Bibdoc 2024 - L’Éducation aux Médias et à l’Information face à l’intelligence...
Serie noire
1. Série Noire
http://www.gratuibook.fr/
présente
Série Noire
textes de
Bernard PICHARDIE
Éditions SOLMAT
1
2. Série Noire
je suis parolier, c'est-à-dire que j’écris des textes de chansons, j’ai commencé il y a 13 ans par de
la poésie
mais qui lit de la poésie ? … ! ! !
j’ai donc essayé de trouver des compositeurs pour mes textes et plus de 50 ont posé leurs notes
sur mes mots …
quelques interprètes ont eu le courage ( ou l’inconscience ) de poser leurs voix sur nos chansons
quelques titres sont maintenant sur des C.D. et je suis toujours à la recherche de chanteuses et
chanteurs motivés
j’ai eu également des envies d’explorations de styles d’écritures, nouvelles, théâtre, essais …
… toujours pour le plaisir de la création et de la rencontre par le biais de la co-écriture
ce petit recueil peut être communiqué par courriel via internet
certains textes peuvent être déposés sur des sites ou des blogs
je souhaite qu’on me le signale
pichardie@pichardie.com
et qu’on ajoute les noms des auteur(s) et,
pour les textes de chansons, des compositeurs
avec le lien vers l’un de mes blogs
j’accepte toutes les critiques éventuelles
Bernard Pichardie
www.pichardie.com
http://chantsongs.musique.com
2
3. Série Noire
Sommaire
p. 4 La dernière tâche
p. 6 Fin de nuit
p. 8 Profileur
p. 10 Voiture 05 place 12 côté fenêtre compartiment non fumeur
p. 13 Le kid killer
p. 15 La longue nuit
p. 17 Silex
p. 21 L’amère
p. 23 Maison à vendre
p. 25 Héloïse
p. 29 Devant le grand bleu *
p. 31 Crevasses
* coécriture avec Marie-Noëlle RINAUDO
http://marino.musique.com
3
4. Série Noire
LA DERNIÈRE TÂCHE
Le besogneux
Il sait qu’il va bientôt accomplir sa dernière tâche. Il a peu de temps pour se
préparer, juste quelques instants pendant lesquels il va puiser dans les réserves ses
forces ultimes. Il veut donner le maximum. Parmi les élus, une dizaine de vainqueurs mais
qui perdront la vie. Il le sait, il l’accepte sans révolte. Depuis les premiers jours, depuis les
premières lueurs, le rite est identique. Alors, il se tient prêt.
Il pense à elle sans cesse en s’étourdissant de travail. Il ne pense à rien d’autre. Elle est sa
seule raison de vivre, son seul but. Mais, il y a un « Mais »… Son avenir à elle se fera sans
lui. Terrible constat… Mais pas de parade possible, pas de dérobade ni de fuite. Aucun
refuge pour éviter la mission. Il n’a d’ailleurs pas l’intention de reculer devant l’épreuve
finale.
Le désespéré
Il avance de son pas lent le long du sentier. Il piétine sur les feuilles jaunies en
pleurant ses derniers désespoirs. Les giboulées d’un printemps tardif ont fait place à la
canicule. Il se sent à l’abandon, ballotté par les rafales d’un vent qui s’engouffre dans ses
pensées. Les doigts de sa main droite s’agrippent à cette lettre déposée au fond de sa
poche.
Les analyses confirment la sentence. Il a tout perdu, ses éclats de rêves se sont effilochés.
Il n’a plus qu’une idée en tête, partir. Partir pour se terrer loin de sa terre, loin de son
terroir, de son territoire réduit en lambeaux.
Ses racines ne coulent plus dans ses veines, elles ne sont plus que des miettes dérisoires.
Il crache des frissons face au souffle torride qui lui lacère la peau de ses colères.
La mission‐suicide
Le voici fin prêt … Conditionné depuis sa naissance à la finalité de son parcours
terrestre, il n’a qu’une envie, la posséder. Elle, elle est seule face à de trop nombreux
prétendants. Elle est légère, accueillante, disposée à se laisser séduire. Par lesquels ?
4
5. Série Noire
Tout à coup, une nouvelle attaque, insidieuse, inexorable… La mort est de plus en plus
présente aux alentours. Des signaux envoyés ont été confirmés par les nombreuses
disparitions inexpliquées. Malgré cela, rien ne vient perturber le travail du groupe. S’il
faut disparaître, ce sera dans l’unité.
Il a conscience que le départ est proche, la force est en lui. Le soleil a posé ses mille
rayons sur la campagne environnante. La vitesse de réaction pour rejoindre celle qui a
été choisie sera déterminante. Il voit bien, il sait bien qu’il n’est pas le seul en lice. Ses
coéquipiers sont également sur le qui‐vive.
Un léger tremblement suivi d’une envolée. La mission débute dans la frénésie.
Échec et mat
En quelques jours, il a perdu les fruits de sa passion. Il ne reste rien de ses heures
de préparation, de ses heures de soin intensif. Sa main tremble en déchirant le rapport
des analyses reçu ce matin. L’ennemi a laissé le mal se propager. Ses possessions ont été
possédées. La mort s’est engouffrée dans la grande majorité de ses colonies. Il se doute
que les demandes d’indemnisation sont les étapes d’un parcours semé d’embûches, de
mesquineries. Les assureurs ne sont pas rassurants.
Le « Gaucho », dont les quantités répandues sur le maïs ont été triplées par erreur, a fait
de nouvelles victimes…
Il n’a pas envie de lutter.
Face au soleil de plomb, il approche le revolver de sa tempe…
Le corps d’un faux‐bourdon au bas‐ventre déchiqueté vient s’écraser à côté du trou laissé
par la balle.
Final dans la joie et l’allégresse
Pas loin de là, dans un rucher non contaminé, la reine commence la ponte avec
frénésie. Autour d’elle, les abeilles frétillent, s’agitent sans relâche.
La vie est belle ! …
Bernard Pichardie
juillet 2005
5
6. Série Noire
FIN DE NUIT
Le matin se profile
En d’infimes lueurs bleues
Cherchant comme un reptile
Les cernes de tes yeux
Tout au bord du trottoir
Enrobé de murmures
Tes pensées dérisoires
Se projettent sur un mur
Tu traînes ta carcasse
En gestes fatigués
Entassés dans l’impasse
Où gisent tes regrets
Ton blues se déchaîne
Cimenté à ta rue
Ton blues te ramène
Au final des exclus
Tu écoutes sans violence
La plainte d’un refrain
Les griffes d’une absence
Pénétrant le crachin
La trompette se vide
Le long de ton coma
En musique livide
Accrochée à tes pas
6
7. Série Noire
Ton cafard se soulève
Réveillant les envies
Qui ternissent tes rêves
Hantés par la survie
Ton blues se déchaîne
Cimenté à ta rue
Ton blues te ramène
Au final des exclus
Tu balances ton spleen
Tout près du caniveau
Tandis que se débine
Le froid de ton cerveau
Tes souffrances s’agitent
Craquelant tes frayeurs
Ton agonie palpite
Au fin fond de ton cœur
Et tu craches ton sommeil
Vers l’ultime décor
Englué d’un soleil
Ressemblant à la mort
Ton blues se déchaîne
Cimenté à ta rue
Ton blues te ramène
Au final des exclus
musique Olivier DENANS
paroles Bernard PICHARDIE
chanson déposée à la SACEM
pour écouter la maquette de la chanson
http://chantsongs.musique.com/206962/FIN-DE-NUIT
7
8. Série Noire
PROFILEUR
Je suis profileur
Je fais mes délices
De quelques indices
Dans tous les bas-fonds
Où sévit le crime
Devant les horreurs
De la mort immonde
Je cherche et je sonde
Dans le plus profond
Des sévices intimes
Je suis profileur
Je cherche et je traque
Dans ces culs-de-sac
Donnant sur l’effroi
Je poursuis l’enquête
Sur le grand malheur
De quelques ruelles
Vidant leurs poubelles
J’ fais mon cinéma
Au fond de ma tête
Je suis profileur
Je pêche et renifle
Des traces de gifles
Sur des joues d’enfants
Des lèvres de femmes
8
9. Série Noire
Dans la grande peur
Berçant des entrailles
Je coupe et je taille
Sur le grand écran
De désirs infâmes
Je suis profileur
Je sens les rancunes
Qui n’ font pas la une
De tous les journaux
Et des magazines
Loin de leurs clameurs
Parfois je m’emballe
Dans une arrière salle
Devant des photos
Je vois je devine
Je suis profileur
Je fais mes délices
De quelques indices
Dans tous les bas-fonds
Où sévit le crime
Devant les horreurs
De la mort immonde
Je cherche et je sonde
Dans le plus profond
Des sévices intimes
Bernard PICHARDIE
texte déposé, à la recherche d’une musique
9
10. Série Noire
VOITURE 05 PLACE 12 CÔTÉ FENÊTRE
COMPARTIMENT NON FUMEUR
Le voyageur se dit parfois
Arriverai-je un jour chez moi
Mon âme est-elle planétaire
Il n’est jour, semaine ni mois
Qui ne me fasse sédentaire
Le voyageur ne s’en va guère
Le voyageur ne s’en va pas
Gilles Vigneault
Entre Marseille et Bordeaux, 0ctobre 2002
Il a dix minutes de retard on va louper notre correspondance à Bordeaux qu’il dit.
Il, c’est le vieux monsieur.
Elle, elle ne dit rien comme d’habitude.
Elle laisse dire.
Le train vient de repartir.
De TOULOUSE MATABIAU.
C’était écrit sur les panneaux du quai de la gare.
Certains somnolent.
Certains rêvassent.
Il y a des nuages qui défilent au-dessus du vert des branches frémissantes.
C’est ce qu’elle voit à travers la vitre.
Il fait froid, hein ? …
Une bribe de conversation s’échappe.
Quelques mots futiles.
Une odeur forte de camembert envahit l’espace.
Le jeune à casquette vient de sortir le fromage et le pain.
Tout le compartiment profite.
*******
10
11. Série Noire
Dix minutes de retard on va pas y arriver.
Lui, il étale une deuxième couche de son angoisse.
Elle, elle n’écoute plus.
Une sonnerie caracole sur l’air de « j’ai le synthé qui me démange ».
Quelques paupières se soulèvent.
Le portable s’approche de l’oreille de l’étudiante en droit.
Oui on a dépassé Toulouse tu m’attendras à la gare non je n’ai pas mangé oui je t’aime à tout
à l’heure.
Un bébé crie.
Un enfant pleure.
L’ambiance est assurée.
J’ai mon cholestérol qui a encore monté le docteur veut que je fasse des examens et des
analyses moi j’en ai marre il va me dire de faire le régime.
La place 36 débite ses états d’âme et de santé.
Ralentissement en rase campagne.
Arrêt
Le haut-parleur crache ses recommandations.
*******
On n’aura pas la correspondance à Bordeaux.
Lui, il est reparti pour un tour.
Tension à cru.
Elle, elle fait semblant de dormir, alors lui, il s’arrête.
Redémarrage.
Gros soupirs.
Accélération.
Quelques jambes se déplient et s’allongent sur des places libres.
Une échappée s’élance vers le wagon aux en-cas conditionnés.
Passage d’une gare égarée près d’une ville pavillonnaire.
La casquette a fini son repas odorant.
Le contrôleur passe.
Des mains se tendent, des billets s’agitent puis rejoignent leurs propriétaires, agrémentés de
perforations intimes.
*******
11
12. Série Noire
On va louper notre correspondance tu crois que le retard va diminuer ?
Lui, il marmonne entre ses dents.
Elle, elle n’en peut plus, elle ne répond pas, soulevant les épaules.
On dépasse des caravanes.
Puis on s’engouffre dans un tunnel.
Absorbant.
Absorbés dans des pensées sans conter.
Une petite lumière jaune signale l’occupation d’un lieu.
Une deuxième petite lumière du même jaune fadasse se joint à la première.
Les envies vont souvent par paires.
Des gouttelettes s’éparpillent sur les carreaux.
Des commentaires fusent.
Le temps n’est plus ce qu’il était pour un mois de mai c’est incroyable on se croirait en
novembre les prix des légumes vont encore augmenter cet été.
Les têtes les plus anciennes dodelinent.
Des soupirs de lassitude saupoudrent la banalité des réflexions.
*******
Je suis sûr qu’on n’aura pas la correspondance à Bordeaux.
Lui, il n’en finit plus avec son obsession.
Elle, elle lit son horoscope.
Soudain, un bruit effrayant.
Déraillement
Voici que le compartiment se froisse comme un accordéon.
Le son produit est bien différent.
Je vais louper ma correspondance.
Dit-il en mourant.
Elle, elle ne l’entend plus.
Bernard Pichardie
nouvelle du recueil
« Nouvelles FraÎches »
12
13. Série Noire
j'étais dans le train entre Bordeaux et Marseille avec mes filles
c'était pendant les vacances de la Toussaint 2001
et tout à coup, l'idée m'est venue de transposer
les événements du 11 septembre
au niveau d'une cour de récréation ...
une chanson à la recherche d’interprètes
LE KID KILLER
Pour entrer en classe
Y a un portillon
Le silence efface
Quelques cotillons
C’est un écolier
Qui a des frissons
Il a oublié
Toutes ses leçons
Un canon scié
Dans la main du gnome
Vite il a tiré
Puis a mis la gomme
Le Kid Killer
Le Kid Killer
Le Kid Killer
S’est fait la malle
Le Kid Killer
Le Kid Killer
Le Kid Killer
Est en cavale
13
14. Série Noire
Des gouttes de sang
Petits bouts de chair
Dans la cour des grands
Tout près des waters
Plus d’instituteur
Devant cette école
Des cris et la peur
Quand la mort décolle
Un petit killer
A joué l’affreux
Semant la terreur
L’effroi et le feu
Le Kid Killer
Le Kid Killer
Le Kid Killer
S’est fait la malle
Le Kid Killer
Le Kid Killer
Le Kid Killer
Est en cavale
musique Christian LAPORTE
paroles Bernard PICHARDIE
chanson déposée à la SACEM
pour écouter la maquette de la chanson
http://chantsongs.musicblog.fr/57489/LE-KID-KILLER
14
15. Série Noire
LA LONGUE NUIT
En ce jour de trop longue veille
Je suis debout anéanti
J’entends comme un essaim d’abeilles
Se profiler sur ma folie
Je ne suis pas sûr
D’avoir bien compris
Je sens des ratures
Au fond de ma vie
Les gens me regardent
Sans faire de bruit
Leurs flèches blafardes
Décochent leur mépris
J’ai comme une angoisse
Le souffle d’un cri
Je porte la poisse
De mon agonie
Je ne suis pas un assassin
Je veux savoir où est la faille
J’avais du sang sur les mains
Mais la mémoire en moi défaille
Je ne crois plus en mon étoile
Devant le seuil de mon chagrin
Qui étale sur moi son voile
En me vidant de mon crachin
15
16. Série Noire
Ils étaient bien là
Sur cette chaussée
Le regard en bas
Sans aucune pitié
Le temps était lourd
En ce soir d’été
Je devenais sourd
Sous les coups de pieds
Y avait cet enfant
Démantibulé
Et puis moi devant
Mais j’ai oublié
En ce jour de trop longue veille
Je suis debout anéanti
J’entends comme un essaim d’abeilles
Se profiler sur ma folie
Je ne suis pas coupable
Mais ils veulent ma mort
Ils sont impitoyables
Entourés de rapports
Je suis devant mes juges
Exposé affaibli
Je n’ai comme refuge
Qu’une trop longue nuit
Une trop longue nuit
Une trop longue nuit
Bernard PICHARDIE
texte déposé, à la recherche d’une musique
16
17. Série Noire
SILEX
Nous finirons la guerre
Avec des lance-pierres
Si nous vivons demain
Nous en viendrons aux mains
Guy Béart
Beauronne, août 2002
J’ai aiguisé mon silex.
Je termine la peinture du mammouth sur ma roche préférée.
Je remets quelques bouts de bois dans le foyer.
Ma décision est prise, je veux trouver le secret bien gardé par cette tribu lointaine.
Je laisse les autres.
Je quitte ma grotte.
… Je marche…
Je marche.
… Je marche…
17
18. Série Noire
entracte
amie lectrice
ami lecteur
le moment est venu de faire une pause
elle peut durer quelques secondes
quelques minutes
quelques jours
quelques mois
quelques années
l’essentiel est de profiter d’elle pour RESPIRER
18
20. Série Noire
Le décor est bien différent de celui de ma terre d’origine.
Il fait froid.
Je me cache en entendant quelques cris qui me semblent provenir de créatures
humaines.
Des gens étranges apparaissent.
Je reste caché derrière un rocher aux formes bizarres.
Je m’accroche à un objet que je tire.
Une lumière vive me fait sursauter.
Le froid est de plus en plus fort.
Je m’avance et pénètre dans la grotte.
Un grand bruit retentit.
Je me retrouve prisonnier…
Extrait de la Provence du 08/07/03
Un homme en haillons et à l’allure primitive a été retrouvé mort dans un
congélateur...
20
21. Série Noire
L’AMÈRE
La mère a mis
Ses habits sales
Dans la machine
À délaver
Et cette nuit
Tout va très mal
Elle a de la fuite
Dans les idées
Elle pense à lui
Qui prit la mer
Il est parti
Sur un bateau
Beaucoup trop lourd
Et sans espoir
De son retour
Elle broie du noir
Elle se sent seule
Elle fait la gueule
Elle a le cerveau
Bien trop rouillé
D’avoir pleuré
Et elle prend l’eau
De tout côté
Elle est vidée
Y a pas de bras
Pour protéger
Toute sa couvée
Il faut laver
Le petit dernier
Laver Maria
Frotter sécher
Le sol ciré
Elle brame elle rame
Essuie d’un revers
Le creux de la vague
Elle a le coeur
21
22. Série Noire
Tout à l’envers
Elle se sent comme
Un terrain vague
Sans son homme
Dans la cuisine
Elle crie elle pleure
Complètement
Lessivée
Et elle s’assied
Sur un banc
De sardines
Elle veut se noyer
La mère a mis
Ses habits sales
Dans la machine
À délaver
Et cette nuit
Tout va très mal
Elle a de la fuite
Dans les idées
musique
David CHARTIER
paroles
Bernard PICHARDIE
chanson à la recherche d’interprètes
prix SACEM du meilleur texte au concours de « Textes à Chanter » du
Cabaret Studio de Nantes en 1999
pour écouter la maquette de la chanson
http://chantsongs.centerblog.net/128068-L-AMERE
22
23. Série Noire
Visage fermé
La discrétion
Près du balcon
Rideaux tirés
Petit panneau
Sur cette grille
En pleine ville
Pour les badauds
Maison à vendre
Y a des secrets
Pas partager
Ne pas comprendre
Faut du silence
Par solitude
Par habitude
De l’absence
Des gros cailloux
Tombés en pluie
Sans préavis
Autour du trou
Il est cinq heures
Des gens s’amusent
Des rires fusent
Dans la torpeur
Plaque de marbre
Et puis devant
Voici le vent
Entre les arbres
Y a la police
Des gyrophares
Près de la mare
Un chien qui pisse
23
24. Série Noire
On voit des pas
Le long du mur
Des regards durs
En petits tas
Un bruit qui court
La silhouette
D’une estafette
Traverse la cour
Un cri résonne
Sous les lueurs
C’est le violeur
Qu’on emprisonne
Y a ceux qui savent
Ceux qui se sauvent
Bien loin du fauve
Au fond de la cave
Visage fermé
La discrétion
Près du balcon
Rideaux tirés
Petit panneau
Sur cette grille
En pleine ville
Pour les badauds
Maison à vendre
Y a des secrets
Pas partager
Ne pas comprendre
Faut du silence
Par solitude
Par habitude
De l’absence
Bernard PICHARDIE
texte déposé, à la recherche d’une musique
24
25. Série Noire
une nouvelle que j’aimerais voir se transformer en un scénario de film, elle a été écrite
après un texte de chanson dont on peut écouter la maquette :
http://chantsongs.musique.com/182115/HELOISE
Marseille, décembre 2001
HÉLOÏSE
… « Le soir quand les murs se rapprochent
Quand je me sens sous-marin
Je casse les hublots de ma chambre
Et je saute de mon appartement » …
Michel Polnareff
*****
« J’ai mis un papillon Sur mon front
J’entends le bruit de ses ailes
Il paraît que j’ai une petite cervelle »
Doucement, Héloïse se réveille.
Ce matin, son rêve lui colle au front comme un papillon froissé. Elle prend son temps en
pensant à madame Rivière qui la fait dessiner.
« Elle est très gentille madame Rivière, elle me donne toujours quelques bonbons. Elle dit à
maman d’attendre dans la pièce où il y a des jeux et des livres et puis elle reste seule avec
moi.
Des fois, elle me pose des questions, je réponds si je veux. Parfois je veux, parfois je veux
pas. Si je veux pas, je réponds quand même… Mais je mens pour avoir les bonbons. Elle
me fait jouer aussi, et dessiner. Elle me demande à chaque fois si je veux essayer de lire. Je
lui dis que je ne sais pas lire. C’est pas vrai. Je sais lire un peu.
J’apprends en cachette avec ma copine Sophie. C’est notre secret à toutes les deux. J’ai juré
devant Nini ma poupée préférée que je lirai devant papa et maman quand ils ne se
disputeront plus. »
25
26. Série Noire
Tout à coup, elle entend un remue-ménage. Le choc de quelques bises griffe l’espace dans
le couloir, des pas feutrés déambulent tout près de sa chambre. Un léger bruit suinte vers
son oreiller, la poignée de la porte tourne lentement, un œil pénètre et se pose sur elle. Elle
fait semblant de dormir. La porte se referme.
Il est trop tôt pour prendre le petit déjeuner. Doucement, elle saisit un livre et suit de page
en page Blanche Neige et les sept nains.
« J’aime bien les nains. Ils chantent tout le temps. Ils n’ont pas de maman ni de papa. C’est
peut-être pour ça qu’ils sont heureux… À part Grincheux… »
Elle décide de se lever, sort de sa chambre et découvre de nombreux adultes, parents ou
amis, agglutinés de manière étrange en ce début de journée…
Voici des mains qui tremblent et des gestes fatigués qui la guident vers la cuisine. Voici des
caresses qui semblent un peu trop compassées.
*********************************
La petite Héloïse s’installe à la table de la cuisine. Elle aime l’odeur de chaud sucré qui se
dégage de la casserole. Une tante vient de lui confectionner un vrai chocolat à l’ancienne.
Un bon quart de lait entier, deux cuillères de cacao pur, une de sucre, une de miel, la moitié
d’une gousse de vanille, un morceau de bâton de cannelle et quelques gouttes de kirsch. Il
faut que la préparation chauffe lentement, le temps que les arômes se développent.
Et la magie opère… Deux grosses tartines, chargées d’une fine couche de beurre demi-sel
recouverte d’une douce nappe de confiture de myrtilles, viennent compléter
harmonieusement la saveur chocolatée.
« Un jour, je vais essayer de grandir. Je le vois au fond de mon bol quand j’ai bu mon
chocolat. J’aime bien y laisser des traces avec mes doigts…
J’ai pas envie de me laver, je vais juste faire couler l’eau dans la salle de bain. Mes dents,
ça oui, je vais les brosser. Je ne veux pas sentir de la bouche comme le vieux Paul. Il pue
quand il m’embrasse…
Aujourd’hui, y a trop de monde dans la maison. Je voudrais être seule avec papa et maman
mais ils ne sont pas là. »
Elle met une robe blanche et un corsage tout doux. Les souliers des dimanches lui font un
peu mal aux pieds. Elle a grandi depuis l’année dernière…
L’année dernière, elle était encore une toute petite fille et pourtant elle devinait déjà les
tensions entre ses parents, les mots lancés pour affaiblir l’autre. Elle préférait se retrancher
26
27. Série Noire
dans la douceur de sa bulle, dans le calme soyeux de cette chambre chaude comme un
refuge.
Voici l’ami fiévreux au sourire fragile qui se dandine, contenant sa faiblesse. Voici des
parents fébriles au regard malheureux qui s’avancent vers elle.
« Je fais des dessins sur une feuille, j’y laisse quelques secondes de ma vie et j’y recherche
ma folie. Y a trop de vent elle part par la fenêtre comme un papillon… Tant pis pour
madame Rivière… Demain, je vais la revoir, je vais lui cacher tous mes ennuis…
Y a trop de bruits dans la maison aujourd’hui. Je n’ai pas encore vu papa et maman. Ils ne
sont pas souvent ensemble avec moi, même pendant les repas. Ils ne se parlent pas
beaucoup et quand ils parlent, c’est souvent pour se dire des méchancetés. C’est pour ça
que je veux pas de frère ou de sœur. »
Un glissement familier se rapproche d’elle. Le chat recherche sa main pour y déposer sa
langueur. Machinalement, elle parcourt d’un doigt malhabile son pelage. Il ronronne en
silence, défait le gros dos puis abandonne la chaise et va jouer avec les rideaux, pas très
loin des fadaises débitées par des bouches pincées. Héloïse se lève s’éloigne dans la
solitude d’un rêve égaré…
Voici la pluie de mots qu’on souffle en tremblant et qu’on chuchote de peur qu’elle ne s’y
frotte.
*********************************
« Je joue avec mon camion. Il paraît que c’est un jeu de garçon… J’aime bien mon camion.
Avec lui je vais partir très très loin de la maison… Pour enfin ne plus dormir…
J’emporterai Nini et si Sophie veut venir avec moi, je serai contente… Je ne vais pas en
parler à madame Rivière, elle ne serait pas d’accord et le dirait à maman…
Souvent, j’entends le vent qui souffle à côté de moi, mais rien ne bouge, pas une feuille
d’arbre… Alors, je devine que le vent est dans ma tête… »
Ses songes bien en poche, la petite Héloïse, tout habillée de blanc, va rentrer dans l’église.
Elle ne comprend pas pourquoi quelques larmes s’écoulent et lentement se brisent au creux
de cette foule qui vibre sans éclat…
Voici des papillons qui, voltigeant près d’elle, soulèvent un frisson, la frôlent de leurs ailes
sous la clameur des cloches et le tendre printemps.
Les membres de la famille et les amis s’installent, pénétrant le silence du lieu de leur
mélancolie. Des hochements de tête s’échangent en signe de reconnaissance. Des
mouchoirs palpitent sur des rides trop poudrées. Quelques anciens posent leur casquette, la
27
28. Série Noire
mine sombre et l’air un peu gêné. Des toux plaintives s’évadent avec maladresse.
Elle doit s’asseoir sur un banc. Elle se serre contre son papa… Elle chantonne dans ses bras
tandis qu’un orgue étend ses nappes poisseuses sur le recueillement de l’assistance.
Héloïse a perdu sa maman, mais elle ne le sait pas.
*********************************
« Maintenant, j’ai fait des dessins sur tous les murs, comme ça ils ne s’envoleront plus…
Ils resteront autour de moi… Je veux des câlins mais les grandes personnes n’ont pas le
temps… Il paraît que je vais déménager quand ma tante va repartir chez elle…
Un homme et une dame sont venus me voir plusieurs fois, ils m’ont montrée des photos de
leur maison et de deux filles qui vivent avec eux… Ce ne sont pas leurs enfants mais ils les
aiment beaucoup…
Ce matin, madame Rivière, elle m’a dit que demain je vais voir papa… »
Elle tape au carreau et cherche à capter le regard creux des passants trop pressés. Elle
attend pour briser ses chaînes un clin d’œil ou un joli sourire, une petite trace humaine pour
embellir son avenir. Elle a du brouillard dans la tête, du désespoir dans sa vie. Depuis ce
jour où la rouille de l’absence s’est déposée sur elle, laissant ses stigmates indélébiles, elle
clôture son esprit, elle s’évapore vers un ailleurs.
*********************************
14 H 30. Un parloir. D’un côté, un homme, sans menottes, le regard usé de trop de nuits
d’insomnie. Ses mains se collent à la vitre dans un geste pathétique et dérisoire. Les mots
lui manquent. La sueur s’échappe sur sa chemise. Il n’ose pas regarder en face.
De l’autre côté, une fille pleure.
Petite enfant cassée, trop silencieuse. Le cœur en grande misère, elle tape au carreau, le
corps fatigué, avec au fond des yeux un cri d’oiseau blessé.
Elle s’appelle Héloïse…
Quel beau prénom…
Bernard Pichardie
nouvelle du recueil
« Nouvelles FraÎches »
28
29. Série Noire
Devant le grand bleu de cette île
Je pense à ton dernier départ
À la beauté de ton regard
À tous ces instants si fragiles
Où nous vivions en liberté
Dans la tendresse de l’amitié
Qui accompagnait notre enfance
Sur papier crépon ou buvard
Le tam-tam de nos confidences
Devant le grand bleu de cette île
Devant le grand bleu de cette île
Je retrouve nos illusions
Nos p’tits bateaux en perdition
Et nos jouets d’enfants fébriles
Carte postale devant mes yeux
Le souvenir de tes adieux
Nos amours pour les mêmes filles
Le temps d’une récréation
Battements des coeurs qui sautillent
Devant le grand bleu de cette île
Devant le grand bleu de cette île
Les discussions de nos seize ans
Qui voguaient à contre-courant
Sur nos idées souvent futiles
Les relents de rhum et de marc
La fumée et le tintamarre
Je recherche encor des réponses
À tes angoisses d’adolescent
Tes cris et tes coups de semonce
29
30. Série Noire
Devant le grand bleu de cette île
Devant le grand bleu de cette île
Je congédie mon amnésie
Et je sors de mes rêveries
Le feu galopant sous mes cils
Carte postale entre mes mains
Dernier voyage et mon chagrin
Mes émotions à fleur de vide
Je me rappelle tous mes oublis
Le souvenir de ton suicide
Devant le grand bleu de cette île
Musique Jean-Pierre LOMBARD
Paroles Marie-Noëlle RINAUDO/Bernard PICHARDIE
chanson déposée à la SACEM
la maquette de la mélodie de base de la chanson
à la recherche d'interprètes
peut être écouter sur le blog de Marie-Noëlle :
http://marino.musique.com/288163/DEVANT-LE-GRAND-BLEU
30
31. Série Noire
CREVASSES
Dans ma cité En ce repaire
De HLM J’ai des frissons
Sur le frimas Des nuits de veille
Je sens monter Du réverbère
La couleur blême De son néon
Vers mon fracas Et ma bouteille
Je crache ma peur
Du noir
J’ai des crevasses En face de moi
Et je m’efface Devant vos lois
Je flaire au fond De mes entrailles
Cette mort lente Qui me poursuit
Par les éclats D’une seringue
Derrière mon front Quand je déraille
Je suis la pente De mon ennui
Sous mon grabat Je cherche un flingue
J’ai de la rancœur
Bien noire
J’ai des crevasses Là sur ces bras
Et je me glace Dans cet effroi
Je vois ce corps Avec mes chaînes
Qui m’emprisonnent Couvert de bleus
À cause des coups De vos cerbères
31
32. Série Noire
Je sue très fort J’ai de la haine
Dans mes neurones Comme un lépreux
Et tout à coup Je vocifère
Je vide mes pleurs
Si noirs
J’ai des crevasses Autour de moi
Je les enlace De mes crachats
Depuis ce jour De découverte
De ton regard De ton amour
De ta douceur À ta fenêtre
J’ai fait le tour De mon cafard
De mes erreurs
J’ai mis mon cœur En double file
Prés de ton âme Et de tes draps
Pour colmater Mes déchirures
J’ai le bonheur Qui se profile
Comme une lame Ouvrant la voie
De la beauté D’une bouture
Ma petite fleur
D’espoir
Plus de crevasses Plus de coma
J’ai mon espace Rempli de toi
Ma petite fleur
D’espoir
Bernard PICHARDIE
texte déposé, à la recherche d’une musique
32
33. Série Noire
remerciements à
Patrick
Marino
Solène et Mathilde
toi, lectrice ou lecteur qui a eu le courage ( ou l’inconscience )
d’aller jusqu’au bout … à moins que tu ne commences par la fin
et Bernard
eh oui, quoi ! … j’ai le droit de me remercier, non ? ! ! !
pichardie@pichardie.com
www.pichardie.com
http://chantsongs.musique.com
pour ceux qui ont un petit moment et qui veulent me faire plaisir
en votant pour moi :
http://www.zikpot.fr/artiste-Bernard%2BPichardie
http://www.gratuibook.fr/
Éditions SOLMAT
33