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Sommaire
Sommaire ........................................................................................Erreur ! Signet non défini.
INTRODUCTION...........................................................................Erreur ! Signet non défini.
PARTIE I : LA NOTION DE FAUTE LOURDE ..........................Erreur ! Signet non défini.
CHAPITRE I : LA DEFINITION DE FAUTE LOURDE .......Erreur ! Signet non défini.
Section I : L’élément subjectif : la négligence fautive............Erreur ! Signet non défini.
Section II : L’élément objectif : la violation d’une obligation essentielle.Erreur ! Signet
non défini.
CHAPITRE II : LES LIENS ENTRE FAUTE LOURDE ET DOLErreur ! Signet non
défini.
SECTION I : La faute lourde un moyen d’étendre la notion de dolErreur ! Signet non
défini.
SECTION II : L’existence de la faute lourde en dehors du dolErreur ! Signet non
défini.
PARTIE II : LES CONSEQUENCES DE LA FAUTE LOURDE DANS LE DROIT DES
TRANSPORTS ...............................................................................Erreur ! Signet non défini.
CHAPITRE I : LA FAUTE LOURDE SANS INCIDENCE SUR LA LIMITATION DE
RESPONSABILITE....................................................................Erreur ! Signet non défini.
SECTION I : De la faute lourde à la faute inexcusable ..........Erreur ! Signet non défini.
Section II : Le rapprochement entre faute lourde et faute inexcusableErreur ! Signet
non défini.
CHAPITRE II : LA FAUTE LOURDE ECARTANT LA LIMITATION DE
RESPONSABILITE....................................................................Erreur ! Signet non défini.
SECTION I : La responsabilité totale du transporteur............Erreur ! Signet non défini.
Section II : Les autres incidences de la faute lourde...............Erreur ! Signet non défini.
CONCLUSION ...............................................................................Erreur ! Signet non défini.
ANNEXE I : Clause syndicale vol 2002.........................................Erreur ! Signet non défini.
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................Erreur ! Signet non défini.
INDEX ALPHABÉTIQUE.............................................................Erreur ! Signet non défini.
1
INTRODUCTION
Cette étude a pour objet d’examiner une particularité du transport terrestre en ce qu’il
consacre une importance particulière à la faute qualifiée. Dès lors qu’il a pris en charge la
marchandise et jusqu’à ce qu’elle et jusqu’à ce qu’elle soit délivrée, le transporteur en est
responsable. Seulement ce n’est pas le seul domaine ou la faute lourde peut être invoquée ;
elle peut être invoquée en droit du travail, notamment en matière de licenciement d’un
travailleur fautif, elle est définie dans ce cas par la jurisprudence comme une faute d’une
exceptionnelle gravité, commise avec l’intention de nuire à l’employeur.
Les exemples de faute lourde les plus fréquents concernent des cas de malversation, de
divulgation de secrets de l’entreprise, ou d’actes de concurrence tels que la constitution, avant
l’expiration du contrat de travail, d’une entreprise concurrente.
L’intention de nuire à l’employeur est un élément constitutif de la faute lourde, qui doit être
établie, indépendamment de la gravité des faits. La faute lourde est privative : non seulement
de toute indemnité de préavis ou de licenciement, mais encore de l’indemnité compensatrice
de congés payés.
On retrouve la faute lourde notamment en droit civil qui est la faute particulièrement grossière
faite par le débiteur d’une obligation qui dénote son incurie ou son insouciance à l’égard des
environnements auxquels il est confronté. Dans la hiérarchie des fautes elle s’intercale entre la
faute simple et le dol.
2
La faute lourde est également rencontrée en matière de droit administratif, dans ce cas elle
s’oppose à la faute simple, non pas sur le critère de l’importance des préjudices mais sur celui
de la gravité du comportement fautif1
.
La jurisprudence a parfois caractérisé la faute lourde selon la difficulté que représentait
l’exécution de l’activité pour l’administration. Le juge administratif et le législateur l’exigent
parfois pour engager la responsabilité de l’administration. Notamment dans les domaines
régaliens tels que la justice et la police administrative. En effet, la faute lourde est également
exigée quand l’autorité n’a qu’une activité de contrôle (notamment pour les autorités
administratives indépendantes), ou de tutelle.
Suivant la discipline envisagée, la faute lourde est défini différemment, nous retiendrons
parmi toutes les définitions qui ont pu être données, celle que la jurisprudence a donné à la
faute lourde dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 1951 qui la définit
comme : « une négligence d’une extrême gravité, confinant au dol, et dénotant l’inaptitude
(de son auteur) à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a accepté ».
En application de ce critère tout théorique telle faute pourra apparaître comme bénigne, ou
tout au moins normale, et telle autre comme lourde, l’appréciation du degré de négligence ne
pouvant éviter une certaine subjectivité. Les conséquences de cette difficulté de classification
peuvent être considérables.
Les textes internationales sur le droit des transports notamment la Convention de Genève sur
le transport de marchandise du 19 mai 1956, dite CMR, la Convention de Bruxelles du 25
août 1924 amendée par le protocole modificatif du 23 février 1968, dit règles de Visby,
concernant le transport maritime et la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 en ce qui
concerne le droit aérien consacre une responsabilité « de plein droit, objective » du
transporteur. Tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne l’acheminement de la
marchandise. Les solutions juridiques préconisées par ces conventions allaient renforcer la
nature objective de la responsabilité des transporteurs2
.
Affirmer la responsabilité de plein droit des transporteurs implique, en négatif, que la faute est
indifférente à l’attribution de cette responsabilité. Si un examen rapide des circonstances du
dommage permet de l’établir, elle sera sans doute suffisante à engager la responsabilité. Mais
1
Définition donnée par WILKPEDIA, fr.wikipedia.org
2
Ghislain de MONTEYNARD : «Le contrôle par la Chambre commerciale des fautes qualifiées des transports
routiers de marchandises », www.courdecassation.fr
3
si rien ne permet de la constater, la situation du transporteur ne change pas pour autant : il
demeure garant de la réparation du dommage subi par son cocontractant.
Sur le plan des principes, cette approche se vérifie sans difficulté. Sauf exceptions très rares,
le législateur dispose que les transporteurs seront présumés responsables de plein droit de tous
les dommages nés de pertes partielles ou totales, d’avaries aux marchandises ou de retard dans
l’acheminement des biens. De même, les transporteurs de personnes devront garantir les
passagers des blessures, voire des accidents mortels3
.
Sur le plan pratique, dans la réalité vécue par les entreprises de transport et leurs ayants droits,
cette approche se vérifie encore. Se sachant garants des dommages soufferts par leurs
cocontractants, les transporteurs ne font en principe aucune difficulté pour indemniser les
victimes dans les limites établies par le contrat ou par la loi.
L’examen de la jurisprudence conduit justement à se montrer plutôt réservé sur la portée du
principe de la responsabilité de plein droit des transporteurs. La faute, en effet, va se trouver
réinsérée dans le débat judiciaire, par une porte apparemment assez étroite : celle des
exonérations qui sont offertes aux transporteurs.
L’ensemble de ces textes offre une sécurité à la victime dont le droit à une indemnisation
s’exerce contre le débiteur d’une obligation de résultat. Mais, cette sécurité est limitée par le
montant. Ainsi chaque texte a fixé la limitation de responsabilité notamment la CMR mais
aussi les contrats types qui régissent le transport terrestre en l’absence de dispositions
contractuelles signées entre les parties.
Le contrat de transport étant avant tout un contrat par définition, il se trouve naturellement
soumis aux règles générales des obligations (articles 1101 à 1396 du Code civil) et se trouve
donc soumis à l’article 1134 alinéa 1 du Code civil « les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Les cocontractants se trouvent donc soumis à une limitation de responsabilité qui aurait été
insérée dans le contrat de transport, la loi n’interdisant pas de telles clauses.
Les textes nationaux comme internationaux prévoient souvent que les transporteurs peuvent
s’exonérer en vertu de cas exceptés. Ce sont des causes objectives de dommages auxquelles le
législateur confère une vertu exonératrice. Leur liste peut être plus ou moins longue, mais leur
nature ne change pas.
3
Alain SERIAUX : « La faute du transporteur », édition ECONOMICA, 1998, page 11
4
Le cas excepté est en effet conçu comme une cause d’exonération purement objective qui
n’implique aucune appréciation du comportement du transporteur.
Le transporteur pourra aussi invoquer la force majeure pour dégager sa responsabilité
lorsqu’elle est mise en jeu. Nombreux sont les textes qui en droit des transports, se réfèrent à
la notion de force majeure. Certains comme les articles 103 du Code de commerce et 1784 du
Code civil emploient l’expression même de « cas fortuit » ou de « force majeure ».
Les textes internationaux ont recours à d’autres formules telles que des « circonstances que le
transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier »
(article 17 § 2 CMR et article 36 § CIM).
Souvent, la force majeure prouvée joue aux yeux de la jurisprudence le rôle de cause
d’exonération « fourre-tout ».
Pour pouvoir invoquer la force majeure, le transporteur doit justifier qu’il n’a pas commis de
faute, mais aussi qu’il a accompli une certaine diligence pour empêcher la cause du dommage.
S’il ne tente pas de faire cette preuve, il demeurera totalement responsable.
Il est nécessaire de rappeler que ni les cas exceptés, ni la force majeure ne permettent
l’exonération du transporteur, lorsqu’il a commis une faute susceptible de faire tomber la
limitation de responsabilité.
En effet le droit des transports connaît un certain nombre de dispositions qui rendent
inopposables les causes d’exonération légalement prévues en faveur du transporteur lorsque
celui-ci commet une faute qualifiée.
En ce sens l’article 29 de la Convention de Genève de 1956 (CMR) est très explicite et stipule
que « Le transporteur n’a pas le droit de se prévaloir des dispositions du présent chapitre
(relatif à la responsabilité du transporteur) qui excluent ou limitent sa responsabilité ou qui
renversent le fardeau de la preuve, si le dommage provient de son dol ou d’une faute qui,
d’après la loi de la juridiction saisie est considérée comme équivalente au dol ». Les termes
employés par l’article 29 montrent bien le refus de prendre en considération, en présence
d’une faute grave du transporteur, l’existence des cas exceptés4
.
Les ayants droits de la marchandise pourront ainsi échapper aux clauses limitatives de
responsabilité d’une part en faisant une déclaration de valeur qui est le moyen le plus simple
pour un expéditeur de ne pas se voir opposer les clauses limitatives de réparation. Tous les
4
Alain SERIAUX op. Cit.
5
contrats types prévoient cette possibilité pour le donneur d’ordre de déclarer la valeur de la
marchandise, du moins la valeur que lui donneur d’ordre, fixe au chargement confié. Il s’agit
donc d’une procédure purement contractuelle, qui a pour effet d’élever l’indemnisation due
par le transporteur, des dommages justifiés sans rien modifier sur le principe de sa
responsabilité. En cas de force majeure ou d’un cas d’exonération, le transporteur n’aura rien
à régler5
.
Pour le retard la même procédure existe, avec pour la possibilité pour le donneur d’ordre de
faire une déclaration d’intérêt spécial qui substitue, ici aussi et avec les mêmes effets, le
montant prévu initialement, c'est-à-dire le montant du prix du transport.
D’autre part faisant application des principes qui gouvernent la responsabilité contractuelle, la
jurisprudence a admis que, fût-ce en présence de Convention internationale ou de texte
législatif, une faute qualifiée permettait à la victime d’échapper à la limitation de
responsabilité dont bénéficie le transporteur. Elle consacre précisément l’existence d’une
faute lourde en matière de transport terrestre. Cependant, la faute lourde est difficile à
appréhender, elle ne figure dans aucun texte législatif, c’est une définition qui provient d’une
construction strictement jurisprudentielle, et elle qui prend en compte les éléments purement
factuels. Dans la recherche de qualification de la faute lourde, nous avons voulu envisager
dans une première partie de notre travail la notion de faute lourde et dans une seconde partie
les conséquences de la faute lourde sur la responsabilité du transporteur.
5
Daniel HOENIG : « pratique du transport terrestre », Cours et textes de références, CDMT, Aix-Marseille III,
2006, page 86
6
PARTIE I : LA NOTION DE FAUTE LOURDE
Parler de la notion de faute lourde reviendrait à définir la faute lourde, définition qui on
le verra suscite un débat doctrinal très intéressant mais aussi est à l’origine d’une
jurisprudence très importante. Cela nous amènera à envisager la notion de la faute
lourde par rapport au dol qui produise les mêmes effets.
7
CHAPITRE I : LA DEFINITION DE FAUTE LOURDE
Le droit des transports illustre bien, grâce à la multiplicité des textes le régissant, les deux
modalités fondamentales par lesquelles le législateur et tribunaux recourent à la notion de
faute lourde. La jurisprudence a mis en exergue d’une part la négligence caractérisée
synonyme de faute lourde et d’autre part, la violation d’une obligation essentielle qui était
constitutive d’une faute lourde jusqu’à une jurisprudence récente qui a remis en cause cette
solution.
SECTION I : L’ELEMENT SUBJECITIF : LA NEGLIGENCE FAUTIVE
Il faut savoir que cet élément subjectif se dégage de multiples solutions jurisprudentielles. En
effet les juges font une appréciation des faits qui leurs sont soumis et feront une appréciation
au cas par cas pour pouvoir se prononcer sur la faute lourde. La Cour de Cassation exerce sur
ce point un contrôle important et primordial « mais la diversité des situations de faits n’a pas
permis d’atteindre une suffisante netteté », la faute lourde consiste en une erreur grossière
« une incurie grave » d’une négligence patente démontrant l’inaptitude de son auteur à
remplir à remplir son obligation acceptée par lui, elle est caractérisée la plupart du temps par
le vol de marchandise (Paragraphe I).
Mais la faute lourde est aussi caractérisée par la faute grossière de manutention ou de conduite
Paragraphe (II).
Paragraphe I : Le Vol de marchandise
8
Le vol de marchandises est l’exemple patent en matière de faute lourde, c’est le domaine par
excellence ou les circonstances détermineront si une faute lourde du transporteur pour être
retenue. Le sujet est vaste et cela concerne aussi bien les vols de marchandises elles mêmes
que les vols de convois en entier. Il est certain que tout est une question factuelle. Le juge va
vérifier si le transporteur avait connaissance de la valeur de la marchandise confiée et sur les
conditions de stationnement du convoi.
Ainsi il ressort d’un arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 17 mai 1988 qu’un
transporteur s’était engagé à transporter un piano datant de 1830, il n’a pas pu faire sa
livraison, ne pouvant avoir accès au local de livraison. Il ne demanda pas d’instruction ni au
destinataire, ni à son donneur d’ordre. Le véhicule fut alors laissé plusieurs jours en fin de
semaine sur la voie publique et fut volé avec l’instrument de musique. La faute lourde est
retenue contre le transporteur. Le juge d’appel considère en effet que « considérant que c’est à
bon droit que les premiers juges ont qualifié de faute lourde le fait pour le transporteur d’avoir
laissé le véhicule contenant le piano en stationnement pendant plusieurs nuits sur la voie
publique (les portes du camion fussent-elles verrouillées et le stationnement eût-il eu lieu non
loin du domicile du préposé du voiturier ».
Pour tenter de s’exonérer le transporteur argumentait sur le fait que qu’il y’avait impossibilité
de livrer le matériel confié, ceci par faute du destinataire absent au moment de la livraison, et
qu’il ne pouvait rentrer le camion dans son garage par suite une panne sur un autre véhicule.
Par ailleurs, il avait garé le camion sous ses fenêtres.
Le juge ne l’entend pas ainsi, il considère d’abord que « l’absence momentanée du
destinataire lors de la livraison d’un objet ne saurait constituer pour un voiturier un événement
imprévisible dont il ne pourrait surmonter les effets », le juge ajoutant « qu’il appartenait au
transporteur de garer le véhicule dans un entrepôt »6
.
A travers la faute lourde, l’obligation du transporteur est de se comporter comme un voiturier
soucieux de prendre soin de la marchandise dont le transport lui avait été confié. C’est à lui
seul, ayant la maîtrise du transport jusqu’à la complète livraison de prendre toute disposition
pour sauvegarder et protéger le chargement, quitte à demander les ordres à son donneur
d’ordre et lui demander réclamation d’un supplément pour la livraison7
.
6
Cour d’appel de Paris (5° chambre, Section A) 17 mai 1988 Mme DEPRESLE c/ Mme STARKIER, B. T 1988,
page 623.
7
Daniel HOENIG : « Pratique du transport terrestre » Op. Cit. Page 94.
9
Nous pouvons constater que le délai de stationnement est l’un des fondements retenu
couramment pour retenir la faute lourde à l’encontre du transporteur. Ainsi le fait pour un
transporteur de laisser 4 jours et 4 nuits un convoi sans surveillance sur l’aire de manutention
d’un ferrouteur démontre une négligence particulièrement grave. Il est intéressant de constater
dans cette affaire que le ferrouteur ne fut pas tenu pour responsable par application du contrat.
Le montant du préjudice peut permettre au juge de retenir ou non la faute lourde, plus le
chargement a de la valeur plus l’obligation de surveillance est stricte. Ainsi le stationnement
sur la voie publique la nuit en un lieu éclairé n’est pas en soi une faute lourde, mais malheur
au chauffeur qui déclare lors du dépôt de plainte pour vol, qu’il connaissait la valeur du
chargement, si celui-ci est onéreux. La Cour d’Appel de Versailles considère ainsi que laisser
dans ces conditions un chargement d’armoires électriques d’une valeur de 2 ou 3 millions de
francs est consécutif d’un manquement grave et donc de faute lourde, le transporteur devant
prendre plus de précaution et parquer son convoi en un lieu surveillé.
Aucun lieu de stationnement en l’absence d’une surveillance efficace n’est une garantie pour
le transporteur. Par exemple un transporteur avait garé sa semi-remorque bâchée près d’une
gendarmerie. L’accès au convoi était facilité par le fait qu’aucun dispositif de sécurité n’était
installé. Le chauffeur dormait à l’intérieur du véhicule dans la cabine. Le chargement était
composé de petits colis facilement déplaçables. La bâche fut découpée et le chargement
partiellement volé. La faute lourde est retenue contre le transporteur8
. L’emploi d’engin bâché
fait l’objet de nombreux contentieux. L’arrêt le plus utopique a été rendu le 3 avril 2002
« justifie légalement sa décision en retenant que le transporteur avait commis une faute lourde
et en écartant une clause de limitation de responsabilité, l’arrêt qui relève que le transporteur a
laissé le véhicule avec son chargement en stationnement durant la nuit sur la voie publique et
sans surveillance ». Cet arrêt récent se fait en définitive l’écho de jurisprudences constantes
des juges du fond. Le transporteur ne peut abandonner son véhicule de nuit sur la voie
publique9
.
Mais ces circonstances vont être appréciées en tenant compte de la durée ou des éléments
particuliers de l’abandon. C’est ainsi que le 16 novembre 1993 la Chambre commerciale a
approuvé les juges du fond d’avoir décidé qu « la circonstance qu’un véhicule, volé avec son
chargement, ait été laissé sans surveillance, mais fermé et équipé d’un dispositif anti-vol, en
8
Cass. Com. 14 novembre 1989, B. T. 1990, page 256
9
Cass. Com. 3 avril 2002, Bulletin de la Cour n° 68
10
stationnement 80 minutes environ sur un parc de stationnement privé, ne constituait pas une
faute lourde du transporteur » 10
.Le critère important tient au temps relativement court
d’abandon du véhicule. Il en est toutefois différemment dès lors que le véhicule n’a été
abandonné qu’un laps de temps très court, mais dans une rue de Paris, clés sur le tableau de
bord et moteur en marche…(Com. 25 octobre 1994)11
.
En revanche le vol dans un véhicule, contenant des pièces d’orfèvreries, garé une partie de la
nuit, non pas sur la voie publique mais sur l’aire de repos de la gare routière de Garonor dont
les entrées et les sorties sont en permanence surveillées, tandis qu’en outre les colis avaient
été placés dans la remorque à l’intérieur de bacs fermés à clef et que les cambrioleurs avaient
du se livrer à diverses effractions avant de pouvoir s’approprier la marchandise n’a pas été
considéré comme révélateur d’une faute lourde du transporteur12
, Com 14 juin 1994. Le
critère évident retenu par la Cour tient au fait que le véhicule n’était pas abandonné sur la voie
publique mais dans une enceinte gardée.
Ce dernier arrêt est à rapprocher d’un arrêt récent de la Chambre commerciale rendu le 3 avril
2002 qui approuve les juges du fond d’avoir écarté toute faute lourde du transporteur tandis
que le chauffeur avait garé le véhicule et son chargement dans la cour fermée du transporteur,
contre un quai de déchargement, en vue de bloquer les portes, avait verrouillé le camion et
enclenché l’antivol et que le vol avait été commis par effraction du portail et d’une portière
du véhicule. Pourtant le véhicule contenait de l’alcool et aucune surveillance n’a été exercée
sur le véhicule pendant la nuit. Le critère le plus important tient au « blocage » du camion
contre un quai13
.
Paragraphe II : La faute grossière de conduite ou de manutention
La faute lourde peut aussi se déduire d’une faute grossière de conduite ou de manutention, on
retiendra en ce sens plusieurs arrêts de la Cour de Cassation. Un arrêt de la Chambre
Commerciale du 3 mars 1998, approuve une Cour d’Appel d’avoir retenu la faute lourde du
transporteur aux motifs suivants « mais attendu que l’arrêt relève que le transporteur dont le
camion était chargé de marchandise, roulait à une vitesse de 60 kilomètre heure environ sur
10
Cass. Com. 16 novembre 1993, Bulletin de la Cour n° 414
11
Cour. Com. 25 octobre 1994, Bulletin de la Cour, civ. n° 150
12
Cass. Com. 14 juin 1994, Bulletin, civ. n° 220
13
Cass. Com. 3 avril 2002, Bulletin, civ. n°67
11
un tracé de route limité à 20 kilomètre heure, que le virage ou l’accident s’est produit est
dangereux et ne pouvait être négocié sans danger à la vitesse à laquelle il l’a été »14
.
De même dans son arrêt du 17 novembre 1992, la Chambre commerciale approuve une Cour
d’Appel qui a retenu une faute lourde pour « un transporteur qui avait endommagé un
chargement de grande valeur en passant sous un pont trop bas, la Cour d’Appel a relevé que si
l’ouvrage présentait des hauteurs différentes à l’entrée et à la sortie, il appartenait au
transporteur, tenu d’une obligation particulière de vigilance, de s’assurer qu’il pouvait
franchir le pont sans danger »15
.
Mais un an plus tard la Chambre Commerciale a cassé un arrêt au seul visa de l’article 455 du
nouveau code de procédure civile au motif que la Cour d’Appel s’était bornée à énoncer que
le transporteur était passé sous un pont avec un chargement trop élevé et dont la hauteur libre
était insuffisante, la généralité de ce motif ne permettant pas à la Cour de Cassation d’exercer
son contrôle, c’est un arrêt rendu le 8 juin 199316
. Il faut savoir cependant que l’incertitude
quant aux circonstances de la disparition de la marchandise ne signifie pas que le transporteur
s’est rendu coupable d’une faute lourde. La Chambre Commerciale est constante sur ce point
depuis 1985, avec 2 arrêts (26 février 1985, 25 juin 1985), dernièrement elle a rendu deux
arrêts qui confirment l’existence d’une pérennité jurisprudentielle17
.
De même la Chambre Commerciale de la Cour Cassation, par exemple, a admis la faute
lourde dans le cas de la remise d’un colis à un mauvais destinataire, cela ressort d’un arrêt :
Com.11juillet 199518
, ou dans le cas d’une société de matériel informatique qui avait failli à
son engagement d’intervenir sur le site de son client dans un délai de 48 heures, cela ressort
d’un arrêt de la Chambre Commerciale, du 17 juin 2001, elle a même considéré que la faute
d’un tiers n’excluait pas que celle du débiteur puisse être qualifiée de lourde ceci dans un arrêt
rendu par la Chambre Commerciale le 19 novembre 199619
.(a chercher)
14
Cass. Com. 3 mars 1998, Bulletin, civ. n° 92
15
Cass. Com. 17 novembre 1992, Bulletin n° 366
16
Cass. Com. 3 juin 1993, Bulletin n° 238
17
Cass. Com. 9 mai 1995, Bulletin n° 140, « N’ayant pas constaté, contrairement aux allégations du moyen, que
les conditions du transport ne permettaient pas de connaître par quel véhicule la marchandise était transportée, ni
quel était le conducteur responsable de celui-ci et qu’elles mettaient le transporteur dans l’impossibilité absolue
de donner le moindre renseignement sur la cause et les circonstances de la perte des colis litigieux, une Cour
d’appel a pu retenir, en l’état du litige tel qu’il lui était soumis, que le seul fait pour le transporteur de ne pouvoir
donner éclaircissements sur les causes et les circonstances de la perte n’établissait pas l’existence d’une faute
lourde ».
18
Cass. Com. 11 juillet 1995, Bulletin civ. IV, n° 215.
19
Cass. Com. 19 novembre 1996, Bulletin civ. IV, n° 280.
12
Cependant par un arrêt du 9 décembre 199720
, la Chambre commerciale a rendu une décision
qui mérite une certaine attention : au visa de l’article 1150 du code civil, elle a cassé un arrêt
qui n’avait pas retenu de faute lourde à l’encontre d’un transporteur qui avait laissé son
véhicule « certes sans surveillance mais avec au moins l’antivol enclenché, de jour, près d’un
lieu fréquenté, pendant un bref laps de temps et pour un motif légitime ».Les éléments de
cassation sont les suivants : la Cour d’Appel aurait dû rechercher si, en tant que professionnel
du transport, le voiturier pouvait ignorer les risques encourus par les transporteurs en Italie et
les recommandations des assureurs de la profession de ne faire stationner les véhicules de
transport de marchandises que dans les parcs gardés, et si, malgré ces mises en garde, le
camion chargé de marchandises de valeur n’avait pas stationné sans surveillance sur la voie
publique d’une ville italienne, tandis qu’arrivé à Milan vers 19 heures 30, après la fermeture
du service des douanes, le chauffeur aurait pu mettre son véhicule dans un emplacement gardé
proche du lieu de dédouanement et éviter d’effectuer un déplacement supplémentaire d’une
dizaine de kilomètres, pour dîner avec un autre chauffeur dans un restaurant d’où il ne pouvait
exercer aucune surveillance sur son camion, lequel était dépourvu d’un système de sécurité
supplémentaire exigé par l’assureur et donc plus facile à dérober.
Deux éléments doivent particulièrement attirés l’attention : la Chambre commerciale n’a pas
censuré l’arrêt pour insuffisance de motif mais pour manque de base légale au regards des
règles gouvernant la limitation de responsabilité contractuelle (article 1150 du code civil).
Cela témoigne, d’une part de l’existence d’un contrôle plus étendu que le simple contrôle
des motifs (a pu) ainsi que les arrêts de rejet auraient pu le suggérer, et d’autre part,
d’une volonté de la part de la Cour de cassation, de proposer des critères gouvernant la
faute lourde.
Cet arrêt n’est pas resté isolé. Un arrêt récent de la Chambre commerciale, a retenu que
l’agression d’un chauffeur 60 kilomètres au-delà de la frontière française, mais en Italie,
n’était pas exonératoire pour le transporteur, qui aurait, malgré les mises en garde des
assureurs, dû se stationner en France21
.
20
Ghislain de MONTEYNARD : « Le contrôle par la Chambre commerciale des fautes qualifiées des transports
routiers de marchandises », www. courdecassation. com.
21
Cass. Com. 29 février 2000, Bulletin n° 45 : « manque de base légale au regard de l’article 17 alinéa 2, de la
Convention de Genève, l’arrêt qui, pour exonérer le transporteur de sa responsabilité, retient au titre de la force
majeure l’agression subie par le chauffeur en Italie sur une aire de station service située à 60 kilomètres environ
de la frontière française, sans rechercher si, en tant que professionnel, le transporteur pouvait ignorer les risques
encourus par les transporteurs en Italie, ainsi que les recommandations des assureurs et de la profession et de la
profession de ne faire stationner les véhicules de transport de marchandises que dans les parcs gardés, et si
13
Il n’est peut être pas évident que le critère géographique soit le critère dirimant :
- le critère géographique n’est pas le critère principal retenu par l’arrêt de février 2000 ;
- il n’appartient pas à la Cour de cassation de consacrer une présomption de l’homme,
- la mise en œuvre de ce critère est aléatoire. Sans consacrer une extension de la
jurisprudence « italienne » sur le sol de France, la Chambre par son arrêt du 28
novembre 200022
, ne s’est en définitive fondée que sur l’existence d’instructions
précises tandis que le pourvoi entraînait la Chambre sur une systématisation du critère
géographique, ou plutôt sur une extension de la jurisprudence « italienne » au sud de
la France.
Le même type de difficulté concerne les acheminements effectués à destination de la Russie23
.
Tout cela montre que même si elle n’implique pas la preuve d’une intention malicieuse du
responsable, la faute lourde est caractérisée par une négligence très grave, une erreur grossière
ou un comportement inadmissible, en s’attachant à « la conscience qu’a eue ou qu’aurait dû
avoir le débiteur des risques crées par son comportement ».
Ainsi la négligence très grave du transporteur peut caractérisée une faute lourde cependant,
avant une jurisprudence très récente qui est venu redéfinir la faute lourde, la faute lourde était
aussi caractérisé par la violation d’une obligation essentielle.
SECTION II : L’ELEMENT OBJECTIF : LA VIOLATION D’UNE OBLIGATION
ESSENTIELLE
Comme nous l’avons dit plus haut « la violation d’une obligation essentielle suffisait à
caractériser la faute lourde, dans l’état antérieur de la jurisprudence (Paragraphe I) ; cependant
la jurisprudence semble aujourd’hui remettre en cause la jurisprudence par l’arrêt Chronopost
(Paragraphe II).
malgré ces mises en garde, le chauffeur n’aurait pas pu stationner son véhicule en France, pour déjeuner et faire
sa toilette, au lieu de faire 60 kilomètres plus loin en Italie ».
22
Cass. Com. 28 novembre 2000, Bulletin n° 188 : « attendu que pour écarter la faute lourde du voiturier et faire
application de la clause limitative de responsabilité…, l’arrêt retient que le chauffeur qui ignorait la valeur de la
marchandise qu’il transportait, a stationné son véhicule sur le parking de Donzère de l’autoroute dont il n’est pas
établie qu’il était réputé pour son insécurité et qu’étant resté dans son véhicule, il ne l’avait pas abandonné sans
surveillance.
23
Ghislain de MONTEYNARD, op. Cit.
14
Paragraphe I : L’état antérieur de la jurisprudence
Il pèse sur le transporteur une obligation de connaissance nécessaire de ses devoirs, et cela
renforce du même coup le contenu de son obligation de diligence dont, par contraste,
l’inexécution ne devient que plus gravement fautive. Aussi bien souvent la jurisprudence
insistera directement sur l’importance de l’obligation que le transporteur devait remplir.
« Obligations essentielles », diront les tribunaux. Le transporteur qui ne les respecte pas ne
peut ne peut qu’avoir conscience du dommage qui en découlera fatalement pour l’ayant droit.
L’expression obligations essentielles, ne semblent d’ailleurs pas, au moins en droit des
transports, avoir un contenu objectif : la jurisprudence n’oppose jamais réellement aux
obligations « essentielles », des obligations qui ne seraient qu’accessoires. L’insistance sur le
caractère essentiel vise plutôt l’importance que le transporteur devait attacher à remplir cette
obligation et, par voie de conséquence, la diligence accrue qu’il devait fournir.
Ainsi peut on classer dans la catégorie des « obligations essentielle », des obligations aussi
générales que le soin à fournir aux marchandises confiées au transporteur. Le capitaine qui
installe dans ses cales des porcs en vrac, sans litière, avec des mangeoires cassées et de l’eau
distribuée de façon rudimentaire, pourra être taxé, de « carence complète, insouciance
constante, méconnaissant absolument les intérêts de l’expéditeur ».
La jurisprudence qualifie généralement d’obligations essentielles des obligations précises
auxquelles l’ayant droit attachait une importance particulière. Tel est le cas de la livraison à
un destinataire déterminé ; l’erreur de livraison sera, dans cette hypothèse, jugée grossière24
.
Il en va de même de retard trop important compte tenu de la nature de la marchandise,
connue du transporteur, des délais normaux de livraison auxquels l’expéditeur ou le
destinataire pouvait s’attendre25
, ou, des exigences formulées par l’expéditeur dans la lettre de
voiture26
.
Bien souvent, en effet, c’est l’ayant droit qui attire l’attention du transporteur sur la nécessité
de respecter avec zèle tel ou tel engagement, qui devient alors essentiel. « Plus le créancier
s’est montré exigeant, plus les tribunaux qualifient sévèrement la gravité de la faute », écrivait
Paul Durand. Il existe de nombreux exemples en jurisprudence, exemple27
.
24
Cass. Com. 21 octobre 1957, Bulletin Civ. III, n° 270
25
C. A Bordeaux, 27 novembre 1902, Clunet 1904. 955 ; C. A. Paris, 2 décembre 1924, Clunet 1926. 419
26
C. A. Aix 1er
décembre 1976, Bulletin d’Aix 1976/4, n°395
27
Cass. Com. 9 mars 1959, Bulletin Civ. III, n° 124 (aucune mesure de sécurité pour une marchandise déclarée
de grande valeur).
15
La plupart du temps, d’ailleurs, cette « attente » de diligence n’aura pas besoin de se
manifester expressément, soit parce qu’il s’agit de la diligence normale que doit fournir le
cocontractant, ici le transporteur, soit parce que le cocontractant lui-même s’est engagé
ouvertement à remplir telle ou telle obligation. Il doit avoir nécessairement conscience du
dommage dont souffrira l’expéditeur s’il ne remplit pas cet engagement28
.
L’ensemble de cette jurisprudence française mérite d’être rapproché de la conception anglaise
du breach of contract. La résolution pour inexécution du contrat peut, en droit anglais, être
prononcée dans deux séries d’hypothèses. La première vise le cas où le débiteur n’exécute pas
ce qui constitue une condition du contrat (par opposition aux warranties). Il y’aura alors ce
que les anglais dénomment « a breach of a fundamental term ». Cette conception semble se
retrouver en France, lorsque les tribunaux voient une faute lourde dans l’inexécution, par le
débiteur, d’une obligation à laquelle le créancier attachait une grande importance.
La seconde série de cas dans lesquels la résolution peut être demandée concerne cette fois une
« fundamental breach of contract », c'est-à-dire une inexécution particulièrement grossière du
contrat.
En droit des transports, la jurisprudence anglaise admet qu’il y a fundamental breach de la
part du transporteur dans les cas types suivants29
: le voiturier abandonne les marchandises
pendant un délai au cours duquel elles sont perdues ; le voiturier livre sans motif valable à une
autre personne la marchandise qu’il transporte, alors que le but principal du contrat est que la
livraison soit faite à une personne déterminée ; le voiturier s’écarte sans motifs légitimes de la
route convenue ou habituelle. On le constate, les situations visées par la jurisprudence
anglaise sont exactement les mêmes que nombre de cas de fautes lourdes en droit français.
Les auteurs ont pu cependant hésiter à assimiler la fundamental breach of contract ou le
breach of fundamental term du droit anglais et la faute lourde du droit français. « Le droit
anglais serait plus objectif : il ne qualifierait pas le comportement, mais analyserait seulement
l’importance du manquement » 30
. En réalité, il convient de remarque que les décisions
anglaises n’admettent le breach of contract que lorsque le transporteur ne peut alléguer aucun
motif excusant son inexécution. Or, qu’est ce qu’un fait justificatif sinon un événement
28
C. A. Paris 23 novembre 1976, B T 1977, page 14.
29
CARTHY (J.)Sous la direction de R. RODIERE « Le contrat de transport de marchandises terrestre et aérien »,
Institut de droit comparé de Paris, page 202, n° 56.
30
CONSTANTINESCO (L. J.) « Inexécution et faute contractuelle en droit comparé », (droits français,
allemand, anglais), Stuttgart, éd. W. Kohlhamm, 1960, page 129 et suivant.
16
imprévisible et irrésistible, constitutif, en définitive, d’une absence de faute ? Dans la mesure
où l’un des éléments du fundamental breach est l’absence complète de motifs légitimant
l’inexécution, cela signifie que le transporteur pouvait parfaitement prévoir et aisément
résister à l’événement dommageable. Il y a donc bien l’idée de faute, et de faute lourde.
Les juridictions françaises n’hésitent d’ailleurs pas, à l’occasion, tout en relevant la violation
d’une obligation essentielle, à préciser que le transporteur ne cherche même pas à se
justifier31
.
Caractère essentiel de l’obligation et absence de faits justificatifs abondent dans le même sens,
à savoir la conscience que le transporteur devait nécessairement avoir des risques de
dommage. Le transporteur qui ne peut invoquer aucun motif pour justifier le manquement à
ses obligations, sera censé avoir possédé une conscience particulière du risque de dommage.
En effet, s’il existe des motifs, même insuffisants, pour ne pas agir ou pour agir autrement, les
risques de dommage que comporte telle ou telle action trouve devant un risque de dommage
évident ab initio, ou une obligation essentielle à remplir, et que le transporteur réagisse face
au risque, commence d’exécuter son obligation, mais sans la diligence suffisante, cette
exécution partielle n’aura-t-elle pas pour effet de laisser croire au transporteur que le
dommage ne se produira pas ? Il se trompe sans doute, puisque le dommage aura finalement
lieu ; mais son erreur est plus compréhensible car l’évidence du dommage était moindre32
.
La jurisprudence sur la faute lourde était bien établie avec des arrêts qui avaient posé le
principe et défini la faute lourde alliant éléments objectifs et éléments subjectifs. Cependant
un arrêt de la Chambre commerciale est venu remettre en cause cette jurisprudence éprouvée
l’arrêt Chronopost.
Paragraphe II : La remise en cause de la jurisprudence par l’arrêt Chronopost
Il faut savoir que depuis 1996 date du premier arrêt rendu concernant la société Chronopost,
la jurisprudence, en matière de contrat de messagerie, vit au rythme des précisions par la
Haute Cour sur la notion de faute lourde, il nous semblé important d’exposer les différents
arrêts Chronopost.
31
Cass. Civ. 12 avril 1923, 27 juillet 1923, DP 1923, page 1 et 143.
32
Alain SERIAUX : « La faute du transporteur », 2e
édition ECONOMICA, 1998, page 280 et suivants
17
A) L’arrêt Chronopost du 22 octobre 199633
La société Blanchereau, professionnel de la viande, qui avait confié à deux reprises un pli
contenant soumission à une adjudication à la société Chronopost, se plaignait de ce que les
plis n’avaient pas été remis le lendemain de leur envoi avant midi. La Cour d’Appel de
Rennes saisie de la demande d’indemnisation limitait celle-ci au prix du transport
conformément à une clause du contrat alors que les premiers juges avaient alloué à la
société Blanchereau la somme de 45000 francs à titre de dommage intérêts…
La Chambre Commerciale cassait l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes au visa de l’article
1131 du Code Civil en retenant que « spécialiste du transport rapide garantissant la
fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était engagé à livrer les plis
de la société Blanchereau dans un délai déterminé et qu’en raison du manquement à cette
obligation essentielle, la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredisait la
portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ».
La référence à une « obligation essentielle » n’était pas une nouveauté, par un arrêt du 9
mai 199034
, la Chambre Commerciale avait estimé qu’une Cour d’Appel avait pu décider
que constituait une faute lourde l’omission de l’inscription du numéro de téléphone d’un
annonceur dans l’édition professionnelle de l’annuaire des abonnés au téléphone, dès lors
qu’il était constaté que le régisseur de la publicité ne s’était livrée à aucune vérification et
que la mention omise était un élément essentiel de l’obligation inexécutée. La clause
limitative de responsabilité insérée au contrat avait été, en conséquence, déclarée
inopposable.
L’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996, qui ne contient aucune référence à la notion de
faute, a provoqué un intérêt certain au point de figurer dans « Les grands arrêts de la
jurisprudence civile35
» ou le commentateur y voit la jonction de deux courants : l’un
selon lequel une clause peut être réputée non écrite dès lors qu’il y a manquement à une
obligation essentielle, l’autre, celui du défaut de cause, lorsque l’allègement des
obligations va jusqu’à ruiner l’opération que le contrat doit réaliser. Cet arrêt a aussi
33
GARBAN (M.) : Conseiller rapporteur auprès de la Cour de cassation. Opinion sur l’arrêt Chronopost
http://www.courdecassation.fr
34
Cass. Com. 9 mai 1990, Bulletin, IV, n° 142
35
CAPITANT, TERRE, LEQUETTE : « Les grands arrêts de le jurisprudence civile », édition Dalloz, Tome 2,
n° 156, page 72
18
surpris par la sanction prononcée : la clause limitative est réputée non écrite, la convention
n’étant pas annulée en son entier.
Le professeur Alain SERIAUX36
a regretté que cet arrêt, après la constatation de la
violation d’une obligation essentielle, ne se soit pas référé à la notion de faute lourde
comme l’avaient fait d’autres arrêts. Après d’autres critiques sur la motivation de cette
décision, le Professeur souligne le caractère erroné, à son sentiment, du visa de l’article
1131 du code civil, la contrepartie existant bien dans le contrat convenu avant de relever
le peu d’orthodoxie, pour ne pas dire la contradiction qui existe entre la sanction
prononcée, la clause étant déclarée non avenue, et l’obligation bafouée, jugée essentielle,
commandant normalement la nullité du contrat en son entier. Le Professeur s’inquiète du
pouvoir de police des contrats que la Cour de Cassation lui donne l’impression de
s’arroger. Enfin, il reproche à l’arrêt de ne donner aucun renseignement sur la façon dont
il faudra évaluer le préjudice. Jusqu’à quelle hauteur, s’interroge-t-il, dès lorsque
l’annulation de la clause n’entraîne pas celle de l’article 1150 du code civil qui limite
l’indemnisation au préjudice prévisible.
Les qualités de l’arrêt en cause sont également difficiles à discerner pour le Professeur
LARROUMET37
qui estime la décision contestable à plusieurs points de vue. D’abord le
visa de l’article 1131 du code civil qui « n’avaient rien à faire dans cette espèce ». Après
avoir déploré le raisonnement faux de la Cour suprême sur ce point, il ajoute que l’arrêt
est inopportun, qu’il ruine la liberté contractuelle. Il soutient qu’il existe dans l’arsenal
juridique actuel assez d’instruments permettant d’apprécier les clauses limitatives : pour
les litiges entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur, il existe
l’article L 132-1 du code de la consommation, dans les contrats de transport une
jurisprudence traditionnelle assimile à une clause de non responsabilité prohibée par
l’article 103, alinéa 3, du code de commerce la clause limitant des dommages-intérêts à un
montant dérisoire par rapport au dommage effectivement subi. Enfin, dans tous les
contrats, les clauses limitatives sont écartées en présence d’une faute dolosive ou lourde et
le juge tient de l’article 1152 du Code civil le pouvoir de réviser à la hausse les clauses
pénales stipulant un forfait de dommages-intérêts manifestement dérisoire par rapport au
36
Recueil Dalloz 1997, jurisprudence, page 121
37
Recueil Dalloz, Chronique page 145.
19
dommage réellement éprouvé. Le professeur Muriel FABRE MAGNAN reprend aussi
cette idée d’intervention du juge sur la base de ce dernier article38
.
Le Professeur Denis MAZEAUD dans son article « feu la liberté contractuelle des maîtres
du temps » semble, lui, se réjouir de la mise en vedette du concept « d’obligation
essentielle » et de l’abandon de « l’encombrante faute lourde » et de « la notion très
dynamique de la notion de cause de l’obligation » que suggère ici la Cour de cassation
pour effacer du contrat la clause litigieuse. Il voit, dans cette notion, une nouvelle arme
pour lutter contre les clauses qui fragilisent la force obligatoire du contrat et évincent la
réparation intégrale du préjudice subi par le créancier victime.
Pour le Professeur DELEBECQUE39
, l’arrêt de la Cour de cassation lui paraît intéressant,
dans l’air du temps, même s’il ne règle pas tout, car la disparition de la clause limitative
figurant au contrat a pour effet de rendre applicable les stipulations du contrat-types qui
sont identiques ce qui réduit à néant la portée concrète de l’arrêt. Il conclut en rappelant
que la liberté contractuelle doit demeurer, le principe, le contrat étant l’affaire des parties.
« Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité ? » Cette
interrogation est le titre de son article.
Pour le professeur Daniel COHEN40
, l’arrêt dénote la volonté de la Chambre commerciale
de faire du neuf avec la notion classique de cause. Il remarque que la cause intervient
normalement au seul stade de la formation du contrat et ne joue normalement aucun rôle à
celui de l’exécution. Il observe que le recours à la notion d’obligation essentielle
supposerait l’existence de plusieurs obligations ce qui n’était pas le cas. Quant à la
sanction prononcée, le simple fait de décider que la clause soit réputée non écrite ne paraît
pas adaptée à la sanction d’une obligation essentielle. Ce faisant, la Cour de cassation
emprunte au régime des clauses abusives tout en refusant la qualification. En conclusion,
il s’interroge sur le point de savoir si l’arrêt condamne l’ensemble des clauses limitatives
de responsabilité dans les contrats. Il y voit le recul de l’autonomie de la volonté et de la
liberté individuelle et le signe de l’interventionnisme croissant du juge. Il convient
d’indiquer que la jurisprudence Chronopost 1, rendue au visa de l’article 1131 du Code
38
La semaine juridique, JCP 1997, doctrine, page 4002.
39
Recueil Dalloz, sommaires commentés, pages 175.
40
La semaine juridique, JCP 1997, II, 22881.
20
civil, a été de nouveau appliquée par la Chambre commerciale dans un arrêt du 17 juillet
200141
. Ainsi la Cour d’Appel « a fait l’exacte application de l’article 1131 du Code civil
en retenant, pour écarter la clause limitative à priver d’effet l’obligation essentielle
souscrite par cette société ».
B) L’arrêt Chronopost du 9 juillet 2002 ou le retour de la notion de faute
L’affaire, objet de l’arrêt de cassation du 22 octobre 1996, a été renvoyée à la Cour
d’appel de Caen qui a statué, par un arrêt du 5 janvier 1999, en reprenant la doctrine de
l’arrêt de cassation. Cependant en allouant à la société Blanchereau la somme de 30000
francs à titre de dommages-intérêts, la Cour d’Appel de Caen, certes, n’a pas appliqué, la
clause limitative figurant au contrat, ce que lui recommandait le précédent arrêt de
cassation, mais elle n’a pas non plus appliqué la clause figurant à l’article 15 du contrat-
type approuvé par décret du 4 mars 1988. Cette particularité va servir de base au
deuxième moyen du pourvoi que la société Chronopost formera à l’encontre de cet arrêt.
Par l’arrêt du 9 juillet 2002, la Chambre commerciale a cassé la décision de la Cour d’Appel
de Caen pour violation de l’article 1150 du Code civil de l’article 8 paragraphe II de la loi du
30 décembre 1982 et des articles 1er
et 15 du contrat-type établi pas décret du 4 mai 1988, en
retenant que seule une faute lourde du transporteur pouvait permettre de mettre en
échec l’application du plafond légale.
Ainsi à ce stade de la jurisprudence, il semble possible de comprendre que si le manquement à
une obligation essentielle a pour effet de rendre la clause limitative insérée au contrat non
avenue, cette imperfection du contrat n’enlève rien à l’efficacité de celle résultant du contrat-
type qui s’applique fut-elle identique, dès lors que la clause initiale a disparu. Seule la faute
lourde du transporteur, que ne constitue pas ipso facto un manquement à une obligation
essentielle et que l’ayant droit doit caractériser, permettra à la juridiction de s’affranchir des
stipulations du contrat-type et des dispositions de l’article 1150 du Code civil.
Une certaine déception, sans doute moins grande que celle de la société Blanchereau, s’est
emparée des commentateurs s’apercevant que l’originalité de l’arrêt Chronopost de 1996 se
41
La semaine juridique, JCP 2002, I, page 148.
21
terminait par un bilan nul dans la mesure où la clause réprimée en 1996, redevenait, en fait,
applicable sous les traits et le biais du contra-type. « Beaucoup de bruit pour rien », beaucoup
de frais pour rien42
. Mais on observe aussi chez certains plutôt du réconfort à voir que l’arrêt
fait un usage classique de la notion, non moins classique, de la faute lourde. Cet arrêt a
engendré chez le Professeur Denis MAZEAUD43
un sentiment d’optimisme pour l’avenir de
ce contentieux devant la deuxième Cour de renvoi à Grenoble, puisqu’il soutient que la Cour
de cassation aurait décidé que lorsque l’exécution imputable au débiteur porte sur une
obligation essentielle, elle doit être qualifiée de faute lourde, Les professeurs LOISEAU et
BILLIAU soulignent le manque d’audace de la Cour de cassation qui aurait dû, selon eux,
retenir que le contrat-type, qui n’est même pas un acte administratif au sens strict du terme,
est soumis aux exigences de droit commun quant à l’appréciation de la validité des clauses
qu’il comporte en jugeant au cas par cas, c’est-à-dire sans prononcer ou constater elle-même
la nullité du texte réglementaire44
.
La liberté contractuelle justifie la licéité des clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité, y compris dans les contrats d’adhésion (Cass.1ére civ, 19 janvier 1982). La
solution s’explique d’autant plus que l’article 1150 du code civil précise que le débiteur n’est
tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors de la
conclusion du contrat. Bien que le code civil ouvre ainsi la porte à toutes les stipulations
contractuelles relatives au montant de l’indemnisation due en cas d’inexécution ou de
mauvaise exécution du contrat, la jurisprudence s’est montrée réservée à reconnaître
systématiquement la validité de certaines d’entres elles et, ce, sur le fondement de la clause
(article 1131 code civil).
Car si les clauses restrictives de responsabilités sont en principes valables, elles sont écartées
lorsque l’inexécution de l’obligation résulte d’une faute lourde, laquelle s’attachait
traditionnellement à deux éléments alternatifs :
- un élément subjectif lié à la conduite du responsable, c’est-à-dire un comportement
d’une extrême gravité ;
- un élément objectif lié aux obligations contenues dans le contrat, le comportement doit
démontrer l’inaptitude du débiteur à l’accomplissement de sa mission contractuelle,
autrement dit, son manquement à une obligation essentielle.
42
Recueil Dalloz 2002, sommaires commentés, page 2329.
43
Recueil Dalloz 2003, sommaires commentés, page 457.
44
Opinion de Monsieur GARBAN (M.), Conseiller rapporteur auprès de la Cour de cassation,
http://www.courdecassation.fr
22
La faute lourde était donc caractérisée si le responsable avait failli à son obligation essentielle
ou fait preuve d’un comportement relevant d’une extrême gravité.
En ce sens l’opinion de l’Avocat Général Monsieur de GOUTTES dans l’arrêt Chronopost
rendu par la Chambre mixte de la Cour de cassation le 22 avril 2005 est clair d’une part :
« Sur l’élément subjectif de la faute lourde, dans les présents cas d’espèces, il est possible, lui
semble-t-il, de discerner l’existence de trois éléments participants du contenu subjectif de la
faute lourde45
:
a) Le premier élément est la conscience qu’aurait dû avoir Chronopost des risques créés
par son comportement.
La société Chronopost savait, en effet, que ses clients s’adressaient à elle en raison de
l’urgence qui s’attachait à l’acheminement des plis qu’ils lui confiaient. Quand bien même ils
n’avaient pas fait une déclaration d’intérêt spécial à la livraison, c’est cette urgence qui
motivait leur recours à Chronopost. C’est aussi la raison pour laquelle ils acceptaient de
payer surcoût. Chronopost devait donc avoir conscience des risques qui pouvait résulter de
tout retard dans l’acheminement du courrier dont elle avait la charge. En présence d’une
défaillance de sa part, elle devait être prête à en assumer les conséquences éventuelles, ce
quelle a refusé de faire en opposant à ces clients l’application pur et simple de la clause
limitant l’indemnisation au seul prix du transport.
b) Le deuxième élément consiste dans l’atteinte à la confiance légitime entre
cocontractants : les documents contractuels et la publicité de Chronopost avaient promis la
livraison dans un délai fixe garanti de (j+1, le lendemain avant midi).
Les expéditeurs étaient donc légitimement en droit d’attendre que les services promis soient
exécutés (chose promise chose due).
En ne tenant pas sa promesse, sans fournir de raisons pertinentes de son retard, on peut
estimer que le transporteur a transgressé, en quelque sorte cette confiance élémentaire qui
fonde la relation contractuelle.
c) Le troisième élément subjectif est l’absence de toute explication fournie à l’expéditeur
sur les raisons du retard :
45
Avis de l’avocat général Monsieur de GOUTTES, wwww.courdecassation.fr
23
En admettant même que le seul fait de n’avoir pas rempli l’obligation de rapidité ne suffise
pas à constituer la faute lourde, ne doit-on pas considérer que le refus de donner toute
explication sur les motifs du retard constitue, quant à lui, une négligence grave de la part
d’une société de transport qui dispose des moyens de suivre le cheminement des plis qui lui
ont été confiés et qui doit donc pouvoir localiser l’origine du retard ?
C’est cette absence d’explications sur les causes du retard qui a été retenue, par exemple, par
l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 juin 1998 46
pour
condamner le transporteur qui avait conservé un colis postal pendant plusieurs jours sans
aucune justification.
Or, dans les présents cas d’espèce, il résulte de la procédure que la société Chronopost s’est
refusée à donner toute explication utile à ses clients.
- Dans l’affaire qui l’oppose à la société « Ka France », la société Chronopost s’est
contentée de répondre à la réclamation de son client par une lettre du 2 juin 1999
ainsi libellée « les éléments de l’enquête que nous avons diligentée nous permettent de
conclure que cet envoi n’a pu être livré dans les délais prévus à la suite d’une erreur
exceptionnelle d’acheminement…».
- Dans l’affaire qui l’oppose à la société « Dubosc et Landowski », la société
Chronopost a laissé sans suite la lettre recommandée en date du 25 juin 1999 par
laquelle sa cliente, après avoir pris contact téléphonique avec Chronopost, la mettait
en demeure de l’indemniser du préjudice financier résultant du retard.
Ainsi peut-on déjà trouver là les premiers éléments de la faute lourde sous son aspect
subjectif : faire subir au cocontractant un retard anormal et préjudiciable, contrairement à
l’engagement pris à son égard et sans donner aucune explication. Mais ce premier élément
subjectif est à compléter par l’autre élément de nature objective, qui est sans doute le plus
déterminant.
Sur l’obligation essentielle » de Chronopost :
a) Pour reprendre la formule utilisée par la Chambre commerciale dans son arrêt du 22
octobre 1996, la société Chronopost étant « spécialiste du transport garantissant la
fiabilité et la célérité de son service », son obligation essentielle est de « livrer les plis
dans un délai déterminer ».Il apparaît dés lors que la société Chronopost ne pouvait
46
Cass. Ass. Plénière, 30 juin 1998, Bulletin Ass. Plén. n°2
24
sans méconnaître son obligation essentielle, prétendre à la fois s’engager à respecter
un délai précis et, dans le même temps, ne pas s’engager quasiment, puisque sa
responsabilité était excessivement limitée si le pli n’était pas délivré, en réalité, dans
le délais promis. Cela revenait, en quelque sorte, à s’affranchir à l’avance des
conséquences de l’inexécution de son obligation essentielle en considération de
laquelle son contractant s’était engagé.
Cette volonté d’éluder son obligation se révèle encore dans la clause 6 des conditions
générales conventionnelles de Chronopost, qui stipulait, non seulement que le non respect des
délais n’obligeait la société qu’à rembourser le prix du transport si le préjudice était justifié,
mais en outre que la société « ne saurait être tenue à la prise en charge du préjudice
immatériel ou indirect quelle qu’en soit la cause ».
Quant à l’argument de la société Chronopost selon lequel le donneur d’ordre disposait de la
faculté de faire une déclaration d’intérêt spécial à la livraison s’il souhaitait élever le plafond
de l’indemnité, il ne parait pas suffisamment convaincant : si une telle déclaration peut se
justifier pour un transport de marchandises de valeur, elle n’a plus la même raison d’être pour
un contrat d’acheminement rapide de pli ou de courrier, qui n’a d’autre objet que la célérité de
la transmission du message, indépendamment de la valeur de la marchandise.
b) l’engagement de la société Chronopost peut ainsi être regardé comme une véritable
« obligation de résultat ». C’est ce qu’a admis implicitement la Chambre commerciale
de la Cour de cassation dès on premier arrêt du 22 octobre 1996, en cassant l’arrêt
de la Cour d’Appel de Rennes du 30 juin 1993 qui avait considéré, quant à lui, que
l’obligation de la société Chronopost n’était qu’une obligation de moyen et qui avait
refusé, en conséquence, de condamner la société à indemnisation au-delà de la clause
limitative pour un retard d’acheminement du pli.
C’est ainsi qu’à confirmer la Chambre commerciale dans son second arrêt du 9 juillet 2002,
en rejetant le moyen de Chronopost qui reprochait à l’arrêt attaqué de la Cour d’Appel d’avoir
dit précisément que son engagement s’analysait en une obligation de résultat. La Chambre
commerciale a considéré que l’obligation contractuelle de Chronopost portait, non seulement
sur la réalisation de l’acheminement lui-même, mais aussi sur le respect des délais précis de
livraisons garantis.
25
c) le respect par Chronopost de l’obligation essentielle du contrat est, peut-on ajouter,
d’autant plus impérieux que l’on est en présence d’un type de « contrat d’adhésion »,
qui n’a pas été librement négocié et que toute l’économie de la stratégie commerciale
et publicitaire de l’entreprise a été centrée sur l’engagement de ponctualité et de
célérité promis au client.
d) Par ailleurs, la prise en considération par certains arrêts de la gravité des
conséquences qu’a entraînée la faute du créancier comme l’un des éléments subjectifs
de la faute lourde, peut ainsi s’appliquer dans les deux affaires en cause : la société
Chronopost, même si elle ne connaissait pas le contenu précis des plis qui lui avaient
été confiés, savait que ces plis étaient urgents. En ne respectant pas son obligation
essentielle de livrer les courriers dans le délai promis par le contrat, elle a pris un
risque de conséquences graves pour les expéditeurs47
.
Nous voyons que dans son avis l’avocat général Monsieur de GOUTTES, devant la Chambre
mixte de la Cour de cassation, essaie de démontrer la faute lourde du transporteur Chronopost.
Cependant la Chambre mixte ne l’a pas suivi dans son arrêt. Elle avait finalement préféré
délaisser le critère objectif pour caractériser la faute lourde du débiteur : plus exactement, elle
laissait entendre que l’élément objectif ne suffisait plus à prouver l’existence d’une telle faute.
Dans la logique de cette solution, la Chambre commerciale vient d’évincer à son tour avec
d’avantage de vigueur le critère de l’obligation essentielle « La faute lourde de nature à
tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait
résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais
doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».
La faute lourde est donc réduite aujourd’hui à une conception très restrictive qui vide en
grande partie l’utilité juridique de la notion d’obligation essentielle du contrat qui permettait
d’introduire un équilibre rigoureux pour sanctionner les manquements les plus « graves » au
regard de l’économie du contrat.
Un dernier arrêt a été rendu le 21 février 2006 par la Chambre commerciale de la Cour de
cassation, et comme le dernier arrêt rendu par la Chambre mixte opte pour une définition
47
Opinion de l’avocat général Monsieur de GOUTTES, op. Cit.
26
subjective de la faute lourde et se refuse à l’assimiler à l’inexécution d’une obligation
essentielle.
27
CHAPITRE II : LES LIENS ENTRE FAUTE LOURDE ET DOL
Le droit des transports illustre bien, grâce à la multiplicité des textes le régissant, les deux
modalités fondamentales par lesquelles législateur et tribunaux recourent, aux côtés du dol, à
la notion de faute lourde.
En règle général, mention expresse de cette notion n’est pas nécessaire. Il suffira à l’instar de
l’ancienne rédaction de la Convention de Varsovie (art. 25) et de la rédaction toujours en
vigueur de la CMR (art. 29), de faire référence à « la faute équivalente au dol ». En effet, le
seul emploi de ces termes renvoie immédiatement, dans l’esprit des juristes français, à l’adage
issu de la codification justinienne : culpa lata dolo aequiparatur, la faute lourde équivaut au
dol. C’était ainsi le sentiment de Nerva qui disait qu’une faute grossière doit être assimilée au
dol, en effet pour lui, si un homme n’est pas aussi diligent que le requiert la nature humaine, il
est de mauvaise foi, à moins qu’il n’apporte les soins dont il est capable en matière de dépôt :
car on n’apporte pas aux affaires d’autrui moins de soin qu’à ses propres affaires, sans
manquer à la bonne foi48
.
A titre exceptionnel, certains textes font référence sans détour à la notion de faute lourde. Le
droit des transports n’en connaît aujourd’hui qu’un seul exemple. L’actuel article 4449
de la
Convention de Berne (CIM) dispose que « dans tous les cas ou le dépassement du délai de
livraison, la perte totale ou partielle ou l’avarie subis par la marchandise ont pour cause un dol
ou une faute lourde imputable au chemin de fer, celui-ci doit complètement indemniser
l’ayant droit pour le dommage prouvé ». Ce même texte précise encore « en cas de faute
lourde, la responsabilité est, toutefois, limitée au double des maxima prévus aux articles 25,
26, 30, 32 etc.… » Il en résulte que le recours à la faute lourde, même s’il est expressément
énoncé par l’article 37 CIM, ne remplace complètement le recours au dol que dans les
hypothèses où le montant du dommage souffert par les marchandises ou du fait du retard ne
dépasse pas le double de la réparation légale ou conventionnelle. Cette extension à la faute
lourde des effets du dol peut s’expliquer de deux façons50
.
48
GAUDEMET (J.) « Droit privé romain », 2e
édition, Montchrestien, 2000, page 397.
49
La solution retenue date du 7 février 1970.
50
Alain SERIAUX, op. Cit. Page 274.
28
SECTION I : LA FAUTE LOURDE UN MOYEN D’ETENDRE LA NOTION DE DOL
Au sens strict, le mot « équivalence » semble impliquer que la faute lourde joue le rôle de
complément de la faute dolosive. Cette complémentarité est étroitement liée à la notion
même de faute dolosive. Si celle-ci est prise de façon extrêmement étroite, au sens d’intention
de causer le dommage, la faute lourde complémentaire supposera l’existence de la mauvaise
foi prise dans son sens le plus large. Les notions de dol et de faute lourde relèveront toutes
deux de la mauvaise foi ; la différence entre les deux types de faute ne sera pas donc de nature
mais de degré. Ce qui laisserait penser à l’assimilation de la faute lourde au dol (Paragraphe I)
La jurisprudence n’a pas été entièrement insensible à cette conception. Toutefois, la doctrine a
créé contre elle un courant contraire, aux termes duquel il existe non une différence de degrés
entre la faute lourde et le dol, mais une différence de nature : le dol apparaît comme la
mauvaise foi, alors que la faute, aussi lourde soit-elle demeure dans le camp de la bonne foi.
Cette différence de nature serait cependant estompée par le fait que bien souvent la gravité de
la faute permet de présumer l’existence d’un dol indémontrable (Paragraphe II).
Paragraphe I : L’assimilation de la faute lourde au dol
Sur le plan des concepts, cette assimilation est dépourvue de raison, mais des considérations
d’ordre pratique la justifient, les nécessités du commerce imposent de traiter de semblable
façon la bévue impardonnable et l’intention malveillante.
Dans la majorité des cas, l’assimilation inscrite dans l’adage n’a pas de conséquences
pratiques. En règle générale puisque, toute faute engageant la responsabilité et l’étendue de la
réparation étant calquée sur le dommage, la qualification de la faute est assez indifférente.
Elle sert, tout au plus, à faciliter la démonstration du rapport de causalité, parfois à justifier
une modulation de l’indemnité quand le préjudice échappe à une évaluation précise51
.
Mais l’assimilation repose surtout sur un problème de preuve. L’auteur d’une faute commise
intentionnellement prend toujours la marque de la bêtise. Il convient de la gravité de sa faute,
mais il affirme sa bonne foi ; il joue l’imbécile. Il avoue s’être comporté d’une manière
absurde, mais par sottise, non par méchanceté. On coupe court à ce trop commode moyen de
51
GAUDEMET (J.), op. Cit.
29
défense en attribuant à la faute lourde les mêmes conséquences civiles qu’au dol. Nous
supposons, qu’il y a chez l’auteur d’une faute très grave l’intention de nuire. La faute lourde
est présumée intentionnelle l’assimilation de la faute lourde au dol apparaît ainsi comme une
règle de preuve, une présomption. On doit alors se demander si cette présomption est absolue
ou relative ? La réponse est donnée par l’article 1352 du code civil ; seules sont irréfragables
les présomptions qualifiées telles par ce texte. La présomption de faute intentionnelle, qui
n’est écrite nulle part dans le code, admet nécessairement la preuve contraire. L’assimilation
ne se justifie que par la crainte du maquillage d’un dol ou faute lourde. La présomption
d’intention que faisait peser sur le transporteur la gravité de sa faute, se trouve écartée par la
preuve contraire, qui résulte ici des circonstances de l’accident. La faute lourde est présumée
intentionnelle jusqu’à preuve contraire. C’est seulement dans cette mesure qu’il faut assimiler
la faute lourde personnelle au dol personnel52
.
Au-delà du fait que cette assimilation constitue aujourd’hui une doctrine minoritaire, nous
constaterons que la faute lourde peut être un moyen d’étendre la notion de dol.
Dès l’instant où le dol est réduit à la seule intention de nuire au cocontractant, les magistrats
se sentiront poussés à mettre sous le couvert de la notion de faute lourde ce qui n’est au fond
qu’une conception élargie du dol. En ce sens, la faute lourde jouera le même rôle que la
notion de wilful misconduct ou de faute inexcusable lorsqu’elle est appréciée in concreto. Au
même titre, d’ailleurs, la faute lourde sera elle aussi recherchée concrètement.
Cette utilisation originale de la faute lourde se retrouve partout au sein des systèmes
juridiques peu favorables à l’assimilation de la faute lourde au dol, dans lesquels, seule la
faute intentionnelle est admise à écarter les clauses limitatives de responsabilité. Tel est le
cas du droit belge qui se montre franchement hostile à toute assimilation, même si, comme
c’est le cas pour la CMR (article29 § 1), les textes eux-mêmes renvoient aux fautes
équivalentes au dol. Interprétant cette convention, la Cour de cassation belge53
a pu ainsi
décider que « dès lors que le droit belge connaît la notion de dol, l’article 29 § 1 CMR exclut
que le juge belge puisse examiner si une faute lourde non intentionnelle prive le transporteur
du droit d’invoquer la limitation de responsabilité ». Pour tourner la difficulté qui persiste,
dans de telles conditions, à se montrer sévère envers les transporteurs routiers gravement
52
Marie GRIGOURIOU : « L’exonération de la responsabilité du transporteur dans la CMR », mémoire de DEA
soutenu à la faculté d’Aix-Marseille III, CDMT, 1998
53
Cour de cassation belge, 27 janvier 1995, DET 1996, page 694.
30
négligents, les juges belges ont tantôt considéré qu’une faute pourtant non intentionnelle est
« à ce point au sens de l’article 29 CMR qu’elle doit être assimilée au dol54
», tantôt, plus
subtilement , que des fautes, que des fautes certes non intentionnelles mais commise de
mauvaise foi « avec connaissance préalable et conscience » doivent être jugées équivalentes
au dol. N’est-ce point considérer que l’équivalence s’entend d’une assimilation des notions ?
La doctrine anglaise, quant à elle, interprète l’adage romain en ces termes : « Dans des
hypothèses exceptionnelles, un manque de soin téméraire, en présence de risques connus, peut
constituer en fait l’intention de nuire ». Or, qu’est-ce que le manque de soins en présence de
risques connus, sinon la faute dolosive lato sensu.
Au demeurant l’utilité d’un recours à la faute lourde est subordonnée, dans cette conception,
au maintien d’une conception restrictive de la notion de faute dolosive. Or nous savons que,
peu à peu, la jurisprudence généralise la conception extensive du dol. Il s’ensuit que le recours
à la faute lourde in concreto devient inutile55
.
Faut-il dès lors annoncer la disparition nécessaire du recours à la faute lourde comme
équivalent du dol ? Il ne le semble pas : même en admettant une conception large du dol, la
faute lourde, désormais expulsée du cadre de la mauvaise foi, pourrait au moins servir de
preuve de l’existence d’un dol, toujours difficile à établir.
Paragraphe II : La faute lourde comme preuve du dol
L’avènement d’une notion de dol qui recouvre toutes les notions de la mauvaise foi. S’il est
relativement récent en jurisprudence, a depuis longtemps été envisagé par la doctrine.
Comment comprendre, dans ces conditions, l’utilité du recours à la faute équivalente au dol ?
La question se pose d’autant mieux que si le dol se confond avec toute mauvaise foi, la faute
lourde, faute distincte du dol, ne trouve plus sa place que dans le domaine de la bonne foi. Il
existe donc une différence de nature entre le dol et la faute lourde. Cette séparation tranchée
ne doit-elle pas faire obstacle à l’équivalence des fautes ?
Aux termes d’un arrêt en date du 28 juin 2005, la Cour de Cassation est venue donner la
définition suivante de la faute lourde : « négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et
dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission
54
Tribunal de Bruxelles, 25 mai 1992, DET 1993, page 762.
55
JAMBU- MERLIN : « Dol et faute lourde », Dalloz, Chroniques, page 89.
31
contractuelle qu’il a acceptée ». A la lecture de cette définition nous pensons nous interroger
sur le véritable lien qui existe entre faute lourde et dol56
.
Tous les déchirements de la doctrine moderne pour expliquer la règle culpa lata dolo
aequiparatur se trouvent contenus en germe dans cette opposition : affirmer la différence
radicale des notions, mais prétendre en même temps maintenir la règle de l’équivalence.
Aussi certains auteurs ont-ils songé à justifier le recours à la faute lourde par une raison
d’ordre probatoire. Ainsi seraient conjugués et la différence des notions et leur rapprochement.
Dans cette perspective, l’on remarquera qu’une négligence d’une extrême gravité permet de
penser que le débiteur s’est rendu compte que son comportement était dommageable. Ainsi
que l’exprime Le Doyen CARBONNIER, « il n’y a point intention de nuire ni malhonnêteté ;
mais c’est à s’y méprendre ; on dirait qu’il le fait exprès. Il faut donc admettre, sans avoir la
preuve absolue que son activité était dolosive57
.
L’opposition entre la bonne et la mauvaise foi ne doit pas être présentée de manière trop
radicale. Il est des actions qui sont si graves qu’on hésite à les maintenir dans les rangs de la
bonne foi, même si la mauvaise foi de l’agent n’est pas absolument certaine.
On retrouve en jurisprudence plusieurs décisions qui mettent en avant la notion de faute
lourde reconnaissent le fait que cela soit une faute commise de manière délibérée. « Ainsi
pour un transitaire qui n’avait pris aucune précaution pour assurer la sécurité du chargement
d’un moteur diesel, la Cour de Paris58
voit dans cette attitude une « absence totale de
préparation et de soins en face de risques graves, connus et délibérément pris, qui traduisent
l’incapacité d’accomplir la mission acceptée et sont consécutifs d’une faute lourde
équipollente au dol ». On retrouve bien l’inexécution volontaire « délibérée », accompagnée
de la conscience concrète des risques de dommage, consécutive à la mauvaise foi au sens
large.
Dans cette espèce il semble que le transitaire avait une connaissance concrète du risque de
dommage. Cependant, dans d’autres arrêts, cette conscience est seulement probable. Les
magistrats n’en parlent pas moins de faute « délibérée »59
.
56
Faute lourde du transporteur : des jurisprudences incohérentes, www.aufildudroit.com
57
MAZEAUD (L.) : « L’assimilation de la faute lourde au dol », DH 1933, Chroniques, page 49 et s.
58
C. A. Paris, 3 février 1976, BT 1976.
59
Alain SERIAUX : « La faute du transporteur » Op. Cit. page 278.
32
Toutefois, il paraît difficile de généraliser le rôle de présomption de mauvaise foi que
remplirait la notion de faute lourde. Il est à cela une raison beaucoup plus péremptoire que la
violation d’un principe général du droit. La faute lourde ne peut permettre, sauf exceptions
rares, d’admettre la mauvaise foi parce qu’elle relève d’une autre méthode d’appréciation que
le dol. Celui-ci est apprécié in concreto, celle-la est appréciée in abstracto. Certes, la plupart
des décisions rendues en matière de faute lourde ne se prononcent pas ouvertement pour un tel
mode d’appréciation, mais leur rédaction conduit implicitement à cette solution.
En outre, il est possible de relever quelques décisions retenant expressément l’appréciation
abstraite. Ainsi du Tribunal de la Seine statuant en matière de responsabilité aérienne ; ainsi
encore d’un arrêt de la Cour de Poitiers du 19 avril 197260
, qui déclare : « attendu qu’en
matière contractuelle en général, et plus spécialement en matière de contrat de transport, il
apparaît nécessaire d’apprécier in abstracto , et sans tenir compte de l’attitude psychologique
du débiteur, la faute à lui reprochée ; qu’adopter une position inverse ne pourrait qu’aboutir,
en matière de faute de conduite, à une impossibilité pratique de retenir dans la plupart des cas
la faute lourde du conducteur, celui-ci pouvant toujours être supposée avoir eu une perte de
conscience, fort peu distincte parfois du manque de conscience, au moment de la manœuvre
fautive par lui entreprise ; que la faute lourde à la différence du dol, ne suppose aucun élément
intentionnel ni même volontaire ».
Cette distinction bien que subtile, n’en est pas moins radicale. Avec l’appréciation in abstracto,
ce n’est plus la volonté du voiturier qui est recherchée par le juge, mais les circonstances
objectives dans lesquelles le dommage est réalisé. On ne prête plus attention à l’auteur du
dommage mais à son environnement. Les manquements du débiteur sont envisagés non plus
en fonction de sa conscience effective, mais en fonction de la conscience qu’il devait avoir de
la cause du dommage.
Même si nous pouvons trouver des relents de mauvaise foi dans certaines décisions, le recours
à l’appréciation in abstracto ne peut favoriser ces situations. La faute lourde comprise de
manière objective est d’une nature radicalement différente de celle de la faute lourde
appréciée in concreto ou de la faute dolosive.
Ce qu’il faut savoir à l’heure actuelle c’est que la faute lourde et le dol sont deux éléments qui
défavorisent le transporteur terrestre. Car tous les deux font perdre au transporteur la
limitation de responsabilité. Cependant la faute lourde s’est depuis longtemps différencié du
60
Bulletin des Transports 1972, page 183.
33
dol et en ce sens elle a acquis son indépendance aujourd’hui la faute lourde existe en dehors
de la faute dolosive.
SECTION II : L’EXISTENCE DE LA FAUTE LOURDE EN DEHORS DU DOL
L’appréciation in abstracto de la faute lourde conduit à donner un sens nouveau à la règle de
l’équipollence : la limitation de responsabilité est écartée en considération du comportement
particulièrement grave du débiteur. « L’ordre public contractuel » est intéressé à ce que
l’auteur d’une faute lourde ne puisse se retrancher derrière une clause l’exonérant en tout ou
en partie de sa responsabilité.
La CIM s’inscrit certainement dans cette perspective lors qu’elle prévoit que la limitation de
responsabilité des transporteurs ferroviaires internationaux sera écartée en cas de dol ou de
faute lourde ; c’est là reconnaître une distinction de nature entre le dol et la faute lourde ; si
celle-ci est admise à sanctionner le transporteur, c’est en raison de la gravité particulière du
manquement. La faute lourde devra revêtir un degré certain de gravité, qui permettra de la
distinguer de la faute légère. Ces deux types de fautes n’ayant pas les mêmes conséquences
juridiques, une distinction claire et nette serait opportune61
.
L’étude de la jurisprudence montre qu’en principe cette gradation existe (Paragraphe I), mais
que les conditions de l’appréciation objective des comportements conduisent à la relativiser
fortement (Paragraphe II).
Paragraphe I : Faute lourde, faute légère : différence de grade
Pour que la responsabilité contractuelle de l’une des parties au contrat puisse être engagée, la
réunion de trois conditions. L’existence d’une faute ayant été à l’origine d’un préjudice subi
par l’autre partie, ce qui suppose un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La gravité de la faute : l’ancien droit avait institué une hiérarchie entre trois types de fautes :
légère, intentionnelle et dolosive, à laquelle était assimilé la faute lourde. Dans l’ancien droit
la hiérarchie des fautes avait une incidence sur le principe même de l’existence de la
responsabilité, certaines fautes n’ayant aucune conséquence juridique. Aujourd’hui, toute
61
Alain SERIAUX : « La faute du transporteur », 2e
édition ECONOMICA, 1998, page 280e
et suivant
34
faute aussi légère soit-elle est susceptible d’engager la responsabilité contractuelle. La
hiérarchie retrouve cependant sa place grâce à la jurisprudence qui lui reconnaît une incidence
sur les limitations de responsabilité.
Dans l’ordre croissant de gravité, l’on pourrait distinguer quatre ou cinq catégories de
fautes 62
:
- La faute légère (ou simple), fruit d’une simple imprudence, négligence de faible
gravité, engage la responsabilité de son auteur, sauf dans les cas où le contrat porte sur
un service rendu à titre gratuit. La faute légère permet également à celui qui s’en
prévaut d’invoquer les limitations de responsabilité, notamment en matière de droit
des transports.
- La faute lourde est celle qui découle d’un comportement d’une extrême gravité qui
tient soit à l’écart de conduite du débiteur soit aux conséquences de la faute du
débiteur. Parfois assimilé à la faute inexcusable, c’est le cas d’un vendeur qui ne
s’assure pas de la sécurité des produits qu’il met sur le marché. Une telle faute a pour
effet d’écarter toute limitation la limitation légale ou conventionnelle, notamment dans
le transport terrestre, permettant ainsi la réparation intégrale des préjudices subis,
prévisibles ou imprévisibles.
- La faute intentionnelle et la faute dolosive constituent le plus haut degré d’échelle de
gravité des fautes. La faute intentionnelle consiste dans le fait d’accomplir un acte
dommageable en pleine connaissance de cause du préjudice que cela va causer à
l’autre partie. La faute dolosive est celle que commet un contractant qui « de propos
délibérés, se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n’est
pas dicté par l’intention de nuire ». Tout comme la faute lourde, ou la faute
inexcusable, la faute dolosive met à l’écart les limitations conventionnelles, générales
ou particulières, de la responsabilité contractuelle. La notion de faute intentionnelle,
qui est plus utilisée en matière d’assurance ou de la responsabilité civile, a pour effet
d’exclure toute assurance et fait échec à toute limitation légale ou conventionnelle au
droit à réparation. Il arrive que le débiteur échappe à sa responsabilité lorsque le
caractère fautif est gommé par une cause d’exonération.
62
Le régime général de la responsabilité contractuelle. www.aesplus.net
35
Cette théorie exposé par Domat et systématiser par Pothier, a été critiqué au 18eme siècle, et
finalement abandonnée sous l’influence de Planiol 63
: « C’est l’obligation qui varie en
étendue et non la faute en gravité » ; … dans la limite ou l’obligation existe, on peut dire que
toute contravention à cette obligation constitue une faute, quelque légère qu’elle soit et sans
distinguer si l’obligation est conventionnelle ou légale. Il s’agit donc de savoir, non pas dans
quelle mesure le débiteur a manqué à son obligation, mais dans quelle mesure il se trouve lié
et quelle somme de diligence il était tenu de fournir ». Le code civil de 1804 n’a pas repris
cette hiérarchie.
Pourtant une série de textes législatifs notamment en droit du travail, ont recréé cette
hiérarchie, en attachant des effets particuliers à la faute intentionnelle, à la faute lourde ou à la
faute grave. Cette hiérarchie permet d’obtenir une responsabilité plus sévère, comme le
montre l’article 1150 du Code civil qui prévoit une aggravation du régime ordinaire de la
responsabilité en cas de dol, c’est-à-dire lorsque l’inexécution a été commise volontairement
avec la pleine conscience du dommage qui peut en résulter, ou l’article 1153 du code civil qui
dans son dernier alinéa prévoit l’octroi de dommages intérêts distincts des intérêts moratoires
en cas de mauvaise foi du débiteur. Elle permet également d’écarter les clauses limitatives ou
exclusives de responsabilité notamment en matière de transport terrestre où tous les contrats-
types limitent la responsabilité du transporteur64
.
On peut penser que la faute ne se réduit pas à l’inexécution de l’acte promis, fait purement
objectif, elle sous-tend souvent un reproche sur la cause de celle-ci, une critique du
comportement du débiteur de l’obligation. En droit des transports la faute est facile à
caractériser : elle est automatique, le transporteur étant tenu d’une obligation de résultat. Nous
savons que la référence à la faute est quotidienne, notamment dans les arrêts de la Cour de
cassation.
On sait que la faute in abstracto se définit essentiellement par rapport aux circonstances du
dommage. Etaient-elles ou non prévisibles ? Le transporteur aurait-il pu leur résister ?
De façon prépondérante, c’est la conscience que le transporteur devait ou pouvait avoir du
risque de dommage qui permet d’apprécier la gravité d’une faute. La faute légère suppose une
63
MALAURIE (P.) et AYNES (L) : « Contrats et quasi contrats ». Obligations, Tome 2, 11e
éditions Cujas 2001
64
GARBAN (M.), Rapport devant la Chambre mixte de la Cour de cassation, sur l’arrêt Chronopost 22 avril
2005. www.courdecassation.fr
36
conscience rudimentaire, née de l’apparence du risque de dommage. La faute lourde devra
donc impliquer une conscience plus aiguë du risque de dommage, voire du dommage tout
court.
La jurisprudence, dans l’ensemble, se montre fidèle à cette perception des différentes fautes.
Cette conscience plus aiguë du risque de dommage que le transporteur devait ou pouvait avoir
est tout d’abord retenue en jurisprudence lorsque la cause du dommage était particulièrement
évidente. Il en est ainsi pour les accidents de trajet dus au heurt du tablier d’un pont dont le
tirant d’air est manifestement inférieur au gabarit du véhicule chargé. Une série de décisions
insistent à ce sujet sur l’évidence particulière du risque de dommage due, selon les cas, au
gabarit exceptionnel du véhicule ou à la reconnaissance préalable de l’itinéraire par le
transporteur65
.
Il en va de même lorsque le transporteur ne s’inquiète absolument pas du chargement et de
l’arrimage de la marchandise, alors que le vice est apparent et qu’il sait que le trajet est
particulièrement accidenté, ou qu’il abandonne de course en plein soleil dans le midi de la
France pendant plus de six heures66
. « L’oubli total de ses obligations » constituera sans
hésitation une faute lourde.
Plus subtilement, la faute lourde est souvent retenue parce que dès le départ, le transporteur
routier a accepté d’acheminer une marchandise manifestement mal chargée ou mal arrimée
par l’expéditeur, sans chercher à y remédier, lui faisant courir un risque grave qui s’est révéler
au cours du déplacement67
. Les juges n’hésitent d’ailleurs pas dans un tel cas à noter qu’en
outre le transporteur négligent n’avait pas adapté sa conduite routière pour, au moins, éviter
que ce risque, dont il ne pouvait pas ne pas avoir conscience, se réalise.
Au cours du déplacement, le transporteur est encore susceptible de connaître plusieurs types
de fautes lourdes : manutention particulièrement peu précautionneuse des colis qui lui sont
confiés68
; erreurs techniques dans l’entretien ou la conduite du véhicule qu’un professionnel
du transport ne saurait commettre tant elles sont flagrantes…
De façon générale, les juges insistent sur la prévisibilité particulière du risque de dommage en
raison tantôt de ce que le transporteur savait, tantôt des instructions qu’il avait reçu de
65
Cass. Com. 11 mai 1976, Dalloz 1976, sommaire, page 64.
66
C. A. Caen 23 avril 1974, BT 1974, page 238.
67
Cass. Com. 7 avril 1987, Bulletin civ. IV, n° 83.
68
C. A. Amiens, 12 mars 1996, BT 1996, page 559.
37
l’expéditeur. L’absence de mesures adéquates au risque ainsi prévisible accuse
indubitablement le transporteur69
.
Cette connaissance nécessaire de ses devoirs que devait avoir le transporteur renforce du
même coup le contenu de son obligation de diligence dont, par contraste, l’inexécution ne
devient que plus gravement fautive.
La gradation entre la faute lourde et la faute légère repose bien sur la distinction entre une
conscience particulière du dommage qu’aurait dû avoir le transporteur et une simple
conscience rudimentaire.
Paragraphe II : Le peu de différence entre faute lourde et faute légère
Le maintien d’une distinction suffisante entre faute lourde et faute légère est essentielle pour
le transporteur. Que la jurisprudence, dans un souci de sanction, lui refuse en cas de faute
lourde la possibilité d’invoquer la clause limitant sa responsabilité, soit. Mais qu’une
interprétation excessivement large de la notion de faute lourde aboutisse à rendre le
transporteur, de manière systématique intégralement responsable du dommage qu’il a causé,
c’est rendre inutile toute prévision contractuelle et, au-delà, remettre en cause la raison d’être
du contrat et de l’entreprise.
La jurisprudence semble avoir pris en compte cet effet. Plusieurs arrêts disposent que la faute
du transporteur est bien établie, mais qu’elle n’est pas suffisamment grave pour être
considérée comme lourde70
. En d’autres termes, la cause du dommage pouvait bien être
prévue ou pouvait être évitée, mais elle ne possédait pas cette évidence telle que le
transporteur pu aisément la prévoir et l’enrayer.
Plus significatives encore sont les décisions qui, tout en reconnaissant que la cause du
dommage ne constitue pas un cas de force majeur, ce qui revient à admettre la faute du
transporteur, refusent en même temps de voir dans cette faute un manquement lourd71
.
Dans cette perspective, le critère de distinction entre faute lourde et faute légère apparaît
clairement. Chaque fois que le transporteur pouvait invoquer avec succès des motifs
expliquant, même partiellement, son inexécution, la faute lourde ne saurait être retenue : la
69
Cass. Com. 15 novembre 1988, BT 1989, page 450
70
Cass. 1er
Civ. 3 juin 1970, Dalloz 1971, page 373, note du professeur CHAUVEAU.
71
C. A. Paris, 27 mai 1980, BT 1980, page 435.
38
conscience que le transporteur aurait dû avoir des risques de dommage n’est pas suffisamment
claire ; l’on demeure donc dans le domaine de la faute légère.
Cependant il faut relativiser cette distinction entre les deux fautes, pour être susceptible de
réduire la conscience que le transporteur devait avoir, les motifs allégués doivent être eux-
mêmes exempts de fautes. Le transporteur ne peut prétendre se retrancher derrière des raisons
qu’il a lui-même, par sa carence, contribuées à faire naître72
. Or, il ne faut pas oublier que le
transporteur est un professionnel. L’expéditeur qui s’adresse à lui est en droit d’attendre de sa
part une conscience des risques de dommage beaucoup plus aiguë que la moyenne. A la limite,
cette conscience sera présumée. Si bien que, dès l’instant où l’on pourra relever une raison
quelconque pour que le transporteur puisse avoir conscience du danger, la faute lourde sera
retenue.
La jurisprudence tend, tout d’abord, à admettre que la simple apparence des risques de
dommage suffit à constituer la faute lourde : même en présence de motifs certains pour croire
que le dommage ne surviendra pas, l’inexécution prouvera la faute lourde73
.
Les motifs de l’inexécution deviennent superfétatoires dès l’instant où la conscience du risque
de dommage est présumée chez le transporteur. Dès lors, les juridictions auront tendance à
admettre que toute violation d’une obligation comprise dans la sphère de diligence normale du
transporteur constitue une faute lourde.
De fait, bon nombre d’arrêts se bornent à constater matériellement l’existence d’un
manquement et le qualifient aussitôt de grave. Par exemple, pour le vol de marchandises dans
un véhicule que le chauffeur avait abandonné durant cinq minutes pour effectuer une
livraison : le chauffeur aurait dû être accompagné74
.
Certaines décisions vont jusqu’à admettre un véritable renversement du fardeau de la preuve
de la faute lourde. Sur la base d’un simple relevé de l’occasion d’ailleurs mal connue du
dommage, elle considère qu’il revient au transporteur de se disculper et qu’admettre le
contraire « conduirait à une impunité de principe » ou que « le simple énoncé (par
l’expéditeur) de la cause du dommage, non déniée, suffit à justifier ses prétentions, sauf au
72
Tribunal commercial de Paris 7 novembre 1973, BT 1973, 514.
73
Tribunal commercial de Paris 11 janvier 1980, BT 1980, 94.
74
C. A. Besançon 30 septembre 1958, 306.
39
transporteur à se disculper »75
. La Cour d’Amiens76
n’a pas hésité à affirmer que : « Attendu
qu’il est certain que constitue une faute lourde pour un transporteur le fait d’engager son
véhicule sous un pont sans s’assurer de savoir si la hauteur libre est suffisante pour permettre
le passage du chargement ». En relevant la faute lourde, les juges s’efforcent au fond de
donner une leçon de conduite aux transporteurs et l’on sent bien qu’ici résident une
appréciation a posteriori de la diligence qu’aurait dû avoir le transporteur77
. Il s’agit là
pourtant, « de véritables arrêts de règlement : ils posent un principe sans avoir égard à la
moindre des circonstances de nature à apprécier concrètement la gravité du comportement du
transporteur ».
Ces arrêts n’auraient-ils pas mérité d’encourir la censure de la Cour de Cassation, qui exige
des juges du fond qu’ils précisent les circonstances constitutives de la faute grave ? De fait,
des jugements juges du fonds ont encore été récemment cassées car leurs motifs, trop
généraux, ne permettaient pas à la Cour « d’exercer son contrôle sur le degré de gravité de la
faute du transporteur78
». Il reste que le silence gardé par ces décisions sur la conscience que
devait avoir le transporteur du risque de dommage n’implique aucune conception matérielle
de la faute lourde. Au fond, les juges estime implicitement l’idée qu’un professionnel du
transport doit être capable d’une conscience du danger – son pain quotidien – bien plus élevée
qu’un profane.
La Cour de cassation a paru prendre conscience de ces risques de dérives. A partir de 1985
elle a tâché d’encourager les juges du fond à se montrer plus circonspects en élaborant elle-
même « une formule au tour restrictif ». La faute lourde y est définie comme « une négligence
d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son
action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée 79
». Maintenue
vaille que vaille jusqu’à nos jours, une telle formule a-t-elle obtenu le résultat escompté ? Il
paraît difficile de l’admettre. La Cour de Cassation s’en est surtout servi, pour casser les arrêts
ou jugements insuffisamment motivés, qui ne relevaient pas les circonstances précises
susceptibles d’accuser le transporteur. Elle a rejeté au contraire les pourvois déférés devant
elle dès lors que les juges du fond avaient précisé concrètement en quoi le transporteur leur
paraissait coupable de faute lourde.
75
C. A. Aix 12 mai 1987, BT 1988, 291.
76
27 octobre 1993, BT 1993, 838.
77
C. A. Paris, 17 février 1988, BT 1988, 685.
78
Cass. Com. 8 juin 1993, Bulletin civ. IV, n° 238.
79
Cass. Com. 26 février 1985, Bulletin civ. IV, n° 82.
40
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Fautes lourdes

  • 1. Sommaire Sommaire ........................................................................................Erreur ! Signet non défini. INTRODUCTION...........................................................................Erreur ! Signet non défini. PARTIE I : LA NOTION DE FAUTE LOURDE ..........................Erreur ! Signet non défini. CHAPITRE I : LA DEFINITION DE FAUTE LOURDE .......Erreur ! Signet non défini. Section I : L’élément subjectif : la négligence fautive............Erreur ! Signet non défini. Section II : L’élément objectif : la violation d’une obligation essentielle.Erreur ! Signet non défini. CHAPITRE II : LES LIENS ENTRE FAUTE LOURDE ET DOLErreur ! Signet non défini. SECTION I : La faute lourde un moyen d’étendre la notion de dolErreur ! Signet non défini. SECTION II : L’existence de la faute lourde en dehors du dolErreur ! Signet non défini. PARTIE II : LES CONSEQUENCES DE LA FAUTE LOURDE DANS LE DROIT DES TRANSPORTS ...............................................................................Erreur ! Signet non défini. CHAPITRE I : LA FAUTE LOURDE SANS INCIDENCE SUR LA LIMITATION DE RESPONSABILITE....................................................................Erreur ! Signet non défini. SECTION I : De la faute lourde à la faute inexcusable ..........Erreur ! Signet non défini. Section II : Le rapprochement entre faute lourde et faute inexcusableErreur ! Signet non défini. CHAPITRE II : LA FAUTE LOURDE ECARTANT LA LIMITATION DE RESPONSABILITE....................................................................Erreur ! Signet non défini. SECTION I : La responsabilité totale du transporteur............Erreur ! Signet non défini. Section II : Les autres incidences de la faute lourde...............Erreur ! Signet non défini. CONCLUSION ...............................................................................Erreur ! Signet non défini. ANNEXE I : Clause syndicale vol 2002.........................................Erreur ! Signet non défini. BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................Erreur ! Signet non défini. INDEX ALPHABÉTIQUE.............................................................Erreur ! Signet non défini. 1
  • 2. INTRODUCTION Cette étude a pour objet d’examiner une particularité du transport terrestre en ce qu’il consacre une importance particulière à la faute qualifiée. Dès lors qu’il a pris en charge la marchandise et jusqu’à ce qu’elle et jusqu’à ce qu’elle soit délivrée, le transporteur en est responsable. Seulement ce n’est pas le seul domaine ou la faute lourde peut être invoquée ; elle peut être invoquée en droit du travail, notamment en matière de licenciement d’un travailleur fautif, elle est définie dans ce cas par la jurisprudence comme une faute d’une exceptionnelle gravité, commise avec l’intention de nuire à l’employeur. Les exemples de faute lourde les plus fréquents concernent des cas de malversation, de divulgation de secrets de l’entreprise, ou d’actes de concurrence tels que la constitution, avant l’expiration du contrat de travail, d’une entreprise concurrente. L’intention de nuire à l’employeur est un élément constitutif de la faute lourde, qui doit être établie, indépendamment de la gravité des faits. La faute lourde est privative : non seulement de toute indemnité de préavis ou de licenciement, mais encore de l’indemnité compensatrice de congés payés. On retrouve la faute lourde notamment en droit civil qui est la faute particulièrement grossière faite par le débiteur d’une obligation qui dénote son incurie ou son insouciance à l’égard des environnements auxquels il est confronté. Dans la hiérarchie des fautes elle s’intercale entre la faute simple et le dol. 2
  • 3. La faute lourde est également rencontrée en matière de droit administratif, dans ce cas elle s’oppose à la faute simple, non pas sur le critère de l’importance des préjudices mais sur celui de la gravité du comportement fautif1 . La jurisprudence a parfois caractérisé la faute lourde selon la difficulté que représentait l’exécution de l’activité pour l’administration. Le juge administratif et le législateur l’exigent parfois pour engager la responsabilité de l’administration. Notamment dans les domaines régaliens tels que la justice et la police administrative. En effet, la faute lourde est également exigée quand l’autorité n’a qu’une activité de contrôle (notamment pour les autorités administratives indépendantes), ou de tutelle. Suivant la discipline envisagée, la faute lourde est défini différemment, nous retiendrons parmi toutes les définitions qui ont pu être données, celle que la jurisprudence a donné à la faute lourde dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 1951 qui la définit comme : « une négligence d’une extrême gravité, confinant au dol, et dénotant l’inaptitude (de son auteur) à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a accepté ». En application de ce critère tout théorique telle faute pourra apparaître comme bénigne, ou tout au moins normale, et telle autre comme lourde, l’appréciation du degré de négligence ne pouvant éviter une certaine subjectivité. Les conséquences de cette difficulté de classification peuvent être considérables. Les textes internationales sur le droit des transports notamment la Convention de Genève sur le transport de marchandise du 19 mai 1956, dite CMR, la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée par le protocole modificatif du 23 février 1968, dit règles de Visby, concernant le transport maritime et la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 en ce qui concerne le droit aérien consacre une responsabilité « de plein droit, objective » du transporteur. Tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne l’acheminement de la marchandise. Les solutions juridiques préconisées par ces conventions allaient renforcer la nature objective de la responsabilité des transporteurs2 . Affirmer la responsabilité de plein droit des transporteurs implique, en négatif, que la faute est indifférente à l’attribution de cette responsabilité. Si un examen rapide des circonstances du dommage permet de l’établir, elle sera sans doute suffisante à engager la responsabilité. Mais 1 Définition donnée par WILKPEDIA, fr.wikipedia.org 2 Ghislain de MONTEYNARD : «Le contrôle par la Chambre commerciale des fautes qualifiées des transports routiers de marchandises », www.courdecassation.fr 3
  • 4. si rien ne permet de la constater, la situation du transporteur ne change pas pour autant : il demeure garant de la réparation du dommage subi par son cocontractant. Sur le plan des principes, cette approche se vérifie sans difficulté. Sauf exceptions très rares, le législateur dispose que les transporteurs seront présumés responsables de plein droit de tous les dommages nés de pertes partielles ou totales, d’avaries aux marchandises ou de retard dans l’acheminement des biens. De même, les transporteurs de personnes devront garantir les passagers des blessures, voire des accidents mortels3 . Sur le plan pratique, dans la réalité vécue par les entreprises de transport et leurs ayants droits, cette approche se vérifie encore. Se sachant garants des dommages soufferts par leurs cocontractants, les transporteurs ne font en principe aucune difficulté pour indemniser les victimes dans les limites établies par le contrat ou par la loi. L’examen de la jurisprudence conduit justement à se montrer plutôt réservé sur la portée du principe de la responsabilité de plein droit des transporteurs. La faute, en effet, va se trouver réinsérée dans le débat judiciaire, par une porte apparemment assez étroite : celle des exonérations qui sont offertes aux transporteurs. L’ensemble de ces textes offre une sécurité à la victime dont le droit à une indemnisation s’exerce contre le débiteur d’une obligation de résultat. Mais, cette sécurité est limitée par le montant. Ainsi chaque texte a fixé la limitation de responsabilité notamment la CMR mais aussi les contrats types qui régissent le transport terrestre en l’absence de dispositions contractuelles signées entre les parties. Le contrat de transport étant avant tout un contrat par définition, il se trouve naturellement soumis aux règles générales des obligations (articles 1101 à 1396 du Code civil) et se trouve donc soumis à l’article 1134 alinéa 1 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Les cocontractants se trouvent donc soumis à une limitation de responsabilité qui aurait été insérée dans le contrat de transport, la loi n’interdisant pas de telles clauses. Les textes nationaux comme internationaux prévoient souvent que les transporteurs peuvent s’exonérer en vertu de cas exceptés. Ce sont des causes objectives de dommages auxquelles le législateur confère une vertu exonératrice. Leur liste peut être plus ou moins longue, mais leur nature ne change pas. 3 Alain SERIAUX : « La faute du transporteur », édition ECONOMICA, 1998, page 11 4
  • 5. Le cas excepté est en effet conçu comme une cause d’exonération purement objective qui n’implique aucune appréciation du comportement du transporteur. Le transporteur pourra aussi invoquer la force majeure pour dégager sa responsabilité lorsqu’elle est mise en jeu. Nombreux sont les textes qui en droit des transports, se réfèrent à la notion de force majeure. Certains comme les articles 103 du Code de commerce et 1784 du Code civil emploient l’expression même de « cas fortuit » ou de « force majeure ». Les textes internationaux ont recours à d’autres formules telles que des « circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier » (article 17 § 2 CMR et article 36 § CIM). Souvent, la force majeure prouvée joue aux yeux de la jurisprudence le rôle de cause d’exonération « fourre-tout ». Pour pouvoir invoquer la force majeure, le transporteur doit justifier qu’il n’a pas commis de faute, mais aussi qu’il a accompli une certaine diligence pour empêcher la cause du dommage. S’il ne tente pas de faire cette preuve, il demeurera totalement responsable. Il est nécessaire de rappeler que ni les cas exceptés, ni la force majeure ne permettent l’exonération du transporteur, lorsqu’il a commis une faute susceptible de faire tomber la limitation de responsabilité. En effet le droit des transports connaît un certain nombre de dispositions qui rendent inopposables les causes d’exonération légalement prévues en faveur du transporteur lorsque celui-ci commet une faute qualifiée. En ce sens l’article 29 de la Convention de Genève de 1956 (CMR) est très explicite et stipule que « Le transporteur n’a pas le droit de se prévaloir des dispositions du présent chapitre (relatif à la responsabilité du transporteur) qui excluent ou limitent sa responsabilité ou qui renversent le fardeau de la preuve, si le dommage provient de son dol ou d’une faute qui, d’après la loi de la juridiction saisie est considérée comme équivalente au dol ». Les termes employés par l’article 29 montrent bien le refus de prendre en considération, en présence d’une faute grave du transporteur, l’existence des cas exceptés4 . Les ayants droits de la marchandise pourront ainsi échapper aux clauses limitatives de responsabilité d’une part en faisant une déclaration de valeur qui est le moyen le plus simple pour un expéditeur de ne pas se voir opposer les clauses limitatives de réparation. Tous les 4 Alain SERIAUX op. Cit. 5
  • 6. contrats types prévoient cette possibilité pour le donneur d’ordre de déclarer la valeur de la marchandise, du moins la valeur que lui donneur d’ordre, fixe au chargement confié. Il s’agit donc d’une procédure purement contractuelle, qui a pour effet d’élever l’indemnisation due par le transporteur, des dommages justifiés sans rien modifier sur le principe de sa responsabilité. En cas de force majeure ou d’un cas d’exonération, le transporteur n’aura rien à régler5 . Pour le retard la même procédure existe, avec pour la possibilité pour le donneur d’ordre de faire une déclaration d’intérêt spécial qui substitue, ici aussi et avec les mêmes effets, le montant prévu initialement, c'est-à-dire le montant du prix du transport. D’autre part faisant application des principes qui gouvernent la responsabilité contractuelle, la jurisprudence a admis que, fût-ce en présence de Convention internationale ou de texte législatif, une faute qualifiée permettait à la victime d’échapper à la limitation de responsabilité dont bénéficie le transporteur. Elle consacre précisément l’existence d’une faute lourde en matière de transport terrestre. Cependant, la faute lourde est difficile à appréhender, elle ne figure dans aucun texte législatif, c’est une définition qui provient d’une construction strictement jurisprudentielle, et elle qui prend en compte les éléments purement factuels. Dans la recherche de qualification de la faute lourde, nous avons voulu envisager dans une première partie de notre travail la notion de faute lourde et dans une seconde partie les conséquences de la faute lourde sur la responsabilité du transporteur. 5 Daniel HOENIG : « pratique du transport terrestre », Cours et textes de références, CDMT, Aix-Marseille III, 2006, page 86 6
  • 7. PARTIE I : LA NOTION DE FAUTE LOURDE Parler de la notion de faute lourde reviendrait à définir la faute lourde, définition qui on le verra suscite un débat doctrinal très intéressant mais aussi est à l’origine d’une jurisprudence très importante. Cela nous amènera à envisager la notion de la faute lourde par rapport au dol qui produise les mêmes effets. 7
  • 8. CHAPITRE I : LA DEFINITION DE FAUTE LOURDE Le droit des transports illustre bien, grâce à la multiplicité des textes le régissant, les deux modalités fondamentales par lesquelles le législateur et tribunaux recourent à la notion de faute lourde. La jurisprudence a mis en exergue d’une part la négligence caractérisée synonyme de faute lourde et d’autre part, la violation d’une obligation essentielle qui était constitutive d’une faute lourde jusqu’à une jurisprudence récente qui a remis en cause cette solution. SECTION I : L’ELEMENT SUBJECITIF : LA NEGLIGENCE FAUTIVE Il faut savoir que cet élément subjectif se dégage de multiples solutions jurisprudentielles. En effet les juges font une appréciation des faits qui leurs sont soumis et feront une appréciation au cas par cas pour pouvoir se prononcer sur la faute lourde. La Cour de Cassation exerce sur ce point un contrôle important et primordial « mais la diversité des situations de faits n’a pas permis d’atteindre une suffisante netteté », la faute lourde consiste en une erreur grossière « une incurie grave » d’une négligence patente démontrant l’inaptitude de son auteur à remplir à remplir son obligation acceptée par lui, elle est caractérisée la plupart du temps par le vol de marchandise (Paragraphe I). Mais la faute lourde est aussi caractérisée par la faute grossière de manutention ou de conduite Paragraphe (II). Paragraphe I : Le Vol de marchandise 8
  • 9. Le vol de marchandises est l’exemple patent en matière de faute lourde, c’est le domaine par excellence ou les circonstances détermineront si une faute lourde du transporteur pour être retenue. Le sujet est vaste et cela concerne aussi bien les vols de marchandises elles mêmes que les vols de convois en entier. Il est certain que tout est une question factuelle. Le juge va vérifier si le transporteur avait connaissance de la valeur de la marchandise confiée et sur les conditions de stationnement du convoi. Ainsi il ressort d’un arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 17 mai 1988 qu’un transporteur s’était engagé à transporter un piano datant de 1830, il n’a pas pu faire sa livraison, ne pouvant avoir accès au local de livraison. Il ne demanda pas d’instruction ni au destinataire, ni à son donneur d’ordre. Le véhicule fut alors laissé plusieurs jours en fin de semaine sur la voie publique et fut volé avec l’instrument de musique. La faute lourde est retenue contre le transporteur. Le juge d’appel considère en effet que « considérant que c’est à bon droit que les premiers juges ont qualifié de faute lourde le fait pour le transporteur d’avoir laissé le véhicule contenant le piano en stationnement pendant plusieurs nuits sur la voie publique (les portes du camion fussent-elles verrouillées et le stationnement eût-il eu lieu non loin du domicile du préposé du voiturier ». Pour tenter de s’exonérer le transporteur argumentait sur le fait que qu’il y’avait impossibilité de livrer le matériel confié, ceci par faute du destinataire absent au moment de la livraison, et qu’il ne pouvait rentrer le camion dans son garage par suite une panne sur un autre véhicule. Par ailleurs, il avait garé le camion sous ses fenêtres. Le juge ne l’entend pas ainsi, il considère d’abord que « l’absence momentanée du destinataire lors de la livraison d’un objet ne saurait constituer pour un voiturier un événement imprévisible dont il ne pourrait surmonter les effets », le juge ajoutant « qu’il appartenait au transporteur de garer le véhicule dans un entrepôt »6 . A travers la faute lourde, l’obligation du transporteur est de se comporter comme un voiturier soucieux de prendre soin de la marchandise dont le transport lui avait été confié. C’est à lui seul, ayant la maîtrise du transport jusqu’à la complète livraison de prendre toute disposition pour sauvegarder et protéger le chargement, quitte à demander les ordres à son donneur d’ordre et lui demander réclamation d’un supplément pour la livraison7 . 6 Cour d’appel de Paris (5° chambre, Section A) 17 mai 1988 Mme DEPRESLE c/ Mme STARKIER, B. T 1988, page 623. 7 Daniel HOENIG : « Pratique du transport terrestre » Op. Cit. Page 94. 9
  • 10. Nous pouvons constater que le délai de stationnement est l’un des fondements retenu couramment pour retenir la faute lourde à l’encontre du transporteur. Ainsi le fait pour un transporteur de laisser 4 jours et 4 nuits un convoi sans surveillance sur l’aire de manutention d’un ferrouteur démontre une négligence particulièrement grave. Il est intéressant de constater dans cette affaire que le ferrouteur ne fut pas tenu pour responsable par application du contrat. Le montant du préjudice peut permettre au juge de retenir ou non la faute lourde, plus le chargement a de la valeur plus l’obligation de surveillance est stricte. Ainsi le stationnement sur la voie publique la nuit en un lieu éclairé n’est pas en soi une faute lourde, mais malheur au chauffeur qui déclare lors du dépôt de plainte pour vol, qu’il connaissait la valeur du chargement, si celui-ci est onéreux. La Cour d’Appel de Versailles considère ainsi que laisser dans ces conditions un chargement d’armoires électriques d’une valeur de 2 ou 3 millions de francs est consécutif d’un manquement grave et donc de faute lourde, le transporteur devant prendre plus de précaution et parquer son convoi en un lieu surveillé. Aucun lieu de stationnement en l’absence d’une surveillance efficace n’est une garantie pour le transporteur. Par exemple un transporteur avait garé sa semi-remorque bâchée près d’une gendarmerie. L’accès au convoi était facilité par le fait qu’aucun dispositif de sécurité n’était installé. Le chauffeur dormait à l’intérieur du véhicule dans la cabine. Le chargement était composé de petits colis facilement déplaçables. La bâche fut découpée et le chargement partiellement volé. La faute lourde est retenue contre le transporteur8 . L’emploi d’engin bâché fait l’objet de nombreux contentieux. L’arrêt le plus utopique a été rendu le 3 avril 2002 « justifie légalement sa décision en retenant que le transporteur avait commis une faute lourde et en écartant une clause de limitation de responsabilité, l’arrêt qui relève que le transporteur a laissé le véhicule avec son chargement en stationnement durant la nuit sur la voie publique et sans surveillance ». Cet arrêt récent se fait en définitive l’écho de jurisprudences constantes des juges du fond. Le transporteur ne peut abandonner son véhicule de nuit sur la voie publique9 . Mais ces circonstances vont être appréciées en tenant compte de la durée ou des éléments particuliers de l’abandon. C’est ainsi que le 16 novembre 1993 la Chambre commerciale a approuvé les juges du fond d’avoir décidé qu « la circonstance qu’un véhicule, volé avec son chargement, ait été laissé sans surveillance, mais fermé et équipé d’un dispositif anti-vol, en 8 Cass. Com. 14 novembre 1989, B. T. 1990, page 256 9 Cass. Com. 3 avril 2002, Bulletin de la Cour n° 68 10
  • 11. stationnement 80 minutes environ sur un parc de stationnement privé, ne constituait pas une faute lourde du transporteur » 10 .Le critère important tient au temps relativement court d’abandon du véhicule. Il en est toutefois différemment dès lors que le véhicule n’a été abandonné qu’un laps de temps très court, mais dans une rue de Paris, clés sur le tableau de bord et moteur en marche…(Com. 25 octobre 1994)11 . En revanche le vol dans un véhicule, contenant des pièces d’orfèvreries, garé une partie de la nuit, non pas sur la voie publique mais sur l’aire de repos de la gare routière de Garonor dont les entrées et les sorties sont en permanence surveillées, tandis qu’en outre les colis avaient été placés dans la remorque à l’intérieur de bacs fermés à clef et que les cambrioleurs avaient du se livrer à diverses effractions avant de pouvoir s’approprier la marchandise n’a pas été considéré comme révélateur d’une faute lourde du transporteur12 , Com 14 juin 1994. Le critère évident retenu par la Cour tient au fait que le véhicule n’était pas abandonné sur la voie publique mais dans une enceinte gardée. Ce dernier arrêt est à rapprocher d’un arrêt récent de la Chambre commerciale rendu le 3 avril 2002 qui approuve les juges du fond d’avoir écarté toute faute lourde du transporteur tandis que le chauffeur avait garé le véhicule et son chargement dans la cour fermée du transporteur, contre un quai de déchargement, en vue de bloquer les portes, avait verrouillé le camion et enclenché l’antivol et que le vol avait été commis par effraction du portail et d’une portière du véhicule. Pourtant le véhicule contenait de l’alcool et aucune surveillance n’a été exercée sur le véhicule pendant la nuit. Le critère le plus important tient au « blocage » du camion contre un quai13 . Paragraphe II : La faute grossière de conduite ou de manutention La faute lourde peut aussi se déduire d’une faute grossière de conduite ou de manutention, on retiendra en ce sens plusieurs arrêts de la Cour de Cassation. Un arrêt de la Chambre Commerciale du 3 mars 1998, approuve une Cour d’Appel d’avoir retenu la faute lourde du transporteur aux motifs suivants « mais attendu que l’arrêt relève que le transporteur dont le camion était chargé de marchandise, roulait à une vitesse de 60 kilomètre heure environ sur 10 Cass. Com. 16 novembre 1993, Bulletin de la Cour n° 414 11 Cour. Com. 25 octobre 1994, Bulletin de la Cour, civ. n° 150 12 Cass. Com. 14 juin 1994, Bulletin, civ. n° 220 13 Cass. Com. 3 avril 2002, Bulletin, civ. n°67 11
  • 12. un tracé de route limité à 20 kilomètre heure, que le virage ou l’accident s’est produit est dangereux et ne pouvait être négocié sans danger à la vitesse à laquelle il l’a été »14 . De même dans son arrêt du 17 novembre 1992, la Chambre commerciale approuve une Cour d’Appel qui a retenu une faute lourde pour « un transporteur qui avait endommagé un chargement de grande valeur en passant sous un pont trop bas, la Cour d’Appel a relevé que si l’ouvrage présentait des hauteurs différentes à l’entrée et à la sortie, il appartenait au transporteur, tenu d’une obligation particulière de vigilance, de s’assurer qu’il pouvait franchir le pont sans danger »15 . Mais un an plus tard la Chambre Commerciale a cassé un arrêt au seul visa de l’article 455 du nouveau code de procédure civile au motif que la Cour d’Appel s’était bornée à énoncer que le transporteur était passé sous un pont avec un chargement trop élevé et dont la hauteur libre était insuffisante, la généralité de ce motif ne permettant pas à la Cour de Cassation d’exercer son contrôle, c’est un arrêt rendu le 8 juin 199316 . Il faut savoir cependant que l’incertitude quant aux circonstances de la disparition de la marchandise ne signifie pas que le transporteur s’est rendu coupable d’une faute lourde. La Chambre Commerciale est constante sur ce point depuis 1985, avec 2 arrêts (26 février 1985, 25 juin 1985), dernièrement elle a rendu deux arrêts qui confirment l’existence d’une pérennité jurisprudentielle17 . De même la Chambre Commerciale de la Cour Cassation, par exemple, a admis la faute lourde dans le cas de la remise d’un colis à un mauvais destinataire, cela ressort d’un arrêt : Com.11juillet 199518 , ou dans le cas d’une société de matériel informatique qui avait failli à son engagement d’intervenir sur le site de son client dans un délai de 48 heures, cela ressort d’un arrêt de la Chambre Commerciale, du 17 juin 2001, elle a même considéré que la faute d’un tiers n’excluait pas que celle du débiteur puisse être qualifiée de lourde ceci dans un arrêt rendu par la Chambre Commerciale le 19 novembre 199619 .(a chercher) 14 Cass. Com. 3 mars 1998, Bulletin, civ. n° 92 15 Cass. Com. 17 novembre 1992, Bulletin n° 366 16 Cass. Com. 3 juin 1993, Bulletin n° 238 17 Cass. Com. 9 mai 1995, Bulletin n° 140, « N’ayant pas constaté, contrairement aux allégations du moyen, que les conditions du transport ne permettaient pas de connaître par quel véhicule la marchandise était transportée, ni quel était le conducteur responsable de celui-ci et qu’elles mettaient le transporteur dans l’impossibilité absolue de donner le moindre renseignement sur la cause et les circonstances de la perte des colis litigieux, une Cour d’appel a pu retenir, en l’état du litige tel qu’il lui était soumis, que le seul fait pour le transporteur de ne pouvoir donner éclaircissements sur les causes et les circonstances de la perte n’établissait pas l’existence d’une faute lourde ». 18 Cass. Com. 11 juillet 1995, Bulletin civ. IV, n° 215. 19 Cass. Com. 19 novembre 1996, Bulletin civ. IV, n° 280. 12
  • 13. Cependant par un arrêt du 9 décembre 199720 , la Chambre commerciale a rendu une décision qui mérite une certaine attention : au visa de l’article 1150 du code civil, elle a cassé un arrêt qui n’avait pas retenu de faute lourde à l’encontre d’un transporteur qui avait laissé son véhicule « certes sans surveillance mais avec au moins l’antivol enclenché, de jour, près d’un lieu fréquenté, pendant un bref laps de temps et pour un motif légitime ».Les éléments de cassation sont les suivants : la Cour d’Appel aurait dû rechercher si, en tant que professionnel du transport, le voiturier pouvait ignorer les risques encourus par les transporteurs en Italie et les recommandations des assureurs de la profession de ne faire stationner les véhicules de transport de marchandises que dans les parcs gardés, et si, malgré ces mises en garde, le camion chargé de marchandises de valeur n’avait pas stationné sans surveillance sur la voie publique d’une ville italienne, tandis qu’arrivé à Milan vers 19 heures 30, après la fermeture du service des douanes, le chauffeur aurait pu mettre son véhicule dans un emplacement gardé proche du lieu de dédouanement et éviter d’effectuer un déplacement supplémentaire d’une dizaine de kilomètres, pour dîner avec un autre chauffeur dans un restaurant d’où il ne pouvait exercer aucune surveillance sur son camion, lequel était dépourvu d’un système de sécurité supplémentaire exigé par l’assureur et donc plus facile à dérober. Deux éléments doivent particulièrement attirés l’attention : la Chambre commerciale n’a pas censuré l’arrêt pour insuffisance de motif mais pour manque de base légale au regards des règles gouvernant la limitation de responsabilité contractuelle (article 1150 du code civil). Cela témoigne, d’une part de l’existence d’un contrôle plus étendu que le simple contrôle des motifs (a pu) ainsi que les arrêts de rejet auraient pu le suggérer, et d’autre part, d’une volonté de la part de la Cour de cassation, de proposer des critères gouvernant la faute lourde. Cet arrêt n’est pas resté isolé. Un arrêt récent de la Chambre commerciale, a retenu que l’agression d’un chauffeur 60 kilomètres au-delà de la frontière française, mais en Italie, n’était pas exonératoire pour le transporteur, qui aurait, malgré les mises en garde des assureurs, dû se stationner en France21 . 20 Ghislain de MONTEYNARD : « Le contrôle par la Chambre commerciale des fautes qualifiées des transports routiers de marchandises », www. courdecassation. com. 21 Cass. Com. 29 février 2000, Bulletin n° 45 : « manque de base légale au regard de l’article 17 alinéa 2, de la Convention de Genève, l’arrêt qui, pour exonérer le transporteur de sa responsabilité, retient au titre de la force majeure l’agression subie par le chauffeur en Italie sur une aire de station service située à 60 kilomètres environ de la frontière française, sans rechercher si, en tant que professionnel, le transporteur pouvait ignorer les risques encourus par les transporteurs en Italie, ainsi que les recommandations des assureurs et de la profession et de la profession de ne faire stationner les véhicules de transport de marchandises que dans les parcs gardés, et si 13
  • 14. Il n’est peut être pas évident que le critère géographique soit le critère dirimant : - le critère géographique n’est pas le critère principal retenu par l’arrêt de février 2000 ; - il n’appartient pas à la Cour de cassation de consacrer une présomption de l’homme, - la mise en œuvre de ce critère est aléatoire. Sans consacrer une extension de la jurisprudence « italienne » sur le sol de France, la Chambre par son arrêt du 28 novembre 200022 , ne s’est en définitive fondée que sur l’existence d’instructions précises tandis que le pourvoi entraînait la Chambre sur une systématisation du critère géographique, ou plutôt sur une extension de la jurisprudence « italienne » au sud de la France. Le même type de difficulté concerne les acheminements effectués à destination de la Russie23 . Tout cela montre que même si elle n’implique pas la preuve d’une intention malicieuse du responsable, la faute lourde est caractérisée par une négligence très grave, une erreur grossière ou un comportement inadmissible, en s’attachant à « la conscience qu’a eue ou qu’aurait dû avoir le débiteur des risques crées par son comportement ». Ainsi la négligence très grave du transporteur peut caractérisée une faute lourde cependant, avant une jurisprudence très récente qui est venu redéfinir la faute lourde, la faute lourde était aussi caractérisé par la violation d’une obligation essentielle. SECTION II : L’ELEMENT OBJECTIF : LA VIOLATION D’UNE OBLIGATION ESSENTIELLE Comme nous l’avons dit plus haut « la violation d’une obligation essentielle suffisait à caractériser la faute lourde, dans l’état antérieur de la jurisprudence (Paragraphe I) ; cependant la jurisprudence semble aujourd’hui remettre en cause la jurisprudence par l’arrêt Chronopost (Paragraphe II). malgré ces mises en garde, le chauffeur n’aurait pas pu stationner son véhicule en France, pour déjeuner et faire sa toilette, au lieu de faire 60 kilomètres plus loin en Italie ». 22 Cass. Com. 28 novembre 2000, Bulletin n° 188 : « attendu que pour écarter la faute lourde du voiturier et faire application de la clause limitative de responsabilité…, l’arrêt retient que le chauffeur qui ignorait la valeur de la marchandise qu’il transportait, a stationné son véhicule sur le parking de Donzère de l’autoroute dont il n’est pas établie qu’il était réputé pour son insécurité et qu’étant resté dans son véhicule, il ne l’avait pas abandonné sans surveillance. 23 Ghislain de MONTEYNARD, op. Cit. 14
  • 15. Paragraphe I : L’état antérieur de la jurisprudence Il pèse sur le transporteur une obligation de connaissance nécessaire de ses devoirs, et cela renforce du même coup le contenu de son obligation de diligence dont, par contraste, l’inexécution ne devient que plus gravement fautive. Aussi bien souvent la jurisprudence insistera directement sur l’importance de l’obligation que le transporteur devait remplir. « Obligations essentielles », diront les tribunaux. Le transporteur qui ne les respecte pas ne peut ne peut qu’avoir conscience du dommage qui en découlera fatalement pour l’ayant droit. L’expression obligations essentielles, ne semblent d’ailleurs pas, au moins en droit des transports, avoir un contenu objectif : la jurisprudence n’oppose jamais réellement aux obligations « essentielles », des obligations qui ne seraient qu’accessoires. L’insistance sur le caractère essentiel vise plutôt l’importance que le transporteur devait attacher à remplir cette obligation et, par voie de conséquence, la diligence accrue qu’il devait fournir. Ainsi peut on classer dans la catégorie des « obligations essentielle », des obligations aussi générales que le soin à fournir aux marchandises confiées au transporteur. Le capitaine qui installe dans ses cales des porcs en vrac, sans litière, avec des mangeoires cassées et de l’eau distribuée de façon rudimentaire, pourra être taxé, de « carence complète, insouciance constante, méconnaissant absolument les intérêts de l’expéditeur ». La jurisprudence qualifie généralement d’obligations essentielles des obligations précises auxquelles l’ayant droit attachait une importance particulière. Tel est le cas de la livraison à un destinataire déterminé ; l’erreur de livraison sera, dans cette hypothèse, jugée grossière24 . Il en va de même de retard trop important compte tenu de la nature de la marchandise, connue du transporteur, des délais normaux de livraison auxquels l’expéditeur ou le destinataire pouvait s’attendre25 , ou, des exigences formulées par l’expéditeur dans la lettre de voiture26 . Bien souvent, en effet, c’est l’ayant droit qui attire l’attention du transporteur sur la nécessité de respecter avec zèle tel ou tel engagement, qui devient alors essentiel. « Plus le créancier s’est montré exigeant, plus les tribunaux qualifient sévèrement la gravité de la faute », écrivait Paul Durand. Il existe de nombreux exemples en jurisprudence, exemple27 . 24 Cass. Com. 21 octobre 1957, Bulletin Civ. III, n° 270 25 C. A Bordeaux, 27 novembre 1902, Clunet 1904. 955 ; C. A. Paris, 2 décembre 1924, Clunet 1926. 419 26 C. A. Aix 1er décembre 1976, Bulletin d’Aix 1976/4, n°395 27 Cass. Com. 9 mars 1959, Bulletin Civ. III, n° 124 (aucune mesure de sécurité pour une marchandise déclarée de grande valeur). 15
  • 16. La plupart du temps, d’ailleurs, cette « attente » de diligence n’aura pas besoin de se manifester expressément, soit parce qu’il s’agit de la diligence normale que doit fournir le cocontractant, ici le transporteur, soit parce que le cocontractant lui-même s’est engagé ouvertement à remplir telle ou telle obligation. Il doit avoir nécessairement conscience du dommage dont souffrira l’expéditeur s’il ne remplit pas cet engagement28 . L’ensemble de cette jurisprudence française mérite d’être rapproché de la conception anglaise du breach of contract. La résolution pour inexécution du contrat peut, en droit anglais, être prononcée dans deux séries d’hypothèses. La première vise le cas où le débiteur n’exécute pas ce qui constitue une condition du contrat (par opposition aux warranties). Il y’aura alors ce que les anglais dénomment « a breach of a fundamental term ». Cette conception semble se retrouver en France, lorsque les tribunaux voient une faute lourde dans l’inexécution, par le débiteur, d’une obligation à laquelle le créancier attachait une grande importance. La seconde série de cas dans lesquels la résolution peut être demandée concerne cette fois une « fundamental breach of contract », c'est-à-dire une inexécution particulièrement grossière du contrat. En droit des transports, la jurisprudence anglaise admet qu’il y a fundamental breach de la part du transporteur dans les cas types suivants29 : le voiturier abandonne les marchandises pendant un délai au cours duquel elles sont perdues ; le voiturier livre sans motif valable à une autre personne la marchandise qu’il transporte, alors que le but principal du contrat est que la livraison soit faite à une personne déterminée ; le voiturier s’écarte sans motifs légitimes de la route convenue ou habituelle. On le constate, les situations visées par la jurisprudence anglaise sont exactement les mêmes que nombre de cas de fautes lourdes en droit français. Les auteurs ont pu cependant hésiter à assimiler la fundamental breach of contract ou le breach of fundamental term du droit anglais et la faute lourde du droit français. « Le droit anglais serait plus objectif : il ne qualifierait pas le comportement, mais analyserait seulement l’importance du manquement » 30 . En réalité, il convient de remarque que les décisions anglaises n’admettent le breach of contract que lorsque le transporteur ne peut alléguer aucun motif excusant son inexécution. Or, qu’est ce qu’un fait justificatif sinon un événement 28 C. A. Paris 23 novembre 1976, B T 1977, page 14. 29 CARTHY (J.)Sous la direction de R. RODIERE « Le contrat de transport de marchandises terrestre et aérien », Institut de droit comparé de Paris, page 202, n° 56. 30 CONSTANTINESCO (L. J.) « Inexécution et faute contractuelle en droit comparé », (droits français, allemand, anglais), Stuttgart, éd. W. Kohlhamm, 1960, page 129 et suivant. 16
  • 17. imprévisible et irrésistible, constitutif, en définitive, d’une absence de faute ? Dans la mesure où l’un des éléments du fundamental breach est l’absence complète de motifs légitimant l’inexécution, cela signifie que le transporteur pouvait parfaitement prévoir et aisément résister à l’événement dommageable. Il y a donc bien l’idée de faute, et de faute lourde. Les juridictions françaises n’hésitent d’ailleurs pas, à l’occasion, tout en relevant la violation d’une obligation essentielle, à préciser que le transporteur ne cherche même pas à se justifier31 . Caractère essentiel de l’obligation et absence de faits justificatifs abondent dans le même sens, à savoir la conscience que le transporteur devait nécessairement avoir des risques de dommage. Le transporteur qui ne peut invoquer aucun motif pour justifier le manquement à ses obligations, sera censé avoir possédé une conscience particulière du risque de dommage. En effet, s’il existe des motifs, même insuffisants, pour ne pas agir ou pour agir autrement, les risques de dommage que comporte telle ou telle action trouve devant un risque de dommage évident ab initio, ou une obligation essentielle à remplir, et que le transporteur réagisse face au risque, commence d’exécuter son obligation, mais sans la diligence suffisante, cette exécution partielle n’aura-t-elle pas pour effet de laisser croire au transporteur que le dommage ne se produira pas ? Il se trompe sans doute, puisque le dommage aura finalement lieu ; mais son erreur est plus compréhensible car l’évidence du dommage était moindre32 . La jurisprudence sur la faute lourde était bien établie avec des arrêts qui avaient posé le principe et défini la faute lourde alliant éléments objectifs et éléments subjectifs. Cependant un arrêt de la Chambre commerciale est venu remettre en cause cette jurisprudence éprouvée l’arrêt Chronopost. Paragraphe II : La remise en cause de la jurisprudence par l’arrêt Chronopost Il faut savoir que depuis 1996 date du premier arrêt rendu concernant la société Chronopost, la jurisprudence, en matière de contrat de messagerie, vit au rythme des précisions par la Haute Cour sur la notion de faute lourde, il nous semblé important d’exposer les différents arrêts Chronopost. 31 Cass. Civ. 12 avril 1923, 27 juillet 1923, DP 1923, page 1 et 143. 32 Alain SERIAUX : « La faute du transporteur », 2e édition ECONOMICA, 1998, page 280 et suivants 17
  • 18. A) L’arrêt Chronopost du 22 octobre 199633 La société Blanchereau, professionnel de la viande, qui avait confié à deux reprises un pli contenant soumission à une adjudication à la société Chronopost, se plaignait de ce que les plis n’avaient pas été remis le lendemain de leur envoi avant midi. La Cour d’Appel de Rennes saisie de la demande d’indemnisation limitait celle-ci au prix du transport conformément à une clause du contrat alors que les premiers juges avaient alloué à la société Blanchereau la somme de 45000 francs à titre de dommage intérêts… La Chambre Commerciale cassait l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes au visa de l’article 1131 du Code Civil en retenant que « spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était engagé à livrer les plis de la société Blanchereau dans un délai déterminé et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle, la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ». La référence à une « obligation essentielle » n’était pas une nouveauté, par un arrêt du 9 mai 199034 , la Chambre Commerciale avait estimé qu’une Cour d’Appel avait pu décider que constituait une faute lourde l’omission de l’inscription du numéro de téléphone d’un annonceur dans l’édition professionnelle de l’annuaire des abonnés au téléphone, dès lors qu’il était constaté que le régisseur de la publicité ne s’était livrée à aucune vérification et que la mention omise était un élément essentiel de l’obligation inexécutée. La clause limitative de responsabilité insérée au contrat avait été, en conséquence, déclarée inopposable. L’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996, qui ne contient aucune référence à la notion de faute, a provoqué un intérêt certain au point de figurer dans « Les grands arrêts de la jurisprudence civile35 » ou le commentateur y voit la jonction de deux courants : l’un selon lequel une clause peut être réputée non écrite dès lors qu’il y a manquement à une obligation essentielle, l’autre, celui du défaut de cause, lorsque l’allègement des obligations va jusqu’à ruiner l’opération que le contrat doit réaliser. Cet arrêt a aussi 33 GARBAN (M.) : Conseiller rapporteur auprès de la Cour de cassation. Opinion sur l’arrêt Chronopost http://www.courdecassation.fr 34 Cass. Com. 9 mai 1990, Bulletin, IV, n° 142 35 CAPITANT, TERRE, LEQUETTE : « Les grands arrêts de le jurisprudence civile », édition Dalloz, Tome 2, n° 156, page 72 18
  • 19. surpris par la sanction prononcée : la clause limitative est réputée non écrite, la convention n’étant pas annulée en son entier. Le professeur Alain SERIAUX36 a regretté que cet arrêt, après la constatation de la violation d’une obligation essentielle, ne se soit pas référé à la notion de faute lourde comme l’avaient fait d’autres arrêts. Après d’autres critiques sur la motivation de cette décision, le Professeur souligne le caractère erroné, à son sentiment, du visa de l’article 1131 du code civil, la contrepartie existant bien dans le contrat convenu avant de relever le peu d’orthodoxie, pour ne pas dire la contradiction qui existe entre la sanction prononcée, la clause étant déclarée non avenue, et l’obligation bafouée, jugée essentielle, commandant normalement la nullité du contrat en son entier. Le Professeur s’inquiète du pouvoir de police des contrats que la Cour de Cassation lui donne l’impression de s’arroger. Enfin, il reproche à l’arrêt de ne donner aucun renseignement sur la façon dont il faudra évaluer le préjudice. Jusqu’à quelle hauteur, s’interroge-t-il, dès lorsque l’annulation de la clause n’entraîne pas celle de l’article 1150 du code civil qui limite l’indemnisation au préjudice prévisible. Les qualités de l’arrêt en cause sont également difficiles à discerner pour le Professeur LARROUMET37 qui estime la décision contestable à plusieurs points de vue. D’abord le visa de l’article 1131 du code civil qui « n’avaient rien à faire dans cette espèce ». Après avoir déploré le raisonnement faux de la Cour suprême sur ce point, il ajoute que l’arrêt est inopportun, qu’il ruine la liberté contractuelle. Il soutient qu’il existe dans l’arsenal juridique actuel assez d’instruments permettant d’apprécier les clauses limitatives : pour les litiges entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur, il existe l’article L 132-1 du code de la consommation, dans les contrats de transport une jurisprudence traditionnelle assimile à une clause de non responsabilité prohibée par l’article 103, alinéa 3, du code de commerce la clause limitant des dommages-intérêts à un montant dérisoire par rapport au dommage effectivement subi. Enfin, dans tous les contrats, les clauses limitatives sont écartées en présence d’une faute dolosive ou lourde et le juge tient de l’article 1152 du Code civil le pouvoir de réviser à la hausse les clauses pénales stipulant un forfait de dommages-intérêts manifestement dérisoire par rapport au 36 Recueil Dalloz 1997, jurisprudence, page 121 37 Recueil Dalloz, Chronique page 145. 19
  • 20. dommage réellement éprouvé. Le professeur Muriel FABRE MAGNAN reprend aussi cette idée d’intervention du juge sur la base de ce dernier article38 . Le Professeur Denis MAZEAUD dans son article « feu la liberté contractuelle des maîtres du temps » semble, lui, se réjouir de la mise en vedette du concept « d’obligation essentielle » et de l’abandon de « l’encombrante faute lourde » et de « la notion très dynamique de la notion de cause de l’obligation » que suggère ici la Cour de cassation pour effacer du contrat la clause litigieuse. Il voit, dans cette notion, une nouvelle arme pour lutter contre les clauses qui fragilisent la force obligatoire du contrat et évincent la réparation intégrale du préjudice subi par le créancier victime. Pour le Professeur DELEBECQUE39 , l’arrêt de la Cour de cassation lui paraît intéressant, dans l’air du temps, même s’il ne règle pas tout, car la disparition de la clause limitative figurant au contrat a pour effet de rendre applicable les stipulations du contrat-types qui sont identiques ce qui réduit à néant la portée concrète de l’arrêt. Il conclut en rappelant que la liberté contractuelle doit demeurer, le principe, le contrat étant l’affaire des parties. « Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité ? » Cette interrogation est le titre de son article. Pour le professeur Daniel COHEN40 , l’arrêt dénote la volonté de la Chambre commerciale de faire du neuf avec la notion classique de cause. Il remarque que la cause intervient normalement au seul stade de la formation du contrat et ne joue normalement aucun rôle à celui de l’exécution. Il observe que le recours à la notion d’obligation essentielle supposerait l’existence de plusieurs obligations ce qui n’était pas le cas. Quant à la sanction prononcée, le simple fait de décider que la clause soit réputée non écrite ne paraît pas adaptée à la sanction d’une obligation essentielle. Ce faisant, la Cour de cassation emprunte au régime des clauses abusives tout en refusant la qualification. En conclusion, il s’interroge sur le point de savoir si l’arrêt condamne l’ensemble des clauses limitatives de responsabilité dans les contrats. Il y voit le recul de l’autonomie de la volonté et de la liberté individuelle et le signe de l’interventionnisme croissant du juge. Il convient d’indiquer que la jurisprudence Chronopost 1, rendue au visa de l’article 1131 du Code 38 La semaine juridique, JCP 1997, doctrine, page 4002. 39 Recueil Dalloz, sommaires commentés, pages 175. 40 La semaine juridique, JCP 1997, II, 22881. 20
  • 21. civil, a été de nouveau appliquée par la Chambre commerciale dans un arrêt du 17 juillet 200141 . Ainsi la Cour d’Appel « a fait l’exacte application de l’article 1131 du Code civil en retenant, pour écarter la clause limitative à priver d’effet l’obligation essentielle souscrite par cette société ». B) L’arrêt Chronopost du 9 juillet 2002 ou le retour de la notion de faute L’affaire, objet de l’arrêt de cassation du 22 octobre 1996, a été renvoyée à la Cour d’appel de Caen qui a statué, par un arrêt du 5 janvier 1999, en reprenant la doctrine de l’arrêt de cassation. Cependant en allouant à la société Blanchereau la somme de 30000 francs à titre de dommages-intérêts, la Cour d’Appel de Caen, certes, n’a pas appliqué, la clause limitative figurant au contrat, ce que lui recommandait le précédent arrêt de cassation, mais elle n’a pas non plus appliqué la clause figurant à l’article 15 du contrat- type approuvé par décret du 4 mars 1988. Cette particularité va servir de base au deuxième moyen du pourvoi que la société Chronopost formera à l’encontre de cet arrêt. Par l’arrêt du 9 juillet 2002, la Chambre commerciale a cassé la décision de la Cour d’Appel de Caen pour violation de l’article 1150 du Code civil de l’article 8 paragraphe II de la loi du 30 décembre 1982 et des articles 1er et 15 du contrat-type établi pas décret du 4 mai 1988, en retenant que seule une faute lourde du transporteur pouvait permettre de mettre en échec l’application du plafond légale. Ainsi à ce stade de la jurisprudence, il semble possible de comprendre que si le manquement à une obligation essentielle a pour effet de rendre la clause limitative insérée au contrat non avenue, cette imperfection du contrat n’enlève rien à l’efficacité de celle résultant du contrat- type qui s’applique fut-elle identique, dès lors que la clause initiale a disparu. Seule la faute lourde du transporteur, que ne constitue pas ipso facto un manquement à une obligation essentielle et que l’ayant droit doit caractériser, permettra à la juridiction de s’affranchir des stipulations du contrat-type et des dispositions de l’article 1150 du Code civil. Une certaine déception, sans doute moins grande que celle de la société Blanchereau, s’est emparée des commentateurs s’apercevant que l’originalité de l’arrêt Chronopost de 1996 se 41 La semaine juridique, JCP 2002, I, page 148. 21
  • 22. terminait par un bilan nul dans la mesure où la clause réprimée en 1996, redevenait, en fait, applicable sous les traits et le biais du contra-type. « Beaucoup de bruit pour rien », beaucoup de frais pour rien42 . Mais on observe aussi chez certains plutôt du réconfort à voir que l’arrêt fait un usage classique de la notion, non moins classique, de la faute lourde. Cet arrêt a engendré chez le Professeur Denis MAZEAUD43 un sentiment d’optimisme pour l’avenir de ce contentieux devant la deuxième Cour de renvoi à Grenoble, puisqu’il soutient que la Cour de cassation aurait décidé que lorsque l’exécution imputable au débiteur porte sur une obligation essentielle, elle doit être qualifiée de faute lourde, Les professeurs LOISEAU et BILLIAU soulignent le manque d’audace de la Cour de cassation qui aurait dû, selon eux, retenir que le contrat-type, qui n’est même pas un acte administratif au sens strict du terme, est soumis aux exigences de droit commun quant à l’appréciation de la validité des clauses qu’il comporte en jugeant au cas par cas, c’est-à-dire sans prononcer ou constater elle-même la nullité du texte réglementaire44 . La liberté contractuelle justifie la licéité des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, y compris dans les contrats d’adhésion (Cass.1ére civ, 19 janvier 1982). La solution s’explique d’autant plus que l’article 1150 du code civil précise que le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors de la conclusion du contrat. Bien que le code civil ouvre ainsi la porte à toutes les stipulations contractuelles relatives au montant de l’indemnisation due en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat, la jurisprudence s’est montrée réservée à reconnaître systématiquement la validité de certaines d’entres elles et, ce, sur le fondement de la clause (article 1131 code civil). Car si les clauses restrictives de responsabilités sont en principes valables, elles sont écartées lorsque l’inexécution de l’obligation résulte d’une faute lourde, laquelle s’attachait traditionnellement à deux éléments alternatifs : - un élément subjectif lié à la conduite du responsable, c’est-à-dire un comportement d’une extrême gravité ; - un élément objectif lié aux obligations contenues dans le contrat, le comportement doit démontrer l’inaptitude du débiteur à l’accomplissement de sa mission contractuelle, autrement dit, son manquement à une obligation essentielle. 42 Recueil Dalloz 2002, sommaires commentés, page 2329. 43 Recueil Dalloz 2003, sommaires commentés, page 457. 44 Opinion de Monsieur GARBAN (M.), Conseiller rapporteur auprès de la Cour de cassation, http://www.courdecassation.fr 22
  • 23. La faute lourde était donc caractérisée si le responsable avait failli à son obligation essentielle ou fait preuve d’un comportement relevant d’une extrême gravité. En ce sens l’opinion de l’Avocat Général Monsieur de GOUTTES dans l’arrêt Chronopost rendu par la Chambre mixte de la Cour de cassation le 22 avril 2005 est clair d’une part : « Sur l’élément subjectif de la faute lourde, dans les présents cas d’espèces, il est possible, lui semble-t-il, de discerner l’existence de trois éléments participants du contenu subjectif de la faute lourde45 : a) Le premier élément est la conscience qu’aurait dû avoir Chronopost des risques créés par son comportement. La société Chronopost savait, en effet, que ses clients s’adressaient à elle en raison de l’urgence qui s’attachait à l’acheminement des plis qu’ils lui confiaient. Quand bien même ils n’avaient pas fait une déclaration d’intérêt spécial à la livraison, c’est cette urgence qui motivait leur recours à Chronopost. C’est aussi la raison pour laquelle ils acceptaient de payer surcoût. Chronopost devait donc avoir conscience des risques qui pouvait résulter de tout retard dans l’acheminement du courrier dont elle avait la charge. En présence d’une défaillance de sa part, elle devait être prête à en assumer les conséquences éventuelles, ce quelle a refusé de faire en opposant à ces clients l’application pur et simple de la clause limitant l’indemnisation au seul prix du transport. b) Le deuxième élément consiste dans l’atteinte à la confiance légitime entre cocontractants : les documents contractuels et la publicité de Chronopost avaient promis la livraison dans un délai fixe garanti de (j+1, le lendemain avant midi). Les expéditeurs étaient donc légitimement en droit d’attendre que les services promis soient exécutés (chose promise chose due). En ne tenant pas sa promesse, sans fournir de raisons pertinentes de son retard, on peut estimer que le transporteur a transgressé, en quelque sorte cette confiance élémentaire qui fonde la relation contractuelle. c) Le troisième élément subjectif est l’absence de toute explication fournie à l’expéditeur sur les raisons du retard : 45 Avis de l’avocat général Monsieur de GOUTTES, wwww.courdecassation.fr 23
  • 24. En admettant même que le seul fait de n’avoir pas rempli l’obligation de rapidité ne suffise pas à constituer la faute lourde, ne doit-on pas considérer que le refus de donner toute explication sur les motifs du retard constitue, quant à lui, une négligence grave de la part d’une société de transport qui dispose des moyens de suivre le cheminement des plis qui lui ont été confiés et qui doit donc pouvoir localiser l’origine du retard ? C’est cette absence d’explications sur les causes du retard qui a été retenue, par exemple, par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 juin 1998 46 pour condamner le transporteur qui avait conservé un colis postal pendant plusieurs jours sans aucune justification. Or, dans les présents cas d’espèce, il résulte de la procédure que la société Chronopost s’est refusée à donner toute explication utile à ses clients. - Dans l’affaire qui l’oppose à la société « Ka France », la société Chronopost s’est contentée de répondre à la réclamation de son client par une lettre du 2 juin 1999 ainsi libellée « les éléments de l’enquête que nous avons diligentée nous permettent de conclure que cet envoi n’a pu être livré dans les délais prévus à la suite d’une erreur exceptionnelle d’acheminement…». - Dans l’affaire qui l’oppose à la société « Dubosc et Landowski », la société Chronopost a laissé sans suite la lettre recommandée en date du 25 juin 1999 par laquelle sa cliente, après avoir pris contact téléphonique avec Chronopost, la mettait en demeure de l’indemniser du préjudice financier résultant du retard. Ainsi peut-on déjà trouver là les premiers éléments de la faute lourde sous son aspect subjectif : faire subir au cocontractant un retard anormal et préjudiciable, contrairement à l’engagement pris à son égard et sans donner aucune explication. Mais ce premier élément subjectif est à compléter par l’autre élément de nature objective, qui est sans doute le plus déterminant. Sur l’obligation essentielle » de Chronopost : a) Pour reprendre la formule utilisée par la Chambre commerciale dans son arrêt du 22 octobre 1996, la société Chronopost étant « spécialiste du transport garantissant la fiabilité et la célérité de son service », son obligation essentielle est de « livrer les plis dans un délai déterminer ».Il apparaît dés lors que la société Chronopost ne pouvait 46 Cass. Ass. Plénière, 30 juin 1998, Bulletin Ass. Plén. n°2 24
  • 25. sans méconnaître son obligation essentielle, prétendre à la fois s’engager à respecter un délai précis et, dans le même temps, ne pas s’engager quasiment, puisque sa responsabilité était excessivement limitée si le pli n’était pas délivré, en réalité, dans le délais promis. Cela revenait, en quelque sorte, à s’affranchir à l’avance des conséquences de l’inexécution de son obligation essentielle en considération de laquelle son contractant s’était engagé. Cette volonté d’éluder son obligation se révèle encore dans la clause 6 des conditions générales conventionnelles de Chronopost, qui stipulait, non seulement que le non respect des délais n’obligeait la société qu’à rembourser le prix du transport si le préjudice était justifié, mais en outre que la société « ne saurait être tenue à la prise en charge du préjudice immatériel ou indirect quelle qu’en soit la cause ». Quant à l’argument de la société Chronopost selon lequel le donneur d’ordre disposait de la faculté de faire une déclaration d’intérêt spécial à la livraison s’il souhaitait élever le plafond de l’indemnité, il ne parait pas suffisamment convaincant : si une telle déclaration peut se justifier pour un transport de marchandises de valeur, elle n’a plus la même raison d’être pour un contrat d’acheminement rapide de pli ou de courrier, qui n’a d’autre objet que la célérité de la transmission du message, indépendamment de la valeur de la marchandise. b) l’engagement de la société Chronopost peut ainsi être regardé comme une véritable « obligation de résultat ». C’est ce qu’a admis implicitement la Chambre commerciale de la Cour de cassation dès on premier arrêt du 22 octobre 1996, en cassant l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 30 juin 1993 qui avait considéré, quant à lui, que l’obligation de la société Chronopost n’était qu’une obligation de moyen et qui avait refusé, en conséquence, de condamner la société à indemnisation au-delà de la clause limitative pour un retard d’acheminement du pli. C’est ainsi qu’à confirmer la Chambre commerciale dans son second arrêt du 9 juillet 2002, en rejetant le moyen de Chronopost qui reprochait à l’arrêt attaqué de la Cour d’Appel d’avoir dit précisément que son engagement s’analysait en une obligation de résultat. La Chambre commerciale a considéré que l’obligation contractuelle de Chronopost portait, non seulement sur la réalisation de l’acheminement lui-même, mais aussi sur le respect des délais précis de livraisons garantis. 25
  • 26. c) le respect par Chronopost de l’obligation essentielle du contrat est, peut-on ajouter, d’autant plus impérieux que l’on est en présence d’un type de « contrat d’adhésion », qui n’a pas été librement négocié et que toute l’économie de la stratégie commerciale et publicitaire de l’entreprise a été centrée sur l’engagement de ponctualité et de célérité promis au client. d) Par ailleurs, la prise en considération par certains arrêts de la gravité des conséquences qu’a entraînée la faute du créancier comme l’un des éléments subjectifs de la faute lourde, peut ainsi s’appliquer dans les deux affaires en cause : la société Chronopost, même si elle ne connaissait pas le contenu précis des plis qui lui avaient été confiés, savait que ces plis étaient urgents. En ne respectant pas son obligation essentielle de livrer les courriers dans le délai promis par le contrat, elle a pris un risque de conséquences graves pour les expéditeurs47 . Nous voyons que dans son avis l’avocat général Monsieur de GOUTTES, devant la Chambre mixte de la Cour de cassation, essaie de démontrer la faute lourde du transporteur Chronopost. Cependant la Chambre mixte ne l’a pas suivi dans son arrêt. Elle avait finalement préféré délaisser le critère objectif pour caractériser la faute lourde du débiteur : plus exactement, elle laissait entendre que l’élément objectif ne suffisait plus à prouver l’existence d’une telle faute. Dans la logique de cette solution, la Chambre commerciale vient d’évincer à son tour avec d’avantage de vigueur le critère de l’obligation essentielle « La faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». La faute lourde est donc réduite aujourd’hui à une conception très restrictive qui vide en grande partie l’utilité juridique de la notion d’obligation essentielle du contrat qui permettait d’introduire un équilibre rigoureux pour sanctionner les manquements les plus « graves » au regard de l’économie du contrat. Un dernier arrêt a été rendu le 21 février 2006 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, et comme le dernier arrêt rendu par la Chambre mixte opte pour une définition 47 Opinion de l’avocat général Monsieur de GOUTTES, op. Cit. 26
  • 27. subjective de la faute lourde et se refuse à l’assimiler à l’inexécution d’une obligation essentielle. 27
  • 28. CHAPITRE II : LES LIENS ENTRE FAUTE LOURDE ET DOL Le droit des transports illustre bien, grâce à la multiplicité des textes le régissant, les deux modalités fondamentales par lesquelles législateur et tribunaux recourent, aux côtés du dol, à la notion de faute lourde. En règle général, mention expresse de cette notion n’est pas nécessaire. Il suffira à l’instar de l’ancienne rédaction de la Convention de Varsovie (art. 25) et de la rédaction toujours en vigueur de la CMR (art. 29), de faire référence à « la faute équivalente au dol ». En effet, le seul emploi de ces termes renvoie immédiatement, dans l’esprit des juristes français, à l’adage issu de la codification justinienne : culpa lata dolo aequiparatur, la faute lourde équivaut au dol. C’était ainsi le sentiment de Nerva qui disait qu’une faute grossière doit être assimilée au dol, en effet pour lui, si un homme n’est pas aussi diligent que le requiert la nature humaine, il est de mauvaise foi, à moins qu’il n’apporte les soins dont il est capable en matière de dépôt : car on n’apporte pas aux affaires d’autrui moins de soin qu’à ses propres affaires, sans manquer à la bonne foi48 . A titre exceptionnel, certains textes font référence sans détour à la notion de faute lourde. Le droit des transports n’en connaît aujourd’hui qu’un seul exemple. L’actuel article 4449 de la Convention de Berne (CIM) dispose que « dans tous les cas ou le dépassement du délai de livraison, la perte totale ou partielle ou l’avarie subis par la marchandise ont pour cause un dol ou une faute lourde imputable au chemin de fer, celui-ci doit complètement indemniser l’ayant droit pour le dommage prouvé ». Ce même texte précise encore « en cas de faute lourde, la responsabilité est, toutefois, limitée au double des maxima prévus aux articles 25, 26, 30, 32 etc.… » Il en résulte que le recours à la faute lourde, même s’il est expressément énoncé par l’article 37 CIM, ne remplace complètement le recours au dol que dans les hypothèses où le montant du dommage souffert par les marchandises ou du fait du retard ne dépasse pas le double de la réparation légale ou conventionnelle. Cette extension à la faute lourde des effets du dol peut s’expliquer de deux façons50 . 48 GAUDEMET (J.) « Droit privé romain », 2e édition, Montchrestien, 2000, page 397. 49 La solution retenue date du 7 février 1970. 50 Alain SERIAUX, op. Cit. Page 274. 28
  • 29. SECTION I : LA FAUTE LOURDE UN MOYEN D’ETENDRE LA NOTION DE DOL Au sens strict, le mot « équivalence » semble impliquer que la faute lourde joue le rôle de complément de la faute dolosive. Cette complémentarité est étroitement liée à la notion même de faute dolosive. Si celle-ci est prise de façon extrêmement étroite, au sens d’intention de causer le dommage, la faute lourde complémentaire supposera l’existence de la mauvaise foi prise dans son sens le plus large. Les notions de dol et de faute lourde relèveront toutes deux de la mauvaise foi ; la différence entre les deux types de faute ne sera pas donc de nature mais de degré. Ce qui laisserait penser à l’assimilation de la faute lourde au dol (Paragraphe I) La jurisprudence n’a pas été entièrement insensible à cette conception. Toutefois, la doctrine a créé contre elle un courant contraire, aux termes duquel il existe non une différence de degrés entre la faute lourde et le dol, mais une différence de nature : le dol apparaît comme la mauvaise foi, alors que la faute, aussi lourde soit-elle demeure dans le camp de la bonne foi. Cette différence de nature serait cependant estompée par le fait que bien souvent la gravité de la faute permet de présumer l’existence d’un dol indémontrable (Paragraphe II). Paragraphe I : L’assimilation de la faute lourde au dol Sur le plan des concepts, cette assimilation est dépourvue de raison, mais des considérations d’ordre pratique la justifient, les nécessités du commerce imposent de traiter de semblable façon la bévue impardonnable et l’intention malveillante. Dans la majorité des cas, l’assimilation inscrite dans l’adage n’a pas de conséquences pratiques. En règle générale puisque, toute faute engageant la responsabilité et l’étendue de la réparation étant calquée sur le dommage, la qualification de la faute est assez indifférente. Elle sert, tout au plus, à faciliter la démonstration du rapport de causalité, parfois à justifier une modulation de l’indemnité quand le préjudice échappe à une évaluation précise51 . Mais l’assimilation repose surtout sur un problème de preuve. L’auteur d’une faute commise intentionnellement prend toujours la marque de la bêtise. Il convient de la gravité de sa faute, mais il affirme sa bonne foi ; il joue l’imbécile. Il avoue s’être comporté d’une manière absurde, mais par sottise, non par méchanceté. On coupe court à ce trop commode moyen de 51 GAUDEMET (J.), op. Cit. 29
  • 30. défense en attribuant à la faute lourde les mêmes conséquences civiles qu’au dol. Nous supposons, qu’il y a chez l’auteur d’une faute très grave l’intention de nuire. La faute lourde est présumée intentionnelle l’assimilation de la faute lourde au dol apparaît ainsi comme une règle de preuve, une présomption. On doit alors se demander si cette présomption est absolue ou relative ? La réponse est donnée par l’article 1352 du code civil ; seules sont irréfragables les présomptions qualifiées telles par ce texte. La présomption de faute intentionnelle, qui n’est écrite nulle part dans le code, admet nécessairement la preuve contraire. L’assimilation ne se justifie que par la crainte du maquillage d’un dol ou faute lourde. La présomption d’intention que faisait peser sur le transporteur la gravité de sa faute, se trouve écartée par la preuve contraire, qui résulte ici des circonstances de l’accident. La faute lourde est présumée intentionnelle jusqu’à preuve contraire. C’est seulement dans cette mesure qu’il faut assimiler la faute lourde personnelle au dol personnel52 . Au-delà du fait que cette assimilation constitue aujourd’hui une doctrine minoritaire, nous constaterons que la faute lourde peut être un moyen d’étendre la notion de dol. Dès l’instant où le dol est réduit à la seule intention de nuire au cocontractant, les magistrats se sentiront poussés à mettre sous le couvert de la notion de faute lourde ce qui n’est au fond qu’une conception élargie du dol. En ce sens, la faute lourde jouera le même rôle que la notion de wilful misconduct ou de faute inexcusable lorsqu’elle est appréciée in concreto. Au même titre, d’ailleurs, la faute lourde sera elle aussi recherchée concrètement. Cette utilisation originale de la faute lourde se retrouve partout au sein des systèmes juridiques peu favorables à l’assimilation de la faute lourde au dol, dans lesquels, seule la faute intentionnelle est admise à écarter les clauses limitatives de responsabilité. Tel est le cas du droit belge qui se montre franchement hostile à toute assimilation, même si, comme c’est le cas pour la CMR (article29 § 1), les textes eux-mêmes renvoient aux fautes équivalentes au dol. Interprétant cette convention, la Cour de cassation belge53 a pu ainsi décider que « dès lors que le droit belge connaît la notion de dol, l’article 29 § 1 CMR exclut que le juge belge puisse examiner si une faute lourde non intentionnelle prive le transporteur du droit d’invoquer la limitation de responsabilité ». Pour tourner la difficulté qui persiste, dans de telles conditions, à se montrer sévère envers les transporteurs routiers gravement 52 Marie GRIGOURIOU : « L’exonération de la responsabilité du transporteur dans la CMR », mémoire de DEA soutenu à la faculté d’Aix-Marseille III, CDMT, 1998 53 Cour de cassation belge, 27 janvier 1995, DET 1996, page 694. 30
  • 31. négligents, les juges belges ont tantôt considéré qu’une faute pourtant non intentionnelle est « à ce point au sens de l’article 29 CMR qu’elle doit être assimilée au dol54 », tantôt, plus subtilement , que des fautes, que des fautes certes non intentionnelles mais commise de mauvaise foi « avec connaissance préalable et conscience » doivent être jugées équivalentes au dol. N’est-ce point considérer que l’équivalence s’entend d’une assimilation des notions ? La doctrine anglaise, quant à elle, interprète l’adage romain en ces termes : « Dans des hypothèses exceptionnelles, un manque de soin téméraire, en présence de risques connus, peut constituer en fait l’intention de nuire ». Or, qu’est-ce que le manque de soins en présence de risques connus, sinon la faute dolosive lato sensu. Au demeurant l’utilité d’un recours à la faute lourde est subordonnée, dans cette conception, au maintien d’une conception restrictive de la notion de faute dolosive. Or nous savons que, peu à peu, la jurisprudence généralise la conception extensive du dol. Il s’ensuit que le recours à la faute lourde in concreto devient inutile55 . Faut-il dès lors annoncer la disparition nécessaire du recours à la faute lourde comme équivalent du dol ? Il ne le semble pas : même en admettant une conception large du dol, la faute lourde, désormais expulsée du cadre de la mauvaise foi, pourrait au moins servir de preuve de l’existence d’un dol, toujours difficile à établir. Paragraphe II : La faute lourde comme preuve du dol L’avènement d’une notion de dol qui recouvre toutes les notions de la mauvaise foi. S’il est relativement récent en jurisprudence, a depuis longtemps été envisagé par la doctrine. Comment comprendre, dans ces conditions, l’utilité du recours à la faute équivalente au dol ? La question se pose d’autant mieux que si le dol se confond avec toute mauvaise foi, la faute lourde, faute distincte du dol, ne trouve plus sa place que dans le domaine de la bonne foi. Il existe donc une différence de nature entre le dol et la faute lourde. Cette séparation tranchée ne doit-elle pas faire obstacle à l’équivalence des fautes ? Aux termes d’un arrêt en date du 28 juin 2005, la Cour de Cassation est venue donner la définition suivante de la faute lourde : « négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission 54 Tribunal de Bruxelles, 25 mai 1992, DET 1993, page 762. 55 JAMBU- MERLIN : « Dol et faute lourde », Dalloz, Chroniques, page 89. 31
  • 32. contractuelle qu’il a acceptée ». A la lecture de cette définition nous pensons nous interroger sur le véritable lien qui existe entre faute lourde et dol56 . Tous les déchirements de la doctrine moderne pour expliquer la règle culpa lata dolo aequiparatur se trouvent contenus en germe dans cette opposition : affirmer la différence radicale des notions, mais prétendre en même temps maintenir la règle de l’équivalence. Aussi certains auteurs ont-ils songé à justifier le recours à la faute lourde par une raison d’ordre probatoire. Ainsi seraient conjugués et la différence des notions et leur rapprochement. Dans cette perspective, l’on remarquera qu’une négligence d’une extrême gravité permet de penser que le débiteur s’est rendu compte que son comportement était dommageable. Ainsi que l’exprime Le Doyen CARBONNIER, « il n’y a point intention de nuire ni malhonnêteté ; mais c’est à s’y méprendre ; on dirait qu’il le fait exprès. Il faut donc admettre, sans avoir la preuve absolue que son activité était dolosive57 . L’opposition entre la bonne et la mauvaise foi ne doit pas être présentée de manière trop radicale. Il est des actions qui sont si graves qu’on hésite à les maintenir dans les rangs de la bonne foi, même si la mauvaise foi de l’agent n’est pas absolument certaine. On retrouve en jurisprudence plusieurs décisions qui mettent en avant la notion de faute lourde reconnaissent le fait que cela soit une faute commise de manière délibérée. « Ainsi pour un transitaire qui n’avait pris aucune précaution pour assurer la sécurité du chargement d’un moteur diesel, la Cour de Paris58 voit dans cette attitude une « absence totale de préparation et de soins en face de risques graves, connus et délibérément pris, qui traduisent l’incapacité d’accomplir la mission acceptée et sont consécutifs d’une faute lourde équipollente au dol ». On retrouve bien l’inexécution volontaire « délibérée », accompagnée de la conscience concrète des risques de dommage, consécutive à la mauvaise foi au sens large. Dans cette espèce il semble que le transitaire avait une connaissance concrète du risque de dommage. Cependant, dans d’autres arrêts, cette conscience est seulement probable. Les magistrats n’en parlent pas moins de faute « délibérée »59 . 56 Faute lourde du transporteur : des jurisprudences incohérentes, www.aufildudroit.com 57 MAZEAUD (L.) : « L’assimilation de la faute lourde au dol », DH 1933, Chroniques, page 49 et s. 58 C. A. Paris, 3 février 1976, BT 1976. 59 Alain SERIAUX : « La faute du transporteur » Op. Cit. page 278. 32
  • 33. Toutefois, il paraît difficile de généraliser le rôle de présomption de mauvaise foi que remplirait la notion de faute lourde. Il est à cela une raison beaucoup plus péremptoire que la violation d’un principe général du droit. La faute lourde ne peut permettre, sauf exceptions rares, d’admettre la mauvaise foi parce qu’elle relève d’une autre méthode d’appréciation que le dol. Celui-ci est apprécié in concreto, celle-la est appréciée in abstracto. Certes, la plupart des décisions rendues en matière de faute lourde ne se prononcent pas ouvertement pour un tel mode d’appréciation, mais leur rédaction conduit implicitement à cette solution. En outre, il est possible de relever quelques décisions retenant expressément l’appréciation abstraite. Ainsi du Tribunal de la Seine statuant en matière de responsabilité aérienne ; ainsi encore d’un arrêt de la Cour de Poitiers du 19 avril 197260 , qui déclare : « attendu qu’en matière contractuelle en général, et plus spécialement en matière de contrat de transport, il apparaît nécessaire d’apprécier in abstracto , et sans tenir compte de l’attitude psychologique du débiteur, la faute à lui reprochée ; qu’adopter une position inverse ne pourrait qu’aboutir, en matière de faute de conduite, à une impossibilité pratique de retenir dans la plupart des cas la faute lourde du conducteur, celui-ci pouvant toujours être supposée avoir eu une perte de conscience, fort peu distincte parfois du manque de conscience, au moment de la manœuvre fautive par lui entreprise ; que la faute lourde à la différence du dol, ne suppose aucun élément intentionnel ni même volontaire ». Cette distinction bien que subtile, n’en est pas moins radicale. Avec l’appréciation in abstracto, ce n’est plus la volonté du voiturier qui est recherchée par le juge, mais les circonstances objectives dans lesquelles le dommage est réalisé. On ne prête plus attention à l’auteur du dommage mais à son environnement. Les manquements du débiteur sont envisagés non plus en fonction de sa conscience effective, mais en fonction de la conscience qu’il devait avoir de la cause du dommage. Même si nous pouvons trouver des relents de mauvaise foi dans certaines décisions, le recours à l’appréciation in abstracto ne peut favoriser ces situations. La faute lourde comprise de manière objective est d’une nature radicalement différente de celle de la faute lourde appréciée in concreto ou de la faute dolosive. Ce qu’il faut savoir à l’heure actuelle c’est que la faute lourde et le dol sont deux éléments qui défavorisent le transporteur terrestre. Car tous les deux font perdre au transporteur la limitation de responsabilité. Cependant la faute lourde s’est depuis longtemps différencié du 60 Bulletin des Transports 1972, page 183. 33
  • 34. dol et en ce sens elle a acquis son indépendance aujourd’hui la faute lourde existe en dehors de la faute dolosive. SECTION II : L’EXISTENCE DE LA FAUTE LOURDE EN DEHORS DU DOL L’appréciation in abstracto de la faute lourde conduit à donner un sens nouveau à la règle de l’équipollence : la limitation de responsabilité est écartée en considération du comportement particulièrement grave du débiteur. « L’ordre public contractuel » est intéressé à ce que l’auteur d’une faute lourde ne puisse se retrancher derrière une clause l’exonérant en tout ou en partie de sa responsabilité. La CIM s’inscrit certainement dans cette perspective lors qu’elle prévoit que la limitation de responsabilité des transporteurs ferroviaires internationaux sera écartée en cas de dol ou de faute lourde ; c’est là reconnaître une distinction de nature entre le dol et la faute lourde ; si celle-ci est admise à sanctionner le transporteur, c’est en raison de la gravité particulière du manquement. La faute lourde devra revêtir un degré certain de gravité, qui permettra de la distinguer de la faute légère. Ces deux types de fautes n’ayant pas les mêmes conséquences juridiques, une distinction claire et nette serait opportune61 . L’étude de la jurisprudence montre qu’en principe cette gradation existe (Paragraphe I), mais que les conditions de l’appréciation objective des comportements conduisent à la relativiser fortement (Paragraphe II). Paragraphe I : Faute lourde, faute légère : différence de grade Pour que la responsabilité contractuelle de l’une des parties au contrat puisse être engagée, la réunion de trois conditions. L’existence d’une faute ayant été à l’origine d’un préjudice subi par l’autre partie, ce qui suppose un lien de causalité entre la faute et le préjudice. La gravité de la faute : l’ancien droit avait institué une hiérarchie entre trois types de fautes : légère, intentionnelle et dolosive, à laquelle était assimilé la faute lourde. Dans l’ancien droit la hiérarchie des fautes avait une incidence sur le principe même de l’existence de la responsabilité, certaines fautes n’ayant aucune conséquence juridique. Aujourd’hui, toute 61 Alain SERIAUX : « La faute du transporteur », 2e édition ECONOMICA, 1998, page 280e et suivant 34
  • 35. faute aussi légère soit-elle est susceptible d’engager la responsabilité contractuelle. La hiérarchie retrouve cependant sa place grâce à la jurisprudence qui lui reconnaît une incidence sur les limitations de responsabilité. Dans l’ordre croissant de gravité, l’on pourrait distinguer quatre ou cinq catégories de fautes 62 : - La faute légère (ou simple), fruit d’une simple imprudence, négligence de faible gravité, engage la responsabilité de son auteur, sauf dans les cas où le contrat porte sur un service rendu à titre gratuit. La faute légère permet également à celui qui s’en prévaut d’invoquer les limitations de responsabilité, notamment en matière de droit des transports. - La faute lourde est celle qui découle d’un comportement d’une extrême gravité qui tient soit à l’écart de conduite du débiteur soit aux conséquences de la faute du débiteur. Parfois assimilé à la faute inexcusable, c’est le cas d’un vendeur qui ne s’assure pas de la sécurité des produits qu’il met sur le marché. Une telle faute a pour effet d’écarter toute limitation la limitation légale ou conventionnelle, notamment dans le transport terrestre, permettant ainsi la réparation intégrale des préjudices subis, prévisibles ou imprévisibles. - La faute intentionnelle et la faute dolosive constituent le plus haut degré d’échelle de gravité des fautes. La faute intentionnelle consiste dans le fait d’accomplir un acte dommageable en pleine connaissance de cause du préjudice que cela va causer à l’autre partie. La faute dolosive est celle que commet un contractant qui « de propos délibérés, se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n’est pas dicté par l’intention de nuire ». Tout comme la faute lourde, ou la faute inexcusable, la faute dolosive met à l’écart les limitations conventionnelles, générales ou particulières, de la responsabilité contractuelle. La notion de faute intentionnelle, qui est plus utilisée en matière d’assurance ou de la responsabilité civile, a pour effet d’exclure toute assurance et fait échec à toute limitation légale ou conventionnelle au droit à réparation. Il arrive que le débiteur échappe à sa responsabilité lorsque le caractère fautif est gommé par une cause d’exonération. 62 Le régime général de la responsabilité contractuelle. www.aesplus.net 35
  • 36. Cette théorie exposé par Domat et systématiser par Pothier, a été critiqué au 18eme siècle, et finalement abandonnée sous l’influence de Planiol 63 : « C’est l’obligation qui varie en étendue et non la faute en gravité » ; … dans la limite ou l’obligation existe, on peut dire que toute contravention à cette obligation constitue une faute, quelque légère qu’elle soit et sans distinguer si l’obligation est conventionnelle ou légale. Il s’agit donc de savoir, non pas dans quelle mesure le débiteur a manqué à son obligation, mais dans quelle mesure il se trouve lié et quelle somme de diligence il était tenu de fournir ». Le code civil de 1804 n’a pas repris cette hiérarchie. Pourtant une série de textes législatifs notamment en droit du travail, ont recréé cette hiérarchie, en attachant des effets particuliers à la faute intentionnelle, à la faute lourde ou à la faute grave. Cette hiérarchie permet d’obtenir une responsabilité plus sévère, comme le montre l’article 1150 du Code civil qui prévoit une aggravation du régime ordinaire de la responsabilité en cas de dol, c’est-à-dire lorsque l’inexécution a été commise volontairement avec la pleine conscience du dommage qui peut en résulter, ou l’article 1153 du code civil qui dans son dernier alinéa prévoit l’octroi de dommages intérêts distincts des intérêts moratoires en cas de mauvaise foi du débiteur. Elle permet également d’écarter les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité notamment en matière de transport terrestre où tous les contrats- types limitent la responsabilité du transporteur64 . On peut penser que la faute ne se réduit pas à l’inexécution de l’acte promis, fait purement objectif, elle sous-tend souvent un reproche sur la cause de celle-ci, une critique du comportement du débiteur de l’obligation. En droit des transports la faute est facile à caractériser : elle est automatique, le transporteur étant tenu d’une obligation de résultat. Nous savons que la référence à la faute est quotidienne, notamment dans les arrêts de la Cour de cassation. On sait que la faute in abstracto se définit essentiellement par rapport aux circonstances du dommage. Etaient-elles ou non prévisibles ? Le transporteur aurait-il pu leur résister ? De façon prépondérante, c’est la conscience que le transporteur devait ou pouvait avoir du risque de dommage qui permet d’apprécier la gravité d’une faute. La faute légère suppose une 63 MALAURIE (P.) et AYNES (L) : « Contrats et quasi contrats ». Obligations, Tome 2, 11e éditions Cujas 2001 64 GARBAN (M.), Rapport devant la Chambre mixte de la Cour de cassation, sur l’arrêt Chronopost 22 avril 2005. www.courdecassation.fr 36
  • 37. conscience rudimentaire, née de l’apparence du risque de dommage. La faute lourde devra donc impliquer une conscience plus aiguë du risque de dommage, voire du dommage tout court. La jurisprudence, dans l’ensemble, se montre fidèle à cette perception des différentes fautes. Cette conscience plus aiguë du risque de dommage que le transporteur devait ou pouvait avoir est tout d’abord retenue en jurisprudence lorsque la cause du dommage était particulièrement évidente. Il en est ainsi pour les accidents de trajet dus au heurt du tablier d’un pont dont le tirant d’air est manifestement inférieur au gabarit du véhicule chargé. Une série de décisions insistent à ce sujet sur l’évidence particulière du risque de dommage due, selon les cas, au gabarit exceptionnel du véhicule ou à la reconnaissance préalable de l’itinéraire par le transporteur65 . Il en va de même lorsque le transporteur ne s’inquiète absolument pas du chargement et de l’arrimage de la marchandise, alors que le vice est apparent et qu’il sait que le trajet est particulièrement accidenté, ou qu’il abandonne de course en plein soleil dans le midi de la France pendant plus de six heures66 . « L’oubli total de ses obligations » constituera sans hésitation une faute lourde. Plus subtilement, la faute lourde est souvent retenue parce que dès le départ, le transporteur routier a accepté d’acheminer une marchandise manifestement mal chargée ou mal arrimée par l’expéditeur, sans chercher à y remédier, lui faisant courir un risque grave qui s’est révéler au cours du déplacement67 . Les juges n’hésitent d’ailleurs pas dans un tel cas à noter qu’en outre le transporteur négligent n’avait pas adapté sa conduite routière pour, au moins, éviter que ce risque, dont il ne pouvait pas ne pas avoir conscience, se réalise. Au cours du déplacement, le transporteur est encore susceptible de connaître plusieurs types de fautes lourdes : manutention particulièrement peu précautionneuse des colis qui lui sont confiés68 ; erreurs techniques dans l’entretien ou la conduite du véhicule qu’un professionnel du transport ne saurait commettre tant elles sont flagrantes… De façon générale, les juges insistent sur la prévisibilité particulière du risque de dommage en raison tantôt de ce que le transporteur savait, tantôt des instructions qu’il avait reçu de 65 Cass. Com. 11 mai 1976, Dalloz 1976, sommaire, page 64. 66 C. A. Caen 23 avril 1974, BT 1974, page 238. 67 Cass. Com. 7 avril 1987, Bulletin civ. IV, n° 83. 68 C. A. Amiens, 12 mars 1996, BT 1996, page 559. 37
  • 38. l’expéditeur. L’absence de mesures adéquates au risque ainsi prévisible accuse indubitablement le transporteur69 . Cette connaissance nécessaire de ses devoirs que devait avoir le transporteur renforce du même coup le contenu de son obligation de diligence dont, par contraste, l’inexécution ne devient que plus gravement fautive. La gradation entre la faute lourde et la faute légère repose bien sur la distinction entre une conscience particulière du dommage qu’aurait dû avoir le transporteur et une simple conscience rudimentaire. Paragraphe II : Le peu de différence entre faute lourde et faute légère Le maintien d’une distinction suffisante entre faute lourde et faute légère est essentielle pour le transporteur. Que la jurisprudence, dans un souci de sanction, lui refuse en cas de faute lourde la possibilité d’invoquer la clause limitant sa responsabilité, soit. Mais qu’une interprétation excessivement large de la notion de faute lourde aboutisse à rendre le transporteur, de manière systématique intégralement responsable du dommage qu’il a causé, c’est rendre inutile toute prévision contractuelle et, au-delà, remettre en cause la raison d’être du contrat et de l’entreprise. La jurisprudence semble avoir pris en compte cet effet. Plusieurs arrêts disposent que la faute du transporteur est bien établie, mais qu’elle n’est pas suffisamment grave pour être considérée comme lourde70 . En d’autres termes, la cause du dommage pouvait bien être prévue ou pouvait être évitée, mais elle ne possédait pas cette évidence telle que le transporteur pu aisément la prévoir et l’enrayer. Plus significatives encore sont les décisions qui, tout en reconnaissant que la cause du dommage ne constitue pas un cas de force majeur, ce qui revient à admettre la faute du transporteur, refusent en même temps de voir dans cette faute un manquement lourd71 . Dans cette perspective, le critère de distinction entre faute lourde et faute légère apparaît clairement. Chaque fois que le transporteur pouvait invoquer avec succès des motifs expliquant, même partiellement, son inexécution, la faute lourde ne saurait être retenue : la 69 Cass. Com. 15 novembre 1988, BT 1989, page 450 70 Cass. 1er Civ. 3 juin 1970, Dalloz 1971, page 373, note du professeur CHAUVEAU. 71 C. A. Paris, 27 mai 1980, BT 1980, page 435. 38
  • 39. conscience que le transporteur aurait dû avoir des risques de dommage n’est pas suffisamment claire ; l’on demeure donc dans le domaine de la faute légère. Cependant il faut relativiser cette distinction entre les deux fautes, pour être susceptible de réduire la conscience que le transporteur devait avoir, les motifs allégués doivent être eux- mêmes exempts de fautes. Le transporteur ne peut prétendre se retrancher derrière des raisons qu’il a lui-même, par sa carence, contribuées à faire naître72 . Or, il ne faut pas oublier que le transporteur est un professionnel. L’expéditeur qui s’adresse à lui est en droit d’attendre de sa part une conscience des risques de dommage beaucoup plus aiguë que la moyenne. A la limite, cette conscience sera présumée. Si bien que, dès l’instant où l’on pourra relever une raison quelconque pour que le transporteur puisse avoir conscience du danger, la faute lourde sera retenue. La jurisprudence tend, tout d’abord, à admettre que la simple apparence des risques de dommage suffit à constituer la faute lourde : même en présence de motifs certains pour croire que le dommage ne surviendra pas, l’inexécution prouvera la faute lourde73 . Les motifs de l’inexécution deviennent superfétatoires dès l’instant où la conscience du risque de dommage est présumée chez le transporteur. Dès lors, les juridictions auront tendance à admettre que toute violation d’une obligation comprise dans la sphère de diligence normale du transporteur constitue une faute lourde. De fait, bon nombre d’arrêts se bornent à constater matériellement l’existence d’un manquement et le qualifient aussitôt de grave. Par exemple, pour le vol de marchandises dans un véhicule que le chauffeur avait abandonné durant cinq minutes pour effectuer une livraison : le chauffeur aurait dû être accompagné74 . Certaines décisions vont jusqu’à admettre un véritable renversement du fardeau de la preuve de la faute lourde. Sur la base d’un simple relevé de l’occasion d’ailleurs mal connue du dommage, elle considère qu’il revient au transporteur de se disculper et qu’admettre le contraire « conduirait à une impunité de principe » ou que « le simple énoncé (par l’expéditeur) de la cause du dommage, non déniée, suffit à justifier ses prétentions, sauf au 72 Tribunal commercial de Paris 7 novembre 1973, BT 1973, 514. 73 Tribunal commercial de Paris 11 janvier 1980, BT 1980, 94. 74 C. A. Besançon 30 septembre 1958, 306. 39
  • 40. transporteur à se disculper »75 . La Cour d’Amiens76 n’a pas hésité à affirmer que : « Attendu qu’il est certain que constitue une faute lourde pour un transporteur le fait d’engager son véhicule sous un pont sans s’assurer de savoir si la hauteur libre est suffisante pour permettre le passage du chargement ». En relevant la faute lourde, les juges s’efforcent au fond de donner une leçon de conduite aux transporteurs et l’on sent bien qu’ici résident une appréciation a posteriori de la diligence qu’aurait dû avoir le transporteur77 . Il s’agit là pourtant, « de véritables arrêts de règlement : ils posent un principe sans avoir égard à la moindre des circonstances de nature à apprécier concrètement la gravité du comportement du transporteur ». Ces arrêts n’auraient-ils pas mérité d’encourir la censure de la Cour de Cassation, qui exige des juges du fond qu’ils précisent les circonstances constitutives de la faute grave ? De fait, des jugements juges du fonds ont encore été récemment cassées car leurs motifs, trop généraux, ne permettaient pas à la Cour « d’exercer son contrôle sur le degré de gravité de la faute du transporteur78 ». Il reste que le silence gardé par ces décisions sur la conscience que devait avoir le transporteur du risque de dommage n’implique aucune conception matérielle de la faute lourde. Au fond, les juges estime implicitement l’idée qu’un professionnel du transport doit être capable d’une conscience du danger – son pain quotidien – bien plus élevée qu’un profane. La Cour de cassation a paru prendre conscience de ces risques de dérives. A partir de 1985 elle a tâché d’encourager les juges du fond à se montrer plus circonspects en élaborant elle- même « une formule au tour restrictif ». La faute lourde y est définie comme « une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée 79 ». Maintenue vaille que vaille jusqu’à nos jours, une telle formule a-t-elle obtenu le résultat escompté ? Il paraît difficile de l’admettre. La Cour de Cassation s’en est surtout servi, pour casser les arrêts ou jugements insuffisamment motivés, qui ne relevaient pas les circonstances précises susceptibles d’accuser le transporteur. Elle a rejeté au contraire les pourvois déférés devant elle dès lors que les juges du fond avaient précisé concrètement en quoi le transporteur leur paraissait coupable de faute lourde. 75 C. A. Aix 12 mai 1987, BT 1988, 291. 76 27 octobre 1993, BT 1993, 838. 77 C. A. Paris, 17 février 1988, BT 1988, 685. 78 Cass. Com. 8 juin 1993, Bulletin civ. IV, n° 238. 79 Cass. Com. 26 février 1985, Bulletin civ. IV, n° 82. 40