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Thierry Boutemy
Par Maïté Turonnet, publié le 11/02/2008
Source : http://www.lexpress.fr/styles/thierry-boutemy_473424.html
Ce Normand installé à Bruxelles est la nouvelle révélation de la création florale. Rencontre
avec un passionné du végétal prônant un style libre, vivant et romantique.
Thierry Boutemy, fleuriste à Bruxelles, est un garçon sensible. Et ses bouquets lui
ressemblent. Graminées, fleurs des champs, brassées de tulipes, tiges élancées et feuilles
graciles: autant de poèmes éphémères qui séduisent la cinéaste Sofia Coppola, le couturier
Dries Van Noten, mais aussi tous les amoureux qui veulent le dire avec des fleurs. Et pas
seulement à l'occasion de la Saint-Valentin.
Vous êtes français, mais vivez à Bruxelles. Les fleurs y seraient-elles plus belles?
Pas les fleurs, mais les gens. Ils sont plus aimables. J'aurais bien aimé m'installer à Paris,
comme Christian Tortu, mon maître en toutes choses, mais je viens de la campagne et cette
ville est trop dure pour moi. Bruxelles est un bon compromis entre une métropole et une
agglomération provinciale. Le rythme est plus doux, la qualité de vie meilleure, moins
agressive. La contrepartie, c'est un certain conformisme des goûts: mon travail peut y sembler
parfois déroutant, pas assez classique...
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Vous avez travaillé avec Sofia Coppola sur le tournage de son film Marie-Antoinette.
Comment s'est passée cette collaboration?
L'idée était de réaliser des compositions de fleurs "naturelles" d'époque. Il y avait des trucs
très impressionnants et d'autres tout modestes. J'ai adoré ce travail, ça correspond bien à ce
que j'aime, complètement artistique, sans but commercial. J'allais même chercher des fleurs
ou des herbes dans les champs de la région.
Et Dries Van Noten, qui est belge, c'est à Bruxelles que vous l'avez rencontré?
Non, j'ai travaillé pour lui à Paris, à l'occasion de l'ouverture de sa boutique du quai
Malaquais. C'était une réalisation très raffinée, très précise, où la fleur était centrale, sans être
noyée dans de grosses gerbes. Dries aime les fleurs, les jardins, c'était un vrai partage créatif.
J'ai aussi travaillé pour Lanvin, en fleurissant une sorte d'arcade pour un défilé. Alber Elbaz,
qui lui aussi est un homme très attentif, très bienveillant, m'a demandé un travail raffiné, ultra-
précis. Et franchement gratifiant pour moi.
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Des coquelicots, des tiges de blé, des boutons- d'or: on a l'impression que vous faites vos
bouquets avec des fleurs sauvages ou toutes fraîches cueillies dans un jardin de curé.
J'aime les contes de fées, les histoires rattachées à l'enfance, au rêve. Et, par-dessus tout,
j'aime la simplicité. Mes bouquets ne sont pas très structurés, pas parfaits, et sont même un
peu "bordéliques". C'est difficile à réaliser, mais si je faisais autre chose apparemment plus
travaillé, j'aurais le sentiment de me trahir. Et de trahir les fleurs elles-mêmes... C'est à cause
de leur fragilité, de leur fugacité que les fleurs m'émeuvent, même si ce cycle de vie et de
mort souvent me trouble. Elles vivent, se flétrissent, meurent et restent belles à chaque âge. Je
serais incapable de les forcer à l'artificiel, comme dans ces compositions figées que l'on voit
un peu partout. Je trouve ça complètement faux.
Vos fleurs préférées?
Les pivoines! Elles sont si généreuses! Le pavot aussi, les renoncules, la camomille, les
bleuets, les herbes champêtres qui jouent dans le vent, les roses de jardin. Les fleurs
parfumées aussi, comme les jacinthes ou les tubéreuses; mais surtout pas les lys, dont l'odeur
est trop puissante. Bien sûr, ce sont de fausses "naturelles" qui viennent des serres de
Hollande (ma boutique n'est pas assez riche pour avoir des fournisseurs indépendants), mais
ce n'est pas grave: je préfère cela et pratiquer des prix raisonnables, accessibles à tout le
monde, plutôt que le contraire. Ah oui, j'oubliais: en ce moment, je me passionne pour les
tulipes. Il y en a de tellement magnifiques!
Un conseil pour la Saint-Valentin?
Rien ne me paraît plus délicat que d'offrir un bouquet: c'est si personnel... Alors, conseiller les
autres serait bien prétentieux. Ceux qui viennent chez moi à cette occasion, ou pour la Fête
des mères, sont parfois déçus de ne pas y trouver une seule rose rouge. Mais elles sont hors de
prix et à l'opposé de ma préférence. En revanche, puisqu'on est en pleine saison, j'ai beaucoup
d'anémones. C'est très beau, les anémones. Vous ne trouvez pas?