateurs internationaux – perspectives européennes », Synthèse ISEMAR n°39, novembre 2001, p.2 7 Cornier J-C « Terminaux : à côté des très grands groupes… », Journal de la Marine Marchande, N°4586 du 16 novembre 2007, p.30 8 Citons l’exemple du groupe PSA qui a acquis la majorité du capital de HNN, premier manutentionnaire de conteneurs d’Anvers, lui-même fruit d’une fusion entre deux opérateurs locaux (Hessenatie et Noord Natie
  • 8. 7 des compétences du secteur portuaire. Certains Etats, comme le Royaume-Unis dans les années 1980, sont allés jusqu’à engager des procédures de privatisations des ports. La France semble bien aujourd’hui décidée à s’engager dans ce mouvement de réforme portuaire pour « attirer » les opérateurs en leur permettant de contrôler tous les paramètres de leur activité et de développer leur industrie dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée. Les autorités publiques semblent maintenant prêtes à investir massivement dans les installations portuaires9 . Parallèlement au développement de ces grands groupes spécialisés sur les sites portuaires, les armateurs de lignes régulières s’intéressent eux aussi, et de plus en plus, aux terminaux à conteneurs10 . L’avènement du conteneur a changé la compréhension du transport maritime de lignes régulières. En peu de temps, les armateurs ont dû adapter leurs méthodes de travail et investir différemment, dans des navires coûteux, des flottes de conteneurs et dans des installations adéquates au trafic conteneurisé. Paradoxe des évolutions de la pratique maritime, les armateurs, autrefois actionnaires de nombreux terminaux, avaient décidé de recentrer leur activité sur le transport maritime pur. Les terminaux regagnent aujourd’hui leur faveur. Pressentant la tendance prochaine, le transporteur maritime Sea-Land investit, dès 1972, dans un terminal à Hong Kong, ce qu’a récemment fait la CMA-CGM sur le site de Marseille Fos en devant l’opérateur de terminal pour la gestion de Fos 2XL11 , et encore plus récemment en concluant un accord portant sur la construction et l’exploitation pour une durée de 50 ans d’un futur terminal à conteneurs dans le port de Tanjin12 . Les raisons qui poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et en particulier dans les terminaux à conteneurs sont multiples. Plusieurs raisons poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et, en particulier, dans les terminaux à conteneurs. Investir dans ces structures, c’est d’abord garantir à leurs clients chargeurs une meilleure prestation globale de transport. Les armateurs s’assurent une gestion plus efficace du passage portuaire, un gain de temps et partant, une fidélisation des chargeurs de plus en 9 Dossier de presse, Plan de relance des ports, 8 avril 2008, publié par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire 10 Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Compagnies : intégrer ou non le terminal portuaire », p.2 11 Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Jean-François Mahé de la CMA-CGM : « Nous avons tout intérêt à influer sur la manutention » », Pierre Graves, p.9 12 Accord du 21 août 2008, Communiqué de Presse de la CMA CGM « CMA CGM investit dans le port de Tanjin », 21 août 2008
  • 9. 8 plus exigeants. Investir dans les terminaux, c’est aussi marquer un site portuaire de sa présence et s’assurer une indépendance vis-à-vis des grands groupes de manutention qui investissement massivement dans ces zones stratégiques. A l’heure où les prestations maritimes des transporteurs se valent, la maîtrise du maillon portuaire peut clairement faire la différence et constitue une marge potentielle de bénéfices. Les armateurs qui s’assurent de la productivité de la chaine portuaire, viabilise et stabilise par la même, leurs investissements nautiques. Ce phénomène d’intégration portuaire répond d’avantage à une logique maritime qu’à une volonté de diversification de leurs activités, le secteur étant déjà fortement structuré par les grands groupes de manutention. Pour disposer de terminaux dédiés, les grands armements constituent des filiales avec les grands manutentionnaires ou développent des contrats d’exclusivité1314 . Certains armements pourront aussi s’appuyer sur des filiales de leur groupe comme c’est le cas d’APM Terminal, filiale de AP Möller auquel appartient Maersk Line. Reste que les terminaux dédiés, bien qu’étant en augmentation, ne sont réalisables que par les grands armateurs, car la chose est coûteuse. Ainsi, les partenariats sont fréquents15 . Dans certains pays comme la France, les acteurs locaux auront leur « mot à dire » dans la constitution des exploitations de terminaux dédiés16 . C’est ainsi qu’une tendance à la privatisation s’accentue vivement. Cet aperçu de l’environnement économique de l’activité d’exploitant de terminaux à conteneurs portuaires, démontre bien l’enjeu que constitue le maillon terrestre pour les acteurs du transport maritime en termes de développement et de productivité de la chaîne de transport mais aussi plus largement pour les ports et leurs Etats. Comment la législation envisage-t-elle cette activité ? Nous le verrons, l’activité de terminaux à conteneurs portuaires reste encore largement tributaire des législations nationales. Ainsi, nous nous attacherons principalement à l’étude de la législation française. 13 Cornier J-C « Présence accrue des armateurs dans la manutention », Journal Le Marin, hors série, novembre 2002, p. 6 et 7 14 On citera en exemple le cas de Maersk-Sealand qui dispose de ses terminaux à Algesiras et à Tanjung Pelapas 15 Par exemple, APM Terminal et l’opérateur de manutention Terminaux de Normandie (TN) du groupe Perrigault ont signé avec Maersk une convention pour la création, la gestion et l’exploitation du deuxième terminal à conteneurs (Terminal de la Porte Océane) de Port 2000 16 Ainsi, CMA-CGM a signé une convention avec un opérateur local la Générale de Manutention Portuaire pour exploiter le terminal de France à Port 2000 dédié à la CMA CGM
  • 10. 9 Notre mémoire s’attachera à envisager deux aspects juridiques de l’activité. Sera d’abord abordée la problématique du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire. Dès lors qu’une activité s’implante en zone portuaire, un certain nombre de contraintes seront à observer, et en particulier, les règles domaniales, les règles de concurrence, de sécurité et de sûreté (Titre 1). Quelle sécurité juridique et quelle liberté, l’opérateur de terminal à conteneurs peut-il escompter en s’implantant dans un port français ? Si l’exploitation d’un terminal à conteneurs crée en premier lieu des relations de nature publique entre l’exploitant et le gestionnaire de l’autorité portuaire, le propre même du terminal est de créer des relations commerciales entre l’exploitant et ses clients. C’est sous cet angle ci que le terminal sera ensuite envisagé (Titre 2). Dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses clients, l’exploitant s’engage à réaliser un certains nombres de prestations. Si des dommages sont causés à la marchandise alors qu’il en avait la garde, la question du régime de responsabilité qui lui sera applicable se pose. La réponse à ces questions nous permettra d’apprécier l’opportunité de ces règles au regard du contexte actuel d’économie de marché et de voir en quoi elles sont adaptées ou non aux logiques du commerce international, de la conteneurisation et de la libéralisation des échanges. Il est clair aujourd’hui que le terminal doit être envisagé comme un maillon intégré de la chaîne de transport et qu’il devra s’adapter aux logiques du transport mondialisé. Il ne doit plus caractériser un lieu de rupture dans la chaîne de transport. Nous le verrons, cette activité souffre d’un grand nombre d’incertitudes, tant en ce qui concerne ses modes d’exploitation qu’en ce qui concerne son régime de responsabilité.
  • 11. 10 Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs portuaire « L’exploitation d’un terminal portuaire constitue un labyrinthe juridique dans lequel on y entre avec prudence, muni du « fil d’Ariane » tiré de la robe de Thémis 17 » La pratique maritime exige aujourd’hui des ports qu’ils soient munis d’installations spécifiques, d’un outillage et d’un personnel adapté pour recevoir et traiter les marchandises qui leurs arrivent quotidiennement. La conteneurisation quant à elle, exige que les ports recevant des conteneurs disposent au moins de terre-pleins aux abords des quais, sur lesquels pourront être entreposés les conteneurs, avant qu’ils ne soient chargés à bord du navire ou après qu’ils aient été déchargés. Les ports de plus grande envergure possèdent des terminaux portuaires. Ils nécessitent des installations techniques à la fois pour la manutention et pour la prise en charge de conteneurs avec, en fonction de la nature des marchandises transportées, des installations électriques auxquelles les conteneurs frigorifiques pourront être branchés. En France, l’aménagement et l’extension des infrastructures portuaires se trouvent cependant limités par des contraintes domaniales et un nombre restreint de modes d’exploitation auxquels les opérateurs pourront recourir (Chapitre 1). Le manque de souplesse de ces règles aura pour conséquence directe le ralentissement de la croissance du trafic conteneurisé en France. Une réforme apparaît donc nécessaire.Si l’opérateur de terminal manque de sécurité dans sa relation avec l’autorité portuaire, le droit de la concurrence, les législations en matière de sécurité et de sûreté rendent l’exploitation des terminaux plus sûre (Chapitre 2). 17 Rézenthel R. « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème siècle, Mélanges offerts à P. Bonnasies, éd. Moreux 2001, p. 291
  • 12. 11 Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles de la domanialité portuaire Si l’on peut affirmer que l’exploitation d’un terminal est une activité de type industrielle et commerciale, son implantation en zone portuaire, la contraint à composer avec les règles de la domanialité publiques qui s’attachent à protéger l’intégrité du domaine public (Section 1). En France, la législation permet aux opérateurs de conclure avec l’autorité portuaire un certain nombre de conventions, qui demeurent, somme toute, encore assez mal adaptées eu égard à l’obligation de service public qui est souvent corrélative (Section 2). Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire Il convient en premier lieu d’envisager les notions de « terminal » et d’ « opérateur de terminal » (I) qui, à l’instar de la notion de « port », sont des concepts imprécis de notre droit positif et pour lequel une unité de conception fait clairement défaut. Autre incertitude, celle de la consistance de la domanialité publique dans la réalité portuaire d’aujourd’hui (II). I. Le terminal à conteneurs et l’opérateur en charge de son exploitation Notions pourtant omniprésentes dans le jargon maritime, le « terminal » (A) et l’ « opérateur de terminal » (B), restent des réalités difficiles à définir juridiquement. Ce manque de précisions est un obstacle évident à l’établissement d’un régime juridique clair d’exploitation de terminal portuaire.
  • 13. 12 A. Définition du terminal 1. L’absence d’unité de conception de la notion La notion de « terminal », bien que traditionnellement invoquée en droit maritime et droit portuaire, souffre d’une relative imprécision en droit positif. En effet, elle ne bénéficie pas d’une définition légale générique. Ni les conventions internationales, ni le droit communautaire, ni le droit national, ne s’entendent sur la signification et les limites de ce concept18 . Ce terme générique, importé des Etats-Unis, est né de la pratique. Il est avant tout le fruit de la logistique et de l’économie portuaire. S’il ne fait l’objet d’aucune définition précise, ce terme usuel du vocabulaire propre au monde des transports, est partie intégrante du paysage portuaire, et des chaînes de transport et de logistique19 . Au détour des textes et des décisions judiciaires, se dessinent des définitions mais qui ne sont, malheureusement, qu’éparses et relatives. 2. Des références textuelles éparses L’article R 115-7-III du Code des ports maritimes, évoquant la convention d’exploitation de terminal, définit le terminal comme « (…) comprenant les terre-pleins, les outillages et les aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d'embarquement, de manutention et de stockage liées aux navires ». On retrouve dans cette analyse pragmatique du terminal, les éléments constitutifs essentiels de son exploitation. Quand il est envisagé sous un angle structurel, l’absence d’unité de la notion est particulièrement évidente. Si le terminal est considéré comme une installation extérieure aux ports20 , ou encore comme un équipement distinct des équipements portuaires 21 par certains 18 Pour une étude complète de la définition de « terminal », voir la thèse de Laurent Fedi « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », thèse de droit maritime, Faculté de droit Université Paul Cézanne, chap. I, p. 30 à 37 ; L. Fedi « La notion de « terminal » : entre incertitudes de jure et certitudes de facto », DMF n°692, mai 2008, p. 455 19 Journal Le Marin du vendredi 16 mars 2007, « Dossier Logistique », p.17, 18 et 19 20 Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures (publiée par le décret n°75-553 du 26 juin 19751 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716) 21 Accord multilatéral relatif à l’Annexe V des règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures des navires telles que modifiée par le protocole de 1978, signé le 17 février 1978 publié par le décret n°89-115 du 21 février 1989
  • 14. 13 textes internationaux, il est pourtant implicitement reconnu élément d’un port par la Commission des Communautés dans une décision en date du 9 juin 1989 22 ainsi que par plusieurs arrêts23 de la Cour de Justice des communautés qui visent le « terminal portuaire ». Parfois, le terminal est simplement décrit d’un point de vue fonctionnel. Ainsi, la Convention de Genève du 25 juin 197924 , dans une approche soucieuse de la sécurité des hommes et des biens, l’envisage comme un aménagement où s’effectue la manutention des marchandises dans le respect des prescriptions réglementaires. Le Parlement européen a également pu caractériser le terminal de « station de déchargement 25 ». Aucune des définitions ne pourra prétendre avoir valeur universelle ; chacune d’elles ne vaut que pour l’application du texte qu’elles édictent. Dans cette logique, chaque réglementation adopte une définition en fonction du type de trafic concerné. Ainsi, la Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971, portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, vise sous le terme « installation terminale », « tout emplacement de stockage d’hydrocarbures en vrac permettant la réception d’hydrocarbures transportés par voie d’eau, y compris toute installation située au large et reliée à cet emplacement »26 . Certains textes communautaires adoptent aussi cette même approche. La Directive communautaire sur l’établissement des exigences et des procédures harmonisées pour le chargement et déchargement des vraquiers qualifie de « terminal », « toute installation fixe, flottante ou mobile équipée et utilisée pour le chargement et déchargement de cargaisons sèches, en vrac dans les vraquiers » 27 . 22 Décision de la Commission des Communautés européennes n°89/408/CEE du 9 juin 1989 relative à la procédure d’application de l’article 85 du Traité CEE - J.O.C.E. n° L 190 du 5 juillet 1989 p.22 23 CJCE 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl – affaire n° C-343/95 – Rec. p. I-1580 ; CJCE 12 février 1998 – Silvano Raso e.a. – affaire n° C-163/96 – Rec. p. I-570 24 Art 31-1 de la Convention de Genève du 25 juin 1979 qui concerne la sécurité et l’hygiène du travail dans les manutentions portuaires (publiée par le décret n°86-1274 du 10 décembre 1986 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716) 25 Résolution du Parlement européen du 21 avril 1993 sur les industries maritimes – J.O.C.E. n° C 150 du 31 mai 1993 p. 76 26 Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures publiée par le décret n°96-774 du 30 août 1996 – J.O. du 7 septembre 1996 p. 13307 27 Directive 2001/96/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 décembre 2001, établissant des exigences et des procédures harmonisées pour le chargement et le déchargement sûr des vraquiers
  • 15. 14 Le Livre vert de la Commission européenne relatif aux ports et aux infrastructures maritimes fait de même et traite des terminaux comme des postes de manutention spécialisés28 . Pour aller au-delà de ces controverses sur la notion de terminal, il parait judicieux de se reporter à la définition établie par la doctrine qui se veut unificatrice. Le terminal y est envisagé comme « un espace portuaire aménagé, (…) mais également un concept technique désignant un ensemble d’ouvrages (quais, terre-pleins, silos, hangars…) et d’outillages (portiques, grues, passerelles de manutention horizontale…) dans un périmètre portuaire déterminé et affecté au transit de trafics spécialisés »29 . Cette approche a le mérite de présenter le terminal comme étant affecté spécialement à un trafic spécifique, comme ayant un opérateur exclusif et comme ayant pour fonctions essentielles, le transit, la manutention et le stockage. Le terminal trouve ici sa place au sein des concepts du droit maritime. Il recouvre des réalités différentes, lui permettant de la sorte de s’adapter aux logiques logistiques et économiques. Le législateur a bien compris les enjeux qui se profilent derrière ce terme qu’il ne vaut mieux ne pas figer dans le marbre. Si la définition du terminal n’est pas aisée trouver, il en est de même pour celle de l’ « opérateur de terminal ». B. Compréhension de la notion d’ « opérateur de terminal» 1. Une notion incertaine Il n’existe pas, présentement, de statut d’opérateur de terminal à conteneurs portuaire. Terminologie née de l’avènement des terminaux, l’ « opérateur de terminal » correspond d’avantage à une fonction plutôt qu’à une profession clairement établie et réglementée. La notion s’appliquera aux organismes portuaires, parfois privés, souvent encore publics, tenus de prendre en charge la marchandise avant ou après le transport maritime. 28 Livre vert, du 10 décembre 1997, relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM (97) 678 final - Non publié au Journal officiel] 29 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème siècle, Mélanges offerts à P.Bonassiès, éd. Moreux 2001, p. 291
  • 16. 15 Si son intervention a lieu à l’issue du transport maritime, l’opérateur de terminal est celui qui reçoit d’un entrepreneur de manutention, agissant pour le compte du transporteur maritime, un ou plusieurs conteneurs, en vue de leur livraison ultérieure au destinataire ou à son représentant. Si son intervention a lieu avant le transport maritime, l’opérateur de terminal reçoit du chargeur ou de son représentant, un ou plusieurs conteneurs en vue de leur livraison ultérieure à une entreprise de manutention agissant pour le compte du transporteur maritime qui l’a choisi. Le seul texte faisant référence à la notion d’ « exploitant de terminal » est la Convention de Vienne du 19 avril 1991, dont l’objet est précisément de déterminer le régime de responsabilité à appliquer aux exploitants de terminaux de transport30 . Elle le définit dans son article 1er a) comme « toute personne qui, dans l’exercice de sa profession, prend en garde des marchandises faisant l’objet d’un transport international en vue d’exécuter ou de faire exécuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans une zone placée sous son contrôle ou sur laquelle elle a un droit d’accès ou d’utilisation. Toutefois, cette personne n’est pas considérée comme un exploitant dès lors qu’elle est un transporteur en vertu des règles juridiques applicables au transporteur ». Cette définition, si elle reste à ce jour dénuée de toute application - le texte n’étant à ce jour pas encore entré en vigueur - a le mérite d’opter pour une approche claire et globale de l’opérateur de terminal, qui rompt avec une approche « compartimentée » des différents auxiliaires de transport en fonction des prestations fournies par eux31 . On note ici l’exclusion formelle de la définition du transporteur, donc a priori, même les consignataires sont concernés par cette législation. 2. La compréhension de la notion dans le système français de la manutention Le droit français ne connait pas le terme d’ « opérateur de terminal » mais uniquement le terme d’ « entreprise de manutention », qui est amené à réaliser les mêmes prestations que celles réalisées par l’opérateur de terminal. 30 Convention des Nations Unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international du 19 avril 1991, non entrée en vigueur à ce jour. 31 Martin Ndendé, « Regards sur une Convention internationale méconnue – la Convention de Vienne du 17 avril 1991 sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport », Revue de droit des transports n°4, Mai 2007, Etude 6
  • 17. 16 L’entreprise de manutention est définit comme « l'entreprise (…) qui effectue un certain nombre d'opérations matérielles de manipulation des marchandises, et son rôle consiste principalement à effectuer les opérations de chargement et de déchargement, d'arrimage et de mise à quai ou en entrepôt »32 . D’une nécessité impérieuse, elle intervient en phase de transit, à chaque rupture de charge, quand il faut décharger puis recharger. Sa position stratégique dans les ports ainsi que la difficulté et complexité des opérations qu’elle réalise font la particularité de la manutention maritime. Les activités et le régime juridique des entreprises de manutention sont réglementés par la loi de 1966 33 relative aux contrats d’affrètement et de transport maritimes. Traditionnellement, on distingue deux types de manutentionnaires dans les ports français. Dans les ports de la façade Nord-Manche-Atlantique, les « stevedores » assurent le chargement et le déchargement des navires. Dans les ports de la façade Méditerranée, ce sont les acconiers qui assurent ces phases de chargement et déchargement, ainsi que la garde des marchandises à quai avant le chargement et après le déchargement. Dans la plupart des cas, ils agissent pour le compte du transporteur maritime. Comment l’opérateur de terminal intègre-t-il cette logique ? La notion d’ « entreprise de manutention » a le mérite d’une grande souplesse. Elle s’appliquera quelque soit la qualification professionnelle de l’entreprise, dès lors que cette entreprise effectue les opérations de chargement, déchargement et de garde à quai de la marchandise prévues aux articles 50 et 51 de la loi française de 1966. Cette précision a été apportée par le législateur français, dans la loi du 3 janvier 1969, tant pour le consignataire du navire (art 13), que pour le consignataire de la cargaison (art 15). « Le régime de la manutention pourrait s’appliquer à toute autre entreprise, par exemple à un transitaire »34 . La loi du 18 juin 1966 distingue les opérations réalisées à titre principal des opérations dites accessoires, uniquement réalisées par les acconiers. 32 Lamy Transport Tome 2, Commission de transport, Mer, fer, air, Commerce extérieur, Editions Lamy, 2008, n° 972 33 Loi N° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises de manutention », articles 50 et suivants et Décret N° 66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises de manutention », articles 80 et suivants 34 Bonassies Pierre et Scapel Christian, Traité de droit maritime, édition L.G.D.J 2006, p. 440, n° 679
  • 18. 17 L’entreprise de manutention réalise à titre principal « toutes les opérations qui réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises, y compris les opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire »35 . Si elle se limite à ces opérations, elle interviendra comme « stevedore ». Les opérations accessoires que pourra en outre réaliser l’entreprise de manutention36 , consistent d’une part, en la reconnaissance des marchandises et d’autre part, en leur garde sur des emplacements à quai appropriés37 . Dans ce cas, l’entreprise de manutention intervient en qualité d’ « acconier ». L’avènement des terminaux et la naissance du terme d’opérateur de terminal, perturbe le schéma classique de la manutention portuaire française. La distinction entre « stevedores » et acconiers tend à s’estomper et les aspects logistiques et économiques prennent le devant. La flexibilité du terme d’« entreprise de manutention », bien qu’imparfaitement adapté, permet néanmoins aux opérateurs de terminaux de bénéficier d’une certaine existence légale. Les difficultés de définitions et de concepts ne s’arrêtent pas là, puisque le terminal se trouve lui-même englobé dans une autre entité mal définie et au régime peu clair, le « port ». II. Le port et le régime de domanialité portuaire Lieu d’interface entre les modes de transport maritime et terrestre et lieu de massification des trafics, le port est au premier plan concerné par les enjeux que représentent les infrastructures portuaires, notamment les terminaux, en termes de développement, de complémentarité des modes de transports et de contribution aux objectifs de croissance. Il reste une réalité complexe, juridiquement mal délimitée(A). Réel enjeu économique de la croissance contemporaine, l’occupation du domaine portuaire par les industries créatrices de richesse demeure soumise au régime bien particulier et relativement « archaïque » de la domanialité publique, en décalage apparent avec le développement économique des ports et la libéralisation du commerce38 (B). 35 Article 50, Loi n° 66-420, 18 juin 1966 36 Article 51, loi n° 66-420 18 juin 1966 37 Art. 80, décret 31 déc. 1966 38 Intervention du Professeur C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, Colloque de droit comparé, « L’implantation des entreprises privées sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999, p. 682
  • 19. 18 A. La complexité de la réalité portuaire Le monde portuaire est un monde complexe qui mêle public et privé, rendant ainsi difficile sa pleine insertion dans un contexte pleinement concurrentiel. Si le régime de la domanialité publique s’applique « logiquement », il doit trouver à concilier la logique de marché et la gestion et l’exploitation des installations portuaires. Les ports maritimes ne doivent plus être considérés uniquement comme un lieu d’exercice d’un service public portuaire mais plutôt comme un pôle de développement économique. Etablissements publics de l’Etat, les ports assurent, concurremment, une mission de service public à caractère administratif, avec notamment l’aménagement, l’entretien, la police des aménagements et l’accès au port, et également une activité de nature industrielle et commerciale, avec en particulier l’exploitation des outillages portuaires39 . D’où la référence qui a été faite au « double visage »40 du domaine public portuaire. Historiquement, l’intervention de l’Etat dans le domaine portuaire a toujours été importante en France. Nombre de ports sont nés de l’initiative de la puissance publique. Le rôle de l’Etat demeure aujourd’hui encore prépondérant. Les politiques portuaires décident des investissements à faire et des réformes à adopter. L’Etat exerce également la tutelle des ports autonomes maritimes et gère les ports d’intérêt national. Il y consacre chaque année entre 100 et 150 M€ de crédits budgétaires depuis 199941 . Aujourd’hui, l’Etat n’est plus le seul acteur de ce secteur qui est désormais ouvert à la concurrence. Depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales contribuent aussi de plus en plus au financement des investissements des ports et de leurs dessertes. Depuis plusieurs années, les grands armements et les opérateurs de la manutention s’engagent également dans les stratégies de développement des ports maritimes. Ils ont investi, depuis 1980, plus de 4 Md€ dans des opérations de modernisation et de développement financées à hauteur des deux tiers par des fonds publics. 39 L’article L111-2 du Code des ports maritimes définit les missions des ports autonomes en ces termes : « Le port autonome est chargé, à l'intérieur des limites de sa circonscription, et dans les conditions définies ci-après, des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de reconstruction, ainsi que de l'exploitation, de l'entretien et de la police, au sens des dispositions du livre III du présent code, du port et de ses dépendances et de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté. ». 40 J. Rosgovas, « L’utilisation du domaine public portuaire », mémoire sous la direction de Me C. Scapel, Aix Marseille III, 2005, p. 4 à 9, « Le double visage du domaine public portuaire » 41 Chiffre donné par la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur « Les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p.1
  • 20. 19 A la complexité née de l’intervention d’acteurs multiples, s’ajoute la complexité née de l’absence de définition claire des notions clés de « port », de « domanialité publique portuaire ». A l’instar de la notion de « terminal », la notion de « port » est absente de la loi française42 , exception faite des délimitations administratives de la zone portuaire mentionnées à l’article R 151-1 du Code des ports maritimes43 . La référence n’est malheureusement pas d’une grande aide et se révèle n’être qu’une « présomption simple »44 . En effet, la jurisprudence ajoute aux hésitations en adoptant une position fluctuante dans la définition du « port » dont les critères ne sont pas clairement fiables. Par exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que l’aménagement de quais de déchargement sur l’une des berges d’un canal existant pouvant recevoir jusqu’à cinq péniches constitue un port45 , alors que dans une autre affaire, il a qualifié un ouvrage ne pouvant recevoir que quelques embarcations de plaisance, de « petite installation portuaire »46 . La Haute Assemblée a également pu qualifier d’équipement portuaire des installations établies dans le cadre d’une concession de plage artificielle et destinées à être utilisées par des moyens nautiques légers à voile47 . On notera que la Convention de Genève des Nations Unies du 9 décembre 1923 portant statut international des ports maritimes les définit comme des zones d’accueil des navires affectées à titre principal au trafic maritime. La Commission européenne, par l’intermédiaire de son groupe de travail portuaire, a défini le port comme « une superficie de terrain et d’eau comprenant des aménagements et des installations permettant principalement la réception des navires de mer, leur chargement et leur déchargement, le stockage des marchandises par des moyens de transport terrestre et 42 R. Rézenthel « Le port maritime à la recherche d’une identité », Revue Espaces et ressources maritimes 1998, n°12, p. 167 (éd. Pédone) 43 Article R 151-1 du Code des ports maritimes, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 1 JORF 3 janvier 1984, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 9 JORF 3 janvier 1984 : « Il est procédé à la délimitation des ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat, du côté de la mer ou du côté des terres, par le préfet sous réserve des droits des tiers. » 44 R. Rézenthel, « La gestion privatisée des terminaux dans les ports maritimes », JMM, 3 décembre 1993, n° 3859, p. 2969 45 CE, 13 juillet 1965, Min. int. et préfet Meurthe-et-Moselle, et Synd. de défense des copropriétaires exploitants et non-exploitants, fermiers, horticulteurs de Fleuville-devant-Nancy, Ludres, Houdemont, Laneuville et Richardmesnil et a. : Rec. CE 1965, p.438 46 CE, 14 mars 1986, n°40105, Sté du « domaine des Barbaresques » c/ Ferrari 47 CE, 4 novembre 1987, secr. D’Etat Mer c/ Paz : Rec. CE 1987, p. 345
  • 21. 20 pouvant comporter également des activités d’entreprises liées aux transports maritimes »48 . Ce texte a une approche plus pragmatique et fonctionnelle qu’organique. Tout comme la jurisprudence française, il ne retient pas le critère administratif. Comment donc ne pas appréhender cette notion sans une certaine circonspection. Seul trait commun à l’ensemble de ces approches, le port est considéré comme un espace plutôt que comme une institution. En droit français, l’exploitation de terminal, comme celle des autres activités portuaires, est largement dépendante des régimes juridiques de la domanialité publique et du service public, ce qui n’est pas pour encourager la venue de capitaux privés. B. La domanialité publique Le domaine portuaire s’est jusqu’à récemment caractérisé par l’appartenance majoritaire de ses terrains portuaires au domaine public et par une conception extensive du service public virtuel. Les terrains privés sur lesquels on peut de rencontrer des terminaux purement privés restent peu nombreux. Dans la tradition française, les terminaux portuaires relevaient logiquement du droit public, le port appartenant par définition, au domaine public et était spécialement aménagé pour satisfaire l’intérêt commun. L’ancien article 538 du Code civil, abrogé par l’Ordonnance du 21 avril 2006 instituant le Code général de la propriété des personnes publiques, incorporait les ports dans le domaine public49 . L’ensemble des ouvrages portuaires était considéré comme étant soumis au régime de la domanialité publique. Les règles de la domanialité publique ont longtemps constitué un réel obstacle pour les opérateurs portuaires. Très contraignantes, elles engendrent une grande précarité pour l’occupant du domaine. Parmi ces règles, on trouve le principe d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et de précarité. 48 Commission européenne – ESPO, Report of an enquiry into the current situation in the major community sea- ports, Rapport, publication ESPO, Bruxelles, 1996, p. 7 49 Art. 538 du Code civil abrogé : « Les chemins, routes et rues à la charge de l’Etat, les fleuves, rivières navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine public »
  • 22. 21 L’autorisation d’occupation du domaine public est précaire en ce qu’elle est toujours révocable par l’autorité portuaire et non créatrice de droits au profit de son bénéficiaire50 , qui ne peut revendiquer un droit au renouvellement de son autorisation d’exploitation51 . L’occupant doit également supporter les frais de modification ou de déplacement de ses installations et doit fondamentalement respecter la destination52 et la spécialité53 du domaine public qu’il occupe. Ces restrictions à l’usage constituent des restrictions à l’exercice des activités des occupants du domaine public. Cette grande précarité est accrue par une définition incertaine de la notion de « domanialité publique » qui reste largement tributaire de la jurisprudence. La jurisprudence en matière portuaire a largement contribué à la compréhension de la notion de « domaine public »54 , comme elle a d’ailleurs consacré celle de « domanialité publique portuaire »55 . Si ce dernier terme marque la spécificité du contexte portuaire, il n‘en demeure pas moins en principe entièrement soumis au régime classique de la domanialité publique. La jurisprudence retient traditionnellement trois critères pour définir le régime domanial de l’espace portuaire : l’appropriation par une personne publique, l’aménagement spécial et l’affectation au service public ou à l’usage du public. Le concept de domanialité publique a connu une très forte extension au gré des jurisprudences jusqu’à la consécration d’une « domanialité publique globale » dont l’arrêt « Société Le Béton » est fondateur56 . La jurisprudence a appliqué généreusement, pendant plusieurs années, la théorie du « service public virtuel »57 , appliquant le régime de la domanialité publique à un aménagement futur, ou encore qualifiant la manutention portuaire d’élément du service public58 . 50 CE 24 novembre 1993 – société anonyme Atlantique bâtiments, construction – req. n°124933 51 CE 22 octobre 1971 – société des ateliers et chantiers de Bordeaux – req. n° 77608, 77611 et 77613 ; CE 23 avril 2001 – syndicat intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre – req. n° 187007 52 CE 3 juin 1988 – EDF GDF – req. n° 41918 ; Cons. Const. Décis. n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 – JO 23 juillet 1994 p. 10635, RFDA 1994 p. 1119 53 CE 9 juin 1972 – Ministre du développement industriel et scientifique c/ port autonome du Havre – req. n° 82828 54 CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 55 CE 22 juin 1984, secrétaire d’Etat auprès du ministre des transports, chargé de la mer, Req. n°53630 ; CE 15 juin 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux, Req. n° 39250,39291 et 39308. 56 CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 : Dans cette espèce, l’aménagement spécial résultait de la situation géographique de la parcelle, tandis que l’affectation au service public portuaire découlait naturellement de l’ensemble formé par le port 57 CE 23 juin 1939, Ch. Synd. des entrepreneurs arrimeurs de chargements et déchargements des navires, Rec. CE 1939, p. 429 58 CE Sect, 5 mai 1944, Cie maritime de l’Afrique Orientale, Rec. CE 1944, p. 129
  • 23. 22 Cette extension souvent injustifiée, en particulier lorsqu’elle s’applique aux parcelles portuaires accueillant des entreprises privées, a eu pour conséquence pratique d’aggraver les sujétions à l’égard des opérateurs économiques et des gestionnaires de terminaux. La jurisprudence a alors entrepris de restreindre la consistance du domaine public. Il a été jugé par le Conseil d’Etat des terrains qui appartiennent à un port maritime autonome mais qui ne sont pas aménagés en vue de l’affectation au service public ne relèvent pas du domaine public59 . Le droit de déclassement du domaine public a ensuite été reconnu par le Conseil réuni en Assemblée60 . L’aménagement ultérieur qui ne serait pas directement lié au fonctionnement du service public ne peut entraîner de réintégration dans le domaine public. Il semble bien que la Haute Assemblée écarte l’application de la théorie du domaine public virtuel pour les ports maritimes et limite ainsi la portée de la jurisprudence « Société Le Béton »61 . Envisageant le déclassement du domaine public aéroportuaire, le Conseil Constitutionnel a précisé que le déclassement d’un bien ne saurait avoir pour effet de priver de garanties légales les exigences résultant de l’existence et de la continuité de services publics auxquels il est affecté62 . Désormais, le service public peut, dans certains cas particuliers, être exercé sur des biens ne faisant pas partie du domaine public. Les notions de domaine public et de service public se trouvent donc « déconnectées » l’une de l’autre et bénéficient de régimes autonomes. La Cour de Justice des communautés a considéré que le critère de la domanialité publique est insuffisant à déterminer le régime juridique de l’activité qui y est exercé63 . Abondant dans le même sens, le Conseil d’Etat a reconnu à l’occupant du domaine public propriétaire des ouvrages qu’il exploite pendant le temps de l’occupation, sauf à servir directement le service public64 . Les exigences légales d’existence et de continuité de service public pourront être assurées par la participation majoritaire de l’Etat dans la société65 , ou encore par l’insertion d’obligations de service public à un cahier des charges. 59 CE 30 mai 1951, Sieur Sempé, Rec. p. 297 ; CE 11 avril 1986, ministre des transports c. Daney, Mme Giret, syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebou, Rec. p. 88, RFDA, 1987, p. 44, note Ph. Terneyre 60 Avis CE Ass. 16 octobre 1980, Revue de droit immobilier 1981 p. 309 61 R. Rezenthel, « La liberté de gestion du domaine des ports autonomes », DMF, juin 2000, n°605, p. 588 62 Cons. Const. Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005 – JO 21 avril 2005 p. 6974 63 CJCE 14 décembre 2000, Fazanda publica, aff. n° C-466/98 64 CE 23 juin 1993, Sté industrielle de construction et réparations, req. n° 111.569 65 Conformément au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946
  • 24. 23 Le Professeur C. Lavialle appelle même de ses vœux que les espaces affectés aux services publics à caractère industriel et commercial soient placés sous le régime de la domanialité privée. Citant l’exemple du port autonome de Strasbourg, il démontre que le recours à la domanialité publique n’est pas nécessaire à une bonne gestion de l’espace portuaire66 . Mesurant les répercutions que la domanialité publique a nécessairement sur le mode de gestion des terminaux et partant sur la compétitivité des ports, le législateur a engagé une réflexion sur la domanialité publique qui aboutit à l’émergence du Code général de la propriété des personnes publiques67 en 2006. La volonté de repenser et de réduire la consistance du domaine public, pour se soucier d’avantage des intérêts des opérateurs portuaires, a clairement été affichée dès l’exposé des motifs de l’Ordonnance du 21 avril 200668 . Le domaine public portuaire possède désormais la terminologie nouvelle de « domaine public maritime artificiel », ainsi qu’une définition nouvelle donnée à l’article L 2111-1 de ce code69 . La domanialité publique s’appuie toujours sur le service public, mais le « aménagement indispensable » est désormais requis. Un mouvement de fond semble bien s’être engagé en faveur d’une conception renouvelée de la domanialité publique et du service public. Cependant, et contre toute attente, le Tribunal de Marseille a rendu, le 11 juin 200870 , une ordonnance qui s’inscrit clairement à contre courant de cette tendance. Les juges y adoptent une conception extensive de la notion d’outillage public à l’occasion d’un référé pré- contractuel portant sur la mise à disposition d’une forme radoub et de terre-pleins adjacents. Alors que cette activité ne saurait être considérée en tant que telle comme activité de service public, la juridiction administrative a retenu qu’il s’agissait ici d’une concession d’outillage 66 Intervention de C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, « Colloque de droit comparé, « L’implantation des entreprises privés sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999 67 Code général de la propriété des personnes publiques institué par l’Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 68 Rapport au Président de la République relatif à l’Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relatif à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques, J.O. du 22 avril 2006, p. 6016 : « Il s’agit de proposer une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique. C’est désormais la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien de la domanialité publique. De la sorte, cette définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ». 69 L’article dispose : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service ». 70 Ordonnance du Tribunal Administratif de Marseille du 11 juin 2008, Observations Claire Merlin-Merrien et Robert Rézenthel, DMF 694, juillet-août 2008, p. 674 à 683
  • 25. 24 public, en raison des équipements et outillages publics qui avaient été mis à sa disposition. L’affaire fait l’objet d’un pourvoi en Cassation. Quels sont à présent les principaux types de contrats d’occupation du domaine public que l’opérateur de terminal peut conclure avec l’autorité portuaire ? Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire Maillon essentiel du paysage portuaire, le terminal est également un maillon essentiel de la chaîne de transport et du « business plan » des grands groupes de manutentionnaires. A partir de cette réalité, l’enjeu majeur qui se pose aux opérateurs de terminaux et aux autorités portuaires est celui de trouver l’instrument juridique qui répondra le mieux à leurs attentes respectives. Il devra à la fois concourir au développement du port et être compatible avec les mécanismes d’une gestion commerciale. La difficulté de mettre en place l’instrument juridique idéal résulte de l’antagonisme premier qui existe entre l’exploitation de terminal, envisagée comme prérogative de puissance publique et l’exploitation de terminal, envisagée comme une activité lucrative. La viabilité d’un contrat et partant celle de l’infrastructure elle-même, dépendra de sa capacité à concilier logique de service public et logique économique. Initialement, on avait recours aux conventions traditionnelles d’occupation domaniale (I). Si leur application perdure, elle se révèle plutôt inadaptée. A alors émergé une nouvelle convention mieux adaptée aux réalités de l’activité, la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (II). Consacrée par les textes, elle se trouve aujourd’hui au centre de la réforme portuaire à venir. I. Dès régimes classiques d’occupation domaniale inadaptés à la création d’un régime d’occupation propre à l’exploitation des terminaux Les régimes des « concessions d’outillage public » et des « autorisations d’outillage privée avec obligation de service public » ont largement été utilisés (A), avant d’être écartés par les praticiens au profit de la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (B).
  • 26. 25 L’article R 115-7 du Code des ports maritimes consacrent ces trois modes d’exploitation. A. La concession d’outillage public et l’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public 1. Le régime de la concession d’outillage public La jurisprudence a reconnu l’application de ce régime à un ensemble d’exploitations d’outillages divers, sans égard à l’importance de l’occupation domaniale. La notion d’ « outillage public » ne possède pas de définition légale. Le Code des ports maritimes n’en définit que sa procédure d’instruction préalable et ses conditions d’usage. En pratique, seront notamment considérés comme des outillages publics, les grues, portiques, hangars, silos et chemins de roulement. La jurisprudence a étendu la notion à un grand nombre de biens mobiliers, par application de la théorie de l’accessoire. Le Conseil d’Etat a même reconnu que la construction d’un ouvrage permanent pouvait se faire en application d’une concession d’outillage publique, ce qui se révèle très intéressant pour la réalisation de terminaux de transport71 . On notera que l’avènement de la notion de « terminal » n’est pas sans causer de difficultés dans la compréhension de la notion d’outillage public. Alors que les juges ont refusé au port de commerce la qualification d’outillage public, elle a été reconnue au terminal qui, pourtant selon l’article R 115-7 du code des ports maritimes dispose lui aussi de terre- pleins, d’outillages et d’aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d’embarquement et de stockage liées au navire, à l’instar d’un port. Selon une jurisprudence constante, la gestion et l’exploitation de l’outillage public constitue une délégation de service public72 à caractère industriel et commercial73 en raison du contrôle de l’activité par une personne de droit public et de son utilité pour l’intérêt général. Tout contrat passé par une autorité publique qui aurait pour objet de confier à un tiers la 71 Exemple de la construction du Centre multivrac au Port autonome du Havre sous le régime d’une concession accordée à la Compagnie industrielle des pondéreux havrais, cité par M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 205 72 Conseil d'État – 20 décembre 2000 CCI du Var Requête n° 217639 73 CE 15 décembre 1967, Level, AJDA 1968, II, p. 230 concl. G. Braibant ; CE 5 avril 1978, société X…, Rec. p.176 ; Trib. Confl. 12 janvier 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux c/ port autonome de Dunkerque, req. n° 2449, D. 1987, J, p. 707 note Rézenthel ; CE 24 juillet 1987, société Carfos, Rec. p. 274
  • 27. 26 gestion du service public doit être considéré comme une convention de délégation de service public et ce, quelque soit sa dénomination. Cette approche a été consacrée par l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales, qui ajoute le critère d’une rémunération du cocontractant « substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service »74 . Ce mode de gestion indirect de service public par l’autorité publique apporte l’assurance que les outillages publics exploités seront en priorité affectés aux besoins des usagers du service public. Un cahier des charges fixe les droits et obligations de l’autorité portuaire et de l’opérateur concessionnaire. Support de l’exploitation d’un service public, il comporte un ensemble de clauses réglementaires portant essentiellement sur la mise en œuvre du service public concédé. Ces clauses pourront faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence reconnaît cependant sa nature contractuelle75 . De nature hybride, il demeure un bon outil de régulation et de contrôle des concessions passées avec l’autorité portuaire. 2. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public L’exploitation est ici de type privatif, assortie d’une obligation de service public. Elle s’entend comme la mise à disposition de ses équipements aux usagers du service public qui le demandent, une fois ses besoins propres satisfaits76 . Ainsi, l’exploitation d’équipements privés se concilie avec la possibilité de mise à disposition du public. L’obligation de service public n’est donc pas permanente mais seulement occasionnelle. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public demeure néanmoins une véritable délégation de service public, avec les exigences qui en découlent. On peut s’interroger sur la possibilité pour l’autorité portuaire d’autoriser l’exploitant à s’exempter de l’obligation de service public. La réponse sera variable selon les cas d’espèce. Un exploitant qui ne parvient pas à satisfaire ses besoins privés propres, sera de droit exempté 74 Article L 1411-1 du Code des collectivités territoriales tel qu’issu de la loi n° 2001-1168 du 11 déc. 2001 75 CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 concl. Bergeal ; CE 20 décembre 1933, Chambfrault, Rec. 1202 76 Art. R 122-11 du Code des ports maritimes
  • 28. 27 de l’obligation de service public. En revanche, il en sera exempté de fait lorsqu’il s’agit, par exemple, de l’exploitation d’un terminal qui ne concerne que l’exploitant77 . Pour la concession d’outillage public comme pour l’autorisation d’exploitation d’outillage privé avec obligation de service public, la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin78 , impose une procédure de publicité pour la mise en concurrence des offres. Un appel à la concurrence est ainsi nécessaire à l’attribution du droit d’exploiter un terminal dans le cadre d’une occupation du domaine public avec obligation de service public. Le Code des ports maritimes impose lui un tarif public pour l’usage des outillages publics et équipements exploités selon le régime d’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public. Ces redevances constituent des redevances pour service rendu. Avant 1999, leur barème était approuvé par l’autorité portuaire après procédure d’instruction. Depuis le décret du 9 septembre 199979 , un certain assouplissement a eu lieu, et l’article R115-17 prévoit désormais que les procédures d’instructions80 relatives aux tarifs et conditions d'usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés, lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de l'obligation de service public, ne sont pas applicables aux « tarifs d’abonnement » ou « tarifs contractuels ». Mais le principe même de la détermination des tarifs publics indépendamment du jeu naturel de la concurrence, n’est-il pas contraire à l’article 1 de l’Ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui prône le principe de la liberté des prix par le jeu de la concurrence ? B. L’avènement d’un nouvel instrument juridique, « convention d’exploitation de terminal » Jusqu’à la fin des années 1990, les différents cadres juridiques et financiers existants privaient les opérateurs de leur liberté tarifaire et ne les incitaient pas à investir dans les terminaux qu’ils exploitaient dans le cadre, précaire, des conventions d’occupation du domaine public. 77 M. Ndendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 206 et 207 78 L. n° 93-122, 29 janvier 1993, JO 30 janvier relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques 79 Décret n° 99-782 du 9 septembre 1999, art. 11 JORF 11 septembre 1999 80 Art R 115-15 et R 115-16 du code des ports maritimes
  • 29. 28 En pratique, ces dispositifs ont connu des aménagements dans des secteurs d’activité tels que les hydrocarbures ou les pondéreux, pour lesquels des concessions à usage exclusif ont été octroyées. Ces exemples ont jusqu’alors bénéficié à des secteurs faiblement consommateurs de main d’œuvre, ou à fort pouvoir de négociation vis-à-vis du port bénéficiant de trafics à forte valeur ajoutée et dont les résultats compensaient les déficits d’autres secteurs d’activité. La volonté marquée des armateurs de disposer de terminaux dédiés à leurs trafics conteneurisés, a rendu nécessaire un nouveau cadre juridique et financier d’exploitation des terminaux. L’idée était de parvenir à simplifier les relations entre usagers et gestionnaire des installations portuaires, et d’apporter plus de souplesse à l’activité d’exploitant de terminal. Ainsi, la convention d’exploitation de terminaux portuaire (CET) est née de la nécessité de pallier à la rigidité et à l’inadaptation des autorisations d’exploitation classiques, et à celle de créer un instrument propre à l’exploitation de terminal. Elle est avant tout un contrat né de la pratique. Le port de Dunkerque a été le premier port à appliquer un tel régime et ce sans texte. Cette innovation a été rendue possible car le droit français pose comme principe la liberté, sauf interdiction expresse. L’objectif clairement affiché est d’offrir une gestion intégrée du domaine portuaire dans un cadre juridique permettant le transfert de personnel de l’autorité portuaire à l’exploitant de terminal. Après l’expérience réussie à Dunkerque pour ses terminaux charbonniers et conteneurs, elle a été introduite dans le Code des ports maritimes à l’article 115-7-III81 , par un décret du 9 septembre 199982 . La convention d’exploitation est conforme à une convention type approuvée par le Conseil d’Etat dans un décret du 19 juillet 200083 , texte qui reprend ce qui avait été fait à Dunkerque. On y trouve notamment des dispositions relatives aux objectifs de trafic du terminal et aux sanctions qui les accompagnent en cas de non respect de ces 81 Art R. 115-7, III : « Le port autonome peut également conclure avec une entreprise une convention d’exploitation de terminal. Cette convention porte exclusivement sur la gestion et, le cas échéant, la réalisation d’un terminal spécifique à certains types de trafics et comprenant les terre-pleins, les outillages et aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d’embarquement, de manutention et de stockage liées aux navires. Le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine portuaire, doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publics ou d’outillages privés avec obligation de service public. » 82 Article 115-7-III du code des ports maritimes, modifié par le décret nº 99-782 du 9 septembre 1999 ; art. 11, Journal Officiel du 11 septembre 1999 83 Décret n° 2000-682 du 19 juillet 2000 approuvant la convention type d'exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes et modifiant le Code des ports maritimes, JOFR 21 juillet 2000
  • 30. 29 objectifs. La convention est soumise au conseil d’administration et approuvée par arrêté du ministre en charge des ports maritimes et du ministre chargé du budget. La convention que chaque terminal passe avec l’autorité portuaire est un acte contractuel assorti de clauses réglementaires, portant sur l’organisation du service public ou en définissant les obligations. Si l’exploitation porte sur le domaine public, le contrat est de nature administrative et donne compétence aux juridictions administratives. Le CE a jugé que la convention d’exploitation de terminal ne portait pas atteinte aux intérêts syndicaux et que partant, le recours pour excès de pouvoir d’un syndicat contre le décret approuvant la convention type irrecevable84 . Les ports de Marseille et du Havre ont aujourd’hui choisi de généraliser le modèle économique de la convention d’exploitation pour l’exploitation de leurs terminaux. Au Havre, la CMA CGM – GMP pour le Terminal de France, Maersk – TN pour le terminal de la Porte Océane et MSC – TN pour le terminal Bougainville ont signé des CET avec l’autorité portuaire. A Marseille, cela a été fait par MSC et Portsynergy (filiale de CMA CGM) pour le terminal Fos2XL85 . « Nouvel instrument de management portuaire »86 , la CET est un contrat supplémentaire qui s’ajoute aux contrats classiques d’occupation domaniale, sans aucunement se substituer à eux. II. Le contenu de la convention d’exploitation de terminal Conçues sur le modèle des conventions d’occupation du domaine public, les conventions d’exploitation de terminal se composent à la fois de dispositions traditionnelles visant à protéger l’affectation du domaine public et de dispositions innovantes dont le but est d’augmenter le trafic et la qualité du service notamment par le jeu d’incitations financières (A). 84 CE 14 juin 2002, n° 225113, Féd. Générale des transports et de l’équipement CFDT 85 Journal Le Marin, N° 3095, du 3 novembre 2006, p. 11 « Convention signée pour Fos2XL » ; Journal Le Marin, N° 3152, du 7 décembre 2007, p. 14 « Appel à projet pour Fos3XL et Fos4XL lancé » 86 « L’exploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du 21ème siècle », L. Fedi et R. Rézenthel DMF octobre 2007, p.828
  • 31. 30 Si ces règles sont à l’évidence signe d’un progrès dans le secteur, leur impact reste limité en pratique (B). A. Les apports de la convention d’exploitation de terminal Le régime de la CET marque une nouvelle étape dans la relation entre l’autorité portuaire et l’exploitant de terminal. Elle offre plus de souplesse à l’exploitation des terminaux portuaires. Première précision apportée par la convention à son article 1, la convention type d’exploitation précise que le terminal mis à disposition de l’exploitant doit être spécialisé. On entend par là, qu’il doit être affecté à un trafic spécialisé et non au trafic général d’un port. Cette précision évite la redoutée « privatisation » des ports. Dans cette même logique, l’article R 115-7 III du Code des ports maritimes dispose que « le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine portuaire, doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publiques ou d’outillages privés avec obligation de service public ». Aucun droit d’exclusivité ne saurait être reconnu à l’opérateur qui conclut une CET. Cette convention ne saurait créer de monopole. L’autorité portuaire est libre de conclure d’autres conventions avec des entreprises concurrentes. Cette disposition marque son attachement au respect des règles communautaires. Pour chaque exploitation, sont prévus des objectifs de trafic87 . Les objectifs prévus au contrat sont assortis de pénalités ou de bonus selon les résultats obtenus. On peut très bien envisager que leur non-respect entraîne la résiliation de la CET, puisque les juges reconnaissent que le non-respect des objectifs d’activité prévus au contrat puisse entraîner résiliation du contrat88 . Dans ce cas, aucune indemnité ne sera versée à l’exploitant. La clause de trafic reste une « clause excessive » car la maitrise parfaite d’un trafic est impossible et ne dépend pas uniquement des conditions d’exploitation du terminal89 . Apport important de la CET, l’exploitation peut porter à la fois sur le domaine public et sur le domaine privé. La convention ne fait aucune distinction entre domaine public et 87 Art. 2 de la convention type d’exploitation 88 CE, sect., 13 juillet 1968, n° 73.161, Sté « Ets Serfati », Rec. CE p. 1 ; CE, 27 novembre 1974, n° 91.137, Sté Internationale Commerciale et Industrielle, Rec. CE, p. 593 89 Lamy Manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 345-58
  • 32. 31 domaine privé. Traditionnellement, la jurisprudence90 considère que lorsqu’un terminal est implanté à la fois sur les deux domaines, seul le régime de la domanialité publique s’applique. Dorénavant, les biens appartenant au domaine privé conservent ce régime malgré la l’exploitation de terminal. C’est donc une situation mixte qui est ici reconnue91 . L’intérêt de cette position est notamment de permettre de remédier au flou qui existe concernant l’étendue de la priorité d’embauche des dockers sur le domaine public. Si l’article 511-2 du Code des ports maritimes réserve cette priorité aux postes publics, la pression sociale demeure forte pour revendiquer cet avantage sur l’ensemble du domaine public portuaire92 . Dans la détermination des droits et obligations des parties, la CET confie à l’opérateur de terminal la charge de l’exploitation technique et commerciale du terminal. A ce titre, il bénéficie d’une priorité permanente d’usage des quais et gère les installations et services pour son propre compte93 . L’article 5 de la convention type d’exploitation précise les moyens que le port mettra à disposition de l’opérateur. Il pourra s’agir de terrains, terre-pleins, d’aménagements et d’outillages publics selon des conditions financières différentes de celles de la procédure d’instruction applicables aux redevances d’usage des outillages publics94 . La mise à disposition « n’entraîne en aucun cas transfert de propriété ou constitution de droits réels »95 . Cependant, on peut très bien imaginer la vente de terrains ou outillages, par acte distinct, à l’opérateur, s’ils appartiennent au domaine privé du port. Pour motif de vétusté, de sécurité ou tout motif d’intérêt général, l’autorité portuaire peut toujours décider de mettre fin à la mise à disposition. Le retrait partiel peut être prononcé après expiration d’un préavis de deux mois à compter de la notification de la décision à l’exploitant. Dans ce cas, l’article 16.3 de la convention type exclut le droit à indemnité pour l’exploitant. Notons que la convention type prévoit que le port autonome puisse effectuer des prestations de services à la demande de l’exploitant. Une convention particulière est alors conclue. Elle précise les modalités et conditions de fourniture de ces prestations. L’objet de 90 CE 11 décembre 1957, sieurs Buffière et autres – Rec. p.666 91 « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », R. Rézenthel Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 1460 92 Lamy manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 545-63 93 Art. 3.1 « L’exploitation technique et commerciale du terminal » de la convention type d’exploitation 94 La liste des terrains et terre-pleins indiquant leur superficie et leur nature publique ou privée ainsi que la liste des aménagements et celle des outillages sont annexées à la convention 95 Art.5 in fine de la convention type d’exploitation
  • 33. 32 cette disposition, prévue à l’article 3.3 de la convention type, est de rassurer le personnel des ports maritimes autonomes qui redoutent la privatisation de l’exploitation et maintenance des outillages publics. Juridiquement non contestable, cette disposition ne doit cependant pas aboutir à créer un abus de position dominante en créant un état de dépendance économique à l’égard d’une entreprise cliente qui ne disposerait pas de solution équivalente. L’innovation principale de la CET est le rééquilibrage des pouvoirs entre autorité publique et exploitant de terminal et son évolution vers un véritable contrat synallagmatique. Pour une gestion optimisée, l’opérateur est libre de choisir les membres de son personnel. La seule exception notoire à la règle est l’obligation faite à l’autorité portuaire, ou à l’opérateur qui succède à l’exploitation, de maintenir le personnel du terminal dans ses fonctions à l’expiration de la convention d’exploitation ou dans le cas de son retrait. Cette apparente restriction à la liberté de l’opérateur a pour but d’assurer la protection des droits du personnel et de permettre au nouvel opérateur de se retrouver dans la même situation que son prédécesseur vis-à-vis des charges salariales. S’agissant de la stratégie commerciale et de la politique tarifaire, l’opérateur de terminal a aussi un large pouvoir de décision. Les conditions tarifaires de la mise à disposition des outillages publics sont déterminées par la CET96 . Les montants, les conditions de versement et les conditions de révision sont fixés selon des modalités propres à chaque convention d’exploitation et ce par dérogation aux articles R. 115-15 à R. 115-8 du Code des ports maritimes, applicables aux outillages publiques concédés ou affermés ainsi qu’aux outillages privés utilisés dans le cadre de l’obligation de service public. La CET implique un commandement unique du terminal. L’idée est que l’opérateur doit pouvoir disposer du pouvoir de gestion de l’ensemble des activités du terminal et de tous les personnels. Bien que la CET ne règle pas la question du transfert de total des agents de conduite et personnels de maintenance des ports vers les entreprises de manutention, elle représente un « modèle convenable pour engager la modernisation et la compétitivité de nos ports »97 . Dans cette logique renouvelée des contrats d’exploitation, l’occupation du domaine public a elle aussi été assouplie. Il est désormais possible pour l’exploitant de prendre 96 Art. 11.2 de la convention type 97 ISEMAR, Note de Synthèse n°92, février 2007, « De nouvelles pistes pour la politique portuaire française »
  • 34. 33 l’initiative de résilier le contrat, sous réserve de respecter un préavis de trois mois et du versement d’une indemnité à l’autorité portuaire. Dans le même sens, l’article 20 de la convention type prévoit qu’en raison de la nature essentiellement commerciale des relations entre l’opérateur et l’autorité portuaire, un recours à l’arbitrage pourra être décidé. Cette disposition fait entrer la transaction dans les relations entre l’autorité portuaire et l’opérateur de terminal. La CET est un instrument juridique que l’on pourrait qualifier d’ « équitable », en ce sens qu’il fait entrer une nouvelle logique contractuelle dans les relations entre l’autorité portuaire et l’opérateur, laissant place à une conception renouvelée du partenariat public/privé. Partant, elle permet une plus grande responsabilisation des acteurs98 . La question majeure qui se pose à présent est celle de savoir si la CET constitue une délégation de service public. D’un point de vue formel, on notera que l’article R 115-7-III du Code des ports maritimes évoque uniquement le terme de « domaine portuaire », ne distinguant pas entre le domaine public et le domaine privé et ne maintenant les obligations de service public que pour les outillages privés. La domanialité ne semble plus se justifier. Autre élément, l’absence de visa de la loi du 29 janvier 1993, dite « Loi Sapin », dans le décret de 2000 approuvant la convention type d’exploitation de terminal99 . L’octroi d’une autorisation d’exploitation de terminal paraît dispenser d’un appel d’offre, comme c’est d’ailleurs le cas des autorisations d’occupation temporaire qui n’impliquent pas l’exploitation d’un service public. La référence au service public semble avoir été volontairement omise dans la CET. Il faut donc considérer que l’exploitation de terminal sous CET est une activité purement commerciale. La CET démontre qu’elle est un nouvel instrument juridique d’avantage conforme aux réalités du commerce. En cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’Etat qui met en avant la liberté du commerce et de l’industrie et le droit de la concurrence que le gestionnaire de l’autorité portuaire doit s’engager à respecter100 , elle semble aussi fortement s’inspirer du 98 Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de Marseille, colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM du lundi 23 juin 2008 99 La CET reste soumise à la procédure d’instruction du Code des ports maritimes et devront être appliquées les procédures relatives aux travaux portuaires, article L 155-1 et sv du Code des ports maritimes 100 CE Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex
  • 35. 34 droit communautaire, selon lequel, la manutention n’est pas considérée comme un service d’intérêt économique et général101 . B. Les limites à l’innovation La naissance de ce nouveau contrat ne fait pas pour autant table rase du passé. Plusieurs des limites classiques à l’occupation du domaine portuaire imposées à l’exploitant se retrouvent dans la CET. Il faut ajouter à cela, un ensemble de réserves émises par la doctrine quant à la viabilité de ce contrat sur le long terme. 1. Les limites classiques des conventions d’occupation du domaine public Comme toute occupation du domaine public, la CET a un caractère personnel. L’article 3.2 dispose « L’entreprise est tenue d’exploiter directement en son nom le terminal objet de la présente convention. Elle est tenue d’occuper elle-même et sans discontinuité les biens immobiliers dans l’emprise du terminal ». L’opérateur qui confie à un tiers une partie de l’exploitation du terminal, demeure tenu par les obligations imposées par la convention envers le port et les tiers. La cession totale ou partielle de l’exploitation exercée par l’opérateur de terminal n’est possible qu’avec l’accord du port, sous peine de résiliation du contrat. L’exploitant de terminal informera le port de tout changement dans sa situation susceptible de modifier le contrôle de l’entreprise102 . De la même manière que pour les concessions d’outillage public, l’article 7 de la convention type impose, pour la réalisation de travaux de rénovation, modification ou renouvellement des terre-pleins, aménagements et outillages mis à disposition, l’accord préalable de l’autorité portuaire. Les modalités de financement sont prévues par la convention. L’exécution des travaux est également soumise à l’accord du port103 . Concernant les dépenses d’entretien des terre-pleins, aménagements et outillages, la convention type détermine lequel de l’opérateur ou de l’autorité portuaire en supportera le coût et dans quelle mesure. Les responsabilités de chacun des cocontractants en dépendront. 101 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 146 ; CJCE 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova Spa, aff. C-179/90, Rec. CJCE, I, page 5889 102 Au sens de l’art. L. 233-3 du Code de commerce 103 Art. 32 du règlement général de police des ports maritimes de commerce et de pêche
  • 36. 35 L’exploitant maintiendra en bon état de fonctionnement l’ensemble des ouvrages et outillages mis à sa disposition pendant tout le temps de la convention. Il s’agit là d’une obligation habituelle à laquelle sont soumis les occupants du domaine public, afin que les prestations de services soient assurées de manière satisfaisante jusqu’au terme de la convention. L’article 17.2 de la convention type fait état d’un droit de préemption de port sur les biens mobiliers appartenant à l’exploitant et installés sur le terminal. Si l’autorité portuaire n’exerce pas son droit, l’exploitant devra remettre les lieux dans leur état initial. S’agissant des biens immobiliers, l’article 17.3 retranscrit la « théorie des biens de retour » et dispose qu’une fois la convention venue à terme, les biens immobiliers qui ont été aménagés par l’opérateur reviennent de plein droit et gratuitement à l’autorité portuaire si elle l’accepte, à défaut, les biens devront être remis dans leur état initial. Au titre des obligations imposées à l’exploitant, on retrouve plusieurs obligations de service public, bien qu’aucune référence au « service public » ne soit directement faite. L’opérateur devra occuper sans discontinuité le terminal, se conformer aux objectifs de trafics prévus, réalisation des investissements selon un calendrier, payer une redevance, assurer l’entretien des ouvrages et installations et supporter sans contre dédommagement le retrait partiel de terre-pleins, aménagements et outillages. Si la résiliation de la CET intervient, l’exploitant sera tenu de verser une indemnité à l’autorité portuaire, sauf résiliation pour motif d’intérêt général. Enfin, l’autorisation d’occupation du terminal est nécessairement limitée dans le temps. Il appartient aux parties de s’entendre sur ce point. L’article 13 de la convention type, reprenant l’article L 34-1 al.3 de code du domaine de l’Etat, précise que la durée est appréciée au regard des de la durée d’amortissement des investissements à la charge de l’entreprise. C’est ici une volonté plutôt claire de ne pas voir les droits de l’opérateur devenir le jeu normal de la concurrence104 . 104 « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes : un progrès significatif », R. Rézenthel, Journal de la Marine Marchande, du vendredi 4 août 2000, n° 1460
  • 37. 36 2. Les faiblesses propres à la CET Le rôle de la CET se trouve d’abord limité, en pratique, par l’obligation de se conformer à une convention type. De plus, la forme du décret exigé pour la validation de la convention type, a pour conséquence d’alourdir la procédure en cas de dérogation à ce document type. L’article R 115-14 in fine du Code des ports maritimes prévoit dans ce cas l’approbation des ministres chargés des ports maritimes, de l’économie et du budget. Plusieurs critiques de la CET ont été émises par la Cour des comptes qui dénonce son « caractère hybride, entre la convention d’occupation du domaine public et la concession globale »105 . La critique vient notamment du fait que le partage des risques entre le gestionnaire de l’autorité portuaire et l’exploitant de terminal est insuffisamment formalisé pour permettre une bonne saine, équilibrée et transparente. La CET fait peser un risque commercial important sur l’autorité portuaire qui assume les charges d’amortissement et d’exploitation des infrastructures, alors même que ces charges contribuent à la « performance des terminaux »106 . Autre point soulevé, l’impact négatif résultant de la limitation du champ d’application des CET aux seules superstructures. Cette restriction technique et économique est contestable, car la qualité, comme l’entretien, et la disponibilité des infrastructures concourent à la performance des terminaux. La Cour dénonce également l’absence d’une « pleine maîtrise économique et financière de l’entité que constitue le terminal ». Les conséquences sont l’absence de « répartition juste et équitable des gains économiques et financiers des hausses de trafics entre les deux parties concernées » ainsi que le défaut d’ « adaptation du montant des fonds publics à la rentabilité socio-économique des projets ». Autre interrogation soulevée par la doctrine, celle de savoir si l’autorité portuaire est tenue de recourir à l’un des régimes prévus à l’article R 115-7 et suivants du code des ports 105 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p. 74 106 La Cour de comptes illustre le maintien d’un niveau élevé de risque commercial sur l’autorité portuaire en prenant pour exemple le port autonome du Havre dont la rémunération pour l’exploitation des premiers postes à quai de Port 2000 est constituée à 92% par les droits de port et à 8% des redevances des CET
  • 38. 37 maritimes français, ce qui aurait pour conséquence de réduire la liberté de choix du gestionnaire. La liste proposée est clairement non exhaustive et ce d’autant qu’elle fait l’impasse sur l’autorisation d’occupation temporaire, contrat pourtant largement répandu. Le Docteur en droit, Robert Rézenthel, pencherait en faveur d’une liberté de choix du régime domanial, estimant qu’il doit être possible de conclure des contrats sui generis ou innomés107 . La question n’est pas tranchée et demeure une question doctrinale. Sur le plan pratique, les différentes expériences menées connaissent un succès mitigé. A Dunkerque, l’exploitation du terminal à conteneurs a seulement permis une réduction significative des pertes sans permettre d’aboutir à une situation bénéficiaire. A Marseille et au Havre, où des CET ont été passées pour l’exploitation de nouveaux terminaux, les établissements portuaires ont été confrontés à la difficulté de respecter les engagements de trafic, et à celle de concilier l’intérêt socio-économique des projets avec les exigences commerciales des opérateurs. Les autorités publiques devront impérativement favoriser les trafics dont les retombées sont les plus positives pour la collectivité en termes d’activité, d’externalités et d’emplois108 . Autre faiblesse de la pratique, l’application généralisée de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. La procédure de mise en concurrence appliquée à l’ensemble des appels à projet revient à ne plus faire de distinction entre les différents instruments juridiques à la disposition de l’autorité portuaire109 . Il convient d’évoquer à nouveau l’Ordonnance du Tribunal de Marseille du 11 juin 2008110 , qui requalifie en concession d’outillage public, la mise à la disposition d’une forme de radoub et de terre-pleins adjacents au bénéfice d’une entreprise de réparation navale. La mise à disposition d’outillage public serait donc suffisante à entrainer la requalification de l’ensemble d’un contrat en délégation de service public, avec les conséquences importantes que cela entrainerait en termes de liberté de gestion. Le fait que l’activité concernée ne saurait être qualifiée d’activité de service public semble indifférent. Il existe ici une réelle confusion 107 « La liberté de gestion du domaine des ports maritimes autonomes », R. Rézenthel, DMF 2000, p. 595 108 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », Chapitre 2, juillet 2006, p. 69 à 73 109 Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de Marseille lors du colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM, le lundi 23 juin 2008 110 « Contentieux pré-contractuel pour l’exploitation d’une forme de radoub », Ordonnance du Tribunal administratif de Marseille n° 0803537, du 11 juin 2008, Observations de Claire Merlin-Merrien et Robert Rézenthel, DMF 694, juillet – août 2008, p. 674 à 683