"en quoi le numérique amplifie, modifie ou déplace l'horizon et les pratiques de lecture. » La première évidence c’est que le numérique OUTILLE La lecture. Et que cet outillage a un prix. Peut-être le prix de notre liberté.
En tout cas le prix d’un affrontement.
Citer Eben Moglen , "Nous étions des consommateurs de médias, mais maintenant, les médias nous consomment. Les objets que nous lisons nous lisent pendant que nous les lisons ; les choses que nous écoutons nous écoutent pendant que nous les écoutons ; les choses que nous regardons nous regardent pendant que nous les regardons.", que la confidentialité de la lecture est comme jamais menacée. Immense bouleversement Comment s’y prennent-ils ?
Les DRM on toujours existé. Aujourd’hui ce sont des machins informatiques « digital Rights management » Concrètement ils déplacent le droit de lire du lecteur en un « Droit de regard des managers / machines » Le DRM c’est l’acceptation d’un Droit de Regard de la Machine
Droit de copier, droit de partager, droit d’imprimer, droit de prêter, droit de faire lecture à d’autres à haute voix (synthèse vocale) Ces droits fondamentaux sont tous devenus des Douanes, des droits à péage Qui s’ajoutent au prix du livre
Le droit de copier à lui seul est bousculé comme jamais. La question si marginale et – illégitime dans la manière dont elle est présentée – du PIRATAGE écrase Toujours celle pourtant si essentielle du PARTAGE Quel avenir de la lecture sans avenir pour la COPIE ? Se souvenir que Gutenberg n’a pas industrialisé les auto-da-fe mais les COPIES
Mais se passe aussi de belles choses liées à bouleversement aussi important Que passage du rouleau – volumen – au codex
Bouleversement qui comme jamais auparavant Nous amène au CŒUR des textes
De TOUS les textes De TOUT CE QUI fait texte Une lecture renouvellée de tout ce qui fait SENS Parfois jusqu’à saturation, jusqu’à la nausée, souvent jusqu’au VERTIGE Jusqu’au vertige de rencontres que l’on n’aurait jamais cru possibles
Il se passe encore de belle choses dans ces lectures numériques Dans ces enluminiures inversées ou l’image ne décore plus le texte …
… Mais ou le texte, LES textes, NOS textes viennent enluminer l’image
De belle choses souvent invisibles quand d’autres, en amont, font le travail Sans lequel aucune lecture n’est possible. Ajout du blanc entre les mots. Ajout du code entre les mots. Magnifique enluminure du code
Il y a la question de la page. Notre capacité à lire, à faire lecture, à donner lecture sans Jamais se raccrocher au filet de la page. Car le web comme les livres numériques ne comportent aucune page On a longtemps cru que le « PageRank » permettait de classer les pages. C’est une erreur. Il ne classe pas les pages. Il classe les gens. Ceux qui publient. Il désigne le rang qu’occupe un individu (Larry Page) qui publie.
L’unité de publication sur le web c’est moi. « D’après moi » (comme disait Flaubert à propos de Madame Bovary)
Ce qu’il faut accepter c’est que dans l’anthropologie du web L’espace primitif, l’espace « premier » de la lecture c’est celui De « l’infinite scrolling », du défilement infini. Soit exactement l’inverse de ce que propose la page depuis l’invention du codex
D’autant que la page, c’est à dire l’unité visible, est un espace de déploiement, un espace d’appel, qui pour exister comme page doit charger d’autres pages qui sont en fait des flux, Doit convoquer des API, exécuter des programmes, Doit laisser des marges en permanence ouvertes, des marges qui sont elles-mêmes autant de pages
D’autant qu’au défilement infini dans l’espace, Fait écho le défilement infini dans le temps. Alors oui. Bien sûr. Le numérique est un nouvel espace-temps de la lecture
Lire sur le web, lire « en numérique » c’est d’abord entrer dans une gare de triage Dans certaines gares on aura toujours besoins de contrôleurs en tout cas si l’on veut éviter certains surgissements inopportuns
Blague à part, la question du triage (dans l’espace) Et de la synchronisation (dans le temps) est déjà LE grand enjeu de la lecture numérique
Comme l’est de savoir ce qui dans la lecture, Restera un espace ouvert à l’écriture. A une écriture comme, là encore, un possible surgissement, celui du clavier par exemple, aujourd’hui toujours possible Alors qu’en apparence tout concourt pourtant à son inexorable effacement