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UNIVERSITE D’AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES
TRANSPORTS
LE PRIX DU TRANSPORT TERRESTRE DE
MARCHANDISES
Mémoire pour l’obtention du
Master 2 Droit des transports terrestres
par
Nicolas FILIPPI
Sous la direction de M. le professeur Cyril BLOCH
Année universitaire 2011-2012
2
3
Remerciements
Je tiens à remercier Monsieur le professeur Cyril Bloch pour m’avoir permis d’intégrer
le Master 2 Droit des transports terrestres, ainsi que tous les intervenants pour la
qualité de leurs enseignements.
4
Sommaire
Partie 1. La fonction du prix du transport terrestre de marchandises. ........................ 6
Titre 1 : Approche socio-économique du prix du transport terrestre de
marchandises.......................................................................................................... 8
Chapitre 1 : Prix, marché et conjoncture.............................................................. 9
Chapitre 2 : Influence des pouvoirs publics sur la détermination du prix du
transport............................................................................................................. 17
Titre 2 : Le prix, élément essentiel du contrat de transport de marchandises. ...... 25
Chapitre 1 : Le régime juridique du contrat de transport. ................................... 26
Chapitre 2 : La validité du contrat. ..................................................................... 38
Partie 2 : La détermination du prix du transport terrestre de marchandises. ............ 46
Titre 1 : La négociation du prix. ............................................................................. 48
Chapitre 1 : La fin des prix imposés................................................................... 48
Chapitre 2 : La construction du prix.................................................................... 53
Titre 2 : Modification et inexécution du contrat de transport. ................................. 59
Chapitre 1 : Modification du contrat et révision du prix....................................... 60
Chapitre 2 : Le sort du prix du transport en cas d’inexécution. .......................... 65
5
Introduction
« Tout ce qui se commande s’écrit et se paye ». Telle est, en substance, la
formule de Bernard Bosson, ministre des transports du milieu des années 1990.
Cette idée imprègne le transport terrestre de marchandises, domaine dans
lequel le prix de toute prestation, de la plus importante (effectuer un déplacement) à
la plus accessoire, doit être déterminé avec soin.
Pourtant, les parties au contrat de transport ont longtemps été écartées de la
détermination du prix et voyaient leur volonté suppléée par l’Etat ou par des
organismes professionnels avant que le principe de liberté contractuelle ne s’impose.
Pour autant la volonté des parties n’est pas totale lorsqu’il s’agit de déterminer
le prix du transport. Des contraintes conjoncturelles et législatives la restreignent ou
l’encadrent. En effet la puissance publique ne permet pas aux parties de construire
un prix sans respecter certaines règles et pose des barrières qui visent à les protéger
ou à protéger le marché.
Intrinsèquement, le transport de marchandises est un domaine étroitement lié
à la conjoncture économique, de sorte que l’activité des transporteurs et les prix
pratiqués dépendent de nombreux facteurs. Celui qui retient sans doute le plus
l’attention des cocontractants est l’évolution des prix des carburants. Ce dernier
représente, avec les charges sociales, un des postes de dépenses le plus important
dans le prix de revient du transport.
Le but de ce mémoire est d’étudier l’enjeu que représente le prix du transport
pour les parties.
Dans cette optique, nous aborderons la fonction du prix dans une première
partie, puis sa détermination dans une seconde partie.
6
Partie 1. La fonction du prix du transport terrestre de
marchandises.
Christophe Paulin définit ainsi le contrat de transport : « le contrat de transport
est une variété de contrat d’entreprise. Il a en effet pour objet l’accomplissement
d’une prestation de services, de manière indépendante et contre rémunération »1
.
Comme nous le verrons, la libre négociation de cette rémunération par les
parties au contrat prévaut dans les contrats d’entreprise. Mais l’originalité et les
spécificités du contrat de transport le soumettent à une réglementation particulière,
notamment en matière de prix, en atteste la fin tardive des prix imposés par le
bureau de fret en matière de transport fluvial au début des années 2000 alors que la
libéralisation des prix de toutes les activités de production, de distribution et de
services avait été mise en place longtemps auparavant, par l’ordonnance du 1er
décembre 1986. Dans une moindre mesure, rappelons aussi que le fer ne s’est
ouvert à la concurrence que très récemment.
Le principe de liberté doit donc, à plusieurs titres, être tempéré.
Pour appréhender de la manière la plus exhaustive possible le prix du
transport terrestre de marchandises, il convient de connaître et comprendre dans un
premier temps les règles qui régissent le domaine et la réalité du marché
économique. Il s’agit plus précisément d’envisager l’impact direct ou indirect de la
réglementation du transport de marchandises et surtout des fluctuations
économiques sur la détermination du prix et la négociation des parties.
En effet, des restrictions et contraintes de tous ordres viennent entraver, ou à
tout le moins, encadrer cette négociation. Le principe de liberté du prix s’en trouve
atténué, principalement sous l’effet du droit de la concurrence, dont les dispositions
sont devenues nécessaires pour éviter la concurrence anarchique qui a longtemps
régné dans le secteur routier en particulier, ou encore sous l’effet de la fiscalité
d’entreprise ou au nom de la sécurité des transports. De même, les parties ne
peuvent ignorer les critères socio-économiques sans cesse fluctuants qui jouent sur
1
C. Paulin, Droit des transports, LITEC, 1
ère
éd. 2005, p.191.
7
l’offre ou sur la demande de transport, tels que la variation du volume des échanges
de marchandises (pénalisé ces dernières années par le contexte économique
morose et le taux de croissance en berne en France ou plus généralement au sein
de l’Union européenne) ou encore les nouvelles méthodes d’optimisation de la
supply chain développées par les industriels. La montée en puissance de l’écologie
dans notre société ainsi que la mode du transport respectueux de l’environnement
sont déjà, comme nous le verrons, des éléments qui pèsent sur la détermination du
prix du transport et qui peuvent provoquer l’incompréhension des professionnels du
secteur face à certaines mesures prises au nom d’un transport plus propre. Les
transporteurs routiers seront quant à eux particulièrement attentifs à la hausse (et
parfois la baisse) du cours du pétrole.
Ces mesures et contraintes qui pèsent sur la détermination du prix du
transport entrainent une distorsion de concurrence à deux niveaux: entre les modes
de transports, d’une part, et entre les transporteurs français et européens, d’autre
part.
En effet, même si l’hégémonie du mode routier tient surtout à sa flexibilité et à
une infrastructure omniprésente, la surcapacité de l’offre de transport dans le secteur
tire les prix vers le bas et lui permet de supplanter les autres modes de transports
terrestres (305,2 milliards de tonnes-kilomètres pour la route contre 30,1 milliards
pour le fer et 8,1 pour le fluvial en 2010 et sur le territoire français2
). Cette
surcapacité et la diversité de l’offre, qui font du mode routier le secteur le plus
compétitif, expliquent et justifient la mise en place d’une réglementation
particulièrement importante concernant l’encadrement du prix afin d’éviter les
pratiques anticoncurrentielles ou les prises de risques de la part du transporteur qui
pourraient mettre sa vie ou celle des tiers en danger.
Cette réglementation, associée à une fiscalité lourde et surtout à un droit
social rigide, n’est pas sans conséquences sur les prix pratiqués par les
professionnels du secteur ainsi que sur la compétitivité du pavillon français, tous
modes de transport confondus. La France peine à évoluer et à trouver sa place en
Europe à l’heure de la libéralisation des prestations de services et dans un contexte
2
Voir Chiffres clés du transport, édition 2012, p.11, publié par le Ministère de l’Ecologie, du
Développement durable, des Transports et du Logement, consultable à l’adresse :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rep_transports_2012.pdf
8
de crise économique. Certaines mesures voulues par le nouveau gouvernement
inquiètent et démontrent l’incapacité de la France à évoluer, s’adapter, et à proposer
des mesures efficaces et innovantes.
La question du cabotage est notamment au centre des préoccupations des
transporteurs français qui subissent de plein fouet la concurrence de leurs confrères
des pays de l’Est. En juillet 2012, certains représentants des transporteurs routiers
alertaient les députés récemment élus et les exhortaient à redresser la compétitivité
des entreprises françaises au sein de l’Europe3
. L’urgence est d’autant plus grande
que le système du cabotage consécutif défendu par la France prendra probablement
fin en 2014 pour laisser place à une libéralisation totale, fatale aux transporteurs
français.
La présente partie sera donc consacrée à l’étude de la fonction du prix, par
une approche économique qui nous permettra de comprendre l’impact de
l’environnement socio-économique sur le prix, puis par une approche d’avantage
centrée sur l’importance du prix dans la qualification, l’existence et l’exécution du
contrat de transport de marchandises.
Titre 1 : Approche socio-économique du prix du transport terrestre de
marchandises.
Le prix revêt deux fonctions pour les opérateurs économiques : élément
essentiel du contrat de transport d’une part, il est d’autre part un facteur économique
qui représente un coût à intégrer dans le prix de revient de la marchandise
transportée. De fait, le prix, par son existence et son montant, est un enjeu. Il semble
conditionner la qualification et la validité du contrat de transport et avoir une
incidence plus ou moins prononcée sur la stratégie commerciale du producteur, ainsi
que sur le comportement du consommateur.
Mais la détermination du prix échappe, dans une certaine mesure, au principe
de la libre volonté des parties. En effet, celles-ci se heurtent à diverses barrières
3
B. Barbedette, « Compétitivité des entreprises : TLF alerte les 577 députés. », L’officiel des
transporteurs, n°2653, 13/07/12, p.10.
9
légales ou économiques que chaque partie doit prendre en compte, en particulier le
transporteur. Nous verrons que cet encadrement de la volonté des parties est
particulièrement contraignant dans la tarification des prestations du transporteur
routier, ne laissant espérer que de faibles marges. Pour autant l’évolution des prix est
plus stable dans ce secteur que dans tous les autres.
Nous aborderons donc cette approche socio-économique à travers une étude
conjoncturelle du prix du transport (chapitre 1) avant d’appréhender l’influence de la
puissance publique sur la négociation de ce prix (chapitre 2).
Chapitre 1 : Prix, marché et conjoncture.
La construction du prix est encadrée par le marché et par l’action de la
puissance publique. Les contraintes qui en découlent imposent des limites au
transporteur, mais aussi à son cocontractant. C’est particulièrement le cas de
mesures telles que la prohibition des transports à perte et l’interdiction des
rémunérations de nature à mettre en danger la sécurité du transporteur ou des tiers.
Nous aborderons plus en détail ces restrictions ultérieurement mais elles permettent
déjà d’envisager le problème qui se pose au transporteur en matière de prix :
comment être compétitif dans un secteur aussi surveillé que celui du transport ?
Section 1 : Le coût du transport.
Indispensable à la circulation des biens, le transport a une emprise sur la vie
économique. L’activité de transport est omniprésente, elle concerne tous les
domaines et tous les acteurs économiques. Dès lors, cette activité est soumise à de
nombreux facteurs économiques : croissance, emploi, consommation, etc. de sorte
que le marché est étroitement lié à la conjoncture économique.
Le prix du transport représente un coût que l’utilisateur cherchera à maitriser
pour des considérations logistiques et commerciales. Le transporteur, quant à lui,
doit impérativement couvrir son coût, tout en espérant dégager une marge.
10
A. Conjoncture économique.
La situation économique morose, associée à une baisse latente du trafic4
pèse
sur l’activité de transport. Le transporteur doit subir ce contexte économique
fluctuant, marqué alternativement de baisses et de hausses d’activité en fonction de
différents facteurs tels que l’activité de la production industrielle ou le niveau de la
consommation. Les chiffres publiés par le ministère des transports5
montrent que les
prix évoluent à la hausse sur les douze derniers mois pour la plupart des modes de
transport.
B. Le coût du transport.
Contrat de transport et contrat de vente sont juridiquement indépendants,
cependant le premier est souvent la conséquence du second, de sorte
qu’économiquement, l’un peut avoir une incidence sur l’autre.
La phase de transport est un enjeu que les opérateurs économiques doivent
intégrer dans leur circuit de production et de distribution. Cette phase peut avoir un
effet plus ou moins marqué mais aura toujours un impact sur la stratégie économique
de l’opérateur, en ce sens que le prix du transport représente un coût variable qui
s’incorpore à la valeur totale du produit transporté. Ce coût varie en fonction de la
nature de la marchandise. On pourrait penser, à première vue, qu’il sera négligeable
pour des marchandises à forte valeur ajoutée mais pourra à l’inverse être
conséquent pour des marchandises dont la valeur unitaire est faible. C’est le cas, par
exemple, des biens fongibles (« le sable ne vaut que ce qu’a couté son transport »6
).
4
« Au premier trimestre 2012, les transports terrestres intérieurs de marchandises diminuent encore en tonnes-
km mais moins fortement qu’au dernier trimestre 2011 (- 1,7 % après - 4,7 %) dans un contexte de stabilité de
l’activité en France (+ 0,0 % pour le PIB après + 0,1 % au quatrième trimestre 2011), accompagné d’un recul de
la production manufacturière (- 0,8 % après + 0,3 % au dernier trimestre 2011). Cette baisse est sensible dans
toutes les branches. » Extrait de La conjoncture des transports au premier trimestre 2012, n°338, juillet 2012,
publié par le Commissariat général au développement durable, consultable à l’adresse :
http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/1941/873/conjoncture-transports-premier-
trimestre-2012.html
5
Voir le rapport complet du Commissariat général au développement durable à l’adresse :
http://www.wk-transport-logistique.fr/outils/upload/indices-prix-transport-fret-entreposage-1er-trim-
2012.pdf
6
M. Tilche, « Comment tarifier ses transports ? », BTL n°2654, 1996.
11
Cependant, un tel raisonnement ne s’avère pas toujours exact, en ce qu’il ne tient
notamment pas compte du mode de transport utilisé.
Le donneur d’ordre a donc tout intérêt à maitriser le coût que représente le
transport pour au moins deux raisons.
a. Le coût intégré à la chaine logistique.
La première raison est relative à l’optimisation de la chaine logistique, ou
supply chain. La logistique est un élément clé pour tous les opérateurs économiques
qui souhaitent gérer et réduire leurs coûts de production ou de distribution. Elle
consiste à gérer les flux de marchandises en fonction des besoins de l’opérateur et
de la demande de ses clients.
La pratique moderne consiste à éviter l’accumulation de stocks trop importants
d’une part afin de réduire les coûts d’entreposage, et d’autre part afin de ne pas
plomber l’actif de l’entreprise, c’est le système du flux tendus. Cette pratique n’a été
rendue possible et n’a pu se développer qu’en raison d’une maîtrise totale de la
phase de transport. Elle nécessite un transport fiable mais avant tout récurent,
fréquent, et n’est avantageuse que dans la mesure où le prix de ce transport ne
représente pas un coût élevé. Encore une fois, la surcapacité historique de l’offre7
et
la flexibilité du mode routier en fait le mode de transport privilégié pour cette
méthode. Cependant, ce n’est pas nécessairement toujours le cas, d’autant plus si
l’on considère que la fiabilité est le critère principal du flux tendus8
. Une stratégie de
transport plus audacieuse, fondée sur le choix adéquat du mode de transport et
faisant appel au fer, au fluvial ou surtout à un transport combiné (quand la nature et
la destination de la marchandise transportée s’y prêtent) permettra d’optimiser le
poste de transport au sein de la supply chain et d’en réduire les coûts.
b. Le risque d’une variation imprévue des coûts.
La seconde raison porte sur le risque que représente le transport pour le
chargeur lorsque son prix varie. Une variation du prix aura un effet sur la marge, et
donc sur l’activité du chargeur, en particulier en cas d’augmentation des prix, comme
7
« Le caractère non stockable du transport et la multiplicité des entreprises artisanales du secteur
entrainent l’existence quasi-permanente d’une offre excédentaire. » P. Darrot, « La concurrence dans
les transports routiers de marchandises », Economie et statistiques, n°40, décembre 1972, p.9.
8
«Le transport n’est pas nécessairement rapide, mais il doit être absolument fiable (…)» I. Bon-
Garcin, Droit des transports, Dalloz, Précis, 1
ère
édition, 2010, p.19 §34.
12
c’est le cas dans la conjoncture actuelle, comme nous l’avons vu précédemment.
Cette variation reflète, en partie, la répercussion des coûts assumés par le
transporteur sur le prix du transport et peut mettre en danger le donneur d’ordre9
dans l’hypothèse d’une dégradation non négligeable de sa marge.
Ces deux exemples sont révélateurs de ce que peut représenter la phase de
transport pour le donneur d’ordre. Force est de constater qu’elle est déterminante
pour sa stratégie logistique et commerciale. D’où l’importance d’en maitriser le coût
en choisissant le prestataire adéquat et le prix le plus juste.
Que représente ce prix pour le transporteur ?
Section 2. Le prix de revient du transport.
Comme nous le verrons, il est un point commun aux transports routiers,
ferroviaires et fluviaux : le prix du transport doit permettre au prestataire de couvrir,
au minimum, les coûts afférents à l’exécution de ce transport. Cette règle est difficile
à appréhender tant le volume des affaires dans ce secteur est important et tant les
contraintes qui pèsent sur le transporteur sont nombreuses. Il est évident que le
montant du prix ne peut se contenter d’être égal à la simple somme des différents
postes de coûts de la prestation, sans quoi aucune entreprise de transport ne
pourrait être viable. Pour autant, après une période de crise très difficile, les marges
restent très faibles (1 à 1,2% pour les entreprises de transport routier selon l’Union
TLF10
).
A. Structure du prix du transport terrestre de marchandises.
Le comité national routier (CNR) a entrepris d’analyser la structure du prix du
transport routier en dissociant les différentes charges qui pèsent sur le
9
« N’oublions pas, en effet, que le vendeur franco établit ses prix de vente en fonction du coût du
transport et que, par temps de faible marge, une majoration impromptue de ce coût peut l’amener à
travailler à perte.» B. Kerguelen-Neyrolles et L. Garcia-Campillon, Lamy Transport Tome 1, Editions
Lamy, 2012, p.202.
10
Lettre de TLF aux 577 députés, Communiqué TLF juillet 2012, consultable à l’adresse :
http://www.truckeditions.com/Lettre-de-TLF-aux-577-deputes.html
13
transporteur11
. On constate que deux postes de charges se dégagent et constituent
plus de la moitié du prix de revient, qu’il s’agisse d’un transport courte ou longue
distance : le carburant et le conducteur. Cependant le poste carburant est plus
important dans le transport longue distance et inversement pour le transport courte
distance. La nature des prestations effectuées au cours de ces deux types de
transport explique en partie une telle différence : un transport régional, plus propice à
la messagerie, entraine souvent des coûts supplémentaires tels que des prestations
de manutention ou des coûts d’organisation et de planification des tournées, tandis
que le poste carburant ne varie pas.
Les coûts de carburant et de personnel naviguant sont étroitement liés à la
politique des pouvoirs publics en matière fiscale et sociale. La part qu’ils occupent
dans la construction du prix est révélatrice du poids des charges qui sont imposées
au transporteur en la matière.
On remarque par ailleurs que deux postes varient significativement dans la
structure de l’indice :
- On constate d’abord que les frais de déplacement en transport longue
distance représentent le double des frais de déplacement en transport courte
distance. C’est la distinction la plus significative dans la structure du prix de ces deux
types de transport. Elle en est aussi le critère distinctif essentiel : est qualifié de
conducteur longue distance le conducteur qui est contraint de prendre au moins six
repos journaliers par mois hors de son domicile12
. Dès lors, le conducteur a droit au
versement d’une indemnité de grand déplacement représentant un ou deux repas
plus un découcher, comme le prévoit l’annexe 1 de la convention collective nationale
des transports routiers, relative aux frais de déplacement.
- Le poste infrastructure quant à lui concerne l’utilisation de la voierie et couvre
essentiellement la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, ou taxe à l’essieu, et
les frais de péages. En toute logique, ce poste a plus de poids pour le transporteur
longue distance.
11
Voir Annexe 1.
12
Voir l’article 5-2 du décret n°83-40, du 26 janvier 1983, relatif à la durée du travail dans les
entreprises de transport routier de marchandises, dit décret Fiterman.
14
L’analyse de ces indices et des différences de répartition des coûts révèlent
que le prix n’a pas la même fonction pour le transporteur si l’on envisage une
distinction entre transport de lots et messagerie. Dans le premier cas, le transporteur
doit appréhender l’opération de transport dans son ensemble, il s’agit alors pour lui
de prendre en compte l’opération aller aussi bien que l’opération retour et les frais s’y
afférant, là où l’expressiste mise avant tout sur l’optimisation de sa tournée et doit
structurer son prix en fonction des opérations de gestion et de manutention voire de
stockage.
B. L’infrastructure : handicap du prix du transport ferroviaire.
Outre les coûts d’énergie ou de carburant et les coûts de personnel que
l’entreprise ferroviaire assume, deux autres postes grèvent le prix du transport.
Principale contrainte structurelle du mode ferroviaire, l’infrastructure constitue
un coût prépondérant qui pèse sur le prix du transport, de par son utilisation et sa
complexité. Elle est la source de la rigidité du système et des efforts que les
différents acteurs (entreprises ferroviaires, gestionnaire d’infrastructure, etc.) doivent
mettre en œuvre pour assurer une bonne circulation des trains et une rotation
optimale pour proposer un service pertinent.
L’utilisation de l’infrastructure est caractérisée par la réservation de sillons
auprès du gestionnaire d’infrastructure (Réseau Ferré de France). L’entreprise
ferroviaire qui souhaite faire circuler un train doit en effet adresser à RFF une
demande d’attribution de capacité. L’article 17-1 alinéa 2 de la LOTI précise
qu’on « entend par capacités de l'infrastructure la possibilité de programmer des
sillons sollicités pour un segment de l'infrastructure pendant une certaine période et
on entend par sillon la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train
donné d'un point à un autre à un moment donné. »
RFF fixe chaque année les tarifs liés à l’utilisation de ces sillons dans le
document de référence du réseau. Ces tarifs correspondent, en matière de fret, à
deux redevances déterminées de manière à être « égales au coût directement
imputable à l’exploitation du service ferroviaire » conformément à l’article 7.3 de la
directive 2001/14/CE.
15
Il s’agit en premier lieu de la redevance de circulation, qui vise à couvrir les
coûts de maintenance et d’utilisation du réseau générés par l’entreprise ferroviaire en
fonction de son trafic, c’est-à-dire de la ligne qu’elle utilise, du nombre de kilomètres
parcourus et du type de train qu’elle exploite. Cette redevance constitue un coût
variable pour le gestionnaire d’infrastructure, mais afin d’éviter des variations
disproportionnées ce dernier doit les proposer sous forme de moyennes.
En seconde lieu, l’entreprise ferroviaire s’acquitte d’une redevance de
réservation. A la différence de la précédente, cette redevance n’est pas générée par
les conséquences matérielles de l’utilisation du sillon à proprement parler, elle est en
effet motivée par la création de valeur liée au sillon. RFF applique ici une possibilité
offerte par la directive précédemment citée de majorer les tarifs en fonction de la
valeur économique du sillon13
. La redevance de réservation sera d’autant plus élevée
que la demande pour la ligne concernée est importante, et, à titre subsidiaire, que la
longueur et la vitesse du sillon sont grandes.
RFF estime ainsi que ces redevances ont conduit les entreprises ferroviaires à
s’acquitter en 2012 d’un péage moyen de 1,7€ par kilomètre au titre des prestations
minimales.14
Le coût que représente l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire constitue un
enjeu économique essentiel, notamment dans le cadre du transport combiné rail-
route. Afin de maitriser ce coût, le transporteur intermodal à tout intérêt à réserver lui-
même ses sillons avant de confier l’exécution de la partie ferroviaire de la prestation
à un sous-traitant. Il dispose ainsi d’une plus grande marge de manœuvre dans sa
tarification et améliore sa compétitivité.
Deuxième poste économique non négligeable pour l’entreprise ferroviaire :
l’acquisition et l’entretien de son matériel. Ce poste est très onéreux et varie en
fonction du matériel utilisé. Or ce matériel est déterminant dans la stratégie et la
politique d’offre du transporteur. L’apparition de nouveaux entrants sur le marché fret
(en particulier les opérateurs ferroviaires de proximité tels que RDT13) permet aux
13
Article 8.1 de la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure
ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité : « Un
État membre peut, afin de procéder au recouvrement total des coûts encourus par le gestionnaire de
l'infrastructure et, si le marché s'y prête, percevoir des majorations (…) »
14
Voir Document de référence du réseau ferré national, Chapitre 6 - tarification, p.76, n°6.1.2 :
Dispositions spécifiques au fret ferroviaire, disponible sur www.rff.fr
16
entreprises ferroviaires de solliciter ces derniers afin d’externaliser la maintenance du
matériel roulant. Cette alternative offre un avantage certain pour l’opérateur qui peut
ainsi réduire les coûts liés à la rémunération du personnel d’entretien ou ceux liés
aux locaux et engins dédiés à la maintenance. En externalisant une partie de ce
poste de dépenses, le prestataire peut espérer, là encore, pouvoir rendre le prix de
revient du transport plus malléable.
C. Le poids économique des intermédiaires dans le prix du transport fluvial.
Depuis la suppression du système de tour de rôle, intervenue le 1er
janvier
2000, les prix du transport fluvial de marchandises baissent sous l’effet de la
concurrence exacerbée que se livrent les bateliers. Cependant la concurrence est
dévoyée par la pratique récurrente, voire indispensable, de prix de transport
inférieurs au prix de revient dans le cadre d’affrètement au voyage. En effet, la
difficulté pour le transporteur de trouver un chargeur lors du voyage retour constitue
un problème fréquent et un risque financier. La solution appliquée par les bateliers
consiste à proposer un prix retour réduit, anti concurrentiel, et de le compenser par le
prix du transport aller, ce qui met les chargeurs dans une situation d’inégalité et fait
varier les prix de manière imprévisible15
.
Le déséquilibre des flux qui touche le secteur contraint les transporteurs à
s’adresser à un acteur quasiment incontournable : le courtier fluvial. Le recours à cet
agent constitue un coût de transaction qui pèse sur le prix du transport. Un meilleur
accès à l’information serait la condition préalable à une diminution de ce coût de
transaction et permettrait de stabiliser les prix16
.
15
« Tout transporteur est en effet disposé à accepter un fret de retour à un prix inférieur à son prix de
revient si celui-ci est déjà couvert par le montant de la transaction sur l’aller. Le chargeur optant pour
la prestation la moins coûteuse retiendra le transporteur recherchant un fret de retour qui, grâce au
mécanisme de subvention croisée, proposera un « prix prédateur » en dessous de son prix de revient
du seul trajet de retour. Autrement dit, le transporteur fait supporter au premier chargeur une partie du
coût du transport réalisé pour le deuxième chargeur. » M. Fischman et E. Lendjel, « Les coûts de
transaction dans le transport fluvial de marchandises : enseignements et préconisations pour
développer l’affrètement au voyage », 4 pages, Programme de recherche FLUIDE, Agence Nationale
de la Recherche, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’Economie de la Sorbonne, CNRS,
2010, p.3.
16
Les auteurs précédemment cités préconisent ainsi de développer deux éléments : évincer d’une
part les intermédiaires en incitant les transporteurs à utiliser une bourse de fret en ligne afin de
17
Comme nous l’avons vu, les spécificités de chaque mode de transport
présentent à la fois des avantages mais sont surtout corrélativement la source de
contraintes, ou encore de coûts, que le transporteur doit répercuter sur prix et donc
sur le chargeur. La maîtrise du prix de revient du transport est donc un élément
crucial pour le transporteur qui doit, dans un environnement très concurrentiel,
trouver des solutions pour diminuer ses coûts et se démarquer de ses concurrents en
proposant un prix plus attractif pour une prestation de qualité sans enfreindre la loi
(notamment les dispositions du droit de la concurrence). Cette démarche est loin
d’être aisée tant les contraintes sont nombreuses. Certaines sont intrinsèques au
secteur et au moyen de transport (carburant, infrastructure, complexité de l’accès au
marché, etc.), d’autres sont directement liées à la politique des pouvoirs publics en
matière de transport ou plus généralement dans tous les autres secteurs de
l’économie.
Chapitre 2 : Influence des pouvoirs publics sur la détermination du prix du
transport.
La réglementation des transports est fondée sur deux considérations majeures
que sont le respect d’une concurrence loyale entre les acteurs du marché et la
sécurité du transport. Toutefois l’activité de la puissance publique dans divers
domaines constitue un poids économique qui a un effet sur l’activité de transport et
qui impacte directement ou indirectement le prix du transport. Romain Carayol estime
par exemple qu’en matière de transport routier « la volonté des parties est sous
influence de la puissance publique qui affirme vouloir veiller au respect de la
concurrence dans un secteur où les relations entre professionnels, souvent
déséquilibrées, peuvent générer des dysfonctionnements »17
.
négocier directement les contrats, créer un organisme de référencement et un outil d’aide au calcul
des prix d’autre part, pour faciliter la détermination du prix, à l’image du CNR en transport routier.
17
R. Carayol, « La négociation du prix dans le transport routier de marchandises », Revue de droit
des transports n°11, novembre 2008, p.45.
18
Ce pourrait être le cas avec l’autorisation, en 2013, du passage du poids total
roulant autorisé de 40 à 44 tonnes. Les professionnels18
estiment en effet que les
conséquences de la mesure sur le prix du transport sont relativement incertaines
mais que la différence entre le gain de productivité et le surcoût de production devrait
tendre à une baisse du coût de production du transport. Trois hypothèses sont
envisagées :
- Les gains de productivité entrainent une baisse du prix des transports qui
profite exclusivement aux chargeurs, les transporteurs subissant une
baisse du chiffre d’affaire.
- Les prix ne changent pas et la hausse de la capacité d’emport (de l’ordre
de 16%) devient bénéfique aux transporteurs.
- Les gains profitent à la fois aux chargeurs et aux transporteurs qui s’en
partagent les effets par une amélioration des marges et une baisse plus ou
moins marquée du prix du transport.
En tout état de cause, tous les acteurs s’accordent à dire que dans le contexte
économique actuel, la mise en place du 44 tonnes est une erreur dans la mesure où
elle ne fera qu’accentuer la surcapacité de l’offre sur le marché et tirera les prix vers
le bas, réduisant ainsi les marges déjà très faibles des transporteurs routiers.
Comme dans de nombreux autres secteurs, la réglementation en matière de
transport est en grande partie d’origine communautaire et répond à un besoin
d’harmonisation des règles entre les états membres dans le cadre du marché unique.
Cependant cette harmonisation est loin d’être achevée, en particulier en matière
fiscale et sociale, ce qui génère une distorsion de concurrence entre les
transporteurs des différents états membres. Dans ces circonstances, la perspective
d’une libéralisation des prestations de transport routier à compter de 2014 semble
être désavantageuse pour les transporteurs français qui devront faire face aux
transporteurs étrangers dont le prix de revient du transport est moins élevé.
18
Voir « Le 44 tonnes. Rapport de synthèse sous forme de compte-rendu des travaux du Groupe
marchandises du CNT », Conseil national des transports, mai 2009, disponible à l’adresse :
www.cnt.fr
19
Section 1 : Une fiscalité contraignante.
L’Union européenne a pris conscience des écarts existant entre les différents
états membres en matière de fiscalité dans le domaine des transports et a engagé un
mouvement d’harmonisation afin d’équilibrer la concurrence entre transporteurs
européens. Dans cette optique, deux directives ont été adoptées en matière de
transport routier de marchandises :
- La directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids
lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, modifiée par la directive
2011/76/UE du 27 septembre 2011
- La directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003, dite énergie, restructurant le
cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de
l’électricité.
Ces directives trouvent un écho en France en s’appliquant aux deux taxes qui
constituent la spécificité de la fiscalité à laquelle les entreprises de transport routier
de marchandises sont soumises, à savoir la taxe intérieure de consommation sur les
produits énergétiques (TICPE) et la taxe spéciale sur certains véhicules routiers
(TSVR).
A. Charges structurelles.
a. La TICPE.
L’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP)
est encadrée par la directive énergie. Elle est perçue sur le carburant qu’utilise le
transporteur, elle pèse donc lourdement sur le prix de revient du transport, dans la
mesure où, comme nous l’avons vu, le carburant est le premier poste de coûts en
longue distance 40T. Le CNR estime, en effet, qu’elle représente environ 10% du
prix du transport19
.
19
« La fiscalité du transport routier de marchandises en 2012 », Direction générale des infrastructures,
des transports et de la mer, mars 2012, consultable à l’adresse : http://www.developpement-
durable.gouv.fr/IMG/pdf/Fiscalite_TRM_2012.pdf
20
Dans un souci d’harmonisation, la directive fixe un taux de taxation minimum
par les états membres du gazole à usage professionnel. Ce taux minimum est de
39,19€/hl en France. Les entreprises de transport routier de marchandises ont droit
au remboursement d’une fraction de la TICPE. Cette fraction est fixée en 2011 à un
montant forfaitaire de 4,51€/hl.
b. La TSVR.
Egalement appelée taxe à l’essieu, la TSVR est justifiée par la détérioration de
la voierie qu’entraîne le transport routier, et par la nécessité d’entretenir
l’infrastructure pour en permettre une exploitation normale. Cette taxe touche la
totalité de l’ensemble routier en fonction du nombre d’essieux et du type de
suspensions des essieux moteurs.
Elle représente 0.4% du prix de revient du transport. Afin de rendre les
entreprises de transport routier plus compétitives, la politique française en matière de
taxation des poids lourds tend à se rapprocher du standard européen, les taux ayant
été réduits afin de s’approcher d’avantage des taux minimaux fixés par la directive
2003/96/CE.
B. Considérations environnementales et budgétaires.
a. Taxe écologique.
Régulièrement montré du doigt pour son impact environnemental, le transport
routier de marchandises est au centre de l’attention de l’Etat dans sa volonté de
mettre en place un transport plus propre. En le taxant d’avantage, l’objectif est de
dissuader les chargeurs d’avoir recours à un transport routier exclusif en privilégiant
les autres modes de transport terrestre, ou un transport intermodal. C’est dans cette
optique que l’écotaxe poids lourds à été mise en place. Cette taxe, directement issue
du Grenelle de l’environnement, vise à faire payer au transporteur les conséquences
sur l’environnement de la pollution engendrée par son activité. Elle est calculée selon
divers critères dont la distance parcourue, le type de véhicule utilisé et peut être
modulée en fonction du niveau de pollution de celui-ci. L’agent chargé par l’Etat de la
collecte et du contrôle de cette taxe est la société Ecomouv’.
21
Comme pour toutes les autres charges qui pèsent sur ses prestations, le
transporteur est tenu de couvrir le montant de cette taxe dans le prix du transport.
L’article L3222-3 du Code des transports précise que « le prix du transport est
majoré de plein droit des taxes prévues aux articles 269 à 283 quater et 285 septies
du code des douanes supportées par l’entreprise pour la réalisation de l’opération de
transport. » C’est donc au final sur le chargeur qu’est répercutée l’écotaxe. Ce
mécanisme de répercussion à longtemps été au centre des discussions entre le
gouvernement et les représentants de la profession. Dans sa version définitive, le
décret n°2012-670 du 4 mai 2012 relatif aux modalités de majoration du prix du
transport liée à l’instauration de la taxe alsacienne et de la taxe nationale sur les
véhicules de transport de marchandises envisage trois cas. Dans l’hypothèse d’un
donneur d’ordre unique, la majoration du prix correspond au montant de la taxe.
Dans le cas du groupage, la majoration est forfaitaire et correspond à un barème fixé
par un arrêté ministériel. Enfin dans tous les autres cas, c’est au transporteur de fixer
lui-même le montant de cette majoration.
La mise en place de cette mesure dans le courant de l’année 2013 possède, à
double titre, un inconvénient. Elle grève d’une part le prix du mode de transport le
plus utilisé20
et n’aura sans doute pas l’effet dissuasif escompté. En effet la question
est de savoir si les chargeurs sont prêts à sacrifier la flexibilité du transport routier,
seul mode à pouvoir offrir un transport « porte à porte » au profit du fer ou du fluvial,
certes moins polluants mais beaucoup plus rigides. Il est probable que non21
,
d’autant que le transport ferroviaire connait une diminution latente du volume de fret
et que le transport combiné peine à convaincre, en témoigne la probable liquidation
judiciaire de Novatrans.
b. La suppression des allégements Fillon.
Mise en place en 2007 dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi
et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, la défiscalisation des heures supplémentaires
20
« L’anticipation de différentes mesures comme l’écotaxe poids lourds et l’autorisation du 44 tonnes,
attendues pour 2013, interfèrent déjà dans certaines négociations tarifaires. » Les coûts du TRM –
Quelles perspectives pour 2012 ? CNR, décembre 2011, p.1
21
« Politiquement très correcte, cette approche a cependant une faille. Elle suppose que la demande
de transport de marchandise pourra se porter massivement sur d’autres modes à moyen terme. Mais
il n’existera jamais en France, comme en Europe, de véritable alternative au TRM pour effectuer le
même travail. » L. Battais, « Prix du transport : le routier résiste, l’overseas plonge. », Transports
actualités – n°936/937, du 19 mars au 1
er
avril 2010, p.24
22
avait pour but d’exonérer de l’impôt sur le revenu les heures supplémentaires
effectuées par les salariés et permettait aux employeurs de ne pas payer de charges
sociales sur ces mêmes heures. Jugée peu efficace et coûteuse pour l’Etat, cette
mesure (et la quasi-totalité de la loi TEPA) a été abrogée par la loi de finances
rectificatives du 16 août 2012, sauf pour les entreprises de moins de vingt salariés.
Or, les entreprises de transport routier de marchandises consomment
beaucoup d’heures supplémentaires, celles-ci constituent un mécanisme essentiel de
la vie de l’entreprise. La suppression de la défiscalisation des heures
supplémentaires va donc entrainer d’une part une baisse de salaire pour les
conducteurs, mais aussi une augmentation des charges de l’entreprise qui résoudra
l’employeur à limiter le nombre d’heures supplémentaires effectuées par son
personnel navigant et à répercuter les charges supplémentaires sur le prix du
transport. Reste à savoir dans quelle mesure les entreprises pourront refacturer cette
hausse de charges envers les chargeurs et donc quel en sera l’impact sur le prix.
La suppression des allégements Fillon montre la volonté de la puissance
publique de mettre les entreprises à contribution dans sa politique de diminution des
dépenses publiques. Pour autant, cela intervient au détriment de la compétitivité des
entreprises de transport qui voient leur prix de revient augmenter à cause d’une
augmentation de leurs charges sociales. La question du coût du travail en France est
d’ailleurs un facteur du manque de compétitivité des entreprises françaises, en
particulier dans le transport.
Section 2 : Une réglementation sociale rigide.
L’article L3221-1 du Code des transports dispose : « tout prestataire de
transport public routier de marchandises (…) est tenu d’offrir ou de pratiquer un prix
qui permette de couvrir à la fois : les charges entrainées par les obligations légales et
réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité ;(…) ». Le transporteur
est tenu de proposer un prix qui couvre le prix de production du transport, y compris
les dépenses relatives au personnel. Or le coût du travail en France est l’un des plus
élevé de l’Union européenne, ce qui grève considérablement le prix du transport. La
23
faible compétitivité des entreprises françaises à l’international résulte des écarts
existant entre les réglementations des différents pays membres de l’Union en matière
sociale, ce qui pose un problème d’harmonisation.
A. La concurrence sociale européenne.
Les diverses réglementations nationales en matière sociale entraînent une
distorsion de concurrence entre les entreprises des états membres. La faible durée
du travail en France représente une contrainte pour les entreprises de transport qui
doivent investir en heures supplémentaires et en coût de gestion afin de rentabiliser
leurs prestations. Les charges sociales élevées qui pèsent sur les entreprises
constituent une des principales raisons qui expliquent le poids du coût du travail en
France.
Le CNR a récemment publié une étude sur le transport routier de
marchandises polonais22
, qui a connu un succès fulgurant depuis l’entrée de la
Pologne dans l’Union européenne en 2004, à tel point qu’il domine le marché et
connaît une évolution constante de son activité. Il apparaît, en outre, que le coût du
conducteur est un des facteurs déterminants de cette hégémonie dans la mesure où
les charges sociales sont très en dessous de la moyenne européenne. Un
conducteur polonais 40T coûte, en effet, 19 686 € par an à son employeur alors que
le conducteur français lui coûte 46 402 €. D’autre part, les salariés travaillent un
nombre de jours plus élevé par an, ce qui permet une meilleure exploitation des
véhicules, de l’ordre de 40 000 km par an. Il résulte, selon l’estimation du CNR, que
le coût de revient du transport polonais est 38% inférieur à celui du transport
français.
L’étude permet de constater que tous les postes de dépenses de l’entreprise
polonaise sont moins élevés qu’en France, mais c’est indiscutablement le coût du
travail qui fait la différence. Le poids des charges sociales en France est le plus
important en Europe, à cause des charges patronales qui représentent 50% du
salaire brut, là où elles ne représentent que 17% en Pologne ou 20% en Allemagne.
22
Disponible à l’adresse : http://www.cnr.fr/Publications-CNR/Le-TRM-Polonais-Etude
24
Réduire la part des cotisations sociales permettrait d’améliorer le prix de revient du
transport français et de proposer un prix plus compétitif.
Le mécanisme de la TVA sociale mis en place par l’ancien gouvernement
allait dans ce sens. Il s’agissait de donner le moyen aux entreprises françaises de
faire face à la concurrence par un allégement du coût du travail en reportant sur la
TVA, et dans une moindre mesure sur la CSG, une partie des charges patronales.
Autrement dit, reporter le coût du financement de la sécurité sociale d’avantage sur
la consommation et moins sur le travail. Concrètement la mesure prévoyait une
réduction de 13,2 milliards d’euros de cotisations patronales et une augmentation de
1,6 point la TVA, rapprochant ainsi la France du taux normal moyen en Europe
(environ 21%). Pas assez audacieuse pour avoir un réel effet et mal perçue par
l’opinion publique, la mesure sera abrogée par la loi de finances rectificatives en
même temps que la défiscalisation des heures supplémentaires. Le manque
d’initiatives de la puissance publique pèse ainsi sur l’évolution du prix du transport et
pénalise la France à l’aube de libéralisation du transport routier en Europe.
B. La libéralisation du cabotage.
Le cabotage désigne le transport effectué par un transporteur immatriculé
dans un état membre sur le territoire d’un autre état membre. Autorisées à partir de
1990, ces opérations avaient pour but d’éviter au transporteur un retour à vide en lui
permettant d’effectuer des prestations dans l’état de déchargement ou de transit. Au
vu de l’article 75 du traité de Rome concernant la politique commune en matière de
transport, la question de la libéralisation totale du cabotage s’est très vite posée.
Dans un contexte de cabotage généralisé, les principaux pays cabotés en Europe,
au premier rang desquels la France, ont toujours cherché à restreindre le cabotage,
estimant à raison qu’une libéralisation du secteur ne pouvait voir le jour sans que les
règles sociales et fiscales applicables aux transporteurs en Europe ne soient
harmonisées. La consécration du cabotage consécutif à l’article 8 du règlement
1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au
marché du transport international de marchandises par routes va en ce sens et
constitue un frein à la libéralisation. Toutefois sous l’impulsion du Conseil et dans
l’esprit du traité de Rome, l’ouverture des marchés nationaux est inéluctable et
25
devrait se poursuivre à partir de 2014. Pour faire en sorte que les entreprises
françaises soient compétitives et proposent un prix et une prestation plus proches du
standard européen, et à défaut d’une réelle harmonisation des conditions de travail
des transporteurs communautaires, l’Etat français n’aura d’autre choix que de
s’adapter, sans quoi les techniques de la défiscalisation à l’étranger prendront de
l’ampleur.
Titre 2 : Le prix, élément essentiel du contrat de transport de marchandises.
Le contrat de transport de marchandises est avant tout soumis au droit
commun des obligations. Dans ce sens, c’est d’abord dans le Code civil que l’on doit
rechercher les dispositions relatives au prix du contrat. Mais les caractéristiques du
contrat de transport et de la prestation elle-même en font un élément particulier,
soumis à des dispositions spécifiques que l’on trouve d’abord dans la loi d’orientation
des transports intérieurs de 1982 (LOTI), ensuite dans le Code de commerce aux
articles L132-8 à L133-9 et dans le récent Code des transports. Secteur
particulièrement concurrentiel et propice à des pratiques de prix interdites, le
transport doit également être envisagé sous le prisme du droit de la concurrence.
L’application des dispositions propres au droit des transports, en particulier
celles qui concernent le prix, constitue l’enjeu de la qualification du contrat en contrat
de transport. En effet le régime juridique du prix du transport connaît des dispositions
qui lui sont propres, quant à sa détermination ou son recouvrement par exemple.
D’autre part ce régime, basé en partie sur les sources évoquées précédemment,
connaît certes des dispositions communes entre modes de transports mais peut
varier dans les détails.
Ce régime est dans l’absolu très encadré, sans pour autant que des sanctions
soient prévues en cas de non-conformité du prix. Cet encadrement du prix du
transport de marchandises s’explique par des considérations structurelles liées au
marché et à l’activité de transport. En effet, la situation des transporteurs, sur des
marchés plus ou moins concurrentiels, requiert l’intervention de la puissance
26
publique et la mise en place de barrières pour deux raisons : ordonner le marché et
protéger les acteurs.
Ordonner le marché d’abord, afin d’éviter la pratique de prix « faussés » ou
abusivement bas, qui ne reflètent pas la réalité économique de la prestation de
transport et menacent l’équilibre du marché. Le législateur cherche à éviter que des
pratiques anticoncurrentielles ne soient utilisées afin d’évincer des entreprises de
transport du marché ou en empêchent l’accès à d’autres, en particulier dans le
transport routier. Il y sera d’autant plus vigilant que l’effet des ces pratiques peut
dépasser le cadre du marché et nuire aux conditions de travail du personnel ou la
sécurité du transport.
Protéger les acteurs ensuite, par le biais de dispositions plus favorables que
celles du droit commun, telles que le mécanisme de l’action dite directe de l’article
L132-8 du Code de commerce, le privilège du transporteur de l’article L133-7 du
même code, ou encore le paiement à 30 jours dans le transport routier. Ces
dispositions, parmi d’autres, relatives au prix du transport sont le signe de la situation
de faiblesse du transporteur et de la précarité économique dans laquelle il se trouve.
Il apparaît donc que la qualification du contrat de transport est lourde de
conséquences en matière de prix et nous amène à nous poser la question suivante :
le prix est-il un élément de validité du contrat de transport de marchandises ?
Pour répondre à cette question nous reviendrons dans un premier chapitre sur
la qualification juridique du contrat de transport avant d’envisager dans un second
chapitre la validité du contrat.
Chapitre 1 : Le régime juridique du contrat de transport.
Par essence, le contrat de transport est un contrat de louage d’ouvrage et
d’industrie (ou contrat d’entreprise), défini à l’article 1779 du Code civil qui
dispose : « Il y a trois espèces principales de louage d’ouvrage et d’industrie :
1° Le louage de service ;
27
2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport
des personnes et des marchandises ;
3° Celui des architectes, entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite
d’étude, devis ou marché. »
Le contrat de transport répond donc aux règles de droit commun. Mais sa
spécificité, à savoir la présence de trois parties au contrat en premier lieu, a
nécessité la création de règles spéciales qui lui sont propres et qui sont
particulièrement adaptées à la prestation envisagée ainsi qu’aux relations complexes
qui peuvent naitre entre les parties au contrat. Ces règles que l’on retrouve dans le
Code de commerce constituent une base pour tous les types de transport, l’article
L133-5 dudit code précisant en effet que « (…) les dispositions contenues dans le
présent chapitre sont applicables aux transporteurs routiers, fluviaux et aériens. » Si
un doute peut naître de cette formule quant au transport ferroviaire, la doctrine
semble considérer que le fer est lui aussi concerné par les dispositions en question23
.
D’autre part, l’article 7.2 des conditions générales de vente et de transport de la
SNCF24
fait expressément référence aux articles L133-1, L133-3, L133-4 et L133-6
du Code de commerce. A ces principes communs s’ajoutent des réglementations
spécifiques qui visent les obligations des parties dans chaque mode, aussi bien pour
des transports intérieurs qu’internationaux.
La détermination du prix du transport est soumise à la nature particulière du
contrat de transport et s’éloigne des règles de droit commun.
Section 1 : La qualification de contrat de transport.
Le contrat de transport porte sur une prestation de services, c’est un contrat
d’entreprise particulier.
23
« (…) et même si le terme chemin de fer n’apparaissait pas en toutes lettres, on admettait cette
assimilation grâce à la notion de voiturier public » I. Bon-Garcin, op. cit. p.367 §392.
24
Disponibles à l’adresse : www.fret.sncf.com
28
A. Le contrat d’entreprise.
a. Définition.
L’article 1779 du Code civil est imprécis quant à la définition du contrat
d’entreprise et des obligations qui pèsent sur les parties. L’article 1710 du même
code précise que « le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties
s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre
elles. » Il faut ajouter que cette prestation s’exécute de façon indépendante.
Comme dans d’autres domaines, la particularité du contrat de transport et les
nombreuses règles spécifiques dont il fait l’objet semblent l’avoir éloigné de cette
définition générale et en avoir fait un contrat autonome, recadré par la doctrine et la
jurisprudence. L’offre de transport de marchandises peut même ressembler parfois à
une industrie tant la phase de transport est intégrées au circuit de production
industrielle. Par abus de langage, certains auteurs n’hésitent d’ailleurs pas à utiliser
le terme de coûts de production pour se référer à la multiplicité des charges dont le
coût sert à calculer le prix de revient du transport. Alain Benabent réfute cette idée
car selon lui « malgré leurs particularités, ces contrats n’en relèvent pas moins d’une
même théorie générale, liée à une structure fondamentale identique25
».
b. Régime du contrat d’entreprise.
Cette théorie est la suivante : l’obligation de l’entrepreneur consiste à réaliser
une prestation, celle du maître de l’ouvrage est de rémunérer cette prestation. Le
contrat d’entreprise est un contrat à titre onéreux, la rémunération constituant la
cause qui justifie l’obligation d’effectuer un travail à laquelle s’engage l’entrepreneur.
Le paiement du prix constitue ainsi l’obligation principale du client.
En vertu de l’article 1 de l’ordonnance du 1er
décembre 1986 qui
dispose : « Les prix des biens, produits et services (…) sont librement déterminés par
le jeu de la concurrence », les parties déterminent librement le montant de la
rémunération dans les limites des pratiques abusives qui tendraient à réduire la
pression concurrentielle sur le marché envisagé. Par ailleurs, la rémunération peut
25
A. Benabent, JurisClasseur Contrats – Distribution, Lexis-Nexis, fasc. 425 : Contrat d’entreprise,
2012, §9, al.2.
29
ne pas prendre exclusivement la forme d’une somme d’argent, cependant toute autre
forme de contrepartie risque potentiellement de se heurter à une requalification du
contrat.
Les parties disposent de plusieurs techniques afin de déterminer le montant
de la rémunération26
. Certaines sont plus appropriées et pertinentes que d’autres en
fonction de la nature du contrat ou de sa durée.
- En premier lieu, le montant peut être fixé par avance, de manière forfaitaire,
ce qui implique que les contours de la prestation à accomplir soient délimités avant
son exécution.
- A l’inverse, le montant peut être déterminé une fois la prestation exécutée et
en fonction des moyens mis en œuvre par l’entrepreneur sur la base d’un ordre
d’idée fixé par un tarif préexistant.
- Enfin, les parties peuvent décider de fixer le montant par voie de référence
en s’appuyant sur des éléments extérieurs comme un indice, un barème
professionnel ou encore l’avis d’une tierce partie. Cependant cette technique peut se
heurter aux contraintes du droit de la concurrence ou aux principes déontologiques
de certaines professions.
Quant au règlement de la rémunération, il incombe au maître de l’ouvrage qui
doit la verser entre les mains du prestataire ou d’un éventuel sous-traitant en vertu
de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Confrontée à la réalité du transport, cette théorie générale du contrat
d’entreprise connaît des bouleversements, notamment en matière de rémunération.
Celle-ci est soumise à des dispositions particulières qui atténuent la liberté des
parties et qui rendent difficile sa détermination. D’où l’importance de la qualification
de la prestation en contrat de transport.
B. Enjeux de la qualification.
La réglementation spécifique du transport entraîne pour les parties des
obligations qui découlent du droit commun des contrats d’entreprise, abordé
26
A. Benabent, op. cit. §212, 213, 214.
30
précédemment, tout en leur donnant une portée différente, parfois plus
contraignante, ce qui nécessite de la part des contractants une parfaite
connaissance des obligations auxquelles ils s’engagent. Au droit commun s’ajoutent
certaines règles très strictes telles que la forclusion de l’article L133-3 du Code de
commerce ou encore la prescription annale de l’article L133-6 du même code. En
termes de rémunération, que nous désignons par l’expression de prix du transport,
les contraintes qui pèsent sur le donneur d’ordre n’ont d’égale que la gravité des
obligations qui pèse sur le transporteur.
a. Obligations du transporteur.
Le déplacement de la marchandise est le critère principal de la prestation de
transport. Il constitue l’obligation principale du transporteur et doit être effectué de
manière autonome par ses propres moyens. Accessoirement, le transporteur peut
être contractuellement chargé d’effectuer des prestations annexes. Par exemple, il
en sera ainsi des opérations de chargement ou du déchargement que le contrat type
général routier met à la charge du transporteur pour les envois inférieurs à trois
tonnes, sauf accord contraire, mais que les conditions générales de vente et de
transport de la SNCF et le contrat type de transport fluvial au voyage mettent à la
charge du chargeur, là encore sauf accord contraire27
. En tout état de cause, le
transporteur doit prendre soin des marchandises transportées, ce qui implique qu’il
doit être suffisamment compétent et diligent pour s’assurer qu’elles soient livrées
dans le même état que celui dans lequel elles étaient lors de leur prise en charge. A
défaut de porter tout le soin nécessaire à la conservation des marchandises, le
transporteur risque de voir sa responsabilité engagée.
C’est là la caractéristique principale du contrat de transport de marchandises :
un régime de responsabilité extrêmement lourd et défavorable au transporteur.
L’article L133-1 dispose : « Le voiturier est garant de la perte des objets à
transporter, hors les cas de force majeure.
Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la
chose ou de la force majeure. (…) »
27
Voir respectivement les articles 7 du contrat type général routier, 10 des conditions générales de
vente et de transport de la SNCF et 7 du contrat type au voyage.
31
Ce texte est d’ordre public. Il met à la charge du transporteur une obligation de
résultat qui fait peser sur lui une présomption de responsabilité des dommages
causés à la marchandise dont il ne peut s’exonérer qu’en invoquant la force majeure,
le vice propre de la marchandise ou la faute du chargeur.
Cette lourde responsabilité conditionne le prix du transport. En effet celui-ci
existe et fait du contrat de transport un contrat synallagmatique à titre onéreux dans
la mesure où c’est une variété de contrat d’entreprise, mais aussi et surtout parce
que la prestation du transporteur répond à une obligation de résultat fortement
contraignante.
b. Le prix, justificatif de l’obligation de résultat.
Comme nous l’avons vu, le contrat d’entreprise est un contrat à titre onéreux.
Le contrat de transport étant un contrat d’entreprise, l’obligation du transporteur
trouve logiquement comme contrepartie le paiement d’un prix. C’est l’obligation
principale du donneur d’ordre.
Le rôle prépondérant du prix est consacré par l’article 8 II de la LOTI qui
dispose : « Tout contrat de transport public de marchandises (…) doit comporter des
clauses précisant (…) le prix du transport ou du déménagement ainsi que celui des
prestations accessoires prévues. »
De surcroît cette obligation est d’autant plus justifiée que le risque qui pèse sur
le transporteur est grave. Celui-ci peut voir sa responsabilité engagée très
facilement, quand bien même la plupart des contrats de transport (tous modes
confondus) comportent des limitations de responsabilité et que l’introduction de la
faute inexcusable à l’article L133-8 du Code de commerce semble plus contraignante
à mettre en œuvre par le demandeur que la faute lourde. Les conséquences
financières de la réparation intégrale d’un préjudice subi par l’ayant droit de la
marchandise peuvent se révéler désastreuses pour le transporteur, menaçant la
pérennité de son entreprise. Ce risque justifie d’avantage l’existence d’une
rémunération.
Afin de rééquilibrer les rapports entre les parties, le prix du transport fait l’objet
de mesures protectrices envers le transporteur, que ce soit par rapport à sa
détermination puisque comme nous le verrons la loi énumère précisément les
32
prestations qui doivent faire l’objet d’une rémunération, ou par rapport à son
paiement avec, entre autre, le mécanisme de l’article L132-8 du Code de commerce,
qui démontre bien que le contrat de transport, en ce qu’il est régi par des dispositions
très spécifiques, s’éloigne de la théorie générale du contrat d’entreprise.
La détermination du prix du transport est donc un enjeu prépondérant. Le
principe de libre négociation qui s’applique au contrat d’entreprise est atténué en ce
qui concerne le contrat de transport.
Section 2 : L’encadrement de la volonté des parties.
Tous les points abordés plus haut impliquent l’existence d’une juste
rémunération pour le transporteur. Toutefois plus le marché est concurrentiel, plus la
tendance est à la baisse du prix du transport, voire à l’utilisation de pratiques
interdites et dangereuses comme la surcharge, le dépassement des temps de
conduite et de repos ou les infractions au Code de la route. L’encadrement de la
volonté contractuelle des parties en matière de prix a donc au moins trois buts :
protéger la concurrence, assurer au transporteur une juste rémunération en
contrepartie de sa prestation et prohiber les pratiques tarifaires qui pourraient mettre
en danger la sécurité du transport.
La pression concurrentielle particulièrement forte dans le transport routier a
incité le législateur à encadrer d’avantage la négociation du prix par la loi du 1er
février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et
régissant diverses activités d’ordre économique et commercial, texte qui divise la
doctrine quant à son utilité et à son application par la profession.
A. Réglementation générale du prix du transport terrestre de marchandises.
La réglementation du transport terrestre contient deux éléments qui
s’appliquent à tout type de transport et qui visent à restreindre la liberté des parties
quant à la détermination du prix : la prohibition des transports à perte et l’interdiction
de toute rémunération de nature à mettre en danger la sécurité du transport.
33
a. La prohibition des transports à perte.
L’article L1431-1 du Code des transports reprend les termes de l’article 6 de la
LOTI, il dispose : « Les conditions dans lesquelles sont exécutées les opérations de
transport public, notamment la formation des prix et tarifs applicables et les clauses
des contrats de transport, permettent une juste rémunération du transporteur
assurant la couverture des coûts réels du service rendu dans des conditions
normales d’organisation et de productivité. »
Cette règle a deux finalités : protéger le transporteur et protéger le marché.
Protéger le transporteur d’abord, en s’assurant que le prix du transport, tel que
défini à l’article 8 de la LOTI, couvre effectivement les frais engagés pour accomplir
sa prestation. Le texte ne précise pas ce qu’il faut entendre par « coûts réels », ce
qui ne permet pas de savoir précisément quels sont les coûts que le transporteur doit
répercuter sur le prix pour rentrer dans ses frais et ne rend que plus difficile
l’application de cette règle. Cependant, les dispositions spécifiques à chaque mode
de transport donnent plus d’informations, c’est notamment le cas en transport routier.
Protéger le marché ensuite, il s’agit en effet de maintenir un certain niveau de
concurrence entre les acteurs et d’empêcher des pratiques de prix abusives qui
tendraient à évincer des entreprises de transport concurrentes ou restreindre l’accès
au marché pour de nouvelles entreprises.
Toutefois, ni la LOTI ni le Code des transports ne prévoient de sanction pour
les entreprises qui pratiquent des prix abusivement bas, ce qui en diminue la portée.
D’autant que ni le transporteur ni le donneur d’ordre n’ont, en réalité, intérêt à
remettre en cause un prix contestable au regard de cette règle, pour des raisons
évidentes en ce qui concerne le donneur d’ordre et pour des questions d’opportunité
en ce qui concerne le transporteur, sauf à ce qu’il subisse véritablement un prix
abusivement bas imposé par son cocontractant.
La sanction serait en fait à chercher dans le droit commun du contrat, il
s’agirait de la nullité relative du contrat. En vertu de la théorie de l’enrichissement
sans cause, la clause relative au prix serait nulle car elle provoquerait un
34
enrichissement du donneur d’ordre au détriment du transporteur. Cette solution est
rejetée par certains auteurs28
.
b. Le respect de la sécurité du transport.
Le législateur est intervenu dès 1982 afin d’interdire certaines pratiques de
nature à mettre en danger la sécurité du transporteur ou des tiers.
L’article L1311-4 du Code des transports (ancien article 9 alinéa 4 de la LOTI)
prohibe le montant du prix de nature à compromettre la sécurité du transport, en effet
« toute clause de rémunération principale ou accessoire de nature à compromettre la
sécurité, notamment par l’incitation directe ou indirecte au dépassement de la durée
du travail et des temps de conduite autorisés, est nulle de plein droit dans les
contrats de transport et dans les contrats de travail. »
Deux situations sont visées par l’article susvisé : le contrat de travail et le
contrat de transport. La règle qu’il édicte vaut donc aussi bien pour le prix du
transport que pour le salaire du conducteur.
La « rémunération de nature à compromettre la sécurité » peut par exemple
prendre la forme d’une prime au kilomètre parcouru, d’une prime au rendement ou
bien d’un prix du transport plus élevé que le tarif général.
Mais pour les cocontractants, l’enjeu principal d’un prix, tel qu’il est visé par
cette disposition, est la rapidité du transport. Il s’agit d’éviter que le transporteur ne
soit tenté de sacrifier sa sécurité et celle des tiers à la célérité de sa prestation et au
gain financier envisagé, en commettant des dépassements de vitesse autorisée ou
en ne respectant pas la législation sociale, relative au temps et aux conditions de
travail ainsi qu’aux temps de conduite et de repos obligatoires.
Or, la célérité est un des enjeux du transport, a fortiori pour les expressistes.
En effet, d’une part, tous les transporteurs sont soumis à des obligations de
ponctualité et d’efficacité vis-à-vis de leur client, c’est notamment le cas dans les
relations de longue durée dans lesquelles le donneur d’ordre stipule, dans le contrat
28
« Une telle sanction se révèle particulièrement dissuasive, puisqu’elle aboutit à ce que le transport
de la marchandise s’effectue aux risques du remettant et non du transporteur (…). Méconnue, cette
règle n’est cependant pas appliquée. » C. Paulin, op. cit. p.235-236, §455 – « Ces mécanismes
relèvent de ce que l’on appelle les « quasi-contrats ». Ils n’ont donc pas leur place quand il y a un vrai
contrat (de transport ou de commission) soumis à ses règles propres. » M. Tilche, « Prix de transport -
Des hauts et des bas… », BTL n°3291, 2009, p.624.
35
ou le cahier des charges, une clause prévoyant un système de calcul de ponctualité
du transporteur au moyen d’un ratio nombre de retards / nombre total de transports,
et n’admet en général qu’un faible taux de retard (de l’ordre de 5%). Une telle
contrainte trouve en contrepartie un prix qui encourage le transporteur à respecter
ses engagements. D’autre part, pour les transporteurs spécialisés dans le transport
rapide, le supplément de prix payé par le chargeur ne constitue-t-il pas une
rémunération illicite au sens de l’article L1311-4 du Code des transports ?
La sanction du prix illicite est la nullité de la clause, pas celle du contrat. Le
risque qui pèse sur le transporteur n’est donc pas important, celui-ci bénéficiera en
tout état de cause d’une rémunération conforme à la prestation effectuée, le cas
échéant fixée par le juge.
La disposition est équivoque car elle cible plusieurs hypothèses de prix de
nature à mettre en danger la sécurité du transport. Par exemple il pourrait s’agir
d’une grossière prime au rendement qui incite explicitement le transporteur à user de
pratiques interdites, mais il pourrait aussi s’agir d’un prix plus élevé que celui du
marché qui inciterait le transporteur à commettre des dépassements, et il serait alors
difficile de démontrer le lien de causalité entre le prix et les agissements du
transporteur. Certaines clauses de rendement sont en effet plus difficiles à démontrer
que d’autres, qui plus est lorsque les textes eux-mêmes sont équivoques.29
c. Prix discriminatoires.
Le transporteur, en tant que prestataire de services, est obligatoirement tenu
par l’article L441-6 alinéa 1er
du Code de commerce de communiquer dans ses
conditions générales de service le barème des prix unitaires qu’il pratique. Le même
article précise que le prestataire peut néanmoins différencier ses conditions
générales s’il s’avère que ses clients peuvent être regroupés en différentes
catégories. La loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi
LME, a apporté une certaine souplesse à cette disposition.
29
« (…) le remerciement peut prendre la forme d’un supplément de prix, compte tenu « de la qualité
de la prestation rendue » comme le disent ingénument les contrats types (article 17 : rémunération).
Bordé par ces références, le chargeur n’a pas grand-chose à craindre. Nul ne se plaindra de
l’avantage reçu sauf s’il vient à être connu et à faire des envieux. » M. Tilche, « Prime au rendement –
Soyez prudents … », BTL n°3361, 2011, p.227.
36
En effet, avant son entrée en vigueur, le prestataire pouvait voir sa
responsabilité civile engagée s’il pratiquait des prix discriminatoires, c’est-à-dire des
prix ne figurant pas dans ses conditions générales de service et de nature à
avantager certains de ses clients. Cette règle était un frein à la libre détermination du
prix par les parties et pesait notamment sur les transporteurs. La loi LME a supprimé
cette contrainte et a réhabilité les discriminations concurrentielles30
. Désormais tout
prestataire peut accorder des conditions particulières, notamment en matière de prix,
à n’importe lequel de ses clients, sans distinction de catégorie. En outre « la
discrimination n’est plus condamnable en tant que telle. Elle peut toutefois être
sanctionnée lorsqu’elle est abusive et notamment lorsqu’elle aboutit à un
déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties (…) ou encore
lorsqu’elle résulte d’une entente ou d’un abus de position dominante. »31
Bien que ces nouvelles dispositions constituent un réel intérêt pour le
transporteur, leurs effets sont cependant limités par l’encadrement du prix spécifique
au secteur. En effet la prohibition des prix bas et des rémunérations de natures à
mettre en jeu la sécurité du transport et la pression concurrentielle restreignent la
volonté des parties et leur laisse peu de marge de manœuvre en matière de prix. Les
dispositions spécifiques à la détermination du prix pour chaque mode de transport
sont d’autant plus contraignantes.
B. Dispositions spécifiques.
La spécificité de certains mode de transport a nécessité l’intervention du
législateur afin de fixer des règles qui leurs sont propres, y compris en matière de
prix. Ces dispositions ont pour but de cerner les contours de la « juste
rémunération » de l’article L1431-1 du Code des transports en précisant quelles sont
les charges que le prix du transport doit couvrir. Elles vont même plus loin car elles
prévoient des sanctions en cas de prix abusivement bas et de non respect du
mécanisme de répercussion des variations du prix du gazole sur le donneur d’ordre.
30
Article L441-6 alinéa 7 : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut
convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions
particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au premier
alinéa. »
31
« Le revue fiduciaire », Hors-série 2011-1, mai 2011, p.8, §8
37
a. Transports routiers.
C’est la loi du 1er
février 1995, déjà évoquée, qui a posé les bases de la
détermination du prix du transport routier de marchandises. L’article 24 de la loi,
codifié à l’article L3221-2 du Code des transports, énumère de manière très précise
quels sont les éléments à prendre en compte afin de fixer le prix du transport. Ils sont
au nombre de cinq :
« - Les prestations effectivement accomplies par le transporteur et ses
préposés.
- Les durées pendant lesquelles le véhicule et son équipage sont à
disposition en vue du chargement et du déchargement ;
- La durée nécessaire pour la réalisation du transport dans les conditions
compatibles avec le respect des réglementations de sécurité (…) ;
- Les charges de carburant nécessaires à la réalisation de l’opération de
transport ;
- Les charges acquittées (…) pour l’usage des voies du réseau routier
taxable par les véhicules de transport de marchandises. »
Les documents de transport, en particulier le document de suivi dans lequel le
conducteur doit noter tout ce qu’il effectue dans le cadre de l’opération de transport
ainsi que le temps qu’il passe à en effectuer les différentes étapes, prennent toute
leur importance au regard des éléments qui servent à déterminer le prix. Ils
permettent en effet au transporteur de prouver la réalité des prestations effectuées et
d’en réclamer, en cas de contestation, la juste rémunération.
L’article L3242-2 du Code des transports, qui reprend la loi, prévoit une
amende de 90 000€ pour le transporteur qui propose un prix abusivement bas, qui
ne permettrait pas de couvrir les charges liées à sa prestation.
b. Transports fluviaux.
Comme pour les transports routiers, le Code des transports tente d’énumérer
les charges que doit couvrir le prix du transport ainsi que ses modalités de
détermination en fonction du contrat choisi, puisqu’en matière de transport fluvial
l’article L4451-1 met à disposition des cocontractants trois instruments : le contrat à
temps, le contrat au tonnage et le contrat de voyage (également appelé convention
38
d’affrètement). Nous aborderons plus tard les spécificités de chaque contrat, et ce
que cela implique pour la rémunération du transport. Mais on peut d’ores et déjà
appréhender le caractère particulier du transport fluvial en raison de sa parenté avec
le transport maritime, auquel il emprunte certains termes, tels que le connaissement,
l’affrètement, ou encore les surestaries, même si il est considéré comme un transport
terrestre.
A ce titre, prix abusivement bas et rémunérations mettant en danger la
sécurité des transports sont donc proscrits comme dans tous les modes de transport
terrestre. A l’image du transport routier, des dispositions spécifiques viennent
encadrer le prix du transport et sanctionner les pratiques de prix interdites. L’article
L4463-2 du Code des transports prévoit ainsi 15 000€ d’amende pour le transporteur
qui propose un prix inférieur au coût de sa prestation, exactement à l’image de
l’article L3242-2 du même code, les charges qui y sont décrite étant identiques.
L’article L4451-4 dispose par ailleurs : « Le prix du transport inclut les charges de
carburant nécessaires à la réalisation du transport. »
c. Respect de la réglementation.
Le contrôle du prix pratiqué par le transporteur peut s’avérer délicat dans la
mesure où les éléments qui doivent servir de base à la détermination du prix ne
peuvent être vérifiés que si ils ont effectivement été consignés par écrit sur les
documents de transport obligatoires. Si pour certains auteurs la démarche du
législateur consistant à encadrer strictement le prix par des réglementations
spécifiques est louable32
, pour d’autres elle se révèle insuffisante et inefficace.33
Chapitre 2 : La validité du contrat.
La réglementation du prix indique aux parties, avec plus ou moins de
précision, quelle est la base de la rémunération du transport et encadre in fine la
32
« Sa précision est (…) remarquable tant le texte prend soin de citer l’ensemble des postes de
charges qui grèvent la prestation de transport » I. Bon-Garcin, op. cit. p.342, §350.
33
« Le mécanisme institué par la loi parait bien utopique : les documents de transport se trouvent
bien souvent réduits à une simple lettre de voiture et l’on imagine mal une telle multiplication de
documents pour une activité qui, par hypothèse, engendre un volume considérable d’envois. » C.
Paulin, op.cit. p.239, §465.
39
négociation de son montant. La nature dirigiste et la place prépondérante de cette
réglementation, ainsi que les peines encourues par les parties qui y
contreviendraient, sont révélatrices de l’importance du prix dans le contrat de
transport. Pour autant, le débiteur et le montant du prix doivent-ils être déterminés
avant l’exécution du contrat ? Ces éléments sont-ils déterminants de la validité du
contrat ? La question peut se poser car en pratique le contrat de transport est
souvent imprécis et l’activité de transport en elle-même est soumise à de nombreux
aléas qui rendent difficile l’identification exacte des parties ou le montant exact du
prix du transport avant que l’opération ne soit entièrement achevée, en particulier
dans le cadre de contrats longue durée. Nous verrons dans une première section à
qui incombe le paiement du prix, puis nous considérerons la validité du contrat au
regard du prix indéterminé dans une seconde section.
Section 1 : L’indentification du débiteur du prix du transport et le moment du
paiement.
Contrat tripartite, le contrat de transport lie au transporteur le chargeur et le
destinataire. Les parties ont tout intérêt à désigner le débiteur du prix dans leur
convention, cependant ce n’est pas toujours le cas, il est alors nécessaire de
rechercher qui est le débiteur réel, avant d’avoir éventuellement recours à l’article
L132-8 du Code de commerce. Une fois le débiteur déterminé, il convient également
de savoir à quelle date le prix doit être payé.
A. Le débiteur du prix.
Trois hypothèses sont envisageables, les deux premières sont prévues dans
les contrats types routier et fluviaux34
, la dernière est d’origine jurisprudentielle.
34
Voir article 18.1 du contrat type général et article 16 du contrat type au voyage.
40
a. Port payé.
Le transport s’effectue en port payé lorsque le prix est réglé par le chargeur, a
priori au moment de la remise de la marchandise ou pendant l’exécution de la
prestation.
b. Port dû.
Le transport est dit en port dû lorsque c’est le destinataire qui doit s’acquitter
du prix du transport, au moment de la livraison.
c. Débiteur inconnu.
Expressément prévues par les contrats types routiers ou fluviaux, les notions
de port payé ou port dû ne sont pas prévues par les conditions générales de vente et
de transport de la SNCF, qui se contentent de mentionner à l’article 4.2 le moment
auquel le paiement est exigible.
Afin de déterminer l’identité du débiteur réel, il faut se référer aux documents
de transport. Cependant les parties ne prennent pas toujours soin de préciser sur ces
documents quelle est l’identité du débiteur du prix. En effet, le volume d’affaires
traitées étant souvent conséquent, le donneur d’ordre ou le transporteur oublient
parfois de préciser à qui incombe le paiement, ainsi les cases « port payé / port dû »
ou encore « carriage paid /carriage forward » qui figurent sur les lettres de voiture
restent-elles vierges.
Dans ce cas de figure, le principe posé par la Cour d’appel de Paris dans un
arrêt en date du 15 décembre 1977 est celui du débiteur chargeur, c’est au donneur
d’ordre qu’incombe le paiement.
L’apport de l’article L132-8 du Code de commerce permet au transporteur de
pouvoir réclamer le paiement du prix à tous ses cocontractants indifféremment du fait
que ceux-ci étaient désignés comme débiteurs ou pas. Ceux-ci sont en effet
« garants du paiement du prix du transport ». Dès lors, le transporteur dispose d’une
alternative pour réclamer le paiement du prix : assigner le chargeur et le destinataire
en paiement et laisser le juge désigner le débiteur réel du prix35
, ou mettre en œuvre
35
Voir CA Aix-en-Provence, 9 janvier 1997, n°10464/93.
41
l’action dite directe de l’article L132-8 du Code de commerce après avoir vainement
tenté de mettre en demeure ses cocontractants de s’exécuter.
Lorsque le débiteur est connu, la question de la date du paiement se pose.
B. Le moment du paiement du prix.
Le prix est en principe exigible au moment de la prise en charge de la
marchandise par le transporteur en port payé ou au moment de la livraison en port
dû, selon les dispositions des contrats types. En d’autres termes, mais de manière
assez analogue, l’article 4.2 des conditions générales de vente et de transport de la
SNCF prévoit que « les paiements sont exigibles, selon le cas, dès l’acceptation au
transport, dès la mise à disposition à l’arrivée ou dès l’exécution des prestations
faisant l’objet d’un décompte distinct des frais de transport. » Si le prix du transport
n’est pas réglé selon ces modalités, le débiteur dispose d’un délai de règlement qui
court à compter de la date de la facture. Un délai spécifique a été mis en place pour
le transport.
a. Délai de paiement de droit commun.
Le Code de commerce prévoit à l’article L441-6 alinéa 8 un délai de paiement
de 30 jours une fois la prestation effectuée. Les parties peuvent toutefois prévoir un
délai différent, qui ne peut pas dépasser 60 jours à compter, cette fois-ci, de la date
d’émission de la facture (alinéa 9 du même article). Le domaine du transport terrestre
nécessite cependant un délai plus bref, peut être parce que la prestation de transport
est elle-même rapide, surtout en transport routier, et que la santé économique des
entreprises de transport exige un délai de paiement aussi bref que la prestation ne
l’est elle-même.
b. Délai de paiement spécifique au transport routier de marchandises.
En effet, l’alinéa 11 de l’article susvisé dispose : « nonobstant les dispositions
précédentes, pour le transport routier de marchandises, (…) les délais de paiement
convenus ne peuvent en aucun cas dépasser 30 jours à compter de la date
d’émission de la facture. » Ce délai est d’ordre public, l’alinéa 14 prévoit une sanction
sous forme d’une amende de 15 000€, ou 75 000€ pour une personne morale, si le
transporteur accorde un délai plus long à ses cocontractants. En pratique, beaucoup
42
d’entreprises de transport éprouvent des difficultés à obtenir le règlement du prix
dans un délai d’un mois et dépensent beaucoup de ressources pour forcer le
débiteur à respecter ses engagements. Les raisons de ces difficultés sont diverses,
et vont de l’insolvabilité du débiteur à la pression que celui-ci exerce sur le
transporteur lorsqu’il est en situation dominante, ce qui est presque toujours le cas.
Le transporteur a tout intérêt à prévoir dans ses conditions générales de vente des
pénalités de retard suffisamment dissuasives pour inciter le débiteur à régler le prix
du transport dans les temps, sans pour autant être excessives, au risque pour le
transporteur de devoir prouver sa capacité à les appliquer et de subir une
réintégration fiscale. Le taux minimum imposé par l’alinéa 12 du même article est
égal à trois fois le taux d’intérêt légal, il est conseillé néanmoins d’appliquer le taux
de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de 10%, soit 10,75% au
mois d’août 2012.
c. Délai de paiement prévu par la SNCF.
L’article 4.2 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF
prévoient un délai de paiement beaucoup plus court fixé à 10 jours, ou 15 jours pour
les clients habituels, à compter de la date d’émission de la facture.
d. Pratique du contre-remboursement.
La livraison contre remboursement est une prestation annexe, à ce titre elle doit
expressément être demandée par le donneur d’ordre et prévue au contrat, et doit
être prise en compte dans la détermination du prix du transport. Elle consiste pour le
donneur d’ordre à donner mandat au transporteur afin que ce dernier récupère
auprès du destinataire une somme d’argent, le plus souvent sous forme d’un chèque
à l’ordre du donneur d’ordre ou de toute autre personne désignée par lui. Cette
somme doit ensuite être envoyée au donneur d’ordre, ou à la personne désignée,
dans un certain délai (l’article 19 du contrat type général prévoit un délai de huit
jours). Le donneur précise souvent dans le contrat de transport ou le cahier des
charges les modalités selon lesquelles s’exerce le contre-remboursement, on peut
par exemple trouver une stipulation qui fait défense au chauffeur de laisser la
marchandise au destinataire s’il n’obtient pas la somme exacte qui est indiquée dans
l’ordre de transport ou dans tout autre document de transport. A défaut de respecter
43
les consignes du donneur d’ordre, le transporteur met en jeu sa responsabilité sur le
fondement du droit commun du mandat.
La technique du contre-remboursement, ainsi que d’autres prestations annexes,
ne s’appliquent pas aux transports ferroviaires intérieurs36
.
Section 2 : Le prix, condition de validité du contrat de transport ?
Au regard des dispositions de l’article L1432-2 du Code des transports qui
imposent aux parties de faire figurer le prix dans le contrat de transport, on peut en
déduire que celui-ci est déterminant de la qualification juridique du contrat de
transport. La question se pose alors de savoir si le transport peut être effectué à titre
gratuit ou si le montant du prix doit impérativement être déterminé avant l’exécution
du contrat.
A. L’absence de prix.
L’obligation de résultat et la lourde responsabilité de l’article L133-1 du Code
de commerce qui pèse sur le transporteur ainsi les moyens qu’il met en œuvre pour
accomplir sa prestation appellent, comme nous l’avons vu, une juste contrepartie qui
prend la forme d’une rémunération. Dès lors, l’obligation du transporteur est-elle
toujours justifiée si aucune rémunération n’est prévue en contrepartie ? Et en ce
sens, le transporteur qui effectue une prestation à titre gratuit est-il soumis à la lourde
réglementation du droit des transports ? La réponse doit être négative dans la
mesure où sans contrepartie financière, le transporteur n’a aucun raison de se
soumettre au régime contraignant et exigeant du droit des transports. Pour le doyen
Rodière, le transport à titre gratuit relève ainsi du « service d’amis » et non pas du
contrat de transport, et la responsabilité du transporteur ne peut donc être que
délictuelle.
36
Article 8.2 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF : « Les envois contre
remboursement, les débours, déclarations de valeur et déclarations d’intérêt à la livraison ne sont pas
admis. »
44
B. Le prix indéterminé.
Dans les contrats portant sur une obligation de faire, et surtout dans les
contrats de transport, le montant de la prestation effectuée par une des parties peut
ne pas être entièrement quantifiable avant son exécution. Les parties peuvent
rencontrer des difficultés pour fixer ce montant, et risquent de mettre en jeu leur
responsabilité si le prix envisagé est trop bas.
a. La validité du contrat d’entreprise.
Le contrat d’entreprise est un contrat à titre onéreux, à ce titre et au sens de
l’article 1704 du Code civil, les parties doivent obligatoirement se mettre d’accord sur
un prix. La nécessité d’un prix déterminé à l’avance parait logique du point de vue de
la sécurité juridique des parties, en ce sens qu’un prix inadéquat pourrait mettre en
jeu leur responsabilité, comme on l’a vu avec la prohibition des prix bas. Pour autant
par un arrêt en date du 29 janvier 1991, la chambre commerciale de la Cour de
cassation a eu l’occasion de préciser que « dans les contrats n’engendrant pas une
obligation de donner, l’accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est
pas un élément essentiel de la formation de ces contrats. »37
b. La validité du contrat de transport.
L’importance accordée au prix du transport, matérialisée par la réglementation
spécifique propre au transport terrestre qui détaille avec précision les éléments à
prendre en compte dans la détermination du prix, en particulier dans les contrats
types routiers et fluviaux, et les restrictions touchant à la volonté des parties sur ce
sujet, montrent la place prépondérante de la rémunération du transport. Certains
auteurs y voient le signe que la validité du contrat est liée à l’existence d’un prix
déterminé avant l’exécution de l’opération de transport38
. D’autres réfutent cette
idée39
, le contrat de transport étant une variété de contrat d’entreprise, le montant du
prix ne doit pas être nécessairement déterminé à l’avance.
37
Cass, com. 29 janvier 1991, n°89-16.446, Bull. civ. 1991, IV, n°43. – voir aussi : Cass. Civ. 1
ère
ch.,
28 novembre 2000, n°98-17560 : une société poursuit un contrat portant sur l’élimination d’ordures
ménagères sans qu’un accord n’ait été trouvé sur le prix, les juges considèrent que le défaut d’accord
sur le montant du prix ne peut pas remettre en cause la validité du contrat.
38
« Quoique la loi ne précise pas de sanction, il faut admettre que le contrat de transport est un de
ceux dont la détermination du prix est une condition de validité. » C. Paulin, op. cit. p234, §451
39
« Il nous paraît cependant difficile d’annuler un contrat de transport routier de marchandises pour
absence de détermination de prix en l’absence de texte, (…) » I. Bon-Garcin, op. cit. p.406, §431.
45
La question du prix indéterminé peut survenir dans le cas des contrats cadres,
qui appellent l’exécution successive d’autres contrats. Le prix des opérations de
transport ultérieures ne peut être fixé dans le contrat cadre, et la fluctuation des
charges du prestataire durant la période sur laquelle s’étend l’accord rend la
détermination du prix relativement aléatoire. Pour autant la Cour de cassation précise
là encore que « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs,
l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf
dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix
ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation. »40
En ce sens, l’article L446-1 II du Code de commerce prévoit que « lorsque le
prix d’un service ou d’un type de service ne peut être déterminé a priori ou indiqué
avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire
qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier,
ou un devis suffisamment détaillé. »
Les grilles tarifaires proposées par les transporteurs et les dispositions des
contrats types, en particulier l’article 17 du contrat type général, répondent aux
exigences de cet article et permettent de déterminer un prix « normal et
raisonnable »41
lorsque celui-ci n’a pu être déterminé avant l’exécution du contrat.
Plusieurs éléments entrent en considération dans la construction du prix, abordons-
les dans une seconde partie.
40
Cass. com. 23 juin 2004, n°01-15.419.
41
CA Paris, 20 janvier 1993, BTL 1993, p.328
46
Partie 2 : La détermination du prix du transport terrestre de
marchandises.
Comme nous l’avons vu, la volonté des parties n’est pas totalement libre en
matière de détermination du prix du transport. Elle est affectée, tempérée, par
plusieurs éléments.
Des éléments conjoncturels d’abord, qui imposent aux acteurs de s’adapter à
l’évolution des marchés, notamment aux fluctuations des volumes de marchandises
ou plus généralement de la demande, du nombre d’entreprises de transport et de la
capacité de l’offre sur un marché ciblé, ou encore aux variations de certains indices
économiques, tels que le coût du carburant ou de l’énergie.
Des restrictions imposées par le législateur ensuite, pour des motivations
tenant à la protection des marchés ou de leurs acteurs. Il s’agit ici d’encadrer la
concurrence et les pratiques des transporteurs, en encadrant la négociation du prix.
Les cocontractants sont ainsi contraints de déterminer, ou plutôt d’envisager, une
juste rémunération qui couvre les charges d’exploitation du transporteur, et n’ont en
principe pas le droit de se mettre d’accord sur un prix de nature à mettre en danger la
sécurité du transport.
Longtemps d’ailleurs les prix pratiqués par les entreprises de transport étaient
imposés par les pouvoirs publics. La tarification obligatoire constituait ainsi un moyen
de garder la main sur l’activité de transport qui représente un pan indispensable de
l’économie d’un pays, car en effet, les échanges de matières premières, de biens
manufacturés ou encore de produits de consommation de base dépendent
étroitement du secteur du transport. Et comme nous l’évoquions, le prix du transport
se répercute sur le consommateur final.
Le secteur est depuis totalement libéralisé et nous verrons les conséquences
que cela a pu avoir sur le prix du transport.
Cette deuxième partie sera avant tout l’occasion de se pencher sur l’aspect
pratique de la détermination du prix, en ce sens nous verrons quels sont les
éléments qui servent de base au calcul de la rémunération du transporteur en
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Le prix du transport terrestre de marchandises

  • 1. 1 UNIVERSITE D’AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS LE PRIX DU TRANSPORT TERRESTRE DE MARCHANDISES Mémoire pour l’obtention du Master 2 Droit des transports terrestres par Nicolas FILIPPI Sous la direction de M. le professeur Cyril BLOCH Année universitaire 2011-2012
  • 2. 2
  • 3. 3 Remerciements Je tiens à remercier Monsieur le professeur Cyril Bloch pour m’avoir permis d’intégrer le Master 2 Droit des transports terrestres, ainsi que tous les intervenants pour la qualité de leurs enseignements.
  • 4. 4 Sommaire Partie 1. La fonction du prix du transport terrestre de marchandises. ........................ 6 Titre 1 : Approche socio-économique du prix du transport terrestre de marchandises.......................................................................................................... 8 Chapitre 1 : Prix, marché et conjoncture.............................................................. 9 Chapitre 2 : Influence des pouvoirs publics sur la détermination du prix du transport............................................................................................................. 17 Titre 2 : Le prix, élément essentiel du contrat de transport de marchandises. ...... 25 Chapitre 1 : Le régime juridique du contrat de transport. ................................... 26 Chapitre 2 : La validité du contrat. ..................................................................... 38 Partie 2 : La détermination du prix du transport terrestre de marchandises. ............ 46 Titre 1 : La négociation du prix. ............................................................................. 48 Chapitre 1 : La fin des prix imposés................................................................... 48 Chapitre 2 : La construction du prix.................................................................... 53 Titre 2 : Modification et inexécution du contrat de transport. ................................. 59 Chapitre 1 : Modification du contrat et révision du prix....................................... 60 Chapitre 2 : Le sort du prix du transport en cas d’inexécution. .......................... 65
  • 5. 5 Introduction « Tout ce qui se commande s’écrit et se paye ». Telle est, en substance, la formule de Bernard Bosson, ministre des transports du milieu des années 1990. Cette idée imprègne le transport terrestre de marchandises, domaine dans lequel le prix de toute prestation, de la plus importante (effectuer un déplacement) à la plus accessoire, doit être déterminé avec soin. Pourtant, les parties au contrat de transport ont longtemps été écartées de la détermination du prix et voyaient leur volonté suppléée par l’Etat ou par des organismes professionnels avant que le principe de liberté contractuelle ne s’impose. Pour autant la volonté des parties n’est pas totale lorsqu’il s’agit de déterminer le prix du transport. Des contraintes conjoncturelles et législatives la restreignent ou l’encadrent. En effet la puissance publique ne permet pas aux parties de construire un prix sans respecter certaines règles et pose des barrières qui visent à les protéger ou à protéger le marché. Intrinsèquement, le transport de marchandises est un domaine étroitement lié à la conjoncture économique, de sorte que l’activité des transporteurs et les prix pratiqués dépendent de nombreux facteurs. Celui qui retient sans doute le plus l’attention des cocontractants est l’évolution des prix des carburants. Ce dernier représente, avec les charges sociales, un des postes de dépenses le plus important dans le prix de revient du transport. Le but de ce mémoire est d’étudier l’enjeu que représente le prix du transport pour les parties. Dans cette optique, nous aborderons la fonction du prix dans une première partie, puis sa détermination dans une seconde partie.
  • 6. 6 Partie 1. La fonction du prix du transport terrestre de marchandises. Christophe Paulin définit ainsi le contrat de transport : « le contrat de transport est une variété de contrat d’entreprise. Il a en effet pour objet l’accomplissement d’une prestation de services, de manière indépendante et contre rémunération »1 . Comme nous le verrons, la libre négociation de cette rémunération par les parties au contrat prévaut dans les contrats d’entreprise. Mais l’originalité et les spécificités du contrat de transport le soumettent à une réglementation particulière, notamment en matière de prix, en atteste la fin tardive des prix imposés par le bureau de fret en matière de transport fluvial au début des années 2000 alors que la libéralisation des prix de toutes les activités de production, de distribution et de services avait été mise en place longtemps auparavant, par l’ordonnance du 1er décembre 1986. Dans une moindre mesure, rappelons aussi que le fer ne s’est ouvert à la concurrence que très récemment. Le principe de liberté doit donc, à plusieurs titres, être tempéré. Pour appréhender de la manière la plus exhaustive possible le prix du transport terrestre de marchandises, il convient de connaître et comprendre dans un premier temps les règles qui régissent le domaine et la réalité du marché économique. Il s’agit plus précisément d’envisager l’impact direct ou indirect de la réglementation du transport de marchandises et surtout des fluctuations économiques sur la détermination du prix et la négociation des parties. En effet, des restrictions et contraintes de tous ordres viennent entraver, ou à tout le moins, encadrer cette négociation. Le principe de liberté du prix s’en trouve atténué, principalement sous l’effet du droit de la concurrence, dont les dispositions sont devenues nécessaires pour éviter la concurrence anarchique qui a longtemps régné dans le secteur routier en particulier, ou encore sous l’effet de la fiscalité d’entreprise ou au nom de la sécurité des transports. De même, les parties ne peuvent ignorer les critères socio-économiques sans cesse fluctuants qui jouent sur 1 C. Paulin, Droit des transports, LITEC, 1 ère éd. 2005, p.191.
  • 7. 7 l’offre ou sur la demande de transport, tels que la variation du volume des échanges de marchandises (pénalisé ces dernières années par le contexte économique morose et le taux de croissance en berne en France ou plus généralement au sein de l’Union européenne) ou encore les nouvelles méthodes d’optimisation de la supply chain développées par les industriels. La montée en puissance de l’écologie dans notre société ainsi que la mode du transport respectueux de l’environnement sont déjà, comme nous le verrons, des éléments qui pèsent sur la détermination du prix du transport et qui peuvent provoquer l’incompréhension des professionnels du secteur face à certaines mesures prises au nom d’un transport plus propre. Les transporteurs routiers seront quant à eux particulièrement attentifs à la hausse (et parfois la baisse) du cours du pétrole. Ces mesures et contraintes qui pèsent sur la détermination du prix du transport entrainent une distorsion de concurrence à deux niveaux: entre les modes de transports, d’une part, et entre les transporteurs français et européens, d’autre part. En effet, même si l’hégémonie du mode routier tient surtout à sa flexibilité et à une infrastructure omniprésente, la surcapacité de l’offre de transport dans le secteur tire les prix vers le bas et lui permet de supplanter les autres modes de transports terrestres (305,2 milliards de tonnes-kilomètres pour la route contre 30,1 milliards pour le fer et 8,1 pour le fluvial en 2010 et sur le territoire français2 ). Cette surcapacité et la diversité de l’offre, qui font du mode routier le secteur le plus compétitif, expliquent et justifient la mise en place d’une réglementation particulièrement importante concernant l’encadrement du prix afin d’éviter les pratiques anticoncurrentielles ou les prises de risques de la part du transporteur qui pourraient mettre sa vie ou celle des tiers en danger. Cette réglementation, associée à une fiscalité lourde et surtout à un droit social rigide, n’est pas sans conséquences sur les prix pratiqués par les professionnels du secteur ainsi que sur la compétitivité du pavillon français, tous modes de transport confondus. La France peine à évoluer et à trouver sa place en Europe à l’heure de la libéralisation des prestations de services et dans un contexte 2 Voir Chiffres clés du transport, édition 2012, p.11, publié par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, consultable à l’adresse : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rep_transports_2012.pdf
  • 8. 8 de crise économique. Certaines mesures voulues par le nouveau gouvernement inquiètent et démontrent l’incapacité de la France à évoluer, s’adapter, et à proposer des mesures efficaces et innovantes. La question du cabotage est notamment au centre des préoccupations des transporteurs français qui subissent de plein fouet la concurrence de leurs confrères des pays de l’Est. En juillet 2012, certains représentants des transporteurs routiers alertaient les députés récemment élus et les exhortaient à redresser la compétitivité des entreprises françaises au sein de l’Europe3 . L’urgence est d’autant plus grande que le système du cabotage consécutif défendu par la France prendra probablement fin en 2014 pour laisser place à une libéralisation totale, fatale aux transporteurs français. La présente partie sera donc consacrée à l’étude de la fonction du prix, par une approche économique qui nous permettra de comprendre l’impact de l’environnement socio-économique sur le prix, puis par une approche d’avantage centrée sur l’importance du prix dans la qualification, l’existence et l’exécution du contrat de transport de marchandises. Titre 1 : Approche socio-économique du prix du transport terrestre de marchandises. Le prix revêt deux fonctions pour les opérateurs économiques : élément essentiel du contrat de transport d’une part, il est d’autre part un facteur économique qui représente un coût à intégrer dans le prix de revient de la marchandise transportée. De fait, le prix, par son existence et son montant, est un enjeu. Il semble conditionner la qualification et la validité du contrat de transport et avoir une incidence plus ou moins prononcée sur la stratégie commerciale du producteur, ainsi que sur le comportement du consommateur. Mais la détermination du prix échappe, dans une certaine mesure, au principe de la libre volonté des parties. En effet, celles-ci se heurtent à diverses barrières 3 B. Barbedette, « Compétitivité des entreprises : TLF alerte les 577 députés. », L’officiel des transporteurs, n°2653, 13/07/12, p.10.
  • 9. 9 légales ou économiques que chaque partie doit prendre en compte, en particulier le transporteur. Nous verrons que cet encadrement de la volonté des parties est particulièrement contraignant dans la tarification des prestations du transporteur routier, ne laissant espérer que de faibles marges. Pour autant l’évolution des prix est plus stable dans ce secteur que dans tous les autres. Nous aborderons donc cette approche socio-économique à travers une étude conjoncturelle du prix du transport (chapitre 1) avant d’appréhender l’influence de la puissance publique sur la négociation de ce prix (chapitre 2). Chapitre 1 : Prix, marché et conjoncture. La construction du prix est encadrée par le marché et par l’action de la puissance publique. Les contraintes qui en découlent imposent des limites au transporteur, mais aussi à son cocontractant. C’est particulièrement le cas de mesures telles que la prohibition des transports à perte et l’interdiction des rémunérations de nature à mettre en danger la sécurité du transporteur ou des tiers. Nous aborderons plus en détail ces restrictions ultérieurement mais elles permettent déjà d’envisager le problème qui se pose au transporteur en matière de prix : comment être compétitif dans un secteur aussi surveillé que celui du transport ? Section 1 : Le coût du transport. Indispensable à la circulation des biens, le transport a une emprise sur la vie économique. L’activité de transport est omniprésente, elle concerne tous les domaines et tous les acteurs économiques. Dès lors, cette activité est soumise à de nombreux facteurs économiques : croissance, emploi, consommation, etc. de sorte que le marché est étroitement lié à la conjoncture économique. Le prix du transport représente un coût que l’utilisateur cherchera à maitriser pour des considérations logistiques et commerciales. Le transporteur, quant à lui, doit impérativement couvrir son coût, tout en espérant dégager une marge.
  • 10. 10 A. Conjoncture économique. La situation économique morose, associée à une baisse latente du trafic4 pèse sur l’activité de transport. Le transporteur doit subir ce contexte économique fluctuant, marqué alternativement de baisses et de hausses d’activité en fonction de différents facteurs tels que l’activité de la production industrielle ou le niveau de la consommation. Les chiffres publiés par le ministère des transports5 montrent que les prix évoluent à la hausse sur les douze derniers mois pour la plupart des modes de transport. B. Le coût du transport. Contrat de transport et contrat de vente sont juridiquement indépendants, cependant le premier est souvent la conséquence du second, de sorte qu’économiquement, l’un peut avoir une incidence sur l’autre. La phase de transport est un enjeu que les opérateurs économiques doivent intégrer dans leur circuit de production et de distribution. Cette phase peut avoir un effet plus ou moins marqué mais aura toujours un impact sur la stratégie économique de l’opérateur, en ce sens que le prix du transport représente un coût variable qui s’incorpore à la valeur totale du produit transporté. Ce coût varie en fonction de la nature de la marchandise. On pourrait penser, à première vue, qu’il sera négligeable pour des marchandises à forte valeur ajoutée mais pourra à l’inverse être conséquent pour des marchandises dont la valeur unitaire est faible. C’est le cas, par exemple, des biens fongibles (« le sable ne vaut que ce qu’a couté son transport »6 ). 4 « Au premier trimestre 2012, les transports terrestres intérieurs de marchandises diminuent encore en tonnes- km mais moins fortement qu’au dernier trimestre 2011 (- 1,7 % après - 4,7 %) dans un contexte de stabilité de l’activité en France (+ 0,0 % pour le PIB après + 0,1 % au quatrième trimestre 2011), accompagné d’un recul de la production manufacturière (- 0,8 % après + 0,3 % au dernier trimestre 2011). Cette baisse est sensible dans toutes les branches. » Extrait de La conjoncture des transports au premier trimestre 2012, n°338, juillet 2012, publié par le Commissariat général au développement durable, consultable à l’adresse : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/1941/873/conjoncture-transports-premier- trimestre-2012.html 5 Voir le rapport complet du Commissariat général au développement durable à l’adresse : http://www.wk-transport-logistique.fr/outils/upload/indices-prix-transport-fret-entreposage-1er-trim- 2012.pdf 6 M. Tilche, « Comment tarifier ses transports ? », BTL n°2654, 1996.
  • 11. 11 Cependant, un tel raisonnement ne s’avère pas toujours exact, en ce qu’il ne tient notamment pas compte du mode de transport utilisé. Le donneur d’ordre a donc tout intérêt à maitriser le coût que représente le transport pour au moins deux raisons. a. Le coût intégré à la chaine logistique. La première raison est relative à l’optimisation de la chaine logistique, ou supply chain. La logistique est un élément clé pour tous les opérateurs économiques qui souhaitent gérer et réduire leurs coûts de production ou de distribution. Elle consiste à gérer les flux de marchandises en fonction des besoins de l’opérateur et de la demande de ses clients. La pratique moderne consiste à éviter l’accumulation de stocks trop importants d’une part afin de réduire les coûts d’entreposage, et d’autre part afin de ne pas plomber l’actif de l’entreprise, c’est le système du flux tendus. Cette pratique n’a été rendue possible et n’a pu se développer qu’en raison d’une maîtrise totale de la phase de transport. Elle nécessite un transport fiable mais avant tout récurent, fréquent, et n’est avantageuse que dans la mesure où le prix de ce transport ne représente pas un coût élevé. Encore une fois, la surcapacité historique de l’offre7 et la flexibilité du mode routier en fait le mode de transport privilégié pour cette méthode. Cependant, ce n’est pas nécessairement toujours le cas, d’autant plus si l’on considère que la fiabilité est le critère principal du flux tendus8 . Une stratégie de transport plus audacieuse, fondée sur le choix adéquat du mode de transport et faisant appel au fer, au fluvial ou surtout à un transport combiné (quand la nature et la destination de la marchandise transportée s’y prêtent) permettra d’optimiser le poste de transport au sein de la supply chain et d’en réduire les coûts. b. Le risque d’une variation imprévue des coûts. La seconde raison porte sur le risque que représente le transport pour le chargeur lorsque son prix varie. Une variation du prix aura un effet sur la marge, et donc sur l’activité du chargeur, en particulier en cas d’augmentation des prix, comme 7 « Le caractère non stockable du transport et la multiplicité des entreprises artisanales du secteur entrainent l’existence quasi-permanente d’une offre excédentaire. » P. Darrot, « La concurrence dans les transports routiers de marchandises », Economie et statistiques, n°40, décembre 1972, p.9. 8 «Le transport n’est pas nécessairement rapide, mais il doit être absolument fiable (…)» I. Bon- Garcin, Droit des transports, Dalloz, Précis, 1 ère édition, 2010, p.19 §34.
  • 12. 12 c’est le cas dans la conjoncture actuelle, comme nous l’avons vu précédemment. Cette variation reflète, en partie, la répercussion des coûts assumés par le transporteur sur le prix du transport et peut mettre en danger le donneur d’ordre9 dans l’hypothèse d’une dégradation non négligeable de sa marge. Ces deux exemples sont révélateurs de ce que peut représenter la phase de transport pour le donneur d’ordre. Force est de constater qu’elle est déterminante pour sa stratégie logistique et commerciale. D’où l’importance d’en maitriser le coût en choisissant le prestataire adéquat et le prix le plus juste. Que représente ce prix pour le transporteur ? Section 2. Le prix de revient du transport. Comme nous le verrons, il est un point commun aux transports routiers, ferroviaires et fluviaux : le prix du transport doit permettre au prestataire de couvrir, au minimum, les coûts afférents à l’exécution de ce transport. Cette règle est difficile à appréhender tant le volume des affaires dans ce secteur est important et tant les contraintes qui pèsent sur le transporteur sont nombreuses. Il est évident que le montant du prix ne peut se contenter d’être égal à la simple somme des différents postes de coûts de la prestation, sans quoi aucune entreprise de transport ne pourrait être viable. Pour autant, après une période de crise très difficile, les marges restent très faibles (1 à 1,2% pour les entreprises de transport routier selon l’Union TLF10 ). A. Structure du prix du transport terrestre de marchandises. Le comité national routier (CNR) a entrepris d’analyser la structure du prix du transport routier en dissociant les différentes charges qui pèsent sur le 9 « N’oublions pas, en effet, que le vendeur franco établit ses prix de vente en fonction du coût du transport et que, par temps de faible marge, une majoration impromptue de ce coût peut l’amener à travailler à perte.» B. Kerguelen-Neyrolles et L. Garcia-Campillon, Lamy Transport Tome 1, Editions Lamy, 2012, p.202. 10 Lettre de TLF aux 577 députés, Communiqué TLF juillet 2012, consultable à l’adresse : http://www.truckeditions.com/Lettre-de-TLF-aux-577-deputes.html
  • 13. 13 transporteur11 . On constate que deux postes de charges se dégagent et constituent plus de la moitié du prix de revient, qu’il s’agisse d’un transport courte ou longue distance : le carburant et le conducteur. Cependant le poste carburant est plus important dans le transport longue distance et inversement pour le transport courte distance. La nature des prestations effectuées au cours de ces deux types de transport explique en partie une telle différence : un transport régional, plus propice à la messagerie, entraine souvent des coûts supplémentaires tels que des prestations de manutention ou des coûts d’organisation et de planification des tournées, tandis que le poste carburant ne varie pas. Les coûts de carburant et de personnel naviguant sont étroitement liés à la politique des pouvoirs publics en matière fiscale et sociale. La part qu’ils occupent dans la construction du prix est révélatrice du poids des charges qui sont imposées au transporteur en la matière. On remarque par ailleurs que deux postes varient significativement dans la structure de l’indice : - On constate d’abord que les frais de déplacement en transport longue distance représentent le double des frais de déplacement en transport courte distance. C’est la distinction la plus significative dans la structure du prix de ces deux types de transport. Elle en est aussi le critère distinctif essentiel : est qualifié de conducteur longue distance le conducteur qui est contraint de prendre au moins six repos journaliers par mois hors de son domicile12 . Dès lors, le conducteur a droit au versement d’une indemnité de grand déplacement représentant un ou deux repas plus un découcher, comme le prévoit l’annexe 1 de la convention collective nationale des transports routiers, relative aux frais de déplacement. - Le poste infrastructure quant à lui concerne l’utilisation de la voierie et couvre essentiellement la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, ou taxe à l’essieu, et les frais de péages. En toute logique, ce poste a plus de poids pour le transporteur longue distance. 11 Voir Annexe 1. 12 Voir l’article 5-2 du décret n°83-40, du 26 janvier 1983, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, dit décret Fiterman.
  • 14. 14 L’analyse de ces indices et des différences de répartition des coûts révèlent que le prix n’a pas la même fonction pour le transporteur si l’on envisage une distinction entre transport de lots et messagerie. Dans le premier cas, le transporteur doit appréhender l’opération de transport dans son ensemble, il s’agit alors pour lui de prendre en compte l’opération aller aussi bien que l’opération retour et les frais s’y afférant, là où l’expressiste mise avant tout sur l’optimisation de sa tournée et doit structurer son prix en fonction des opérations de gestion et de manutention voire de stockage. B. L’infrastructure : handicap du prix du transport ferroviaire. Outre les coûts d’énergie ou de carburant et les coûts de personnel que l’entreprise ferroviaire assume, deux autres postes grèvent le prix du transport. Principale contrainte structurelle du mode ferroviaire, l’infrastructure constitue un coût prépondérant qui pèse sur le prix du transport, de par son utilisation et sa complexité. Elle est la source de la rigidité du système et des efforts que les différents acteurs (entreprises ferroviaires, gestionnaire d’infrastructure, etc.) doivent mettre en œuvre pour assurer une bonne circulation des trains et une rotation optimale pour proposer un service pertinent. L’utilisation de l’infrastructure est caractérisée par la réservation de sillons auprès du gestionnaire d’infrastructure (Réseau Ferré de France). L’entreprise ferroviaire qui souhaite faire circuler un train doit en effet adresser à RFF une demande d’attribution de capacité. L’article 17-1 alinéa 2 de la LOTI précise qu’on « entend par capacités de l'infrastructure la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un segment de l'infrastructure pendant une certaine période et on entend par sillon la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné d'un point à un autre à un moment donné. » RFF fixe chaque année les tarifs liés à l’utilisation de ces sillons dans le document de référence du réseau. Ces tarifs correspondent, en matière de fret, à deux redevances déterminées de manière à être « égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire » conformément à l’article 7.3 de la directive 2001/14/CE.
  • 15. 15 Il s’agit en premier lieu de la redevance de circulation, qui vise à couvrir les coûts de maintenance et d’utilisation du réseau générés par l’entreprise ferroviaire en fonction de son trafic, c’est-à-dire de la ligne qu’elle utilise, du nombre de kilomètres parcourus et du type de train qu’elle exploite. Cette redevance constitue un coût variable pour le gestionnaire d’infrastructure, mais afin d’éviter des variations disproportionnées ce dernier doit les proposer sous forme de moyennes. En seconde lieu, l’entreprise ferroviaire s’acquitte d’une redevance de réservation. A la différence de la précédente, cette redevance n’est pas générée par les conséquences matérielles de l’utilisation du sillon à proprement parler, elle est en effet motivée par la création de valeur liée au sillon. RFF applique ici une possibilité offerte par la directive précédemment citée de majorer les tarifs en fonction de la valeur économique du sillon13 . La redevance de réservation sera d’autant plus élevée que la demande pour la ligne concernée est importante, et, à titre subsidiaire, que la longueur et la vitesse du sillon sont grandes. RFF estime ainsi que ces redevances ont conduit les entreprises ferroviaires à s’acquitter en 2012 d’un péage moyen de 1,7€ par kilomètre au titre des prestations minimales.14 Le coût que représente l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire constitue un enjeu économique essentiel, notamment dans le cadre du transport combiné rail- route. Afin de maitriser ce coût, le transporteur intermodal à tout intérêt à réserver lui- même ses sillons avant de confier l’exécution de la partie ferroviaire de la prestation à un sous-traitant. Il dispose ainsi d’une plus grande marge de manœuvre dans sa tarification et améliore sa compétitivité. Deuxième poste économique non négligeable pour l’entreprise ferroviaire : l’acquisition et l’entretien de son matériel. Ce poste est très onéreux et varie en fonction du matériel utilisé. Or ce matériel est déterminant dans la stratégie et la politique d’offre du transporteur. L’apparition de nouveaux entrants sur le marché fret (en particulier les opérateurs ferroviaires de proximité tels que RDT13) permet aux 13 Article 8.1 de la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité : « Un État membre peut, afin de procéder au recouvrement total des coûts encourus par le gestionnaire de l'infrastructure et, si le marché s'y prête, percevoir des majorations (…) » 14 Voir Document de référence du réseau ferré national, Chapitre 6 - tarification, p.76, n°6.1.2 : Dispositions spécifiques au fret ferroviaire, disponible sur www.rff.fr
  • 16. 16 entreprises ferroviaires de solliciter ces derniers afin d’externaliser la maintenance du matériel roulant. Cette alternative offre un avantage certain pour l’opérateur qui peut ainsi réduire les coûts liés à la rémunération du personnel d’entretien ou ceux liés aux locaux et engins dédiés à la maintenance. En externalisant une partie de ce poste de dépenses, le prestataire peut espérer, là encore, pouvoir rendre le prix de revient du transport plus malléable. C. Le poids économique des intermédiaires dans le prix du transport fluvial. Depuis la suppression du système de tour de rôle, intervenue le 1er janvier 2000, les prix du transport fluvial de marchandises baissent sous l’effet de la concurrence exacerbée que se livrent les bateliers. Cependant la concurrence est dévoyée par la pratique récurrente, voire indispensable, de prix de transport inférieurs au prix de revient dans le cadre d’affrètement au voyage. En effet, la difficulté pour le transporteur de trouver un chargeur lors du voyage retour constitue un problème fréquent et un risque financier. La solution appliquée par les bateliers consiste à proposer un prix retour réduit, anti concurrentiel, et de le compenser par le prix du transport aller, ce qui met les chargeurs dans une situation d’inégalité et fait varier les prix de manière imprévisible15 . Le déséquilibre des flux qui touche le secteur contraint les transporteurs à s’adresser à un acteur quasiment incontournable : le courtier fluvial. Le recours à cet agent constitue un coût de transaction qui pèse sur le prix du transport. Un meilleur accès à l’information serait la condition préalable à une diminution de ce coût de transaction et permettrait de stabiliser les prix16 . 15 « Tout transporteur est en effet disposé à accepter un fret de retour à un prix inférieur à son prix de revient si celui-ci est déjà couvert par le montant de la transaction sur l’aller. Le chargeur optant pour la prestation la moins coûteuse retiendra le transporteur recherchant un fret de retour qui, grâce au mécanisme de subvention croisée, proposera un « prix prédateur » en dessous de son prix de revient du seul trajet de retour. Autrement dit, le transporteur fait supporter au premier chargeur une partie du coût du transport réalisé pour le deuxième chargeur. » M. Fischman et E. Lendjel, « Les coûts de transaction dans le transport fluvial de marchandises : enseignements et préconisations pour développer l’affrètement au voyage », 4 pages, Programme de recherche FLUIDE, Agence Nationale de la Recherche, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’Economie de la Sorbonne, CNRS, 2010, p.3. 16 Les auteurs précédemment cités préconisent ainsi de développer deux éléments : évincer d’une part les intermédiaires en incitant les transporteurs à utiliser une bourse de fret en ligne afin de
  • 17. 17 Comme nous l’avons vu, les spécificités de chaque mode de transport présentent à la fois des avantages mais sont surtout corrélativement la source de contraintes, ou encore de coûts, que le transporteur doit répercuter sur prix et donc sur le chargeur. La maîtrise du prix de revient du transport est donc un élément crucial pour le transporteur qui doit, dans un environnement très concurrentiel, trouver des solutions pour diminuer ses coûts et se démarquer de ses concurrents en proposant un prix plus attractif pour une prestation de qualité sans enfreindre la loi (notamment les dispositions du droit de la concurrence). Cette démarche est loin d’être aisée tant les contraintes sont nombreuses. Certaines sont intrinsèques au secteur et au moyen de transport (carburant, infrastructure, complexité de l’accès au marché, etc.), d’autres sont directement liées à la politique des pouvoirs publics en matière de transport ou plus généralement dans tous les autres secteurs de l’économie. Chapitre 2 : Influence des pouvoirs publics sur la détermination du prix du transport. La réglementation des transports est fondée sur deux considérations majeures que sont le respect d’une concurrence loyale entre les acteurs du marché et la sécurité du transport. Toutefois l’activité de la puissance publique dans divers domaines constitue un poids économique qui a un effet sur l’activité de transport et qui impacte directement ou indirectement le prix du transport. Romain Carayol estime par exemple qu’en matière de transport routier « la volonté des parties est sous influence de la puissance publique qui affirme vouloir veiller au respect de la concurrence dans un secteur où les relations entre professionnels, souvent déséquilibrées, peuvent générer des dysfonctionnements »17 . négocier directement les contrats, créer un organisme de référencement et un outil d’aide au calcul des prix d’autre part, pour faciliter la détermination du prix, à l’image du CNR en transport routier. 17 R. Carayol, « La négociation du prix dans le transport routier de marchandises », Revue de droit des transports n°11, novembre 2008, p.45.
  • 18. 18 Ce pourrait être le cas avec l’autorisation, en 2013, du passage du poids total roulant autorisé de 40 à 44 tonnes. Les professionnels18 estiment en effet que les conséquences de la mesure sur le prix du transport sont relativement incertaines mais que la différence entre le gain de productivité et le surcoût de production devrait tendre à une baisse du coût de production du transport. Trois hypothèses sont envisagées : - Les gains de productivité entrainent une baisse du prix des transports qui profite exclusivement aux chargeurs, les transporteurs subissant une baisse du chiffre d’affaire. - Les prix ne changent pas et la hausse de la capacité d’emport (de l’ordre de 16%) devient bénéfique aux transporteurs. - Les gains profitent à la fois aux chargeurs et aux transporteurs qui s’en partagent les effets par une amélioration des marges et une baisse plus ou moins marquée du prix du transport. En tout état de cause, tous les acteurs s’accordent à dire que dans le contexte économique actuel, la mise en place du 44 tonnes est une erreur dans la mesure où elle ne fera qu’accentuer la surcapacité de l’offre sur le marché et tirera les prix vers le bas, réduisant ainsi les marges déjà très faibles des transporteurs routiers. Comme dans de nombreux autres secteurs, la réglementation en matière de transport est en grande partie d’origine communautaire et répond à un besoin d’harmonisation des règles entre les états membres dans le cadre du marché unique. Cependant cette harmonisation est loin d’être achevée, en particulier en matière fiscale et sociale, ce qui génère une distorsion de concurrence entre les transporteurs des différents états membres. Dans ces circonstances, la perspective d’une libéralisation des prestations de transport routier à compter de 2014 semble être désavantageuse pour les transporteurs français qui devront faire face aux transporteurs étrangers dont le prix de revient du transport est moins élevé. 18 Voir « Le 44 tonnes. Rapport de synthèse sous forme de compte-rendu des travaux du Groupe marchandises du CNT », Conseil national des transports, mai 2009, disponible à l’adresse : www.cnt.fr
  • 19. 19 Section 1 : Une fiscalité contraignante. L’Union européenne a pris conscience des écarts existant entre les différents états membres en matière de fiscalité dans le domaine des transports et a engagé un mouvement d’harmonisation afin d’équilibrer la concurrence entre transporteurs européens. Dans cette optique, deux directives ont été adoptées en matière de transport routier de marchandises : - La directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, modifiée par la directive 2011/76/UE du 27 septembre 2011 - La directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003, dite énergie, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. Ces directives trouvent un écho en France en s’appliquant aux deux taxes qui constituent la spécificité de la fiscalité à laquelle les entreprises de transport routier de marchandises sont soumises, à savoir la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR). A. Charges structurelles. a. La TICPE. L’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) est encadrée par la directive énergie. Elle est perçue sur le carburant qu’utilise le transporteur, elle pèse donc lourdement sur le prix de revient du transport, dans la mesure où, comme nous l’avons vu, le carburant est le premier poste de coûts en longue distance 40T. Le CNR estime, en effet, qu’elle représente environ 10% du prix du transport19 . 19 « La fiscalité du transport routier de marchandises en 2012 », Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, mars 2012, consultable à l’adresse : http://www.developpement- durable.gouv.fr/IMG/pdf/Fiscalite_TRM_2012.pdf
  • 20. 20 Dans un souci d’harmonisation, la directive fixe un taux de taxation minimum par les états membres du gazole à usage professionnel. Ce taux minimum est de 39,19€/hl en France. Les entreprises de transport routier de marchandises ont droit au remboursement d’une fraction de la TICPE. Cette fraction est fixée en 2011 à un montant forfaitaire de 4,51€/hl. b. La TSVR. Egalement appelée taxe à l’essieu, la TSVR est justifiée par la détérioration de la voierie qu’entraîne le transport routier, et par la nécessité d’entretenir l’infrastructure pour en permettre une exploitation normale. Cette taxe touche la totalité de l’ensemble routier en fonction du nombre d’essieux et du type de suspensions des essieux moteurs. Elle représente 0.4% du prix de revient du transport. Afin de rendre les entreprises de transport routier plus compétitives, la politique française en matière de taxation des poids lourds tend à se rapprocher du standard européen, les taux ayant été réduits afin de s’approcher d’avantage des taux minimaux fixés par la directive 2003/96/CE. B. Considérations environnementales et budgétaires. a. Taxe écologique. Régulièrement montré du doigt pour son impact environnemental, le transport routier de marchandises est au centre de l’attention de l’Etat dans sa volonté de mettre en place un transport plus propre. En le taxant d’avantage, l’objectif est de dissuader les chargeurs d’avoir recours à un transport routier exclusif en privilégiant les autres modes de transport terrestre, ou un transport intermodal. C’est dans cette optique que l’écotaxe poids lourds à été mise en place. Cette taxe, directement issue du Grenelle de l’environnement, vise à faire payer au transporteur les conséquences sur l’environnement de la pollution engendrée par son activité. Elle est calculée selon divers critères dont la distance parcourue, le type de véhicule utilisé et peut être modulée en fonction du niveau de pollution de celui-ci. L’agent chargé par l’Etat de la collecte et du contrôle de cette taxe est la société Ecomouv’.
  • 21. 21 Comme pour toutes les autres charges qui pèsent sur ses prestations, le transporteur est tenu de couvrir le montant de cette taxe dans le prix du transport. L’article L3222-3 du Code des transports précise que « le prix du transport est majoré de plein droit des taxes prévues aux articles 269 à 283 quater et 285 septies du code des douanes supportées par l’entreprise pour la réalisation de l’opération de transport. » C’est donc au final sur le chargeur qu’est répercutée l’écotaxe. Ce mécanisme de répercussion à longtemps été au centre des discussions entre le gouvernement et les représentants de la profession. Dans sa version définitive, le décret n°2012-670 du 4 mai 2012 relatif aux modalités de majoration du prix du transport liée à l’instauration de la taxe alsacienne et de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises envisage trois cas. Dans l’hypothèse d’un donneur d’ordre unique, la majoration du prix correspond au montant de la taxe. Dans le cas du groupage, la majoration est forfaitaire et correspond à un barème fixé par un arrêté ministériel. Enfin dans tous les autres cas, c’est au transporteur de fixer lui-même le montant de cette majoration. La mise en place de cette mesure dans le courant de l’année 2013 possède, à double titre, un inconvénient. Elle grève d’une part le prix du mode de transport le plus utilisé20 et n’aura sans doute pas l’effet dissuasif escompté. En effet la question est de savoir si les chargeurs sont prêts à sacrifier la flexibilité du transport routier, seul mode à pouvoir offrir un transport « porte à porte » au profit du fer ou du fluvial, certes moins polluants mais beaucoup plus rigides. Il est probable que non21 , d’autant que le transport ferroviaire connait une diminution latente du volume de fret et que le transport combiné peine à convaincre, en témoigne la probable liquidation judiciaire de Novatrans. b. La suppression des allégements Fillon. Mise en place en 2007 dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, la défiscalisation des heures supplémentaires 20 « L’anticipation de différentes mesures comme l’écotaxe poids lourds et l’autorisation du 44 tonnes, attendues pour 2013, interfèrent déjà dans certaines négociations tarifaires. » Les coûts du TRM – Quelles perspectives pour 2012 ? CNR, décembre 2011, p.1 21 « Politiquement très correcte, cette approche a cependant une faille. Elle suppose que la demande de transport de marchandise pourra se porter massivement sur d’autres modes à moyen terme. Mais il n’existera jamais en France, comme en Europe, de véritable alternative au TRM pour effectuer le même travail. » L. Battais, « Prix du transport : le routier résiste, l’overseas plonge. », Transports actualités – n°936/937, du 19 mars au 1 er avril 2010, p.24
  • 22. 22 avait pour but d’exonérer de l’impôt sur le revenu les heures supplémentaires effectuées par les salariés et permettait aux employeurs de ne pas payer de charges sociales sur ces mêmes heures. Jugée peu efficace et coûteuse pour l’Etat, cette mesure (et la quasi-totalité de la loi TEPA) a été abrogée par la loi de finances rectificatives du 16 août 2012, sauf pour les entreprises de moins de vingt salariés. Or, les entreprises de transport routier de marchandises consomment beaucoup d’heures supplémentaires, celles-ci constituent un mécanisme essentiel de la vie de l’entreprise. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires va donc entrainer d’une part une baisse de salaire pour les conducteurs, mais aussi une augmentation des charges de l’entreprise qui résoudra l’employeur à limiter le nombre d’heures supplémentaires effectuées par son personnel navigant et à répercuter les charges supplémentaires sur le prix du transport. Reste à savoir dans quelle mesure les entreprises pourront refacturer cette hausse de charges envers les chargeurs et donc quel en sera l’impact sur le prix. La suppression des allégements Fillon montre la volonté de la puissance publique de mettre les entreprises à contribution dans sa politique de diminution des dépenses publiques. Pour autant, cela intervient au détriment de la compétitivité des entreprises de transport qui voient leur prix de revient augmenter à cause d’une augmentation de leurs charges sociales. La question du coût du travail en France est d’ailleurs un facteur du manque de compétitivité des entreprises françaises, en particulier dans le transport. Section 2 : Une réglementation sociale rigide. L’article L3221-1 du Code des transports dispose : « tout prestataire de transport public routier de marchandises (…) est tenu d’offrir ou de pratiquer un prix qui permette de couvrir à la fois : les charges entrainées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité ;(…) ». Le transporteur est tenu de proposer un prix qui couvre le prix de production du transport, y compris les dépenses relatives au personnel. Or le coût du travail en France est l’un des plus élevé de l’Union européenne, ce qui grève considérablement le prix du transport. La
  • 23. 23 faible compétitivité des entreprises françaises à l’international résulte des écarts existant entre les réglementations des différents pays membres de l’Union en matière sociale, ce qui pose un problème d’harmonisation. A. La concurrence sociale européenne. Les diverses réglementations nationales en matière sociale entraînent une distorsion de concurrence entre les entreprises des états membres. La faible durée du travail en France représente une contrainte pour les entreprises de transport qui doivent investir en heures supplémentaires et en coût de gestion afin de rentabiliser leurs prestations. Les charges sociales élevées qui pèsent sur les entreprises constituent une des principales raisons qui expliquent le poids du coût du travail en France. Le CNR a récemment publié une étude sur le transport routier de marchandises polonais22 , qui a connu un succès fulgurant depuis l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne en 2004, à tel point qu’il domine le marché et connaît une évolution constante de son activité. Il apparaît, en outre, que le coût du conducteur est un des facteurs déterminants de cette hégémonie dans la mesure où les charges sociales sont très en dessous de la moyenne européenne. Un conducteur polonais 40T coûte, en effet, 19 686 € par an à son employeur alors que le conducteur français lui coûte 46 402 €. D’autre part, les salariés travaillent un nombre de jours plus élevé par an, ce qui permet une meilleure exploitation des véhicules, de l’ordre de 40 000 km par an. Il résulte, selon l’estimation du CNR, que le coût de revient du transport polonais est 38% inférieur à celui du transport français. L’étude permet de constater que tous les postes de dépenses de l’entreprise polonaise sont moins élevés qu’en France, mais c’est indiscutablement le coût du travail qui fait la différence. Le poids des charges sociales en France est le plus important en Europe, à cause des charges patronales qui représentent 50% du salaire brut, là où elles ne représentent que 17% en Pologne ou 20% en Allemagne. 22 Disponible à l’adresse : http://www.cnr.fr/Publications-CNR/Le-TRM-Polonais-Etude
  • 24. 24 Réduire la part des cotisations sociales permettrait d’améliorer le prix de revient du transport français et de proposer un prix plus compétitif. Le mécanisme de la TVA sociale mis en place par l’ancien gouvernement allait dans ce sens. Il s’agissait de donner le moyen aux entreprises françaises de faire face à la concurrence par un allégement du coût du travail en reportant sur la TVA, et dans une moindre mesure sur la CSG, une partie des charges patronales. Autrement dit, reporter le coût du financement de la sécurité sociale d’avantage sur la consommation et moins sur le travail. Concrètement la mesure prévoyait une réduction de 13,2 milliards d’euros de cotisations patronales et une augmentation de 1,6 point la TVA, rapprochant ainsi la France du taux normal moyen en Europe (environ 21%). Pas assez audacieuse pour avoir un réel effet et mal perçue par l’opinion publique, la mesure sera abrogée par la loi de finances rectificatives en même temps que la défiscalisation des heures supplémentaires. Le manque d’initiatives de la puissance publique pèse ainsi sur l’évolution du prix du transport et pénalise la France à l’aube de libéralisation du transport routier en Europe. B. La libéralisation du cabotage. Le cabotage désigne le transport effectué par un transporteur immatriculé dans un état membre sur le territoire d’un autre état membre. Autorisées à partir de 1990, ces opérations avaient pour but d’éviter au transporteur un retour à vide en lui permettant d’effectuer des prestations dans l’état de déchargement ou de transit. Au vu de l’article 75 du traité de Rome concernant la politique commune en matière de transport, la question de la libéralisation totale du cabotage s’est très vite posée. Dans un contexte de cabotage généralisé, les principaux pays cabotés en Europe, au premier rang desquels la France, ont toujours cherché à restreindre le cabotage, estimant à raison qu’une libéralisation du secteur ne pouvait voir le jour sans que les règles sociales et fiscales applicables aux transporteurs en Europe ne soient harmonisées. La consécration du cabotage consécutif à l’article 8 du règlement 1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par routes va en ce sens et constitue un frein à la libéralisation. Toutefois sous l’impulsion du Conseil et dans l’esprit du traité de Rome, l’ouverture des marchés nationaux est inéluctable et
  • 25. 25 devrait se poursuivre à partir de 2014. Pour faire en sorte que les entreprises françaises soient compétitives et proposent un prix et une prestation plus proches du standard européen, et à défaut d’une réelle harmonisation des conditions de travail des transporteurs communautaires, l’Etat français n’aura d’autre choix que de s’adapter, sans quoi les techniques de la défiscalisation à l’étranger prendront de l’ampleur. Titre 2 : Le prix, élément essentiel du contrat de transport de marchandises. Le contrat de transport de marchandises est avant tout soumis au droit commun des obligations. Dans ce sens, c’est d’abord dans le Code civil que l’on doit rechercher les dispositions relatives au prix du contrat. Mais les caractéristiques du contrat de transport et de la prestation elle-même en font un élément particulier, soumis à des dispositions spécifiques que l’on trouve d’abord dans la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982 (LOTI), ensuite dans le Code de commerce aux articles L132-8 à L133-9 et dans le récent Code des transports. Secteur particulièrement concurrentiel et propice à des pratiques de prix interdites, le transport doit également être envisagé sous le prisme du droit de la concurrence. L’application des dispositions propres au droit des transports, en particulier celles qui concernent le prix, constitue l’enjeu de la qualification du contrat en contrat de transport. En effet le régime juridique du prix du transport connaît des dispositions qui lui sont propres, quant à sa détermination ou son recouvrement par exemple. D’autre part ce régime, basé en partie sur les sources évoquées précédemment, connaît certes des dispositions communes entre modes de transports mais peut varier dans les détails. Ce régime est dans l’absolu très encadré, sans pour autant que des sanctions soient prévues en cas de non-conformité du prix. Cet encadrement du prix du transport de marchandises s’explique par des considérations structurelles liées au marché et à l’activité de transport. En effet, la situation des transporteurs, sur des marchés plus ou moins concurrentiels, requiert l’intervention de la puissance
  • 26. 26 publique et la mise en place de barrières pour deux raisons : ordonner le marché et protéger les acteurs. Ordonner le marché d’abord, afin d’éviter la pratique de prix « faussés » ou abusivement bas, qui ne reflètent pas la réalité économique de la prestation de transport et menacent l’équilibre du marché. Le législateur cherche à éviter que des pratiques anticoncurrentielles ne soient utilisées afin d’évincer des entreprises de transport du marché ou en empêchent l’accès à d’autres, en particulier dans le transport routier. Il y sera d’autant plus vigilant que l’effet des ces pratiques peut dépasser le cadre du marché et nuire aux conditions de travail du personnel ou la sécurité du transport. Protéger les acteurs ensuite, par le biais de dispositions plus favorables que celles du droit commun, telles que le mécanisme de l’action dite directe de l’article L132-8 du Code de commerce, le privilège du transporteur de l’article L133-7 du même code, ou encore le paiement à 30 jours dans le transport routier. Ces dispositions, parmi d’autres, relatives au prix du transport sont le signe de la situation de faiblesse du transporteur et de la précarité économique dans laquelle il se trouve. Il apparaît donc que la qualification du contrat de transport est lourde de conséquences en matière de prix et nous amène à nous poser la question suivante : le prix est-il un élément de validité du contrat de transport de marchandises ? Pour répondre à cette question nous reviendrons dans un premier chapitre sur la qualification juridique du contrat de transport avant d’envisager dans un second chapitre la validité du contrat. Chapitre 1 : Le régime juridique du contrat de transport. Par essence, le contrat de transport est un contrat de louage d’ouvrage et d’industrie (ou contrat d’entreprise), défini à l’article 1779 du Code civil qui dispose : « Il y a trois espèces principales de louage d’ouvrage et d’industrie : 1° Le louage de service ;
  • 27. 27 2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes et des marchandises ; 3° Celui des architectes, entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite d’étude, devis ou marché. » Le contrat de transport répond donc aux règles de droit commun. Mais sa spécificité, à savoir la présence de trois parties au contrat en premier lieu, a nécessité la création de règles spéciales qui lui sont propres et qui sont particulièrement adaptées à la prestation envisagée ainsi qu’aux relations complexes qui peuvent naitre entre les parties au contrat. Ces règles que l’on retrouve dans le Code de commerce constituent une base pour tous les types de transport, l’article L133-5 dudit code précisant en effet que « (…) les dispositions contenues dans le présent chapitre sont applicables aux transporteurs routiers, fluviaux et aériens. » Si un doute peut naître de cette formule quant au transport ferroviaire, la doctrine semble considérer que le fer est lui aussi concerné par les dispositions en question23 . D’autre part, l’article 7.2 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF24 fait expressément référence aux articles L133-1, L133-3, L133-4 et L133-6 du Code de commerce. A ces principes communs s’ajoutent des réglementations spécifiques qui visent les obligations des parties dans chaque mode, aussi bien pour des transports intérieurs qu’internationaux. La détermination du prix du transport est soumise à la nature particulière du contrat de transport et s’éloigne des règles de droit commun. Section 1 : La qualification de contrat de transport. Le contrat de transport porte sur une prestation de services, c’est un contrat d’entreprise particulier. 23 « (…) et même si le terme chemin de fer n’apparaissait pas en toutes lettres, on admettait cette assimilation grâce à la notion de voiturier public » I. Bon-Garcin, op. cit. p.367 §392. 24 Disponibles à l’adresse : www.fret.sncf.com
  • 28. 28 A. Le contrat d’entreprise. a. Définition. L’article 1779 du Code civil est imprécis quant à la définition du contrat d’entreprise et des obligations qui pèsent sur les parties. L’article 1710 du même code précise que « le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles. » Il faut ajouter que cette prestation s’exécute de façon indépendante. Comme dans d’autres domaines, la particularité du contrat de transport et les nombreuses règles spécifiques dont il fait l’objet semblent l’avoir éloigné de cette définition générale et en avoir fait un contrat autonome, recadré par la doctrine et la jurisprudence. L’offre de transport de marchandises peut même ressembler parfois à une industrie tant la phase de transport est intégrées au circuit de production industrielle. Par abus de langage, certains auteurs n’hésitent d’ailleurs pas à utiliser le terme de coûts de production pour se référer à la multiplicité des charges dont le coût sert à calculer le prix de revient du transport. Alain Benabent réfute cette idée car selon lui « malgré leurs particularités, ces contrats n’en relèvent pas moins d’une même théorie générale, liée à une structure fondamentale identique25 ». b. Régime du contrat d’entreprise. Cette théorie est la suivante : l’obligation de l’entrepreneur consiste à réaliser une prestation, celle du maître de l’ouvrage est de rémunérer cette prestation. Le contrat d’entreprise est un contrat à titre onéreux, la rémunération constituant la cause qui justifie l’obligation d’effectuer un travail à laquelle s’engage l’entrepreneur. Le paiement du prix constitue ainsi l’obligation principale du client. En vertu de l’article 1 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 qui dispose : « Les prix des biens, produits et services (…) sont librement déterminés par le jeu de la concurrence », les parties déterminent librement le montant de la rémunération dans les limites des pratiques abusives qui tendraient à réduire la pression concurrentielle sur le marché envisagé. Par ailleurs, la rémunération peut 25 A. Benabent, JurisClasseur Contrats – Distribution, Lexis-Nexis, fasc. 425 : Contrat d’entreprise, 2012, §9, al.2.
  • 29. 29 ne pas prendre exclusivement la forme d’une somme d’argent, cependant toute autre forme de contrepartie risque potentiellement de se heurter à une requalification du contrat. Les parties disposent de plusieurs techniques afin de déterminer le montant de la rémunération26 . Certaines sont plus appropriées et pertinentes que d’autres en fonction de la nature du contrat ou de sa durée. - En premier lieu, le montant peut être fixé par avance, de manière forfaitaire, ce qui implique que les contours de la prestation à accomplir soient délimités avant son exécution. - A l’inverse, le montant peut être déterminé une fois la prestation exécutée et en fonction des moyens mis en œuvre par l’entrepreneur sur la base d’un ordre d’idée fixé par un tarif préexistant. - Enfin, les parties peuvent décider de fixer le montant par voie de référence en s’appuyant sur des éléments extérieurs comme un indice, un barème professionnel ou encore l’avis d’une tierce partie. Cependant cette technique peut se heurter aux contraintes du droit de la concurrence ou aux principes déontologiques de certaines professions. Quant au règlement de la rémunération, il incombe au maître de l’ouvrage qui doit la verser entre les mains du prestataire ou d’un éventuel sous-traitant en vertu de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. Confrontée à la réalité du transport, cette théorie générale du contrat d’entreprise connaît des bouleversements, notamment en matière de rémunération. Celle-ci est soumise à des dispositions particulières qui atténuent la liberté des parties et qui rendent difficile sa détermination. D’où l’importance de la qualification de la prestation en contrat de transport. B. Enjeux de la qualification. La réglementation spécifique du transport entraîne pour les parties des obligations qui découlent du droit commun des contrats d’entreprise, abordé 26 A. Benabent, op. cit. §212, 213, 214.
  • 30. 30 précédemment, tout en leur donnant une portée différente, parfois plus contraignante, ce qui nécessite de la part des contractants une parfaite connaissance des obligations auxquelles ils s’engagent. Au droit commun s’ajoutent certaines règles très strictes telles que la forclusion de l’article L133-3 du Code de commerce ou encore la prescription annale de l’article L133-6 du même code. En termes de rémunération, que nous désignons par l’expression de prix du transport, les contraintes qui pèsent sur le donneur d’ordre n’ont d’égale que la gravité des obligations qui pèse sur le transporteur. a. Obligations du transporteur. Le déplacement de la marchandise est le critère principal de la prestation de transport. Il constitue l’obligation principale du transporteur et doit être effectué de manière autonome par ses propres moyens. Accessoirement, le transporteur peut être contractuellement chargé d’effectuer des prestations annexes. Par exemple, il en sera ainsi des opérations de chargement ou du déchargement que le contrat type général routier met à la charge du transporteur pour les envois inférieurs à trois tonnes, sauf accord contraire, mais que les conditions générales de vente et de transport de la SNCF et le contrat type de transport fluvial au voyage mettent à la charge du chargeur, là encore sauf accord contraire27 . En tout état de cause, le transporteur doit prendre soin des marchandises transportées, ce qui implique qu’il doit être suffisamment compétent et diligent pour s’assurer qu’elles soient livrées dans le même état que celui dans lequel elles étaient lors de leur prise en charge. A défaut de porter tout le soin nécessaire à la conservation des marchandises, le transporteur risque de voir sa responsabilité engagée. C’est là la caractéristique principale du contrat de transport de marchandises : un régime de responsabilité extrêmement lourd et défavorable au transporteur. L’article L133-1 dispose : « Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure. (…) » 27 Voir respectivement les articles 7 du contrat type général routier, 10 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF et 7 du contrat type au voyage.
  • 31. 31 Ce texte est d’ordre public. Il met à la charge du transporteur une obligation de résultat qui fait peser sur lui une présomption de responsabilité des dommages causés à la marchandise dont il ne peut s’exonérer qu’en invoquant la force majeure, le vice propre de la marchandise ou la faute du chargeur. Cette lourde responsabilité conditionne le prix du transport. En effet celui-ci existe et fait du contrat de transport un contrat synallagmatique à titre onéreux dans la mesure où c’est une variété de contrat d’entreprise, mais aussi et surtout parce que la prestation du transporteur répond à une obligation de résultat fortement contraignante. b. Le prix, justificatif de l’obligation de résultat. Comme nous l’avons vu, le contrat d’entreprise est un contrat à titre onéreux. Le contrat de transport étant un contrat d’entreprise, l’obligation du transporteur trouve logiquement comme contrepartie le paiement d’un prix. C’est l’obligation principale du donneur d’ordre. Le rôle prépondérant du prix est consacré par l’article 8 II de la LOTI qui dispose : « Tout contrat de transport public de marchandises (…) doit comporter des clauses précisant (…) le prix du transport ou du déménagement ainsi que celui des prestations accessoires prévues. » De surcroît cette obligation est d’autant plus justifiée que le risque qui pèse sur le transporteur est grave. Celui-ci peut voir sa responsabilité engagée très facilement, quand bien même la plupart des contrats de transport (tous modes confondus) comportent des limitations de responsabilité et que l’introduction de la faute inexcusable à l’article L133-8 du Code de commerce semble plus contraignante à mettre en œuvre par le demandeur que la faute lourde. Les conséquences financières de la réparation intégrale d’un préjudice subi par l’ayant droit de la marchandise peuvent se révéler désastreuses pour le transporteur, menaçant la pérennité de son entreprise. Ce risque justifie d’avantage l’existence d’une rémunération. Afin de rééquilibrer les rapports entre les parties, le prix du transport fait l’objet de mesures protectrices envers le transporteur, que ce soit par rapport à sa détermination puisque comme nous le verrons la loi énumère précisément les
  • 32. 32 prestations qui doivent faire l’objet d’une rémunération, ou par rapport à son paiement avec, entre autre, le mécanisme de l’article L132-8 du Code de commerce, qui démontre bien que le contrat de transport, en ce qu’il est régi par des dispositions très spécifiques, s’éloigne de la théorie générale du contrat d’entreprise. La détermination du prix du transport est donc un enjeu prépondérant. Le principe de libre négociation qui s’applique au contrat d’entreprise est atténué en ce qui concerne le contrat de transport. Section 2 : L’encadrement de la volonté des parties. Tous les points abordés plus haut impliquent l’existence d’une juste rémunération pour le transporteur. Toutefois plus le marché est concurrentiel, plus la tendance est à la baisse du prix du transport, voire à l’utilisation de pratiques interdites et dangereuses comme la surcharge, le dépassement des temps de conduite et de repos ou les infractions au Code de la route. L’encadrement de la volonté contractuelle des parties en matière de prix a donc au moins trois buts : protéger la concurrence, assurer au transporteur une juste rémunération en contrepartie de sa prestation et prohiber les pratiques tarifaires qui pourraient mettre en danger la sécurité du transport. La pression concurrentielle particulièrement forte dans le transport routier a incité le législateur à encadrer d’avantage la négociation du prix par la loi du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d’ordre économique et commercial, texte qui divise la doctrine quant à son utilité et à son application par la profession. A. Réglementation générale du prix du transport terrestre de marchandises. La réglementation du transport terrestre contient deux éléments qui s’appliquent à tout type de transport et qui visent à restreindre la liberté des parties quant à la détermination du prix : la prohibition des transports à perte et l’interdiction de toute rémunération de nature à mettre en danger la sécurité du transport.
  • 33. 33 a. La prohibition des transports à perte. L’article L1431-1 du Code des transports reprend les termes de l’article 6 de la LOTI, il dispose : « Les conditions dans lesquelles sont exécutées les opérations de transport public, notamment la formation des prix et tarifs applicables et les clauses des contrats de transport, permettent une juste rémunération du transporteur assurant la couverture des coûts réels du service rendu dans des conditions normales d’organisation et de productivité. » Cette règle a deux finalités : protéger le transporteur et protéger le marché. Protéger le transporteur d’abord, en s’assurant que le prix du transport, tel que défini à l’article 8 de la LOTI, couvre effectivement les frais engagés pour accomplir sa prestation. Le texte ne précise pas ce qu’il faut entendre par « coûts réels », ce qui ne permet pas de savoir précisément quels sont les coûts que le transporteur doit répercuter sur le prix pour rentrer dans ses frais et ne rend que plus difficile l’application de cette règle. Cependant, les dispositions spécifiques à chaque mode de transport donnent plus d’informations, c’est notamment le cas en transport routier. Protéger le marché ensuite, il s’agit en effet de maintenir un certain niveau de concurrence entre les acteurs et d’empêcher des pratiques de prix abusives qui tendraient à évincer des entreprises de transport concurrentes ou restreindre l’accès au marché pour de nouvelles entreprises. Toutefois, ni la LOTI ni le Code des transports ne prévoient de sanction pour les entreprises qui pratiquent des prix abusivement bas, ce qui en diminue la portée. D’autant que ni le transporteur ni le donneur d’ordre n’ont, en réalité, intérêt à remettre en cause un prix contestable au regard de cette règle, pour des raisons évidentes en ce qui concerne le donneur d’ordre et pour des questions d’opportunité en ce qui concerne le transporteur, sauf à ce qu’il subisse véritablement un prix abusivement bas imposé par son cocontractant. La sanction serait en fait à chercher dans le droit commun du contrat, il s’agirait de la nullité relative du contrat. En vertu de la théorie de l’enrichissement sans cause, la clause relative au prix serait nulle car elle provoquerait un
  • 34. 34 enrichissement du donneur d’ordre au détriment du transporteur. Cette solution est rejetée par certains auteurs28 . b. Le respect de la sécurité du transport. Le législateur est intervenu dès 1982 afin d’interdire certaines pratiques de nature à mettre en danger la sécurité du transporteur ou des tiers. L’article L1311-4 du Code des transports (ancien article 9 alinéa 4 de la LOTI) prohibe le montant du prix de nature à compromettre la sécurité du transport, en effet « toute clause de rémunération principale ou accessoire de nature à compromettre la sécurité, notamment par l’incitation directe ou indirecte au dépassement de la durée du travail et des temps de conduite autorisés, est nulle de plein droit dans les contrats de transport et dans les contrats de travail. » Deux situations sont visées par l’article susvisé : le contrat de travail et le contrat de transport. La règle qu’il édicte vaut donc aussi bien pour le prix du transport que pour le salaire du conducteur. La « rémunération de nature à compromettre la sécurité » peut par exemple prendre la forme d’une prime au kilomètre parcouru, d’une prime au rendement ou bien d’un prix du transport plus élevé que le tarif général. Mais pour les cocontractants, l’enjeu principal d’un prix, tel qu’il est visé par cette disposition, est la rapidité du transport. Il s’agit d’éviter que le transporteur ne soit tenté de sacrifier sa sécurité et celle des tiers à la célérité de sa prestation et au gain financier envisagé, en commettant des dépassements de vitesse autorisée ou en ne respectant pas la législation sociale, relative au temps et aux conditions de travail ainsi qu’aux temps de conduite et de repos obligatoires. Or, la célérité est un des enjeux du transport, a fortiori pour les expressistes. En effet, d’une part, tous les transporteurs sont soumis à des obligations de ponctualité et d’efficacité vis-à-vis de leur client, c’est notamment le cas dans les relations de longue durée dans lesquelles le donneur d’ordre stipule, dans le contrat 28 « Une telle sanction se révèle particulièrement dissuasive, puisqu’elle aboutit à ce que le transport de la marchandise s’effectue aux risques du remettant et non du transporteur (…). Méconnue, cette règle n’est cependant pas appliquée. » C. Paulin, op. cit. p.235-236, §455 – « Ces mécanismes relèvent de ce que l’on appelle les « quasi-contrats ». Ils n’ont donc pas leur place quand il y a un vrai contrat (de transport ou de commission) soumis à ses règles propres. » M. Tilche, « Prix de transport - Des hauts et des bas… », BTL n°3291, 2009, p.624.
  • 35. 35 ou le cahier des charges, une clause prévoyant un système de calcul de ponctualité du transporteur au moyen d’un ratio nombre de retards / nombre total de transports, et n’admet en général qu’un faible taux de retard (de l’ordre de 5%). Une telle contrainte trouve en contrepartie un prix qui encourage le transporteur à respecter ses engagements. D’autre part, pour les transporteurs spécialisés dans le transport rapide, le supplément de prix payé par le chargeur ne constitue-t-il pas une rémunération illicite au sens de l’article L1311-4 du Code des transports ? La sanction du prix illicite est la nullité de la clause, pas celle du contrat. Le risque qui pèse sur le transporteur n’est donc pas important, celui-ci bénéficiera en tout état de cause d’une rémunération conforme à la prestation effectuée, le cas échéant fixée par le juge. La disposition est équivoque car elle cible plusieurs hypothèses de prix de nature à mettre en danger la sécurité du transport. Par exemple il pourrait s’agir d’une grossière prime au rendement qui incite explicitement le transporteur à user de pratiques interdites, mais il pourrait aussi s’agir d’un prix plus élevé que celui du marché qui inciterait le transporteur à commettre des dépassements, et il serait alors difficile de démontrer le lien de causalité entre le prix et les agissements du transporteur. Certaines clauses de rendement sont en effet plus difficiles à démontrer que d’autres, qui plus est lorsque les textes eux-mêmes sont équivoques.29 c. Prix discriminatoires. Le transporteur, en tant que prestataire de services, est obligatoirement tenu par l’article L441-6 alinéa 1er du Code de commerce de communiquer dans ses conditions générales de service le barème des prix unitaires qu’il pratique. Le même article précise que le prestataire peut néanmoins différencier ses conditions générales s’il s’avère que ses clients peuvent être regroupés en différentes catégories. La loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi LME, a apporté une certaine souplesse à cette disposition. 29 « (…) le remerciement peut prendre la forme d’un supplément de prix, compte tenu « de la qualité de la prestation rendue » comme le disent ingénument les contrats types (article 17 : rémunération). Bordé par ces références, le chargeur n’a pas grand-chose à craindre. Nul ne se plaindra de l’avantage reçu sauf s’il vient à être connu et à faire des envieux. » M. Tilche, « Prime au rendement – Soyez prudents … », BTL n°3361, 2011, p.227.
  • 36. 36 En effet, avant son entrée en vigueur, le prestataire pouvait voir sa responsabilité civile engagée s’il pratiquait des prix discriminatoires, c’est-à-dire des prix ne figurant pas dans ses conditions générales de service et de nature à avantager certains de ses clients. Cette règle était un frein à la libre détermination du prix par les parties et pesait notamment sur les transporteurs. La loi LME a supprimé cette contrainte et a réhabilité les discriminations concurrentielles30 . Désormais tout prestataire peut accorder des conditions particulières, notamment en matière de prix, à n’importe lequel de ses clients, sans distinction de catégorie. En outre « la discrimination n’est plus condamnable en tant que telle. Elle peut toutefois être sanctionnée lorsqu’elle est abusive et notamment lorsqu’elle aboutit à un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties (…) ou encore lorsqu’elle résulte d’une entente ou d’un abus de position dominante. »31 Bien que ces nouvelles dispositions constituent un réel intérêt pour le transporteur, leurs effets sont cependant limités par l’encadrement du prix spécifique au secteur. En effet la prohibition des prix bas et des rémunérations de natures à mettre en jeu la sécurité du transport et la pression concurrentielle restreignent la volonté des parties et leur laisse peu de marge de manœuvre en matière de prix. Les dispositions spécifiques à la détermination du prix pour chaque mode de transport sont d’autant plus contraignantes. B. Dispositions spécifiques. La spécificité de certains mode de transport a nécessité l’intervention du législateur afin de fixer des règles qui leurs sont propres, y compris en matière de prix. Ces dispositions ont pour but de cerner les contours de la « juste rémunération » de l’article L1431-1 du Code des transports en précisant quelles sont les charges que le prix du transport doit couvrir. Elles vont même plus loin car elles prévoient des sanctions en cas de prix abusivement bas et de non respect du mécanisme de répercussion des variations du prix du gazole sur le donneur d’ordre. 30 Article L441-6 alinéa 7 : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication prescrite au premier alinéa. » 31 « Le revue fiduciaire », Hors-série 2011-1, mai 2011, p.8, §8
  • 37. 37 a. Transports routiers. C’est la loi du 1er février 1995, déjà évoquée, qui a posé les bases de la détermination du prix du transport routier de marchandises. L’article 24 de la loi, codifié à l’article L3221-2 du Code des transports, énumère de manière très précise quels sont les éléments à prendre en compte afin de fixer le prix du transport. Ils sont au nombre de cinq : « - Les prestations effectivement accomplies par le transporteur et ses préposés. - Les durées pendant lesquelles le véhicule et son équipage sont à disposition en vue du chargement et du déchargement ; - La durée nécessaire pour la réalisation du transport dans les conditions compatibles avec le respect des réglementations de sécurité (…) ; - Les charges de carburant nécessaires à la réalisation de l’opération de transport ; - Les charges acquittées (…) pour l’usage des voies du réseau routier taxable par les véhicules de transport de marchandises. » Les documents de transport, en particulier le document de suivi dans lequel le conducteur doit noter tout ce qu’il effectue dans le cadre de l’opération de transport ainsi que le temps qu’il passe à en effectuer les différentes étapes, prennent toute leur importance au regard des éléments qui servent à déterminer le prix. Ils permettent en effet au transporteur de prouver la réalité des prestations effectuées et d’en réclamer, en cas de contestation, la juste rémunération. L’article L3242-2 du Code des transports, qui reprend la loi, prévoit une amende de 90 000€ pour le transporteur qui propose un prix abusivement bas, qui ne permettrait pas de couvrir les charges liées à sa prestation. b. Transports fluviaux. Comme pour les transports routiers, le Code des transports tente d’énumérer les charges que doit couvrir le prix du transport ainsi que ses modalités de détermination en fonction du contrat choisi, puisqu’en matière de transport fluvial l’article L4451-1 met à disposition des cocontractants trois instruments : le contrat à temps, le contrat au tonnage et le contrat de voyage (également appelé convention
  • 38. 38 d’affrètement). Nous aborderons plus tard les spécificités de chaque contrat, et ce que cela implique pour la rémunération du transport. Mais on peut d’ores et déjà appréhender le caractère particulier du transport fluvial en raison de sa parenté avec le transport maritime, auquel il emprunte certains termes, tels que le connaissement, l’affrètement, ou encore les surestaries, même si il est considéré comme un transport terrestre. A ce titre, prix abusivement bas et rémunérations mettant en danger la sécurité des transports sont donc proscrits comme dans tous les modes de transport terrestre. A l’image du transport routier, des dispositions spécifiques viennent encadrer le prix du transport et sanctionner les pratiques de prix interdites. L’article L4463-2 du Code des transports prévoit ainsi 15 000€ d’amende pour le transporteur qui propose un prix inférieur au coût de sa prestation, exactement à l’image de l’article L3242-2 du même code, les charges qui y sont décrite étant identiques. L’article L4451-4 dispose par ailleurs : « Le prix du transport inclut les charges de carburant nécessaires à la réalisation du transport. » c. Respect de la réglementation. Le contrôle du prix pratiqué par le transporteur peut s’avérer délicat dans la mesure où les éléments qui doivent servir de base à la détermination du prix ne peuvent être vérifiés que si ils ont effectivement été consignés par écrit sur les documents de transport obligatoires. Si pour certains auteurs la démarche du législateur consistant à encadrer strictement le prix par des réglementations spécifiques est louable32 , pour d’autres elle se révèle insuffisante et inefficace.33 Chapitre 2 : La validité du contrat. La réglementation du prix indique aux parties, avec plus ou moins de précision, quelle est la base de la rémunération du transport et encadre in fine la 32 « Sa précision est (…) remarquable tant le texte prend soin de citer l’ensemble des postes de charges qui grèvent la prestation de transport » I. Bon-Garcin, op. cit. p.342, §350. 33 « Le mécanisme institué par la loi parait bien utopique : les documents de transport se trouvent bien souvent réduits à une simple lettre de voiture et l’on imagine mal une telle multiplication de documents pour une activité qui, par hypothèse, engendre un volume considérable d’envois. » C. Paulin, op.cit. p.239, §465.
  • 39. 39 négociation de son montant. La nature dirigiste et la place prépondérante de cette réglementation, ainsi que les peines encourues par les parties qui y contreviendraient, sont révélatrices de l’importance du prix dans le contrat de transport. Pour autant, le débiteur et le montant du prix doivent-ils être déterminés avant l’exécution du contrat ? Ces éléments sont-ils déterminants de la validité du contrat ? La question peut se poser car en pratique le contrat de transport est souvent imprécis et l’activité de transport en elle-même est soumise à de nombreux aléas qui rendent difficile l’identification exacte des parties ou le montant exact du prix du transport avant que l’opération ne soit entièrement achevée, en particulier dans le cadre de contrats longue durée. Nous verrons dans une première section à qui incombe le paiement du prix, puis nous considérerons la validité du contrat au regard du prix indéterminé dans une seconde section. Section 1 : L’indentification du débiteur du prix du transport et le moment du paiement. Contrat tripartite, le contrat de transport lie au transporteur le chargeur et le destinataire. Les parties ont tout intérêt à désigner le débiteur du prix dans leur convention, cependant ce n’est pas toujours le cas, il est alors nécessaire de rechercher qui est le débiteur réel, avant d’avoir éventuellement recours à l’article L132-8 du Code de commerce. Une fois le débiteur déterminé, il convient également de savoir à quelle date le prix doit être payé. A. Le débiteur du prix. Trois hypothèses sont envisageables, les deux premières sont prévues dans les contrats types routier et fluviaux34 , la dernière est d’origine jurisprudentielle. 34 Voir article 18.1 du contrat type général et article 16 du contrat type au voyage.
  • 40. 40 a. Port payé. Le transport s’effectue en port payé lorsque le prix est réglé par le chargeur, a priori au moment de la remise de la marchandise ou pendant l’exécution de la prestation. b. Port dû. Le transport est dit en port dû lorsque c’est le destinataire qui doit s’acquitter du prix du transport, au moment de la livraison. c. Débiteur inconnu. Expressément prévues par les contrats types routiers ou fluviaux, les notions de port payé ou port dû ne sont pas prévues par les conditions générales de vente et de transport de la SNCF, qui se contentent de mentionner à l’article 4.2 le moment auquel le paiement est exigible. Afin de déterminer l’identité du débiteur réel, il faut se référer aux documents de transport. Cependant les parties ne prennent pas toujours soin de préciser sur ces documents quelle est l’identité du débiteur du prix. En effet, le volume d’affaires traitées étant souvent conséquent, le donneur d’ordre ou le transporteur oublient parfois de préciser à qui incombe le paiement, ainsi les cases « port payé / port dû » ou encore « carriage paid /carriage forward » qui figurent sur les lettres de voiture restent-elles vierges. Dans ce cas de figure, le principe posé par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 15 décembre 1977 est celui du débiteur chargeur, c’est au donneur d’ordre qu’incombe le paiement. L’apport de l’article L132-8 du Code de commerce permet au transporteur de pouvoir réclamer le paiement du prix à tous ses cocontractants indifféremment du fait que ceux-ci étaient désignés comme débiteurs ou pas. Ceux-ci sont en effet « garants du paiement du prix du transport ». Dès lors, le transporteur dispose d’une alternative pour réclamer le paiement du prix : assigner le chargeur et le destinataire en paiement et laisser le juge désigner le débiteur réel du prix35 , ou mettre en œuvre 35 Voir CA Aix-en-Provence, 9 janvier 1997, n°10464/93.
  • 41. 41 l’action dite directe de l’article L132-8 du Code de commerce après avoir vainement tenté de mettre en demeure ses cocontractants de s’exécuter. Lorsque le débiteur est connu, la question de la date du paiement se pose. B. Le moment du paiement du prix. Le prix est en principe exigible au moment de la prise en charge de la marchandise par le transporteur en port payé ou au moment de la livraison en port dû, selon les dispositions des contrats types. En d’autres termes, mais de manière assez analogue, l’article 4.2 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF prévoit que « les paiements sont exigibles, selon le cas, dès l’acceptation au transport, dès la mise à disposition à l’arrivée ou dès l’exécution des prestations faisant l’objet d’un décompte distinct des frais de transport. » Si le prix du transport n’est pas réglé selon ces modalités, le débiteur dispose d’un délai de règlement qui court à compter de la date de la facture. Un délai spécifique a été mis en place pour le transport. a. Délai de paiement de droit commun. Le Code de commerce prévoit à l’article L441-6 alinéa 8 un délai de paiement de 30 jours une fois la prestation effectuée. Les parties peuvent toutefois prévoir un délai différent, qui ne peut pas dépasser 60 jours à compter, cette fois-ci, de la date d’émission de la facture (alinéa 9 du même article). Le domaine du transport terrestre nécessite cependant un délai plus bref, peut être parce que la prestation de transport est elle-même rapide, surtout en transport routier, et que la santé économique des entreprises de transport exige un délai de paiement aussi bref que la prestation ne l’est elle-même. b. Délai de paiement spécifique au transport routier de marchandises. En effet, l’alinéa 11 de l’article susvisé dispose : « nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, (…) les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser 30 jours à compter de la date d’émission de la facture. » Ce délai est d’ordre public, l’alinéa 14 prévoit une sanction sous forme d’une amende de 15 000€, ou 75 000€ pour une personne morale, si le transporteur accorde un délai plus long à ses cocontractants. En pratique, beaucoup
  • 42. 42 d’entreprises de transport éprouvent des difficultés à obtenir le règlement du prix dans un délai d’un mois et dépensent beaucoup de ressources pour forcer le débiteur à respecter ses engagements. Les raisons de ces difficultés sont diverses, et vont de l’insolvabilité du débiteur à la pression que celui-ci exerce sur le transporteur lorsqu’il est en situation dominante, ce qui est presque toujours le cas. Le transporteur a tout intérêt à prévoir dans ses conditions générales de vente des pénalités de retard suffisamment dissuasives pour inciter le débiteur à régler le prix du transport dans les temps, sans pour autant être excessives, au risque pour le transporteur de devoir prouver sa capacité à les appliquer et de subir une réintégration fiscale. Le taux minimum imposé par l’alinéa 12 du même article est égal à trois fois le taux d’intérêt légal, il est conseillé néanmoins d’appliquer le taux de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de 10%, soit 10,75% au mois d’août 2012. c. Délai de paiement prévu par la SNCF. L’article 4.2 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF prévoient un délai de paiement beaucoup plus court fixé à 10 jours, ou 15 jours pour les clients habituels, à compter de la date d’émission de la facture. d. Pratique du contre-remboursement. La livraison contre remboursement est une prestation annexe, à ce titre elle doit expressément être demandée par le donneur d’ordre et prévue au contrat, et doit être prise en compte dans la détermination du prix du transport. Elle consiste pour le donneur d’ordre à donner mandat au transporteur afin que ce dernier récupère auprès du destinataire une somme d’argent, le plus souvent sous forme d’un chèque à l’ordre du donneur d’ordre ou de toute autre personne désignée par lui. Cette somme doit ensuite être envoyée au donneur d’ordre, ou à la personne désignée, dans un certain délai (l’article 19 du contrat type général prévoit un délai de huit jours). Le donneur précise souvent dans le contrat de transport ou le cahier des charges les modalités selon lesquelles s’exerce le contre-remboursement, on peut par exemple trouver une stipulation qui fait défense au chauffeur de laisser la marchandise au destinataire s’il n’obtient pas la somme exacte qui est indiquée dans l’ordre de transport ou dans tout autre document de transport. A défaut de respecter
  • 43. 43 les consignes du donneur d’ordre, le transporteur met en jeu sa responsabilité sur le fondement du droit commun du mandat. La technique du contre-remboursement, ainsi que d’autres prestations annexes, ne s’appliquent pas aux transports ferroviaires intérieurs36 . Section 2 : Le prix, condition de validité du contrat de transport ? Au regard des dispositions de l’article L1432-2 du Code des transports qui imposent aux parties de faire figurer le prix dans le contrat de transport, on peut en déduire que celui-ci est déterminant de la qualification juridique du contrat de transport. La question se pose alors de savoir si le transport peut être effectué à titre gratuit ou si le montant du prix doit impérativement être déterminé avant l’exécution du contrat. A. L’absence de prix. L’obligation de résultat et la lourde responsabilité de l’article L133-1 du Code de commerce qui pèse sur le transporteur ainsi les moyens qu’il met en œuvre pour accomplir sa prestation appellent, comme nous l’avons vu, une juste contrepartie qui prend la forme d’une rémunération. Dès lors, l’obligation du transporteur est-elle toujours justifiée si aucune rémunération n’est prévue en contrepartie ? Et en ce sens, le transporteur qui effectue une prestation à titre gratuit est-il soumis à la lourde réglementation du droit des transports ? La réponse doit être négative dans la mesure où sans contrepartie financière, le transporteur n’a aucun raison de se soumettre au régime contraignant et exigeant du droit des transports. Pour le doyen Rodière, le transport à titre gratuit relève ainsi du « service d’amis » et non pas du contrat de transport, et la responsabilité du transporteur ne peut donc être que délictuelle. 36 Article 8.2 des conditions générales de vente et de transport de la SNCF : « Les envois contre remboursement, les débours, déclarations de valeur et déclarations d’intérêt à la livraison ne sont pas admis. »
  • 44. 44 B. Le prix indéterminé. Dans les contrats portant sur une obligation de faire, et surtout dans les contrats de transport, le montant de la prestation effectuée par une des parties peut ne pas être entièrement quantifiable avant son exécution. Les parties peuvent rencontrer des difficultés pour fixer ce montant, et risquent de mettre en jeu leur responsabilité si le prix envisagé est trop bas. a. La validité du contrat d’entreprise. Le contrat d’entreprise est un contrat à titre onéreux, à ce titre et au sens de l’article 1704 du Code civil, les parties doivent obligatoirement se mettre d’accord sur un prix. La nécessité d’un prix déterminé à l’avance parait logique du point de vue de la sécurité juridique des parties, en ce sens qu’un prix inadéquat pourrait mettre en jeu leur responsabilité, comme on l’a vu avec la prohibition des prix bas. Pour autant par un arrêt en date du 29 janvier 1991, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « dans les contrats n’engendrant pas une obligation de donner, l’accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel de la formation de ces contrats. »37 b. La validité du contrat de transport. L’importance accordée au prix du transport, matérialisée par la réglementation spécifique propre au transport terrestre qui détaille avec précision les éléments à prendre en compte dans la détermination du prix, en particulier dans les contrats types routiers et fluviaux, et les restrictions touchant à la volonté des parties sur ce sujet, montrent la place prépondérante de la rémunération du transport. Certains auteurs y voient le signe que la validité du contrat est liée à l’existence d’un prix déterminé avant l’exécution de l’opération de transport38 . D’autres réfutent cette idée39 , le contrat de transport étant une variété de contrat d’entreprise, le montant du prix ne doit pas être nécessairement déterminé à l’avance. 37 Cass, com. 29 janvier 1991, n°89-16.446, Bull. civ. 1991, IV, n°43. – voir aussi : Cass. Civ. 1 ère ch., 28 novembre 2000, n°98-17560 : une société poursuit un contrat portant sur l’élimination d’ordures ménagères sans qu’un accord n’ait été trouvé sur le prix, les juges considèrent que le défaut d’accord sur le montant du prix ne peut pas remettre en cause la validité du contrat. 38 « Quoique la loi ne précise pas de sanction, il faut admettre que le contrat de transport est un de ceux dont la détermination du prix est une condition de validité. » C. Paulin, op. cit. p234, §451 39 « Il nous paraît cependant difficile d’annuler un contrat de transport routier de marchandises pour absence de détermination de prix en l’absence de texte, (…) » I. Bon-Garcin, op. cit. p.406, §431.
  • 45. 45 La question du prix indéterminé peut survenir dans le cas des contrats cadres, qui appellent l’exécution successive d’autres contrats. Le prix des opérations de transport ultérieures ne peut être fixé dans le contrat cadre, et la fluctuation des charges du prestataire durant la période sur laquelle s’étend l’accord rend la détermination du prix relativement aléatoire. Pour autant la Cour de cassation précise là encore que « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation. »40 En ce sens, l’article L446-1 II du Code de commerce prévoit que « lorsque le prix d’un service ou d’un type de service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé. » Les grilles tarifaires proposées par les transporteurs et les dispositions des contrats types, en particulier l’article 17 du contrat type général, répondent aux exigences de cet article et permettent de déterminer un prix « normal et raisonnable »41 lorsque celui-ci n’a pu être déterminé avant l’exécution du contrat. Plusieurs éléments entrent en considération dans la construction du prix, abordons- les dans une seconde partie. 40 Cass. com. 23 juin 2004, n°01-15.419. 41 CA Paris, 20 janvier 1993, BTL 1993, p.328
  • 46. 46 Partie 2 : La détermination du prix du transport terrestre de marchandises. Comme nous l’avons vu, la volonté des parties n’est pas totalement libre en matière de détermination du prix du transport. Elle est affectée, tempérée, par plusieurs éléments. Des éléments conjoncturels d’abord, qui imposent aux acteurs de s’adapter à l’évolution des marchés, notamment aux fluctuations des volumes de marchandises ou plus généralement de la demande, du nombre d’entreprises de transport et de la capacité de l’offre sur un marché ciblé, ou encore aux variations de certains indices économiques, tels que le coût du carburant ou de l’énergie. Des restrictions imposées par le législateur ensuite, pour des motivations tenant à la protection des marchés ou de leurs acteurs. Il s’agit ici d’encadrer la concurrence et les pratiques des transporteurs, en encadrant la négociation du prix. Les cocontractants sont ainsi contraints de déterminer, ou plutôt d’envisager, une juste rémunération qui couvre les charges d’exploitation du transporteur, et n’ont en principe pas le droit de se mettre d’accord sur un prix de nature à mettre en danger la sécurité du transport. Longtemps d’ailleurs les prix pratiqués par les entreprises de transport étaient imposés par les pouvoirs publics. La tarification obligatoire constituait ainsi un moyen de garder la main sur l’activité de transport qui représente un pan indispensable de l’économie d’un pays, car en effet, les échanges de matières premières, de biens manufacturés ou encore de produits de consommation de base dépendent étroitement du secteur du transport. Et comme nous l’évoquions, le prix du transport se répercute sur le consommateur final. Le secteur est depuis totalement libéralisé et nous verrons les conséquences que cela a pu avoir sur le prix du transport. Cette deuxième partie sera avant tout l’occasion de se pencher sur l’aspect pratique de la détermination du prix, en ce sens nous verrons quels sont les éléments qui servent de base au calcul de la rémunération du transporteur en