1. HISTOIRE DES ARTS SÉQUENCE 7
AIMÉ CÉSAIRE ET WILFREDO LAM,
UN DIALOGUE FÉCOND
2. Picasso, Lam et les “arts premiers”
Pablo Picasso, 3 études pour
Les Demoiselles d’Avignon (1906
1907).
Sculpture bidjogo
(Afrique subsaharienne),
Figure Orebok
XVIIIe-début XIXe, Quai
Branly.
Wifredo Lam,
Madame Lumumba, 1938,
Gouache sur papier, 64.5 x 49.5 cm.
4. Non, ma peinture ne serait
pas l’équivalent d’une
musique pseudo-cubaine pour
dancings, jamais. Pas de
chachacha ! Je voulais de
toutes mes forces peindre le
drame de mon pays, mais en
exprimant à fond l’esprit
nègre, la beauté de la
plastique des Noirs. Ainsi, je
serais comme un cheval de
Troie d’où sortiraient des
figures hallucinantes, capable
de surprendre, de troubler les
rêves des exploiteurs.
Entretien avec Lam, Propos
rapportés par Max-Pol Fouchet,
1976
ma négritude n’est pas une pierre, sa
surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n’est pas une taie d’eau
morte sur l’œil mort de la terre
ma négritude n’est ni une tour ni une
cathédrale
elle plonge dans la chair rouge du sol
elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l’accablement opaque de sa
droite patience.
Cahier d’un retour au pays natal, p.46-47
5. et voici au bout de ce petit matin ma
prière virile
que je n’entende ni les rires ni les cris,
les yeux fixés
sur cette ville que je prophétise, belle,
donnez-moi la foi sauvage du sorcier
donnez à mes mains puissance de
modeler
donnez à mon âme la trempe de l’épée
je ne me dérobe point. Faites de ma
tête une tête de proue
et de moi-même, mon cœur, ne faites
ni un père, ni un frère,
ni un fils, mais le père, mais le frère,
mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique
peuple.
Cahier d’un retour au pays natal, p.49.
6. Wifredo Lam, Lumière de la forêt, 1942.
Gouache sur papier marouflé sur toile, 192 × 123,5. Centre Pompidou, Paris.
7. Wifredo Lam, Le bruit, 1943.
Huile sur papier marouflé sur toile, 105 × 84. Centre Pompidou, Paris.
8. Wifredo Lam, La Réunion, 1942.
Tempera sur papier marouflé sur toile, 180 × 120. Collection privée.
9. Wifredo Lam, La Jungle, 1942-1943.
Huile sur papier, 239,4 × 229,9. MOMA, New York.
10. Wifredo Lam à propos de La Jungle :
« Quand je la peignais, les portes et les fenêtres de mon atelier étaient ouvertes.
Les passants pouvaient la voir. Ils s'écriaient : Ne regardons pas, c'est le Diable ! Ils
avaient raison. Un de mes amis y découvre justement un esprit proche de certaines
figurations infernales du Moyen âge. De toute façon, le titre ne correspond pas à la
réalité naturelle de Cuba, où l'on ne trouve pas de jungle, mais le basque, le monte,
la manigua — le bois, la montagne, la campagne —, et le fond du tableau est une
plantation de cannes à sucre. Ma peinture devait communiquer un état psychique. »
« Je crois que dès mon enfance j'avais en moi ce qui me conduisait à ce tableau.
Le douanier Rousseau, tu le sais, a peint la forêt vierge, la jungle, dans Le rêve, le
Lion ayant faim, Les singes, etc., avec des fleurs géantes, des serpents. C'était un
peintre formidable ! Mais il n'appartient pas à ma chaîne naturelle. Il ne condamne
pas, lui, ce qui se passe dans la jungle. Moi, oui. Regarde mes monstres, les gestes
qu'ils font. Celui de droite offre sa croupe, obscène comme une grande prostituée.
Regarde aussi les ciseaux qu'on brandit. Mon idée, c'était de représenter l'esprit
des Noirs dans la situation où ils se trouvaient. J'ai montré, par la poésie, la réalité
de l'acceptation et de la protestation.»
Propos rapportés par Max-Pol Fouchet, 1976.