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La Financiarisation du Marché de l’Art En quoi l’art constitue-t-il une classe d’actifs à part entière ? « Cette peinture là, elle m’a coûté 60 000 dollars il y a dix ans. Aujourd’hui, j’en tirerais plus de 600 000. L’illusion s’est transformée en réalité. A mesure qu’elle devient plus réelle, ton besoin de la posséder grandit. »Gordon Gekko, Wall Street, Stone O. (1987)  Sommaire       TOC    
Titre 1;2;Titre 2;3;Titre 3;4;Titre;1
 Introduction PAGEREF _Toc229749320  5 Partie I : Présentation du marché de l’art PAGEREF _Toc229749322  7 Introduction PAGEREF _Toc229749323  8 1.Marché et œuvre d’art : une réalité ancienne PAGEREF _Toc229749324  9 1.1.Mise en perspective historique PAGEREF _Toc229749325  9 1.2.Le marché de l’art se caractérise par deux grands modes de transaction PAGEREF _Toc229749326  11 1.2.1.Les échanges de gré à gré PAGEREF _Toc229749327  11 1.2.2.Les ventes aux enchères PAGEREF _Toc229749328  12 1.3.Zoom sur le fonctionnement des ventes aux enchères : l’exemple de Sotheby’s PAGEREF _Toc229749329  12 1.3.1.Les transactions générales PAGEREF _Toc229749330  13 1.3.2.Les transactions avec garantie PAGEREF _Toc229749331  14 1.3.3.Les transactions avec avance PAGEREF _Toc229749332  15 1.4.Le marché de l’art en chiffres PAGEREF _Toc229749333  16 1.4.1.Un marché de petite taille PAGEREF _Toc229749334  16 1.4.2.2008 : « de l’euphorie spéculative au grand plongeon » PAGEREF _Toc229749335  18 1.4.3.Analyse des ventes par artiste PAGEREF _Toc229749336  20 1.4.4.Répartition des ventes de Fine Art en 2008 PAGEREF _Toc229749337  22 1.5.Un marché de plus en plus mondialisé PAGEREF _Toc229749338  23 1.5.1.La multiplication des foires et des biennales PAGEREF _Toc229749339  24 1.5.2.Internet PAGEREF _Toc229749340  25 1.5.3.La place des pays émergents PAGEREF _Toc229749341  25 1.5.4.La France : des parts de marché qui s’érodent PAGEREF _Toc229749342  27 2.Les acteurs du marché de l’art PAGEREF _Toc229749343  30 2.1.Les maisons de ventes (auctioneers) PAGEREF _Toc229749344  30 2.1.1.Les maisons de ventes françaises : le poids du passé PAGEREF _Toc229749345  30 2.1.2.Les maisons de ventes d’origine anglo-saxonne PAGEREF _Toc229749346  32 2.2.L’artiste PAGEREF _Toc229749347  35 2.3.Les galeries et marchands d’art PAGEREF _Toc229749348  36 2.4.Les collectionneurs PAGEREF _Toc229749349  39 2.5.Les intermédiaires PAGEREF _Toc229749350  40 2.5.1.Les courtiers PAGEREF _Toc229749351  40 2.5.2.Le critique d’art PAGEREF _Toc229749352  40 2.5.3.L’expert PAGEREF _Toc229749353  41 2.6.L’Etat PAGEREF _Toc229749354  42 2.7.Le mécénat et les fondations d’entreprise PAGEREF _Toc229749355  44 Conclusion PAGEREF _Toc229749356  45 Partie II : Valeur et prix d’une œuvre d’art PAGEREF _Toc229749358  47 Introduction PAGEREF _Toc229749359  48 1.Le marché de l’art : des spécificités à la valorisation d’une œuvre PAGEREF _Toc229749360  49 1.1.Les motivations des acheteurs PAGEREF _Toc229749361  49 1.1.1.L’achat détention PAGEREF _Toc229749362  50 1.1.2.L’achat d’investissement PAGEREF _Toc229749363  50 1.1.3.L’achat social PAGEREF _Toc229749364  52 1.2.Le marché de l’art, un marché particulier PAGEREF _Toc229749365  53 1.2.1.Un marché sur lequel règne une concurrence ni pure ni parfaite PAGEREF _Toc229749366  53 1.2.2.L’art, un produit aux caractéristiques spécifiques PAGEREF _Toc229749367  54 1.2.3.Le prix ne peut exprimer la valeur fondamentale de l’œuvre PAGEREF _Toc229749368  55 1.2.4.Le rapport au temps : une dynamique de long terme PAGEREF _Toc229749369  56 1.3.La segmentation du marché : une première approche de la valeur PAGEREF _Toc229749370  57 1.3.1.Le « marché des chromos » PAGEREF _Toc229749371  57 1.3.2.Le marché de l’art classé PAGEREF _Toc229749372  57 1.3.3.Le marché de l’art contemporain PAGEREF _Toc229749373  58 1.4.La valorisation d’une œuvre PAGEREF _Toc229749374  58 1.4.1.La qualité des objets ou la valeur scientifique d’une œuvre d’art PAGEREF _Toc229749375  58 1.4.2.Les interactions entre les acteurs du marché et la valeur marchande PAGEREF _Toc229749376  60 1.4.3.Le comportement des agents : la valeur symbolique de l’art PAGEREF _Toc229749377  62 2.Le pricing d’une œuvre d’art PAGEREF _Toc229749378  64 2.1.Retour historique sur la formation des prix PAGEREF _Toc229749379  64 2.1.1.Le rôle de l’Académie PAGEREF _Toc229749380  65 2.1.2.Changement de paradigme PAGEREF _Toc229749381  66 2.2.Galeristes et maisons de ventes, deux mécanismes de pricing PAGEREF _Toc229749382  68 2.2.1.Le processus de fixation des prix sur le marché primaire PAGEREF _Toc229749383  71 2.2.2.Le processus de fixation du prix sur le marché secondaire PAGEREF _Toc229749384  72 3.Analyse des mouvements de prix sur différents segments du marché PAGEREF _Toc229749385  77 3.1.Les maîtres anciens (artistes nés entre 1400 et 1765) PAGEREF _Toc229749386  77 3.2.Les maîtres du XIXe siècle (nés entre 1766 et 1860) PAGEREF _Toc229749387  78 3.3.Les artistes modernes (nés entre 1861 et 1900) PAGEREF _Toc229749388  80 3.4.Les artistes d'après-guerre (nés entre 1901 et 1920) PAGEREF _Toc229749389  81 3.5.Les artistes contemporains (nés entre 1920 et 1945) PAGEREF _Toc229749390  82 3.6.Les artistes émergents (nés après 1945) PAGEREF _Toc229749391  84 Conclusion PAGEREF _Toc229749392  86 Partie III : L’art, un actif financier à part entière ? PAGEREF _Toc229749394  87 Introduction PAGEREF _Toc229749395  88 1.La rentabilité financière des placements en art : une approche limitée PAGEREF _Toc229749396  89 1.1.Note méthodologique relative à l’élaboration des indices PAGEREF _Toc229749397  89 1.2.L’investissement dans les estampes modernes PAGEREF _Toc229749398  90 1.3.Les études économétriques existantes PAGEREF _Toc229749399  92 1.3.1.L’étude de William Baumol (1986) PAGEREF _Toc229749400  93 1.3.2.John Picard Stein et le rendement non financier (1977) PAGEREF _Toc229749401  94 1.3.3.L’étude de Stan Worthington et de Jim Higgs (2004) PAGEREF _Toc229749402  95 1.3.4.L’étude de Jianping Mei et Michale Moses (2002) PAGEREF _Toc229749403  95 1.3.5.L’étude de Luc Renneboog et de Christophe Spaenjers (2009) PAGEREF _Toc229749404  98 2.L’investissement en art au-delà de la simple notion de rendement PAGEREF _Toc229749405  99 2.1.L’art, un actif bien « réel » PAGEREF _Toc229749406  99 2.2.Une moindre sensibilité aux cycles courts du marché PAGEREF _Toc229749407  102 2.3.L’art, en tant qu’actif spéculatif PAGEREF _Toc229749408  103 3.Investir dans l’art : oui, mais comment ? PAGEREF _Toc229749409  105 3.1.L’art contemporain, un segment propice au « pari financier » PAGEREF _Toc229749410  105 3.2.Quelques principes pour « bien investir » dans l’art PAGEREF _Toc229749411  107 Conclusion PAGEREF _Toc229749412  110 Bibliographie PAGEREF _Toc229749413  112 Annexes PAGEREF _Toc229749414  119 Introduction L’idée d’associer art et finance, dans le cadre de notre mémoire de fin d’étude à l’ESCP-EAP peut, a priori, paraître quelque peu surprenante. C’est avant tout une dynamique de curiosité qui nous a conduits vers cette thématique.  Curiosité, d’abord, suscitée par les prix atteints par certaines œuvres mises aux enchères. Au-delà du prix, l’impression la plus étrange résidait cependant dans le fait que, plus la presse se faisait l’écho de ces adjudications et plus un sentiment de banalité semblait se dessiner, comme si l’art s’effaçait peu à peu derrière les montants affichés, comme si, finalement, l’art glissait doucement vers une forme de commodité. Curiosité, ensuite, mue par le désir de comprendre les ressorts de l’investissement en art. Panoplie de l’homme riche, la consommation en art intégrait certes une composante sociale évidente, mais qu’en était-il d’un point de vue financier ? Les grandes vacations internationales de New York et de Londres laissaient, en effet, entrevoir de fabuleux rendements. Mais s’agissaient-ils d’exemples rares et exceptionnels ou d’une donnée que nous pouvions généraliser à l’ensemble du marché ? Curiosité, enfin, provoquée par le souhait d’analyser les mécanismes au fondement de la valeur et du prix d’une œuvre d’art. Une logique rationnelle sous-tend-elle cette forte envolée des prix ou s’agit-il d’un phénomène passager de mode et d’afflux massifs de liquidités ?   Tous deux fortement intéressés par les questions financières, nous avons fait le pari d’orienter la problématique de notre travail dans ce sens : en quoi peut-on considérer l’art comme une classe d’actifs à part entière ? Le défi était lancé et nous remercions Philippe Thomas d’avoir accepté de nous accompagner dans cette démarche. Afin d’apporter une réponse à cette question, nous avons organisé notre mémoire en trois parties. La première vise à décrire les acteurs et les forces en présence sur le marché de l’art, tant du point de vue structurel que conjoncturel. Comment interagissent les différents agents du marché ? Collaboration ou concurrence, dynamique artistique ou financière ? Entre l’Etat et les différents intermédiaires, la place de l’artiste est ambigüe. Si l’artiste produit les biens artistiques et est à la source du marché de l’art, son rôle ne tend-il pas vers plus de passivité ? Le marché de l’art est en pleine mouvance ; comment ont évolué les ventes, quelle est leur nouvelle géographie ? Un marché local ou global ? Quels sont les vecteurs de mondialisation du marché de l’art ? Quels parallèles peut-on établir avec les marchés financiers usuels ? La deuxième partie prolonge notre réflexion : ces caractéristiques propres au marché de l’art ont-elles un impact sur le plan de la valorisation, d’une part, et de la détermination du prix d’une œuvre d’art, d’autre part ? L’œuvre d’art est un bien unique, non reproductible et non générateur de flux financiers. Mais alors quels déterminants intégrer lors de l’évaluation ? Les critères sont-ils essentiellement subjectifs tant on parle communément de « goûts personnels » en la matière, ou bien existe-t-il des données objectives ? Quelles sont les instances et acteurs de légitimation d’une œuvre d’art ? Qui pose véritablement les fondements du prix, quels acteurs dominent le mécanisme de pricing ? Comment évoluent les prix sur le marché, quelles sont les différences par segment de marché ? Enfin, la troisième et dernière partie aborde directement la problématique de la financiarisation du marché de l’art. Dans quelle mesure peut-on appréhender l’art en tant qu’actif financier ? Comment apprécier le rendement d’une œuvre ? Une approche économétrique, s’appuyant donc sur des données empiriques, est-elle suffisante ? Existe-il un modèle sur lequel un investisseur puisse se baser ? Quels en sont les critères ? Quelle rationalité derrière un investissement en art ? Comment maximiser son espérance de rendement ? Ce sont autant de questions correspondant à une logique purement financière mais qui mettent en exergue à elles seules, le phénomène de financiarisation du marché de l’art. Partie I :  Présentation du marché de l’art « Un écosystème de compétences multiples » Figure  SEQ 
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 Arabic 1 : Camouflage Suite (1987), Andy Warhol Introduction L’objectif de cette première partie vise à décrire le marché de l’art. Curieux et amateurs d’art, nous n’avions qu’une vision très partielle des acteurs et des règles assurant le fonctionnement de ce marché. Autrement dit, plus spectateurs qu’acteurs, nous éprouvions le besoin de sceller un certain nombre de jalons avant de nous lancer dans l’appréhension de l’objet d’art en tant qu’actif financier. Pour ce faire, nous avons opté pour une double approche, mêlant à la fois des éléments d’analyse statiques et dynamiques. En effet, pour compléter et prolonger la description des modes de transaction et des acteurs en présence, nous avons souhaité faire le pari d’une démarche plus dynamique. Cette dernière consiste non seulement à replacer le marché de l’art dans une dimension tant historique que conjoncturelle, mais surtout à « vivre » cette dynamique. Pour ce faire, nous sommes allés directement à la rencontre d’un certain nombre de professionnels, sur le terrain. L’art est une réalité à la fois figée et vivante qui ne peut se vivre que dans l’échange. C’est la découverte de cette tension que nous avons cherché à vivre et à retranscrire dans cette première partie. Les professionnels qui ont bien voulu nous recevoir, pour partager avec nous leurs passions et leurs métiers, ont été à la fois attentifs et ouverts à notre démarche. Et pourtant, en tant qu’étudiants de l’ESCP-EAP, s’intéressants à l’art dans une optique financière, les passerelles n’apparaissaient pas d’emblée comme évidentes ou naturelles. Paradoxalement, ce sont les acteurs les plus « financiers » du marché qui ont été les moins réceptifs à notre démarche. Signe prémonitoire ? Peut-être. Dernier angle à cette approche dynamique : la comparaison aux marchés financiers. Dès que cela nous a semblé pertinent, nous avons tenté de dresser un parallèle entre sphères financière et artistique. Marché et œuvre d’art : une réalité ancienne Il nous semble, dans un premier temps, important de replacer le marché de l’art dans son contexte historique et ce, pour deux raisons principales. Tout d’abord, l’art et l’acte de collectionner font intimement partis de notre humanité. L’histoire de l’art et l’histoire de l’homme sont étroitement imbriquées l’une dans l’autre. Ensuite, parce que le marché de l’art est avant tout un marché de l’histoire. Nous verrons en effet par la suite que la mise sur le marché d’une œuvre ne peut se faire sans expertise, sans information et donc sans histoire.  Mise en perspective historique L’émergence d’un véritable marché de l’art remonterait à la période helléniste (IVe siècle avant J-C). C’est en effet au cours de cette époque que les œuvres commencent à circuler sur l’ensemble du pourtour méditerranéen. Dans la Rome Antique, ce commerce trouve au sein de la classe politique (sous La République), puis chez les empereurs (notamment à partir d’Auguste, sous l’influence de son conseiller Mécène), des débouchés de plus en plus vastes. Le système des ventes aux enchères, auctio, apparaît dès l’Antiquité. Selon les historiens, les enchères auraient débuté vers 500 avant J-C avec le « marché du mariage » de Babylone décrit par Hérodote. Très rapidement les ventes aux enchères vont s’inscrire dans un cadre réglementaire dont les grandes lignes se retrouvent encore aujourd’hui. Les ventes doivent en effet être précédées de publicité (par le crieur ou praeco), intermédiées par des officiers publics (les auctionatores) et donner lieu à la rédaction d’un cahier des charges (lex bonorum vedendorum). Pendant toute la période du Moyen Âge, ce déploiement du marché de l’art sera mis entre parenthèses ou plus exactement il concernera avant tout les œuvres religieuses. Dieu devint la principale source d’inspiration artistique et un important commerce de reliques se met en place depuis Rome.  Il faudra attendre la fin de cette époque et l’avènement de la Renaissance pour que ressurgisse le goût de la collection. Ce sont alors les objets de l’Antiquité qui deviennent les plus prisés. En France, ce retour à l’art va d’abord être impulsé par les princes Valois, aux XIVe et XVe siècles, avant d’être renforcé par les Capétiens, sous l’égide de François 1er, puis par les Habsbourg, avec Charles Quint. Sur le plan artistique, c’est la recherche du Beau et de l’émotion qui prévaut. Le marché de l’art réapparaît peu à peu : les artistes circulent de plus en plus au grès des commandes et une véritable structure commerciale se met en place. Rome conserve une position centrale dans l’organisation et l’animation du marché. En effet, la ville est non seulement un centre de création important, avec une concentration d’artistes modernes tels que Vinci, Raphaël, Titien et Véronèse, mais elle abrite également l’autorité papale qui s’érige en régulateur du marché. Cette période de la Renaissance est également marquée par l’avènement de grandes foires artistiques, véritables vitrines de la création. A partir du règne de Louis XIV, les achats d’œuvres ne sont plus simplement destinés au bon plaisir du roi mais s’inscrivent avant tout dans une quête de gloire et de prestige tant personnelles que nationales. Les ventes aux enchères réapparaissent en Europe au cours du XVIe siècle. Parmi les plus anciennes ayant revêtu un caractère exceptionnel, on retient celles qui suivirent la décapitation de Charles Ier d’Angleterre en 1641. Sa prestigieuse collection, constituée en grande partie par l’achat de celle du duc de Mantoue, fut vendue par ordre de Cromwell. Le cardinal de Mazarin et le banquier Jabach furent parmi les principaux acheteurs. On constate donc que dès cette époque, des passerelles entre l’art et la finance s’établissent. La Révolution Française va provoquer un véritable essor des transactions sur le marché de l’art. En effet, la volonté de faire table rase de toutes les « reliques » de la Monarchie et, la nécessité de trouver des fonds pour renflouer les caisses de l’Etat vont conduire à la mise en vente des grandes collections royales (du 25 août 1793 au 19 août 1794 en ce qui concerne la vente des œuvres du Château de Versailles). Paradoxalement, cette grande braderie artistique va essentiellement profiter aux anglais : les jeunes aristocrates saisissent en effet l’opportunité de leur « Grand Tour » pour acheter de nombreuses œuvres. Ce sont par ailleurs les britanniques qui vendront les collections de la noblesse française émigrée, comme les bijoux de la Comtesse du Barry (Christie’s 1795) ou la bibliothèque de Talleyrand (Sotheby’s). La fin du XVIIIe siècle est également marquée par l’apparition des premiers musées. Ces derniers vont réaliser de nombreuses acquisitions afin de constituer de véritables collections. Un personnage va alors devenir central dans l’orientation des goûts sur le marché de l’art : le conservateur. Le XIXe siècle fait véritablement office de période charnière dans l’histoire du marché de l’art. Tout d’abord, le renforcement du rôle et de la position de la bourgeoisie dans la société va constituer un fort relais de croissance au niveau de la demande (formation de vastes collections personnelles comme celle du duc d’Aumale à Chantilly). Ensuite, un nouvel acteur fait son apparition sur le marché, le marchand d’art, à l’instar de Paul Durand-Ruel, célèbre pour avoir été le marchand des impressionnistes. Ce dernier définit les quatre principes clefs de la profession : l’organisation d’expositions-ventes individuelles dans sa galerie, la conclusion de contrats d’exclusivité, l’appel à des concours financiers extérieurs et l’établissement d’un réseau international. Après lui, ces pratiques se généralisent et deviennent règle. Se constituent alors de véritables dynasties de marchands et d’antiquaires (métier qui se transmet de père en fils). Enfin, la création artistique va être marquée par la recherche du choc et de la transgression par opposition aux règles strictes de l’Académie qui ont prévalu jusqu’alors.  Le marché de l’art tel que nous le connaissons aujourd’hui est le fruit d’un changement en profondeur, d’une « petite révolution », intervenue au cours des années 80. En effet, les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes vont peu à peu mener une politique de « démocratisation » et d’élargissement du marché en étendant le public de consommateurs potentiels. Il ne s’agit plus de s’adresser à un cercle d’initiés, mais véritablement de s’ouvrir à tout un ensemble de gens fortunés. Un nouveau rapport à l’art fait alors son apparition. Le marché de l’art se caractérise par deux grands modes de transaction Avant d’entrer plus en détails dans les modes de transaction, il faut, dans un premier temps, souligner le fait que le marché de l’art est composé de deux grands ensembles : le marché primaire d’un côté, et le marché secondaire de l’autre. Cette distinction correspond d’ailleurs à celle qui prévaut sur les marchés financiers. Le marché primaire concerne en effet « l’émission d’œuvres » alors que le marché secondaire, l’équivalent de la Bourse, est un lieu d’échange d’objets déjà existants. La partie visible du marché de l’art, les ventes aux enchères, s’apparente donc à un marché de l’occasion.  Les échanges de gré à gré L’échange de gré à gré est le mode de transaction le plus répandu sur le marché de l’art. Dans son livre Investir dans l’Art, Fabien Bouglé estime que la part de ces transactions serait de l’ordre de 60 à 70% du total des échanges. Les galeristes occupent et animent l’essentiel de ce marché. En effet, ces derniers ont entres autres comme fonction la découverte et la promotion de nouveaux artistes. Il ne faudrait cependant pas limiter ce type de transaction aux galeristes. Les artistes peuvent également traiter directement avec des acheteurs et notamment lorsqu’il s’agit de collectionneurs. Les échanges de gré à gré se caractérisent par l’absence d’intermédiaire. Un lien contractuel direct est ainsi noué entre les deux parties. Les ventes aux enchères Les ventes aux enchères peuvent, d’une certaine façon, être assimilées aux cotations boursières des marchés financiers. Une seule grande différence : les enchères sont beaucoup plus localisées à la fois dans le temps et dans l’espace. Si le mécanisme est relativement simple à appréhender, dans la pratique ce mode de transaction reste complexe. En effet, il fait intervenir trois parties : le vendeur, l’organisateur (auctioneer) et l’acheteur. Différentes relations contractuelles vont donc se nouer entre ces dernières au fur et à mesure de l’avancement de la vente. Un premier contrat est tout d’abord établi entre le vendeur et la société de ventes volontaires (SVV). Ensuite, une deuxième relation contractuelle intervient entre la SVV et l’acquéreur au moment de l’adjudication. Enfin, un troisième et dernier contrat est établi par le commissaire-priseur, ou la SVV, entre l’acquéreur et le vendeur une fois l’objet vendu. Par ailleurs, outre ces différents temps juridiques, il existe plusieurs types de ventes aux enchères. Nous illustrerons ces différentes modalités de transaction dans le paragraphe suivant en prenant l’exemple de la société Sotheby’s. Pour finir, il est important de noter que les ventes aux enchères sont avant tout un moyen d’approvisionnement dans la mesure où 70% des transactions sont le fait de marchands. Zoom sur le fonctionnement des ventes aux enchères : l’exemple de Sotheby’s Contrairement à sa grande rivale Christie’s, la société Sotheby’s est cotée à la Bourse de New York (NYSE). Nous disposons donc de beaucoup plus d’information à son égard notamment en ce qui concerne son activité. Au cours d’une présentation aux investisseurs du mois d’avril 2008, Sotheby’s détallait les chiffres et les modes de transaction concernant ses ventes aux enchères. Il convient cependant de souligner, comme le fait d’ailleurs Sotheby’s dans ce document, que toutes les descriptions et ordres de grandeur qui suivent sont comparables aux pratiques de Christie’s. En 2008, 95% du chiffre d’affaires consolidé de Sotheby’s émanait du revenu de ses ventes aux enchères. Trois grands types de transaction sont identifiés : les transactions dites générales (General Transaction), les transactions avec garantie (Guarantee Transaction) et les transactions avec avance (Advance Transaction). Les transactions générales Tendanciellement, ce type de transaction représente l’essentiel du volume d’affaires des ventes aux enchères de Sotheby’s (entre 80% et 90%). Le principe de fonctionnement est relativement simple. Un marchand confie à Sotheby’s le soin de vendre un objet. Il verse en échange une commission de l’ordre de 2% du montant total de l’adjudication et rembourse les frais directs liés à la procédure de vente. Une fois l’œuvre adjugée, Sotheby’s a charge de la remettre à l’acquéreur moyennant un premium (« the buyer’s premium »), dont le mécanisme de fixation est détaillé ci-dessous. Figure  SEQ 
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 Arabic 2: Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Méthode de détermination du premium exigé à l’acheteur : un mécanisme par paliers  Valeur d’adjudication (US$)Premium< 20k25%20k-480k20%> 500k12% Tableau  SEQ 
Tableau
 Arabic 1: Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Par exemple, pour un lot adjugé à $750k en 2008, le revenu total (premium de l’acheteur, commission vendeur et remboursement des frais liés à la vente) de Sotheby’s était de $149k. Figure  SEQ 
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 Arabic 3 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Les transactions avec garantie Ce type de transaction représente en moyenne entre 5% et 10% des ventes aux enchères de Sotheby’s. Avec ce mode de transaction, l’auctioneer garanti au vendeur un prix minimum de session. Ce faisant, la maison de ventes prend alors une part d’equity dans le lot. Figure  SEQ 
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 Arabic 4 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Cette forme de transaction est certes plus rémunératrice pour la maison d’enchères mais expose cette dernière à plus de risques. Trois cas de figure peuvent en effet se présenter : Tout d’abord, si la vente est un succès, Sotheby’s perçoit d’une part le premium de l’acheteur, c’est-à-dire, un pourcentage de la différence entre le prix d’adjudication et le montant de la garantie (Overage) et, d’autre part, le remboursement des frais de la part du vendeur.  Ensuite, si le lot ne se vend pas, la maison d’enchères doit payer au vendeur le montant garanti et devient alors propriétaire du bien. Enfin, si le lot se vend sous le montant du seuil dont Sotheby’s s’est porté garant, l’auctioneer se doit de payer au vendeur le montant sous garanti et enregistre alors une perte nette. Ce système de vente avec un prix garanti s’est amplifié au cours de ces dernières années du fait du renforcement de la concurrence entre les deux grandes maisons dominantes, Sotheby’s et Christie’s. En effet, en offrant au vendeur une garantie plus importante (donc en prenant plus de risque), la maison s’assure que ce dernier n’ira pas chez son concurrent. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, les auctioneers doivent signaler les lots sous garantie lors des ventes.  A partir de la seconde moitié de l’année 2008 et la transmission de la crise financière au marché de l’art, les montants garantis ont été largement revus à la baisse. La correction généralisée sur les prix et le manque de visibilité, font en effet porter un risque trop fort aux maisons de ventes. Les transactions avec avance Ce mode de transaction concerne en moyenne 5% des ventes aux enchères de Sotheby’s. Il s’agit d’un mécanisme de prêts ayant comme collatéral l’œuvre mise en vente. Le prêt octroyé ne peut cependant être supérieur à 50% de l’estimation basse de la valeur de l’objet. L’emprunteur s’engage à vendre le lot via les services de Sotheby’s. En plus du premium de l’acheteur, de la commission et du remboursement des frais de la part du vendeur, Sotheby’s touche les intérêts sur le montant avancé. Figure  SEQ 
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 Arabic 5 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Le marché de l’art en chiffres Le marché de l’art est par nature relativement difficile à appréhender sur le plan quantitatif. La raison à cette difficulté est simple : la majorité des transactions s’effectuant de gré à gré, nous disposons, par définition, de peu ou pas d’information à leur égard. Seules les ventes aux enchères peuvent véritablement faire l’objet de suivis et d’analyses quantitatives. Atteignant de véritables sommets au cours de ces trois dernières années, les enchères (plus que les lots en eux-mêmes d’ailleurs) sont devenues de véritables évènements médiatiques. Pour autant, il ne faudrait pas que cette soudaine fascination pour les ventes d’objets d’art nous fasse oublier d’une part que, selon Artprice, les ventes aux enchères de Christie’s et Sotheby’s ne représentent qu’1/1 000ème des transactions mondiales et d’autre part, qu’il s’agit d’un marché de taille encore très modeste sur lequel les transactions restent très concentrées d’un point de vue géographique. Un marché de petite taille Comme nous venons de le souligner, de part sa nature, l’appréhension chiffrée du marché de l’art révèle une certaine complexité. Toute la partie des transactions de gré à gré ne peut faire l’objet que d’estimations. A cet égard, dans l’édition 2008 du Cyclope, l’économiste Philippe Chalmin estime la valeur mondiale du marché de l’art à $15Mds en 2007 ($17Mds si l’on tient compte des ventes de gré à gré des grands auctioneers), en hausse de 37% par rapport à 2006. Sotheby’s propose une autre démarche d’estimation du marché qui consiste à considérer les ventes cumulées (publiques et privées) des trois grands auctioneers. Ainsi, en 2007, les ventes cumulées de Sotheby's, Christie's et Phillips ont atteint un chiffre d’affaires légèrement supérieur à $11Mds, en hausse de près de 35% par rapport à 2006.  Suivant la méthode retenue, les chiffres varient de façon significative. Dans son rapport 2007, le CVV, le Conseil des Ventes Volontaires, avance le chiffre de $14,4Mds. Cette estimation semble relativement cohérente et consensuelle par rapport aux approches de Sotheby’s et de Philippe Chalmin. Pour conclure et à titre de comparaison, LVMH a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires consolidé de €16,5Mds, soit $22,5Mds. Cette comparaison a certes ses limites mais permet tout du moins de mettre en perspective le revenu total généré par les ventes d’objets d’art cette même année. Figure  SEQ 
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 Arabic 6 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Les données de la figure 5 nous permettent de replacer l’évolution dans le temps de la taille en valeur du marché de l’art. Un premier constat s’impose concernant la cyclicité du marché. En effet, au plus haut d’une importante vague spéculative, à $5,1Mds, à la fin des années 80, le marché a fondu de moitié en l’espace d’un an entre 1990 et 1991, à la suite d’un double choc, économique (retournement du marché japonais de l’immobilier) et géopolitique (première guerre du Golfe). Le marché de l’art restera ensuite relativement atone au cours des douze années suivantes avec un léger tassement entre 2001 et 2003 (là encore suite à un double choc, géopolitique puis économique). Il faudra attendre 2004 pour que le marché retrouve son niveau de 1989. Entre 2004 et 2007, le marché de l’art a enregistré une croissance exceptionnelle, à plus de 40% par an en moyenne, atteignant des sommets records. Le second constat que l’on peut tirer de l’analyse de ce graphique concerne d’une part, la violence avec laquelle le cycle se retourne (entre juillet 1990 et juillet 1992, l’Arprice Global Index constatait une baisse de prix de 44%) et d’autre part, la longue agonie qui s’ensuit. A cet égard, l’examen macroéconomique du marché de l’art en 2008 semble particulièrement révélateur.  2008 : « de l’euphorie spéculative au grand plongeon » La banque de données Artprice, qui retrace l’ensemble des transactions publiques de Fine Art, estimait le produit des ventes mondiales 2008 à $8,3Mds, en baisse de $1Md par rapport au chiffre d’affaires réalisé en 2007. La baisse sur un an est certes sévère mais replacée dans une perspective longue, la progression, depuis 2004, reste considérable (+30% en croissance annuelle moyenne).  Figure 7 : Estimations à partir de données Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 Selon Artprice, le marché de l’art aurait atteint en 2007 un « pic spéculatif ». La banque de données a en effet dénombré 1 254 adjudications supérieures au million de dollars, un record. En 2008, le nombre d’adjudications millionnaires est tombé à 1 090 (-13% sur un an). La spéculation est cependant restée vive. Artprice a en effet recensé un nombre record d’adjudications pour des artistes vivants, comme Damien Hirst (65 adjudications millionnaires) et Gerhard Richter (22 adjudications millionnaires).  Tout au long de l’année 2008 les signaux envoyés par le marché ont été quelque peu ambigus, si bien que certains opérateurs voyaient dans l’art une sorte de rempart aux affres des marchés financiers. En effet, au cours du premier semestre, les ventes de Fine Art ont atteint le chiffre record de $5,5Mds (un montant jamais inégalé sur un semestre). Les ventes Impressionnistes et Art Moderne de New York du 6 et 7 mai 2008 ont généré un produit de ventes exceptionnel, à $1,2Md (soit trois fois plus que les ventes constatées en mai 2004) avec 31 nouveaux records d’artistes dont Le pont du chemin de fer à Argenteuil de Claude Monet, adjugé à $37M (Christie’s), L’étude pour la femme en bleu de Fernand Léger pour $35M (Sotheby’s) et le Triptych de Francis Bacon (Sotheby’s) acquis pour $77M par le milliardaire russe Roman Abramovitch. Les acheteurs européens n’étaient cependant pas en reste. Dans un article de mai 2008, Artprice souligne que « la faiblesse du dollar a aiguisé l’appétit des collectionneurs européens […] les 11% d’acheteurs européens ont emporté à eux seuls 41% du produit de ventes. » Cependant, le montant des ventes a fondu de moitié au cours de la seconde partie de l’année. Tout comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédant, le marché s’est subitement et violemment retourné au cours de l’automne 2008 : le taux d’invendus a atteint près de 44% au mois d’octobre (37,8% en moyenne en 2008). Cette plus grande sélectivité des acheteurs a aussitôt impacté le niveau de prix : les estimations basses des œuvres ont été revues à la baisse (-30% en moyenne pour les ventes d’art contemporain de New York au mois de novembre) et l’indice des prix Artprice (Artprice Global Index) a enregistré une chute de 30% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2008. La correction est cependant à nuancer en fonction des segments. En effet, si la baisse a été plus marquée pour l’art contemporain (-34,4%), l’art ancien a plutôt bien résisté, à +15% par rapport à son niveau de 2007. Ce fort contraste entre les deux semestres de l’année 2008 a fait resurgir le spectre de la crise du début des années 90 qui a plongé le marché de l’art dans une longue période d’atonie. En effet, à l’époque, le retournement était également intervenu après une série de records notamment sur des peintures impressionnistes parmi lesquelles Irises de van Gogh adjugée pour $54M. Tout comme sur les marchés financiers, un certain nombre d’intervenants se rassuraient en mettant en avant l’argument du « découplage » argumentant que depuis 2000, la demande s’était mondialisée et n’était plus uniquement concentrée sur les banques et les collectionneurs japonais. C’est d’ailleurs pour cette raison que Tobias Meyer, responsable de l’art contemporain chez Sotheby’s, affirmait en mai 2007 : « On a coutume de dire que le marché de l’art est un marché cyclique, mais cette donne est désormais obsolète. Dans le passé, le marché de l’art concernait seulement les Etats-Unis et l’Europe. Aujourd’hui, la demande est aussi largement nourrie par l’Inde, la Russie et la Chine. Et ce n’est qu’un début. » Cette analyse s’avère aujourd’hui erronée. Dans une interview aux Echos, Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby’s France, résumait la situation de la façon suivante : « Les gens qui participent sont toujours là. Le marché a simplement changé de paradigme. Il y a encore quelques mois il était dominé par les vendeurs. La crise étant passée par là, les acheteurs sont plus exigeants. Le marché est devenu un marché d'acheteurs. » Les opérateurs du marché cherchent à lancer des signaux visant à rassurer les différents intervenants. Le retournement est cependant bel et bien enclenché. Or compte tenu de la forte poussée spéculative qui a débuté à partir de l’année 2003-2004, la baisse potentielle des prix laisse entrevoir une forte correction pouvant s’inscrire dans une période relativement longue. Analyse des ventes par artiste Chaque année, Artprice publie un classement des artistes en fonction de leur produit de ventes aux enchères. En 2007, les artistes du « top10 » des ventes publiques avaient enregistré un chiffre d’affaires de $1,8Md, en hausse de 50% par rapport à 2006. Un an plus tard, ce même classement fait acte d’une légère correction à la baisse, à $1,7Md de revenus générés. Ce classement est intéressant dans la mesure où il témoigne d’une forte concentration du marché. En effet, alors qu’en 2008 les dix artistes les plus cotés ne représentaient que 1,5% du volume total des transactions de Fine Art, ils pesaient pour 20% du marché total en valeur. Figure 8 : Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 En 2008, Pablo Picasso a retrouvé sa « position historique » de numéro un des ventes aux enchères. Au cours des dix dernières années, les prix des œuvres de l’artiste espagnol ont progressé de 96% tous medium confondus. Picasso n’a cependant pas été épargné par l’impact de la crise fin 2008. Un certain nombre d’œuvres ont en effet été retirées de la vente (tableau d’Arlequin de 1909 le 3 novembre chez Sotheby’s) ou adjugées à un prix inférieur à l’estimation basse (Deux personnages, toile estimée par Christie’s à $25M et adjugée pour $18M au mois de novembre). Andy Warhol, dont l’indice des prix avait bondi de 70% (74 adjudications millionnaires), s’était retrouvé à la tête du classement en 2007. Un an plus tard, cet engouement pour Warhol s’est atténué : le nombre d’œuvres mises en vente a augmenté de 50% (1 700 lots mis aux enchères en 12 mois) et les prix ont chuté de près de 30%. Au cours des trois dernières années, la progression de Damien Hirst fut encore plus vertigineuse que la flambée de la cote du roi du Pop Art en 2007. Alors que le jeune artiste britannique arrivait au 58ème rang en 2006 ($16,8M de produit de ventes), il prendra la 15ème place un an plus tard ($76,6M de produit de ventes) avant de se hisser à la 4ème position en 2008 ($230M produit de ventes). On retiendra en particulier la vente « Beautiful Inside My Head Forever » au mois de septembre ($171,6M). Cette dernière fait date dans l’histoire du marché de l’art dans la mesure où l’artiste britannique décida de court-circuiter son réseau habituel de galeristes pour vendre directement ses œuvres sur le marché via Sotheby’s. Cependant, entre les mois de septembre et décembre, le taux d’invendu de Damien Hirst s’est littéralement envolé, passant de 11% à 55%. Le peintre français Claude Monnet figure de façon régulière dans ce palmarès des ventes publiques. Son œuvre étant en effet considérée de qualité muséale, les grands collectionneurs n’hésitent pas faire monter les enchères lorsqu’une toile passe en vente. 2008 fut une année record pour Monet. En effet, alors qu’en 2007 la plus belle enchère culminait à $32,7M pour une toile de la série des Nymphéas (1904), ce plafond fut battu à deux reprises : au mois de mai à New York avec le Pont du chemin de fer à Argenteuil (1873) adjugé à $37M puis, un mois plus tard, à Londres avec la vente du Bassin aux Nymphéas (1919) remporté pour près de $72M. L’année 2008 fut également exceptionnelle pour l’artiste allemand Gerhard Richter qui dépassait pour la première fois la barre des $10M aux enchères et ce à cinq reprises. Le record a été atteint le 27 février chez Sotheby’s pour la toile Kerze, adjugée à près de $14M (trois fois plus que l’estimation). Pour finir, la performance de deux artistes mérite d’être soulignée. L’allemand Richter tout d’abord dont la cote a littéralement flambé au cours de la dernière décennie : $100 investis en 1998 dans une toile de l’artiste valaient en moyenne $780 en 2008. Ensuite, l’artiste français Yves Klein, qui a fait pour la première fois son entrée dans ce « Top10 » en 2008. Chose étonnante, 88% du produit de ses ventes a été réalisé au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. La promotion de son œuvre par le galeriste Léo Castelli dès la fin des années 50 a en effet beaucoup joué en faveur de la notoriété et du succès de l’artiste dans les pays anglo-saxons. Au cours de l’année, trois de ses œuvres adjugées à plus de $15M dont Monogold MG9 qui culminait à $21M le 14 mai 2008 chez Sotheby’s. Répartition des ventes de Fine Art en 2008 En 2008, les ventes aux enchères de Fine Art sont restées largement dominées par l’Art Moderne qui totalisait 44% des adjudications. La part cumulée des ventes d’art d’Après-Guerre (artistes nés entre 1920 et 1944) et d’art Contemporain (artistes nés après 1945) a représenté près de 35% des transactions. Ces deux pourcentages sont révélateurs du choix des opérateurs d’orienter leurs achats vers des œuvres pour lesquelles le rapport temporel est proche voir immédiat.   Figure 9 : Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 L’année 2008 a fait office de « mini tremblement » dans le monde de l’art. En effet, les Etats-Unis ont perdu leur place « historique » de numéro un, au profit de la Grande-Bretagne. Le marché de l’art américain a clairement subi de façon plus sévère les effets de la crise financière avec une baisse de 1$Md sur le produit 2008 des ventes aux enchères par rapport à 2007, à $2,9Mds. Résultat : les Etats-Unis ont représenté 35% du produit des transactions 2008 contre 43% en 2007. Déjà en 2007, la percée de la Chine au troisième rang du classement mondial, devant la France, avait créé l’évènement. Figure 10 : Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 Un marché de plus en plus mondialisé Comme nous l’avons souligné dans la première partie du rapport, le caractère international est une qualité intrinsèque au marché de l’art. Trois phénomènes ont cependant contribué à amplifier cette dimension : les foires, Internet et l’évolution de la géographie de la richesse mondiale au profit des pays émergents. La multiplication des foires et des biennales Les grandes foires et biennales ont été institutionnalisées au cours des XIXe et XXe siècles. Cependant, leur nombre et l’ampleur de ces rencontres internationales vont s’accélérer à partir des années 1980. La première biennale par l’âge et le prestige est celle de Venise. Elle a été lancée en 1895. Sa grande rivale, la Documenta de Kassel, se tient tous les cinq ans pendant cent jours. Elle n’a cependant été créée que 60 ans plus tard, en 1955. Au niveau de l’art contemporain, les trois plus grandes manifestations datent des années 60 et 70. La plus ancienne, la foire de Cologne, Art Cologne, a été instaurée en 1966. Elle fut suivie de peu par celle de Bâle, Art Basel, en 1970 qui aujourd’hui reste la plus prestigieuse en la matière. La FIAC, la Foire Internationale d’Art contemporain de Paris, a été pour sa part lancée en 1974. Au cours des années 1980, tout un ensemble d’évènements d’envergure internationale ont été instaurés. Parmi les principaux, on peu retenir la foire de Chicago (1980), celle de Madrid (1982), de Bruxelles (1983) et de Londres (1984). Et le mouvement se poursuit. En effet, la montée en puissance de grands pays émergents sur le marché de l’art signe la volonté de ces derniers de mettre en place des évènements au rayonnement international. C’est par exemple le cas de la Chine qui, en 2004, a lancé le China International Gallery Exposition (CIGE). Dans son dernier livre, Art Busines (2), Judith Benhamou-Huet, n’hésite pas à parler de véritables « supermarché de l’art ». Ces évènements présentent cependant un certain nombre d’avantages et notamment en ce qui concerne les acheteurs. En effet, un travail important est réalisé au niveau de l’offre tant sur le plan artistique (concentration et sélection au préalable des objets exposés) qu’en termes de services associés (expositions, rencontres, conférences, etc.). Ensuite, en ce qui concerne les pays organisateurs, ces évènements sont non seulement garants d’un contenu symbolique fort (rayonnement international, renforcement de la « marque » des musées locaux) qui contribue à valoriser l’actif immatériel du pays et à favoriser l’attractivité de son territoire, mais également de retombées économiques significatives (en termes d’emplois, d’activité et de tourisme). Ainsi, on comprend mieux la course et la rivalité à laquelle se livrent les Etats pour lancer et pérenniser dans le temps de grandes rencontres internationales de l’art. Internet Internet constitue le second grand vecteur d’internationalisation. Les ventes physiques restent certes concentrées dans un nombre relativement restreint de capitales de l’art mais les ventes aux enchères en ligne se multiplient.  Sotheby’s a été la première maison à proposer des ventes aux enchères via son site Internet en 2000. La maison d’enchères a également travaillé avec eBay pour mettre en place un service spécialement dédié, eBay Live Auctions service. Christie’s a suivi, peu de temps après, avec le lancement de Christie’s Live.  Ce lien entre art et Internet sera très certainement amené à se renforcer à l’avenir. En effet, un certain nombre d’attributs font converger ces deux univers de façon relativement naturelle : l’importance de l’effet réseau, la diffusion d’images et la rapidité avec laquelle l’information circule. En outre, Internet a incontestablement participé à la plus grande fluidité et liquidité du marché : l’augmentation du nombre d’acheteurs et l’engouement pour les artistes « du présent » ne sont certainement pas sans lien avec le renforcement du rôle d’Internet. Lors de notre entretien avec Olivier Fau, Spécialiste Art Contemporain chez Sotheby’s Paris, ce dernier a souligné l’importance qu’avait introduit Internet en terme de transparence, notamment depuis l’arrivée de Artprice et Artnet. Le travail effectué par ces deux sites Internet était auparavant assuré par le Meyer et le Bénézit sous forme de dictionnaires d’artistes qui recensaient l’ensemble des ventes annuelles de ces derniers. L’exploitation de ces sources d’information était cependant fastidieuse et nécessitait un fort investissement en temps. La consultation de ces ouvrages s’adressait donc de façon quasi exclusive aux professionnels du marché. La valeur ajoutée de ces acteurs Internet réside, d’une part, dans l’actualisation permanente des ventes et, d’autre part, dans la recherche d’antériorité (remonter le plus loin possible dans le temps). L’accès à l’information reste certes payant mais lorsque des investisseurs y souscrivent, c’est dans l’optique de réaliser une transaction. La place des pays émergents Depuis le début des années 2000, les grands pays émergents, en particulier l’Inde, la Russie, la Chine et le Moyen Orient, ont entamé une forte montée en puissance sur le marché de l’art. L’évolution récente de la place de la Chine est particulièrement révélatrice de cette tendance. Le pays obtenait en effet pour la première fois un stand à la Biennale de Venise en 2005 et passait deux ans plus tard à la troisième place mondiale (avec 20% de parts de marché), devant la France, en termes de produits des ventes aux enchères réalisés. La percée de l’art en Inde est également spectaculaire : alors qu’en 2000 pour sa première vente d’art moderne et contemporain, Christie’s a enregistré 600 000 dollars de chiffre d’affaires, la vente de 2006 a rapporté $17,8M. Pour Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby’s France, « Proportionnellement, l'arrivée en masse des nouveaux acheteurs russes, chinois et indiens a joué un rôle plus important [que l’arrivée d’acteurs issus du monde de la finance]. Ils étaient mus par un véritable désir de collection. » L’engouement pour l’art de ces pays émergents émane avant tout d’une demande locale. En 2007, l’ensemble des ventes réalisées en Asie par Sotheby’s rapportaient $401M, un chiffre qui se rapprochait du montant obtenu sur la même période en Europe continentale ($484M pour les places de Paris et Genève). Les ventes « thématiques » organisées par les grand auctioneers au niveau international connaissent également un franc succès. Les ventes « asiatiques » ont par exemple généré un chiffre d’affaires de $106M à New York en septembre 2007 et de $290M à Londres en octobre 2007 pour Sotheby’s et Christie’s. Mais là encore, la composante « demande nationale » reste forte compte tenu de l’importance jouée par la diaspora en la matière. A cet égard, dans son livre Art Business (2), Judith Benhamou-Huet cite le journaliste américain spécialisé d’Art&Auction, Judd Tully, qui soulignait le fait que la galerie indienne ArtsIndia, installée à New-York, avait ouvert une succursale à Palo Alto dans la Silicon Valley où la présence d’un nombre significatif d’ingénieurs indiens constituait un facteur important de demande. Cette percée à la fois forte et très rapide a mené la rentabilité d’artistes locaux à des niveaux record. Selon Artprice, les artistes chinois auraient progressé de 1 050% en dix ans, soit une rentabilité annuelle de 25%. Par exemple, si des œuvres de Zhang Xiaogang se négociaient à $5 000 en 2000, il fallait débourser en moyenne $5M à la fin de l’année 2008. Autre exemple, la star du marché indien, Suboh Gupta, né en 1964, apparaissait au rang n°93 de la liste d’artistes publiée par Artprice en 2007 alors même qu’une des ses œuvres est apparue pour la première fois aux enchères seulement en 2005. Dans un article du mois d’avril 2008, Artprice titrait : « L’art contemporain indien : un marché explosif ». Dans ce dernier, l’auteur soulignait en particulier que « en janvier 2008, le secteur affichait un indice des prix en hausse de 830% sur la décennie. »   Les nouveaux riches des pays émergents sont également désireux d’acheter de l’art « occidental ». Une étude réalisée à la demande de la Tefaf (The European Fine Art Fair), la foire d’art et d’antiquité de Maastricht, a en effet souligné le fait que « la fin de l’année 2005 et l’année 2006 se sont avérées particulièrement prospères avec l’arrivée de collectionneurs chinois, russes et indiens. » Par exemple, en novembre 2006, le milliardaire hongkongais, Joseph Lau, a fait l’acquisition d’un portrait de Mao peint en 1972 par Andy Warhol pour $17,3M, un record pour le roi du pop art à ce moment là. Les réseaux de ventes des grandes Majors restent cependant encore très concentrés d’un point de vue géographique. En effet, en 2007, 83% des ventes de Sotheby’s ont été réalisées dans ses salles de New York et de Londres. En outre, la forte demande locale en art a également encouragé l’essor de puissants acteurs locaux comme les maisons China Guardian et Poly International pour la Chine. Olivier Fau résume cette évolution en mettant en soulignant le fait que au travers de l’histoire de l’art, il y a toujours eu une corrélation forte entre d’un côté la géographie de la finance, et de l’autre, la géographie de la demande en art et de la création artistique. La France : des parts de marché qui s’érodent La France, riche de son histoire et de son passé artistique, vit sur un stock d’œuvres d’art important certes, mais qui s’amenuise par manque de renouvellement. C’est en ce sens que l’on peut dire que le marché français a profité du fort essor de la demande mondiale. C’est d’ailleurs ce qu’illustre la Figure 6 ci-dessous : alors que les ventes aux enchères ont progressé de 13% entre 2006 et 2007 sur le territoire national, elles ont augmenté de 33% sur le plan international. Les parts de marché de la France continuent donc de s’effriter. Tableau 2 : CVV, Rapport 2007, la Documentation Française, Paris, 2008 Selon le Conseil des Ventes Volontaires (CVV), les ventes aux enchères 2007 de biens culturels en France se sont élevées à un peu moins de $2Mds (soit €1,44Md), dont $418M (soit €305M) pour les seules ventes France de Christie’s et Sotheby's.  A ces revenus liés aux ventes aux enchères, il faut ajouter les opérations de gré à gré. L’exercice est plus délicat dans la mesure où il n’existe aucune représentation statistique des opérateurs pouvant faire commerce des biens culturels. Dans son livre, Le marché de l’art, Jean-Marie Schmitt explique que la règle généralement admise consiste à raisonner par extrapolation en appliquant le ratio 40/60 pour les ventes publiques aux enchères et les transactions de gré à gré. On obtiendrait ainsi le nombre de €2,3Mds pour les ventes de gré à gré de l’année 2007. Ainsi, le chiffre d'affaires total du marché « intérieur » de l'art en France aurait été de l’ordre de €4Mds en 2007. Cette estimation du marché de l’art français apparaît relativement modeste au regard de la place dominante qu’a occupé la France pendant toute la première moitié du XXe siècle. En effet, alors qu’en 1950 le chiffre d'affaires des ventes aux enchères sur le marché national était supérieur aux ventes cumulées de Christie’s et Sotheby's, il ne représentait que 18% des ventes des deux grandes maisons en 2007. Une autre façon de mettre en perspective ces grandeurs consiste à prendre en considération les ventes réalisées par les commissaires-priseurs Maurice Rheims et Etienne Ader de la galerie Charpentier dans les années 1950 : ces derniers réalisaient à eux seuls un chiffre d’affaires équivalent à celui de Christie’s et Sotheby’s réunis.  Les raisons du déclin de la position française sont diverses. On peut cependant en citer deux : d’une part, la position de monopole des commissaires-priseurs qui n’a été remis en cause que par la réforme de 2000 et, d’autre part, le fait que la France ne soit plus un espace de création artistique dominant. Le signe le plus révélateur de cette évolution a été l’attribution du grand prix de la Biennale de Venise en 1964 à Robert Rauschenberg, artiste emblématique du Pop Art américain, soutenu par le galeriste new-yorkais Leo Castelli.  Dans une interview donnée au journal Les Echos, Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby’s France, analysait la position du marché français de la façon suivante : « Les objets très chers, supérieurs à €10M par tradition depuis trente ans sont cédés à Londres ou à NY. […] Lorsqu'on regarde les chiffres, il y a très peu d'objets offerts à Paris dont la valeur adjugée est supérieure à €1M. Le marché français est parfaitement compétitif sur les objets d'une valeur plus faible. Le début de la reconquête doit se faire sur la partie intermédiaire: les objets d'une valeur inférieure à €5M. » Les acteurs du marché de l’art Avant de soulever toutes problématiques propres à la valorisation et au pricing d’un objet d’art, il est au préalable nécessaire d’analyser, d’une part, l’identité et le rôle des différents acteurs de ce marché et, d’autre part, les interactions qui existent entre ces derniers. Les maisons de ventes (auctioneers) Les maisons de ventes sont devenues des acteurs indispensables à l’animation du marché de l’art. Elles n’assurent cependant pas de fonction d’intermédiation à proprement parler. Leur rôle principal consiste, en effet, en la gestion du flux d’œuvres d’art entre, d’un côté l’offre et de l’autre, la demande. Il existe cependant une différence significative entre les maisons d’origine anglo-saxonnes et celles émanant de l’histoire et de la tradition française. A des fins d’analyse, nous considérerons Christie’s et Phillips de Pury comme appartenant à la première catégorie, même si ces dernière ont fait l’objet d’acquisitions par des investisseurs français. Les maisons de ventes françaises : le poids du passé L’ordonnance éditée par Henri II en 1556, confirmée par celle du 2 novembre 1945, octroyait aux commissaires-priseurs français un monopole sur les ventes. La profession était alors régie suivant tout un ensemble de règles rigides que ce soit en termes d’organisation (regroupement en compagnies régionales avec principe de solidarité financière entre commissaires-priseurs), d’exercice ou de rémunération (les tarifs étaient fixés par décret ministériel, conduisant à une rente de situation qui favorisait l’immobilisme). Les maisons de ventes ne pouvaient avoir recours à des capitaux extérieurs pour se financer et le marché français était profondément atomisé (328 offices en 1997 dont 70 à Paris). Dans ce contexte, les maisons françaises étaient mal armées pour faire face à l’ouverture du marché (surtout à partir du début des années 1990 marquées par l’avènement du Marché Commun) et à l’intensification de la concurrence qui en a découlé. La loi de juillet 2000 et son décret d’application de juillet 2001 ont profondément changé la donne en instituant une libéralisation des ventes aux enchères. La loi a introduit une distinction entre les ventes volontaires, effectuées par des sociétés de ventes volontaires (SVV) et les ventes judiciaires. Nous n’insisterons pas sur ces dernières dans la mesure où les commissaires-priseurs conservent la quasi-totalité de leurs privilèges. A l’inverse, les changements sont significatifs en ce qui concerne les SVV. Tout d’abord, pour pouvoir exercer, les SVV doivent obtenir au préalable l’agrément du Conseil des Ventes Volontaires, le CVV. Cette institution, créée en 2000, est l’équivalent de l’AMF pour les marchés financiers. Le Conseil comprend onze membres qui sont nommés pour quatre ans par le garde des sceaux. Ensuite, en tant que sociétés commerciales, les SVV ont désormais accès à tout un ensemble de pratiques (publicité, appel public à l’épargne etc.) et d’instruments (garanties et avances) qui leur étaient jusque là interdits. La seule grande restriction qui reste en application concerne les opérations de rachat pour la revente. Enfin, sur le plan tarifaire, les SVV se sont arrimées sur les pratiques des maisons anglo-saxonnes, notamment en ce qui concerne les « frais acheteurs ». Ces derniers sont ainsi passés de 9% en moyenne à 15 voire 20% aujourd’hui. Mais les maisons de ventes, et le marché français d’une façon générale, restent encore largement tributaires de leur passé. Tout d’abord, le marché reste profondément atomisé. On comptait en effet 381 SVV en 2007, dont 81 pour la seule ville de Paris. Cette atomisation est d’autant plus importante qu’en 2007, Sotheby’s et Christie’s ont, à elles seules, réalisé 21% du total des ventes nationales. Ensuite, l’ouverture du marché français reste modeste. En effet, seules Christie’s et Sotheby’s ont pu exercer en France pendant les six années suivant la réforme entrée en application en 2001. Bonhams, troisième opérateur mondial, n’a pu faire son entrée sur le marché français qu’en 2007. En outre, selon le rapport 2007 du CVV sur 559 personnes habilitées à conduire les ventes, 77% étaient commissaires-priseurs avant la réforme. Outre Christie’s que nous présenterons dans le paragraphe suivant, les principales maisons françaises d’envergure internationales sont Artcurial et l’espace de ventes, unique au monde, que présente la plateforme de l’Hôtel Drouot. Artcuarial Fondée en 2001, Artcuarial était en 2007 la première SVV française avec €86M de chiffre d’affaires « art » (sans prise en compte des ventes aux enchères de chevaux), derrière Christie’s et Sotheby’s. La maison est le produit de l’union des anciennes études « Poulain-Le-Fur », Francis Briest, Francois Tajan (fils) et Jacques Tajan (père). Le regroupement de ces anciens commissaires s’est appuyé sur le groupe Dassault (la société est d’ailleurs installée dans l’Hôtel Marcel Dassault depuis 2002) et le magnat de l’immobilier monégasque, Michel Pastor. Artcurial s’est également dotée d’un mentor financier gestionnaire, Nicolas Orlowski. L’Hôtel Drouot Inauguré en 1852, l’Hôtel Drouot est une des plus anciennes institutions de ventes aux enchères du monde. Avec €500M de produits d’adjudication, la société constitue aujourd’hui une plateforme de ventes unique au monde regroupant des professionnels indépendants. Derrière l’appellation Drouot se trouvent en fait deux entités : Drouot Patrimoine, détenue par 110 commissaires-priseurs, qui chapeaute Drouot Holding. Cette dernière assure la gestion de Richelieu Drouot et des salles attenantes (Drouot Montaigne, Drouot Nord et Drouot Véhicules). Les deux entreprises ont comme président Georges Delettrez. La fin du monopole des commissaires-priseurs entrée en application le 1er janvier 2002 a fait voler en éclats la Compagnie des commissaires-priseurs qui avait régi la maison jusqu’alors. Un certain nombre de commissaires ont ainsi fait le choix de se retirer. Les 94 commissaires parisiens restants se sont regroupés et ont racheté les parts de leurs anciens collègues via un montage LBO orchestré par la BNP, pour €52M. Les maisons de ventes d’origine anglo-saxonne Les deux grandes Majors d’origine anglo-saxonne, Sotheby’s et Christie’s, se distinguent de leurs concurrents français sur deux principaux points. D’une part, elles ont très vite étendu leur réseau et leur champ d’action au niveau international. D’autre part, leurs activités ne se limitent pas à l’expertise et à la vente. Elles ont en effet développé tout un ensemble de services associés : la publication, la gestion patrimoniale, les opérations financières, etc. Ces maisons sont capables en interne de fournir une véritable expertise et d’effectuer des recherches historiques afin d’établir le pedigree des objets qui leur sont présentés. Sotheby’s et Christie’s ont une taille et un business model très similaires. Au niveau des ventes, non seulement leurs vacations sont organisées de façon quasi simultanée, mais les montants des ventes enregistrés sont historiquement comparables. Les deux maisons ont d’ailleurs une part de marché équivalente de l’ordre de 40% chacune.  Finalement, les deux grandes Majors se distinguent principalement par leur orientation stratégique. Sotheby’s a en effet décidé de se concentrer exclusivement sur le haut de gamme (ventes d’objets dont la valeur de vente estimée est supérieure à $5 000). Ce choix stratégique a eu comme conséquence directe de réduire de plus de 40% le nombre de lots mis aux enchères par la maison entre 2006 et 2007. En outre, le prix moyen des objets vendus était de 20 000 euros pour Christie’s et de 32 000 euros pour Sotheby’s en 2007. Sotheby’s Créée en 1733 par Samuel Baker, Sotheby’s est la plus ancienne des deux maisons. La principale particularité de son histoire est qu’elle fut longtemps spécialisée dans les ventes aux enchères de livres. A la mort de Baker en 1778, l’affaire fut confiée à George Leigh et au neveu de Baker, John Sotheby. En 1917, la société s’installe à New Bon Street, une rue de Londres qu’elle n’a plus quittée depuis. A partir de cette date, s’ouvre la période prospère des années 20 au cours de laquelle les ventes aux enchères de peintures et d’œuvres d’art prennent une place croissante dans son activité. C’est en effet une époque qui marque la fin de la grande aristocratie britannique, obligée de se séparer de maisons de campagne et de leurs collections d’œuvres d’art. Dans les années 1950, Peter Wilson devient le principal dirigeant. Ce dernier a été le tout premier à véritablement comprendre et anticiper le mouvement d’internationalisation croissant que connaîtrait le marché de l’art. Ainsi, Sotheby’s ouvre un bureau à New York dès 1955 et rachète en 1964 Parke-Bernet, alors la première maison américaine de ventes aux enchères. Fort de son succès aux Etats-Unis, Sotheby’s multiplie les implantations de bureaux à l’international à la fin des années 60. Introduite pour la première fois en bourse en 1977, l’institution britannique ne sera cotée que pendant une période relativement courte. La maison est effectivement acquise par le magnat de l’immobilier, Alfred Taubman en 1983. La société sera remise sur le marché secondaire en 1988. Christie’s Plus récente que Sotheby’s, l’histoire de Christie’s reste néanmoins très ancienne elle aussi puisque la maison a été fondée en 1766 par James Christie. Contrairement à Sotheby’s, l’essentiel de son activité reposait dès l’origine sur la vente de tableaux et d’objets d’art. En 1823, la société s’installe à King Street où elle siège encore aujourd’hui. Après avoir ouvert son premier bureau à l’étranger, dans la ville de Rome, en 1958, il faudra encore attendre dix ans avant que la maison n’ouvre une toute première salle de ventes en dehors du Royaume Uni, à Genève. Christie’s s’implante à New York en 1977 soit plus de 20 ans après son grand rival, Sotheby’s. A la fin des années 80, Christie’s enregistra un record longtemps inégalé lors de la vente du Portrait du docteur Gachet de van Gogh pour 82,5 millions de dollars. La maison de ventes britannique a été acquise par l’homme d’affaires français François Pinault en 1999.   Depuis 2006, Christie’s et Sotheby’s ont multiplié les opérations de croissance externe afin de renforcer leur positionnement sur les ventes privées. Au mois de juin 2006, Robert Noortman, un des plus grands marchands de tableaux anciens au monde et un des fondateurs de la Foire de Maastricht, annonçait la vente de sa société à Sotheby’s. Quelques jours plus tôt, Christie’s dévoilait le rachat de Haunch of Venison, une galerie anglaise spécialiste de l’art contemporain. Peu à peu les auctioneers sortent de leur domaine de compétences historiques. Cette évolution paraît assez naturelle dans la mesure où ce sont les transactions privées qui sont le plus génératrices de revenus, les frais d’organisation étant bien moindres. En outre, certains clients apprécient à la fois la discrétion et la plus grande souplesse de transaction et de calendrier. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que les ventes record aient été réalisées via des transactions privées. Ce fut notamment le cas du Portrait d’Adèle Bauer I adjugé à $135M en juin 2006, ou de la toile N°5 de Pollock vendue à $140M en novembre 2006 et de Woman III de Willem de Kooning pour $137,5M en novembre 2006. Une autre évolution récente du métier de ces maisons concerne la possession de tableaux en propre. Sotheby’s a par exemple acheté à Saatchi des tableaux de Peter Doig en 2006 pour les revendre quelques mois plus tard. Ce faisant, la maison supporte un risque opérationnel fort. Il est certain que cette pratique ne peut être envisagée qu’en phase haussière de cycle. En 2009, il y a fort à parier que les auctioneers fassent moins de paris en ce sens. En outre, cette pratique pose véritablement un problème de conflit d’intérêts, la maison se retrouvant dans une position où elle est à la fois juge et partie. Cette confusion des rôles est d’autant plus ambiguë que ces grandes institutions de ventes ont des moyens de marketing et de communication considérables. La véritable force de ces dernières réside dans leur capacité et leur savoir-faire en terme d’évènementiel. La force de leur marque et de leur réseau, la qualité de leur personnel et leurs moyens financiers leur confèrent la possibilité d’organiser de « mini évènements historiques » autour des ventes. Nous verrons par la suite que cette politique « d’historicisation » peut avoir un impact considérable sur la valeur des œuvres et ce notamment en ce qui concerne l’art contemporain. Phillips de Pury & Company Harry de Phillips, ancien assistant de James Christies, crée sa maison de ventes en 1796. Parmi ses clients les plus prestigieux, on comptait Marie-Antoinette ou encore Napoléon Bonaparte. La maison fut rachetée en 1999 par Bernard Arnault. L’idée de l’homme d’affaires français était alors de faire émerger un nouvel acteur dominant en fusionnant l’entité acquise à la maison de ventes Tajan en association avec le courtier de Pury. Mais ce projet échoue. Arnault vend alors Tajan à la femme d’affaires Rodica Sedward puis de Phillip’s à la maison de ventes Bonhams. Cette dernière avait d’ailleurs racheté en 2001 les opérations britanniques de Phillips. Le 6 octobre 2008, Phillips de Pury & Company est racheté par l’entité russe Mercury Group pour environ $60M. L’artiste La place de l’artiste sur le marché de l’art a connu une profonde transformation au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est en effet à cette époque que l’artiste s’est peu à peu émancipé afin de revendiquer sa propre existence, en-dehors des grandes institutions qui régulaient le marché et déterminaient la valeur d’un objet d’art. Un certain nombre d’évènements vont alors se créer autour de cette revendication : le « Salon des refusés » en 1863, la toute première exposition des Impressionnistes dans l’atelier de Nadar à Paris en 1874 et le Salon des indépendants en 1884. Cette révolution va avoir comme conséquence directe l’augmentation du nombre d’artistes. Dans La vie de l’artiste au XIXe siècle, Anne Martin-Fugier souligne cette évolution : si en 1800 nous comptions 250 artistes, ils seront 700 en 1850, 4000 en 1914 et 30 379 au 31 décembre 2007. Certains analystes ont relevé le fait que cette inflation numérique pourrait entamer une baisse de la qualité intrinsèque des œuvres. A cette crainte, Samuel Keller, directeur de la fondation Beyeler et ancien responsable de la Foire de Bâle répond en affirmant que « Auparavant, sur les 1 000 artistes dans le monde, il n’y avait peut être que 10 de bons. Aujourd’hui, il doit y en avoir 10 000, dont 100 de bons… » D’une certaine façon, on peut souligner le fait que l’émancipation des artistes face aux institutions régissant le marché de l’art continue encore aujourd’hui. L’artiste britannique Damien Hirst a par exemple organisé directement une vente aux enchères avec Sotheby’s les 15 et 16 septembre 2008 en passant outre son réseau traditionnel de galeristes. Si certains artistes n’hésitent pas à revendiquer ouvertement leur vocation et leur ambition de vendre un maximum d’œuvres au plus offrant, à l’instar de Andy Warhol, Jeff Koons ou encore Damien Hirst, la grande majorité des artistes entretient une relation ambiguë avec le marché. C’est d’ailleurs ce que souligne Xavier Greffe dans Artistes et marchés : « Là où le marché devrait servir de levier de promotion, il est souvent vécu comme une fatalité. » La plupart d’entres eux vont donc déléguer à un ou plusieurs galeristes le soin de gérer cette relation avec le marché. Les galeries et marchands d’art Si les galeries d’art ont pris véritablement de l’importance à l’issue de la seconde guerre mondiale, leur rôle et leur poids sur le marché n’ont cessé de progresser avec l’avènement de l’art contemporain. Fin 2005, la France comptait en effet 758 galeries, avec un chiffre d’affaires supérieur à 76 000 euros, parmi lesquelles 58% étaient consacrées à l’art contemporain, selon le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA).  Dans notre entretien avec le galeriste parisien Roy Sfeir, ce dernier nous a décrit son rôle de la façon suivante : « Le galeriste est avant tout un intermédiaire entre les artistes d’un côté et les acheteurs de l’autre. Son rôle consiste donc à aller à la découverte et à la rencontre d’artistes. Une fois le contacte nouer, le galeriste va accompagner et conseiller l’artiste dans son travail. Il va lui permettre de prendre du recul à la fois par rapport à son travail mais également par rapport aux attentes du marché. Enfin, le galeriste prend en charge la « commercialisation » de l’artiste. Cette dernière passe avant tout par un effort de communication et de pédagogie via l’organisation d’expositions et la publication d’articles dans l’une des cinq ou six grandes revues d’art de Paris. » Il existe deux grands modes de relation « professionnelle » entre le galeriste et l’artiste. La première consiste pour le galeriste à verser un salaire à des artistes en échange de quoi ces derniers s’engagent à fournir un certain nombre d’œuvres. C’est en particulier ce qu’entreprit le poète et marchand « en chambre » d’origine polonais Léopold Zborowski avec Amadeo Modigliani (1884-1920) : il lui proposa un salaire de 500Frs par mois en échange de cinq tableaux. La seconde consiste à mettre en place un système de dépôt-vente au travers duquel une commission est prélevée lorsqu’une vente intervient. Selon Roy Sfeir, le système de dépôt-vente serait largement plus répandu. Le montant de la commission fait l’objet d’une négociation directe avec l’artiste. L’intérêt du galeriste consiste donc à se constituer un « stock d’artistes » dont la valeur de marché va croître au fur et à mesure de leur exposition médiatique. A cet effet, le galeriste dispose d’un certain nombre de moyens marketing, comme le vernissage, la participation à des foires et la présentation à des magazines d’art. Ces derniers permettent de diffuser de l’information qui, au cours du temps, doit contribuer à cristalliser la notoriété de l’artiste. Une fois établie, la reconnaissance dont bénéficie l’artiste permet au galeriste d’amortir les investissements de promotion engagés. C’est en ce sens que, selon Moureau et Sagot-Duvauroux, le métier de galeriste glisserait petit à petit vers un métier de producteur. La méthode de travail est en effet de plus en plus fondée sur la collaboration. A ce propos, Roy Sfeir ne nous a pas caché que le galeriste cherchait clairement à avoir une influence sur le travail de création de l’artiste qu’il soutient.  Pour le marché, le nom d’une galerie est souvent associé à un label, garant d’une certaine forme de goût et de qualité. Gargosian est très certainement la « marque » la plus connue sur le plan international. Il est intéressant de noter que chaque grande ville a en quelque sorte sa marque leader qui lui est associée à l’instar de Hauser&Wirth à Londres ou de Emmanuel Perrotin à Paris. Pour prendre un exemple concret de « promotion réussie » d’un artiste, Roy Sfeir nous a décrit sa rencontre et sa relation avec le peintre François Bard. Ce dernier, né en 1959 et diplômé des Beaux-Arts en 1980, a rencontré monsieur Sfeir il y a douze ans (en 1997), par hasard, lors d’une exposition en banlieue parisienne. Peintre d’abord très abstrait, Bard va peu à peu se tourner vers l’action painting. Les thèmes qu’il aborde sont concrets, mais selon Roy Sfeir, « il instaure un véritable corps à corps avec la peinture ». Peu connu à la fin des années 1990, François Bard a vendu 2 toiles aux enchères pour €9 000 et €10 000 : Bulldog (2004) au Royaume-Uni en octobre 2008 et Garde (2002) en France en juin 2008. Figure 12 : Bulldog (2004), François BardFigure 11 : Garde (2002), François Bard3967480119380443230157480De leur côté, les marchands d’art sont des vendeurs spécialisés qui proposent des objets répondant à des critères stricts de qualité. En ce sens, ils se distinguent des brocanteurs et des antiquaires. La fonction de marchand-expert se développe de plus en plus. Ce dernier, en plus d’agir en qualité d’intermédiaire commercial, a la capacité de mener de véritables investigations sur les œuvres afin de certifier leur authenticité. Cette tendance est d’autant plus marquée que la fonction d’expert n’a pas de statut juridique propre. Le point commun entre galeristes et marchands d’art est qu’ils réalisent quasi exclusivement des transactions de gré à gré. Ils ne peuvent cependant se désintéresser des ventes publiques. En effet, le marché des enchères constitue une source d’approvisionnement importante. En outre, dans le cas où un artiste promu et soutenu par un galeriste ou un marchand ferait l’objet d’une transaction publique, ce dernier pourrait être tenté d’intervenir directement pour soutenir sa cote dans la mesure où elle pourrait ensuite servir de benchmark financier aux autres œuvres de l’artiste. Dans un article de Art Newspaper, intitulé « Incestuous business », Melanie Gerlis s’inquiétait du « nombre croissant de galeries achetant aux enchères des œuvres de leurs propres artistes ». Quelques grands galeristes étaient cités comme Larry Gagosian. « S’il n’est pas nouveau que des galeries achètent aux enchères des œuvres de leurs propres artistes […] cette pratique a semblé dominer l’activité des salles de ventes durant la dernière saison ». Pour conclure, elle ajoute que : « Avec autant d’enchères et d’achats de leurs propres artistes, la demande réelle pour l’art contemporain reste une donnée inconnue. » Les collectionneurs Au cours de l’histoire, les grands collectionneurs ont avant tout assuré un rôle de soutien à la création artistique. Ce fut par exemple le cas du Docteur Gachet qui fut certes le médecin d’un grand nombre d’impressionnistes, dont Paul Cézanne (1839-1906) et Vincent van Gogh (1853-1890), mais avant tout, le premier de leur collectionneur. Aujourd’hui, si certains grands collectionneurs continuent à soutenir la production d’artistes, ils constituent avant tout de puissants animateurs de marché. Sotheby’s met en particulier en avant quatre grands motifs susceptibles de pousser les collectionneurs à se séparer de leurs biens. Il s’agit de la règle des « 4D’s » : Death, Divorce, Debt et Discretion (changement de goût ou présence d’une opportunité sur le marché). La vente de la collection Bergé-Yves Saint Laurent, au mois de février 2009 à Paris, s’inscrivait dans cette règle des « 4D’s ». A l’occasion de cette dernière, Pierre Bergé déclarait « It’s the funeral of my collection. Everyone would like to attend their own funeral, but it’s impossible. This is the closest thing. » La décision de vendre, de la part d’un collectionneur, va avoir un impact direct sur le marché d’un point de vue quantitatif (mise sur le marché d’objets d’art), l’influence d’une décision d’achat va avoir une influence plus qualitative en impactant la formation des goûts, l’orientation des modes et voire même la « légitimation » des créations artistiques dans l’art contemporain. A cet égard, on peut citer l’exemple de l’ancien publicitaire Charles Saatchi qui a investi sur de jeunes artistes au début des années 1980 (comme Damien Hirst) assurant par la suite leur promotion. A partir de 1995, les artistes qui se distinguent lors du Tuner Price, organisé par la Tate Gallery, font parti du groupe des « Young British Artists » (nom d’une exposition organisée en 1992 et consacrée à la nouvelle mouvance), lancé par Saatchi. Finalement, on peut aller jusqu’à dire que tout artiste ou toute œuvre qui porte aujourd’hui la signature Saatchi est vendable sur le marché. De la même façon, le nom de François Pinault est également fortement associé à l’art. La stratégie adoptée par ce dernier est certes moins agressive mais depuis le dévoilement de sa collection d’art contemporain, longtemps gardée secrète, et l’ouverture du Palais Grassi à Venise, l’influence de l’homme d’affaires et collectionneur français est considérable. En 2007, le Wall Street Journal l’a d’ailleurs élu comme l’homme le plus influent du marché de l’art. Si le nom de grandes familles industrielles reste, aujourd’hui encore, associé au marché de l’art, à l’instar de Ronald Lauder, cohéritier de l’empire cosmétique qui porte le nom de sa mère, Estée Lauder, la percée de richissimes financiers constitue un phénomène relativement récent. La figure la plus emblématique de ce mouvement est la star américaine des hedge funds, Steve Cohen, président de SAC Capital Advisors et baptisé par Business Week le « trader le plus puissant de Wall Street ». Homme discret, la plupart de ses transactions ont été réalisées au cours de ventes privées. Dans la lignée de Cohen, toute une foule de gestionnaires de fonds s’est lancée dans l’achat d’art, comme David Ganek. Les intermédiaires Les courtiers L’activité de courtage est la moins connue du marché de l’art. Il est d’ailleurs difficile d’obtenir des informations concernant sa pratique. En effet, il s’agit d’un métier dont la caractéristique principale est la confidentialité. Le courtier travaille pour le compte de clients privés. Il est alors « mandaté » d’une mission qui peut aller de la collecte à la diffusion d’informations en passant par la sélection d’œuvres. La qualité de sa prestation est avant tout liée à la qualité et à la profondeur de son réseau. Le critique d’art Le critique d’art a comme rôle d’orienter et d’aiguiller le goût du public. Son influence a augmenté de façon considérable suite à la fin du carcan académiste au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Avec l’émergence de l’art moderne puis de l’art contemporain, le critique doit endosser le rôle de « découvreur » de nouveaux talents, de nouvelles tendances et doit faire œuvre de pédagogie pour aider le public à décrypter l’œuvre. L’organisation en réseau du marché de l’art contemporain a conduit à une professionnalisation du métier de critique. Ce dernier a en effet pris une place centrale : l’Histoire n’ayant pas encore effectué son « tri » naturel, le marché va en quelque sorte lui léguer le pouvoir d’apposer le sceau de la qualité sur les œuvres créées. Ce qui est surprenant lorsque l’on regarde l’histoire du marché de l’art est de constater à quel point les critiques d’art ont pu faire preuve de cécité quant à l’émergence de nouveaux courants artistiques. Par exemple, peu après la toute première exposition des Impressionnistes dans l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris (15 avril 1874), le critique d’art du Figaro, Albert Wolf écrivait qu’il s’agissait d’un « travail comparable à celui d’un chat se promenant sur le clavier d’un piano ou d’un singe qui se serait emparé d’une boîte de couleur. » Il en sera de même pour Amadeo Modigliani (1884-1920) dont la toute première exposition à Paris en décembre 1917 fera scandale : le peintre a en effet bravé les tabous de l’époque en exposant « un nu ». Enfin, Marcel Duchamp (1887-1968) connaîtra également un accueil plus que mitigé pour ses œuvres « ready made », alors même que ces dernières influenceront grandement Andy Warhol quelques années plus tard. Nous verrons un peu plus loin qu’en termes de stratégie d’investissement, nous pourrons tirer une conclusion à partir de ces enseignements. L’expert La fonction d’expertise n’ayant pas d’existence juridique propre, l’expert est avant tout un professionnel du savoir. Il est sollicité pour valider la valeur économique d’un objet que ce soit dans le cadre d’instances judiciaires ou administratives. La plupart des personnes se revendiquant comme experts exerce en parallèle une autre activité (marchand, négociant, commissaire-priseur). Cette double fonction est à la fois l’expression d’une nécessité professionnelle (compléter son savoir par la pratique) et d’une obligation économique. Effectivement, dans la grande majorité des cas, les revenus de l’expertise sont insuffisants pour assurer le fonctionnement d’un cabinet spécialisé. Cette situation pose cependant un risque de conflit d’intérêts. Il y a en effet une certaine forme de contradiction entre d’un côté la fonction d’expertise, indispensable au bon fonctionnement du marché (accès à l’information, confiance…) et de l’autre un vide juridique complet en ce qui concerne l’encadrement de l’exercice de cette profession. Pour conclure ce paragraphe dédié aux intermédiaires sur le marché de l’art, on peut relever un propos tenu par Alain Quemin et Raymonde Moulin dans un article consacré à la certification de la valeur de l’art. Dans ce dernier, ils affirment que, en ce qui concerne l’art contemporain,  l’expert n’a pas à résoudre des « problèmes d’attribution », mais plutôt de validation, c’est-à-dire d’admission des œuvres considérées dans le champ clos des valeurs artistiques. L’Etat Les rapports entre l'Etat et l'art sont enracinés dans l'Histoire. En effet, le roi affiche sa vocation de collectionneur dès la fin du XVIe siècle. D’une certaine façon, en sa personne, il se porte garant de la préservation et de la sauvegarde des biens culturels nationaux. La Révolution Française et l’apparition des premiers musées (création du Louvres en 1793, par exemple) qui s’ensuit va, d’une certaine façon, poursuivre cette tradition royale : les œuvres entrées dans les musées y sont de façon durable. Avec l’avènement de la République, l’accès aux œuvres va devenir un véritable enjeu. Cette volonté de « démocratiser » l’art sera d’ailleurs institutionnalisée avec la création du Ministère de la Culture par le Générale de Gaulle qui en confie la responsabilité à André Malraux. Le décret du 26 juillet 1959 stipule que ce ministère doit « rendre la culture accessible à tous et favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit. » En ce qui concerne les ventes d’objets d’art, l’Etat peut soit prendre part de façon tout à fait classique au processus d’enchères soit exercer son droit de préemption (loi de finance du 31 décembre 1921). Ce droit donne à l’Etat la faculté légale de se substituer au dernier renchérisseur au prix d’adjudication. L’agent, chargé de représenter l’administration, devra alors prononcer, à haute voix, la formule rituelle consacrée : « Sous réserve de l’exercice du droit de préemption de l’Etat. » La validité de la préemption est ensuite soumise à confirmation dans un délai de quinze jours. D’une façon générale, ni les commissaires-priseurs ni les acheteurs n’apprécient l’exercice de ce droit. En effet, outre le risque de décourager, voire de frustrer, certains acheteurs (notamment lorsque ces derniers sont étrangers et ont effectué le déplacement spécialement), l’anticipation du recours à préemption peut aussi fausser le jeu des enchères. Au cours de la vente Bergé-Yves Saint-Laurent ($484M de revenus), l’Etat a exercé son droit de préemption à plusieurs reprises, notamment pour des peintures d’Edouard Vuillard. A l’issue des trois jours de ventes, Alfred Pacquement, directeur du Centre Pompidou déclarait : “We would have liked to acquire many of the works in the sale, but we had to make a choice. De Chirico is an important artist not well presented in our collection. “Il Ritornante” is a painting with a magical atmosphere; it used to belong to Jacques Doucet who also awned Picasso’s “Demoiselles D’Avignon”, which we lost to MoMa.” Au total, le Gouvernement français a déboursé $12,8M. Par ailleurs, Pierre Bergé a fait don au Louvre du Portrait de Don Luis Maria de Cistué de Goya (1791) et, au Musée d’Orsay, d’une tapisserie de Sir Edward Coley Burne-Jones. Outre son rôle d’acheteur, l’Etat agit également en tant que régulateur et « promoteur » du marché de l’art national. Depuis le début des années 1980, les pouvoirs publics interviennent via trois grands leviers d’action :  Le premier consiste en la création de fonds consacrés à l’acquisition d’œuvres, notamment le Fonds national d'art contemporain (FNAC) en 1981 et les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et d'acquisition des musées (FRAM) en 1982. En outre, l’année 2008 a été marquée par le lancement de fonds de dotation visant à renforcer le capital disponible des grands musées nationaux pour l’achat d’objets d’art. Le deuxième levier vise à soutenir les collectionneurs privés : les lois de 1987 et 1990 ont reconnu de façon officielle le mécénat et rehaussé les avantages fiscaux qui y sont associés. Ce dispositif législatif a été renforcé plus récemment par la loi du 1er août 2003 qui, en doublant les déductions fiscales consenties aux donateurs, fait de la France le pays le plus attractif d’Europe dans ce domaine. Le 31 décembre 1968 a été instituée la dation en paiement sous l’impulsion d’André Malraux. Cette mesure de paiement de l’impôt par les œuvres d’art a permis en 40 ans de faire entrer plus de 10 000 œuvres au patrimoine national pour une valeur de €809M.  Nous pouvons citer quelques toiles comme  L’origine du monde de Gustave Courbet ou encore Jeune femme au chapeau rouge de Picasso. Figure 13 : Matisse, La Danse (1909-1910), devenu patrimoine national par dation Les œuvres proposées en dation doivent être de haute valeur artistique, chose qui est évaluée par une commission étatique spécifique. Initialement prévue pour aider les héritiers à s’acquitter des droits de succession, la dation a été étendue aux cas de donation-partage, de donation entre vifs ou d’acquittement de l’ISF. Enfin, le troisième et dernier principal levier consiste à agir pour améliorer de la compétitivité du marché français (réforme de 2000 visant à une libéralisation de l’exercice de la fonction de commissaire-priseur). Dans ce domaine, d’autres modifications réglementaires sont envisagées afin de réduire les coûts de transaction comme la réduction, voire la suppression, du droit de suite et du régime de TVA applicable aux œuvres d'art lorsque ces dernières sont importées à partir d’un pays tiers à l'UE. Le mécénat et les fondations d’entreprise La loi du 1er août 2003 a largement contribué à étendre la pratique du mécénat. Le levier fiscal reste la principale motivation pour les opérateurs privés. En effet, pour les particuliers, la déduction peut atteindre jusqu’à 66% du don de l'impôt sur le revenu dans la limite de 20% du revenu imposable. Les entreprises peuvent bénéficier d’une déduction de 60% du don effectué en numéraire, en nature ou sous forme d'heures de travail, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires hors taxe. Pour autant, en ce qui concerne les entreprises, même si le volet fiscal est significatif, d’autres considérations sont à prendre en compte comme l’image du dirigeant, au travers de ses goûts artistiques, ou encore, des préoccupations plus « opérationnelles » comme le marketing. A cet égard, Rolex a par exemple travaillé avec le peintre Matthias Weischer dans une opération de communication baptisée « Mentor et protégé » en 2004 et 2005. Une initiative allant encore plus loin a été expérimentée par le cabinet de conseil Eurogroup. Ce dernier a en effet invité le peintre Renaud Auguste-Dormeuil à s’installer dans ses locaux pendant quatre mois. L’artiste vivait et suivait les consultants dans leur travail et leur quotidien avec une totale liberté de mouvement. L’objectif d’Eurogroup était véritablement d’utiliser ce levier du mécénat à des fins managériales. Francis Rousseau, PDG du cabinet déclarait : « Cela n’a rien à voir avec du marketing. Certain de nos collaborateurs sont d’ailleurs contre cette initiative. Mais qu’importe, au moins il y a confrontation. Nous sommes dans un métier de relationnel. Le fait de pouvoir accepter d’être dérangé, c’est très positif pour des consultants qui vont eux-mêmes déranger leur client. » Le but de la présence de l’artiste était de déranger, d’interpeller et de questionner les consultants dans leur travail et dans leur relation à l’autre. Dans une publication des Cahiers Français dédiée aux politiques culturelles, Sabine Rozier met en avant les chiffres suivants pour rendre compte du succès rencontré par les actions de mécénat. Tout d’abord, selon le communiqué de presse de l'Observatoire de la Fondation de France du 17 mars 2006, les entreprises auraient créée cinq fois plus de fondations en 2005 qu'en 2003. Ensuite, selon la Fondation de France et Admical, le mécénat culturel allant directement dans les arts et la culture aurait pesé environ €1Md en 2008 soit plus du tiers du budget du ministère de la culture pour cette même année. Conclusion Le marché de l’art nous apparaît donc comme complexe. Cette complexité est essentiellement la résultante de données structurelles. Tout d’abord, le marché est animé par un nombre d’acteurs importants, qui entretiennent entre eux des relations à la fois denses et floues. Ensuite, ce sentiment de complexité est renforcé par le manque de transparence. Certes, Internet et la percée de nouveaux acteurs, tels que Artprice ou Artnet, ont contribué à changer la donne. Mais ce ne sont là que des prémisses, tant la tâche est lourde à mener. Dans une approche financière de l’art, ces deux composantes structurelles vont avoir, pour la suite de notre travail, des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne le processus de valorisation, dont nous traiterons dans la partie qui suit.  Autres enseignements que nous pouvons tirer de cette première partie : la cyclicité du marché de l’art. Les revenus générés par les ventes aux enchères sont, en effet, corrélés à l’évolution du contexte économique globale. Deux éléments méritent cependant ici d’être soulignés. Tout d’abord, le retournement du marché de l’art intervient avec un léger décalage par rapport aux indices boursiers (de l’ordre de six mois en moyenne). Cette distance temporelle résulte directement de la faiblesse relative de la liquidité des objets d’art. Ensuite, la cyclicité constatée sur les revenus des ventes aux enchères apparaît comme étant plus longue que celle qui prévaut sur les marchés financiers. De façon empirique, on constate qu’un retournement intervient, en moyenne, tous les dix ans sur le marché de l’art. En d’autres termes, la volatilité y est moindre. Nous verrons, dans la Partie III, que cet aspect n’est pas sans conséquence en termes de gestion d’actifs.  Enfin, la troisième et dernière conclusion que nous pouvons tirer de cette présentation analytique du marché de l’art, a trait aux liens qui unissent la finance et l’art. Il y a, en effet, un lien de corrélation très fort entre, d’un côté, la « géographie de la finance », et de l’autre, la « géographie de l’art ». Il s’agit certes d’un processus constant au travers de l’histoire de l’art, mais ce phénomène s’est accéléré, et a connu une évolution sans précédente, au cours de ces dernières années, avec la montée en puissance de pays émergents. Ce caractère structurellement dynamique du marché de l’art revêt ici toute son importance dans la mesure où, comme nous l’avons souligné, la consommation d’art reste avant tout un « acte national ». D’un point de vue financier, il est apparaît donc intéressant d’être en mesure d’anticiper l’espace géographique qui sera, à moyen terme, générateur de richesses et de liquidités, afin d’arbitrer au mieux l’allocation de ses investissements en art.   Partie II : Valeur et prix d’une œuvre d’art « Il est impossible d’évaluer des objets tels que les tableaux de maître ou les monnaies rares, puisqu’ils sont uniques dans leur genre […]. Le prix d’équilibre des ventes (de ces objets) relève beaucoup du hasard ; toutefois, un esprit curieux pourrait retirer quelque satisfaction d’une minutieuse étude du phénomène. »  Alfred Marshall, Principles of Economics, 1891 Figure  SEQ 
Figure
 Arabic 14 : Campbell Soup Can (1962), Andy Warhol Introduction Avant d’appréhender l’objet d’art en tant que véhicule d’investissement, il convient de se pencher sur les notions de valeur et de prix. La problématique soulevée par cette deuxième partie est double : Quels sont les déterminants de la valeur et du prix d’un objet d’art, et comment s’articulent entres elles ces deux notions ?  Pour les produits financiers « classiques », des outils théoriques existent pour apporter une réponse concrète et chiffrée à ces deux questions. Or, sur le marché de l’art, le vide théorique est patent. Cette absence d’outils complexifie l’appréhension de ces deux notions, pourtant clefs et indispensables à toute approche financière. Le marché de l’art a cependant fait l’objet d’études théoriques depuis plusieurs dizaines d’années, mais la complexité du marché et de l’objet considéré résiste à toute approche théorique. Si, à première vue, les mécanismes d’ajustement de l’offre et de la demande sur les marchés secondaires de la finance et de l’art sont comparables, ce rapprochement atteint vite ses limites. En effet, l’objet d’art ne délivrant pas, en soi, de cash flow (à moins d’intégrer des revenus de visionnement), la Théorie générale de la valeur de J-B Say ne peut y être appliquée. Cette première impasse théorique suggère donc que l’œuvre d’art n’aurait pas, à long terme, de prix d’équilibre. La seconde limite à l’application de modèles théoriques réside dans les caractéristiques propres au marché de l’art. En effet, les postulats de concurrence pure et parfaite ne tiennent pas sur ce dernier. Comme le soulignait déjà Baumol en 1986, les titres sont non homogènes, le détenteur d’une œuvre est en position de monopole et les transactions ont lieu de façon ponctuelle dans le temps. Autant de constats empiriques qui tranchent avec les conditions de réalisation d’une stru
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Financiarisation du marché de l'art

  • 1. La Financiarisation du Marché de l’Art En quoi l’art constitue-t-il une classe d’actifs à part entière ? « Cette peinture là, elle m’a coûté 60 000 dollars il y a dix ans. Aujourd’hui, j’en tirerais plus de 600 000. L’illusion s’est transformée en réalité. A mesure qu’elle devient plus réelle, ton besoin de la posséder grandit. »Gordon Gekko, Wall Street, Stone O. (1987) Sommaire TOC Titre 1;2;Titre 2;3;Titre 3;4;Titre;1 Introduction PAGEREF _Toc229749320 5 Partie I : Présentation du marché de l’art PAGEREF _Toc229749322 7 Introduction PAGEREF _Toc229749323 8 1.Marché et œuvre d’art : une réalité ancienne PAGEREF _Toc229749324 9 1.1.Mise en perspective historique PAGEREF _Toc229749325 9 1.2.Le marché de l’art se caractérise par deux grands modes de transaction PAGEREF _Toc229749326 11 1.2.1.Les échanges de gré à gré PAGEREF _Toc229749327 11 1.2.2.Les ventes aux enchères PAGEREF _Toc229749328 12 1.3.Zoom sur le fonctionnement des ventes aux enchères : l’exemple de Sotheby’s PAGEREF _Toc229749329 12 1.3.1.Les transactions générales PAGEREF _Toc229749330 13 1.3.2.Les transactions avec garantie PAGEREF _Toc229749331 14 1.3.3.Les transactions avec avance PAGEREF _Toc229749332 15 1.4.Le marché de l’art en chiffres PAGEREF _Toc229749333 16 1.4.1.Un marché de petite taille PAGEREF _Toc229749334 16 1.4.2.2008 : « de l’euphorie spéculative au grand plongeon » PAGEREF _Toc229749335 18 1.4.3.Analyse des ventes par artiste PAGEREF _Toc229749336 20 1.4.4.Répartition des ventes de Fine Art en 2008 PAGEREF _Toc229749337 22 1.5.Un marché de plus en plus mondialisé PAGEREF _Toc229749338 23 1.5.1.La multiplication des foires et des biennales PAGEREF _Toc229749339 24 1.5.2.Internet PAGEREF _Toc229749340 25 1.5.3.La place des pays émergents PAGEREF _Toc229749341 25 1.5.4.La France : des parts de marché qui s’érodent PAGEREF _Toc229749342 27 2.Les acteurs du marché de l’art PAGEREF _Toc229749343 30 2.1.Les maisons de ventes (auctioneers) PAGEREF _Toc229749344 30 2.1.1.Les maisons de ventes françaises : le poids du passé PAGEREF _Toc229749345 30 2.1.2.Les maisons de ventes d’origine anglo-saxonne PAGEREF _Toc229749346 32 2.2.L’artiste PAGEREF _Toc229749347 35 2.3.Les galeries et marchands d’art PAGEREF _Toc229749348 36 2.4.Les collectionneurs PAGEREF _Toc229749349 39 2.5.Les intermédiaires PAGEREF _Toc229749350 40 2.5.1.Les courtiers PAGEREF _Toc229749351 40 2.5.2.Le critique d’art PAGEREF _Toc229749352 40 2.5.3.L’expert PAGEREF _Toc229749353 41 2.6.L’Etat PAGEREF _Toc229749354 42 2.7.Le mécénat et les fondations d’entreprise PAGEREF _Toc229749355 44 Conclusion PAGEREF _Toc229749356 45 Partie II : Valeur et prix d’une œuvre d’art PAGEREF _Toc229749358 47 Introduction PAGEREF _Toc229749359 48 1.Le marché de l’art : des spécificités à la valorisation d’une œuvre PAGEREF _Toc229749360 49 1.1.Les motivations des acheteurs PAGEREF _Toc229749361 49 1.1.1.L’achat détention PAGEREF _Toc229749362 50 1.1.2.L’achat d’investissement PAGEREF _Toc229749363 50 1.1.3.L’achat social PAGEREF _Toc229749364 52 1.2.Le marché de l’art, un marché particulier PAGEREF _Toc229749365 53 1.2.1.Un marché sur lequel règne une concurrence ni pure ni parfaite PAGEREF _Toc229749366 53 1.2.2.L’art, un produit aux caractéristiques spécifiques PAGEREF _Toc229749367 54 1.2.3.Le prix ne peut exprimer la valeur fondamentale de l’œuvre PAGEREF _Toc229749368 55 1.2.4.Le rapport au temps : une dynamique de long terme PAGEREF _Toc229749369 56 1.3.La segmentation du marché : une première approche de la valeur PAGEREF _Toc229749370 57 1.3.1.Le « marché des chromos » PAGEREF _Toc229749371 57 1.3.2.Le marché de l’art classé PAGEREF _Toc229749372 57 1.3.3.Le marché de l’art contemporain PAGEREF _Toc229749373 58 1.4.La valorisation d’une œuvre PAGEREF _Toc229749374 58 1.4.1.La qualité des objets ou la valeur scientifique d’une œuvre d’art PAGEREF _Toc229749375 58 1.4.2.Les interactions entre les acteurs du marché et la valeur marchande PAGEREF _Toc229749376 60 1.4.3.Le comportement des agents : la valeur symbolique de l’art PAGEREF _Toc229749377 62 2.Le pricing d’une œuvre d’art PAGEREF _Toc229749378 64 2.1.Retour historique sur la formation des prix PAGEREF _Toc229749379 64 2.1.1.Le rôle de l’Académie PAGEREF _Toc229749380 65 2.1.2.Changement de paradigme PAGEREF _Toc229749381 66 2.2.Galeristes et maisons de ventes, deux mécanismes de pricing PAGEREF _Toc229749382 68 2.2.1.Le processus de fixation des prix sur le marché primaire PAGEREF _Toc229749383 71 2.2.2.Le processus de fixation du prix sur le marché secondaire PAGEREF _Toc229749384 72 3.Analyse des mouvements de prix sur différents segments du marché PAGEREF _Toc229749385 77 3.1.Les maîtres anciens (artistes nés entre 1400 et 1765) PAGEREF _Toc229749386 77 3.2.Les maîtres du XIXe siècle (nés entre 1766 et 1860) PAGEREF _Toc229749387 78 3.3.Les artistes modernes (nés entre 1861 et 1900) PAGEREF _Toc229749388 80 3.4.Les artistes d'après-guerre (nés entre 1901 et 1920) PAGEREF _Toc229749389 81 3.5.Les artistes contemporains (nés entre 1920 et 1945) PAGEREF _Toc229749390 82 3.6.Les artistes émergents (nés après 1945) PAGEREF _Toc229749391 84 Conclusion PAGEREF _Toc229749392 86 Partie III : L’art, un actif financier à part entière ? PAGEREF _Toc229749394 87 Introduction PAGEREF _Toc229749395 88 1.La rentabilité financière des placements en art : une approche limitée PAGEREF _Toc229749396 89 1.1.Note méthodologique relative à l’élaboration des indices PAGEREF _Toc229749397 89 1.2.L’investissement dans les estampes modernes PAGEREF _Toc229749398 90 1.3.Les études économétriques existantes PAGEREF _Toc229749399 92 1.3.1.L’étude de William Baumol (1986) PAGEREF _Toc229749400 93 1.3.2.John Picard Stein et le rendement non financier (1977) PAGEREF _Toc229749401 94 1.3.3.L’étude de Stan Worthington et de Jim Higgs (2004) PAGEREF _Toc229749402 95 1.3.4.L’étude de Jianping Mei et Michale Moses (2002) PAGEREF _Toc229749403 95 1.3.5.L’étude de Luc Renneboog et de Christophe Spaenjers (2009) PAGEREF _Toc229749404 98 2.L’investissement en art au-delà de la simple notion de rendement PAGEREF _Toc229749405 99 2.1.L’art, un actif bien « réel » PAGEREF _Toc229749406 99 2.2.Une moindre sensibilité aux cycles courts du marché PAGEREF _Toc229749407 102 2.3.L’art, en tant qu’actif spéculatif PAGEREF _Toc229749408 103 3.Investir dans l’art : oui, mais comment ? PAGEREF _Toc229749409 105 3.1.L’art contemporain, un segment propice au « pari financier » PAGEREF _Toc229749410 105 3.2.Quelques principes pour « bien investir » dans l’art PAGEREF _Toc229749411 107 Conclusion PAGEREF _Toc229749412 110 Bibliographie PAGEREF _Toc229749413 112 Annexes PAGEREF _Toc229749414 119 Introduction L’idée d’associer art et finance, dans le cadre de notre mémoire de fin d’étude à l’ESCP-EAP peut, a priori, paraître quelque peu surprenante. C’est avant tout une dynamique de curiosité qui nous a conduits vers cette thématique. Curiosité, d’abord, suscitée par les prix atteints par certaines œuvres mises aux enchères. Au-delà du prix, l’impression la plus étrange résidait cependant dans le fait que, plus la presse se faisait l’écho de ces adjudications et plus un sentiment de banalité semblait se dessiner, comme si l’art s’effaçait peu à peu derrière les montants affichés, comme si, finalement, l’art glissait doucement vers une forme de commodité. Curiosité, ensuite, mue par le désir de comprendre les ressorts de l’investissement en art. Panoplie de l’homme riche, la consommation en art intégrait certes une composante sociale évidente, mais qu’en était-il d’un point de vue financier ? Les grandes vacations internationales de New York et de Londres laissaient, en effet, entrevoir de fabuleux rendements. Mais s’agissaient-ils d’exemples rares et exceptionnels ou d’une donnée que nous pouvions généraliser à l’ensemble du marché ? Curiosité, enfin, provoquée par le souhait d’analyser les mécanismes au fondement de la valeur et du prix d’une œuvre d’art. Une logique rationnelle sous-tend-elle cette forte envolée des prix ou s’agit-il d’un phénomène passager de mode et d’afflux massifs de liquidités ? Tous deux fortement intéressés par les questions financières, nous avons fait le pari d’orienter la problématique de notre travail dans ce sens : en quoi peut-on considérer l’art comme une classe d’actifs à part entière ? Le défi était lancé et nous remercions Philippe Thomas d’avoir accepté de nous accompagner dans cette démarche. Afin d’apporter une réponse à cette question, nous avons organisé notre mémoire en trois parties. La première vise à décrire les acteurs et les forces en présence sur le marché de l’art, tant du point de vue structurel que conjoncturel. Comment interagissent les différents agents du marché ? Collaboration ou concurrence, dynamique artistique ou financière ? Entre l’Etat et les différents intermédiaires, la place de l’artiste est ambigüe. Si l’artiste produit les biens artistiques et est à la source du marché de l’art, son rôle ne tend-il pas vers plus de passivité ? Le marché de l’art est en pleine mouvance ; comment ont évolué les ventes, quelle est leur nouvelle géographie ? Un marché local ou global ? Quels sont les vecteurs de mondialisation du marché de l’art ? Quels parallèles peut-on établir avec les marchés financiers usuels ? La deuxième partie prolonge notre réflexion : ces caractéristiques propres au marché de l’art ont-elles un impact sur le plan de la valorisation, d’une part, et de la détermination du prix d’une œuvre d’art, d’autre part ? L’œuvre d’art est un bien unique, non reproductible et non générateur de flux financiers. Mais alors quels déterminants intégrer lors de l’évaluation ? Les critères sont-ils essentiellement subjectifs tant on parle communément de « goûts personnels » en la matière, ou bien existe-t-il des données objectives ? Quelles sont les instances et acteurs de légitimation d’une œuvre d’art ? Qui pose véritablement les fondements du prix, quels acteurs dominent le mécanisme de pricing ? Comment évoluent les prix sur le marché, quelles sont les différences par segment de marché ? Enfin, la troisième et dernière partie aborde directement la problématique de la financiarisation du marché de l’art. Dans quelle mesure peut-on appréhender l’art en tant qu’actif financier ? Comment apprécier le rendement d’une œuvre ? Une approche économétrique, s’appuyant donc sur des données empiriques, est-elle suffisante ? Existe-il un modèle sur lequel un investisseur puisse se baser ? Quels en sont les critères ? Quelle rationalité derrière un investissement en art ? Comment maximiser son espérance de rendement ? Ce sont autant de questions correspondant à une logique purement financière mais qui mettent en exergue à elles seules, le phénomène de financiarisation du marché de l’art. Partie I : Présentation du marché de l’art « Un écosystème de compétences multiples » Figure SEQ Figure Arabic 1 : Camouflage Suite (1987), Andy Warhol Introduction L’objectif de cette première partie vise à décrire le marché de l’art. Curieux et amateurs d’art, nous n’avions qu’une vision très partielle des acteurs et des règles assurant le fonctionnement de ce marché. Autrement dit, plus spectateurs qu’acteurs, nous éprouvions le besoin de sceller un certain nombre de jalons avant de nous lancer dans l’appréhension de l’objet d’art en tant qu’actif financier. Pour ce faire, nous avons opté pour une double approche, mêlant à la fois des éléments d’analyse statiques et dynamiques. En effet, pour compléter et prolonger la description des modes de transaction et des acteurs en présence, nous avons souhaité faire le pari d’une démarche plus dynamique. Cette dernière consiste non seulement à replacer le marché de l’art dans une dimension tant historique que conjoncturelle, mais surtout à « vivre » cette dynamique. Pour ce faire, nous sommes allés directement à la rencontre d’un certain nombre de professionnels, sur le terrain. L’art est une réalité à la fois figée et vivante qui ne peut se vivre que dans l’échange. C’est la découverte de cette tension que nous avons cherché à vivre et à retranscrire dans cette première partie. Les professionnels qui ont bien voulu nous recevoir, pour partager avec nous leurs passions et leurs métiers, ont été à la fois attentifs et ouverts à notre démarche. Et pourtant, en tant qu’étudiants de l’ESCP-EAP, s’intéressants à l’art dans une optique financière, les passerelles n’apparaissaient pas d’emblée comme évidentes ou naturelles. Paradoxalement, ce sont les acteurs les plus « financiers » du marché qui ont été les moins réceptifs à notre démarche. Signe prémonitoire ? Peut-être. Dernier angle à cette approche dynamique : la comparaison aux marchés financiers. Dès que cela nous a semblé pertinent, nous avons tenté de dresser un parallèle entre sphères financière et artistique. Marché et œuvre d’art : une réalité ancienne Il nous semble, dans un premier temps, important de replacer le marché de l’art dans son contexte historique et ce, pour deux raisons principales. Tout d’abord, l’art et l’acte de collectionner font intimement partis de notre humanité. L’histoire de l’art et l’histoire de l’homme sont étroitement imbriquées l’une dans l’autre. Ensuite, parce que le marché de l’art est avant tout un marché de l’histoire. Nous verrons en effet par la suite que la mise sur le marché d’une œuvre ne peut se faire sans expertise, sans information et donc sans histoire. Mise en perspective historique L’émergence d’un véritable marché de l’art remonterait à la période helléniste (IVe siècle avant J-C). C’est en effet au cours de cette époque que les œuvres commencent à circuler sur l’ensemble du pourtour méditerranéen. Dans la Rome Antique, ce commerce trouve au sein de la classe politique (sous La République), puis chez les empereurs (notamment à partir d’Auguste, sous l’influence de son conseiller Mécène), des débouchés de plus en plus vastes. Le système des ventes aux enchères, auctio, apparaît dès l’Antiquité. Selon les historiens, les enchères auraient débuté vers 500 avant J-C avec le « marché du mariage » de Babylone décrit par Hérodote. Très rapidement les ventes aux enchères vont s’inscrire dans un cadre réglementaire dont les grandes lignes se retrouvent encore aujourd’hui. Les ventes doivent en effet être précédées de publicité (par le crieur ou praeco), intermédiées par des officiers publics (les auctionatores) et donner lieu à la rédaction d’un cahier des charges (lex bonorum vedendorum). Pendant toute la période du Moyen Âge, ce déploiement du marché de l’art sera mis entre parenthèses ou plus exactement il concernera avant tout les œuvres religieuses. Dieu devint la principale source d’inspiration artistique et un important commerce de reliques se met en place depuis Rome. Il faudra attendre la fin de cette époque et l’avènement de la Renaissance pour que ressurgisse le goût de la collection. Ce sont alors les objets de l’Antiquité qui deviennent les plus prisés. En France, ce retour à l’art va d’abord être impulsé par les princes Valois, aux XIVe et XVe siècles, avant d’être renforcé par les Capétiens, sous l’égide de François 1er, puis par les Habsbourg, avec Charles Quint. Sur le plan artistique, c’est la recherche du Beau et de l’émotion qui prévaut. Le marché de l’art réapparaît peu à peu : les artistes circulent de plus en plus au grès des commandes et une véritable structure commerciale se met en place. Rome conserve une position centrale dans l’organisation et l’animation du marché. En effet, la ville est non seulement un centre de création important, avec une concentration d’artistes modernes tels que Vinci, Raphaël, Titien et Véronèse, mais elle abrite également l’autorité papale qui s’érige en régulateur du marché. Cette période de la Renaissance est également marquée par l’avènement de grandes foires artistiques, véritables vitrines de la création. A partir du règne de Louis XIV, les achats d’œuvres ne sont plus simplement destinés au bon plaisir du roi mais s’inscrivent avant tout dans une quête de gloire et de prestige tant personnelles que nationales. Les ventes aux enchères réapparaissent en Europe au cours du XVIe siècle. Parmi les plus anciennes ayant revêtu un caractère exceptionnel, on retient celles qui suivirent la décapitation de Charles Ier d’Angleterre en 1641. Sa prestigieuse collection, constituée en grande partie par l’achat de celle du duc de Mantoue, fut vendue par ordre de Cromwell. Le cardinal de Mazarin et le banquier Jabach furent parmi les principaux acheteurs. On constate donc que dès cette époque, des passerelles entre l’art et la finance s’établissent. La Révolution Française va provoquer un véritable essor des transactions sur le marché de l’art. En effet, la volonté de faire table rase de toutes les « reliques » de la Monarchie et, la nécessité de trouver des fonds pour renflouer les caisses de l’Etat vont conduire à la mise en vente des grandes collections royales (du 25 août 1793 au 19 août 1794 en ce qui concerne la vente des œuvres du Château de Versailles). Paradoxalement, cette grande braderie artistique va essentiellement profiter aux anglais : les jeunes aristocrates saisissent en effet l’opportunité de leur « Grand Tour » pour acheter de nombreuses œuvres. Ce sont par ailleurs les britanniques qui vendront les collections de la noblesse française émigrée, comme les bijoux de la Comtesse du Barry (Christie’s 1795) ou la bibliothèque de Talleyrand (Sotheby’s). La fin du XVIIIe siècle est également marquée par l’apparition des premiers musées. Ces derniers vont réaliser de nombreuses acquisitions afin de constituer de véritables collections. Un personnage va alors devenir central dans l’orientation des goûts sur le marché de l’art : le conservateur. Le XIXe siècle fait véritablement office de période charnière dans l’histoire du marché de l’art. Tout d’abord, le renforcement du rôle et de la position de la bourgeoisie dans la société va constituer un fort relais de croissance au niveau de la demande (formation de vastes collections personnelles comme celle du duc d’Aumale à Chantilly). Ensuite, un nouvel acteur fait son apparition sur le marché, le marchand d’art, à l’instar de Paul Durand-Ruel, célèbre pour avoir été le marchand des impressionnistes. Ce dernier définit les quatre principes clefs de la profession : l’organisation d’expositions-ventes individuelles dans sa galerie, la conclusion de contrats d’exclusivité, l’appel à des concours financiers extérieurs et l’établissement d’un réseau international. Après lui, ces pratiques se généralisent et deviennent règle. Se constituent alors de véritables dynasties de marchands et d’antiquaires (métier qui se transmet de père en fils). Enfin, la création artistique va être marquée par la recherche du choc et de la transgression par opposition aux règles strictes de l’Académie qui ont prévalu jusqu’alors. Le marché de l’art tel que nous le connaissons aujourd’hui est le fruit d’un changement en profondeur, d’une « petite révolution », intervenue au cours des années 80. En effet, les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes vont peu à peu mener une politique de « démocratisation » et d’élargissement du marché en étendant le public de consommateurs potentiels. Il ne s’agit plus de s’adresser à un cercle d’initiés, mais véritablement de s’ouvrir à tout un ensemble de gens fortunés. Un nouveau rapport à l’art fait alors son apparition. Le marché de l’art se caractérise par deux grands modes de transaction Avant d’entrer plus en détails dans les modes de transaction, il faut, dans un premier temps, souligner le fait que le marché de l’art est composé de deux grands ensembles : le marché primaire d’un côté, et le marché secondaire de l’autre. Cette distinction correspond d’ailleurs à celle qui prévaut sur les marchés financiers. Le marché primaire concerne en effet « l’émission d’œuvres » alors que le marché secondaire, l’équivalent de la Bourse, est un lieu d’échange d’objets déjà existants. La partie visible du marché de l’art, les ventes aux enchères, s’apparente donc à un marché de l’occasion. Les échanges de gré à gré L’échange de gré à gré est le mode de transaction le plus répandu sur le marché de l’art. Dans son livre Investir dans l’Art, Fabien Bouglé estime que la part de ces transactions serait de l’ordre de 60 à 70% du total des échanges. Les galeristes occupent et animent l’essentiel de ce marché. En effet, ces derniers ont entres autres comme fonction la découverte et la promotion de nouveaux artistes. Il ne faudrait cependant pas limiter ce type de transaction aux galeristes. Les artistes peuvent également traiter directement avec des acheteurs et notamment lorsqu’il s’agit de collectionneurs. Les échanges de gré à gré se caractérisent par l’absence d’intermédiaire. Un lien contractuel direct est ainsi noué entre les deux parties. Les ventes aux enchères Les ventes aux enchères peuvent, d’une certaine façon, être assimilées aux cotations boursières des marchés financiers. Une seule grande différence : les enchères sont beaucoup plus localisées à la fois dans le temps et dans l’espace. Si le mécanisme est relativement simple à appréhender, dans la pratique ce mode de transaction reste complexe. En effet, il fait intervenir trois parties : le vendeur, l’organisateur (auctioneer) et l’acheteur. Différentes relations contractuelles vont donc se nouer entre ces dernières au fur et à mesure de l’avancement de la vente. Un premier contrat est tout d’abord établi entre le vendeur et la société de ventes volontaires (SVV). Ensuite, une deuxième relation contractuelle intervient entre la SVV et l’acquéreur au moment de l’adjudication. Enfin, un troisième et dernier contrat est établi par le commissaire-priseur, ou la SVV, entre l’acquéreur et le vendeur une fois l’objet vendu. Par ailleurs, outre ces différents temps juridiques, il existe plusieurs types de ventes aux enchères. Nous illustrerons ces différentes modalités de transaction dans le paragraphe suivant en prenant l’exemple de la société Sotheby’s. Pour finir, il est important de noter que les ventes aux enchères sont avant tout un moyen d’approvisionnement dans la mesure où 70% des transactions sont le fait de marchands. Zoom sur le fonctionnement des ventes aux enchères : l’exemple de Sotheby’s Contrairement à sa grande rivale Christie’s, la société Sotheby’s est cotée à la Bourse de New York (NYSE). Nous disposons donc de beaucoup plus d’information à son égard notamment en ce qui concerne son activité. Au cours d’une présentation aux investisseurs du mois d’avril 2008, Sotheby’s détallait les chiffres et les modes de transaction concernant ses ventes aux enchères. Il convient cependant de souligner, comme le fait d’ailleurs Sotheby’s dans ce document, que toutes les descriptions et ordres de grandeur qui suivent sont comparables aux pratiques de Christie’s. En 2008, 95% du chiffre d’affaires consolidé de Sotheby’s émanait du revenu de ses ventes aux enchères. Trois grands types de transaction sont identifiés : les transactions dites générales (General Transaction), les transactions avec garantie (Guarantee Transaction) et les transactions avec avance (Advance Transaction). Les transactions générales Tendanciellement, ce type de transaction représente l’essentiel du volume d’affaires des ventes aux enchères de Sotheby’s (entre 80% et 90%). Le principe de fonctionnement est relativement simple. Un marchand confie à Sotheby’s le soin de vendre un objet. Il verse en échange une commission de l’ordre de 2% du montant total de l’adjudication et rembourse les frais directs liés à la procédure de vente. Une fois l’œuvre adjugée, Sotheby’s a charge de la remettre à l’acquéreur moyennant un premium (« the buyer’s premium »), dont le mécanisme de fixation est détaillé ci-dessous. Figure SEQ Figure Arabic 2: Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Méthode de détermination du premium exigé à l’acheteur : un mécanisme par paliers Valeur d’adjudication (US$)Premium< 20k25%20k-480k20%> 500k12% Tableau SEQ Tableau Arabic 1: Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Par exemple, pour un lot adjugé à $750k en 2008, le revenu total (premium de l’acheteur, commission vendeur et remboursement des frais liés à la vente) de Sotheby’s était de $149k. Figure SEQ Figure Arabic 3 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Les transactions avec garantie Ce type de transaction représente en moyenne entre 5% et 10% des ventes aux enchères de Sotheby’s. Avec ce mode de transaction, l’auctioneer garanti au vendeur un prix minimum de session. Ce faisant, la maison de ventes prend alors une part d’equity dans le lot. Figure SEQ Figure Arabic 4 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Cette forme de transaction est certes plus rémunératrice pour la maison d’enchères mais expose cette dernière à plus de risques. Trois cas de figure peuvent en effet se présenter : Tout d’abord, si la vente est un succès, Sotheby’s perçoit d’une part le premium de l’acheteur, c’est-à-dire, un pourcentage de la différence entre le prix d’adjudication et le montant de la garantie (Overage) et, d’autre part, le remboursement des frais de la part du vendeur. Ensuite, si le lot ne se vend pas, la maison d’enchères doit payer au vendeur le montant garanti et devient alors propriétaire du bien. Enfin, si le lot se vend sous le montant du seuil dont Sotheby’s s’est porté garant, l’auctioneer se doit de payer au vendeur le montant sous garanti et enregistre alors une perte nette. Ce système de vente avec un prix garanti s’est amplifié au cours de ces dernières années du fait du renforcement de la concurrence entre les deux grandes maisons dominantes, Sotheby’s et Christie’s. En effet, en offrant au vendeur une garantie plus importante (donc en prenant plus de risque), la maison s’assure que ce dernier n’ira pas chez son concurrent. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, les auctioneers doivent signaler les lots sous garantie lors des ventes. A partir de la seconde moitié de l’année 2008 et la transmission de la crise financière au marché de l’art, les montants garantis ont été largement revus à la baisse. La correction généralisée sur les prix et le manque de visibilité, font en effet porter un risque trop fort aux maisons de ventes. Les transactions avec avance Ce mode de transaction concerne en moyenne 5% des ventes aux enchères de Sotheby’s. Il s’agit d’un mécanisme de prêts ayant comme collatéral l’œuvre mise en vente. Le prêt octroyé ne peut cependant être supérieur à 50% de l’estimation basse de la valeur de l’objet. L’emprunteur s’engage à vendre le lot via les services de Sotheby’s. En plus du premium de l’acheteur, de la commission et du remboursement des frais de la part du vendeur, Sotheby’s touche les intérêts sur le montant avancé. Figure SEQ Figure Arabic 5 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Le marché de l’art en chiffres Le marché de l’art est par nature relativement difficile à appréhender sur le plan quantitatif. La raison à cette difficulté est simple : la majorité des transactions s’effectuant de gré à gré, nous disposons, par définition, de peu ou pas d’information à leur égard. Seules les ventes aux enchères peuvent véritablement faire l’objet de suivis et d’analyses quantitatives. Atteignant de véritables sommets au cours de ces trois dernières années, les enchères (plus que les lots en eux-mêmes d’ailleurs) sont devenues de véritables évènements médiatiques. Pour autant, il ne faudrait pas que cette soudaine fascination pour les ventes d’objets d’art nous fasse oublier d’une part que, selon Artprice, les ventes aux enchères de Christie’s et Sotheby’s ne représentent qu’1/1 000ème des transactions mondiales et d’autre part, qu’il s’agit d’un marché de taille encore très modeste sur lequel les transactions restent très concentrées d’un point de vue géographique. Un marché de petite taille Comme nous venons de le souligner, de part sa nature, l’appréhension chiffrée du marché de l’art révèle une certaine complexité. Toute la partie des transactions de gré à gré ne peut faire l’objet que d’estimations. A cet égard, dans l’édition 2008 du Cyclope, l’économiste Philippe Chalmin estime la valeur mondiale du marché de l’art à $15Mds en 2007 ($17Mds si l’on tient compte des ventes de gré à gré des grands auctioneers), en hausse de 37% par rapport à 2006. Sotheby’s propose une autre démarche d’estimation du marché qui consiste à considérer les ventes cumulées (publiques et privées) des trois grands auctioneers. Ainsi, en 2007, les ventes cumulées de Sotheby's, Christie's et Phillips ont atteint un chiffre d’affaires légèrement supérieur à $11Mds, en hausse de près de 35% par rapport à 2006. Suivant la méthode retenue, les chiffres varient de façon significative. Dans son rapport 2007, le CVV, le Conseil des Ventes Volontaires, avance le chiffre de $14,4Mds. Cette estimation semble relativement cohérente et consensuelle par rapport aux approches de Sotheby’s et de Philippe Chalmin. Pour conclure et à titre de comparaison, LVMH a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires consolidé de €16,5Mds, soit $22,5Mds. Cette comparaison a certes ses limites mais permet tout du moins de mettre en perspective le revenu total généré par les ventes d’objets d’art cette même année. Figure SEQ Figure Arabic 6 : Sotheby’s, Investor Briefing, avril 2008 Les données de la figure 5 nous permettent de replacer l’évolution dans le temps de la taille en valeur du marché de l’art. Un premier constat s’impose concernant la cyclicité du marché. En effet, au plus haut d’une importante vague spéculative, à $5,1Mds, à la fin des années 80, le marché a fondu de moitié en l’espace d’un an entre 1990 et 1991, à la suite d’un double choc, économique (retournement du marché japonais de l’immobilier) et géopolitique (première guerre du Golfe). Le marché de l’art restera ensuite relativement atone au cours des douze années suivantes avec un léger tassement entre 2001 et 2003 (là encore suite à un double choc, géopolitique puis économique). Il faudra attendre 2004 pour que le marché retrouve son niveau de 1989. Entre 2004 et 2007, le marché de l’art a enregistré une croissance exceptionnelle, à plus de 40% par an en moyenne, atteignant des sommets records. Le second constat que l’on peut tirer de l’analyse de ce graphique concerne d’une part, la violence avec laquelle le cycle se retourne (entre juillet 1990 et juillet 1992, l’Arprice Global Index constatait une baisse de prix de 44%) et d’autre part, la longue agonie qui s’ensuit. A cet égard, l’examen macroéconomique du marché de l’art en 2008 semble particulièrement révélateur. 2008 : « de l’euphorie spéculative au grand plongeon » La banque de données Artprice, qui retrace l’ensemble des transactions publiques de Fine Art, estimait le produit des ventes mondiales 2008 à $8,3Mds, en baisse de $1Md par rapport au chiffre d’affaires réalisé en 2007. La baisse sur un an est certes sévère mais replacée dans une perspective longue, la progression, depuis 2004, reste considérable (+30% en croissance annuelle moyenne). Figure 7 : Estimations à partir de données Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 Selon Artprice, le marché de l’art aurait atteint en 2007 un « pic spéculatif ». La banque de données a en effet dénombré 1 254 adjudications supérieures au million de dollars, un record. En 2008, le nombre d’adjudications millionnaires est tombé à 1 090 (-13% sur un an). La spéculation est cependant restée vive. Artprice a en effet recensé un nombre record d’adjudications pour des artistes vivants, comme Damien Hirst (65 adjudications millionnaires) et Gerhard Richter (22 adjudications millionnaires). Tout au long de l’année 2008 les signaux envoyés par le marché ont été quelque peu ambigus, si bien que certains opérateurs voyaient dans l’art une sorte de rempart aux affres des marchés financiers. En effet, au cours du premier semestre, les ventes de Fine Art ont atteint le chiffre record de $5,5Mds (un montant jamais inégalé sur un semestre). Les ventes Impressionnistes et Art Moderne de New York du 6 et 7 mai 2008 ont généré un produit de ventes exceptionnel, à $1,2Md (soit trois fois plus que les ventes constatées en mai 2004) avec 31 nouveaux records d’artistes dont Le pont du chemin de fer à Argenteuil de Claude Monet, adjugé à $37M (Christie’s), L’étude pour la femme en bleu de Fernand Léger pour $35M (Sotheby’s) et le Triptych de Francis Bacon (Sotheby’s) acquis pour $77M par le milliardaire russe Roman Abramovitch. Les acheteurs européens n’étaient cependant pas en reste. Dans un article de mai 2008, Artprice souligne que « la faiblesse du dollar a aiguisé l’appétit des collectionneurs européens […] les 11% d’acheteurs européens ont emporté à eux seuls 41% du produit de ventes. » Cependant, le montant des ventes a fondu de moitié au cours de la seconde partie de l’année. Tout comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédant, le marché s’est subitement et violemment retourné au cours de l’automne 2008 : le taux d’invendus a atteint près de 44% au mois d’octobre (37,8% en moyenne en 2008). Cette plus grande sélectivité des acheteurs a aussitôt impacté le niveau de prix : les estimations basses des œuvres ont été revues à la baisse (-30% en moyenne pour les ventes d’art contemporain de New York au mois de novembre) et l’indice des prix Artprice (Artprice Global Index) a enregistré une chute de 30% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2008. La correction est cependant à nuancer en fonction des segments. En effet, si la baisse a été plus marquée pour l’art contemporain (-34,4%), l’art ancien a plutôt bien résisté, à +15% par rapport à son niveau de 2007. Ce fort contraste entre les deux semestres de l’année 2008 a fait resurgir le spectre de la crise du début des années 90 qui a plongé le marché de l’art dans une longue période d’atonie. En effet, à l’époque, le retournement était également intervenu après une série de records notamment sur des peintures impressionnistes parmi lesquelles Irises de van Gogh adjugée pour $54M. Tout comme sur les marchés financiers, un certain nombre d’intervenants se rassuraient en mettant en avant l’argument du « découplage » argumentant que depuis 2000, la demande s’était mondialisée et n’était plus uniquement concentrée sur les banques et les collectionneurs japonais. C’est d’ailleurs pour cette raison que Tobias Meyer, responsable de l’art contemporain chez Sotheby’s, affirmait en mai 2007 : « On a coutume de dire que le marché de l’art est un marché cyclique, mais cette donne est désormais obsolète. Dans le passé, le marché de l’art concernait seulement les Etats-Unis et l’Europe. Aujourd’hui, la demande est aussi largement nourrie par l’Inde, la Russie et la Chine. Et ce n’est qu’un début. » Cette analyse s’avère aujourd’hui erronée. Dans une interview aux Echos, Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby’s France, résumait la situation de la façon suivante : « Les gens qui participent sont toujours là. Le marché a simplement changé de paradigme. Il y a encore quelques mois il était dominé par les vendeurs. La crise étant passée par là, les acheteurs sont plus exigeants. Le marché est devenu un marché d'acheteurs. » Les opérateurs du marché cherchent à lancer des signaux visant à rassurer les différents intervenants. Le retournement est cependant bel et bien enclenché. Or compte tenu de la forte poussée spéculative qui a débuté à partir de l’année 2003-2004, la baisse potentielle des prix laisse entrevoir une forte correction pouvant s’inscrire dans une période relativement longue. Analyse des ventes par artiste Chaque année, Artprice publie un classement des artistes en fonction de leur produit de ventes aux enchères. En 2007, les artistes du « top10 » des ventes publiques avaient enregistré un chiffre d’affaires de $1,8Md, en hausse de 50% par rapport à 2006. Un an plus tard, ce même classement fait acte d’une légère correction à la baisse, à $1,7Md de revenus générés. Ce classement est intéressant dans la mesure où il témoigne d’une forte concentration du marché. En effet, alors qu’en 2008 les dix artistes les plus cotés ne représentaient que 1,5% du volume total des transactions de Fine Art, ils pesaient pour 20% du marché total en valeur. Figure 8 : Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 En 2008, Pablo Picasso a retrouvé sa « position historique » de numéro un des ventes aux enchères. Au cours des dix dernières années, les prix des œuvres de l’artiste espagnol ont progressé de 96% tous medium confondus. Picasso n’a cependant pas été épargné par l’impact de la crise fin 2008. Un certain nombre d’œuvres ont en effet été retirées de la vente (tableau d’Arlequin de 1909 le 3 novembre chez Sotheby’s) ou adjugées à un prix inférieur à l’estimation basse (Deux personnages, toile estimée par Christie’s à $25M et adjugée pour $18M au mois de novembre). Andy Warhol, dont l’indice des prix avait bondi de 70% (74 adjudications millionnaires), s’était retrouvé à la tête du classement en 2007. Un an plus tard, cet engouement pour Warhol s’est atténué : le nombre d’œuvres mises en vente a augmenté de 50% (1 700 lots mis aux enchères en 12 mois) et les prix ont chuté de près de 30%. Au cours des trois dernières années, la progression de Damien Hirst fut encore plus vertigineuse que la flambée de la cote du roi du Pop Art en 2007. Alors que le jeune artiste britannique arrivait au 58ème rang en 2006 ($16,8M de produit de ventes), il prendra la 15ème place un an plus tard ($76,6M de produit de ventes) avant de se hisser à la 4ème position en 2008 ($230M produit de ventes). On retiendra en particulier la vente « Beautiful Inside My Head Forever » au mois de septembre ($171,6M). Cette dernière fait date dans l’histoire du marché de l’art dans la mesure où l’artiste britannique décida de court-circuiter son réseau habituel de galeristes pour vendre directement ses œuvres sur le marché via Sotheby’s. Cependant, entre les mois de septembre et décembre, le taux d’invendu de Damien Hirst s’est littéralement envolé, passant de 11% à 55%. Le peintre français Claude Monnet figure de façon régulière dans ce palmarès des ventes publiques. Son œuvre étant en effet considérée de qualité muséale, les grands collectionneurs n’hésitent pas faire monter les enchères lorsqu’une toile passe en vente. 2008 fut une année record pour Monet. En effet, alors qu’en 2007 la plus belle enchère culminait à $32,7M pour une toile de la série des Nymphéas (1904), ce plafond fut battu à deux reprises : au mois de mai à New York avec le Pont du chemin de fer à Argenteuil (1873) adjugé à $37M puis, un mois plus tard, à Londres avec la vente du Bassin aux Nymphéas (1919) remporté pour près de $72M. L’année 2008 fut également exceptionnelle pour l’artiste allemand Gerhard Richter qui dépassait pour la première fois la barre des $10M aux enchères et ce à cinq reprises. Le record a été atteint le 27 février chez Sotheby’s pour la toile Kerze, adjugée à près de $14M (trois fois plus que l’estimation). Pour finir, la performance de deux artistes mérite d’être soulignée. L’allemand Richter tout d’abord dont la cote a littéralement flambé au cours de la dernière décennie : $100 investis en 1998 dans une toile de l’artiste valaient en moyenne $780 en 2008. Ensuite, l’artiste français Yves Klein, qui a fait pour la première fois son entrée dans ce « Top10 » en 2008. Chose étonnante, 88% du produit de ses ventes a été réalisé au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. La promotion de son œuvre par le galeriste Léo Castelli dès la fin des années 50 a en effet beaucoup joué en faveur de la notoriété et du succès de l’artiste dans les pays anglo-saxons. Au cours de l’année, trois de ses œuvres adjugées à plus de $15M dont Monogold MG9 qui culminait à $21M le 14 mai 2008 chez Sotheby’s. Répartition des ventes de Fine Art en 2008 En 2008, les ventes aux enchères de Fine Art sont restées largement dominées par l’Art Moderne qui totalisait 44% des adjudications. La part cumulée des ventes d’art d’Après-Guerre (artistes nés entre 1920 et 1944) et d’art Contemporain (artistes nés après 1945) a représenté près de 35% des transactions. Ces deux pourcentages sont révélateurs du choix des opérateurs d’orienter leurs achats vers des œuvres pour lesquelles le rapport temporel est proche voir immédiat. Figure 9 : Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 L’année 2008 a fait office de « mini tremblement » dans le monde de l’art. En effet, les Etats-Unis ont perdu leur place « historique » de numéro un, au profit de la Grande-Bretagne. Le marché de l’art américain a clairement subi de façon plus sévère les effets de la crise financière avec une baisse de 1$Md sur le produit 2008 des ventes aux enchères par rapport à 2007, à $2,9Mds. Résultat : les Etats-Unis ont représenté 35% du produit des transactions 2008 contre 43% en 2007. Déjà en 2007, la percée de la Chine au troisième rang du classement mondial, devant la France, avait créé l’évènement. Figure 10 : Artprice, Tendances du marché de l’art 2008, avril 2009 Un marché de plus en plus mondialisé Comme nous l’avons souligné dans la première partie du rapport, le caractère international est une qualité intrinsèque au marché de l’art. Trois phénomènes ont cependant contribué à amplifier cette dimension : les foires, Internet et l’évolution de la géographie de la richesse mondiale au profit des pays émergents. La multiplication des foires et des biennales Les grandes foires et biennales ont été institutionnalisées au cours des XIXe et XXe siècles. Cependant, leur nombre et l’ampleur de ces rencontres internationales vont s’accélérer à partir des années 1980. La première biennale par l’âge et le prestige est celle de Venise. Elle a été lancée en 1895. Sa grande rivale, la Documenta de Kassel, se tient tous les cinq ans pendant cent jours. Elle n’a cependant été créée que 60 ans plus tard, en 1955. Au niveau de l’art contemporain, les trois plus grandes manifestations datent des années 60 et 70. La plus ancienne, la foire de Cologne, Art Cologne, a été instaurée en 1966. Elle fut suivie de peu par celle de Bâle, Art Basel, en 1970 qui aujourd’hui reste la plus prestigieuse en la matière. La FIAC, la Foire Internationale d’Art contemporain de Paris, a été pour sa part lancée en 1974. Au cours des années 1980, tout un ensemble d’évènements d’envergure internationale ont été instaurés. Parmi les principaux, on peu retenir la foire de Chicago (1980), celle de Madrid (1982), de Bruxelles (1983) et de Londres (1984). Et le mouvement se poursuit. En effet, la montée en puissance de grands pays émergents sur le marché de l’art signe la volonté de ces derniers de mettre en place des évènements au rayonnement international. C’est par exemple le cas de la Chine qui, en 2004, a lancé le China International Gallery Exposition (CIGE). Dans son dernier livre, Art Busines (2), Judith Benhamou-Huet, n’hésite pas à parler de véritables « supermarché de l’art ». Ces évènements présentent cependant un certain nombre d’avantages et notamment en ce qui concerne les acheteurs. En effet, un travail important est réalisé au niveau de l’offre tant sur le plan artistique (concentration et sélection au préalable des objets exposés) qu’en termes de services associés (expositions, rencontres, conférences, etc.). Ensuite, en ce qui concerne les pays organisateurs, ces évènements sont non seulement garants d’un contenu symbolique fort (rayonnement international, renforcement de la « marque » des musées locaux) qui contribue à valoriser l’actif immatériel du pays et à favoriser l’attractivité de son territoire, mais également de retombées économiques significatives (en termes d’emplois, d’activité et de tourisme). Ainsi, on comprend mieux la course et la rivalité à laquelle se livrent les Etats pour lancer et pérenniser dans le temps de grandes rencontres internationales de l’art. Internet Internet constitue le second grand vecteur d’internationalisation. Les ventes physiques restent certes concentrées dans un nombre relativement restreint de capitales de l’art mais les ventes aux enchères en ligne se multiplient. Sotheby’s a été la première maison à proposer des ventes aux enchères via son site Internet en 2000. La maison d’enchères a également travaillé avec eBay pour mettre en place un service spécialement dédié, eBay Live Auctions service. Christie’s a suivi, peu de temps après, avec le lancement de Christie’s Live. Ce lien entre art et Internet sera très certainement amené à se renforcer à l’avenir. En effet, un certain nombre d’attributs font converger ces deux univers de façon relativement naturelle : l’importance de l’effet réseau, la diffusion d’images et la rapidité avec laquelle l’information circule. En outre, Internet a incontestablement participé à la plus grande fluidité et liquidité du marché : l’augmentation du nombre d’acheteurs et l’engouement pour les artistes « du présent » ne sont certainement pas sans lien avec le renforcement du rôle d’Internet. Lors de notre entretien avec Olivier Fau, Spécialiste Art Contemporain chez Sotheby’s Paris, ce dernier a souligné l’importance qu’avait introduit Internet en terme de transparence, notamment depuis l’arrivée de Artprice et Artnet. Le travail effectué par ces deux sites Internet était auparavant assuré par le Meyer et le Bénézit sous forme de dictionnaires d’artistes qui recensaient l’ensemble des ventes annuelles de ces derniers. L’exploitation de ces sources d’information était cependant fastidieuse et nécessitait un fort investissement en temps. La consultation de ces ouvrages s’adressait donc de façon quasi exclusive aux professionnels du marché. La valeur ajoutée de ces acteurs Internet réside, d’une part, dans l’actualisation permanente des ventes et, d’autre part, dans la recherche d’antériorité (remonter le plus loin possible dans le temps). L’accès à l’information reste certes payant mais lorsque des investisseurs y souscrivent, c’est dans l’optique de réaliser une transaction. La place des pays émergents Depuis le début des années 2000, les grands pays émergents, en particulier l’Inde, la Russie, la Chine et le Moyen Orient, ont entamé une forte montée en puissance sur le marché de l’art. L’évolution récente de la place de la Chine est particulièrement révélatrice de cette tendance. Le pays obtenait en effet pour la première fois un stand à la Biennale de Venise en 2005 et passait deux ans plus tard à la troisième place mondiale (avec 20% de parts de marché), devant la France, en termes de produits des ventes aux enchères réalisés. La percée de l’art en Inde est également spectaculaire : alors qu’en 2000 pour sa première vente d’art moderne et contemporain, Christie’s a enregistré 600 000 dollars de chiffre d’affaires, la vente de 2006 a rapporté $17,8M. Pour Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby’s France, « Proportionnellement, l'arrivée en masse des nouveaux acheteurs russes, chinois et indiens a joué un rôle plus important [que l’arrivée d’acteurs issus du monde de la finance]. Ils étaient mus par un véritable désir de collection. » L’engouement pour l’art de ces pays émergents émane avant tout d’une demande locale. En 2007, l’ensemble des ventes réalisées en Asie par Sotheby’s rapportaient $401M, un chiffre qui se rapprochait du montant obtenu sur la même période en Europe continentale ($484M pour les places de Paris et Genève). Les ventes « thématiques » organisées par les grand auctioneers au niveau international connaissent également un franc succès. Les ventes « asiatiques » ont par exemple généré un chiffre d’affaires de $106M à New York en septembre 2007 et de $290M à Londres en octobre 2007 pour Sotheby’s et Christie’s. Mais là encore, la composante « demande nationale » reste forte compte tenu de l’importance jouée par la diaspora en la matière. A cet égard, dans son livre Art Business (2), Judith Benhamou-Huet cite le journaliste américain spécialisé d’Art&Auction, Judd Tully, qui soulignait le fait que la galerie indienne ArtsIndia, installée à New-York, avait ouvert une succursale à Palo Alto dans la Silicon Valley où la présence d’un nombre significatif d’ingénieurs indiens constituait un facteur important de demande. Cette percée à la fois forte et très rapide a mené la rentabilité d’artistes locaux à des niveaux record. Selon Artprice, les artistes chinois auraient progressé de 1 050% en dix ans, soit une rentabilité annuelle de 25%. Par exemple, si des œuvres de Zhang Xiaogang se négociaient à $5 000 en 2000, il fallait débourser en moyenne $5M à la fin de l’année 2008. Autre exemple, la star du marché indien, Suboh Gupta, né en 1964, apparaissait au rang n°93 de la liste d’artistes publiée par Artprice en 2007 alors même qu’une des ses œuvres est apparue pour la première fois aux enchères seulement en 2005. Dans un article du mois d’avril 2008, Artprice titrait : « L’art contemporain indien : un marché explosif ». Dans ce dernier, l’auteur soulignait en particulier que « en janvier 2008, le secteur affichait un indice des prix en hausse de 830% sur la décennie. »  Les nouveaux riches des pays émergents sont également désireux d’acheter de l’art « occidental ». Une étude réalisée à la demande de la Tefaf (The European Fine Art Fair), la foire d’art et d’antiquité de Maastricht, a en effet souligné le fait que « la fin de l’année 2005 et l’année 2006 se sont avérées particulièrement prospères avec l’arrivée de collectionneurs chinois, russes et indiens. » Par exemple, en novembre 2006, le milliardaire hongkongais, Joseph Lau, a fait l’acquisition d’un portrait de Mao peint en 1972 par Andy Warhol pour $17,3M, un record pour le roi du pop art à ce moment là. Les réseaux de ventes des grandes Majors restent cependant encore très concentrés d’un point de vue géographique. En effet, en 2007, 83% des ventes de Sotheby’s ont été réalisées dans ses salles de New York et de Londres. En outre, la forte demande locale en art a également encouragé l’essor de puissants acteurs locaux comme les maisons China Guardian et Poly International pour la Chine. Olivier Fau résume cette évolution en mettant en soulignant le fait que au travers de l’histoire de l’art, il y a toujours eu une corrélation forte entre d’un côté la géographie de la finance, et de l’autre, la géographie de la demande en art et de la création artistique. La France : des parts de marché qui s’érodent La France, riche de son histoire et de son passé artistique, vit sur un stock d’œuvres d’art important certes, mais qui s’amenuise par manque de renouvellement. C’est en ce sens que l’on peut dire que le marché français a profité du fort essor de la demande mondiale. C’est d’ailleurs ce qu’illustre la Figure 6 ci-dessous : alors que les ventes aux enchères ont progressé de 13% entre 2006 et 2007 sur le territoire national, elles ont augmenté de 33% sur le plan international. Les parts de marché de la France continuent donc de s’effriter. Tableau 2 : CVV, Rapport 2007, la Documentation Française, Paris, 2008 Selon le Conseil des Ventes Volontaires (CVV), les ventes aux enchères 2007 de biens culturels en France se sont élevées à un peu moins de $2Mds (soit €1,44Md), dont $418M (soit €305M) pour les seules ventes France de Christie’s et Sotheby's. A ces revenus liés aux ventes aux enchères, il faut ajouter les opérations de gré à gré. L’exercice est plus délicat dans la mesure où il n’existe aucune représentation statistique des opérateurs pouvant faire commerce des biens culturels. Dans son livre, Le marché de l’art, Jean-Marie Schmitt explique que la règle généralement admise consiste à raisonner par extrapolation en appliquant le ratio 40/60 pour les ventes publiques aux enchères et les transactions de gré à gré. On obtiendrait ainsi le nombre de €2,3Mds pour les ventes de gré à gré de l’année 2007. Ainsi, le chiffre d'affaires total du marché « intérieur » de l'art en France aurait été de l’ordre de €4Mds en 2007. Cette estimation du marché de l’art français apparaît relativement modeste au regard de la place dominante qu’a occupé la France pendant toute la première moitié du XXe siècle. En effet, alors qu’en 1950 le chiffre d'affaires des ventes aux enchères sur le marché national était supérieur aux ventes cumulées de Christie’s et Sotheby's, il ne représentait que 18% des ventes des deux grandes maisons en 2007. Une autre façon de mettre en perspective ces grandeurs consiste à prendre en considération les ventes réalisées par les commissaires-priseurs Maurice Rheims et Etienne Ader de la galerie Charpentier dans les années 1950 : ces derniers réalisaient à eux seuls un chiffre d’affaires équivalent à celui de Christie’s et Sotheby’s réunis. Les raisons du déclin de la position française sont diverses. On peut cependant en citer deux : d’une part, la position de monopole des commissaires-priseurs qui n’a été remis en cause que par la réforme de 2000 et, d’autre part, le fait que la France ne soit plus un espace de création artistique dominant. Le signe le plus révélateur de cette évolution a été l’attribution du grand prix de la Biennale de Venise en 1964 à Robert Rauschenberg, artiste emblématique du Pop Art américain, soutenu par le galeriste new-yorkais Leo Castelli. Dans une interview donnée au journal Les Echos, Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby’s France, analysait la position du marché français de la façon suivante : « Les objets très chers, supérieurs à €10M par tradition depuis trente ans sont cédés à Londres ou à NY. […] Lorsqu'on regarde les chiffres, il y a très peu d'objets offerts à Paris dont la valeur adjugée est supérieure à €1M. Le marché français est parfaitement compétitif sur les objets d'une valeur plus faible. Le début de la reconquête doit se faire sur la partie intermédiaire: les objets d'une valeur inférieure à €5M. » Les acteurs du marché de l’art Avant de soulever toutes problématiques propres à la valorisation et au pricing d’un objet d’art, il est au préalable nécessaire d’analyser, d’une part, l’identité et le rôle des différents acteurs de ce marché et, d’autre part, les interactions qui existent entre ces derniers. Les maisons de ventes (auctioneers) Les maisons de ventes sont devenues des acteurs indispensables à l’animation du marché de l’art. Elles n’assurent cependant pas de fonction d’intermédiation à proprement parler. Leur rôle principal consiste, en effet, en la gestion du flux d’œuvres d’art entre, d’un côté l’offre et de l’autre, la demande. Il existe cependant une différence significative entre les maisons d’origine anglo-saxonnes et celles émanant de l’histoire et de la tradition française. A des fins d’analyse, nous considérerons Christie’s et Phillips de Pury comme appartenant à la première catégorie, même si ces dernière ont fait l’objet d’acquisitions par des investisseurs français. Les maisons de ventes françaises : le poids du passé L’ordonnance éditée par Henri II en 1556, confirmée par celle du 2 novembre 1945, octroyait aux commissaires-priseurs français un monopole sur les ventes. La profession était alors régie suivant tout un ensemble de règles rigides que ce soit en termes d’organisation (regroupement en compagnies régionales avec principe de solidarité financière entre commissaires-priseurs), d’exercice ou de rémunération (les tarifs étaient fixés par décret ministériel, conduisant à une rente de situation qui favorisait l’immobilisme). Les maisons de ventes ne pouvaient avoir recours à des capitaux extérieurs pour se financer et le marché français était profondément atomisé (328 offices en 1997 dont 70 à Paris). Dans ce contexte, les maisons françaises étaient mal armées pour faire face à l’ouverture du marché (surtout à partir du début des années 1990 marquées par l’avènement du Marché Commun) et à l’intensification de la concurrence qui en a découlé. La loi de juillet 2000 et son décret d’application de juillet 2001 ont profondément changé la donne en instituant une libéralisation des ventes aux enchères. La loi a introduit une distinction entre les ventes volontaires, effectuées par des sociétés de ventes volontaires (SVV) et les ventes judiciaires. Nous n’insisterons pas sur ces dernières dans la mesure où les commissaires-priseurs conservent la quasi-totalité de leurs privilèges. A l’inverse, les changements sont significatifs en ce qui concerne les SVV. Tout d’abord, pour pouvoir exercer, les SVV doivent obtenir au préalable l’agrément du Conseil des Ventes Volontaires, le CVV. Cette institution, créée en 2000, est l’équivalent de l’AMF pour les marchés financiers. Le Conseil comprend onze membres qui sont nommés pour quatre ans par le garde des sceaux. Ensuite, en tant que sociétés commerciales, les SVV ont désormais accès à tout un ensemble de pratiques (publicité, appel public à l’épargne etc.) et d’instruments (garanties et avances) qui leur étaient jusque là interdits. La seule grande restriction qui reste en application concerne les opérations de rachat pour la revente. Enfin, sur le plan tarifaire, les SVV se sont arrimées sur les pratiques des maisons anglo-saxonnes, notamment en ce qui concerne les « frais acheteurs ». Ces derniers sont ainsi passés de 9% en moyenne à 15 voire 20% aujourd’hui. Mais les maisons de ventes, et le marché français d’une façon générale, restent encore largement tributaires de leur passé. Tout d’abord, le marché reste profondément atomisé. On comptait en effet 381 SVV en 2007, dont 81 pour la seule ville de Paris. Cette atomisation est d’autant plus importante qu’en 2007, Sotheby’s et Christie’s ont, à elles seules, réalisé 21% du total des ventes nationales. Ensuite, l’ouverture du marché français reste modeste. En effet, seules Christie’s et Sotheby’s ont pu exercer en France pendant les six années suivant la réforme entrée en application en 2001. Bonhams, troisième opérateur mondial, n’a pu faire son entrée sur le marché français qu’en 2007. En outre, selon le rapport 2007 du CVV sur 559 personnes habilitées à conduire les ventes, 77% étaient commissaires-priseurs avant la réforme. Outre Christie’s que nous présenterons dans le paragraphe suivant, les principales maisons françaises d’envergure internationales sont Artcurial et l’espace de ventes, unique au monde, que présente la plateforme de l’Hôtel Drouot. Artcuarial Fondée en 2001, Artcuarial était en 2007 la première SVV française avec €86M de chiffre d’affaires « art » (sans prise en compte des ventes aux enchères de chevaux), derrière Christie’s et Sotheby’s. La maison est le produit de l’union des anciennes études « Poulain-Le-Fur », Francis Briest, Francois Tajan (fils) et Jacques Tajan (père). Le regroupement de ces anciens commissaires s’est appuyé sur le groupe Dassault (la société est d’ailleurs installée dans l’Hôtel Marcel Dassault depuis 2002) et le magnat de l’immobilier monégasque, Michel Pastor. Artcurial s’est également dotée d’un mentor financier gestionnaire, Nicolas Orlowski. L’Hôtel Drouot Inauguré en 1852, l’Hôtel Drouot est une des plus anciennes institutions de ventes aux enchères du monde. Avec €500M de produits d’adjudication, la société constitue aujourd’hui une plateforme de ventes unique au monde regroupant des professionnels indépendants. Derrière l’appellation Drouot se trouvent en fait deux entités : Drouot Patrimoine, détenue par 110 commissaires-priseurs, qui chapeaute Drouot Holding. Cette dernière assure la gestion de Richelieu Drouot et des salles attenantes (Drouot Montaigne, Drouot Nord et Drouot Véhicules). Les deux entreprises ont comme président Georges Delettrez. La fin du monopole des commissaires-priseurs entrée en application le 1er janvier 2002 a fait voler en éclats la Compagnie des commissaires-priseurs qui avait régi la maison jusqu’alors. Un certain nombre de commissaires ont ainsi fait le choix de se retirer. Les 94 commissaires parisiens restants se sont regroupés et ont racheté les parts de leurs anciens collègues via un montage LBO orchestré par la BNP, pour €52M. Les maisons de ventes d’origine anglo-saxonne Les deux grandes Majors d’origine anglo-saxonne, Sotheby’s et Christie’s, se distinguent de leurs concurrents français sur deux principaux points. D’une part, elles ont très vite étendu leur réseau et leur champ d’action au niveau international. D’autre part, leurs activités ne se limitent pas à l’expertise et à la vente. Elles ont en effet développé tout un ensemble de services associés : la publication, la gestion patrimoniale, les opérations financières, etc. Ces maisons sont capables en interne de fournir une véritable expertise et d’effectuer des recherches historiques afin d’établir le pedigree des objets qui leur sont présentés. Sotheby’s et Christie’s ont une taille et un business model très similaires. Au niveau des ventes, non seulement leurs vacations sont organisées de façon quasi simultanée, mais les montants des ventes enregistrés sont historiquement comparables. Les deux maisons ont d’ailleurs une part de marché équivalente de l’ordre de 40% chacune. Finalement, les deux grandes Majors se distinguent principalement par leur orientation stratégique. Sotheby’s a en effet décidé de se concentrer exclusivement sur le haut de gamme (ventes d’objets dont la valeur de vente estimée est supérieure à $5 000). Ce choix stratégique a eu comme conséquence directe de réduire de plus de 40% le nombre de lots mis aux enchères par la maison entre 2006 et 2007. En outre, le prix moyen des objets vendus était de 20 000 euros pour Christie’s et de 32 000 euros pour Sotheby’s en 2007. Sotheby’s Créée en 1733 par Samuel Baker, Sotheby’s est la plus ancienne des deux maisons. La principale particularité de son histoire est qu’elle fut longtemps spécialisée dans les ventes aux enchères de livres. A la mort de Baker en 1778, l’affaire fut confiée à George Leigh et au neveu de Baker, John Sotheby. En 1917, la société s’installe à New Bon Street, une rue de Londres qu’elle n’a plus quittée depuis. A partir de cette date, s’ouvre la période prospère des années 20 au cours de laquelle les ventes aux enchères de peintures et d’œuvres d’art prennent une place croissante dans son activité. C’est en effet une époque qui marque la fin de la grande aristocratie britannique, obligée de se séparer de maisons de campagne et de leurs collections d’œuvres d’art. Dans les années 1950, Peter Wilson devient le principal dirigeant. Ce dernier a été le tout premier à véritablement comprendre et anticiper le mouvement d’internationalisation croissant que connaîtrait le marché de l’art. Ainsi, Sotheby’s ouvre un bureau à New York dès 1955 et rachète en 1964 Parke-Bernet, alors la première maison américaine de ventes aux enchères. Fort de son succès aux Etats-Unis, Sotheby’s multiplie les implantations de bureaux à l’international à la fin des années 60. Introduite pour la première fois en bourse en 1977, l’institution britannique ne sera cotée que pendant une période relativement courte. La maison est effectivement acquise par le magnat de l’immobilier, Alfred Taubman en 1983. La société sera remise sur le marché secondaire en 1988. Christie’s Plus récente que Sotheby’s, l’histoire de Christie’s reste néanmoins très ancienne elle aussi puisque la maison a été fondée en 1766 par James Christie. Contrairement à Sotheby’s, l’essentiel de son activité reposait dès l’origine sur la vente de tableaux et d’objets d’art. En 1823, la société s’installe à King Street où elle siège encore aujourd’hui. Après avoir ouvert son premier bureau à l’étranger, dans la ville de Rome, en 1958, il faudra encore attendre dix ans avant que la maison n’ouvre une toute première salle de ventes en dehors du Royaume Uni, à Genève. Christie’s s’implante à New York en 1977 soit plus de 20 ans après son grand rival, Sotheby’s. A la fin des années 80, Christie’s enregistra un record longtemps inégalé lors de la vente du Portrait du docteur Gachet de van Gogh pour 82,5 millions de dollars. La maison de ventes britannique a été acquise par l’homme d’affaires français François Pinault en 1999. Depuis 2006, Christie’s et Sotheby’s ont multiplié les opérations de croissance externe afin de renforcer leur positionnement sur les ventes privées. Au mois de juin 2006, Robert Noortman, un des plus grands marchands de tableaux anciens au monde et un des fondateurs de la Foire de Maastricht, annonçait la vente de sa société à Sotheby’s. Quelques jours plus tôt, Christie’s dévoilait le rachat de Haunch of Venison, une galerie anglaise spécialiste de l’art contemporain. Peu à peu les auctioneers sortent de leur domaine de compétences historiques. Cette évolution paraît assez naturelle dans la mesure où ce sont les transactions privées qui sont le plus génératrices de revenus, les frais d’organisation étant bien moindres. En outre, certains clients apprécient à la fois la discrétion et la plus grande souplesse de transaction et de calendrier. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que les ventes record aient été réalisées via des transactions privées. Ce fut notamment le cas du Portrait d’Adèle Bauer I adjugé à $135M en juin 2006, ou de la toile N°5 de Pollock vendue à $140M en novembre 2006 et de Woman III de Willem de Kooning pour $137,5M en novembre 2006. Une autre évolution récente du métier de ces maisons concerne la possession de tableaux en propre. Sotheby’s a par exemple acheté à Saatchi des tableaux de Peter Doig en 2006 pour les revendre quelques mois plus tard. Ce faisant, la maison supporte un risque opérationnel fort. Il est certain que cette pratique ne peut être envisagée qu’en phase haussière de cycle. En 2009, il y a fort à parier que les auctioneers fassent moins de paris en ce sens. En outre, cette pratique pose véritablement un problème de conflit d’intérêts, la maison se retrouvant dans une position où elle est à la fois juge et partie. Cette confusion des rôles est d’autant plus ambiguë que ces grandes institutions de ventes ont des moyens de marketing et de communication considérables. La véritable force de ces dernières réside dans leur capacité et leur savoir-faire en terme d’évènementiel. La force de leur marque et de leur réseau, la qualité de leur personnel et leurs moyens financiers leur confèrent la possibilité d’organiser de « mini évènements historiques » autour des ventes. Nous verrons par la suite que cette politique « d’historicisation » peut avoir un impact considérable sur la valeur des œuvres et ce notamment en ce qui concerne l’art contemporain. Phillips de Pury & Company Harry de Phillips, ancien assistant de James Christies, crée sa maison de ventes en 1796. Parmi ses clients les plus prestigieux, on comptait Marie-Antoinette ou encore Napoléon Bonaparte. La maison fut rachetée en 1999 par Bernard Arnault. L’idée de l’homme d’affaires français était alors de faire émerger un nouvel acteur dominant en fusionnant l’entité acquise à la maison de ventes Tajan en association avec le courtier de Pury. Mais ce projet échoue. Arnault vend alors Tajan à la femme d’affaires Rodica Sedward puis de Phillip’s à la maison de ventes Bonhams. Cette dernière avait d’ailleurs racheté en 2001 les opérations britanniques de Phillips. Le 6 octobre 2008, Phillips de Pury & Company est racheté par l’entité russe Mercury Group pour environ $60M. L’artiste La place de l’artiste sur le marché de l’art a connu une profonde transformation au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est en effet à cette époque que l’artiste s’est peu à peu émancipé afin de revendiquer sa propre existence, en-dehors des grandes institutions qui régulaient le marché et déterminaient la valeur d’un objet d’art. Un certain nombre d’évènements vont alors se créer autour de cette revendication : le « Salon des refusés » en 1863, la toute première exposition des Impressionnistes dans l’atelier de Nadar à Paris en 1874 et le Salon des indépendants en 1884. Cette révolution va avoir comme conséquence directe l’augmentation du nombre d’artistes. Dans La vie de l’artiste au XIXe siècle, Anne Martin-Fugier souligne cette évolution : si en 1800 nous comptions 250 artistes, ils seront 700 en 1850, 4000 en 1914 et 30 379 au 31 décembre 2007. Certains analystes ont relevé le fait que cette inflation numérique pourrait entamer une baisse de la qualité intrinsèque des œuvres. A cette crainte, Samuel Keller, directeur de la fondation Beyeler et ancien responsable de la Foire de Bâle répond en affirmant que « Auparavant, sur les 1 000 artistes dans le monde, il n’y avait peut être que 10 de bons. Aujourd’hui, il doit y en avoir 10 000, dont 100 de bons… » D’une certaine façon, on peut souligner le fait que l’émancipation des artistes face aux institutions régissant le marché de l’art continue encore aujourd’hui. L’artiste britannique Damien Hirst a par exemple organisé directement une vente aux enchères avec Sotheby’s les 15 et 16 septembre 2008 en passant outre son réseau traditionnel de galeristes. Si certains artistes n’hésitent pas à revendiquer ouvertement leur vocation et leur ambition de vendre un maximum d’œuvres au plus offrant, à l’instar de Andy Warhol, Jeff Koons ou encore Damien Hirst, la grande majorité des artistes entretient une relation ambiguë avec le marché. C’est d’ailleurs ce que souligne Xavier Greffe dans Artistes et marchés : « Là où le marché devrait servir de levier de promotion, il est souvent vécu comme une fatalité. » La plupart d’entres eux vont donc déléguer à un ou plusieurs galeristes le soin de gérer cette relation avec le marché. Les galeries et marchands d’art Si les galeries d’art ont pris véritablement de l’importance à l’issue de la seconde guerre mondiale, leur rôle et leur poids sur le marché n’ont cessé de progresser avec l’avènement de l’art contemporain. Fin 2005, la France comptait en effet 758 galeries, avec un chiffre d’affaires supérieur à 76 000 euros, parmi lesquelles 58% étaient consacrées à l’art contemporain, selon le Comité professionnel des galeries d’art (CPGA). Dans notre entretien avec le galeriste parisien Roy Sfeir, ce dernier nous a décrit son rôle de la façon suivante : « Le galeriste est avant tout un intermédiaire entre les artistes d’un côté et les acheteurs de l’autre. Son rôle consiste donc à aller à la découverte et à la rencontre d’artistes. Une fois le contacte nouer, le galeriste va accompagner et conseiller l’artiste dans son travail. Il va lui permettre de prendre du recul à la fois par rapport à son travail mais également par rapport aux attentes du marché. Enfin, le galeriste prend en charge la « commercialisation » de l’artiste. Cette dernière passe avant tout par un effort de communication et de pédagogie via l’organisation d’expositions et la publication d’articles dans l’une des cinq ou six grandes revues d’art de Paris. » Il existe deux grands modes de relation « professionnelle » entre le galeriste et l’artiste. La première consiste pour le galeriste à verser un salaire à des artistes en échange de quoi ces derniers s’engagent à fournir un certain nombre d’œuvres. C’est en particulier ce qu’entreprit le poète et marchand « en chambre » d’origine polonais Léopold Zborowski avec Amadeo Modigliani (1884-1920) : il lui proposa un salaire de 500Frs par mois en échange de cinq tableaux. La seconde consiste à mettre en place un système de dépôt-vente au travers duquel une commission est prélevée lorsqu’une vente intervient. Selon Roy Sfeir, le système de dépôt-vente serait largement plus répandu. Le montant de la commission fait l’objet d’une négociation directe avec l’artiste. L’intérêt du galeriste consiste donc à se constituer un « stock d’artistes » dont la valeur de marché va croître au fur et à mesure de leur exposition médiatique. A cet effet, le galeriste dispose d’un certain nombre de moyens marketing, comme le vernissage, la participation à des foires et la présentation à des magazines d’art. Ces derniers permettent de diffuser de l’information qui, au cours du temps, doit contribuer à cristalliser la notoriété de l’artiste. Une fois établie, la reconnaissance dont bénéficie l’artiste permet au galeriste d’amortir les investissements de promotion engagés. C’est en ce sens que, selon Moureau et Sagot-Duvauroux, le métier de galeriste glisserait petit à petit vers un métier de producteur. La méthode de travail est en effet de plus en plus fondée sur la collaboration. A ce propos, Roy Sfeir ne nous a pas caché que le galeriste cherchait clairement à avoir une influence sur le travail de création de l’artiste qu’il soutient. Pour le marché, le nom d’une galerie est souvent associé à un label, garant d’une certaine forme de goût et de qualité. Gargosian est très certainement la « marque » la plus connue sur le plan international. Il est intéressant de noter que chaque grande ville a en quelque sorte sa marque leader qui lui est associée à l’instar de Hauser&Wirth à Londres ou de Emmanuel Perrotin à Paris. Pour prendre un exemple concret de « promotion réussie » d’un artiste, Roy Sfeir nous a décrit sa rencontre et sa relation avec le peintre François Bard. Ce dernier, né en 1959 et diplômé des Beaux-Arts en 1980, a rencontré monsieur Sfeir il y a douze ans (en 1997), par hasard, lors d’une exposition en banlieue parisienne. Peintre d’abord très abstrait, Bard va peu à peu se tourner vers l’action painting. Les thèmes qu’il aborde sont concrets, mais selon Roy Sfeir, « il instaure un véritable corps à corps avec la peinture ». Peu connu à la fin des années 1990, François Bard a vendu 2 toiles aux enchères pour €9 000 et €10 000 : Bulldog (2004) au Royaume-Uni en octobre 2008 et Garde (2002) en France en juin 2008. Figure 12 : Bulldog (2004), François BardFigure 11 : Garde (2002), François Bard3967480119380443230157480De leur côté, les marchands d’art sont des vendeurs spécialisés qui proposent des objets répondant à des critères stricts de qualité. En ce sens, ils se distinguent des brocanteurs et des antiquaires. La fonction de marchand-expert se développe de plus en plus. Ce dernier, en plus d’agir en qualité d’intermédiaire commercial, a la capacité de mener de véritables investigations sur les œuvres afin de certifier leur authenticité. Cette tendance est d’autant plus marquée que la fonction d’expert n’a pas de statut juridique propre. Le point commun entre galeristes et marchands d’art est qu’ils réalisent quasi exclusivement des transactions de gré à gré. Ils ne peuvent cependant se désintéresser des ventes publiques. En effet, le marché des enchères constitue une source d’approvisionnement importante. En outre, dans le cas où un artiste promu et soutenu par un galeriste ou un marchand ferait l’objet d’une transaction publique, ce dernier pourrait être tenté d’intervenir directement pour soutenir sa cote dans la mesure où elle pourrait ensuite servir de benchmark financier aux autres œuvres de l’artiste. Dans un article de Art Newspaper, intitulé « Incestuous business », Melanie Gerlis s’inquiétait du « nombre croissant de galeries achetant aux enchères des œuvres de leurs propres artistes ». Quelques grands galeristes étaient cités comme Larry Gagosian. « S’il n’est pas nouveau que des galeries achètent aux enchères des œuvres de leurs propres artistes […] cette pratique a semblé dominer l’activité des salles de ventes durant la dernière saison ». Pour conclure, elle ajoute que : « Avec autant d’enchères et d’achats de leurs propres artistes, la demande réelle pour l’art contemporain reste une donnée inconnue. » Les collectionneurs Au cours de l’histoire, les grands collectionneurs ont avant tout assuré un rôle de soutien à la création artistique. Ce fut par exemple le cas du Docteur Gachet qui fut certes le médecin d’un grand nombre d’impressionnistes, dont Paul Cézanne (1839-1906) et Vincent van Gogh (1853-1890), mais avant tout, le premier de leur collectionneur. Aujourd’hui, si certains grands collectionneurs continuent à soutenir la production d’artistes, ils constituent avant tout de puissants animateurs de marché. Sotheby’s met en particulier en avant quatre grands motifs susceptibles de pousser les collectionneurs à se séparer de leurs biens. Il s’agit de la règle des « 4D’s » : Death, Divorce, Debt et Discretion (changement de goût ou présence d’une opportunité sur le marché). La vente de la collection Bergé-Yves Saint Laurent, au mois de février 2009 à Paris, s’inscrivait dans cette règle des « 4D’s ». A l’occasion de cette dernière, Pierre Bergé déclarait « It’s the funeral of my collection. Everyone would like to attend their own funeral, but it’s impossible. This is the closest thing. » La décision de vendre, de la part d’un collectionneur, va avoir un impact direct sur le marché d’un point de vue quantitatif (mise sur le marché d’objets d’art), l’influence d’une décision d’achat va avoir une influence plus qualitative en impactant la formation des goûts, l’orientation des modes et voire même la « légitimation » des créations artistiques dans l’art contemporain. A cet égard, on peut citer l’exemple de l’ancien publicitaire Charles Saatchi qui a investi sur de jeunes artistes au début des années 1980 (comme Damien Hirst) assurant par la suite leur promotion. A partir de 1995, les artistes qui se distinguent lors du Tuner Price, organisé par la Tate Gallery, font parti du groupe des « Young British Artists » (nom d’une exposition organisée en 1992 et consacrée à la nouvelle mouvance), lancé par Saatchi. Finalement, on peut aller jusqu’à dire que tout artiste ou toute œuvre qui porte aujourd’hui la signature Saatchi est vendable sur le marché. De la même façon, le nom de François Pinault est également fortement associé à l’art. La stratégie adoptée par ce dernier est certes moins agressive mais depuis le dévoilement de sa collection d’art contemporain, longtemps gardée secrète, et l’ouverture du Palais Grassi à Venise, l’influence de l’homme d’affaires et collectionneur français est considérable. En 2007, le Wall Street Journal l’a d’ailleurs élu comme l’homme le plus influent du marché de l’art. Si le nom de grandes familles industrielles reste, aujourd’hui encore, associé au marché de l’art, à l’instar de Ronald Lauder, cohéritier de l’empire cosmétique qui porte le nom de sa mère, Estée Lauder, la percée de richissimes financiers constitue un phénomène relativement récent. La figure la plus emblématique de ce mouvement est la star américaine des hedge funds, Steve Cohen, président de SAC Capital Advisors et baptisé par Business Week le « trader le plus puissant de Wall Street ». Homme discret, la plupart de ses transactions ont été réalisées au cours de ventes privées. Dans la lignée de Cohen, toute une foule de gestionnaires de fonds s’est lancée dans l’achat d’art, comme David Ganek. Les intermédiaires Les courtiers L’activité de courtage est la moins connue du marché de l’art. Il est d’ailleurs difficile d’obtenir des informations concernant sa pratique. En effet, il s’agit d’un métier dont la caractéristique principale est la confidentialité. Le courtier travaille pour le compte de clients privés. Il est alors « mandaté » d’une mission qui peut aller de la collecte à la diffusion d’informations en passant par la sélection d’œuvres. La qualité de sa prestation est avant tout liée à la qualité et à la profondeur de son réseau. Le critique d’art Le critique d’art a comme rôle d’orienter et d’aiguiller le goût du public. Son influence a augmenté de façon considérable suite à la fin du carcan académiste au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Avec l’émergence de l’art moderne puis de l’art contemporain, le critique doit endosser le rôle de « découvreur » de nouveaux talents, de nouvelles tendances et doit faire œuvre de pédagogie pour aider le public à décrypter l’œuvre. L’organisation en réseau du marché de l’art contemporain a conduit à une professionnalisation du métier de critique. Ce dernier a en effet pris une place centrale : l’Histoire n’ayant pas encore effectué son « tri » naturel, le marché va en quelque sorte lui léguer le pouvoir d’apposer le sceau de la qualité sur les œuvres créées. Ce qui est surprenant lorsque l’on regarde l’histoire du marché de l’art est de constater à quel point les critiques d’art ont pu faire preuve de cécité quant à l’émergence de nouveaux courants artistiques. Par exemple, peu après la toute première exposition des Impressionnistes dans l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris (15 avril 1874), le critique d’art du Figaro, Albert Wolf écrivait qu’il s’agissait d’un « travail comparable à celui d’un chat se promenant sur le clavier d’un piano ou d’un singe qui se serait emparé d’une boîte de couleur. » Il en sera de même pour Amadeo Modigliani (1884-1920) dont la toute première exposition à Paris en décembre 1917 fera scandale : le peintre a en effet bravé les tabous de l’époque en exposant « un nu ». Enfin, Marcel Duchamp (1887-1968) connaîtra également un accueil plus que mitigé pour ses œuvres « ready made », alors même que ces dernières influenceront grandement Andy Warhol quelques années plus tard. Nous verrons un peu plus loin qu’en termes de stratégie d’investissement, nous pourrons tirer une conclusion à partir de ces enseignements. L’expert La fonction d’expertise n’ayant pas d’existence juridique propre, l’expert est avant tout un professionnel du savoir. Il est sollicité pour valider la valeur économique d’un objet que ce soit dans le cadre d’instances judiciaires ou administratives. La plupart des personnes se revendiquant comme experts exerce en parallèle une autre activité (marchand, négociant, commissaire-priseur). Cette double fonction est à la fois l’expression d’une nécessité professionnelle (compléter son savoir par la pratique) et d’une obligation économique. Effectivement, dans la grande majorité des cas, les revenus de l’expertise sont insuffisants pour assurer le fonctionnement d’un cabinet spécialisé. Cette situation pose cependant un risque de conflit d’intérêts. Il y a en effet une certaine forme de contradiction entre d’un côté la fonction d’expertise, indispensable au bon fonctionnement du marché (accès à l’information, confiance…) et de l’autre un vide juridique complet en ce qui concerne l’encadrement de l’exercice de cette profession. Pour conclure ce paragraphe dédié aux intermédiaires sur le marché de l’art, on peut relever un propos tenu par Alain Quemin et Raymonde Moulin dans un article consacré à la certification de la valeur de l’art. Dans ce dernier, ils affirment que, en ce qui concerne l’art contemporain,  l’expert n’a pas à résoudre des « problèmes d’attribution », mais plutôt de validation, c’est-à-dire d’admission des œuvres considérées dans le champ clos des valeurs artistiques. L’Etat Les rapports entre l'Etat et l'art sont enracinés dans l'Histoire. En effet, le roi affiche sa vocation de collectionneur dès la fin du XVIe siècle. D’une certaine façon, en sa personne, il se porte garant de la préservation et de la sauvegarde des biens culturels nationaux. La Révolution Française et l’apparition des premiers musées (création du Louvres en 1793, par exemple) qui s’ensuit va, d’une certaine façon, poursuivre cette tradition royale : les œuvres entrées dans les musées y sont de façon durable. Avec l’avènement de la République, l’accès aux œuvres va devenir un véritable enjeu. Cette volonté de « démocratiser » l’art sera d’ailleurs institutionnalisée avec la création du Ministère de la Culture par le Générale de Gaulle qui en confie la responsabilité à André Malraux. Le décret du 26 juillet 1959 stipule que ce ministère doit « rendre la culture accessible à tous et favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit. » En ce qui concerne les ventes d’objets d’art, l’Etat peut soit prendre part de façon tout à fait classique au processus d’enchères soit exercer son droit de préemption (loi de finance du 31 décembre 1921). Ce droit donne à l’Etat la faculté légale de se substituer au dernier renchérisseur au prix d’adjudication. L’agent, chargé de représenter l’administration, devra alors prononcer, à haute voix, la formule rituelle consacrée : « Sous réserve de l’exercice du droit de préemption de l’Etat. » La validité de la préemption est ensuite soumise à confirmation dans un délai de quinze jours. D’une façon générale, ni les commissaires-priseurs ni les acheteurs n’apprécient l’exercice de ce droit. En effet, outre le risque de décourager, voire de frustrer, certains acheteurs (notamment lorsque ces derniers sont étrangers et ont effectué le déplacement spécialement), l’anticipation du recours à préemption peut aussi fausser le jeu des enchères. Au cours de la vente Bergé-Yves Saint-Laurent ($484M de revenus), l’Etat a exercé son droit de préemption à plusieurs reprises, notamment pour des peintures d’Edouard Vuillard. A l’issue des trois jours de ventes, Alfred Pacquement, directeur du Centre Pompidou déclarait : “We would have liked to acquire many of the works in the sale, but we had to make a choice. De Chirico is an important artist not well presented in our collection. “Il Ritornante” is a painting with a magical atmosphere; it used to belong to Jacques Doucet who also awned Picasso’s “Demoiselles D’Avignon”, which we lost to MoMa.” Au total, le Gouvernement français a déboursé $12,8M. Par ailleurs, Pierre Bergé a fait don au Louvre du Portrait de Don Luis Maria de Cistué de Goya (1791) et, au Musée d’Orsay, d’une tapisserie de Sir Edward Coley Burne-Jones. Outre son rôle d’acheteur, l’Etat agit également en tant que régulateur et « promoteur » du marché de l’art national. Depuis le début des années 1980, les pouvoirs publics interviennent via trois grands leviers d’action : Le premier consiste en la création de fonds consacrés à l’acquisition d’œuvres, notamment le Fonds national d'art contemporain (FNAC) en 1981 et les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et d'acquisition des musées (FRAM) en 1982. En outre, l’année 2008 a été marquée par le lancement de fonds de dotation visant à renforcer le capital disponible des grands musées nationaux pour l’achat d’objets d’art. Le deuxième levier vise à soutenir les collectionneurs privés : les lois de 1987 et 1990 ont reconnu de façon officielle le mécénat et rehaussé les avantages fiscaux qui y sont associés. Ce dispositif législatif a été renforcé plus récemment par la loi du 1er août 2003 qui, en doublant les déductions fiscales consenties aux donateurs, fait de la France le pays le plus attractif d’Europe dans ce domaine. Le 31 décembre 1968 a été instituée la dation en paiement sous l’impulsion d’André Malraux. Cette mesure de paiement de l’impôt par les œuvres d’art a permis en 40 ans de faire entrer plus de 10 000 œuvres au patrimoine national pour une valeur de €809M. Nous pouvons citer quelques toiles comme L’origine du monde de Gustave Courbet ou encore Jeune femme au chapeau rouge de Picasso. Figure 13 : Matisse, La Danse (1909-1910), devenu patrimoine national par dation Les œuvres proposées en dation doivent être de haute valeur artistique, chose qui est évaluée par une commission étatique spécifique. Initialement prévue pour aider les héritiers à s’acquitter des droits de succession, la dation a été étendue aux cas de donation-partage, de donation entre vifs ou d’acquittement de l’ISF. Enfin, le troisième et dernier principal levier consiste à agir pour améliorer de la compétitivité du marché français (réforme de 2000 visant à une libéralisation de l’exercice de la fonction de commissaire-priseur). Dans ce domaine, d’autres modifications réglementaires sont envisagées afin de réduire les coûts de transaction comme la réduction, voire la suppression, du droit de suite et du régime de TVA applicable aux œuvres d'art lorsque ces dernières sont importées à partir d’un pays tiers à l'UE. Le mécénat et les fondations d’entreprise La loi du 1er août 2003 a largement contribué à étendre la pratique du mécénat. Le levier fiscal reste la principale motivation pour les opérateurs privés. En effet, pour les particuliers, la déduction peut atteindre jusqu’à 66% du don de l'impôt sur le revenu dans la limite de 20% du revenu imposable. Les entreprises peuvent bénéficier d’une déduction de 60% du don effectué en numéraire, en nature ou sous forme d'heures de travail, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires hors taxe. Pour autant, en ce qui concerne les entreprises, même si le volet fiscal est significatif, d’autres considérations sont à prendre en compte comme l’image du dirigeant, au travers de ses goûts artistiques, ou encore, des préoccupations plus « opérationnelles » comme le marketing. A cet égard, Rolex a par exemple travaillé avec le peintre Matthias Weischer dans une opération de communication baptisée « Mentor et protégé » en 2004 et 2005. Une initiative allant encore plus loin a été expérimentée par le cabinet de conseil Eurogroup. Ce dernier a en effet invité le peintre Renaud Auguste-Dormeuil à s’installer dans ses locaux pendant quatre mois. L’artiste vivait et suivait les consultants dans leur travail et leur quotidien avec une totale liberté de mouvement. L’objectif d’Eurogroup était véritablement d’utiliser ce levier du mécénat à des fins managériales. Francis Rousseau, PDG du cabinet déclarait : « Cela n’a rien à voir avec du marketing. Certain de nos collaborateurs sont d’ailleurs contre cette initiative. Mais qu’importe, au moins il y a confrontation. Nous sommes dans un métier de relationnel. Le fait de pouvoir accepter d’être dérangé, c’est très positif pour des consultants qui vont eux-mêmes déranger leur client. » Le but de la présence de l’artiste était de déranger, d’interpeller et de questionner les consultants dans leur travail et dans leur relation à l’autre. Dans une publication des Cahiers Français dédiée aux politiques culturelles, Sabine Rozier met en avant les chiffres suivants pour rendre compte du succès rencontré par les actions de mécénat. Tout d’abord, selon le communiqué de presse de l'Observatoire de la Fondation de France du 17 mars 2006, les entreprises auraient créée cinq fois plus de fondations en 2005 qu'en 2003. Ensuite, selon la Fondation de France et Admical, le mécénat culturel allant directement dans les arts et la culture aurait pesé environ €1Md en 2008 soit plus du tiers du budget du ministère de la culture pour cette même année. Conclusion Le marché de l’art nous apparaît donc comme complexe. Cette complexité est essentiellement la résultante de données structurelles. Tout d’abord, le marché est animé par un nombre d’acteurs importants, qui entretiennent entre eux des relations à la fois denses et floues. Ensuite, ce sentiment de complexité est renforcé par le manque de transparence. Certes, Internet et la percée de nouveaux acteurs, tels que Artprice ou Artnet, ont contribué à changer la donne. Mais ce ne sont là que des prémisses, tant la tâche est lourde à mener. Dans une approche financière de l’art, ces deux composantes structurelles vont avoir, pour la suite de notre travail, des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne le processus de valorisation, dont nous traiterons dans la partie qui suit. Autres enseignements que nous pouvons tirer de cette première partie : la cyclicité du marché de l’art. Les revenus générés par les ventes aux enchères sont, en effet, corrélés à l’évolution du contexte économique globale. Deux éléments méritent cependant ici d’être soulignés. Tout d’abord, le retournement du marché de l’art intervient avec un léger décalage par rapport aux indices boursiers (de l’ordre de six mois en moyenne). Cette distance temporelle résulte directement de la faiblesse relative de la liquidité des objets d’art. Ensuite, la cyclicité constatée sur les revenus des ventes aux enchères apparaît comme étant plus longue que celle qui prévaut sur les marchés financiers. De façon empirique, on constate qu’un retournement intervient, en moyenne, tous les dix ans sur le marché de l’art. En d’autres termes, la volatilité y est moindre. Nous verrons, dans la Partie III, que cet aspect n’est pas sans conséquence en termes de gestion d’actifs. Enfin, la troisième et dernière conclusion que nous pouvons tirer de cette présentation analytique du marché de l’art, a trait aux liens qui unissent la finance et l’art. Il y a, en effet, un lien de corrélation très fort entre, d’un côté, la « géographie de la finance », et de l’autre, la « géographie de l’art ». Il s’agit certes d’un processus constant au travers de l’histoire de l’art, mais ce phénomène s’est accéléré, et a connu une évolution sans précédente, au cours de ces dernières années, avec la montée en puissance de pays émergents. Ce caractère structurellement dynamique du marché de l’art revêt ici toute son importance dans la mesure où, comme nous l’avons souligné, la consommation d’art reste avant tout un « acte national ». D’un point de vue financier, il est apparaît donc intéressant d’être en mesure d’anticiper l’espace géographique qui sera, à moyen terme, générateur de richesses et de liquidités, afin d’arbitrer au mieux l’allocation de ses investissements en art. Partie II : Valeur et prix d’une œuvre d’art « Il est impossible d’évaluer des objets tels que les tableaux de maître ou les monnaies rares, puisqu’ils sont uniques dans leur genre […]. Le prix d’équilibre des ventes (de ces objets) relève beaucoup du hasard ; toutefois, un esprit curieux pourrait retirer quelque satisfaction d’une minutieuse étude du phénomène. » Alfred Marshall, Principles of Economics, 1891 Figure SEQ Figure Arabic 14 : Campbell Soup Can (1962), Andy Warhol Introduction Avant d’appréhender l’objet d’art en tant que véhicule d’investissement, il convient de se pencher sur les notions de valeur et de prix. La problématique soulevée par cette deuxième partie est double : Quels sont les déterminants de la valeur et du prix d’un objet d’art, et comment s’articulent entres elles ces deux notions ? Pour les produits financiers « classiques », des outils théoriques existent pour apporter une réponse concrète et chiffrée à ces deux questions. Or, sur le marché de l’art, le vide théorique est patent. Cette absence d’outils complexifie l’appréhension de ces deux notions, pourtant clefs et indispensables à toute approche financière. Le marché de l’art a cependant fait l’objet d’études théoriques depuis plusieurs dizaines d’années, mais la complexité du marché et de l’objet considéré résiste à toute approche théorique. Si, à première vue, les mécanismes d’ajustement de l’offre et de la demande sur les marchés secondaires de la finance et de l’art sont comparables, ce rapprochement atteint vite ses limites. En effet, l’objet d’art ne délivrant pas, en soi, de cash flow (à moins d’intégrer des revenus de visionnement), la Théorie générale de la valeur de J-B Say ne peut y être appliquée. Cette première impasse théorique suggère donc que l’œuvre d’art n’aurait pas, à long terme, de prix d’équilibre. La seconde limite à l’application de modèles théoriques réside dans les caractéristiques propres au marché de l’art. En effet, les postulats de concurrence pure et parfaite ne tiennent pas sur ce dernier. Comme le soulignait déjà Baumol en 1986, les titres sont non homogènes, le détenteur d’une œuvre est en position de monopole et les transactions ont lieu de façon ponctuelle dans le temps. Autant de constats empiriques qui tranchent avec les conditions de réalisation d’une stru