1. Quelle stratégie numérique
pour les éditeurs de livres ?
Sous la direction de Vincent Montet
Patricia Gendrey
MBA Marketing et Commerce sur Internet 2009/2010
Mars 2011
1
3. TABLE DES MATIÈRES
Résumé 7
Paper outline 9
Recommandations 10
Introduction 12
Partie 1 : Le livre, un marché en pleine mutation 15
Chapitre 1 : Le Marché de l’édition 16
Section 1. L’histoire du livre et de ses grandes mutations 16
Sous-section 1- L’évolution du livre et des modes de lecture 16
Paragraphe1. La première révolution du livre 16
Sous-paragraphe 1 :Du volumen au Codex 16
Sous-paragraphe 2 : Du parchemin au papier 17
Paragraphe 2. La seconde révolution du livre 17
Sous-paragraphe 1 : L’impression 17
Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre 18
Paragraphe 3. La dématérialisation,
troisième révolution du livre 19
Sous-paragraphe 1 : Le Cdrom 19
Sous-paragraphe 2 : Les Ebooks et
les tablettes de lecture 19
Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et
librairies en ligne 21
Paragraphe 4. Evolution du mode de lecture 23
Sous-section 2 - Les mutations de l’industrie du livre 24
Paragraphe 1. Déplacement du centre du pouvoir 24
Paragraphe 2. Industrialisation et concentration 24
Section 2. L’organisation de la filière livre 25
Sous-section 1 - Vers une évolution de la chaîne de valeur 25
Paragraphe 1. La chaîne de valeur du livre papier 25
Paragraphe 2. La chaîne de valeur du livre numérique :
clone du livre papier ? 27
3
4. Sous-section 2. Les acteurs 30
Paragraphe 1. Les agents littéraires et les auteurs :
alliés de la renégociation des droits 31
Paragraphe 2. L’éditeur : un métier à réinventer 33
Sous-paragraphe 1 – Les éditeurs et Google :
une nécessaire alliance 34
Sous-paragraphe 2 : Les pures players
de l’édition 36
Sous-paragraphe 3. Les ventes d’ebooks 37
Paragraphe 3 : Diffusion et distribution : un enjeu majeur 38
Sous-paragraphe 1 : La concentration
du marché 39
Sous-paragraphe 2 : La multiplication des
plates-formes 39
Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente
en ligne 42
Sous-paragraphe 4 : Google et les
bibliothèques numériques 49
Sous-paragraphe 5 : Fabricants de readers
contre tablettes 50
Sous paragraphe 6 : Les opérateurs de
téléphonie mobile 52
Chapitre 2 : Vers l’évolution du modèle économique 52
Section 1. Les freins à lever pour l’émergence d’une
économie numérique 52
Sous-section 1. Les enjeux juridiques 52
Sous-section 2 : les enjeux techniques 55
Paragraphe 1. Les DRM 55
Paragraphe 2 : Les métadonnées 56
Sous-section 3 : Les enjeux économiques 56
Paragraphe 1. Risque d’accroissement
de la concentration 56
Paragraphe 2. Risque de perte de la connaissance client 57
Paragraphe 3. Risque de piratage 57
4
5. Section 2 : Les modèles économiques du livre numérique 61
Sous-section 1. L’éventail des modèles existants 61
Paragraphe 1. Tour d’horizon des modes de
commercialisation 61
Paragraphe 2. le partage de la valeur 62
Paragraphe 3. Cas de l’édition juridique 63
Paragraphe 4. Le cas de l’édition scientifique 65
Partie 2 :Bâtir une stratégie numérique 67
Chapitre 1 : La commercialisation du livre dans l’univers numérique 68
Section 1. Etre présent sur les plates-formes 68
Section 2 : Développer site internet et application 71
Section 3. Mettre en œuvre une cyberpromotion performante 72
Sous-section 1. Créer le buzz et développer la viralité 72
Sous-section 2. Les blogs pour faire parler 72
Paragraphe 1 : Babelio 73
Paragraphe 2. Blog-O-Book 74
Paragraphe 3. Livraddict 74
Sous-section 3. Les Bonnes pratiques 74
Sous-section 4. Exemple d’une campagne de lancement
d’un titre jeunesse : Ghostgirl Lovesick 77
Sous-section 5. Les moteurs de recherche
au service de la promotion du livre 78
Sous-section 6. L’affiliation 84
Sous-section 7. Achat de mots clés 85
Chapitre 2 : Faire évoluer l’organisation interne et les compétences 86
Sous-section 1. Adopter une organisation en réseau 86
Sous-section 2 : Des outils au service d’une stratégie multisupport 87
Sous-section 3 : Former les collaborateurs 88
5
6. Chapitre 3 : Les éditeurs de livres de demain 88
Section 1. Ce qu’attendent les lecteurs 88
Sous-section 1. Les tendances 90
Sous-section 2 : comparaison des modes de lecture
sur smartphones, tablettes et ordinateurs 89
Section 2 : Les pratiques des digital natives 92
Section 3 : Le rôle de l’éditeur 96
Sous-section 1. Les moyens de trouver et d’organiser
l’information 96
Sous-section 2 : Le devenir de l’éditeur 96
Sous-section 3 : Développer ou non des produits numériques 98
Section 4 : Les nouvelles formes d’édition 98
Sous-section 1. L’autopublication 98
Sous-section 2. « A book is a place » : la lecture sociale 101
Sous-section 3. L’édition sans auteur 104
Sous-section 4 : Le Storytelling et les nouvelles formes d’écriture 105
Paragraphe 1 : Storytelling 105
Paragraphe 2 : Les nouvelles formes d’écriture 107
Sous-paragraphe 1. les blogs 107
Sous-paragraphe 2. La narration sur Twitter 108
Sous-paragraphe 4 : Les romans dont vous êtes
le héros 110
Sous-section 3. Vers des manuels scolaires numériques 110
Sous-section 5 : L’explosion du marché des applications 113
Sous-section 7 : Les plates formes, lieu privilégié d’animation des
communautés 116
Conclusion 117
Bibliographie 118
Index 121
6
7. Résumé
Après le cinéma et la musique, les éditeurs de livres constituent la dernière industrie
culturelle à être touchée par la numérisation. Ce procédé impacte toute la chaîne de la filière
du livre : l’éditeur à travers la coordination du projet éditorial, le compositeur, l’imprimeur et
enfin le diffuseur et le distributeur. Il s’agit donc bien là d’une révolution qui engendre maints
mouvements structurels.
Face à ces changements de fond, cette étude se propose, à partir d’éléments chiffrés,
d’analyser le marché du livre et de déterminer les leviers qui aideront les éditeurs à entrer
dans l’ère numérique. En effet, les sociétés d’édition doivent travailler et s’organiser
autrement pour se préparer aux changements attendus dans l’écosystème du livre. Ils doivent
acquérir de nouvelles compétences. C’est là une condition de leur survie !
Les nouveaux contenus éditoriaux – livres enrichis, applications pour Smartphones et
tablettes - constituent une véritable opportunité de croissance pour les éditeurs de livres.
Ceux-ci sont néanmoins indécis, ne pouvant être certains qu’ils seront à même de rentabiliser
leur investissement. Cette étude analyse donc l’état du marché et se propose de dégager les
pistes de développement qui s’ouvrent aux maisons d’édition traditionnelles.
Ainsi, les développements seront scindés en deux grandes parties. La première est
consacrée aux mutations qui affectent le marché du livre et à l’évolution de la chaîne de
valeur. De même, les freins à lever pour l’émergence d’une économie numérique seront
7
8. traités, suivis de l’éventail des différents modèles économiques possibles. Sur ce dernier
point, deux secteurs éditoriaux, ayant depuis de nombreuses années déjà basculé vers le
numérique, seront examinés : il s’agit de l’édition juridique et scientifique.
La deuxième partie sera consacrée à la stratégie globale à adopter. Il est mis ici
l’accent sur les outils digitaux de promotion du livre, sur le choix des plates-formes de
distribution des livres, sur la nécessité d’organiser autrement les sociétés d’édition et
l’évolution nécessaire des compétences en interne. Cette étude s’achève avec des éléments
prospectifs sur ce que sera le livre de demain.
8
9. Paper Outline
After the movie and music industry, book publishing is the last cultural industry to be
affected by the digital era. This process has an impact upon all the segments of this industry:
the publisher who coordinates the publishing work, the compositor, the print worker and last
but not least the distributor. It is truly a revolution that gives rise to many structural changes.
In light of these dramatic changes, the present paper will, based upon various data and
figures, provide an analysis of the book market and will also identify the tools enabling the
publishers to enter into the digital world. Indeed, the publishing houses must re-organise and
adapt themselves to the changes foreseen in the book ecosystem. They must build or acquire
new skills, failing which their survival is at stake !
The new types of publishing content, that is enhanced books, Smartphone applications
and e-tabs, give book publishers a true opportunity for growth. Publishers feel however very
reluctant as they have some doubts about their ability to see the return on their investment.
This paper contains a market analysis and will describe the various ways that may be followed
by traditional publishing houses.
The first paper chapter is dealing with the mutations that impact the book market and
the evolution in the value chain. Further, it is describing how to overcome the hurdles to the
development of the digital business as well as a quite comprehensive overview of the possible
business models. For illustration purposes, the paper looks into two specific publishing
markets that have already switched into the digital world for several years, that is legal and
scientific books.
The second chapter of this paper is focused on the global strategy to be adopted, in
particular with respect to the digital tools for book marketing, the choice of platforms for
book distribution, the critical need to reorganise publishing houses and revisit the in-houses
skills that are required. The paper conclusion contains some further prospective
considerations about what likely will be the book of tomorrow.
9
10. Recommandations
Travailler dans le secteur du livre permet de prendre conscience des grandes disparités
existant entre les maisons d’édition. Il y a d’abord les grands groupes qui, depuis quelques années
déjà, opèrent une veille sur le marché et se sont organisés afin de faire face à un changement brutal.
D’ailleurs, dans le cas du livre numérisé, ils sont aujourd’hui tous en ordre de marche. Pour eux, 2011
est le « moment ebook » 1 . Cette année doit donc être consacrée à l’enrichissement des catalogues
numériques, l’une des conditions du basculement du marché. Toutefois, ils restent très frileux pour
entreprendre de nouvelles expériences sur les contenus. La raison en est simple : pas de production
éditoriale sans rentabilité. Cette place est donc prise par des « start‐up » qui tentent l’aventure et se
lancent à la conquête de ce nouvel eldorado en développant tous azimuts des livres enrichis et
applications pour Smartphones et tablettes, en faisant bien trop souvent l’économie d’une étude de
marché.
Ensuite, viennent les moyennes et petites maisons d’édition dont la vision d’avenir dépend
bien trop souvent d’une personne un peu Geek, un peu webmarketeur, mais pas assez d’une
stratégie claire et bien établie. Trop de sociétés, dont le chiffre d’affaires n’est pas négligeable, ne
connaissent pas vraiment le rôle des plates‐formes de distribution et des agrégateurs. Elles ignorent
aussi comment produire un simple fichier epub pour mettre à disposition le livre numérique. Elles
voudraient parfois se lancer dans des applications dérivées de leur contenu, mais elles n’en font rien
parce qu’elles ne savent pas par où commencer et à quelles compétences elles doivent s’adresser.
Par conséquent, les « pure players » s’engouffrent dans la brèche, conscients qu’il existe des
potentiels de développement. Ceux‐là ne sont pas issus de l’édition, mais sont très souvent « game
designers » ou informaticiens. Alors, les éditeurs sont‐ils condamnés à ne produire que du livre
papier et, si celui‐ci devenait objet rare pour collectionneurs, à disparaître avec lui ?
Le déficit de compétences touche aussi les nouvelles manières de promouvoir le livre. Trop
d’éditeurs n’ont encore pas l’ombre d’un site web ; trop d’éditeurs réalisent le marketing des
ouvrages comme il y a dix ans.
Pour répondre à ces problématiques, plusieurs points sont abordés :
La chaîne de valeur qui se modifie peu à peu. D’abord, véritable clone du livre papier, son
maillage évolue d’une structure linéaire vers une structure réticulaire, réseau où tous les maillons
1
Concept dégagé par Virginie Clayssen, Présidente de la Commission numérique du syndicat national de
l’édition
10
11. peuvent entrer en contact. Cette prise de conscience est importante, afin que l’éditeur réaffirme son
double rôle de coach de l’auteur et de support à la commercialisation du livre, mais aussi qu’il
devienne un véritable animateur de communautés.
La répartition de la valeur est un point également important. Certes, les lecteurs souhaitent
un prix du livre numérique inférieur à celui de l’ouvrage papier (de l’ordre de 40 % moins cher 2 ).
Certes, les coûts de production sont relativement importants. Certes, la TVA est plus élevée. Certes,
les éditeurs doivent faire face à un risque de perte de la valeur. Pour toutes ces raisons, les maisons
d’édition ont adopté une position qui consiste à fixer les droits d’auteur à 15 %. Il s’agit là d’une
légère augmentation par rapport aux droits versés pour la publication papier, mais pour les auteurs
cela est loin d’être suffisant. La révolte actuellement gronde et, les auteurs, bien conscients de
disposer désormais de moyens de pression, menacent de s’organiser pour vendre leurs livres sans
l’intermédiation des éditeurs. À ce jeu, les éditeurs risquent d’être les grands perdants et de se voire
évincer par d’autres acteurs. La renégociation des droits d’auteur numériques est aujourd’hui un
enjeu capital pour l’avenir de la profession.
Les plates‐formes permettent aujourd’hui la distribution des livres numériques.
L’interopérabilité est cruciale pour diminuer les coûts et permettre la diffusion des œuvres de l’esprit
par l’ensemble des cyberlibraires. Un accord a été signé entre les trois grands acteurs, toutefois, il ne
semble pas que cela soit pour le moment opérationnel. Il est important d’accélérer ce processus.
Les modèles économiques sont analysés. Une évolution vers un modèle à abonnement à un
flux de données semble l’hypothèse la plus probable. Dans l’avenir, des sites se constitueront sans
doute autour d’une communauté intéressée par le même thème, l’art par exemple. Ils auront alors
accès à l’ensemble des contenus sur un sujet donné, quelque soit la maison d’édition ou la société de
presse à l’origine de la publication. C’est sans doute là aussi, une piste de développement pour les
éditeurs.
La cyberpromotion est passée en revue. L’étude tente de dégager des bonnes pratiques à
partir de cas concrets. De même, des pistes sont données afin de moderniser la manière de
promouvoir les livres par l’utilisation des nouvelles techniques de webmarketing.
Enfin, une partie est consacrée aux nouvelles expériences de lecture. Il s’agit d’une approche
prospective qui devrait constituer pour les éditeurs une source de réflexion.
2
Etude IPSOS/CNL, Les publics du livre numérique, mars 2010
11
12. Introduction
Nous y sommes, la révolution numérique est en marche et s’emploie à changer en
profondeur le monde de l’édition. Pourtant, ces modifications ne datent pas d’hier. L’amont de la
filière a modifié ces pratiques depuis plusieurs années déjà, le mode de production du livre papier
ayant radicalement changé depuis plusieurs années. Ce dont on parle aujourd’hui c’est de l’aval, c’est
bien ce qui fait l’objet aujourd’hui de toutes les attentions, ce livre sur support numérique qui
annonce, selon Robert Chartier, une triple révolution : la révolution de la technique de production du
texte, une révolution du support de l’écrit et enfin une révolution des pratiques de lecture.
Mais pourquoi entend‐t‐on évoquer chaque jour dans les médias un raz de marée qui
modifiera en profondeur les pratiques si l’on ne parle que du livre homothétique, s’il ne s’agit que de
la simple reproduction de l’ouvrage papier sur support numérique ? Parce que l’enjeu ne réside pas
dans la simple action de déposer un fichier sur une plate‐forme de distribution, mais il est bien plus
crucial. En outre, parler de livre numérique, est‐ce parler encore de livre ?
Interrogeons‐nous tout d’abord sur la définition du livre. Curieusement, seule
l’administration fiscale en propose une. Selon elle, « Un livre est un ensemble imprimé, illustré ou
non, publié sous un titre ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs
auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture. » 3 Sont donc exclus de
cette définition, les produits non imprimés et par conséquent le livre numérique. Ceci peut paraître
incongru à l’éditeur comme au lecteur ; « À la recherche du temps perdu » diffusé sur le FnacBook,
ne serait donc pas un livre au sens de l’administration fiscale. On comprend bien là qu’il existe un
vaste malentendu, et que celui‐ci réside dans la confusion entre l’œuvre de l’esprit et son support. Le
travail de l’éditeur est bien de créer du contenu afin d’enrichir la connaissance, peu importe le média
sur lequel il est diffusé. Il ne s’agit plus seulement, par conséquent, pour les maisons d’édition de se
lancer dans la production de livres homothétiques, mais bien de permettre la diffusion de la pensée
quelque soit le support (Smartphones, tablettes, ordinateurs…). Ainsi, le contenu est caméléon,
3
Bulletin officiel des impôts, Direction générale des impôts, 3 C‐4‐05, n° 82 du 12 mai 2005, relatif à la TVA au
taux réduit et à la définition fiscale du livre
12
13. prenant différentes formes en fonction de l’appareil sur lequel il est consulté : il peut revêtir les
atours d’une application de guides de voyage géolocalisée sur iPhone, d’un livre enrichi d’illustrations
animées, de musique et de commentaires dans le secteur de la jeunesse pour iPad, d’une base
documentaire juridique sur ordinateur ou d’un livre de littérature générale qu’il sera possible au
lecteur d’annoter sur un Kindle. Les maisons d’édition doivent déterminer le support en fonction du
contenu et en adapter la narration.
L’observateur pourrait trouver les éditeurs attentistes. Alors qu’ils expérimentent
aujourd’hui la commercialisation de livres numérisés, ils sont encore, pour la plupart, bien loin d’être
en mesure de produire des contenus numériques. Les freins sont de plusieurs ordres. Ils sont d’abord
financiers. Les coûts de production d’un livre application sont sans commune mesure avec ceux
générés par un ouvrage imprimé. L’équipement du marché en supports doit donc être suffisant.
C’est le cas aujourd’hui pour les Smartphones, cela ne l’est pas encore pour les tablettes sur le
marché français. Les sociétés sont soumises à des objectifs de rentabilité et la récente faillite de la
société numérique Leezam ne devrait pas encourager les sociétés d’édition à prendre plus de risques.
Ces freins résident aussi dans la formation des équipes. Réaliser une application qui intègre
du texte, de la vidéo et du son, fait appel à de nouvelles compétences qu’il convient de développer
dans les maisons d’édition.
Enfin, cet attentisme est dû également à la difficulté qu’éprouvent les éditeurs à trouver leur
place au sein de la nouvelle chaîne de valeur. Celle‐ci se disloque. Désormais, à l’instar du monde de
la musique, chaque maillon de la chaîne peut potentiellement entrer en contact avec les autres. Ce
constat constitue une menace. Jadis, le lecteur n’avait de lien qu’avec le libraire, alors
qu’aujourd’hui, il peut dialoguer avec l’auteur. De même, il n’y a pas si longtemps l’écrivain devait
conclure un contrat avec l’éditeur s’il voulait être publié, maintenant il lui est loisible de s’autopublier
facilement, les cyberlibraires proposant maintenant des plates‐formes d’autopublication. Des
auteurs anglo‐saxons inconnus peuvent même se targuer de vendre des millions de livres (voir plus
loin, le thème consacré à l’autopublication). Les éditeurs se trouvent face à des colosses aux moyens
financiers étendus qu’ils ne voient pas bien comment concurrencer.
À ces changements profonds, s’ajoutent ceux liés à la commercialisation du livre. Le web
apporte aux éditeurs de nouveaux outils de promotion pour accroître les ventes d’un titre. Les
éditeurs des grands groupes maîtrisent l’art et la manière de conjuguer réseaux sociaux, plates‐
formes de partage ou encore actions de communication sur les hubs littéraires. Pour les maisons
d’édition de petite et moyenne tailles, ces techniques ne sont pas si simples à utiliser.
13
14. La présente étude ambitionne de répondre aux questions liées à la stratégie numérique à
mener, mais aussi, les menaces sont‐elles identifiées afin de formuler des recommandations.
Dans une première partie, il sera question d’analyser les mutations du marché du livre et de
comprendre quels pourront être les modèles économiques des livres numériques, car ils sont bien
pluriels.
Dans une seconde partie, l’étude livre les clés pour bâtir une stratégie numérique efficace,
afin de ne pas se laisser distancer. Il s’agira tout d’abord des nouveaux moyens de promotion du
livre, afin d’en dégager les bonnes pratiques. Ensuite, les pistes pour réorganiser les maisons
d’édition seront abordées afin de se préparer à la révolution qui s’annonce. Enfin, la section
consacrée aux nouvelles expériences de lecture constitue une approche prospective qui devrait aider
à mieux comprendre ce que sera le métier de demain et à identifier les opportunités de
développement.
Producteur de contenus multimédias et webmarketeur averti seront les deux compétences
clés de l’éditeur. Aujourd’hui, la révolution est en marche. Il convient donc d’en comprendre les
enjeux et de bâtir une stratégie numérique qui permettra de créer de la valeur dans le monde de
demain qui gronde déjà à nos portes.
14
15. Partie 1 :
Le livre, un marché en pleine mutation
15
16. CHAPITRE I : LE MARCHE DE L’EDITION
Section 1. L’histoire du livre et de ses grandes mutations
Le célèbre historien du livre, Roger Chartier, définit trois révolutions du livre : le livre
papier tel que nous le connaissons, l’imprimerie et la dématérialisation des ouvrages. Avec
cette dernière évolution apparaît l’hypertextualité qui modifie en profondeur la dynamique de
lecture 4 .
Tout au long de cette section, nous nous attacherons, à travers l’histoire du livre, à
mettre en exergue les grandes évolutions qui devraient permettre de mieux comprendre les
mutations qui affectent les éditeurs de livres.
Sous-section 1- L’évolution du livre et des modes de lecture
Paragraphe1. La première révolution du livre
L’histoire du livre est si intimement imbriquée à celle des civilisations que les débats
sur l’avenir de ce support ne peuvent être que virulents et teintés d’inquiétude. Quand certains
parlent de la disparition de l’odeur de l’encre et du papier, pour opposer le livre tel que nous
le connaissons aux liseuses, ce n’est pas tant de conservatisme dont il s’agit mais de la crainte
de perdre une part de ce qui a construit l’identité des hommes et de l’humanité toute entière.
Sous-paragraphe 1 :Du volumen au Codex
Cette histoire a commencé tout d’abord avec la civilisation Sumérienne. Les hommes
gravaient alors à l’aide d’une tige de roseau des signes cunéiformes sur des tablettes d’argile
3000 ans avant J.-C. Ce fut aussi les Égyptiens qui tracèrent les hiéroglyphes sur des feuilles
de papyrus collées les unes aux autres, constituant ainsi des « volumina », rouleaux de
plusieurs mètres, à l’instar du « Papyrus Prisse », recensé comme le plus vieux livre du
monde 5 .
Le coût de fabrication du papyrus produit par l’Egypte et la rivalité avec Alexandrie
conduira Pergame – ville d’Asie mineure abritant une bibliothèque contenant 200 000
4
Christian Vanderdorpe, Du papyrus à l’hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture :
http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf
5
Annie Schneider, Le livre objet d’art, objet rare, Éditions la Martinière, 2008
16
17. rouleaux – à inventer un nouveau support, le parchemin 6 . Ce support peut être utilisé sur deux
faces et présente l’énorme avantage de pouvoir être réemployé en grattant le texte précédent.
Le volumen, omniprésent à Rome, sera concurrencé à compter du 1er siècle par une
nouvelle forme de livre. Il s’agit de tablettes de cire destinées aux notations d’ordre pratique
et reliées entre elles. Cet agencement inspira sans doute le codex, feuilles de parchemin pliées
en cahiers et cousues ensemble. Son usage se développera dès le IIIe siècle, avec les débuts de
la chrétienneté, ce support étant plus commode à consulter et à conserver. En effet, le
volumen devant être tenu des deux mains, il était impossible de lire et d’écrire en même
temps, à l’inverse du codex. Ce support permit enfin aux lecteurs d’annoter et de se repérer
dans le texte à l’aide des numéros de pages qui facilitent la navigation dans le texte (index 7 ,
table des matières, renvois…). Ainsi, le changement de forme matérielle du livre a changé la
façon d’aborder le texte ; la lecture pouvait ne plus être linéaire, mais tabulaire, facilitant ainsi
le travail de consultation d’un livre.
Sous-paragraphe 2 : Du parchemin au papier
Une vaste production de manuscrits se développe en France, en Germanie et en
Angleterre. Celle-ci dépasse le cadre des monastères et des abbayes ; le livre n’étant plus
uniquement un objet de vénération religieuse, mais aussi vecteur d’érudition et d’affirmation
du statut social. La création des premières universités suscite une demande importante de la
part des étudiants et, par conséquent, de la société civile. Dans les ateliers, les copistes
travaillent alors à la chaîne dans les librairies. Le premier mouvement de démocratisation du
livre s’affirmera dès le XVe siècle.
Très vite donc, la nécessité se fait jour de trouver un support moins coûteux et moins
long à fabriquer que le parchemin ; c’est ainsi que le papier, inventé en Chine, s’introduit en
Europe, mais son usage ne se généralisera qu’à compter de l’invention de l’imprimerie.
Paragraphe 2. La seconde révolution du livre
Sous-paragraphe 1 : L’impression
Jusqu’à la moitié du XVe siècle, des scribes, essentiellement des moines, recopient les
textes pour en faire des livres. Outre les copistes, d’autres métiers gravitent pour enrichir ce
support : les miniaturistes, les enlumineurs et les calligraphes.
À la fin du moyen âge, le public de plus en plus avide de connaissances accroît la
demande de livres. Les libraires des Pays-Bas et d’Allemagne sont amenés à mettre au point
un procédé d’impression tabellaire : le texte est sculpté de manière inversée dans une plaque
de bois. Une fois encré, il est transféré sur une feuille de papier ou de parchemin. Pratiquée en
6
Etymologiquement, parchemin signifie peau de Pergame.
7
L’indexation ne se développera qu’au XIIe siècle.
17
18. Asie depuis plusieurs siècles, cette technique xylographique 8 est par la suite supplantée par
l’impression typographique 9 à caractères mobiles fondus dans le plomb. Cette invention
permettra la diffusion de la pensée en reproduisant les livres en nombre. Le premier livre
imprimé en typographie par Gutenberg est une bible latine, la célèbre bible à 42 lignes 10 .
À compter de 1450 donc, date de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, le livre
passe du manuscrit à l’imprimé. Plusieurs facteurs favoriseront l’expansion de cette
technique :
Il s’agit d’abord de l’époque des découvertes, et par conséquent des voyages, qui vont
favoriser la commercialisation des livres et l’extension de l’imprimerie.
L’apport massif d’or et d’argent ensuite, en provenance d’Amérique, permettra l’essor
du commerce et l’émergence d’une nouvelle classe sociale, celle des bourgeois. Cette
dernière, fortunée et avide de reconnaissance, satisfera son appétit de connaissance par la
lecture.
Enfin, l’apparition au XVIe siècle du protestantisme, et l’opposition de Luther et
Calvin au catholicisme en s’appuyant sur les textes sacrés, sont des courants qui stimuleront
les besoins en matière de livres. Ainsi, le pamphlet de Luther intitulé «À la noblesse de la
nation allemande», publié en 1520, sera vendu à 4000 exemplaires en quelques jours.
Certains historiens ont écrit que «la Réforme fut la fille de l’imprimerie», cette invention
permit quoiqu’il en soit la diffusion rapide des idées de Luther et des réformateurs.
Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre
L’imprimerie a été une invention remarquable qui a permis de diminuer les coûts de
fabrication, et par conséquent de permettre à un plus grand nombre de lecteurs potentiels
d’acheter des livres. Cette révolution a été l’instrument d’une évolution importante. Ainsi,
l’imprimeur-éditeur Alde Manuce 11 , qui publiera dans son imprimerie de Venise 150
ouvrages entre 1494 et 1515, invente le livre à petit format (in-octavo) 12 et à grand tirage de
1000 à 1500 exemplaires.
Au XVIIIe siècle, la littérature populaire apparaît et avec elle, la collection bleue. Ces
livres de petits formats étaient faciles à lire et accessibles à des personnes de peu d’instruction
(livres pratiques, romans, contes...). Toutefois, les ouvrages restant chers, des lieux de lecture
collective apparurent alors : les cabinets de lecture. Ces endroits, ouverts par les libraires eux-
mêmes, constituaient des bibliothèques privées au sein desquelles les livres étaient achetés en
commun.
8
Du grec Xylo : bois
9
Du grec Typo : empreinte
10
Ce livre est appelé la B42, car il se divisait en deux colonnes de 42 lignes chacune.
11
Alde Manuce est aussi le concepteur de la lettre italique.
12
In‐folio : feuille pliée une fois (4 pages) ; in‐quarto : feuille pliée deux fois (8 pages); in‐octavo : feuille pliée
trois fois (16 pages).
18
19. Avec le XIXe siècle, le livre se démocratisera réellement grâce à la production
industrielle et à l’alphabétisation. Deux textes auront un impact important : la loi Guizot
d’abord, parue en 1833, qui impose aux villages de plus de 500 habitants d’avoir une école et
la loi Jules Ferry ensuite, publiée en 1882, qui prône l’école laïque et obligatoire. Si en 1832,
près de 50 % des hommes savent lire, ce chiffre passera à 96 % en 1914.
En outre, grâce au mode de production, les prix chutent et les tirages augmentent.
Cette démocratisation s’accélèrera en 1838 quand, en riposte à la concurrence des
éditeurs belges, Gervais Charpentier confiera à un imprimeur le soin de créer un nouveau
format permettant de contenir plusieurs volumes en un seul afin de diminuer le prix du livre.
Avec le format in-18 (18,3 x 11,5 cm), l’ancêtre du livre de poche était né et avec lui
l’emblématique collection qui prendra le nom de «Bibliothèque Chapelier». Sur la base d’un
volume in-octavo, le prix passa de 7 francs à 3,50 francs. D’autres éditeurs se positionnèrent
également sur ce marché : en 1846 Michel Lévy et sa «Bibliothèque contemporaine», puis
Louis Hachette en 1853 et sa «Bibliothèque des chemins de fer». En 1855, les livres de la
«Collection Michel Lévy» seront tous vendus à 1 franc.
Paragraphe 3. La dématérialisation, troisième révolution du livre
Il ne sera nullement question dans les développements qui suivent de l’évolution du
mode de production des livres grâce à l’électronique. Ainsi, nous ne parlerons pas de
publication assistée par ordinateur bien que cette technique ait changé de façon spectaculaire
la façon de travailler des éditeurs. Nous nous intéresserons ici à l’aval, c’est-à-dire aux
supports. Enfin, nous ne reprendrons pas les développements sur l’histoire d’internet, rendu
très populaire par le web, qui ne sont pas propres qu’au domaine du livre.
Sous-paragraphe 1 : Le CDrom
En 1984, les spécifications du compact disc ont été étendues afin de pouvoir y stocker
des données numériques. La généralisation du codage multimédia, et avec elle, l’hypertexte,
qui améliore de manière considérable l’accès à l’information, débutent l’histoire d’une
révolution. Désormais, la navigation ne se fait plus seulement à l’intérieur du même support,
mais aussi à l’extérieur permettant ainsi de créer des liens à l’infini.
Sous-paragraphe 2 : Les ebooks et les tablettes de lecture
Avant les readers nouvelle génération, de nombreux supports sont apparus à l’état de
prototypes ou même commercialisés.
19
20. Il y eu d’abord le projet d’Alan Kay, professeur au MIT, au début des années soixante-
dix avec l’invention du Dynabook 13 . Au format magazine, cet ordinateur sans clavier est doté
d’un écran plat haute résolution couleur et d’un stylet électronique permettant d’annoter les
documents. Ce support, portable et sans fil, peut communiquer avec d’autres machines à
l’aide d’un émetteur-récepteur radio. Le Dynabook n’est pas seulement un ordinateur
personnel puisqu’il permet d’écouter de la musique, de recevoir du courrier, jouer à des jeux
vidéo ou encore de visionner des films. Il « ouvre un des deux axes de recherche et de
développement pour le livre électronique : l’axe informatique. Il s’agit d’exploiter les
possibilités d’ouverture, d’interactivité et de communication qu’offre l’ordinateur (...) pour
transformer celui-ci en un nouveau type de livre, par un travail sur l’ergonomie et la
lisibilité.»
Le Datadiscman, baptisé également readman et Electronic Book Player, ouvre un
second axe de développement : l’axe électronique. Ce support, adaptation de l’ancêtre des
baladeurs nommé Discman, a été commercialisé par Sony au Japon en 1990 et en 1991. Il se
présentait sous la forme d’un bloc de touches, était doté d’un petit écran à cristaux liquides et
lisait des disques de 8 cm de diamètre pouvant contenir 200 Mo de données (100 000 pages de
texte imprimé). Il fut commercialisé aux Etats-Unis avec une encyclopédie multimédia au prix
de 550 dollars. En outre, il était possible d’acquérir une trentaine de titres dont le prix variait
entre 20 et 70 dollars, ainsi que les disques musicaux du Discman. Ce produit, en dépit de son
aspect novateur, n’eut pas le succès attendu pour plusieurs raisons :
- la faible résolution de l’écran ne permettait pas la lecture intensive,
- l’absence de standard de stockage de données,
- l’existence de produits concurrents : Commodore commercialisait son lecteur de disque
laser, Philips et Sony créait le CD-I, suivi du CD-ROM.
Autre évolution, le ebook fabriqué par la société française Cytale qui apparaît en avril
2000 et commercialisé en décembre de la même année. De même, l’encre élecronique (e-ink)
sera présentée au Congrès international des éditeurs à Buenos Aires en mai 2000.
Puis ce sera le tour du Kindle d’Amazon, en 2007, bientôt suivi d’autres concurrents,
comme le Nook de Barnes and Noble ou le Sony Reader. Toutefois, c’est ce premier qui
s’impose aujourd’hui sur le marché, grâce à son modèle économique créant un effet de
verrouillage des pratiques.
Enfin, c’est l’iPad d’Apple, suivi de la tablette de Samsung et de beaucoup d’autres,
qui a suscité chez les éditeurs le plus d’intérêt. Le marché n’a pas encore basculé, bien qu’il
convient de souligner que 7,33 millions d’exemplaires 14 d’iPad ont été vendus au cours du
dernier trimestre 2010 portant ainsi le parc à 15 millions dans le monde et à 350 000 en
France. Bien que l’écran LCD n’offre pas un confort de lecture optimal contrairement à
13
La lecture numérique : réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire Bélisle, Presses de l’ENSSIB, avril
2004.
14
http://www.ebouquin.fr/2011/01/18/apple‐a‐vendu‐733‐millions‐dipad‐au‐dernier‐trimestre/
20
21. l’encre électronique, Apple a néanmoins démontré que la tablette est susceptible de pouvoir
s’imposer comme un support pour les loisirs qui fera évoluer les usages, en proposant à la fois
du jeu vidéo, des livres-applications et de la presse en ligne, notamment.
Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et librairies en ligne
C’est en 1971 qu’un étudiant de l’Illinois, Michaël Hart, fonde le projet Gutenberg 15
qui a pour ambition de diffuser gratuitement par voie électronique le plus grand nombre
possible d’œuvres littéraires.
Puis, c’est au tour d’un doctorant à la Carnegie Mellon University, John Mark
Ockerbloom, de créer en 1993, l’Online Books Page, pour répertorier les textes électroniques
anglophones du domaine public en accès libre sur le web.
15
Une courte histoire de l’ebook, Marie Lebert, Université de Toronto, 2009
21
22. Le projet français de bibliothèque numérique géré par la bibliothèque nationale de
France, dénommé Gallica, sera lancé en 1997, avec comme ligne éditoriale de devenir la
«bibliothèque virtuelle de l’honnête homme». Toutefois, c’est le lancement de Google livres
qui constituera le fait marquant. C’est en effet fin 2004 que Google a annoncé la création
d’une bibliothèque contenant un fonds numérisé de 15 millions de documents issus des
grandes bibliothèques américaines. L’objectif de la société de Mountain View était de créer
une base de données au sein de laquelle les internautes pourraient effectuer leurs recherches.
En 2005, Google mettra en ligne un outil permettant de procéder à des recherches directement
dans le contenu numérisé, baptisé alors Google Print, il deviendra par la suite Google Book
Search. L’annonce fin 2004 du lancement du projet ne fut pas sans soulever la critique. Ainsi,
Jean-Noël Jeanneney alors président de la Bibliothèque nationale de France, dénonça les
risques d’hégémonie de la culture américaine dans un livre désormais célèbre : «Quand
Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut» 16 .
Ce plaidoyer sera repris par le Président Jacques Chirac qui lança, avec cinq autres
chefs d’Etats, un appel aux institutions de l’Union Européenne pour la création d’une
bibliothèque numérique européenne, afin de rendre le patrimoine culturel et scientifique de
l’Europe accessible à tous. Europeana était née.
Ce bref panorama historique ne serait pas complet sans évoquer les encyclopédies.
C’est en 2001 que naîtra Wikipédia qui est sans doute l’une des causes de la quasi disparition
d’un pan entier du marché de l’édition, celui des encyclopédies. En outre, les universités
renforceront ce phénomène. Certaines d’entre elles archivent des cours gratuits en ligne,
16
«Quand Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut», Jean‐Noël Jeanneney, Mille et une nuits, 2005
22
23. comme par exemple le célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) 17 qui lança ce
programme en 2002 suivi en 2007 par l’Université de Boston.
Si les bibliothèques virtuelles ont marqué l’histoire de l’édition numérique, il en va de
même des librairies en ligne. Jeff Bezos, créera en juillet 1995, Amazon.com, ouverte 7j/7 et
24h/24 grâce à l’émergence du web
Quand au printemps 1994, le patron de la célèbre société de Seattle réalisa une étude
de marché, il hésitait alors entre les vêtements, les instruments de jardinage, les livres, les CD,
les vidéos, les logiciels et le matériel informatique. Voici pourquoi, Jeff Bezos choisit le
livre :
«J’ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaque produit.
Le premier critère a été la taille des marchés existants. J’ai vu que la vente de livres
représentait un marché mondial de 82 milliards de dollars US. Le deuxième critère a été la
question du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était le suivant :
puisque c’était le premier achat que les gens allaient faire en ligne, il fallait que la somme à
payer soit modique. Le troisième critère a été la variété dans le choix : il y avait trois millions
de titres pour les livres alors qu’il n’y avait que 300 000 titres pour les CD, par exemple.»
La Fnac, quant à elle, créera son site de ventes de produits culturels en 2000 et
atteindra la rentabilité cinq ans plus tard.
Paragraphe 4. Evolution du mode de lecture
L’écriture alphabétique a été conçue à l’origine en fonction de la parole, d’après
l’ordre linéaire de l’oralité. C’est cette même linéarité qui s’appliquait à la feuille de papyrus
et au volumen. Le mode de conception de ces supports contraignait le lecteur à lire de la
première à la dernière ligne, sans pouvoir consulter les passages susceptibles de l’intéresser.
C’est pourquoi le codex marque une rupture radicale. L’assemblement des feuilles
pliées et reliées, puis l’intégration de la foliotation et de l’indexation permettront au texte
d’échapper à la continuité et d’entrer ainsi dans l’ère de la tabularité. Le lecteur va aussi
devenir actif, il peut annoter et mettre des repères sur la page. L’historienne Colette Sirat
déclarera : « Il faudra vingt siècles pour que l’on se rende compte que l’importance
primordiale du codex pour notre civilisation a été de permettre la lecture sélective et non pas
continue, contribuant ainsi à l’élaboration de structures mentales où le texte est dissocié de la
parole et de son rythme.» La lecture sur internet relève de la même révolution en modifiant
les fonctions cognitives des internautes et plus particulièrement celles des digital natives.
17
MIT open courseware : http:/ocw.mit.edu/index.htm
23
24. Sous-section 2 - Les mutations de l’industrie du livre
Durant plusieurs siècles, un seul acteur assurait les fonctions de création, de
production et de diffusion. Puis les métiers vont s’individualiser, donnant peu à peu le pouvoir
à l’éditeur. Les maisons d’édition vont d’ailleurs entrer dans une phase de concentration dès le
début du XIXe siècle et s’internationaliser.
Paragraphe 1. Déplacement du centre du pouvoir
Les libraires, puis après eux, les éditeurs ont cherché à maîtriser la diffusion des
ouvrages et par la même à contrôler le prix. Il faudra attendre l’invention de l’imprimerie au
XVe siècle, et en particulier, l’introduction des presses en France en 1470 pour voir naître la
diffusion commerciale des ouvrages imprimés. Outre la vente de livres, l’activité des libraires
va s’étendre à l’élaboration des contrats avec l’auteur, l’impression, le façonnage et la reliure
des ouvrages.
Dans le courant du XIXe siècle, les métiers vont s’individualiser, l’éditeur devenant
une profession distincte de celle du libraire qui lui-même se désolidarisera de la profession
d’imprimeur. L’éditeur étant désormais chargé de fixer le prix, il devient l’acteur dominant de
la chaîne du livre.
Paragraphe 2. Industrialisation et concentration
Louis Hachette est désigné par Jean-Yves Mollier 18 comme le premier industriel du
livre. En effet, la loi Guizot qui prône l’instruction universelle, conduit cet éditeur à
concevoir des manuels scolaires destinés aux enfants des écoles élémentaires publiés à
plusieurs milliers d’exemplaires. Ainsi, avec l’Alphabet, premier livre de lecture vendu à un
million d’exemplaires à l’Etat, il n’est plus question d’artisanat, mais de processus industriel.
À compter de 1852, la société L. Hachette et Cie sera restructurée. Elle deviendra alors une
entreprise importante vendant des livres en France et à l’étranger, et employant de nombreux
collaborateurs. Ainsi d’autres sociétés suivront comme Flammarion, par exemple. Après la
seconde guerre mondiale, le mouvement reprendra pour s’accélérer dans les années 1950-
1960.
Une bataille se mènera ensuite pour la domination des groupes de communication. En
1979, CEP Communication (filiale d’Havas), spécialisée alors dans la presse scientifique et
technique, va se lancer dans la course à la concentration afin de détrôner Hachette. Après
l’acquisition de Nathan et de Larousse, il deviendra le deuxième groupe français, suivi de près
par les Presses de la Cité. Cependant en décembre 1980, Jean-Luc Lagardère rachète 41% des
18
Où va le livre, Dir. Jean‐yves Mollier, La Dispute, 2007
24
25. actions de la société Hachette. En riposte, Havas passera un accord de partenariat avec les
Presses de la cité devenant ainsi en 1988 le premier éditeur français.
CEP deviendra la société Havas Publications Edition, puis Vivendi Universal
Publishing. Cependant, c’est à l’automne 2002 que sonnera le glas de VUP, après la
déconfiture de Jean-Marie Messier, par la vente des maisons d’édition au plus offrant.
Hachette tentera de racheter la totalité de ces sociétés, mais le groupe sera arrêté par Bruxelles
qui ne l’autorisera à acquérir que 40% de VUP. Ce qui n’empêchera pas néanmoins Hachette,
par cette opération, à devenir le premier groupe français et le sixième mondial.
Ces phénomènes d’industrialisation et de concentration, auront un impact fort sur la
créativité. Ces groupes, mus par des objectifs de rentabilité financière 19 toujours croissants,
sont conduits à mener une politique éditoriale sans risque, laissant ainsi aux petites maisons
d’édition le soin d’innover. Ce phénomène explique aujourd’hui la réticence des éditeurs à
numériser leur catalogue et à se lancer dans le livre enrichi. N’étant pas assuré de la
rentabilité, ces groupes laissent la part belle à l’arrivée de pure players sur ce marché.
Section 2. L’organisation de la filière livre
Sous-section 1 - Vers une évolution de la chaîne de valeur
Paragraphe 1. La chaîne de valeur du livre papier
Depuis l’individualisation des métiers, la chaîne du livre traditionnel n’a guère été
modifiée. L’éditeur est au centre du dispositif, il en est le chef d’orchestre. Il assure la gestion
des auteurs et leur coaching, il donne les directives pour fabriquer le livre, il briefe le
diffuseur, suit la distribution et dresse le plan de promotion.
L’éditeur gère donc l’ensemble de la chaîne du livre, il en est le coordinateur. Avec
l’arrivée des nouveaux acteurs, la chaîne de valeur numérique, encore calquée sur la chaîne
papier, va sans doute s’en trouver modifiée, notamment par la pression de certains acteurs
traditionnels, mais aussi et surtout de nouveaux entrants.
19
L’édition sans éditeurs, André Schiffrin, éditions La Fabrique, mars 1999
25
26. Cette valeur est inégalement répartie. Ainsi la commercialisation est le poste le plus
important pour l’éditeur, car elle représente 55% du chiffre d’affaires. Il est donc stratégique
pour les maisons d’édition de maîtriser la diffusion et la distribution, car alors, ce n’est pas
seulement 21% du chiffre d’affaires qui leur revient, mais bien 41 %, en déduisant la part
revenant au libraire).
Pour un ouvrage revenant 10 euros TTC, en prenant en compte les coûts de promotion
(PLV, dépliants...) et la TVA, la vente du livre ne rapportera que 1,42 euros à l’éditeur s’il fait
appel à un diffuseur-distributeur extérieur, au lieu de 3,32 euros dans le cas contraire.
Exemple de répartition de la valeur
26
27. Toutefois, à la question des motivations liées aux revenus, s’ajoute celle d’assurer la
promotion la plus efficace, ce qui conduit à internaliser les fonctions de diffusion au sein
même de l’activité. L’éditeur peut à la fois déterminer les librairies qui seront visitées et
maîtriser les leviers qui permettront de motiver les commerciaux afin d’assurer de meilleures
performances commerciales.
Paragraphe 2. La chaîne de valeur du livre numérique : clone du livre papier ?
La problématique est si stratégique que les gros éditeurs, bien que peu actifs du moins
au début pour numériser leur catalogue, se sont lancés en ordre dispersé dans la mise en place
de plates-formes de distribution de livres numériques. C’est ainsi que Numilog a été racheté
par Hachette, puis Eden Livres a été créé sous la forme d’un partenariat entre les éditions
Gallimard, Flammarion et la Martinière et enfin, Editis a lancé depuis peu « eplateforme »
(voir les acteurs du livre numérique). L’objectif clairement affiché par ces deux dernières
plates-formes est de protéger la chaîne traditionnelle et de ne pas court-circuiter le libraire. Il
ne s’agit bien entendu pas là d’une forme d’altruisme, mais du désir de préserver les
détaillants qui assurent encore plus de 75% du chiffre d’affaires de ces éditeurs.
Chaîne de valeur du livre numérique
27
28. La répartition de la valeur du livre numérique n’est pas simple, car tout dépend du
mode de production : s’agit-il d’une numérisation à partir du livre ? du PDF ? ou le contenu
est-il nativement structuré ?
Le schéma de synthèse proposé par Le motif - Observatoire du livre numérique en Ile
de France-, bien que ne prenant pas en compte l’ensemble de ces paramètres, a le mérite de
présenter une répartition de la valeur pouvant donner un ordre d’idée aux éditeurs néophytes
dans ce domaine.
Répartition du prix de vente d’un livre numérique (HT)
Alors que les éditeurs peuvent sans peine évaluer les coûts de fabrication d’un livre
papier, il est aujourd’hui difficile de connaître les ordres de grandeur de production d’un
ouvrage numérique. On peut toutefois noter que la présence ou l’absence de DRM, n’est pas
anodine en termes de coûts, puisque cette technologie représente 3% du coût total.
Cette répartition varie en outre en fonction des acteurs intervenant dans la chaîne de
valeur :
28
29. Les éditeurs tentent de maintenir la chaîne de valeur traditionnelle, parfois même en
dépit du bon sens.
Comparaison de la chaîne du livre papier et de la chaîne du livre numérique
Source DEPS : Ministère de la culture et de la communication 2010
29
30. C’est ainsi que cette volonté a été réaffirmée dernièrement par le président du SNE,
déclarant ainsi que : « Face à des modèles d'intégration exclusifs développés par des grands
opérateurs technologiques, les auteurs et les éditeurs ont un intérêt partagé à faire respecter
la chaîne de valeurs communes au livre imprimé et au livre numérique. Dans la perspective
proche d'une coexistence de ces deux marchés, l'équilibre de notre secteur ne se conçoit sans
que la librairie y joue son rôle. 20 » Les autres acteurs ne seront peut-être pas de cet avis.
Toutefois, la chaîne de valeur peut ne plus être linéaire, puisque l’ensemble des acteurs
ont maintenant les moyens matériels d’entrer en contact avec les autres. Les lecteurs peuvent
désormais parler aux auteurs, ces derniers peuvent placer directement leurs livres sur des
plateformes de distribution, les éditeurs peuvent aussi vendre en direct via une boutique en
ligne. La chaîne de valeur traditionnelle plutôt que linéaire évolue vers un dispositif en réseau.
L’ensemble des acteurs intègre désormais un vaste maillage où tout devient possible.
Lorenzo Soccavo propose le schéma ci-dessous et parle d’une recomposition progressive de la
chaîne qui passera d’un modèle horizontal à une structure réticulaire dans les dix prochaines
années. En fait, tous les acteurs sont à même d’entrer en contact désormais avec tous les
autres maillons que ce soit les auteurs, les éditeurs, les edistributeurs ou les cyberlibraires.
Source « Prospective du livre et de l’édition », Lorenzo Soccavo, janvier 2009
Sous-section 2. Les acteurs
Les acteurs traditionnels de la chaîne du livre, et en particulier les éditeurs, considèrent
les nouveaux entrants comme une menace, agissant bien trop souvent de manière
protectionniste, tentant parfois de mettre en place des dispositifs leur assurant de conserver le
contrôle de l’ensemble du processus.
20
L’édition numérique accorde les mêmes droits d’auteur que le livre imprimé, Le Monde, 20 janvier 2011
30
31. Le site d’un éditeur pure player dont la société est en création propose un mapping des acteurs
numériques sur lequel il place l’ensemble des intervenants de la chaîne 21 .
Cartographie des acteurs du livre numérique
Extrait du blog de Romain Champourlier
Paragraphe 1. Les agents littéraires et les auteurs : alliés de la renégociation
des droits
L’agent littéraire est défini, dans l’étude commandée par le Motif 22 , comme
«l’interface entre auteurs et éditeurs, ou l’intermédiaire entre éditeurs pour la vente et
21
http://www.rchampourlier.com/
22
L’agent littéraire en France, réalités et perspectives, Juliette Joste, Le Motif, Juin 2010
31
32. l’achat de droits de traduction ou la négociation des coéditions.» Il est rémunéré à la
commission 23 .
Cette activité est en France peu développée, tant et si bien, que l’Hexagone est raillé
comme étant le pays aux deux agents : Susanna Lea et François Samuelson. En fait, l’étude du
Motif recense une vingtaine d’agences et 200 à 300 auteurs représentés. Néanmoins, les
débats sur le livre numérique relancent l’intérêt pour cette profession, susceptible de jouer un
rôle primordial dans la défense des droits des auteurs. Ces derniers ne pouvant pas se tourner
vers l’éditeur, qui est à la fois juge et partie, il trouve un allié en la personne de l’agent mieux
armé pour défendre ses droits. Cette profession va sans doute considérablement croître dans
les prochaines années.
En revanche, la situation est inverse aux Etats-Unis, cette profession étant largement
représentée. D’ailleurs, alors que les ventes numériques croissent dans ce pays atteignant 8%
en valeur et 10 % en volume du marché global en 2010 24 , les agents tentent tout naturellement
de renégocier les droits, arguant de la réduction des coûts et donc de l’augmentation des
marges au profit de l’éditeur. Ces derniers ont souhaité fixer les droits d’auteur numériques à
hauteur de 25 %, restant sourds aux revendications. Cette attitude intransigeante est la cause
des évènements intervenus au cours de ces derniers mois.
Notons, tout d’abord, la décision des ayants-droit de William Styron qui ont refusé de
céder les droits numériques de l’œuvre du défunt à Random House (l’éditeur de la version
papier), au profit d’un pure player, Open Road Integrated Media, lequel proposait de verser 50
% de droits d’auteur.
De même, l’agent star, Andrew Wylie, gestionnaire d’un portefeuille prestigieux -
Philipp Roth, Salman Rushdie, Norman Mailer, Julian Barnes et bien d’autres - a tenté lui
aussi de renégocier les droits numériques, mais sans succès. L’homme baptisé le Chacal,
n’étant pas un enfant de cœur, a annoncé 25 en juillet dernier lors d’une conférence de presse
qu’il venait de créer sa maison d’édition numérique et de conclure un accord de distribution
exclusif avec Amazon, afin de mieux rémunérer les droits des auteurs qu’il représente. Le
patron de Random House a aussitôt riposté déclarant que toute négociation était suspendue
avec l’agence d’Andrew Wylie, celle-ci étant devenue de fait un concurrent. Les deux parties
avaient bien trop à perdre, ils conclurent donc fin août 2010 un accord, sans en dévoiler les
détails. Random House récupéra alors 13 des 20 titres exploités par l’agence 26 .
Ainsi, Antoine Gallimard se réjouissait-il à la foire de Franckfort, s’exclamant que
«L’affaire est réglée» en se félicitant qu’Andrew Wylie ait précisé que «le couplage des
droits papier et numérique allait de soi et relevait de l’éditeur. Il n’y a donc plus de
23
La commission varie de la façon suivante : 10 à 15 % sur les droits couverts par le contrat d’édition, 20% sur
les adaptations audiovisuelles et 20 % sur les cessions de droits étrangers (Source Le Motif)
24
Association of American Publishers
25
Odyssey Editions, société d’édition numérique, créée par Andrew Wylie en juillet 2010 :
http://www.odysseyeditions.com
26
Odyssey Editions a conservé l’exploitation de 7 titres d’auteurs n’ayant pas cédé leurs droits numériques.
32
33. malentendu.» Enfin, le monde de l’édition se sentait soulagé, parvenant de plus en plus
difficilement à répondre aux critiques liées à la rémunération des droits.
Néanmoins, l’accalmie fut de courte durée. Dans un article plein d’humour, cinq
auteurs écrivent en commun une «lettre ouverte d’un auteur à son éditeur» (Voir annexe 1).
De façon faussement naïve, ils s’étonnent que les droits ne sont pas répartis plus
équitablement, s’amusent de l’infidélité des héritiers de William Styron «indifférents aux liens
anciens», s’inquiètent de «certaines pratiques en amis», évoquent «l’hypothèse d’école» de
confier les droits numériques à un éditeur web, à un libraire virtuel ou à un fabricant de
tablettes. Les rédacteurs de l’article concluent de la manière suivante, faisant ainsi planer la
menace : «Car s’il n’y a peut-être pas d’auteur sans éditeur, il n’y a sûrement pas d’éditeur
sans auteur. Je sais ce que je sais ce que je te dois, cher ami, je souhaite être ton allié et aussi
que tu me considères comme tel. Alors, voici ma question : faut-il humilier un allié ?»
Il ne semble pourtant pas que cet avertissement, véritable menace d’éviction de
l’éditeur dans le processus de publication, ait été compris par la communauté des éditeurs,
ainsi Antoine Gallimard déclarait dans un article publié par le Monde : « Malgré le contexte
d'incertitude du marché et les investissements qu'ils font, les éditeurs proposent à leurs
auteurs des taux de rémunération au moins égaux à ceux du livre imprimé, en retenant de
plus en plus fréquemment le "haut de la fourchette" de ces taux et en l'asseyant sur le prix
public (et non sur leur chiffre d'affaires net). 27 »
Ces évènements montrent que les agents, et à travers eux les auteurs, souhaitent une
redistribution des profits et que, dans le cas contraire, ils se tourneront vers les acteurs de la
chaîne qui se montreront plus généreux. La question d’une renégociation des droits est donc
aujourd’hui un enjeu majeur pour les éditeurs.
À trop se replier sur le passé et les privilèges, certains finissent par en oublier les
perspectives d’avenir et omettre de bâtir pour demain.
Paragraphe 2. L’éditeur : un métier à réinventer
Le monde de l’édition s’inquiète de l’arrivée de nouveaux acteurs et se met en ordre de
marche pour préserver la chaîne traditionnelle du livre. Pourtant, il est temps de se lancer dans
la bataille, car les pure players réalisent des produits innovants qui, dans la durée, leur
permettront d’installer leur marque et de conserver un avantage concurrentiel. Les grandes
maisons d’édition auront sans doute les moyens de rattraper leur retard, ce sont les sociétés de
taille moyenne qui prennent le risque d’être évincées de la course de façon définitive. Il est à
noter que ce marché est dominé par un petit nombre, ainsi 50 éditeurs représentent 80 % du
chiffre d’affaires du secteur et sept maisons d’édition contrôlent 90 % du marché du livre,
c’est-à-dire les principaux maillons de la chaîne.
27
L’édition numérique accorde les mêmes droits d’auteur que l’édition imprimé, Le Monde, 20 janvier 2011
33
34. Classement des éditeurs
Source Livres hebdo
Quand on parle d’édition de livres, le grand public a tendance à penser que ce secteur
est resté totalement à l’écart de la révolution numérique et ne commence que depuis quelques
mois à se mettre en ordre de marche. Il s’agit là d’idées reçues pour deux raisons : d’une part,
il y a bien longtemps que ces changements ont eu lieu en amont et que le dispositif de
fabrication profite pleinement des avancées technologiques ; d’autre part, les produits
numériques constituent une grande part du chiffre d’affaire des éditeurs scientifiques et
juridiques.
Sous-paragraphe 1 – Les éditeurs et Google : une nécessaire alliance
La communauté des éditeurs est majoritairement hostile à Google, parfois sans bien
même comprendre l’origine du problème. Revenons donc, en 2004. Google propose alors aux
éditeurs et aux bibliothèques de numériser et de mettre en ligne leurs contenus. C’est ainsi
que la firme de Mountain View a entrepris de scanner les livres des bibliothèques. Ces
ouvrages sont présentés sous deux formes : les livres du premier groupe figurent en texte
intégral s’ils sont entrés dans le domaine public ; en revanche, ils apparaissent sous forme
d’extraits s’ils sont encore protégés par le droit d’auteur, sauf refus explicite des titulaires des
droits. Le groupe La Martinière considérant qu’il s’agissait là d’une violation de la législation
a intenté une action en 2006 devant le tribunal de grande instance de Paris, soutenue par le
SNE. Google a alors été condamné en 2009 en première instance pour contrefaçon. Le
34
35. jugement lui interdit de poursuivre la numérisation d’ouvrages sans autorisation des éditeurs
(pour mieux comprendre ce contentieux, voir Annexe 3). La société américaine a fait appel de
ce jugement. Albin Michel, Flammarion, Eyrolles et Gallimard ont eux aussi poursuivi
Google.
Les représentants des éditeurs et des auteurs américains ont porté également l’affaire
devant les tribunaux. Un accord transactionnel, baptisé l’ASA 28 , a été conclu entre Google et
les ayants droits dont les règles s’appliquaient aux Etats-Unis mais visaient aussi les œuvres
étrangères. Après protestation du SNE notamment, un règlement du différend est intervenu en
2009 pour réduire le champ d’application du texte et exclure les livres français, à l’exception
de ceux enregistrés au Copyright Office (environ 200 000 titres). Le 22 mars 2011, Google a
essuyé un nouveau revers. Le juge Chin a estimé l’accord « ni juste, ni suffisant, ni
raisonnable ». Il demande aux parties de réviser leur copie et d’abandonner l’ « opt out » 29
au profit de l’ « opt in ». Ainsi, ce qui serait pour lui acceptable, c’est qu’auteurs et éditeurs
puissent accepter a priori la numérisation des œuvres orphelines, le silence des parties ne
devant pas être considéré comme un accord implicite. Amazon et Apple se sont réjouis de
cette décision judiciaire, considérant que la pratique de numérisation des œuvres orphelines
constituait une concurrence déloyale.
Alors que le dossier est toujours en cours auprès des juridictions françaises et que le
contentieux n’a pas pris fin entre Google et la communauté des éditeurs , Arnaud Nourry,
Président d’Hachette Livre a, dans la consternation la plus totale, annoncé le 17 novembre
2010, que son groupe avait conclu un accord avec le géant américain se désolidarisant ainsi
du reste de la profession. Ce contrat concerne 40 000 à 50 000 livres anciens dans les secteurs
de la littérature générale (Grasset, Fayard, Calmann Lévy), des ouvrages universitaires
(Armand Colin, Dunod) et des ouvrages documentaires (Larousse). Cet accord signé pour
cinq ans, prévoit une autorisation préalable pour la numérisation des livres et pour la diffusion
commerciale des fichiers sous forme d’ebooks. Ce protocle ne comprend pas les questions de
rémunération des ayants droits, ainsi que la répartition des revenus entre Google et Hachette,
points qui donneront lieu à un autre accord. De même, un deuxième contrat a été signé avec
les filiales américaines d’Hachette afin de permettre la mise en vente, sur la plate-forme de
vente de livres numériques Google Editions, des nouveautés. Il s’agit notamment de la
commercialisation des titres de Stephanie Meyer, John Connoly ou James Patterson, par
exemple.
Le premier coup de colère passé, Antoine Gallimard tenta de faire bonne figure en se
félicitant officiellement du recul du géant américain à travers cet accord. Le ministre de la
culture, Frédéric Miterrand, a souhaité cependant rappeler que «les questions de numérisation
et des droits des œuvres indisponibles font l’objet d’un travail commun» entre les acteurs de la
chaîne du livre, critiquant le manque de concertation et exprimant ainsi sa crainte que
l’initiative d’Hachette, premier acteur en France, brise la solidarité entre les éditeurs français
contre l’hégémonisme de Google.
28
Amended Settle Agreement
29
Opt out : acceptation tacite des propriétaires des droits ; Opt in : acceptation préalable des propriétaires des
droits
35
36. Néanmoins, en dépit de la démarche individualiste du groupe Hachette, cet accord
aidera peut-être les maisons d’édition à négocier un cadre légal qui protégera au mieux les
droits de chacune des parties.
Sous-paragraphe 2 : Les pures players de l’édition
Les éditeurs traditionnels sont frileux. Certes, il n’est pas si simple de proposer des
livres numérisés, tant le droit français est strict. À l’exception des livres récents, pour lesquels
les éditeurs font signer des contrats autorisant la cession de droits numériques, pour le reste la
mise à disposition d’un fichier numérique peut relever du parcours du combattant. Pour les
sociétés ayant un fonds relativement modeste, la numérisation est assez simple ; tandis que
pour les autres, il s’agit d’une entreprise de longue haleine. Non seulement, il faut parfois
partir à la recherche des héritiers, mais en plus lorsque l’ouvrage fait intervenir plusieurs
acteurs (auteur, illustrateur, photographe, par exemple), l’éditeur est contraint d’adresser un
avenant à chaque intervenant.
En outre, les maisons d’édition traditionnelles n’osent pas se lancer dans l’aventure du
livre enrichi. S’il est facile d’établir un compte d’exploitation pour un livre papier
traditionnel, l’entreprise est compliquée pour les nouveaux contenus. Difficile quand il faut
rendre compte à des actionnaires, d’engager des coûts sans connaître le retour sur
investissement.
Les pures players en revanche n’ont rien à perdre. Ainsi, nombre de sociétés
intervenant dans le domaine de l’édition numérique se multiplient depuis quelques mois. Il
peut s’agir d’acteurs ne faisant que de l’édition. C’est le cas par exemple de Smartnovel, jeune
maison lancée lors du salon du livre en 2009 qui reprend un genre ancien celui du feuilleton,
en lançant une collection de romans baptisée, Episod, à lire sur Smartphone. Les lecteurs
reçoivent chaque jour sur leur mobile un épisode (4000 signes au maximum). Les textes
émanent d’auteurs aussi prestigieux que Didier Van Cauwelaert ou Marie Desplechin.
Smartnovel n’est toutefois pas le premier à avoir tenté cette aventure. Il a été précédé
par Ave Comics et son application MyComics en 2008, une solution pour lire et conserver des
bandes dessinées digitales sur téléphones mobiles. Citons aussi Publie.net, coopérative
d’auteurs pour la littérature numérique, qui édite des livres nativement numériques et qui, tout
dernièrement, a lancé une revue littéraire multimédia baptisée D’ici là.
Il peut s’agir d’éditeurs-libraires aussi. Tel est le cas de Leezam qui diffuse son propre
catalogue, mais aussi celui de maisons d’édition françaises et québécoises. Il s’agit cependant
d’expérimentations dont l’issue est incertaine, puisque pour Leezam, l’aventure semble avoir
pris fin en ce début d’année 30 .
30
http://www.ebouquin.fr/2011/02/24/leezam‐la‐faillite‐dun‐pionnier‐francais‐de‐ledition‐numerique/
36
37. Sous-paragraphe 3. Les ventes d’ebooks
Les acteurs du livres numériques parlent souvent d’ebooks en regroupant des réalités
différentes : livres enrichis, livres homothétiques, Cdroms, livres audio… Les comparaisons
sont donc souvent difficiles à effectuer.
Toutefois, si l’on en croit le syndicat de référence aux Etats-Unis - l’Association of
American publishers (AAP)- le chiffre d’affaires des ventes d’ebooks était de 313 millions de
dollars en 2009, ce qui correspond à une progression de plus de 1%. Les chiffres présentés ci-
dessous sont faibles car ils n’incluent pas l’ensemble de l’activité numérique, et en
particulier, le marché juteux des bases de données disponibles par abonnement pour les
marchés professionnels.
Part du livre numérique dans le chiffre d’affaires des éditeurs américains
L’International Digital Publishing Forum (IDPF) indiquait quant à lui presque le triple
des ventes entre le début 2009 et la mi 2010.
Croissance confirmée par le patron d’Hachette, Arnaud Nourry, qui déclarait 31 , en juin
dernier, avoir réalisé 8% de son chiffre d’affaires aux états-unis avec des ebooks,
essentiellement en littérature générale.
31
http://www.challenges.fr/magazine/strategie/0215.031025/?xtmc=toutes_nos_vidA_os&xtcr=9
37
38. En France, le SNE 32 estime que le livre numérique représente 1,7 % de l’activité
éditoriale, ce chiffre est porté à 2,7 % en y ajoutant les ventes d’abonnement et d’applications.
Selon l’enquête annuelle menée par ce syndicat, le chiffre d’affaires numérique serait
constitué à 53 % des ventes sur support physique, 28 % de la diffusion numérique
(abonnement à des services en ligne) et pour 19 % des ventes d’ouvrages en téléchargement
(livres audio et ebooks).
Répartition des ventes de produits numériques
Paragraphe 3 : Diffusion et distribution : un enjeu majeur
Seuls les éditeurs les plus importants se sont organisés pour être autonomes dans la
mise à disposition des contenus et l’organisation des circuits de distribution traditionnels.
Dans le domaine du numérique, les processus de diffusion et de distribution ne sont pas
encore figés. Ils évolueront beaucoup au cours de ces prochaines années. Outre les nouvelles
plateformes, les éditeurs doivent faire face à l’arrivée de nouveaux entrants : Amazon et
Google, prêts à briser ce qui constituait les codes d’hier, avec pour enjeu le contrôle de la
chaîne du livre.
32
http://www.sne.fr/dossiers‐et‐enjeux/economie.html
38
39. Sous-paragraphe 1 : La concentration du marché
La diffusion et de distribution comportant des coûts importants, seuls les éditeurs
ayant atteint une taille critique peuvent intégrer cette activité. Les autres doivent alors faire
confiance et sous-traiter. Cinq gros diffuseurs captent 80% du marché :
- Hachette, par l’intermédiaire de sa filiale Hachette Diffusion Services (HD), est à la tête du
plus grand réseau de diffusion ;
- Editis et Gallimard ont conclu un accord de partenariat pour la diffusion et la distribution
dans les supermarchés au travers d’Interforum ;
- Le Seuil et la Martinière gèrent Volumen ;
- Flammarion possède Union Distribution ;
- Gallimard est à la tête de la Sodis.
Ce phénomène de concentration touche aussi la libraire avec une double tendance :
- Concentration de l’achat : la vente de livres se réalise principalement au sein des grandes
chaînes ;
- Concentration du capital : une librairie sur deux figurant dans le top 50 du classement livres
hebdo appartient à un groupe.
Sous-paragraphe 2 : La multiplication des plateformes
Ces plates-formes sont essentielles, car elles assurent le stockage des données et leur
référencement. On peut les diviser en deux catégories : celles qui mettent les livres
numériques à disposition des seuls libraires revendeurs d’ebooks et celles qui autorisent la
vente au consommateur final. Le choix est certes stratégique, puisque dans le premier cas,
l’objectif est de préserver la chaîne du livre et en particulier les libraires; dans le second, le
but est d’accroître les chances de rencontrer son public en étant présent sur tous les canaux.
Parmi les trois principales plates-formes, seule Numilog, propriété d’Hachette,
propose un accès direct aux lecteurs. Eden Livres (partenariat Flammarion, Gallimard et La
Martinière) et eplateforme (Editis) ne sont accessibles qu’aux revendeurs.
Numilog joue pleinement son rôle de diffuseur en proposant une réelle prestation
commerciale aux éditeurs adhérents. Ainsi, il propose tout un éventail d’offres commerciales :
achat du livre à l’unité, vente par chapitre (Pick and mix), location du fichier numérique à
l’heure ou à la journée, le teasing (un chapitre offert), l’achat de bouquet de titres,
l’abonnement aux bibliothèques avec un accès illimité à une collection de titres.
La multiplication du nombre de plates-formes rend coûteux l’accès aux catalogues des
éditeurs et privilégie de ce fait les gros revendeurs (ex : Fnac). En effet, si ces plates-formes
39
40. ne sont pas interopérables, le libraire qui veut accéder à l’ensemble d’entre elles doit procéder
à autant de développements informatiques, ce qui s’avère si coûteux que l’entreprise s’avère
peu rentable. Pour éviter les distorsions de concurrence, il est indispensable que les éditeurs
parviennent à s’entendre, afin de rendre les plates-formes interopérables, Un accord aurait été
signé en mai 2010 entre Eden livres, Eplateforme, Epagine et Numilog afin de mettre à
disposition des libraires un catalogue commun. Il ne semble pas pour le moment que ce
déploiement soit opérationnel. Les revendeurs sont donc toujours en attente d’un hub
professionnel, indispensable pour rendre l’offre plus lisible et offrir aux lecteurs un catalogue
riche qui les incitera à lire des livres numériques.
Cependant, une étape importante a été franchie. Dilicom, société en charge des
catalogues informatisés qu’elle met à la disposition des distributeurs et des libraires, est
actuellement en cours de réalisation d’un hub entre Eden Livres, eplateforme, Immatériel et la
librairie Dialogue. Distributeurs et détaillants pourront donc se brancher à ce point de
connexion unique. Toutefois, le catalogue le plus important, celui d’Hachette, ne fait pas
partie de l’accord, ce qui limite la portée de ce point de connexion qui a pour ambition de
devenir unique.
Plates-formes de livres numériques
Site Modèle Type Nombre de Positionnement
d’opérateur références de l’offre
Numilog Essentiellement Plate-forme 61 000 Tous genres
miroir (Hachette)
I-Kiosque Gratuité et Librairie en 2 400 Tous genres
miroir ligne
E-Pagine Miroir E-distributeur 2 650 Tous genres
E-Plateforme Miroir Plate-forme
(Editis)
Fnac Miroir Libraire en
ligne
Cyberlibris Service Bibliothèque et 1 200 pour Plusieurs
librairie en l’offre grand catalogues :
ligne public grand public
(livres
pratiques
surtout) et
universitaire
Ave-comics Gratuité et Bibliothèque en Plusieurs BD
service ligne centaines
40
41. Site Modèle Type Nombre de Positionnement
d’opérateur références de l’offre
Relay.com Miroir Librairie en 2 000 Essentiellement
ligne best-sellers et
guides
Publie.net Miroir et Editeur 250 Littérature
service numérique contemporaine
Smartnovel Service Editeur 19 Romans en
numérique feuilletons
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la Communication, 2010
Après l’interopérabilité, un autre point est important, est celui de permettre au libraire
de disposer du fichier. En effet, lors d’une table ronde organisée par Le Motif – Observatoire
du livre numérique en Ile de France- le 7 février 2011 sur le thème « Se lancer dans l’édition
numérique », Stéphane Michalon, directeur général d’epagine, spécifiait que l’on peut
distinguer deux catégories d’éditeurs : ceux qui disposent d’une copie du fichier et ceux qui
n’en disposent pas. Pour lui, il faut rapprocher rapidement le fichier du lecteur, c’est à la fois
un problème d’intermédiation et aussi de services. Le libraire qui dispose du fichier pourra
créer de nouveaux services : proposer un extrait des contenus ou permettre de procéder à une
recherche plein texte, par exemple. Le schéma ci-dessous illustrant le circuit du fichier dans
les deux hypothèses exposées précédemment, démontre que le modèle qui a le plus d’avenir
est celui où le libraire dispose d’une copie du fichier. En effet, il comporte le double avantage
de l’accès plus rapide aux données et de réduire les coûts d’intermédiation.
Circuit de commande d’achat du livre numérique
Cas 1 : le libraire ne dispose pas du fichier
41
42. Cas 2 : Le libraire dispose du fichier
Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente en ligne
Le paysage de la vente de livres en France par des détaillants a été considérablement
modifié. Par le poids des grandes surfaces (grandes surfaces spécialisées et non spécialisées)
d’abord, lesquelles comptabilisent plus de 40 % de parts de marché. Par la montée en
puissance d’internet ensuite qui enregistre près de 10 % de parts de marché. La librairie ne
représentant que 17,4 % en valeur.
Les lieux d’achat du livre
Source DEPS
42
43. Sur un marché du livre de 4,2 milliards d’euros en 2010, selon l’institut GfK, la vente
en ligne représente 9 % des ventes totales en valeur et 8 % en volume (le SNE estime quant à
lui qu’il frôle les 10 %), soit 320 millions d’euros. La progression est de 0,1 % en valeur et de
0,2 en volume par rapport à 2009. Cette croissance peut paraître faible, mais contrairement
aux autres secteurs culturels, c’est un marché qui se maintient.
Il est à noter que le poids de la vente sur internet évolue en fonction des marchés. Il est
en effet largement prédominant dans le domaine des sciences humaines, et en particulier le
développement personnel qui est bien représenté.
Source GfK
De même, le poids du fonds ancien est prédominant sur internet (43 % pour la vente
en ligne, contre 27 % pour l’ensemble des circuits), constatation allant dans le sens d’un effet
longue traîne pourtant contesté par certains.
43