1. Goulag 1
Goulag
Le Goulag (acronyme venant du russe : Главное управление лагерей, Glavnoïe oupravlenie laguereï, « Direction
principale des camps (de travail) ») était l’organisme gérant les camps de travail forcé en Union soviétique.
Souvent, on peut entendre parler de goulag en tant que camp (plus spécifiquement Camp correctionnel de travail,
en russe : Исправительно-трудовой лагерь). Il s'agit d'un abus de langage, l'appellation d'un tel camp étant « camp
du Goulag ».
Considérés comme caractéristiques de l’exercice du pouvoir par le régime soviétique, les camps de travail du Goulag
ont accueilli en nombre des victimes du système totalitaire installé[1] , des criminels, des dissidents ou des opposants
de toutes sortes — jusqu’en 1953 [2] . Un grand nombre de camps se trouvaient dans les régions arctiques et
subarctiques, comme les camps célèbres de l’Oural septentrional : Vorkouta et le réseau du bassin de la Petchora, les
îles Solovetski en mer Blanche, et un grand nombre en Sibérie (notamment ceux de la Kolyma).
Au total, probablement 10 à 18 millions de personnes passèrent par les camps du Goulag[3] ,[4] et plusieurs autres
millions furent exilées ou déportées dans d'autres régions de l'Union soviétique[5] ,[6] .
Histoire
Sources et historiographie
Accès à la documentation
La recherche historique fut pendant
longtemps entravée tant par le régime
soviétique : effacement des preuves des
crimes, propagande intérieure et à
destination de l’Occident[7] , que par des
auteurs occidentaux partisans de l'Union
Soviétique, tels Pierre Daix en France[8] .
Censure et terreur ont rendu problématique Scène de travail d’un camp du goulag, en 1936-1937.
le traitement des documents historiques. Il
fallut attendre la Glasnost pour que les informations sur le Goulag se multiplient en Union soviétique. Avec
l’ouverture de la Russie, les archives ne sont plus secrètes et les universitaires peuvent travailler plus librement sur
les comptes et les rapports du Goulag.
Durant cette période, les historiens font appel aux témoignages des survivants pour reconstituer la vie dans les
Goulags. La parution de L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne a marqué un tournant pour l'étude de ce
sujet, parce que
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l'auteur ne s'est pas contenté de
collectionner les témoignages, mais a mis en
regard de chaque description les textes
officiels soviétiques justifiant la mise en
place, le développement et la diversification
des camps, de sorte que les négationnistes
habituels se trouvèrent dans l'impossibilité
de traiter son ouvrage de pure calomnie, et
durent se contenter de relativiser, voire de
tenter de légitimer le Goulag.
Gardiens et prisonniers d’un camp du goulag, en 1936-1937.
L’intérêt du sujet
Même si le terme « goulag » est peu employé avant la parution de L’Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne en
1973, des témoignages et études sur les camps de travail forcé en URSS apparaissent dès la fin des années 1920[9] ,
puis au cours des années 1930, 1940 et 1950[10] . Ce travail est souvent le fait de militants occidentaux peu
nombreux, socialistes ou trotskistes, en tout cas anti-staliniens, et parfois en lien avec des dissidents russes.
Parallèlement, les anti-communistes aussi cherchent à démontrer l'existence du système concentrationnaire
soviétique, mais pour tenter de délégitimer les utopies en général et le communisme en particulier comme « utopie
sanglante »[11] .
Malgré ces travaux, jusque dans les années 1960, en Occident, les témoignages sur les exactions du régime
soviétique ne sont souvent pas crus, alors qu'ils étaient fondés, et surtout ces témoignages ne touchent pas réellement
le grand public: la puissance de l'appareil de communication philo-soviétique, via des intellectuels de renom, des
universitaires, des maisons d'édition et des journaux, est bien trop grande. À la télévision naissante, lorsque des
débats sur le sujet sont organisés, les journalistes invitent toujours des « pour » et des « contre », de sorte que le
public reste dubitatif.
En 1967 paraît le témoignage d’Evguénia Guinzbourg. Mais, c’est dans les années 1970 avec Alexandre Soljenitsyne
que le sujet atteint vraiment le grand public, et c'est avec la glasnost dans les années 1980 que l’étude se systématise.
Si la littérature soviétique n'a pu approcher que clandestinement le sujet jusqu'à la perestroïka, hors d'URSS aussi, la
littérature a peu abordé le sujet (citons par exemple le roman de Martin Amis, Koba the Dread (2002). En URSS,
circulant sous le manteau, sous la forme de samizdat par exemple, les textes les plus importants sont souvent à la
frontière entre le témoignage et la reconstruction fictionnelle d'événements réels et de vies détruites. Ce sont ainsi le
roman d’Alexandre Soljenitsyne Une journée d'Ivan Denissovitch, publié en 1962 par la revue Novy Mir ou les récits
de Varlam Chalamov évoquant les camps de la Kolyma ou de l'Oural : Récits de la Kolyma[12] , Vichera[13] .
Les débats historiographiques
La comparaison entre les camps nazis et les camps soviétiques a donné lieu à controverses : pour certains historiens
tels Stéphane Courtois[14] , les points communs ne manquent pas : le Goulag commençant, observé par les officiers
de la Reichswehr allemande en manoeuvre en URSS pour contourner les interdictions du Diktat de Versailles, a pu
techniquement servir de modèle aux camps de concentration allemands: même disposition intérieure des
baraquements et des camps, mêmes rythmes de travail, même utilisation économique, mêmes méthodes d'arrestation,
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d'interrogatoires et de transport des prisonniers, et une similitude idéologique dans la définition préalable d'une «
humanité nouvelle délivrée de toute aliénation bourgeoise » d'un côté, et d'un « ramassis de parasites, de nuisibles, de
corps étrangers au peuple » de l'autre[15] à ceci près qu'en Russie soviétique les discriminations contre ces « ennemis
du peuple » étaient surtout sociales, alors qu'en Allemagne nazie elles furent surtout ethniques. Dans les deux cas, les
victimes furent enfermées et déportées soit pour ce qu’ells étaient (« asociaux », Juifs, Roms, homosexuels, anciens
bourgeois, aristocrates, koulaks) soit pour ce qu'elles faisaient (dissidents, opposants, résistants, saboteurs pendant la
Seconde Guerre mondiale). Si les nazis ont, en outre, tenté d'exterminer les handicapés, le régime soviétique de son
côté a aussi déporté sur critère ethnique, voire de diplôme (les personnes instruites, les officiels et les officiers) parmi
les peuples des Pays baltes, de Pologne (massacre de Katyń), d'Ukraine, de Biélorussie, de Moldavie, de Crimée (les
Tatars) et du Caucase (entre-autres, la totalité des Ingouches et des Tchétchènes furent déportés)[16] , sous toutes
sortes de prétextes (le plus courant étant qu'ils étaient susceptibles de s'allier à l'Allemagne contre la Russie : quel
aveu d'impopularité...). Côté soviétique toujours, même s'il n'y eut rien de comparable à la Shoah, on déporta
néanmoins les Juifs du « Comité juif antifasciste »[17] en 1946 comme « ennemis du peuple »[18] .
D'après Alexandre Zinoviev, le phénomène « communaliste » a pu également jouer un rôle dans cette terrifiante
concentration de prisonniers : de nombreuses personnes ont été emprisonnées au Goulag pour des faits que l'on
pourrait qualifier d'anecdotiques, absurdes et sans intérêt, voire même sans accusation motivée, simplement parce
que les sections locales de la Tchéka-GPU-NKVD avaient un « plan d'arrestations » à tenir[19] . Cette concentration
n'est pas issue d'un programme d'extermination comme ce fut le cas pour les camps nazis, mais des discriminations
sociologiques du communisme soviétique élargies jusqu'à l'absurde avec son évolution en stalinisme. Sans
programme d'extermination initial, elle a quand même atteint environ 18 millions de victimes, dont environ 10 %
sont mortes[20] mais sur une période plus longue.
Les deux systèmes ont cherché à déshumaniser les victimes par et dans un langage[21] visant l’humiliation.
Cependant, le Goulag se démarquait des camps nazis sur plusieurs points : d’abord, le système concentrationnaire
soviétique a duré beaucoup plus longtemps que le système nazi et a comporté plus de 600 camps alors que le
système allemand n'a pas dépassé 50 ; ensuite, les prisonniers soviétiques survivants pouvaient être libérés à l'issue
de leur peine (celle-ci fut-elle prolongée) et étaient alors assignés à résidence dans la région par les autorités, dans le
but de peupler des région lointaines ou de climat difficile, où les non-prisonniers rechignaient à s'installer.
Margarete Buber-Neumann, militante communiste qui a personnellement transité à la fois par les camps nazis et
soviétiques, souligne elle aussi les nombreux points communs, et par ailleurs, des témoignages de prisonniers de
guerre allemands ou italiens en URSS (par exemple, Eugenio Corti dans Le Cheval Rouge), décrivent des conditions
de vie n'ayant rien à envier à ceux des prisonniers russes en Allemagne. En revanche, Primo Levi, dans un appendice
à Si c’est un homme publié en 1976, affirme que le taux de mortalité était largement supérieur dans les camps nazis
que dans ceux d'Union soviétique (assertion invérifiable, tant ce taux était variable d'un camp à l'autre et d'une
période à l'autre à l'intérieur de chaque système ; toutefois, il est évident que les camps d'extermination allemands et
leur côté industriel ont largement fait grimper le taux du côté nazi[22] .
L’autre débat historiographique concerne le nombre des victimes du Goulag. L’historien et dissident Roy Medvedev
affirmait que, durant les Grandes Purges de 1937-1938, le nombre de détenus au Goulag avait augmenté de plusieurs
millions, et que 5 à 7 millions de personnes avaient été victimes de la répression.
Grâce à l’ouverture des archives soviétiques, des données fiables existent pour la période du 1er janvier 1934 au 31
décembre 1947 : elles montrent que, dans l’ensemble des camps du Goulag, 963866 prisonniers[20] sont morts.
En 1970, Soljénitsyne évaluait à 10 millions le nombre de personnes passées dans les camps soviétiques ;
aujourd’hui, les historiens parlent de 15 à 18 millions de détenus au total[3] . Mais il faudrait aussi tenir compte des
gens morts pendant le transport et des déportés hors-Goulag (les trains débarquaient les déportés et leurs gardiens
armés en Asie Centrale et en Sibérie, avec des vivres pour quelques semaines, des pelles, des pioches et des scies, et
l'ordre formel de s'installer et de rester là, non en camp, mais en construisant un village[23] , sans condamnation ni
peine (mais avec les encouragements du Parti). De son côté, le chercheur Nicolas Werth indique que la grande
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majorité des personnes déportées dans les années 1930 étaient des innocents pris pour compléter les quotas de
déportation, qui purgeaient, sauf exception, des peines de droit commun n’excédant pas cinq ans.
Il s’agissait d’une abondante main-d’œuvre gratuite pour les gigantesques chantiers de l'URSS. Le renouvellement
considérable de la population des camps rend très difficile un bilan définitif[24] .
Les camps soviétiques, vus de l’Occident
En mai 1944, le vice-président américain Henry Wallace se rend dans la région de la Kolyma. Les autorités
soviétiques lui font visiter la ville de Magadan en prenant soin de cacher les prisonniers. Des membres des jeunesses
communistes se déguisent en mineurs et répondent à ses questions. Il repart admiratif, mais trompé, et les États-Unis
continuent à envoyer de la nourriture et du matériel à son allié soviétique pour terminer la guerre. Avec la guerre
froide, les choses changent : en 1949, la bibliothèque du Congrès et l’AFL présentent un rapport à l’ONU dénonçant
les goulags[25] .
En France, une partie de la gauche a longtemps refusé de reconnaître les crimes soviétiques : en 1945, Staline
apparaît comme le libérateur de l’Europe de l’Est. Par aveuglement idéologique, cette gauche refuse de voir la réalité
des camps de travail forcé et refuse de croire les survivants des goulags. En 1946, Victor Kravtchenko, haut
fonctionnaire soviétique, publie J’ai choisi la liberté aux États-Unis où il est réfugié. Il y décrit la terreur stalinienne
et les goulags. En France, l’éditeur reçoit des menaces et les Lettres françaises traitent l’auteur de menteur et
l’attaquent en justice[26] . David Rousset, ancien déporté, crée en octobre 1950 la Commission internationale contre
le régime concentrationnaire (CICRC), qui entreprend des enquêtes sur les situations espagnole, grecque, yougoslave
et soviétique. Pour la première fois en France, il utilise le terme de Goulag pour désigner le système
concentrationnaire soviétique. Ceci lui vaudra d’être traité de « trotskyste falsificateur » par les Lettres françaises à
qui, il intentera un procès qu’il gagnera en 1951. Lors des audiences, la députée communiste Marie-Claude
Vaillant-Couturier déclare : « Je considère le système pénitentiaire soviétique comme indiscutablement le plus
souhaitable dans le monde entier »[27] .
À la lecture du rapport secret du XXe congrès du Parti communiste d’Union soviétique publié dans le journal Le
Monde en juin 1956, Maurice Thorez et Jacques Duclos crient au faux grossier[28] .
Il faut attendre les années 1960 pour voir se développer les critiques à l’encontre du Goulag. Les écrits d’Alexandre
Soljenitsyne, les mémoires des détenus paraissent en Occident et décrivent les conditions de vie des zeks. Les procès
de plusieurs écrivains russes soulèvent l’indignation : l’internement de Jaurès Medvedev en hôpital psychiatrique
provoque de nombreuses protestations. La dissidence soviétique informe le public au moyen des samizdats qui sont
des journaux clandestins. Dans les années 1970, les rapports d’Amnesty International révèlent la réalité du système
concentrationnaire. Les États-Unis défendent les refuzniks et dénoncent les atteintes aux Accords d’Helsinki. Le 9
octobre 1975, le prix Nobel de la paix est attribué à Andreï Dmitrievitch Sakharov ; son exil à Gorki dans les années
1980 provoque des mouvements de soutiens internationaux.
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Du Katorga tsariste au Goulag soviétique
L’évolution du goulag a suivi l’histoire du pays. Les premiers « camp de
concentration » (terme venu des camps d'internement anglais lors de la
guerre des Boers en Afrique du Sud[29] ) sont créés par les deux camps
en lutte aux cours de la guerre civile russe, bolcheviques et blancs[30] .
Les camps mis en place par les bolcheviques étaient situés à l’extérieur
des villes et destinés à accueillir les « éléments peu sûrs » (aristocrates,
marchands, etc.) pour un régime menacé par la guerre civile. Les
protagonistes du conflit reprenaient ainsi à leur compte le système
carcéral des camps de travail, les katorgas, qui existaient déjà dans la
Russie tsariste. L’Empire russe utilisait en effet depuis le XVIIe siècle
des brigades de travail forcé en Sibérie[4] . Les objectifs assignés aux
camps de travail n’avaient pas changé depuis l’époque impériale :
éloigner les opposants politiques[31] , et sous Staline, les marginaux,
peupler de façon autoritaire les régions vides, exploiter les ressources
de l’immense Russie et terroriser la population. Staline ajouta aussi la
Félix Dzerjinski, chef de la Tcheka, instigateur
fonction de rééducation : le travail forcé devait transformer le monde
des premiers camps
ancien et forger un « Homme nouveau ».
La Terreur rouge
Pendant la guerre civile russe (1918-1921), la Terreur rouge expédie dans les camps un total de 150000 à 400000
personnes qualifiées d’« ennemis du peuple » : mencheviks, « contre-révolutionnaires », membres déviationnistes du
parti communiste, victimes de l’épuration politique.
Lénine engagea la répression pour sauver la Révolution russe et
maintenir au pouvoir les bolchéviques. Il décide en janvier 1918, en
accord avec le gouvernement révolutionnaire, « l’arrestation des
saboteurs-millionnaires, qui voyageaient en train dans des
compartiments de première ou deuxième classe : « Je suggère de les
condamner à six mois de travaux forcés dans une mine »[32] . Les
catégories arrêtées par la police politique (la Tchéka) sont dès le départ Le monastère de l’île Solovetski, archipel des
très floues et aléatoires : l’expression « ennemi de classe » est employée Solovetski
de manière arbitraire, comme sous la Terreur de la Révolution
française. Les condamnations des tribunaux révolutionnaires se font dans la précipitation. Des banquiers, des
marchands, des prêtres sont alors expédiés dans les prisons qui sont vite surpeuplées. Trotski puis Lénine décident
d’utiliser des « camps de concentration » (kontslaguer) en reprenant l’infrastructure des camps de prisonniers de
guerre qui viennent d’être vidés après le traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918).
Le 15 avril 1919, le décret n° 45 paraît dans le n° 81 des Izvestia, l'organe du gouvernement soviétique, sous le titre «
Au sujet des camps de travaux forcés ». Il est signé par le chef de l'État, Mikhaïl Kalinine. Sa rédaction est du chef
de la Tchéka, Félix Dzerjinski, appliquant la directive de Lénine et du gouvernement. L'article 5 stipule : « La
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gestion des camps de travaux forcés, sur l'ensemble du territoire de la
République soviétique fédérale de Russie, sera assurée par une
direction centrale des camps instituée par le commissariat du peuple à
l'Intérieur (NKVD). Cette direction centrale prendra le nom de
Goulag. »[33]
Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique compte 84 camps[34]
regroupant environ 25000 prisonniers, soit un peu plus du tiers de la
population carcérale en Russie soviétique estimée à 70000 détenus[35] .
Mais bientôt, la place venant à manquer, il fallut créer des camps
spécifiquement soviétiques : en 1923, les camps des îles Solovetski
deviennent un modèle pour le régime. Soljenitsyne utilisera par ailleurs
le mot « archipel » pour désigner le goulag. Afin de stimuler la
production, les rations alimentaires sont distribuées en fonction du
travail effectué[36] .
Affiche soviétique des années 1920: Le Guépéou
frappe les saboteurs de la contre-révolution à la
tête.
Le Goulag soviétique
L’arrivée au pouvoir de Staline en 1927 aggrave encore la situation. La
collectivisation et la planification de l’économie marquent un « grand
tournant » dans l’histoire soviétique. Le régime passe à une répression
systématique et organisée. En 1928, la commission Ianson est chargée
par le politburo de réfléchir à l’organisation générale des camps de
travail. Leurs travaux vont être largement infléchis par les nouvelles
orientations du camp « laboratoire » des Solovki, sous l'influence d'un
Chantier du canal de la mer Blanche à la mer ancien déporté, devenu en moins de trois ans chef de camp, Naftaly
Baltique
Frenkel. Selon Anne Applebaum, même si Frenkel n'a pas inventé
chaque aspect du système, il a trouvé le moyen de faire d'un camp de
prisonniers une institution économique rentable, et il le fit à un moment, en un lieu et d'une manière qui ne pouvaient
qu'attirer l'attention de Staline[37] .
Selon ce système, le travail se payait en nourriture à partir d'une distribution très précise des vivres. Frenkel divisa
les prisonniers du SLON en trois groupes :
1. ceux considérés comme capables d'un travail lourd (800 gr de pain et 80 gr de viande),
2. ceux capables seulement d'un travail léger (500 gr de pain et 40 gr de viande),
3. les invalides (400 gr de pain et 40 gr de viande).
Chaque groupe recevait des tâches différentes, des normes à satisfaire — et une ration leur correspondant et
établissant des différences drastiques entre les déportés[38] . En somme, les invalides recevaient une ration réduite de
moitié par rapport aux déportés les plus forts[39] . En pratique, le système partageait les prisonniers très rapidement
entre ceux qui survivraient et les autres.
Sous les ordres de Frenkel, la nature même du travail réservé aux prisonniers changea, depuis l'élevage de bêtes à
fourrures ou la culture de plantes tropicales vers la construction de routes ou l'abattage des arbres. Dès lors, le régime
du camp changea également et évolua vers la rentabilité du travail et le SLON se développa au-delà de l'archipel des
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Solovki[40] jusque dans la région d'Arkhangelsk, sur le continent, et de là à des milliers de kilomètres des îles
Solovetski, où Frenkel envoya des équipes de forçats[41] . En revanche, tout ce qui ne contribuait pas directement à
l'économie du camp fut abandonné : ainsi, toute prétention de rééducation tomba — fait général aux camps du
Goulag à partir des années 1930.
Par un décret officiel en date du 7 avril 1930, Staline et ses collaborateurs fondent l’institution que l’on connaît sous
le nom de Goulag, confiant successivement sa gestion à la Guépéou, au NKVD, puis enfin au MVD. Des camps sont
ouverts en Russie d’Europe et en Sibérie, en Biélorussie, Ukraine, Kazakhstan, Mongolie, et plus tard en
Tchécoslovaquie, Hongrie et Pologne. Staline s’intéressa de près à l’administration et aux performances des camps,
en particulier ceux des canaux et ceux de la Kolyma. Les prisonniers travaillant sur le canal de la mer Blanche sont
vite appelés « zek » du sigle du chantier (« z/k » pour zaklioutchonny) qui sera par la suite attribué à tous les détenus
du goulag.
La période stalinienne se caractérise aussi par l'envoi dans les camps, de certains prisonniers selon une procédure
extrajudiaire désignée par « Arrêté spécial de l'OGPU », décision ordonnée en l'absence même de l'inculpé par le
Collège Spécial de l'OGPU, organe habilité à prononcer des condamnations à la relégation, à la déportation, à la
privation de liberté et à la peine de mort[42] .
L’industrialisation rapide voulue par Staline donne lieu à des erreurs qui sont imputées aux « saboteurs » de toutes
sortes. Le stakhanovisme ne supporte aucun échec et les ouvriers qui ne travaillent pas assez sont envoyés au goulag.
L’exploitation des mines d’or de la Kolyma par les prisonniers répond à la volonté de Staline de faire de l’URSS une
puissance industrielle. Face aux menaces de boycott des produits soviétiques à l’étranger[43] , Staline décide de
renommer les camps de concentration (kontslaguer) en « camps de redressement par le travail ».
Dès la fin des années 1920, des milliers de communistes — notamment de la gauche liée à Léon Trotski sont
déportés ; beaucoup sont exécutés durant les années 1930.
La « dékoulakisation »
L’instauration du Goulag rend la répression encore plus féroce. Ainsi, le premier Plan quinquennal donne le coup
d’envoi de la collectivisation des terres. Les paysans russes résistent et Staline veut la liquidation des koulaks, les
paysans aisés. La loi du 7 juillet 1932 prévoit la peine de mort ou le goulag pour « toute escroquerie au préjudice
d'un kolkhoze ». En 1930-1932, 2 millions de paysans (soit 380000 foyers) sont déportés dans des villages
d’exilés[44] , 100000 dans les camps du goulag[45] . On évalue à 10% par an la mortalité des "déplacés spéciaux"[46] .
« L'opération koulak » définie par le décret n° 00447 du 30 juillet 1937 fit le plus grand nombre de victimes. Elle
visait les éléments socialement nuisibles et appartenant au passé : les ex-koulaks enfuis cherchant du travail (Les
sources policières indiquent 600000 ex-koulaks assignés à résidence). Pour cette opération, des quotas par régions et
des catégories (la première catégorie signifiant l'exécution, la seconde, une peine de dix ans de camp) furent établis
par Staline auprès des dirigeants du Parti. Les quotas furent largement dépassés par les responsables locaux voulant
afficher leur zèle. Les suppléments demandés furent souvent ratifiés par le Politburo. Devant l'engorgement des
prisons, la catégorie n°1 fut augmentée. Au lieu des 4 mois prévus, l'opération en dura 15. Les quotas initiaux furent
pulvérisés:
387000 personnes furent fusillées et non pas 75950,
380000 déportées et non pas 193500.
Selon les chiffres du NKVD, des opérations similaires entre juillet 1937 et novembre 1938 comptabilisèrent
l'arrestation de 335513 personnes, dont 75 % furent classées catégorie n°1[47] .
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La Grande Terreur et les Grandes Purges (1936-1938)
En 1936-1938, Staline décide d’éliminer ses ennemis réels et supposés par une vague de répression. Durant la
Grande Terreur, c'est toute la société soviétique qui est visée ; les victimes du Goulag sont des fonctionnaires, des
membres du PCUS, des militants du KPD ayant fui le nazisme, des officiers, des journalistes, des scientifiques et des
historiens, la plupart des militants communistes qui ont fait la révolution. La période est marquée par les procès de
Moscou et animée par la volonté de tuer des prisonniers directement ou indirectement : « Dès 1937, il [Staline] signa
des ordres adressés aux patrons régionaux du NKVD, indiquant des quotas de gens à arrêter (sans préciser la cause)
dans telle ou telle région »[48] . Les purges staliniennes de ces années ont fait 35000 morts et ont envoyé 700000
personnes au goulag, dont 140000 Polonais[49] , 172000 personnes d'origine coréenne de la région de Vladivostok[50]
, et 30000 citoyens soviétiques d'origine finlandaise de la province de Leningrad[51] .
La Seconde Guerre mondiale
Suite au Pacte germano-soviétique d'août 1939, l'URSS entre en guerre le 17 septembre 1939. Elle occupe la
moitié-est de la Pologne, et, en 1940, les Pays baltes, la Bessarabie et la Bucovine du nord. En janvier 1941, 500000
habitants de ces régions sont déjà déportés.
En juin 1941, l’Allemagne nazie envahit l’URSS : le 28 août 1941, les Allemands de
la Volga sont internés. Une partie des Ukrainiens voyaient les Allemands comme
des libérateurs. Face à la progression allemande, le chef du NKVD Lavrenti Beria
ordonna le déplacement de centaines de milliers de prisonniers vers l’est du pays,
loin du front. Plusieurs usines durent être déménagées et reconverties pour fabriquer
du matériel militaire. La répression et la propagande de guerre s’accrurent et des
milliers de citoyens soviétiques furent emmenés au goulag pour « propagande
défaitiste » ou « sabotage de l’effort de guerre ».
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la mortalité augmenta fortement dans les
goulags soviétiques : pendant l’hiver 1941-1942, 25 % des décès dans les camps
Lavrenti Beria, chef du NKVD étaient dus à la famine[52] . Les historiens estiment qu’il y eut deux millions de
entre 1938 et 1953
morts dans les camps et les colonies du Goulag[52] . Comme dans le reste du pays,
les pénuries de toutes sortes se firent sentir.
Lorsque Staline reprend l’avantage sur les nazis et reconquiert les régions perdues, il fait déporter les peuples accusés
de trahison. Entre l'été 1941 et l'automne 1944, les troupes spéciales du NKVD avaient organisé la déportation par
vagues successives de peuples entiers au nom de la lutte contre l'ennemi intérieur.
Dès les premiers mois, 82 % de la population allemande d'URSS soit 1,2 million de personnes, principalement
installés dans les alentours de la Volga, sont déportés.
Entre novembre 1943 et juin 1944, 900000 Ukrainiens, Tchétchènes, Ingouches, Tatars de Crimée, Karatchaïs,
Balkars, Kalmouks, arrivent dans les goulags. À l'automne 1944, 130000 Grecs, Bulgares, Arméniens, Turcs et
Kurdes sont arrêtés et déportés[53] .
En 1944, le gouvernement crée un département spécial pour les prisonniers de guerre, distinct de la bureaucratie du
Goulag. En 1945, on estime à quatre millions le nombre de prisonniers de guerre en Union soviétique[54] .
Après la guerre, le nombre de zeks augmente encore. En 1946, le NKVD change de nom et le Goulag passe sous le
contrôle du ministère des Affaires intérieures (MVD) qui dirigera le système carcéral jusqu’à la fin de l’URSS. Dans
les pays contrôlés par l’Armée rouge, des camps de concentration[55] sont créés sur le modèle soviétique.
En 1946, les 4,2 millions d'anciens prisonniers de guerre soviétiques dans le Troisième Reich sont suspectés d'avoir
collaboré. Si la majorité de ces anciens détenus rentrèrent chez eux, 8,5 % furent envoyés au Goulag[56] pour
trahison de la patrie. Parmi les déportés figure le général Andreï Vlassov, qui s'était engagé du côté allemand.
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Apogée du Goulag (1945-1953)
L’administration du Goulag est réorganisée : en 1946, le NKVD est scindé en deux et le Goulag dépend désormais
du MVD, le Ministère des Affaires Intérieures. Les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale marquent
l’apogée du système concentrationnaire : le nombre de détenus augmente jusqu’en 1950 pour dépasser les deux
millions. La course aux armements déclenchée par la Guerre froide nécessite une quantité de main d’œuvre servile
toujours plus importante. La fermeture du pays aux influences occidentales, en particulier américaines, entraîne des
mesures radicales à l’encontre des étrangers. Des camps spéciaux sont mis en place et accueillent les prisonniers
politiques condamnés à de longues peines. Le régime crée des lagpounkts disciplinaires. Dans la compétition qui
oppose Staline aux États-Unis, les grands travaux sont relancés pour le prestige de l’URSS (port de Donetsk, grands
canaux, barrages, etc.) pour lesquels les zeks sont réquisitionnés. Les révoltes, les grèves du travail ou les grèves de
la faim secouent les camps. Durant l’hiver 1949-1950, les prisonniers de la Kolyma se soulèvent. La fin de règne de
Staline est marquée par le complot des blouses blanches qui provoque l’arrestation de centaines de médecins juifs.
Mort de Staline, fin du Goulag ?
Khrouchtchev succède à Staline de 1953 à 1964. Il amorce la déstalinisation, condamnant surtout le caractère
dictatorial et répressif du pouvoir stalinien. L’attaque la plus sérieuse a lieu lors d’une séance de nuit du XXe congrès
du Parti communiste d’Union soviétique (24 au 25 février 1956), il lit un rapport dévastateur sur les crimes et les
écarts de Staline par rapport à la légalité socialiste. Les grèves et les rébellions[57] dans les camps poussent
également le Goulag à la réforme.
Les grands équipements pharaoniques sont suspendus et la discipline dans les camps est assouplie. Le temps de
travail est réduit et les camps spéciaux supprimés. Plusieurs complexes de travail sont démantelés. Surtout, des
amnisties de masse sont prononcées : ainsi, le 27 mars 1953, 1,2 million de détenus sont libérés[58] . On réhabilite
des centaines de milliers de personnes. Mais ceux qui sortent des camps ont du mal à retrouver une vie normale par
manque d’argent, et subissent la méfiance des autres citoyens, qui craignent d'être eux-mêmes arrêtés s'ils
fraternisaient avec d'anciens « ennemis du peuple ».
En 1958, le Goulag est rebaptisé « colonie de redressement par le travail », et placé cette fois-ci sous la tutelle du
ministère de la justice de l’URSS. La direction centrale des camps est dissoute. Bien que la proportion de prisonniers
politiques ait très largement diminuée, elle n'est pas nulle. Ainsi Leonid Brejnev (1964-1982) utilisait régulièrement
le système concentrationnaire pour faire taire les opposants. Les dissidents (militants des droits de l’Homme,
religieux) tels que Joseph Brodsky, Andreï Sinyavsky, Alexander Ginzburg ou Iouli Daniel sont condamnés aux
travaux forcés. Mais le goulag stalinien n’existe plus : les dissidents sont condamnés au cours de procès publics,
savent pourquoi ils sont incarcérés, et peuvent faire valoir des droits (par exemple, entretien privé sans limite de
temps avec un avocat, visites de la famille, et même sortie des colonies dans certains cas). Leur sort intéresse
davantage l’Occident grâce aux témoignages d’anciens prisonniers (Soljenitsyne, Chalamov) et aux samizdats. Le
travail est moins pénible en général que dans les années 1930-1950 : les prisonniers travaillent dans des ateliers ou
des usines, et perçoivent une rémunération. Pourtant, les grèves de prisonniers existent toujours dans les années 1960
et 1970. Enfin, plusieurs centaines de dissidents sont enfermés en hôpital psychiatrique (psikhushka) relevant du
MVD : l’écrivain Jaurès Medvedev ou le général Pyotr Grigorenko sont internés pour « schizophrénie larvée »[59] (ou
« torpide »[60] ). Les hôpitaux psychiatriques spéciaux comme celui d’Orel sont gardés comme des camps et protégés
par des barbelés. On cherche à obtenir la rétractation des prisonniers au moyen de drogues et d’électrochocs[61] .
Pendant la première moitié des années 1980, l’URSS vit l’une des périodes les plus répressives de l’ère
post-stalinienne : la dissidence est peu nombreuse, surveillée et réduite au silence[62] .
10. Goulag 10
Il faut attendre l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl
Gorbatchev et la glasnost pour que tous les camps de
prisonniers politiques soient supprimés. Des milliers
d’opposants sont libérés des hôpitaux psychiatriques.
La censure des écrits dissidents est levée et les
réhabilitations se multiplient. Andreï Sakharov, jusque
là tenu en résidence surveillée à Gorki, est libéré en
décembre 1986. La Déclaration des droits et libertés de
l’individu est adoptée en 1991. Aujourd’hui, de
nombreuses prisons russes offrent toujours des
conditions de vie déplorables, mais le travail forcé est
Mémorial en l’honneur des victimes du Goulag, Moscou
officiellement aboli. Les débats publics sur le Goulag
restent rares et les mémoriaux sont encore peu
nombreux : celui de la place Dzerjinski à Moscou est constitué d’une pierre provenant des îles Solovetski, berceau
des camps de concentration soviétiques. Il n’existe aucun musée national dédié aux camps de concentration. La
commission nationale de réhabilitation continue son travail.
Le Goulag a entraîné des avatars dans d'autre pays. Au Viêt Nam, après 1975 et pendant de nombreuses années ont
existé des camps dits de « rééducation par le travail ». Le « Lao Gaï » chinois a vu passer bien plus de prisonniers que
le Goulag, proportionnellement au nombre des habitants du pays[63] . Quant au Cambodge sous les Khmers Rouges,
c'est le pays tout entier qui fut organisé comme un camp du Goulag, et le résultat a été que le nombre d'habitants du
pays a diminué de 25%. Aujourd'hui, seule la Corée du Nord a encore, selon Amnesty International[64] , un système
répressif de type "Goulag".
Les camps
Géographie
Il existait plusieurs types de camps,
spécialisés dans divers secteurs de
l’économie :
Quelques exemples de complexes du
goulag en URSS sous Staline[65]
Carte du Goulag en 1954, d'après les travaux de E.Z.Ratchinsky, A.B.Roguinsky,
V.A.Krakhotine, A.Iou.Daniel, I.G.Okhotine, E.B.Jemkova & N.B.Mirza de la fondation
"Memorial", in "Russkie & Kitaie" magazine n° 17, éd. "Karta", Moscou 2007
11. Goulag 11
Camp Région Activités Effectifs (max.)
Bamlag Sibérie Chemin de fer 180000
Vorkoutlag République des Komis Charbon 70000
Dmitlag nord de Moscou Canal 200000
Belomorkanal République de Carélie, Canal 170000
Oblast de Leningrad
Siblag Sibérie Chemin de fer 63000
Oukhtpetchlag République des Komis Charbon et pétrole 17852
Sevvostlag Kolyma Mines 200000
Norilsk Nord de la Sibérie centrale Mines 69000
• Le BAMlag : aménagement de la voie ferrée du lac Baïkal au fleuve
Amour : le Baïkal Amour Magistral fut construit en plusieurs fois.
Un tronçon de Taïchet à Bratsk fut construit dans les années 1930 ;
il mobilisa 180000 détenus et fit 10000 morts[66] . Mais la plus
grande partie du tracé oriental fut l’œuvre des prisonniers du goulag
pendant les années 1944-1946.
• le Vorkoutlag produisait en 1938 plus de 188000 tonnes de charbon
et utilisait 15000 détenus[67] .
Les détenus ont également construit de nombreuses villes
(Komsomolsk-sur-l’Amour, Petchora, Inta, Magadan, Vorkouta,
Norilsk, etc.).
Partie du "Projet 503", destiné à la construction
d'une voie de chemin de fer reliant Salekhard à
Igarka près de Touroukhansk sur le Ienisseï
12. Goulag 12
Administration et fonctionnement du goulag
Le goulag constituait une direction administrative du NKVD ; il était
subdivisé en directions principales par branches économiques qui
étaient sous les ordres de l’administration centrale située à Moscou. En
1953, le goulag gérait 146 camps de travail correctif (Ispravitelno
Troudovoï Lagpunty, abrégé « ITL ») ainsi que leurs filiales et annexes.
Les complexes regroupant plusieurs camps étaient désignés par un nom
d’activités ou de lieu auquel on ajoutait le suffixe « lag » ( Dmitlag,
Dallag, Steplag, Minlag, Intlag, Birlag, Karlag, etc.). Le goulag
administrait également quelque 687 colonies de travail correctif
(Ispravitelno Troudovaïa Kolonia – abrégé « ITK ») pour des
condamnés à des peines inférieures à cinq ans. Il avait enfin la garde
des zones spéciales et des villages de travail destinés à accueillir les
déportés.
Nikolaï Iejov, chef du NKVD de 1936 à 1938
Les camps dépendaient de directions régionales (par exemple la
Direction sibérienne des camps ou Siblag OGPU). Des formations
paramilitaires (« commandements » ou komendatury en russe) administraient les colonies spéciales et jouissaient
d’un statut d’exterritorialité[68] .
Nicolas Werth estime que 200000 personnes étaient employées par le goulag vers 1953[69] . Le contrôle de Moscou
sur les camps se renforça avec Staline, en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale : cela entraîna un
renforcement de la bureaucratie et des visites des inspecteurs venus de la capitale. En principe, les zeks avaient le
droit de se plaindre des mauvais traitements aux commissions des camps. Mais en réalité, un petit nombre de ces
plaintes aboutissaient finalement à des sanctions à l’encontre du personnel encadrant. Les procureurs du goulag
étaient chargés de faire connaître les rapports d’inspection des camps.
13. Goulag 13
Description des camps
Diversité
Il existait une grande variété de camps de travail en URSS : il est donc
difficile de dresser une typologie complète de plusieurs centaines de
goulags. Les plus grands camps pouvaient concentrer plusieurs milliers
de détenus. D’autres étaient plus petits et isolés dans la taïga (les «
lagpoukts »). La nature des camps dépend également de leur activité :
certains étaient liés à une usine, au travail agricole, d’autres étaient
temporaires (pour la construction d’une route ou d’une voie ferrée).
Plan général
La plupart des camps des années 1930 avaient un plan carré ou
rectangulaire. À l’entrée se trouvaient le poste de contrôle et un
panneau annonçant un slogan : déjà aux Solovki, on pouvait lire «
D’une poigne de fer, nous conduirons l’humanité vers le bonheur ! »[70]
ou encore « Par le travail, la liberté ! »[71] ,[72] . La zone carcérale
(zona) est entourée d’une clôture, de barbelés ou de murs, et surveillée
par des miradors. Toutefois, aux Solovki, par exemple, cette forme n'a Ruines du camp 503 près de l’Iénisseï, de nos
pas grand sens : tout l'archipel constitue le camp, les baraquements jours
construits peu à peu pour accueillir une population toujours croissante
viennent s'ajouter aux nombreux bâtiments monastiques et ermitages dispersés sur les îles et utilisés soit comme
logement soit comme bases par les différentes équipes de travail, quand ce n'est pas comme isolateur[73] .
Les gardes ont l’ordre de tirer sur les fugitifs. Les tentatives d’évasion ont existé[74] , mais, dans les camps sibériens,
les zeks étaient découragés de s’enfuir par l’isolement des camps et les contraintes naturelles.
Les baraquements
Il subsiste bien peu de baraquements de l’époque stalinienne et il faut recourir aux témoignages de détenus pour s’en
faire une idée. Les prisonniers vivaient dans des baraques en bois ou en pierre (dans la toundra). Certains abris
n’avaient que des sols en terre battue, d’autres disposaient de plancher en bois.
Les bains, les latrines, l’infirmerie, les entrepôts et les ateliers
Ils étaient séparés des baraquements.
Le cachot
Les cachots ou « isolateurs disciplinaires » (abréviation : CHIZO) étaient construits en pierre ou en brique. Il isolait
totalement les prisonniers réfractaires au travail ou les auteurs de délits et de crimes dans le camp. Au siège du
complexe concentrationnaire se trouvait un bloc central, c’est-à-dire une grande prison. Enfin, il existait des camps
disciplinaires, parmi lesquels celui du Dalstroï (Kolyma) était l’un des plus redoutés[75] .
14. Goulag 14
Efficacité économique des camps
Après l'invasion allemande du 22 juin 1941, Béria décrète la loi
martiale au Goulag. Les conditions de détention se dégradent : la
journée de travail s'allonge jusqu'à 10 heures, les jours fériés sont
supprimés. Les éléments suspects sont systématiquement « épurés ». Le
travail s'intensifie : les camps fournissent le front en charbon,
munitions, uniformes, céréales… En 1943, le bagne est créé pour des
coupables de haute trahison (12h/jour, rations réduites). Dans certains
camps la journée de travail est estimée à 16h/jour (par exemple au
Viatlag). Pour équilibrer les pertes au front, des détenus et des gardes y
Chantier du canal de la mer Blanche
sont envoyés (975000 détenus et 93000 gardes). Jean-Jacques Marie
estime à 40 % le poids du Goulag dans l'économie de l'URSS. Mais le
Goulag n'atteint que 1,2 % de la production industrielle nationale et 12 % de la production du bois. Les détenus n'ont
qu'une faible productivité, inférieure à celle des travailleurs libres ; cette productivité ne compense même pas le peu
que coûte la main-d'œuvre. Les camps coûtent davantage à l'État qu'ils n'apportent de bénéfices. Le sabotage,
l'encadrement coûteux et la négligence en sont partiellement les causes. Seulement 70 % de détenus travaillent :
certains d'entre eux sont enfermés en isolateurs, d'autres sont handicapés, la pègre tout comme l'administration ne
travaillent pas. Les mauvaises conditions de vie ne font qu'affaiblir les détenus. Certains chantiers se révèlent
impraticables et vains. Staline fait exécuter plusieurs hauts dirigeants du Goulag pour sabotage.
La mort de Staline et la prise de consciences des défauts dans le fonctionnement et la contestation croissante dans les
camps accélèrent son démantèlement. En 1953, Béria décrète une amnistie partielle et les détenus sont relâchés dans
un grand chaos et sans mesures d'accompagnement. Elle est suivie en 1955 d'une amnistie quasi générale, ne
concernant pas les collaborateurs condamnés à plus de dix ans de prison. Le Goulag perd ainsi sa fonction
économique et ne se cantonne plus qu'à sa fonction répressive. Les camps du Goulag sont renommés « camps de
redressement par le travail », où on continue d'interner des opposants politiques sous Brejnev. L'autre moyen de
neutraliser les dissidents est de les enfermer dans des hôpitaux psychiatriques.
Le système concentrationnaire soviétique n’a jamais été assez efficace pour les dirigeants. Les causes de cet échec
sont diverses : corruption des gardiens, vols, règles non appliquées, conditions extrêmes, manque d’équipement
moderne, mauvaise gestion, pénuries, etc. Au total, le travail est rarement productif malgré les efforts des autorités.
Avec le « Grand Tournant » de 1929, Staline cherche à accroître les rendements et impose des cadences infernales
aux prisonniers[76] . Au cours de la « Grande Terreur » (1937-1938), il fait exécuter plusieurs hauts responsables du
goulag[77] pour « sabotage ».
Le manque de préparation, d’ingénieurs, de techniciens et de spécialistes dans les camps explique un gaspillage
important du travail : de grands projets comme le canal de la mer Blanche ou le port du cap Kammeni à
l’embouchure de l’Ob se sont finalement révélés inadaptés. Quant à la voie ferrée Salekhard-Igarka entre l'Ob et
l'Ienisseï, appelée « route de la mort », on se rendit compte après plusieurs mois de travaux qu’elle était irréalisable
du fait des contraintes naturelles de la toundra. Le projet fut abandonné en 1953 après avoir fait des dizaines de
milliers de morts et coûté 40 milliards de roubles[78] .
15. Goulag 15
La vie dans les goulags sous Staline
Les prisonniers
Statistiques
D'après l'historienne Anne Applebaum,
18 millions[4] de personnes sont
passées par les goulags sous la
dictature de Staline. Les effectifs des
prisonniers n’ont jamais dépassé les
deux millions sur une année,
prisonniers de droit commun et
politiques confondus. Cela s’explique
par un renouvellement constant des
détenus alimenté par des libérations[80]
compensées par de nouvelles
arrestations. Certains zeks pouvaient
quitter les camps pour intégrer l’armée, Évolution du nombre de prisonniers du goulag (1930-1953)Source : Anne Applebaum,
Goulag : Une histoire, 2005, p. 630.
parce qu’ils étaient invalides ou
incapables de travailler (femmes
enceintes). Mais un à deux millions de personnes n’ont pas survécu.
L’analyse du graphique ci-contre montre la fluctuation des effectifs détenus dans les goulags sous Staline : en 1941,
on assiste à une augmentation qui est la conséquence de l’invasion du territoire soviétique par les nazis. La fin du
règne de Staline marque l’apogée du système avec plus de 2,5 millions de détenus et 2,75 millions de « déplacés
spéciaux »[81] .
Sociologie
Dans l’URSS de Staline, la grande majorité des zeks[82] était des gens ordinaires, paysans ou ouvriers condamnés
pour « sabotage », « espionnage » ou « crimes contre-révolutionnaires »: c'étaient des prisonniers politiques, même
s'ils n'en avaient pas le statut.
• Élites : officiers de l'Armée Rouge, membres du PC, apparatchiks, etc.;
• Criminels et délinquants (« blatnoï »);
• « Saboteurs » : ouvriers, paysans, mais aussi cadres d’entreprises, responsables économiques;
• Deux millions de « koulaks » déportés en 1930-1932[44]
• Déportations ethniques pendant la Seconde Guerre mondiale : Polonais, Ukrainiens, Baltes, Roumains de
Bessarabie en 1939-1941 ; Allemands de la Mer Noire ou de la Volga en 1941 ; Tatars de Crimée en 1943 ;
Tchétchènes en 1944. Mais ces populations avaient plutôt le statut d’exilés ou déportés spéciaux. La plupart
étaient assignés à résidence dans des villages surveillés[4] .
• Pendant la Grande Terreur, les femmes des ennemis du peuple sont déportées, par exemple, dans le camp de
Temnikovski en Mordovie.
• étrangers : communistes polonais et occidentaux, Chinois ayant franchi illégalement la frontière, ressortissants de
l’Axe (Japonais, Allemands) ; les étrangers se trouvaient isolés par la barrière de la langue (Japonais, Chinois) ;
les Polonais, les Ukrainiens et les Baltes se regroupent entre eux et constituent des réseaux de solidarité à
l’intérieur des camps. Cependant, la grande majorité des détenus étaient des Russes.
• religion : orthodoxes, protestants, Témoins de Jéhovah et sectaires|
• juifs au moment du complot des blouses blanches
16. Goulag 16
Varlam Chalamov, dans ces Récits de la Kolyma, témoigne de la diversité sociologique des détenus :
« Il ne faut pas avoir honte de se souvenir qu’on a été un « crevard », un squelette, qu’on a couru dans tous les
sens et qu’on a fouillé dans les fosses à ordures [...]. Les prisonniers étaient des ennemis imaginaires et
inventés avec lesquels le gouvernement réglait ses comptes comme avec de véritables ennemis qu’il fusillait,
tuait et faisait mourir de faim. La faux mortelle de Staline fauchait tout le monde sans distinction, en nivelant
selon des répartitions, des listes et un plan à réaliser. Il y avait le même pourcentage de vauriens et de lâches
parmi les hommes qui ont péri au camp qu’au sein des gens en liberté. Tous étaient des gens pris au hasard
parmi les indifférents, les lâches, les bourgeois et même les bourreaux. Et ils sont devenus des victimes par
hasard[83] . »
Arrestation et transport des prisonniers
La plupart des prisonniers arrivaient dans les camps après un passage
en prison. Ils étaient interrogés et avouaient leur « crime » sous la
pression, le harcèlement ou la torture. Les procédures judiciaires
étaient rapides ou truquées. Les chefs d’accusation étaient souvent
absurdes ou vagues : sous Staline, la liste des « suspects » comportait
les étrangers[84] (espionnage) ou les personnes en relation avec des
étrangers (collectionneurs de timbres, espérantistes[85] ). Les Russes
pouvaient être condamnés à une peine de camp pour avoir raconté une
Ossip Mandelstam photographié lors de son blague sur Staline[86] ou pour « crime contre-révolutionnaire »[87] . La
arrestation par le NKVD délation ou le simple soupçon envoyaient des innocents au Goulag. Les
arrestations et les perquisitions avaient lieu souvent la nuit. Pendant la
Seconde Guerre mondiale, un retard à l’usine pouvait envoyer l’ouvrier dans un camp pour plusieurs années.
Beaucoup d’étrangers, et surtout les ressortissants des pays de l’Axe, ont été emprisonnés. Après 1942, lorsque les
Soviétiques repoussent les Allemands, les rafles dans les territoires occupés par l’Armée rouge ont particulièrement
touché les Polonais, les Ukrainiens et les ressortissants des pays baltes.
La mortalité était très forte pendant le transfert des détenus vers leur
camp de travail : ainsi, dans les années 1930, sur les 16000 prisonniers
envoyés dans la région de la Kolyma, seuls 9928 étaient arrivés
vivants[88] . Dans les trains de prisonniers, le manque d’eau, de
nourriture et d’hygiène affaiblissait les passagers[89] . Le voyage
pouvait durer plusieurs semaines. Pour rejoindre leur camp, les convois
utilisaient le bateau sur les fleuves sibériens ou en Extrême-Orient. Les
témoignages décrivent des conditions effrayantes : promiscuité, viol
des femmes, indifférence des gardiens, froid, etc.
Le transport des prisonniers se faisait par train
À leur arrivée au camp, les prisonniers étaient dans un état physique et
psychologique déplorable : certains devaient d’abord passer par la quarantaine pour récupérer. Les autres étaient
entièrement rasés et lavés. Ils recevaient un uniforme déchiré ou trop court, afin de les humilier, comme en témoigne
Anna Andreïevna, épouse de l’écrivain Daniel Andreïev et condamnée au camp de travail :
« Ils [les gardes] nous avaient dépouillé de tout ; ils nous privèrent de nos noms, tout ce qui fait la personnalité
de quelqu’un et nous habillèrent, je n’arrive même pas à le décrire, d’un truc informe[90] . »
Les prisonniers étaient ensuite classés en catégories de travail, en fonction de leurs capacités physiques et de leur
crime.
17. Goulag 17
Le travail au quotidien
Diversité du travail
La condition d'un prisonnier du goulag dépend de la région où il se trouve enfermé, du contexte national, de
son crime, mais aussi de son travail : les hommes utilisés pour construire le canal de la mer Blanche n’ont pas
les mêmes chances de survie que les ingénieurs ou les techniciens employés dans l’aéronautique ou
l’armement. Certains scientifiques emprisonnés vivaient dans un certain confort[91] au sein des charachkas
(Lev Kopelev, Andreï Tupolev, Vladimir Petliakov). Certains détenus travaillaient pour le camp : ils
effectuaient diverses tâches (organisation du travail et des chantiers, préparation des repas, nettoyage, soin,
etc.) au service du goulag et les autres zeks les appelaient les « planqués ». Leur travail était en effet considéré
comme moins pénible et on estimait qu’ils étaient au service du système concentrationnaire. Ils étaient choisis
et destitués par l’administration et travaillaient dans l’enceinte du camp. Pendant les périodes de guerre
(1918-1921 et 1939-1945), les détenus soviétiques doivent participer à l’effort de défense nationale en creusant
des tranchées et en fabriquant des armes.
Durée du travail
La durée et les horaires de travail varient en fonction des périodes, de la saison et du commandement des
camps. Pour répondre aux besoins économiques engendrés par la Seconde Guerre mondiale, le temps de
travail est allongé, pour les zeks comme pour les travailleurs libres. Dans le Grand Nord sibérien, les journées
de travail sont réduites en hiver, à cause du froid et de la nuit. La direction centrale du Goulag tente de limiter
le temps de travail. Mais ces directives ne sont pas souvent respectées et les prisonniers doivent terminer leur
tâche avant de pouvoir se reposer : dans les années 1930, les zeks travaillent douze heures par jour[92] . Au
Viatlag, la durée quotidienne du travail pendant la guerre est de 16 heures de travail[93] . Certains zeks se
mutilent, feignent d’être malade ou fou pour passer quelque temps de repos à l’infirmerie[94] . Enfin, le
mécontentement des détenus pouvait tourner à la grève de la faim ou à l’émeute.
Sécurité
Le travail forcé dans les usines, les pêcheries, les mines, les
chantiers ou dans la taïga est pénible, surtout en hiver. Les
conditions de sécurité ne sont pas toujours assurées si bien que
des milliers de prisonniers trouvent la mort dans des accidents.
En 1939, les premiers zeks qui extraient l’uranium des mines de
la Kolyma n’ont pas de combinaison de protection[95] . Le
manque de nourriture et de soins rendent les journées difficiles.
Certains prisonniers se mutilent, d’autres se suicident pour
échapper à leur sort[96] .
Encadrement du travail et propagande Travail forcé sur une route de la Kolyma
Les chefs de brigades ou « directeurs de travaux » étaient choisis
parmi les zeks pour diriger les équipes et veiller à atteindre les objectifs de production. Il existait deux
catégories de travailleurs : ceux des « travaux généraux » et les « planqués ». Les performances au travail
étaient affichées et les meilleurs ouvriers récompensés. Les affiches et les slogans répétés à longueur de
journée incitaient à travailler toujours plus. La section culturelle et éducative (KVTCH)[97] assurait cette
propagande dans le camp. Les règlements édictés à Moscou prévoyaient la présence d’une bibliothèque, d’un
club de théâtre et des concerts pour chaque camp. En réalité, ces infrastructures étaient plutôt rares, et,
lorsqu’elles existent, elles sont un instrument d’embrigadement ou d’émulation. En raison de la pénurie de
papier, les journaux sont rares ou réservés au personnel libre. Enfin, la section culturelle et éducative organise
des parties d’échecs, des matchs de foot et des concours de travail. Elle recueille aussi les doléances des zeks.
Le courrier était censuré et beaucoup de colis envoyés par les familles étaient volés par les gardes.
18. Goulag 18
La vie des zeks en Sibérie
Des conditions de vie plus ou moins bonnes
Les conditions de vie variaient en fonction des époques et surtout des catégories de prisonniers : si le taux de
mortalité est en moyenne de 4 % par an sous Staline, il atteint 20 % à 25 % pendant la Seconde Guerre mondiale[98] .
Sous Lénine, les prisonniers politiques socialistes étaient relativement bien traités : dans les camps des îles
Solovetski, ils profitaient de la bibliothèque, des pièces de théâtre jouées par les autres détenus, des colis envoyés par
les familles[99] . Au Vichlag, les détenus pouvaient profiter du cinéma[100] . Les plus fortunés réussissaient à
améliorer leur sort en soudoyant les gardes. Les meilleurs travailleurs, les invalides et le médecin du camp étaient
mieux logés que les autres. Les conditions d’existence dépendaient également de la cruauté des gardes et des
dirigeants du camp : certains utilisaient la torture[101] . En outre, la plupart du temps, le travail permettait aux
prisonniers les plus zélés d’obtenir des privilèges (nourriture meilleure, vêtements, colis, visites).
Activités dans le camp
Les prisonniers devaient entretenir le camp (préparer les repas, nettoyer les toilettes, faire la vaisselle, enlever la
neige, etc.). Les rixes et les violences étaient nombreuses, étant donné que les prisonniers politiques étaient mélangés
avec les criminels et les délinquants. Les zeks occupaient leur temps libre à jouer aux cartes, écrire des poèmes,
nettoyer leur baraquement, fabriquer ou sculpter des objets ou encore dessiner[102] . Enfin, les détenus assistaient à
des messes organisées dans les baraquements par les prêtres déportés.
Mortalité
Le taux de mortalité annuel est estimé à 40 pour mille et jusqu'à 200 pour mille en 1941-1942[103] . En 1941,
l'Allemagne fait la guerre à l'URSS.
Ainsi, les décès dans les camps augmentaient avec la famine, le froid, les épidémies (typhus) ou encore les vagues
d’exécutions. Les cadavres étaient enterrés dans des fosses communes ou dans les cimetières du camp. Edward Buca
témoigne de ces inhumations collectives :
« On les chargea [les cadavres des prisonniers] nus, sur des traîneaux, tête à l’extérieur et pieds dedans. Chaque
corps portait une plaquette de bois, une birka, attachée au gros orteil du pied droit, et indiquant son nom et son
matricule. Avant que le traîneau ne franchisse le portail du camp, le nadziratel, un officier du NKVD, prenait
un pic qu’il enfonçait dans chaque crâne. Il s’agissait de vérifier que nul ne sortît vivant. Une fois hors du
camp, les corps étaient jetés dans une transeïa, une des grandes fosses creusées au cours de l’été à cette fin[104]
.»
19. Goulag 19
Dormir, se laver, manger
Lorsque les constructions manquaient, les détenus
dormaient sous des tentes ou construisaient leurs
propres abris pour la nuit : dans le complexe du Siblag,
certains détenus dormaient dans des gourbis sans aucun
confort, creusés dans la terre[105] . Les plus chanceux
dormaient dans une couchette individuelle, mais le plus
souvent, les zeks partageaient un même matelas ou
dorment à même le sol. Malgré la présence de poêles
métalliques et de quelques lampes, l’intérieur des
baraquements était froid, humide et mal éclairé. Les
détenus font leurs besoins dans des tinettes pour éviter
de sortir dans le froid. Normalement, les vêtements des
L’intérieur d’un baraquement confortable (1936-1937)
zeks devaient être bouillis régulièrement par mesure
d’hygiène. Les détenus disposent d’un petit savon pour
se laver et faire leur lessive. Thomas Sgovio décrit les bains dans son camp de la Kolyma :
« Le froid de canard à l’extérieur, en attendant que les autres sortent, puis le vestiaire, où on se gelait, les
désinfections obligatoires et la fumigation, où l’on jetait nos guenilles en tas […], les bagarres et les insultes
[…], le choix de sous-vêtements communs et humides, pleins d’œufs de poux dans les coutures, le rasage de
tout le corps par le barbier du camp … puis, quand arrivait enfin notre tour d’entrer dans les bains, nous
prenions un baquet de bois et recevions un bock d’eau chaude, un bock d’eau froide et un petit bout de savon
noir qui empestait[106] . »
Les repas sont pris dans un réfectoire : une bouillie à base de céréales est servie le matin, une soupe le midi et le soir.
L’approvisionnement et la gestion des denrées alimentaires restent souvent problématiques. En Sibérie, les
provisions gèlent en hiver et pourrissent en été. Pendant la Seconde Guerre mondiale, certains camps ne reçoivent
aucune marchandise pendant plusieurs jours, ce qui aggrave les pénuries. Si bien que de nombreux camps créent leur
propre kolkhoze pour assurer leur ravitaillement[107] . Les zeks souffrent de malnutrition voire de faim et
développent des maladies liées aux carences (pellagre, scorbut). Les rations sont proportionnelles aux efforts fournis
dans le travail forcé.
Séparation entre hommes et femmes
En principe, les hommes et les femmes sont séparés dans des zones ou des camps différents[108] . Les femmes étaient
minoritaires et très peu nombreuses dans les goulags du Grand Nord. Cependant, il arrivait que certaines femmes
tombent enceinte dans les camps : elles accouchaient dans les hôpitaux des complexes concentrationnaires. Il existait
des crèches dans certains camps puis les enfants étaient envoyés dans des orphelinats. Les foyers accueillaient les
enfants des camps ou les enfants des zeks. Les enfants délinquants et criminels étaient enfermés dans des colonies
spéciales[109] .
Le personnel du camp
La VOKHR (garde armée des camps) était composée d’hommes libérés du Goulag ou d’anciens membres de la
police secrète tombés en disgrâce. Pendant l’ère stalinienne, on envoie les incompétents, les suspects ou les ivrognes
encadrer les camps[110] . L’encadrement des camps a toujours souffert du manque de volontaires ; cette situation
s’explique par les conditions de vie difficile et le manque de prestige de la fonction. La ration reçue par chaque garde
était proportionnelle à son grade[111] . Les journées de travail étaient interminables et les maladies touchaient tout le
personnel du camp. Cependant, certains commandants de complexes concentrationnaires pouvaient vivre dans le
luxe. Les comptables, les techniciens, les normeurs, les médecins ou les instructeurs du camp de la KVTCH vivaient
20. Goulag 20
sans doute un peu mieux que les gardes.
La direction du Goulag chercha constamment à limiter les mauvais traitements sur les prisonniers. La propagande
poussait les gardiens à détester les « ennemis du peuple ». Les objectifs de production devaient être réalisés par tous
les moyens. Enfin, les gardes les plus méritants pouvaient monter en grade.
Prisonniers célèbres et témoignages sur les camps soviétiques
Prisonniers célèbres
• Alexandre Chliapnikov, fondateur de l’Opposition ouvrière
• Hugo Eberlein, co-fondateur du Parti communiste d’Allemagne
• Sergueï Korolev passa quelque temps dans un camp de la Kolyma
• Alexandre Soljenitsyne, écrivain et dissident soviétique
• Maria Spiridonova, ancienne dirigeante du Parti socialiste-révolutionnaire de gauche
• Casimir Swiatek, prêtre catholique biélorusse (puis évêque et cardinal après la chute du mur de Berlin) de 1944 à
1954 ;
• Nikolai Dmitrijewitsch Kondratieff, économiste qui créa la théorie du Cycle Kondratieff
Témoignages
• Alexandre Soljenitsyne dans l’Archipel du Goulag (1973) a porté son témoignage à la connaissance d’un très large
public en Occident, ce qui lui a valu l’exil. Il y décrit les conditions de vie dégradantes dans les camps (travail
forcé, froid, faim, gardiens inhumains), mais aussi la volonté de rééduquer le détenu par le biais de « sections
politiques et éducatives » (des brigades politiques et éducatives) destinées à « remplacer aumôniers et services
religieux des prisons d’antan ».
• Gustaw Herling, Un Autre Monde, Denoël, 1985 (Folio, 1995). Herling y décrit son année et demi passée dans un
camp de travail soviétique du complexe de Kargopol, sur la Mer Blanche de 1940 à 1942. Publié à l'origine en
1951, cet ouvrage est un des tout premiers dépeignant les camps soviétiques.
• Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, Éditions François Maspero, 1980 (réédition Fayard 1986, puis Éditions
Verdier, 2003)
• Jacques Rossi, dans son Manuel du Goulag, publié en 1987 (en anglais) et et 1997 (en français, Le Cherche midi
éditeur, (ISBN 2862745324)), écrit : « Le goulag servait de laboratoire au régime soviétique, dans le but de créer une
société idéale : garde-à-vous et pensée unique. »
• Raymond Duguet, Un Bagne en Russie rouge, 1927.
• Margarete Buber-Neumann, Déportée en Sibérie, Paris, Seuil, 1949.
• Jules Margoline, La Condition inhumaine, Paris, Calmann-Lévy, 1949.
• Joseph Czapski, Terre inhumaine, éditions Îles d’Or, 1949.
• Evguénia Guinzbourg, Le Vertige (2 tomes) et la suite Le Ciel de la Kolyma, Seuil, 1967
• Elinor Lipper, Onze ans dans les bagnes soviétiques, Nagel, 1950.
• Alexander Dolgun avec la collab. de Patrick Watson, Alexander Dolgun's Story : An American in the Gulag, New
York, Alfred A. Knopf, 1975; trad. franç. de Gilles Garnet, Histoire d'Alexandre Dolgun, un Américain dans le
Goulag, Paris, Albin Michel, 1976.
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Bibliographie
Articles et ouvrages en français
• Les Amis de la vérité sur l’URSS (Boris Souvarine et al.), Bilan de la terreur en URSS : faits et chiffres, Librairie du
travail, 1936.
• Anne Applebaum, Pierre-Emmanuel Dauzat (trad.), Goulag : Une histoire, Paris, éditions Bernard Grasset, 2003,
2005. (ISBN 2246661218)
• Paul Barton, L'Institution concentrationnaire en Russie (1930-1957), Plon, 1959, 516 pages.
• Stéphane Courtois (dir.), Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Paris, éditions Robert
Laffont, 1997, 1998. (ISBN 2221088611)
• Raymond Duguet, Un Bagne en Russie Rouge. Solovki : l’île de la faim, des supplices, de la mort, Paris, Balland,
2004. (ISBN 2715814895)
• Tomasz Kizny, Goulag, Paris, éditions Solar, 2003, (ISBN 2735702413), recueil de photos d’archives et actuelles sur
les camps du Goulag.
• Joël Kotek, Pierre Rigoulot, Le Siècle des camps : emprisonnement, détention, extermination, cent ans de mal
absolu, Paris, éditions J.-C. Lattès, 2000. (ISBN 2709618842)
• David Rousset, Le Procès des camps de concentration soviétiques, D. Wapler, 1951.
• Olga Adamova-Sliozberg et alii, L’Aujourd’hui blessé, Lagrasse, Éditions Verdier, collection « Slovo », 1997 :
recueil de témoignages de femmes emprisonnées dans les camps soviétiques.
• Jacques Rossi, Le Manuel du goulag, Paris, Le cherche midi 1997 (ISBN 2-86274-532-4)
• Sergueï Sigatchev, Le Système des camps de redressement par le travail en URSS, réalisé et édité par le « Centre
d’information scientifique et de vulgarisation Memorial », Moscou, 1998.
• Michel Heller, Le Monde concentrationnaire et la littérature soviétique, Paris, L’Âge d’Homme, 1974.
• Jean-Jacques Marie, Le Goulag, Paris, PUF, 1999.
• Guy Vinatrel, L’URSS concentrationnaire, éditions Spartacus, 1949.
• Marie Jégo, « 7 avril 1930, le bureau politique instaure le Goulag », dans Le Monde du 03/03/2003,
Articles et ouvrages en anglais
• Paul Gregory, Valery Lazarev, The Economics of Forced Labour: The Soviet Gulag, Stanford, Hoover Institution
Press, 2003 (voir aussi [112]).
• Zemskov, article Gulag - istoriko-sociologiceskij.
Notes et références
[1] cf les livres d'étude sociologique d'Alexandre Zinoviev sur la société soviétique et du système du communisme réel
[2] C’est-à-dire la mort de Staline ; il y avait alors 476 complexes composés de milliers de camps : voir N.G. Okhotine, A.B. Roginski, Sistema
ispravitelno-troudovykh laguerei v SSR, 1923-1960 : spravotchnik, Moscou, 1995.
[3] Marie Jégo, « 7 avril 1930, le bureau politique instaure le Goulag », dans Le Monde du 3 mars 2003,
[4] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 9.
[5] (en) The Other Killing Machine (http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9D00EED61F3DF932A25756C0A9659C8B63&
sec=& spon=& pagewanted=print)
[6] (en) Les victimes oubliées de Staline prisonnières du Goulag. (http:/ / www. telegraph. co. uk/ news/ main. jhtml?xml=/ news/ 2003/ 03/ 02/
wgulag02. xml)
[7] Propagande par des mises en scènes sur les photographies ou sur les films ; dénigrement de Soljenitsyne, traité de fou et d’ivrogne : lire à ce
sujet D.M. Thomas, Alexander Solzhenitsyn : A Century in His Life, Londres, 1998, p. 489-495.
[8] Pierre Daix: Ce que je sais de Soljénitsyne, coll. Combats, Seuil, Paris 1973
[9] Dans La Révolution prolétarienne « dès 1928, une rubrique est ouverte : "Emprisonnés, déportés". Cette constance de l'antistalinisme est
longtemps considérée par les militants de La Révolution prolétarienne comme une fidélité à l'idéal communiste trahi. » (Dictionnaire des
intellectuels français, Seuil, 1996, p. 965). De même, en janvier 1928, Le Bulletin communiste de Boris Souvarine (communiste anti-stalinien)
publie un article : « Au secours des déportés de Sibérie ».
[10] Coll.: David Rousset, Le Procès des camps de concentration soviétiques, supplément du BEIPI n° 16, janvier 1951.
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[11] N. De Basily, La Russie sous les Soviets vingt ans d'expérience bolchevique, 480 pp., Plon, Paris (1938)
[12] Varlam Chalmaov, Récits de la Kolyma, traduit du russe par Sophie Benech, Catherine Fournier et Luba Jurgenson, Lagrasse, Verdier, 2003
[13] Varlam Chalamov,Vichera, traduit du russe par Sophie Benech, Lagrasse, Verdier, 2000
[14] Collectif, dir.: Stéphane Courtois, Le Livre noir du communisme, 1998, p. 21-22.
[15] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, éd. Grasset & Fasquelle, 2005, et Alexandre Soljenitsyne: L’Archipel du Goulag, Seuil, Paris,
1973
[16] En moyenne, 2 % de la population de chaque pays a été déportés d'après David, E. Murphy, Ce que savait Staline, l'énigme de l'opération
Barberousse, éd. Stock, 2006.
[17] Le Monde diplomatique Pourquoi Staline liquida le Comité antifasciste juif (http:/ / www. monde-diplomatique. fr/ 1995/ 12/ RUCKER/
2052. html), décembre 1995.
[18] Alexandre Zinoviev, Les confessions d'un homme en trop, éd. Folio, 1991.
[19] Sergueï Melgounov, La Terreur rouge en Russie 1918-1924, éd. Des Syrtes, 368 p., ISBN : 2-84545-100-8, et Aleksandr Rogojkine: film
russe Le Tchékiste, 1992 (d'après le roman de Vladimir Zazoubrine, 1923)
[20] Nikolaï Feodorovitch Bugaï, Goda 30-40 : narodov SSSR deportatsii kvoprosu [La question de la déportation des peuples de l'URSS dans
les années 1930 et 1940], Revue "Istoriia SSSR" N° 6, 1989, et Deportatsiia: Dokladyvaet Stalinu de Beriia [La déportation : Rapports de
Béria à Staline]. Revue "Kommounist" n° 3, 1991.
[21] Staline utilisa les mots « purification » ou « vermine » : lire Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, trad. P.-E. Dauzat, éd. Grasset &
Fasquelle, 2005, p. 32.
[22] Primo Levi: « En Union soviétique, il semble que dans les pires moments la mortalité ait atteint environ 30 % du total des entrants, et c'est
déjà un chiffre intolérablement élevé ; mais dans les Lager allemands, la mortalité était de 90 à 98 % ». Pour Levi, « il n'était pas prévu d'autre
issue que la mort » dans les camps nazis, alors qu'au Goulag la mort n'était pas « un but déclaré » : c'était « un accident assez fréquent, accepté
avec une indifférence brutale, mais qui n'était pas une conséquence expressément voulue »
[23] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, et Nikolaï Feodorovitch Bugaï, Goda 30-40 : narodov SSSR deportatsii kvoprosu [La
question de la déportation des peuples de l'URSS dans les années 1930 et 1940], Revue "Istoriia SSSR" N° 6, 1989
[24] Les confusions entre le nombre total de personnes déportées pendant la période stalinienne et le nombre de personnes détenues à un moment
donné produit parfois des estimations exagérées du nombre de victimes, même chez des auteurs dont le sérieux est indiscutable, mais qui ont
travaillé avant 1991, comme Rudolph Joseph Rummel sur Présentation de l’auteur en anglais (http:/ / www. hawaii. edu/ powerkills/
PERSONAL. HTM), professeur émérite à l’université d’Hawaï; inversement, la minimisation ou la relativisation du phénomène existent aussi
dans certains ouvrages comme Le siècle des communismes sous la direction de Bernard Pudal, ouvrage qui ne nie rien, mais passe le Goulag et
ses victimes par les profits et pertes d'une « expérience » politique et sociale aux idéologues de laquelle toute « intention criminelle » est
déniée.
[25] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 500.
[26] Jean Sévilla, Le Terrorisme intellectuel, Paris, Perrin, 2004, (ISBN 2262017727) , p. 25-26.
[27] Ibid., p. 29.
[28] Ibid., p. 32.
[29] Selon Jean-Jacques Marie, « À l'époque il est banal, voir courant, de nommer camp de concentration un camp d'internement ou de
prisonniers. C'est le terme qu'utilisaient les représentants de l'amiral monarchiste Koltchak pour désigner les camps de Sibérie où croupissaient
encore en 1919 166000 prisonniers allemands et autrichiens de la guerre terminée, otages d'une guerre civile à laquelle ils n'avaient aucune
part, ravagés par le typhus et la famine. », Le Goulag, PUF, p. 25.
[30] Les Blancs finlandais ouvrent les premiers camps de la guerre civile en mai 1918 après leur victoire contre les socio-démocrates russes, voir
Jean-Jacques Marie, « Trotsky et les camps de concentration » (http:/ / pagesperso-orange. fr/ cermtri. 3/ cariboost1/ crbst_84. html). Le
premier « camp de concentration » bolchevique est créé en septembre 1918 à l’instigation du chef de la Tcheka, Félix Dzerjinski, voir George
Leggett, The Cheka : Lenin’s Political Police, Oxford, 1981, p. 102-120.
[31] Le pouvoir tsariste utilisa d’ailleurs l’internement contre les bolcheviks avant la Révolution de 1917.
[32] Mikhaïl Geller, Kontsentratsionny mir i sovetskaïa literatoura, Londres, 1974, p. 23-24.
[33] Texte du décret 45 au 15 avril 1919
[34] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 10.
[35] Jean-Jacques Marie Le Goulag, PUF, collection Que sais-je ?, p. 31-33.
[36] Juri Brodsky, Solovki : Le Isole del Martitio, Rome, 1998, p. 75.
[37] Anne Applebaum, Goulag, une histoire, Paris, Grasset, 2005, p. 71 et sq.
[38] Ibid., p. 73
[39] Brodsky, Juri, Solovki: Le Isole del Martirio, Rome, 1998, p. 75
[40] Anne Applebaum, Goulag, une histoire, Paris, Grasset, 2005, p. 74
[41] Archives nationales de la République de Carélie, 690/6/(1/3)
[42] Jacques Rossi, « Le Manuel du Goulag », p. 25 & 65]
[43] En 1930, le gouvernement américain interdit l’importation de produits fabriqués par les prisonniers du goulag (Tariff Act).
[44] Collectif, Le Livre noir du communisme, 1998, p. 14.
[45] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 84.
[46] Nicolas Werth, « Goulag : les vrais chiffres », L'Histoire, n° 169.
24. Goulag 24
[97] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 272-283.
[98] Nicolas Werth, Article « goulag » dans Dictionnaire historique et géopolitique du XXe siècle, La Découverte, 2002 ; voir aussi Anne
Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 224.
[99] Anatoli Tsigankov, Ikh nazali KR, Petrozavodsk, 1992, p. 196-197 ; voir aussi Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 58-59.
[100] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 123.
[101] Les gardes de Solovetski attachaient les prisonniers dans la forêt nus : ils mouraient de froid en hiver ou étaient piqués par des myriades de
moustiques en été : lire Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 61.
[102] Pour voir ces réalisations, consulter le site du Memorial museum (http:/ / www. memo. ru/ museum/ endex. htm)
[103] Jean Radvanyi, La nouvelle Russie, Collection U, Armand Colin, 2004, 3e édition mise à jour, (ISBN 2200266871), p.58
[104] Edward Buca, Vorkuta, Londres, 1976, p. 152.
[105] Une zemlianka, des zemlianki, lire Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 143 et 236.
[106] Thomas Sgovio, Dear America, Kenmore, New York, 1979, p. 175.
[107] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 250.
[108] Olga Adamova-Sliozberg et al., L’Aujourd’hui blessé, 1997.
[109] Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 372-373.
[110] Ibid., p. 303.
[111] Ibid., p. 305.
[112] http:/ / www-hoover. stanford. edu/ publications/ books/ gulag. html
Annexe
Articles connexes
• Origines du Goulag
• Katorga
• Kolyma
• Perm-36
• Alexandre Soljenitsyne
• Varlam Chalamov
• Jacques Rossi
• Staline
• Histoire de l'URSS sous Staline
• Laogai, le Goulag chinois
• Camp de travail
• Camp de concentration
• L'Archipel du Goulag
Liens externes
• Textes sur le goulag après 1945 (http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/html/urss.goulag.html)
• Les militants Trotskistes à Vorkouta (http://www.marxists.org/francais/4int/urss/vorkouta.htm)
• Goulag Présentation du film de Iossif Pasternak et Hélène Châtelain (2000) (http://www.artepro.com/
fr_fichiers/fichiers/01678680.pdf)
• Sur les conséquences géographiques des camps de travail soviétiques, lire « La Russie : des territoires en
recomposition », sur le site de Géoconfluences (http://geoconfluences.ens-lsh.fr/doc/etpays/Russie/
RussieFaire.htm)
• Pierre Lepape, « Le goulag selon Chalamov », dans Le Monde diplomatique (http://www.monde-diplomatique.
fr/2003/12/LEPAPE/10757), décembre 2003
• Madeleine Vatel, « A Moscou, les rescapés du goulag se rassemblent contre l’oubli », dans Le Monde du
01/11/2006,
• (en) de l’association russe Mémorial (http://www.memo.ru/eng/Site), fondée par Andreï Sakharov en 1988.
Voir en particulier les productions du Memorial Museum (http://www.memo.ru/museum/endex.htm)
25. Goulag 25
• (lt) Album du Goulag (prisonniers de Kolyma et de Tchoukotka, 1951-1955) (http://www.angelfire.com/de/
Cerskus/english/Gulag1.html)
• (en) Musée virtuel du Goulag (http://www.gulagmuseum.org/index_eng.htm)
• (ru) Carte détaillée interactive du goulag (http://www.memo.ru/history/NKVD/GULAG/maps/ussri.htm)
La version du 7 mars 2007 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité
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