Suche senden
Hochladen
JDJB333
âą
1 gefÀllt mir
âą
498 views
Mirna StriniÄ
Folgen
Melden
Teilen
Melden
Teilen
1 von 48
Jetzt herunterladen
Downloaden Sie, um offline zu lesen
Empfohlen
Les Lois sur lÂŽasile et sur les etrangers violent les Droits de lÂŽEnfant
Les Lois sur lÂŽasile et sur les etrangers violent les Droits de lÂŽEnfant
Tierra de hombres - Ayuda a la infancia
Â
Les droits de l'enfant
Les droits de l'enfant
Katalin Kara Bouzid
Â
Livre Blanc sur les Droits de l'Enfant
Livre Blanc sur les Droits de l'Enfant
Alexandre Muller
Â
Les Droits De LâEnfant
Les Droits De LâEnfant
gbadau
Â
Placement de l'enfant maltraité
Placement de l'enfant maltraité
elanoita
Â
Convention internationale du droit de l'enfant unicef texte intégral
Convention internationale du droit de l'enfant unicef texte intégral
Fera Kodjo Ekpeh
Â
Accenture Hackaton - Tag team+1
Accenture Hackaton - Tag team+1
Michele Petrone
Â
Next Generation School Accountability Report-Final
Next Generation School Accountability Report-Final
Patrick Forsyth
Â
Empfohlen
Les Lois sur lÂŽasile et sur les etrangers violent les Droits de lÂŽEnfant
Les Lois sur lÂŽasile et sur les etrangers violent les Droits de lÂŽEnfant
Tierra de hombres - Ayuda a la infancia
Â
Les droits de l'enfant
Les droits de l'enfant
Katalin Kara Bouzid
Â
Livre Blanc sur les Droits de l'Enfant
Livre Blanc sur les Droits de l'Enfant
Alexandre Muller
Â
Les Droits De LâEnfant
Les Droits De LâEnfant
gbadau
Â
Placement de l'enfant maltraité
Placement de l'enfant maltraité
elanoita
Â
Convention internationale du droit de l'enfant unicef texte intégral
Convention internationale du droit de l'enfant unicef texte intégral
Fera Kodjo Ekpeh
Â
Accenture Hackaton - Tag team+1
Accenture Hackaton - Tag team+1
Michele Petrone
Â
Next Generation School Accountability Report-Final
Next Generation School Accountability Report-Final
Patrick Forsyth
Â
Les recommandations de l'association Passerell
Les recommandations de l'association Passerell
MlodieMouzon
Â
Rapport ork 2016
Rapport ork 2016
Luxemburger Wort
Â
Accueil des enfants étrangers : la Belgique condamnée par le CDS
Accueil des enfants étrangers : la Belgique condamnée par le CDS
JLMB
Â
Accueil des enfants Ă©trangers Le CDS condamne la Belgique
Accueil des enfants Ă©trangers Le CDS condamne la Belgique
JLMB
Â
Je tutelle 34
Je tutelle 34
DĂ©cideurs en RĂ©gion
Â
La situation des enfants dans le monde 2014
La situation des enfants dans le monde 2014
Jamaity
Â
Sito ecjs 2de 2014 2015
Sito ecjs 2de 2014 2015
guillemincolbert56
Â
La Situation des enfants dans le monde 2014 en chiffres : chaque enfant compte
La Situation des enfants dans le monde 2014 en chiffres : chaque enfant compte
UNICEF Publications
Â
1031Pop_infantile_au_Maroc_caracter_socio-demogr_etprotection_de_l_enfance_Ch...
1031Pop_infantile_au_Maroc_caracter_socio-demogr_etprotection_de_l_enfance_Ch...
Salah eddine TADLAOUI
Â
Blue Whale Challenge kan boete van 10.000 euro opleveren
Blue Whale Challenge kan boete van 10.000 euro opleveren
Thierry Debels
Â
LES DEFIS DES DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA_LAUREATE NIGERIANE_2012
LES DEFIS DES DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA_LAUREATE NIGERIANE_2012
Love Aludo
Â
DĂ©fenseur des droits - Guide pratique Ă lâusage des intervenants de lâaction ...
DĂ©fenseur des droits - Guide pratique Ă lâusage des intervenants de lâaction ...
AVIE
Â
Enfant fiches
Enfant fiches
mllebertrand
Â
Données personnelles et vie privée : ce qui va changer avec le RGPD
Données personnelles et vie privée : ce qui va changer avec le RGPD
Calimaq S.I.Lex
Â
Dief van politiewapen in Anderlecht nog steeds voortvluchtig
Dief van politiewapen in Anderlecht nog steeds voortvluchtig
Thierry Debels
Â
Renvois&acces_aux_soins_2015_final_fr
Renvois&acces_aux_soins_2015_final_fr
Sascha Moore Boffi
Â
Convention relative aux droits de l'enfant Convention on the Rights of the C...
Convention relative aux droits de l'enfant Convention on the Rights of the C...
Teiho kirito
Â
Jb denis mémoire de criminologie
Jb denis mémoire de criminologie
JEAN BERNARD DENIS
Â
Combattre l'inceste et le silence qui l'entoure
Combattre l'inceste et le silence qui l'entoure
Institut pour la Justice
Â
Mon corps mes droits
Mon corps mes droits
Amnesty International France
Â
Weitere Àhnliche Inhalte
Ăhnlich wie JDJB333
Les recommandations de l'association Passerell
Les recommandations de l'association Passerell
MlodieMouzon
Â
Rapport ork 2016
Rapport ork 2016
Luxemburger Wort
Â
Accueil des enfants étrangers : la Belgique condamnée par le CDS
Accueil des enfants étrangers : la Belgique condamnée par le CDS
JLMB
Â
Accueil des enfants Ă©trangers Le CDS condamne la Belgique
Accueil des enfants Ă©trangers Le CDS condamne la Belgique
JLMB
Â
Je tutelle 34
Je tutelle 34
DĂ©cideurs en RĂ©gion
Â
La situation des enfants dans le monde 2014
La situation des enfants dans le monde 2014
Jamaity
Â
Sito ecjs 2de 2014 2015
Sito ecjs 2de 2014 2015
guillemincolbert56
Â
La Situation des enfants dans le monde 2014 en chiffres : chaque enfant compte
La Situation des enfants dans le monde 2014 en chiffres : chaque enfant compte
UNICEF Publications
Â
1031Pop_infantile_au_Maroc_caracter_socio-demogr_etprotection_de_l_enfance_Ch...
1031Pop_infantile_au_Maroc_caracter_socio-demogr_etprotection_de_l_enfance_Ch...
Salah eddine TADLAOUI
Â
Blue Whale Challenge kan boete van 10.000 euro opleveren
Blue Whale Challenge kan boete van 10.000 euro opleveren
Thierry Debels
Â
LES DEFIS DES DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA_LAUREATE NIGERIANE_2012
LES DEFIS DES DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA_LAUREATE NIGERIANE_2012
Love Aludo
Â
DĂ©fenseur des droits - Guide pratique Ă lâusage des intervenants de lâaction ...
DĂ©fenseur des droits - Guide pratique Ă lâusage des intervenants de lâaction ...
AVIE
Â
Enfant fiches
Enfant fiches
mllebertrand
Â
Données personnelles et vie privée : ce qui va changer avec le RGPD
Données personnelles et vie privée : ce qui va changer avec le RGPD
Calimaq S.I.Lex
Â
Dief van politiewapen in Anderlecht nog steeds voortvluchtig
Dief van politiewapen in Anderlecht nog steeds voortvluchtig
Thierry Debels
Â
Renvois&acces_aux_soins_2015_final_fr
Renvois&acces_aux_soins_2015_final_fr
Sascha Moore Boffi
Â
Convention relative aux droits de l'enfant Convention on the Rights of the C...
Convention relative aux droits de l'enfant Convention on the Rights of the C...
Teiho kirito
Â
Jb denis mémoire de criminologie
Jb denis mémoire de criminologie
JEAN BERNARD DENIS
Â
Combattre l'inceste et le silence qui l'entoure
Combattre l'inceste et le silence qui l'entoure
Institut pour la Justice
Â
Mon corps mes droits
Mon corps mes droits
Amnesty International France
Â
Ăhnlich wie JDJB333
(20)
Les recommandations de l'association Passerell
Les recommandations de l'association Passerell
Â
Rapport ork 2016
Rapport ork 2016
Â
Accueil des enfants étrangers : la Belgique condamnée par le CDS
Accueil des enfants étrangers : la Belgique condamnée par le CDS
Â
Accueil des enfants Ă©trangers Le CDS condamne la Belgique
Accueil des enfants Ă©trangers Le CDS condamne la Belgique
Â
Je tutelle 34
Je tutelle 34
Â
La situation des enfants dans le monde 2014
La situation des enfants dans le monde 2014
Â
Sito ecjs 2de 2014 2015
Sito ecjs 2de 2014 2015
Â
La Situation des enfants dans le monde 2014 en chiffres : chaque enfant compte
La Situation des enfants dans le monde 2014 en chiffres : chaque enfant compte
Â
1031Pop_infantile_au_Maroc_caracter_socio-demogr_etprotection_de_l_enfance_Ch...
1031Pop_infantile_au_Maroc_caracter_socio-demogr_etprotection_de_l_enfance_Ch...
Â
Blue Whale Challenge kan boete van 10.000 euro opleveren
Blue Whale Challenge kan boete van 10.000 euro opleveren
Â
LES DEFIS DES DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA_LAUREATE NIGERIANE_2012
LES DEFIS DES DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA_LAUREATE NIGERIANE_2012
Â
DĂ©fenseur des droits - Guide pratique Ă lâusage des intervenants de lâaction ...
DĂ©fenseur des droits - Guide pratique Ă lâusage des intervenants de lâaction ...
Â
Enfant fiches
Enfant fiches
Â
Données personnelles et vie privée : ce qui va changer avec le RGPD
Données personnelles et vie privée : ce qui va changer avec le RGPD
Â
Dief van politiewapen in Anderlecht nog steeds voortvluchtig
Dief van politiewapen in Anderlecht nog steeds voortvluchtig
Â
Renvois&acces_aux_soins_2015_final_fr
Renvois&acces_aux_soins_2015_final_fr
Â
Convention relative aux droits de l'enfant Convention on the Rights of the C...
Convention relative aux droits de l'enfant Convention on the Rights of the C...
Â
Jb denis mémoire de criminologie
Jb denis mémoire de criminologie
Â
Combattre l'inceste et le silence qui l'entoure
Combattre l'inceste et le silence qui l'entoure
Â
Mon corps mes droits
Mon corps mes droits
Â
JDJB333
1.
Le jeu de
dupes continue En septembre 2013, Ibrahim (prĂ©nom dâemprunt) est arrivĂ© en Belgique, oĂč il sâest dĂ©clarĂ© refugiĂ©. Affirmant ĂȘtre nĂ© au SĂ©nĂ©gal en 1997, il a immĂ©- diatement Ă©tĂ© pris en charge par le Service des tutelles. Mais lâOffice des Ă©trangers a Ă©mis un doute sur son Ăąge et a exigĂ© un test mĂ©dical pour vĂ©rifier la minoritĂ©. RĂ©sultat : un rapport formulĂ© avec une «certitude scientifique raisonnable», lui donnant lâĂąge de 20 ans et trois mois, avec une marge dâerreur de 2 ans ! Inutile de dire que pour Ibrahim, les consĂ©quences sont lourdes. Au lieu de bĂ©nĂ©ficier dâune protection en tant quâenfant, et donc de perspectives dâĂ©tude, de sĂ©jour, dâaccĂšs Ă une protection sociale, il est Ă prĂ©sent considĂ©rĂ© comme un majeur demandeur dâasile, qui a menti sur un Ă©lĂ©ment important de sa situation (son Ăąge), ce qui jettera le discrĂ©dit sur lâensemble de son rĂ©cit. Cette affaire portĂ©e rĂ©cemment devant le Conseil dâEtat (qui a rejetĂ© la demande de suspension de la dĂ©cision, voir page 44) illustre une fois de plus combien lâĂ©valuation de lâĂąge des mineurs Ă©trangers non accompa- gnĂ©s arrivant en Belgique sans disposer de documents dâidentitĂ© probants reste injuste et problĂ©matique. On sait en effet que le triple test mĂ©dical utilisĂ© par le Service des tutelles est peu fiable et quâil faut lâappliquer avec circonspection. La loi prĂ©voit dâailleurs quâen cas de doute, la minoritĂ© doit prĂ©valoir. Si ce test est rĂ©alisĂ©, câest Ă cause dâun doute Ă©mis par une autoritĂ©, gĂ©nĂ©- ralement lâOffice des Ă©trangers, qui se base sur une apprĂ©ciation de lâap- parence physique de la personne (on imagine le fonctionnaire scrutant le physique du jeune pour se faire une idĂ©e de son Ăąge!). Or, on sait aussi Ă quel point cette apparence peut ĂȘtre trompeuse. Quâon pense Ă certains sportifs qui, Ă 16 ou 17 ans, ont la taille et la stature dâun athlĂšte. Lâin- verse Ă©tant vrai aussi, des personnes majeures peuvent donner lâimpres- sion quâelles sont encore mineures. Câest donc lâapprĂ©ciation subjective dâun fonctionnaire non-qualifiĂ© qui va dĂ©clencher la rĂ©alisation dâun examen mĂ©dical. Lequel peut conclure que lâintĂ©ressĂ© a cinq ans de plus que lâĂąge quâil a dĂ©clarĂ©, comme dans la situation quâa eu Ă connaĂźtre le Conseil dâEtat. Des documents dâiden- titĂ© (carte dâidentitĂ© Ă©lectronique et acte de naissance) avaient pourtant Ă©tĂ© produits qui donnaient Ă lâintĂ©ressĂ© lâĂąge de 15 ans. Mais comme ils nâĂ©taient pas lĂ©galisĂ©s, ils nâavaient pas de caractĂšre probant. Pourquoi le Service des tutelles nâa-t-il pas demandĂ© au poste diplomatique belge compĂ©tent de lĂ©galiser les documents produits pour avoir une certitude quant Ă lâidentitĂ© et lâĂąge ? En cas de lĂ©galisation, fort probable, on aura une nouvelle preuve de lâabsence totale de fiabilitĂ© du test utilisĂ©. PlutĂŽt que de se contenter dâune « certitude scientifique raisonnable », qui sâapparente Ă une incertitude que tout scientifique devrait avoir lâhonnĂȘ- tetĂ© de reconnaĂźtre, il faut rejeter une fois pour toutes ce test si peu fiable, particuliĂšrement quand des documents sont produits et quâils peuvent ĂȘtre lĂ©galisĂ©s. Faute de quoi on reste dans un jeu de dupes, oĂč chacun sait que ce quâil fait nâest pas crĂ©dible, et oĂč le jeune concernĂ© est la premiĂšre victime. Benoit Van Keirsbilck et AmĂ©lie Mouton Journal du droit des Jeunes, la revue juridique de lâaction sociale et Ă©ducative. Jeunesse et Droit asbl 12,rueCharlesSteenebruggen Ă 4020 LiĂšge TĂ©l. 04/ 342.61.01 - Fax. 04/342.99.87 Courriel :jdj@skynet.be Site internet : www.jeunesseetdroit.be RĂ©dacteur en chef BenoĂźt Van Keirsbilck SecrĂ©taire de rĂ©daction BenoĂźt Lambart, tĂ©l. 04/ 342.61.01 RĂ©dactrice en chef adjointe AmĂ©lie Mouton, tĂ©l. 02/ 209.61.65 amelie.mouton@droitdesjeunes.com ComitĂ© de rĂ©daction Jean-Pierre BartholomĂ©, Georges-Henri Beauthier, Michel Born, Geert Cappelaere, Aurore Dachy, Christian Defays, Amaury de Terwangne, Patrick Charlier, Jacques Fierens, Dominique De Fraene, Fabienne Druant, Isabelle Detry, Jean Jacqmain, Alexia Jonckheere, Jean-Yves Hayez, Karine Joliton, Georges Kellens, Solayman Laqdim, Raymond Loop, Vincent Macq, Valentine Mahieu, Paul Martens, Thierry Moreau, Christian Noiret, Florence Pondeville, ValĂ©rie Provost, Marc Preumont, Isabelle Ravier-Delens, VĂ©ronique Richard, Jean-François Servais, Marianne Thomas, Christelle Trifaux, Françoise Tulkens, BenoĂźt Van der Meerschen, Christian Wettinck. Maquette graphique Areti Gontras, aretigontras@gmail.com Insertions publicitaires TĂ©l. 04/342.61.01 - Fax 04/342.99.87 e-mail : jdj@skynet.be SecrĂ©tariat administratif Anne Billen TĂ©l. 04/342.61.01 - Fax 04/342.99.87 e-mail : jdj@skynet.be Abonnement : 70 euros l'an (10 nos ) SpĂ©cimen sur simple demande.
2.
Commission paritaire :
74797 - ISSN : 0775-0668 - ImprimĂ© par EXCELLE PRINT, Lodomez 3, B-4970 Stavelot. SOMMAIRE MARS 2014 - N° 333 1 Ăditorial : Le jeu de dupes continue, BenoĂźt VanKeirsbilck et AmĂ©lie Mouton 3 Appel : Pour une Ă©tude globale sur les enfants privĂ©s de libertĂ© 5 Tribune : PĂšres et repĂšres, IrĂšne Kaufer 7 Un enfant exposĂ© aux violences entre parte- naires est un enfant maltraitĂ©,, Sophia Mesbahi 11 La rĂ©alisation des droits de lâenfant, câest aussi une question de budget, Sarah Dâhondt et Siska Van de Weyer 18 Le mariage dâenfant, Mirna Strinic DOCUMENTS 29 Charte sociale europĂ©enne. Extrait des Conclu- sions 2013 du ComitĂ© europĂ©en des droits sociaux. Observations interprĂ©tatives relatives Ă lâarticle 30 (droit Ă la protection contre la pauvretĂ© et lâexclusion sociale) - Janvier 2014 31 Circulaire portant sur les conditions minimales de lâenquĂȘte sociale exigĂ©e dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 relative au droit Ă lâintĂ©gration sociale et dans le cadre de lâaide sociale accordĂ©e par les CPAS et remboursĂ©e par lâĂtat confor- mĂ©ment aux dispositions de la loi du 2 avril 1965 TRAVAUX PARLEMENTAIRES 36 Question de Mme Malika Sonnet Ă Mme Ăvelyne Huytebroeck, ministre de la Jeunesse, intitulĂ©e «Ăchecs dâadoption» 36 Interpellations jointes de M. Antoine Tanzilli et Mme Christie Morreale Ă Mme Ăvelyne Huyte- broeck, ministre de la Jeunesse, intitulĂ©e «Avan- cĂ©es en matiĂšre de mise en autonomie des mineurs» (Article 76 du rĂšglement) JURISPRUDENCE C.E. (n° 226.576) â 27 fĂ©vrier 2014 Mineur Ă©tranger non-accompagnĂ© â Evaluation de lâĂąge â Contestation â Test mĂ©dical â Document dâidentitĂ© non-lĂ©galisĂ© â Valeur probante â Non â Loi sur les droits du patient â Application (non) â Subir un test mĂ©dical ne fait pas du MENA un patient â Motivation dâun acte administratif â Convention internationale des droits de lâenfant (art. 3 et 8) â Pas dâeffets directs. 40 Pol. Bruges (Bureau dâassistance judiciaire) - 11 juin 2013 Assistance judiciaire â Bureau â ApprĂ©ciation â ProcĂ©- dure sans espoir 45 Conseil dâĂtat (sect. cont. adm., 9Ăšme ch.) - 4 septembre 2013 Suspension dâextrĂȘme urgence â DĂ©faut dans la no- tification de la dĂ©cision â ImpossibilitĂ© de complĂ©ter les moyens au cours de la procĂ©dure â Violation de lâobligation de motivation formelle 45 NOUVEAU Quels droits face Ă la police ? Voyez la couverture intĂ©rieure en fin de JDJ...
3.
JDJ - N°
333 - mars 2014 3 APPEL Ătude globale sur les enfants privĂ©s de libertĂ© «Les enfants nâont rien Ă faire derriĂšre les barreaux. Les enfants doivent aller Ă lâĂ©cole. Ils doivent jouer avec leurs amis. Ils devraient ĂȘtre dans leurs familles». Pas dâenfants derriĂšre les barreaux! (DĂ©fense des Enfants International, 2005) Nous, organisations de la sociĂ©tĂ© civile, appelons les membres de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies [dâaccepter la recommandation du ComitĂ© des droits de lâenfant (1) ] de demander au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Na- tions unies dâentreprendre UNE ĂTUDE GLOBALE SUR LES ENFANTS PRIVĂS DE LIBERTĂ (2) afin de recueillir des donnĂ©es et des statistiques complĂštes de toutes les rĂ©gions sur le nombre et la situation des en- fants en dĂ©tention, de partager les bonnes pratiques et formuler des recommandations pour que des mesures efficaces soient prises en vue de prĂ©venir les violations des droits de lâhomme Ă lâencontre des enfants en dĂ©- tention et rĂ©duire le nombre dâenfants privĂ©s de libertĂ©. Il y a un manque flagrant de donnĂ©es quantitatives et qualitatives (notamment de donnĂ©es ventilĂ©es), de re- cherches et dâinformations fiables sur la situation des enfants privĂ©s de leur libertĂ© (3) . La privation de libertĂ© a des consĂ©quences trĂšs nĂ©gatives pour le dĂ©veloppe- ment harmonieux de lâenfant et devrait ĂȘtre une «me- sure de dernier recours et pour le plus court laps de temps possible» (4) . Les enfants privĂ©s de libertĂ© sont exposĂ©s Ă des risques accrus dâabus, de violence, de discrimination sociale sĂ©vĂšre et de dĂ©ni de leurs droits civils, politiques, Ă©conomiques, sociaux et culturels. Certains groupes dĂ©- favorisĂ©s sont plus touchĂ©s que dâautres, mais la sociĂ©tĂ© en est affectĂ©e dans son ensemble dâautant plus que la privation de libertĂ© tend Ă accroĂźtre lâexclusion sociale, le taux de rĂ©cidive et les dĂ©penses publiques. LâĂ©tude tiendra compte de la privation de libertĂ© sous toutes ses formes, entre autres: les enfants en conflit avec la loi, les enfants confinĂ©s en raison de leur santĂ© physique ou mentale ou dâusage de drogue; les enfants vivant en dĂ©tention avec leurs parents; la dĂ©tention par les services dâimmigration; les enfants dĂ©tenus pour leur protection; la sĂ©curitĂ© nationale; etc. Afin de garantir que la privation de libertĂ© soit bien comprise et donc utilisĂ©e comme une mesure de dernier ressort, il est Ă©galement crucial dâamĂ©liorer la comprĂ©hension des concepts clĂ©s ayant trait aux droits et Ă la privation de libertĂ© des enfants (tels que dernier recours, le temps le plus court possible, lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant, lâaccĂšs Ă la justice, la dĂ©tention prĂ©ventive, la dĂ©judiciarisation, la justice rĂ©- paratrice, les systĂšmes judiciaires formels et informels, les mesures de diversion, les mesures de protection, lâĂąge de la responsabilitĂ© pĂ©nale, la rĂ©adaptation et la rĂ©insertion, la dĂ©tention administrative; entre autres). LâĂ©tude analysera la mise en Ćuvre concrĂšte des lois et les normes internationales et les possibilitĂ©s dâaide aux Ătats pour leur permettre dâamĂ©liorer leurs politiques et pratiques. GrĂące Ă la collecte de preuves et de don- nĂ©es fiables, lâĂ©tude permettra Ă©galement de consolider les bonnes pratiques et formuler des recommandations, pour appuyer lâaction des Ătats, des organismes des Na- tions unies et des autres parties prenantes afin de mieux mettre en application les normes internationales et de sâassurer que les enfants privĂ©s de libertĂ© jouissent effecti- vement de leurs droits humains. (1) Agir en vertu de la Convention des Nations unies sur les droits de lâenfant (CDE), article 45 (c) (2) «La privation de libertĂ© signiïŹe toute forme de dĂ©tention ou dâemprisonnement ou de placement dâune personne ĂągĂ©e de moins de 18 ans dans un Ă©tablissement public ou privĂ©, duquel cette personne nâest pas autorisĂ©e Ă sortir Ă son grĂ©, par ordre de toute autoritĂ© judiciaire, administrative ou toute autre autoritĂ© publique», RĂšgles des Nations unies pour la protection des mineurs privĂ©s de libertĂ©, 1990 (RĂšgles de La Havane) (3) Le manque de donnĂ©es existantes sur les enfants privĂ©s de libertĂ© est mentionnĂ© dans un certain nombre de rapports ofïŹciels, entre autres : Rapport conjoint sur la prĂ©vention et les rĂ©ponses Ă la violence contre les enfants au sein du systĂšme de justice pour mineurs (2012), le ReprĂ©sentant spĂ©cial du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral sur la violence contre enfants, le Bureau du Haut commissaire aux droits de lâhomme (BHCDH) et lâOfïŹce des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC ); Observation gĂ©nĂ©rale n°10 (2007) du BHCDH; la dĂ©tention administrative dâenfants: un rapport mondial (2011), Centre juridique pour les enfants, UniversitĂ© dâEssex et UNICEF; Rapport du Rapporteur spĂ©cial de lâONU sur les droits humains des migrants (A/HRC/20/24). (4) Convention relative aux droits de lâenfant, article 37 (b)
4.
4 JDJ -
N° 333 - mars 20144 JDJ - N° 333 - mars 2014 APPEL LâĂ©tude se concentrera sur les principaux aspects sui- vants : - Le recueil des donnĂ©es et des statistiques quan- titatives et qualitatives sur les enfants privĂ©s de li- bertĂ©, en ce qui concerne le genre, lâĂąge, les groupes vulnĂ©rables et les disparitĂ©s (par exemple, les mi- lieux urbains ou ruraux, les rĂ©gions, les groupes ethniques); - La situation des enfants dans les centres de dĂ©- tention ainsi que lâutilisation et lâabus de la pri- vation de libertĂ©, compte tenu des lois et normes internationales relatives aux droits de lâHomme; - Les concepts clĂ©s liĂ©s aux droits et la privation de libertĂ© des enfants en vue de viser Ă informer et Ă promouvoir un plus grand engagement pour amĂ©- liorer les systĂšmes judiciaires et la jouissance des droits; - La façon la plus efficace de mettre en application les mesures de prĂ©vention et les mesures alterna- tives pour sâassurer que la dĂ©tention nâest utilisĂ©e quâen dernier recours (privilĂ©giant la dĂ©judiciarisa- tion et la justice rĂ©paratrice, entre autres) et quâelle conduit Ă des mesures adĂ©quates de rĂ©adaptation; - La formulation de recommandations et bonnes pratiques pour mettre en Ćuvre des normes, et rĂ©duire le nombre dâenfants privĂ©s de leur libertĂ©. Cette Ă©tude sâappuiera sur le modĂšle de lâĂtude des Nations unies sur lâimpact des conflits armĂ©s sur les enfants (1996) rĂ©alisĂ©e par Graça Machel et lâĂtude des Nations unies sur la violence contre les enfants (2006) rĂ©alisĂ©e par Paulo Sergio Pinheiro. Ces deux Ă©tudes exposent la nature, lâĂ©tendue et les causes liĂ©es aux questions de conflit et de violence, ainsi que des recommandations claires proposĂ©es pour des actions de prĂ©vention et dâintervention. Notez que lâĂ©tude rĂ©alisĂ©e par Pinheiro mentionne explicitement, en ce qui concerne la garde Ă vue et la dĂ©tention «[...] une meilleure collecte de donnĂ©es est urgemment requise Ă tra- vers le monde [...]» (5) . Les deux Ă©tudes constituent une solide plateforme pour le plaidoyer et lâaction et ont conduit Ă des progrĂšs importants pour les enfants. Ces Ă©tudes reprĂ©sentent un point de rĂ©fĂ©rence pour Ă©valuer les progrĂšs accomplis dans ces domaines spĂ©cifiques. La prĂ©sente Ă©tude fera de mĂȘme. Dans le domaine de la privation de libertĂ©, une Ă©valuation concrĂšte de la situation est nĂ©cessaire et urgente. Pour quâune Ă©tude mondiale sur les enfants privĂ©s de libertĂ© soit rĂ©alisĂ©e, les signataires de cet appel insistent auprĂšs des dĂ©putĂ©s de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies pour quâils demandent au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations unies de mener une telle Ă©tude approfondie, en nommant un expert indĂ©pendant â qui travaillera en collaboration avec le Groupe interinstitutions des Nations unies sur la justice pour mineurs (IPJJ ), les agences des Nations unies, les Ătats membres, les or- ganisations de la sociĂ©tĂ© civile, les universitĂ©s et les en- fants eux-mĂȘmes, ainsi que tous les autres partenaires concernĂ©s. Signataires : African Child Policy Forum (ACPF), Alliance for Children, Association for the Prevention of Torture (APT), Casa Alianza (Switzerland), Child Helpline International (CHI), Child Rights Interna- tional Network (CRIN), Consortium for Street Chil- dren, Coram Childrenâs Legal Centre, Defence for Children International (DCI), Geneva Infant Feeding Association - International Baby Food Action Net- work (IBFAN-GIFA), Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children, Human Rights Watch (HRW), Institut international des Droits de lâEnfant (IDE), International Catholic Child Bureau (ICCB/BICE), International Detention Coalition (IDC), International Juvenile Justice Observatory (IJJO), Our Children Foundation, Penal Reform In- ternational (PRI), Plan International, Quaker United Nations Office (QUNO), SOS Childrenâs Villages In- ternational, Terre des Hommes International Federa- tion, War Child Holland (WCH), World Organiza- tion Against Torture (OMCT) Rens. : www.childrendeprivedofliberty.info contact@childrendeprivedofliberty.info (5) Ătude du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâONU sur la violence contre les enfants 2005, p.191.
5.
JDJ - N°
333 - mars 2014 5 TRIBUNE PĂšres et repĂšres IrĂšne Kaufer(1) (1) IrĂšne Kaufer est fĂ©ministe, syndicaliste et contribue rĂ©guliĂšrement Ă la revue Politique. Cet article est paru sur le blog de la revue Politique le 5 mars 2014. http://blogs.politique.eu.org/ Du temps oĂč jâĂ©tais Ă lâUniversitĂ©, mes cours de psycho clinique mâexpliquaient trĂšs sĂ©rieusement les ravages de lâabsence du pĂšre : lâenfant risquait de tourner petit dĂ©linquant, meurtrier, ou «mĂȘme homosexuel» (je me souviens bien des termes, gra- vĂ©s dans mon esprit dâĂ©tudiante pas trĂšs Ă lâaise, Ă lâĂ©poque, avec mes propres sentiments...) Lâab- sence de la mĂšre, elle, provoquait des troubles de lâattachement. Et surtout pas de confusion des rĂŽles, sâil vous plaĂźt. Cela ne se passait pas dans un obscurantiste ins- titut catho-judĂ©o-islamique, mais au sein de la trĂšs libre-exaministe ULB. Il est vrai quâon Ă©tait dans les annĂ©es 1970, aux tout dĂ©buts de la rĂ©- volution fĂ©ministe (jâinsiste : pas sexuelle, mais fĂ©ministe, câest cela qui mâa ouvert les yeux, les oreilles et les perspectives de libertĂ©). Je nâaurais pas pensĂ© que 40 ans plus tard, malgrĂ© les avan- cĂ©es pour lâĂ©mancipation des femme, lâouverture du mariage et de lâadoption pour les couples ho- mosexuels et de la procrĂ©ation mĂ©dicale assistĂ©e pour les lesbiennes, on en serait encore lĂ Â : la loi du PĂšre, reprĂ©sentant symbolique de la SociĂ©tĂ©, le seul capable dâarracher lâenfant aux risques â que dis-je, Ă la certitude â de relation fusionnelle avec la mĂšre, et donc, celui dont le nom doit ĂȘtre sanc- tifiĂ© sur la terre comme au ciel â oh pardon, lĂ je crois que je me trompe de registre. Quoique... Si je reviens sur ces souvenirs, câest en rĂ©action aux multiples mises en garde qui nous sont as- sĂ©nĂ©es devant la menace dâune nouvelle loi, permettant aux parents de faire des choix dans la transmission du nom de famille aux enfants : nom du pĂšre, de la mĂšre, ou les deux accolĂ©s dans lâordre choisi. En cas de dĂ©saccord, câest le double nom qui sâimposera, dans lâordre pĂšre-mĂšre. Une Ă©volution qui existe dĂ©jĂ , sous diverses formes, chez la plupart de nos voisins. Et voilĂ que le projet de loi soulĂšve un tollĂ© presque digne des dĂ©lires de nos ami/e/s français/ e/s contre la pseudo «thĂ©orie du genre» ! Une am- biance de fin de monde, la perte des repĂšres pour nos bambins, le tronçonnage brutal des arbres gĂ©- nĂ©alogiques et la montĂ©e des risques de consan- guinitĂ© pour les couples futurs, si, si ! Commençons donc par les plus farfelus : la gĂ©- nĂ©alogie transformĂ©e en bouilllie infĂąme, oĂč un mille-pattes ne retrouverait pas les siennes ? Allons allons, Ă lâĂšre de lâinformatique, câest un argument vraiment ridicule. Les risques de consanguinitĂ©Â ? Encore plus ab- surde : si seul le nom devait nous prĂ©server du ma- riage entre demi-frĂšres ou sĆurs ou entre cousin/ e/s, la situation actuelle est lourde de menaces... Car si Françoise et Aline sont sĆurs et quâelles se perdent de vue, elles disparaissent dâoffice dans la lĂ©gislation actuelle et leurs enfants respectifs nâont aucun nom commun pour les mettre en garde. Pire : si Françoise a conçu Pierre avec Alain, puis Perrine avec Jacques et que chacun/e est parti vivre avec son pĂšre, Pierre et Perrine peuvent parfaite- ment se retrouver pour former un couple, puisque le nom de Françoise nâaura laissĂ© aucune trace... Passons aux arguments plus sĂ©rieux, trĂšs sĂ©rieux mĂȘme, puisquâils se drapent dans le large manteau de la psychanalyse : le Nom du PĂšre, le seul ha- bilitĂ© Ă ouvrir Ă lâEnfant les Portes de la SociĂ©tĂ©, tout ça avec des majuscules bien sĂ»r... Ben oui, câest sans doute pour ça que les enfants des fa- milles monoparentales â des mĂšres seules Ă plus de 80% - sont si souvent pauvres (et pas parce que, comme le prĂ©tendent les fĂ©ministes, leurs mĂšres sont sous-payĂ©es, cantonnĂ©es dans des emplois mal rĂ©munĂ©rĂ©s, ou sans emploi, car ne trouvant pas de solution pour lâaccueil de leurs enfants...) : parce quâils nâont eu personne pour leur tenir la porte de la sociĂ©tĂ©. Enfant sans pĂšre, enfant sans repĂšre; et sans nom du pĂšre, câest pareil. Et sans nom du pĂšre seul, ben câest encore pareil. Autre argument, il sâagirait de «compenser» une inĂ©galitĂ© au dĂ©triment des hommes : parce quâil nâa pas la possibilitĂ© de porter lâenfant et le mettre au monde, le pĂšre aurait «droit» Ă la reconaissance de la transmission de son nom de famille. MâĂ©tant dĂ©jĂ fait incendier par une vision peu idyl- lique de la grossesse et de lâaccouchement â qui
6.
6 JDJ -
N° 333 - mars 20146 JDJ - N° 333 - mars 2014 TRIBUNE peuvent ĂȘtre vĂ©cus comme un poids autant quâun Ă©panouissement - je nâinsisterai pas trop sur le fait que si quelquâun avait droit Ă une «compensation» ou une «reconnaissance», câest bien la mĂšre... Sans mĂȘme parler de la prise en charge, toujours tel- lement inĂ©gale, des soins aux enfants, mĂȘme par ces pĂšres qui ont pu transmettre leur nom, sans contestation aucune. Mais ce que jâadore, câest ce souci (y compris parmi des femmes qui se reven- diquent comme fĂ©ministes) Ă dĂ©noncer Ă grands cris tout risque pour les hommes, si peu enclins Ă renoncer Ă leurs multiples privilĂšges, de subir le moindre dĂ©savantage : lĂ , la supposĂ©e injustice doit ĂȘtre rĂ©parĂ©e sur- le-champ. Les femmes, elles, peuvent encore attendre. Revenons Ă la rĂ©alitĂ©. Dans tous les pays voisins oĂč des lĂ©gislations semblables existent, la civilisation ne sâest pas Ă©croulĂ©e et les enfants nâerrent pas, privĂ©s de racines, Ă la recherche de leur cordon ombilical symbolique. Mais bon, un pĂ©ril virtuel reste un pĂ©ril, surtout quand la menace vise des catĂ©gories qui ont tout loisir de sâexprimer publi- quement.. Cependant, Ă mesure que les discussions avancent et que les arguments sâaffinent, apparaĂźt la vraie terreur. Le double nom ? Tant dâopposants Ă la loi trouvent soudain que câest une excellente idĂ©e quâon se demande pourquoi ils ne lâont pas pro- posĂ©e plus tĂŽt. Non, ce qui leur paraĂźt vraiment inacceptable, et mĂȘme contraire Ă lâĂ©galitĂ© entre hommes et femmes, câest la possibilitĂ© que seul le nom de la mĂšre soit gardĂ© et que celui du pĂšre disparaisse, fĂ»t-ce en accord avec lui (car rappe- lons-le, en cas de dĂ©saccord, câest le double nom qui sera donnĂ©, elle derriĂšre et lui devant). Il ne sâagit pas dâune crainte de perdre un pouvoir, non, non, non, mais celle que le pĂšre se lave les mains de ses responsabilitĂ©s et abandonne sa progĂ©ni- ture pour aller vaquer aux occupations quâil aime vraiment, son boulot, la drague, les jeux vidĂ©o et le foot (1) . Moi, je serais un homme, je porte- rais immĂ©diatement plainte pour sexisme : câest quoi, cette vision rĂ©ductrice du mĂąle ne songeant quâĂ sâenfuir aprĂšs avoir transmis sa petite graine, Ă moins dâavoir le droit de planter une pancarte avec son titre de propriĂ©tĂ©, comme les animaux pissent pour marquer leur territoire ? Pour en revenir Ă lâexpĂ©rience la plus triviale, on a pu consater depuis des lustres que la transmis- sion de leur seul nom nâempĂȘche nullement les pĂšres volages de prendre le large ni de nĂ©gliger (ou refuser) de payer une pension alimentaire. Ă lâinverse, plus que les mesures symboliques, des congĂ©s parentaux convenablement rĂ©tribuĂ©s et Ă prendre obligatoirement par les deux parents, comme dans les pays nordiques, incitent davan- tage les pĂšres Ă prendre leur part du boulot dâĂ©du- cation et de soins aux enfants. Bref : on aurait peut-ĂȘtre pu faire autrement, plus simple, je ne suis guĂšre experte en la matiĂšre. Et sans doute nâest-ce pas la mesure phare de lâĂ©ga- litĂ© entre hommes et femmes. Ce sera peut-ĂȘtre aussi un peu plus compliquĂ© dans les familles, mais oui, la possibilitĂ© de choix, ça oblige Ă rĂ©- flĂ©chir, parfois Ă nĂ©gocier, et effectivement, câest «plus compliqué». Plus dĂ©mocratique et Ă©galitaire aussi, peut-ĂȘtre ocratique, mais «plus compliqué». Mais de lĂ Ă crier au tsunami moral, voire Ă la dic- tature  (2) , il faut une sacrĂ©e trouille de perdre non pas ses «repĂšres», mais ses privilĂšges. Personnellement, cette loi mâapparaĂźt comme le simple reflet dâune Ă©volution de la sociĂ©tĂ©, qui nâest ni rĂ©volutionnaire ni menaçante. Je persiste et je signe, en hommage Ă ma mĂšre, IrĂšne Briefel - ce qui nâest jamais que le nom de son pĂšre Ă elle... (1) Cette vision est notamment dĂ©veloppĂ©e par lâ «expert» choisi par Moustique, le professeur Patrick De Neuter (2) Le «libĂ©ral» Armand De Decker, dans la Libre
7.
JDJ - N°
333 - mars 2014 7 Un enfant exposĂ© aux violences entre partenaires est un enfant maltraitĂ© Sophia Mesbahi(1) Lâonde de choc des violences conjugales peut parfois dĂ©passer le couple et sâĂ©tendre aux enfants. Pendant longtemps, ces enfants ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme de simples tĂ©moins. Mais ceux qui assistent Ă des scĂšnes de violences sont Ă©galement victimes. Dans cette analyse, nous tĂącherons de dĂ©crire, dâune part, lâimpact des violences entre partenaires sur les enfants, dâautre part, de mettre en lumiĂšre le lien entre cette exposition et lâapprentissage des relations inĂ©galitaires. En chiffres LâInstitut pour lâĂgalitĂ© des Femmes et des Hommes(3) rapporte les chiffres suivants pour la  Belgique: dans plus de 40% des situations de violences entre parte- naires, au moins un enfant a Ă©tĂ© tĂ©moin de violences sur lâun de ses parents. Quand il sâagit de violences graves et trĂšs graves, la proportion frĂŽle les 50%. De plus, 35% des auteurs ont eux-mĂȘmes assistĂ© dans leur enfance Ă des violences entre leurs parents. En contexte de sĂ©paration, plus de 56% des situations de violences ont lieu en prĂ©sence des enfants. Enfin, 40% des enfants exposĂ©s aux violences entre partenaires sont Ă©galement victimes de maltraitances physiques sur leur propre personne. Pour parler des enfants exposĂ©s aux violences entre partenaires, on a longtemps employĂ© le terme «tĂ©- moin». Pourtant, aujourdâhui, il est largement admis que les enfants qui assistent Ă des scĂšnes de violence entre partenaires sont exposĂ©s directement Ă celles-ci. Depuis quelques annĂ©es, en matiĂšre de lutte contre les violences entre partenaires, les enfants sont reconnus comme une catĂ©gorie de victimes Ă part entiĂšre. Cette reconnaissance participe Ă la prise de conscience de lâexistence dâun prĂ©judice pour les enfants exposĂ©s Ă la violence. Ceux-ci sont davantage que des tĂ©moins, puisquâils ne sont pas Ă lâabri de la menace : «dans lâex- pression «tĂ©moin», il semble que lâenfant nâest pas person- nellement impliquĂ©, convoquĂ© malgrĂ© lui dans ce contexte et ce quâil produit. Or il en est tout autrement. En effet, lâenfant exposĂ© vit au cĆur dâune dynamique modulĂ©e par le cycle de la violence conjugale»(2) . De plus, il existe une corrĂ©lation entre maltraitance infantile et violences entre partenaires. En effet, nombreux sont les enfants qui vivent dans un contexte violent et sont eux-mĂȘmes victimes de maltraitances directes de la part de lâun ou lâautre parent, voire les deux. (1) ChargĂ©e de mission Ă la fĂ©dĂ©ration des centres de planning familial des FPS. Le titre de cet article est librement inspirĂ© de la brochure Un enfant exposĂ© aux violences conjugales est un enfant maltraitĂ© rĂ©alisĂ©e par la Direction de lâĂgalitĂ© des Chances de la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles de Belgique, disponible Ă lâadresse suivante : http:// www.egalite.cfwb.be (2) J.-L. SIMOENS, Le cycle de la violence, un outil dâintervention ciblĂ©e auprĂšs des enfants exposĂ©s aux violences conjugales, LiĂšge, C.V.F.E., dĂ©cembre 2011, p. 2. (3) Voy. X, Les expĂ©riences des femmes et des hommes en matiĂšre de violence psycholo- gique, physique et sexuelle, I.E.F.H., 2010.
8.
8 JDJ -
N° 333 - mars 20148 JDJ - N° 333 - mars 2014 Impacts sur les enfants Les consĂ©quences sur la santĂ© et le comportement des enfants sont multiples, mais pas spĂ©cifiques. En prĂ©sence de certains symptĂŽmes caractĂ©ristiques de la maltraitance, le professionnel de santĂ© ou le travailleur social peut seulement formuler lâhypothĂšse dâun contexte familial prĂ©occupant. Lâimpact des violences conjugales sur lâenfant se rĂ©per- cute aussi bien sur son dĂ©veloppement psychologique (estime de soi, culpabilisation, dĂ©pression, anxiĂ©tĂ©) que physique (blessures accidentelles ou intention- nelles, retard de croissance, Ă©nurĂ©sie, troubles du lan- gage). Toutefois, tous les enfants exposĂ©s rĂ©agissent diffĂ©remment, et certains peuvent ne prĂ©senter aucun trouble perceptible. 1) Troubles affectifs et relationnels Lâenfant peut manifester des difficultĂ©s Ă sâattacher et/ ou Ă se sĂ©parer, Ă identifier ses Ă©motions et les gĂ©rer. Il peut Ă©galement souffrir de timiditĂ© excessive, de crainte des adultes, de dĂ©pression et dâanxiĂ©tĂ©. 2) Troubles comportementaux Les enfants exposĂ©s aux violences peuvent avoir ten- dance Ă reproduire eux-mĂȘmes la violence au travers de jeux, Ă prĂ©senter des difficultĂ©s de concentration, Ă ĂȘtre irritables, excessivement fatiguĂ©s ou au contraire, hy- peractifs. Ils peuvent Ă©galement adopter des conduites addictives, suicidaires, ou fuguer et «dĂ©linquer». 3) ConsĂ©quences physiques et psychosomatiques Outre les blessures indirectes ou directes causĂ©es par les violences intrafamiliales, lâenfant peut souffrir dâun manque de soins ou de nĂ©gligences. Des troubles psychosomatiques peuvent Ă©galement apparaĂźtre. Il sâagit le plus souvent dâĂ©nurĂ©sie, de re- tards de croissance, de maux de tĂȘte, maux de ventre, malaises, troubles du sommeil. 4) Effets sur le dĂ©veloppement cognitif Certains enfants dĂ©veloppent, en rĂ©ponse Ă la violence, des troubles de lâapprentissage liĂ©s notamment Ă un dĂ©ficit dâattention et/ou Ă un dĂ©sintĂ©rĂȘt pour lâĂ©cole. Ils peuvent aussi avoir des difficultĂ©s dâaudition et de langage. Par ailleurs, 60% de ces enfants prĂ©sentent un syn- drome de stress post-traumatique. Il sâagit dâun trouble anxieux qui survient Ă la suite dâun ou plusieurs Ă©vĂ©ne- ments stressants et qui se traduit par des difficultĂ©s de concentration, dâattention, de lâirritabilitĂ©, de lâagres- sivitĂ© envers soi-mĂȘme et les autres, de lâanxiĂ©tĂ©, de la dĂ©pression, etc. Attitudes des enfants face aux violences entre partenaires En rĂ©action Ă la violence, les enfants peuvent avoir des attitudes diffĂ©rentes. Ils peuvent prendre parti pour lâun ou lâautre parent, ĂȘtre coincĂ©s dans un conflit de loyautĂ©(4) ou encore faire comme si rien ne se pas- sait. Selon le contexte, ils endossent un rĂŽle diffĂ©rent et mettent en place des stratĂ©gies pour faire face aux crises. Lorsque lâenfant «perçoit lâenvironnement comme Ă©tant composĂ© de «bourreaux» et de «victimesâ»(5) , il peut avoir tendance Ă prendre parti pour la victime. Il considĂšre lâauteur comme responsable de ce qui se passe au sein du foyer et tente dâĂ©viter que la violence nâatteigne le parent victime. Si lâenfant perçoit son environne- ment comme «composĂ© de «gagnants» et de âperdantsâ; la violence est un moyen efficace pour ĂȘtre du cĂŽtĂ© des gagnants»(6) . Il sâidentifie alors au parent auteur et considĂšre la victime comme responsable de ce qui leur arrive Ă tous. Si lâenfant reçoit des messages contradictoires de la part de ses parents, il peut se sentir obligĂ© de prendre position. Dans ce cas, lâenfant ne prend rĂ©ellement parti ni pour lâun ni pour lâautre et tente de rester fi- dĂšle aux deux. Il peut alors se sentir responsable et impuissant. Lâenfant peut Ă©galement ĂȘtre dans le dĂ©ni et prĂ©texter que les violences nâexistent pas. Si ses parents bana- lisent celles-ci, lâenfant doute de son ressenti et peut aller jusquâĂ bloquer ses Ă©motions. (4) Lâenfant se retrouve malgrĂ© lui tiraillĂ© entre les attentes de son pĂšre et celles de sa mĂšre. (5) Un enfant exposĂ© aux violences conjugales est un enfant maltraitĂ©, op. cit., p. 34. (6) Ibidem, p. 36..
9.
JDJ - N°
333 - mars 2014 9 1) StratĂ©gies adoptĂ©es Que les violences soient dirigĂ©es contre eux ou contre un parent, les enfants dĂ©veloppent des techniques de dĂ©fense et de protection. Ces mĂ©canismes viennent influencer les facteurs de risques et de protection in- hĂ©rents Ă leur situation (famille, entourage, Ă©cole, aide sociale). Les stratĂ©gies principales sont les suivantes(7)  : - blocage psychologique ou dĂ©connexion Ă©motion- nelle; - crĂ©ation dâune situation imaginaire; - Ă©vitement physique; - recherche dâamour et dâacceptation; - prise en charge comme gardien protecteur; - demande directe/indirecte dâaide; - rĂ©orientation des Ă©motions vers des activitĂ©s positives; - tentatives de donner du sens aux violences, de les prĂ©- dire, dâĂ©viter lâirruption des comportements violents. 2) RĂŽles endossĂ©s Dans la dynamique familiale, les enfants exposĂ©s aux violences sont amenĂ©s Ă endosser certains rĂŽles afin de se protĂ©ger. Les positions quâils adoptent peuvent Ă©vo- luer au cours du cycle de la violence et circuler dâun enfant Ă lâautre dans la fratrie. Le «petit parent» se sent investi dâune mission de pro- tection vis-Ă -vis du parent victime et de la fratrie, il veille Ă leur sĂ©curitĂ© tandis que le «petit agresseur» peut avoir des passages Ă lâacte violents envers la victime. Il sâidentifie Ă lâauteur des violences pour contrer ses angoisses et Ă©viter de contrarier le parent auteur. Dans un autre registre, lâ«enfant modĂšle» est autonome et trĂšs bon Ă lâĂ©cole, il fait de son mieux pour ne jamais faire de vagues et il Ă©vite tout ce qui, selon lui, est gĂ©nĂ©ra- teur de violences. Le «bouc Ă©missaire» quant Ă lui, est au cĆur des tensions et perçu par les adultes comme la cause des violences. Bien que ces rĂŽles servent à «retrouver une impression de contrĂŽle sur leur environnement»(8) , ils peuvent nuire Ă lâĂ©panouissement des enfants sâils perdurent dans le temps. Une fois Ă©cartĂ©s de la violence, les enfants se dĂ©gagent petit Ă petit des rĂŽles quâils avaient endossĂ©s et apprennent Ă retrouver leur place dâenfant. La parentalitĂ© remise en question Quâils soient victimes ou auteurs, la prise en charge des violences entre partenaires met (inĂ©vitablement ?) en doute les compĂ©tences parentales. a. Victime et responsable de la souffrance des enfants ? La violence est intimement liĂ©e au manque de choix. En effet, «les violences conjugales infligent une souffrance psychologique qui affecte la volontĂ© du sujet, ses liens af- fectifs, ses loyautĂ©s et ses croyances. Elles occultent pour beaucoup de femmes lâimpact sur leurs enfants et lâim- pact sur leurs capacitĂ©s de perceptions parentales»(9) . Cer- taines victimes peuvent ainsi sembler confuses et peu concernĂ©es par les violences agies au sein de la famille. En consĂ©quence, lâexercice de la parentalitĂ© est inco- hĂ©rent et il nâest pas rare que les victimes soient tenues responsables de la souffrance de leurs enfants par leur entourage, le corps mĂ©dical ou certains travailleurs so- ciaux. Dâailleurs, «les manquements des mĂšres, en tant que parent, sont beaucoup plus signalĂ©s que ceux des pĂšres»(10) . Pourtant, si nĂ©gligences il y a, elles sont majoritai- rement le rĂ©sultat de la culpabilitĂ©, lâangoisse, la co- lĂšre, lâindisponibilitĂ© Ă©motionnelle ou simplement lâabsence ou la perte de savoir-faire(11) . Lâinconstance dans lâĂ©ducation des enfants est Ă©galement considĂ©rĂ©e comme une stratĂ©gie pour Ă©viter les crises. En prĂ©sence de lâauteur des violences, «les victimes peuvent se mon- trer soit plus froides ou brusques, soit au contraire plus indulgentes ou permissives Ă lâĂ©gard de leur enfant»(12) . b. Lâauteur de violences est-il un mauvais parent (13) ? Les auteurs de violences conjugales sont souvent consi- dĂ©rĂ©s comme de mauvais parents. Pour beaucoup, il (7) Ibidem, p. 30-31. (8) Ibidem, p. 32. (9) A. AĂT HMAD, Violence conjugale et enfants : oĂč en sommes-nous ?, LiĂšge, C.V.F.E., septembre 2012, p. 2. (10) Un enfant exposĂ© aux violences conjugales est un enfant maltraitĂ©, op. cit., p. 45. (11) A. AĂT HMAD, Violence conjugale et enfants : oĂč en sommes-nous ?, op. cit., p. 3. (12) Un enfant exposĂ© aux violences conjugales est un enfant maltraitĂ©, op. cit., p. 46. (13) Ă ce sujet, Voy. B. BASTARD, Un conjoint violent est-il un mauvais parent ?, Bruxelles, FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles de Belgique, octobre 2013.
10.
10 JDJ -
N° 333 - mars 201410 JDJ - N° 333 - mars 2014 semble en effet difficile de concilier adĂ©quation vis-Ă -vis de lâenfant et violences entre partenaires. Une Ă©tude française a montrĂ© que «les pĂšres violents ont un style de parentalitĂ© diffĂ©rent de celui des pĂšres non violents»(14) . LâĂ©valuation des compĂ©tences parentales des auteurs est essentielle pour Ă©valuer le risque que courent les enfants exposĂ©s. Leur capacitĂ© Ă tenir compte des besoins de lâenfant est limitĂ©e et ils font preuve de peu dâempathie. Cependant, lorsquâil sâagit de lâintĂ©rĂȘt de lâenfant, il faut absolument distinguer le partenaire du pĂšre; «en effet, comment penser que la mise Ă lâĂ©cart dâun pĂšre puisse rĂ©soudre le problĂšme comme par un coup de baguette magique ?»(15) . Quelle que soit la situation familiale, câest lâ«intĂ©rĂȘt su- pĂ©rieur de lâenfant»(16) qui doit primer. Avec un soutien adaptĂ©, les aptitudes parentales peuvent toujours ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es. Câest la raison pour laquelle, mĂȘme en contexte de violences conjugales, le maintien des rela- tions parents/enfants est de plus en plus valorisĂ©. Apprentissage de lâinĂ©galitĂ© entre hommes et femmes RĂ©pĂ©tition de la violence et rapports sociaux inĂ©ga- litaires vont de pair. En effet, lâimpact des violences conjugales varie notamment selon le sexe de lâenfant. Selon certains psychologues, les garçons auraient ten- dance Ă extĂ©rioriser davantage les consĂ©quences de leur exposition Ă la violence. Dâautre part, les petits garçons comme les petites filles observent et apprennent trĂšs tĂŽt Ă reproduire la violence ou Ă se positionner en victime. Plus tard, dans leurs relations amoureuses, ces enfants peuvent ĂȘtre amenĂ©s Ă reproduire les comportements agressifs ou la victimisation. Pour une femme qui a Ă©tĂ© exposĂ©e aux violences dans lâenfance, la probabilitĂ© dâĂȘtre victime de violences conjugales est trois fois plus grande. Si elle a Ă©tĂ© victime de maltraitances directes, celle-ci est cinq fois plus grande. On constate ainsi que certains garçons adoptent des comportements agressifs et de domination, tandis que chez certaines filles, on remarque une tendance à «sâadapter au dĂ©sir et attentes de lâautre, repousser les limites de ce qui est acceptable pour soi, par empathie et/ou pour exister, ou encore pour tenter dâobtenir une reconnaissance sociale»(17) . La distinction de lâimpact selon le sexe dĂ©pend prin- cipalement de la socialisation. En effet, les rĂŽles attri- buĂ©s traditionnellement aux filles et garçons ainsi que les rĂŽles intĂ©riorisĂ©s par ceux-ci favorisent la rĂ©pĂ©tition de la violence. Cette exposition aux violences et leur rĂ©pĂ©tition ali- mentent les reprĂ©sentations sociales inĂ©galitaires. Lâap- prentissage de lâinĂ©galitĂ© entre hommes et femmes est intimement liĂ© aux dynamiques familiales. Câest pour- quoi, dans le cadre de la prise en charge des victimes et des enfants exposĂ©s aux violences entre partenaires, il est essentiel de travailler sur la non-violence et les relations Ă©galitaires. Conclusion Lâexposition aux violences entre partenaires est dĂ©sor- mais reconnue comme de la maltraitance infantile. Lâapprentissage des relations inĂ©galitaires est une de ses consĂ©quences et non des moindres, puisque lâintĂ©rio- risation de lâinĂ©galitĂ© entre hommes et femmes a des rĂ©percussions potentielles sur la vie affective, sexuelle, sociale et professionnelle de ces futurs adultes. Alors, que peut-on faire ? Deux pistes de rĂ©flexion sont Ă envi- sager : le travail en rĂ©seau et la prise en charge spĂ©cifique des enfants exposĂ©s. La prise en charge des violences intrafamiliales a plus de chance de porter ses fruits si elle repose sur un travail Ă la fois pluridisciplinaire et spĂ©cialisĂ©. En temps de crise, le rĂ©seau psycho-mĂ©dico-social tout entier doit se mobi- liser afin dâaccueillir les victimes adultes et enfants. Par la suite, un travail de fond doit nĂ©cessairement avoir lieu pour permettre aux enfants exposĂ©s dâintĂ©grer des mo- dĂšles relationnels Ă©galitaires. Ce travail sert Ă©galement de prĂ©vention Ă la rĂ©pĂ©tition de la violence. Un enfant Ă qui lâon a appris Ă reconnaĂźtre les modĂšles Ă©galitaires et qui les met en Ćuvre dans ses relations avec autrui est moins susceptible de reproduire ou subir des violences dans sa vie affective et sexuelle future. Un accompagnement de qualitĂ© des enfants participe Ă la lutte contre les violences intrafamiliales et prĂ©vient lâapparition de nouvelles victimes. (14) Un enfant exposĂ© aux violences conjugales est un enfant maltraitĂ©, op. cit., p. 42. (15) B. BASTARD, Un conjoint violent est-il un mauvais parent ?, op. cit., p. 44. (16) Article 3 de la Convention Internationale des Droits de lâEnfant : «Dans toutes les dĂ©cisions qui concernent les enfants, quâelles soient le fait des institutions publiques ou privĂ©es de protection sociale, des tribunaux, des autoritĂ©s admi- nistratives ou des organes lĂ©gislatifs, lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâenfant doit ĂȘtre une considĂ©ration primordiale». (17) Un enfant exposĂ© aux violences conjugales est un enfant maltraitĂ©, op. cit., p. 28.
11.
JDJ - N°
333 - mars 2014 11 La rĂ©alisation des droits de lâenfant, câest aussi une question de budget Sarah Dâhondt et Siska Van de Weyer(1) Le ComitĂ© des Droits de lâEnfant des Nations unies exprime depuis quelques annĂ©es ses prĂ©occupations sur lâabsence de toute indication concernant la maniĂšre dont Ă©voluent les budgets des Ătats signataires de la Convention dans les matiĂšres qui concernent les mineurs. Il entame cette annĂ©e une rĂ©ïŹexion en vue de rĂ©diger un commentaire gĂ©nĂ©ral sur le «child budgeting». Comment aborder concrĂštement cet exercice en Belgique ? La Commission nationale des droits de lâenfant (CNDE) a rĂ©alisĂ© une note de rĂ©ïŹexion pour poser les jalons dâun choix politique rĂ©ïŹĂ©chi en la matiĂšre. (1) Respectivement prĂ©sidente et attachĂ©e de la Commission nationale pour les droits de l'enfant. Cette contribution est le rĂ©sumĂ© dâune note de rĂ©ïŹexion, rĂ©digĂ©e dans le cadre des travaux de la Commission Nationale pour les Droits de lâEnfant. Elle vise Ă susciter une rĂ©ïŹexion plus gĂ©nĂ©rale en la matiĂšre. Les auteurs remercient le Kenniscentrum Kinderrechten (KeKi), De Ambrassade, DEI Belgique, la Kinderrechtencoalitie, le Kin- derrechtencommissariaat, lâInstitut du DĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral aux droits de lâenfant, lâInstitut pour lâĂ©galitĂ© des femmes et des hommes, Unicef Belgique, la Vlaamse administratie (Agentschap sociaal-cultureel werk voor jeugd en volwassenen, afdeling Jeugd et le DĂ©partement FinanciĂ«n en Begroting) et lâOEJAJ pour leurs suggestions. La note a Ă©tĂ© intĂ©gralement publiĂ©e en NL dans le TJK (Tijdschrift voor Jeugd- en Kinderrechten). La version FR complĂšte (avec mention des sources consultĂ©es) ïŹgure sur www.cnde. be, rubrique «actualitĂ©s sur la CNDE». Lors de lâĂ©tablissement dâun canevas pour le rapport pĂ©riodique sur la mise en Ćuvre de la Convention In- ternationale relative aux droits de lâenfant en Belgique (CIDE), sâest posĂ©e la question de la disponibilitĂ© de lâinformation concernant les budgets des programmes destinĂ©s aux mineurs. Le constat est malheureuse- ment identique Ă celui dĂ©jĂ effectuĂ© en 2010, lors de la prĂ©sentation belge du prĂ©cĂ©dent rapport CIDE pĂ©- riodique (troisiĂšme et quatriĂšme rapports combinĂ©s) de la Belgique : les donnĂ©es ne sont pas directement disponibles. Câest la raison pour laquelle le secrĂ©tariat de la Com- mission Nationale pour les Droits de lâEnfant (CNDE) a dĂ©cidĂ© dâexplorer les jalons dâun choix politique rĂ©- flĂ©chi pour la budgĂ©tisation des programmes destinĂ©s aux enfants (en anglais, child budgeting). Dans cette note, cette budgĂ©tisation est prĂ©sentĂ©e comme une premiĂšre Ă©tape. Une analyse approfondie du budget pour mineurs permettra par la suite de construire les fondements dâun child friendly budgeting, câest-Ă -dire une façon dâallouer le budget qui soit adaptĂ©e aux en- fants et Ă leurs besoins. La FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles semble dâores et dĂ©jĂ convaincue de lâimportance dâune telle dĂ©marche. Son plan dâaction triennal pour les enfants le plus rĂ©cent fait Ă©tat de la volontĂ© dâ «identifier dans le budget les al- locations et montants qui ont comme destinataires directs ou indirects les enfants». De son cĂŽtĂ©, le plan dâAction flamand pour les droits de l'enfant (Vlaams Actie- plan Kinderrechten) 2011-2014 envisage la possibi- litĂ© dâinventorier les budgets utilisĂ©s pour amĂ©liorer la situation des enfants, afin dâoptimaliser leur attribu- tion (objectif opĂ©rationnel 1.4). Lors du premier suivi du plan flamand pour la politique de la jeunesse et du plan dâAction flamand pour les droits de lâenfant, les points de contact ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă mentionner les budgets. Lâexercice a Ă©chouĂ© Ă cause dâun manque de rĂ©action. Le gouvernement flamand souhaite toutefois poursuivre la rĂ©flexion et espĂšre que le secrĂ©tariat de la CNDE pourra lâinspirer. Ă la suite d'impulsions internationales (United Na- tions Entity for Gender Equality and the Empower- ment of Women) et europĂ©ennes (Conseil de lâEu- rope), le gouvernement fĂ©dĂ©ral a, depuis 2007, mis en Ćuvre un autre systĂšme de budgĂ©tisation thĂ©matique, le gender budgeting. Cela nous a semblĂ© un point de dĂ©part intĂ©ressant pour Ă©tudier la faisabilitĂ© dâun pro- gramme similaire en faveur des enfants. Cette contribution sâarticule autour de trois thĂšmes : nous esquisserons premiĂšrement un cadre thĂ©orique de la demande actuelle de procĂ©der Ă une budgĂ©tisation des programmes destinĂ©s aux enfants, nous aborderons ensuite la plus-value et les limites dâun tel exercice et, finalement, nous proposerons des recommandations en vue dâune application concrĂšte dans le contexte belge, avec pour objectif final de parvenir Ă une budgĂ©tisation adaptĂ©e aux enfants (child friendly budgeting).
12.
12 JDJ -
N° 333 - mars 201412 JDJ - N° 333 - mars 2014 Cadre thĂ©orique «Dans le cas des droits Ă©conomiques, sociaux et culturels, ils [les Ătats parties] prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposentâŠÂ». Lâarticle 4 de la Convention internationale relative aux droits de lâenfant (CIDE) peut ĂȘtre vu comme une premiĂšre tentative de sâengager dans le child budgeting et de tendre vers une utilisation optimale des budgets. Le ComitĂ© des droits de lâenfant des Nations unies de- mande Ă©galement dans ses directives concernant la forme et le contenu des rapports pĂ©riodiques dâindi- quer si le budget pour la rĂ©alisation des droits de lâen- fant est clairement identifiĂ© et suivi et de reprendre certaines informations budgĂ©taires dans les rapports pĂ©riodiques des Ătats parties. LâintĂ©rĂȘt de lâarticle 4 de la CIDE est dâailleurs sou- lignĂ© par le ComitĂ© par le biais de son Observation gĂ©nĂ©rale n° 5 et des recommandations formulĂ©es lors de la JournĂ©e de Discussion gĂ©nĂ©rale de 2007 consa- crĂ©e au thĂšme «budget pour les droits de lâenfant». Le ComitĂ© encourage vivement les pouvoirs publics des Ătats signataires de la Convention Ă identifier de façon pĂ©riodique les moyens Ă©conomiques, humains et orga- nisationnels disponibles pour la rĂ©alisation des droits de lâenfant, ainsi que les moyens qui sont effective- ment utilisĂ©s pour implĂ©menter les droits de lâenfant. Cette information est en effet utile pour une Ă©valuation correcte des mesures qui sont prises Ă tous les niveaux de lâĂtat. Elle permet de veiller Ă ce que le planning Ă©conomique et social â qui donne lieu Ă des dĂ©cisions politiques et budgĂ©taires â soit Ă©tabli dans lâintĂ©rĂȘt su- pĂ©rieur de lâenfant et que les mineurs, y compris les groupes vulnĂ©rables, soient protĂ©gĂ©s contre les effets indĂ©sirables de la politique Ă©conomique ou contre les fluctuations du marchĂ© financier. Le ComitĂ© des droits de lâenfant des Nations unies de- meure malheureusement extrĂȘmement vague concer- nant la maniĂšre dont cet exercice pourrait ĂȘtre abordĂ© concrĂštement. En outre, il ne procĂšde toujours pas Ă une Ă©valuation effective des choix budgĂ©taires qui sont connus. Pour lâinstant, le ComitĂ© se contente dâobser- ver simplement lâobligation de non-rĂ©gression, «the obligation to not take any retrogressive steps». Nous at- tendons donc impatiemment le commentaire gĂ©nĂ©ral sur le child budgeting en voie dâĂ©laboration. La littĂ©rature disponible indique que le child budgeting est un processus complexe, intensif et de longue durĂ©e. Nous prĂ©conisons dĂšs lors de confronter tout dâabord la plus-value du child budgeting aux efforts que coĂ»tera sans aucun doute cet exercice. Avantages La budgĂ©tisation des programmes destinĂ©s aux en- fants est un outil stratĂ©gique qui peut permettre une meilleure comprĂ©hension du systĂšme de financement complexe et fragmentĂ© des pouvoirs publics. La carto- graphie qui en rĂ©sulte peut Ă©galement ĂȘtre rĂ©vĂ©latrice dâĂ©ventuels manques et chevauchements. LâĂ©tablissement dâun compte rendu transparent a aussi lâavantage de permettre aux citoyens (mineur et ma- jeur) de mieux comprendre les affectations budgĂ©taires des pouvoirs publics(2) . Enfin, un tel travail donne aux autoritĂ©s lâoccasion de rendre compte de leurs dĂ©- penses et de leurs efforts pour la rĂ©alisation des droits de lâenfant. Cette budgĂ©tisation est ainsi un instrument important pour rendre mesurable et visible lâeffet dâune politique des droits de lâenfant. Toutefois, il faut relativiser le lien entre un budget et lâeffet qui en rĂ©sulte. Un bud- get important nâest pas toujours nĂ©cessaire pour rĂ©ali- ser des projets intĂ©ressants. De plus, il nâest pas en tant que tel la preuve dâune politique efficace et adaptĂ©e aux enfants. Une transparence Ă ce niveau prĂ©sente en outre lâavan- tage de pouvoir prĂ©venir plus aisĂ©ment les attentes ir- rĂ©alistes de certaines ONG qui font du lobbying en faveur des droits de lâenfant. Elle peut les pousser Ă Ă©tablir des prioritĂ©s et Ă poursuivre avant tout une amĂ©lioration de lâefficacitĂ© dans lâutilisation des res- sources budgĂ©taires. Une attitude pragmatique peut ainsi se substituer Ă une quĂȘte parfois irrĂ©aliste de bud- gets toujours plus importants. Le rĂ©sultat de lâanalyse des budgets consacrĂ©s aux mi- neurs peut en outre susciter Ă court terme une prise de conscience, dans le monde politique, de la nĂ©cessitĂ© pour les budgets dĂ©partementaux de concentrer leur attention sur le dĂ©veloppement de programmes adap- tĂ©s aux enfants. Ă long terme, une telle analyse peut conduire Ă une utilisation plus efficace des moyens publics, ainsi quâĂ (2) Dans ce cadre, nous recommandons Ă lâĂtat belge de participer au projet International Budget Partnership du centre amĂ©ricain Centre on Budget and Policy Priorities, voir http://internationalbudget.org/what-we-do/open-budget-survey/).
13.
JDJ - N°
333 - mars 2014 13 amĂ©liorer les collaborations entre les diffĂ©rents services. Le rĂ©sultat peut Ă©galement permettre de dĂ©velopper une mĂ©thodologie prĂ©dictive en matiĂšre de coĂ»ts afin dâestimer le budget des programmes Ă dĂ©velopper. Le child budgeting pourrait aussi, pour autant quâune mĂȘme approche soit adoptĂ©e, ĂȘtre un instrument utile lors de la comparaison des prioritĂ©s politiques des pays les uns avec les autres. Une telle cartographie Ă©largie permet la rĂ©alisation dâanalyses et lâĂ©change de bonnes pratiques au niveau international. Il conviendra tou- tefois de tenir compte ici dans une large mesure des diffĂ©rentes situations de dĂ©part et des prioritĂ©s et rĂ©ali- tĂ©s culturelles diffĂ©rentes, qui peuvent toutes avoir leur impact tant sur le contenu de la notion de «droits de lâenfant» que sur la transposition concrĂšte des droits de lâenfant dans leur politique. En outre, nous rĂ©itĂ©rons Ă nouveau ici cette remarque : le budget ne constitue quâun des Ă©lĂ©ments Ă prendre en compte lors de lâana- lyse. Il ne dit en soi rien sur la qualitĂ© de la politique menĂ©e. Cela vaut aussi bien au niveau national quâin- ternational. Limites Cet exercice a aussi ses limites. Tout dâabord, il est trĂšs difficile de distinguer, dans la comptabilitĂ© publique globale, un budget en faveur des mineurs sans prĂ©voir la moindre marge dâerreur. Les donnĂ©es budgĂ©taires sont souvent incomplĂštes, insuffisamment dĂ©taillĂ©es, peu transparentes ou sim- plement indisponibles. Ce qui implique notamment que les budgets des programmes destinĂ©s Ă des groupes cibles spĂ©cifiques, comme les mineurs qui vivent dans la pauvretĂ© ou les mineurs Ă©trangers, ne sont pas tou- jours aisĂ©ment identifiables. En cas dâabsence de ventilation entre les bĂ©nĂ©ficiaires mineurs et majeurs, il y aura Ă©galement lieu dâutiliser des clĂ©s de rĂ©partition pour calculer la part rĂ©servĂ©e aux mineurs. Il nâest bien entendu pas opportun de se fonder systĂ©matiquement sur la proportion de mi- neurs dans la population totale. Les clĂ©s de rĂ©partition doivent ĂȘtre fixĂ©es (par approximation) en fonction des montants effectivement dĂ©pensĂ©s pour les mi- neurs. Cette maniĂšre de procĂ©der rend inĂ©vitablement le rĂ©sultat final moins prĂ©cis. Par ailleurs, certaines mesures prises dans des do- maines qui ne prĂ©sentent aucun lien avec des mineurs peuvent parfois avoir des effets positifs indirects sur eux. Par exemple, la taxe sur le tabac augmente le prix des cigarettes, ce qui peut avoir un effet dissuasif sur la consommation de tabac chez les mineurs. Une autre limite touche Ă lâobjectivitĂ© de lâexercice. Ătant donnĂ© que notre cartographie a pour but de procĂ©der par la suite Ă une analyse et Ă une Ă©valuation de la politique budgĂ©taire qui a Ă©tĂ© menĂ©e, il faudra reprendre uniquement les donnĂ©es qui constituent une plus-value pour lâanalyse envisagĂ©e. Il faudra donc savoir quels sont les budgets qui offrent ou non une plus-value en termes de droits de lâenfant. Câest ainsi que lâon pourra, par exemple, estimer que les budgets destinĂ©s Ă lâamĂ©nagement de passages pour piĂ©tons ou de casse-vitesse aux abords des Ă©coles doivent ĂȘtre in- clus, contrairement aux budgets destinĂ©s Ă amĂ©nager un rond-point de sĂ©curitĂ© ou Ă limiter la vitesse en ag- glomĂ©ration, ce qui entraĂźne inĂ©vitablement des choix subjectifs avec pour consĂ©quence que la dĂ©finition fi- nale du budget en faveur des mineurs ne pourra se dĂ©rouler en toute objectivitĂ©. Afin de pouvoir accorder une certaine autoritĂ© Ă lâexercice, il y a lieu dâĂ©laborer une mĂ©thodologie bien rĂ©flĂ©chie soutenue par lâen- semble des personnes concernĂ©es. Une troisiĂšme rĂ©serve constitue la charge de travail trĂšs intense quâimplique lâexercice. En cas de compĂ©tences mixtes, diffĂ©rents niveaux de pouvoir sont compĂ©tents pour le financement dâun seul et mĂȘme poste budgĂ©- taire. Cela implique que les donnĂ©es sont Ă©parpillĂ©es Ă plusieurs niveaux de compĂ©tences et Ă©ventuellement enregistrĂ©es de diffĂ©rentes maniĂšres. Les rĂ©unir et les rendre comparables entre elles nĂ©cessitera donc une approche uniforme, qui reste Ă construire. Ătant donnĂ© que les dĂ©penses publiques prennent rĂ©- guliĂšrement la forme dâun transfert Ă un autre pou- voir chargĂ© de lâexĂ©cution effective de la politique, un risque de double comptage nâest pas exclu. Le dĂ©dou- blement de ces donnĂ©es demandera lui aussi du temps. Une comparaison des budgets sur plusieurs annĂ©es peut en outre sâavĂ©rer difficile parce que, en plus des programmes et des organisations, il est possible que les dĂ©finitions et les catĂ©gories de budget au sein de ces pro- grammes subissent des modifications au fil du temps. Ce type de budgĂ©tisation entraĂźnera inĂ©vitablement des frais supplĂ©mentaires, et ce tant au niveau de la collecte des donnĂ©es nĂ©cessaires auprĂšs de tous les dĂ©- partements quâau niveau de leur traitement. Le coĂ»t sâexprime Ă la fois en termes de personnel et dâinfra- structure technique.
14.
14 JDJ -
N° 333 - mars 201414 JDJ - N° 333 - mars 2014 Un travail intensif mais utile AprĂšs cette premiĂšre analyse, il apparaĂźt dĂ©jĂ claire- ment quâune approche parfaitement objective est ex- clue quelle que soit la mĂ©thodologie finalement choi- sie, et que lâexercice comportera son lot dâimperfec- tions. Toutefois, et malgrĂ© le fait quâelle implique un travail intensif, la budgĂ©tisation des programmes consacrĂ©s aux mineurs fait partie intĂ©grante dâune politique des droits de lâenfant performante. Le citoyen a le droit de connaĂźtre les prioritĂ©s politiques et lâimpact des mesures politiques (pour autant que cet impact soit mesurable et plus encore: pour autant que la mesure de cet impact puisse ĂȘtre rĂ©alisĂ©e sur la base dâinforma- tions budgĂ©taires). Dâautre part, tous les Ătats parties Ă la Convention sont soumis Ă lâobligation internatio- nale de justifier comment ils respectent la Conven- tion quâils ont ratifiĂ©e. Un simple renvoi Ă des initia- tives lĂ©gislatives et administratives, sans Ă©valuer ou au moins rendre mesurable leur impact et lâefficacitĂ© des efforts budgĂ©taires entrepris, ne peut pas ĂȘtre quali- fiĂ© de «justification». Ce qui intĂ©resse le ComitĂ©, câest lâeffet concret de ces initiatives sur la vie quotidienne des mineurs. Pour les raisons susmentionnĂ©es, nous ne doutons pas de la plus-value dâune budgĂ©tisation spĂ©cifique, ser- vant Ă la fois dâinstrument prĂ©paratoire pour une po- litique et de vecteur dâĂ©valuation de cette derniĂšre par la suite. Tout en retenant quâune information budgĂ©- taire ne constitue quâun seul aspect dâune Ă©valuation qualitative et quantitative. Une telle Ă©valuation pour- rait sâeffectuer par le biais dâindicateurs des droits de lâenfant, dont lâĂ©laboration est actuellement mise en route par la Commission Nationale pour les Droits de lâEnfant. Objectif ïŹnal : un budget adaptĂ© aux enfants La budgĂ©tisation des programmes destinĂ©s aux mi- neurs ne constitue, Ă notre sens, que la premiĂšre Ă©tape dâun processus plus vaste visant Ă Ă©tablir un budget adaptĂ© aux enfants (child friendly budgeting). Le Co- mitĂ© des Droits de lâEnfant des Nations unies en a fait la recommandation Ă la suite de la journĂ©e de discus- sion gĂ©nĂ©rale sur «le secteur privĂ© comme fournisseur de services», qui a eu lieu en 2002. Lorsque la cartographie des budgets destinĂ©s aux mi- neurs aura Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e, elle devra ĂȘtre soumis Ă une analyse approfondie et dĂ©boucher sur des recomman- dations. Lâobjectif est de parvenir Ă une affectation et une utilisation efficaces des budgets pour mettre en Ćuvre la politique en faveur des mineurs. Nous pouvons ainsi distinguer trois phases qui for- ment un cycle fondĂ© sur une vision des droits de lâen- fant: la cartographie des budgets (child budgeting), lâanalyse, et les recommandations politiques en vue de procĂ©der au child friendly budgeting. Ci-aprĂšs, nous dĂ©veloppons ces trois phases, en prĂ©cisant les objectifs poursuivis et la maniĂšre dont ils peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s(3) . Phase 1 Cartographie des budgets destinĂ©s aux mineurs Qui ? Les pouvoirs publics disposent largement du person- nel et de lâexpertise nĂ©cessaires (des personnes qui sont responsables de lâĂ©tablissement de statistiques, de budgets, de demandes de budgets, de la collecte de donnĂ©es). LâaccĂšs aux donnĂ©es chiffrĂ©es ainsi que lâapprĂ©ciation de leur pertinence et de leur prĂ©cision ne constitue en principe aucun problĂšme pour eux. Si tel devait nĂ©anmoins ĂȘtre le cas, le problĂšme pourrait alors ĂȘtre pris Ă sa source. Les pouvoirs publics sont en principe les plus Ă mĂȘme de brosser le tableau le plus exhaustif possible des budgets destinĂ©s aux mineurs. Le ComitĂ© des Droits de lâEnfant des Nations unies sâadresse lui aussi explicitement aux pouvoirs publics dans sa demande de collecte des budgets et de leur intĂ©gration aux rapports pĂ©riodiques CIDE. Si la tĂąche doit donc principalement incomber aux pouvoirs publics, elle se rĂ©alisera de prĂ©fĂ©rence en proche collaboration avec le monde acadĂ©mique et la sociĂ©tĂ© civile. Le rĂŽle de ces derniers sâintensifiera au cours des Ă©tapes suivantes. LâĂ©laboration dâune mĂ©thodologie uniforme et lâac- compagnement du projet doivent, Ă notre sens, ĂȘtre confiĂ©s de prĂ©fĂ©rence Ă une Ă©quipe multidisciplinaire composĂ©e Ă la fois dâexperts techniques, qui savent (3) Nous rappelons que la prĂ©sente contribution a pour vocation de susciter la discussion. La faisabilitĂ© politique, budgĂ©taire et technique de la proposition relĂšve en majeure partie des entitĂ©s publiques qui, de prĂ©fĂ©rence, se feront inspirer par lâexpertise du monde acadĂ©mique et de la sociĂ©tĂ© civile.
15.
JDJ - N°
333 - mars 2014 15 quelles donnĂ©es sont disponibles et sous quelle forme elles sont disponibles (pourcentages, chiffres globaux, chiffres ventilĂ©s, collectĂ©s par annĂ©e fiscale ou par an- nĂ©e scolaireâŠ), et dâexperts de fond (disposant de so- lides connaissances en matiĂšre de budgĂ©tisation des programmes pour mineurs, de droits de lâenfant, de politiques menĂ©es en faveur des mineurs, compte tenu de la structure de lâĂtatâŠ). La collecte des donnĂ©es in concreto revient plutĂŽt aux administrations concernĂ©es. Comment ? Il est important que tout choix mĂ©thodologique soit motivĂ© explicitement. Une telle transparence permettra dâaccroĂźtre la fiabilitĂ© et la clartĂ© du compte rendu qui sera Ă©tabli et de lâanalyse qui sâensuivra. Il nous semble opportun dâadopter, dĂšs cette premiĂšre phase, une ap- proche axĂ©e sur les droits de lâenfant. ConcrĂštement, cela implique que lâon dĂ©termine avant toute chose les droits de lâenfant sur lesquels on veut travailler. Pour dĂ©terminer concrĂštement ces droits â un exercice prĂ©alable qui simplifiera par la suite la dĂ©- termination des budgets pertinents â il sera Ă©ventuel- lement possible dâutiliser le canevas de rapport que le secrĂ©tariat de la CNDE a Ă©tabli(4) . On devra garder Ă lâesprit quâil est plus aisĂ©, pour cer- tains droits que pour dâautres, de collecter les budgets y affĂ©rents, et que les budgets affectĂ©s Ă la rĂ©alisation de droits sociaux et Ă©conomiques pourront se rĂ©vĂ©ler plus aisĂ©ment identifiables que ceux touchant aux droits ci- vils et politiques. Il faudra aussi tenir compte du fait que les droits de lâenfant sont intimement liĂ©s. Il en va de mĂȘme pour leur mise en Ćuvre, de sorte quâil pourra ĂȘtre nĂ©cessaire de collecter des budgets qui, de prime abord, ne semblaient pas directement pertinents pour lâanalyse. Quels budgets collecter ? Plusieurs autres choix devront ĂȘtre opĂ©rĂ©s: va-t-on uniquement collecter des budgets dont les destina- taires directs sont les mineurs ou va-t-on opter pour lâautre extrĂ©mitĂ© et tenter dâimpliquer dans lâexercice, dans un souci de sĂ©curitĂ©, chaque programme qui a une quelconque incidence sur les mineurs? Ou va-t-on opter pour un juste milieu rĂ©alisable? On peut dâailleurs encore aller plus loin. La renon- ciation, par un pouvoir public, Ă une source de reve- nus, par exemple, en accordant une rĂ©duction dâimpĂŽt aux familles avec enfants, peut aussi ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme sâinscrivant pleinement dans le budget Ă desti- nation des mineurs. Ces coĂ»ts indirects pour les pou- voirs publics pourront Ă©galement ĂȘtre pris en compte lors du constat de la situation et lors de lâanalyse de lâutilisation efficace du budget. Compte tenu de la structure de lâĂtat belge, il faudra aussi dĂ©cider si lâon se borne aux budgets des auto- ritĂ©s fĂ©dĂ©rales et des Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s, ou si on y intĂšgre Ă©galement les budgets provinciaux et locaux. Cette in- tĂ©gration permettrait une plus grande prĂ©cision dans la dĂ©termination du budget, mais il faudra veiller Ă Ă©viter tout doublon dans le comptage, en raison des transferts de montants dâun pouvoir Ă lâautre. Il fau- dra, qui plus est, vĂ©rifier si les avantages dâune prĂ©ci- sion accrue justifient les efforts plus importants devant ĂȘtre consentis pour cartographier les budgets de tous les niveaux de pouvoir. Enfin, il faudra aussi dĂ©cider si on reprend unique- ment les initiatives qui dĂ©coulent directement de la politique publique (lâensemble des initiatives entre- prises par les pouvoirs publics pour amĂ©liorer le fonc- tionnement de la sociĂ©tĂ© et qui ont un impact visible sur la population) ou aussi la facilitation de lâorgani- sation et le fonctionnement de ce pouvoir public (tels que les salaires, achats de matĂ©riaux, comptabilitĂ©). Les dĂ©cisions en la matiĂšre seront de prĂ©fĂ©rence prises sur la base du fil conducteur suivant : la plus-value quâoffrent les programmes en question pour la rĂ©alisa- tion des droits de lâenfant. Nous recommandons dâenvisager les budgets de tous les secteurs et programmes dont les mineurs sont les destinataires, que ce soit exclusivement (par exemple, lâenseignement obligatoire), implicitement (par exemple, la culture, la sĂ©curitĂ© routiĂšre) ou simple- ment indirectement (par exemple, la formation pro- fessionnelle des animateurs de jeunes, les programmes destinĂ©s aux mĂšres en dĂ©tention, le soutien Ă la paren- talitĂ© ou les formations spĂ©cifiques axĂ©es sur les mi- neurs et destinĂ©es aux membres du personnel dâinsti- tutions fermĂ©es pour des mineurs), pour autant quâil soit possible de faire un lien avec les droits de lâenfant. Il faudra ensuite encore choisir de soit se contenter de donnĂ©es budgĂ©taires globales (par exemple, le budget pour lâenseignement, les soins de santĂ©, sans aucune (4) Consultable sur www.cnde.be, rubrique âActualitĂ©s sur la CNDEâ.
16.
16 JDJ -
N° 333 - mars 201416 JDJ - N° 333 - mars 2014 ventilation en fonction des groupes spĂ©cifiques de mi- neursâŠ), soit de collecter des donnĂ©es plus spĂ©cifiques (en fonction de la catĂ©gorie dâĂąge, de la vulnĂ©rabilitĂ© du groupe, par exemple, sur la base des recommandations du ComitĂ© CRC en la matiĂšre). La deuxiĂšme option implique tout un travail dâanalyse et risque de sâavĂ©rer techniquement difficile Ă opĂ©rer. Quant Ă la pĂ©riode Ă couvrir, nous recommandons de procĂ©der Ă la collecte de budgets couvrant plusieurs an- nĂ©es. Seule cette approche permet une analyse appro- fondie des budgets et de leur Ă©volution et dâen tirer les conclusions nĂ©cessaires pour pouvoir donner forme en- suite Ă un budget adaptĂ© aux enfants. Phase 2 Analyse des budgets en faveur des mineurs Durant cette phase, lâobjectif est de - vĂ©rifier si la façon dont le budget pour mineurs est attribuĂ© permet une rĂ©alisation optimale des droits de lâenfant. Il sâagit de visualiser les divergences entre le budget prĂ©vu et le budget rĂ©ellement affectĂ©, aprĂšs quoi il est possible de rechercher des explications possibles pour les diffĂ©rences observĂ©es; - visualiser les fluctuations dâune annĂ©e Ă lâautre dans le budget total et dans les postes budgĂ©taires prioritaires; dĂ©tecter les tendances en matiĂšre de dĂ©penses (budget prĂ©vu, escomptĂ© et effectif) Ă moyen terme; vĂ©rifier dans quelle mesure une crise Ă©conomique peut influen- cer le budget consacrĂ© aux mineurs; - dĂ©terminer lâincidence des efforts budgĂ©taires sur les rĂ©sultats; Ă©changer des bonnes pratiques en comparant entre eux des budgets destinĂ©s Ă des programmes simi- laires auprĂšs de diffĂ©rents pouvoirs publics; - vĂ©rifier si les efforts budgĂ©taires consentis sont suffi- sants en vue de lâaccomplissement des engagements politiques des dĂ©clarations politiques qui requiĂšrent un budget; - Ă©pingler les charges indirectes. Il sâagit de vĂ©rifier quelles dĂ©penses supplĂ©mentaires sont nĂ©cessaires pour compenser le fait que certains rĂ©sultats nâont pas Ă©tĂ© atteints ou que les pouvoirs publics nâont pas mis en place ou financĂ© les programmes nĂ©cessaires. Ă titre dâexemple, les frais des programmes de santĂ© en faveur des mineurs atteints dâobĂ©sitĂ© ou dâune MST, destinĂ©s Ă remĂ©dier Ă une politique de prĂ©vention inexistante ou dĂ©faillante. Il sera ainsi possible de vĂ©rifier aussi quels coĂ»ts pourraient disparaĂźtre si les programmes atteignaient effectivement leurs objectifs; - dĂ©velopper une mĂ©thodologie prĂ©dictive des coĂ»ts afin de pouvoir Ă©valuer le budget de nouveaux programmes Ă dĂ©velopper. En fonction des rĂ©sultats de lâanalyse qui est exĂ©cutĂ©e sur la base du ou des objectifs fixĂ©s, il sera ensuite pos- sible de formuler des recommandations spĂ©cifiques en vue de lâamĂ©lioration et de la mise au point des dĂ©penses budgĂ©taires (child friendly budgeting). Lâanalyse se dĂ©roulera immanquablement de maniĂšre subjective Ă©tant donnĂ© que les personnes en charge de ce travail partiront dâune perspective donnĂ©e. Le dĂ©ve- loppement dâune mĂ©thodologie solide fondĂ©e sur un consensus pourra en minimiser autant que possible les effets. Il faudra avant toute chose dĂ©terminer le destinataire de lâanalyse: lâanalyse a-t-elle lâintention de fournir des informations aux citoyens, aux pouvoirs public ou plus spĂ©cifiquement Ă certains dĂ©partements ? Se pose aussi la question de savoir si on va procĂ©der Ă une analyse statique ou dynamique. En cas dâanalyse statique, seul le budget en question sera analysĂ©. Une analyse dynamique, au contraire, comparera lâĂ©volution des budgets dans le temps en Ă©pinglant les diffĂ©rences dans les budgets attribuĂ©s et les dĂ©penses, et ce sur dif- fĂ©rentes pĂ©riodes. Les analyses dynamiques sont impor- tantes lorsquâon souhaite Ă©valuer dans quelle mesure les Ătats respectent leurs obligations en matiĂšre de rĂ©alisa- tion des droits de lâenfant (cf. art 4 CIDE). Il conviendra encore, dâun point de vue Ă©conomique, lors de lâanalyse des budgets et des tendances qui se dessinent, de tenir compte dâune possible modification des chiffres de la population et de lâinflation au fil du temps. Si les budgets augmentent plus lentement que lâeffet combinĂ© de lâinflation et du chiffre de la popula- tion, cela signifie que les dĂ©penses sâinscriront en rĂ©alitĂ© Ă la baisse si elles sont exprimĂ©es en euros «constants». Il faudra en outre faire une distinction entre la valeur rĂ©elle et la valeur nominale dâun montant : en cas de comparaison couvrant plusieurs dĂ©cennies, il faudra tenir compte du fait quâun montant dâil y a vingt ans Ă©quivaut aujourdâhui un montant bien plus Ă©levĂ©, Ă©tant donnĂ© lâinflation.
17.
JDJ - N°
333 - mars 2014 17 Enfin, il faudra Ă©galement tenir compte du fait que les droits repris dans la CIDE (et dans dâautres Conven- tions des droits de lâhomme) sont intimement liĂ©s; voir, par exemple, lâimportance dâune bonne politique de santĂ© et dâune politique dâintĂ©gration sociale en vue dâune Ă©galitĂ© effective du droit Ă lâenseignement. Dans un tel cas de corrĂ©lation, il faudra Ă©galement faire le lien entre les diffĂ©rents postes budgĂ©taires. AprĂšs avoir procĂ©dĂ© aux choix susmentionnĂ©s, lâĂ©labo- ration dâune mĂ©thodologie pour lâanalyse qualitative des budgets pour mineurs peut ĂȘtre entamĂ©e. Cet exer- cice peut ĂȘtre inspirĂ© par de bonnes pratiques existantes, telles que les expĂ©riences de Save the Children, de HAQ Centre for Child Rights, de lâInde, de la Jordanie et de San Diego. Nous renvoyons aussi Ă quelques procĂ©dures dâanalyse budgĂ©taire qui ne sont pas axĂ©es sur le mineur, mais qui sont appliquĂ©es par des instances internationales renommĂ©es, telles que le Public Expenditure Reviews de la Banque Mondiale et le Public Expenditure and Finan- cial Accountability (PEFA) appliquĂ© par lâOCDE. Phase 3 Recommandations en vue dâun child friendly budgeting Sur la base de lâanalyse, des recommandations politiques pourront ĂȘtre formulĂ©es pour parvenir Ă un child frien- dly budgeting, permettant dâallouer le budget disponible pour la politique en faveur des mineurs de la maniĂšre la plus efficace possible. On y procĂšde en partant de la CIDE, avec lâidĂ©e dâĂ©ta- blir des budgets poursuivant les objectifs suivants : - rĂ©alisertouslesdroitsdelâenfantdanstousleursaspects; - renforcer les capacitĂ©s des institutions qui poursuivent la rĂ©alisation des droits de lâenfant; - mettre au point une politique inclusive tenant compte de tous les groupes (vulnĂ©rables) de la sociĂ©tĂ©. La recommandation dâun child friendly budgeting ne concerne pas seulement les dĂ©partements et ministĂšres directement concernĂ©s par les mineurs. Elle vaut pour lâensemble des administrations Ă©tant donnĂ© quâelles ont toutes une influence, Ă tout le moins indirecte, sur la rĂ©alisation de la CIDE. Chaque dĂ©partement doit (par exemple, via des correspondants par administration, tels que ceux actifs au sein du groupe de suivi CIDE au niveau de la FWB) dĂ©montrer comment ses propres budgets et programmes sont conciliables avec la rĂ©alisa- tion des droits Ă©conomiques, sociaux, culturels, civils et politiques des mineurs. La mise en place de ce budget nĂ©cessitera toutefois un appui professionnel : les acteurs qui sont impliquĂ©s dans la prĂ©paration et la dĂ©finition de la politique et dans la dĂ©termination du budget y affĂ©rent, doivent avoir la possibilitĂ© dâacquĂ©rir de lâexpĂ©rience en matiĂšre de droits de lâenfant pour dĂ©velopper un rĂ©flexe en matiĂšre dâintĂ©gration de cette approche. Un dĂ©veloppement ef- ficace de ce rĂ©flexe passera notamment par une visibilitĂ© accrue des budgets dans les systĂšmes dâenregistrement existants. Conclusion DiffĂ©rentes options sont possibles pour donner forme Ă une budgĂ©tisation des programmes destinĂ©s aux mi- neurs, Ă son analyse et Ă la rĂ©alisation dâun budget qui soit adaptĂ© aux enfants. Elles dĂ©pendront vraisemblable- ment de la faisabilitĂ© pratique et de la charge de travail supplĂ©mentaire quâelles entraĂźnent. Il est important dâen avoir, Ă lâavance, une image suffisamment claire. Trop dâexercices de budgĂ©tisation nâont, par le passĂ©, connu quâune seule Ă©dition. Leur rĂ©pĂ©tition est pourtant une condition essentielle Ă lâanalyse des progrĂšs enregistrĂ©s. Cette mission est loin dâĂȘtre aisĂ©e et restera toujours un dĂ©fi, indĂ©pendamment des efforts dĂ©ployĂ©s en vue dâap- pliquer une mĂ©thodologie la plus sĂ»re possible. Mais la budgĂ©tisation des programmes destinĂ©s aux mi- neurs constitue indĂ©niablement une source abondante dâinformations qui permet plus de transparence. Son analyse peut mener Ă une gestion plus efficace et plus axĂ©e sur les enfants (child friendly budgeting). Elle permet de dessiner les tendances, de prĂ©dire les dĂ©penses Ă venir et de stimuler une politique rĂ©ellement axĂ©e sur le mi- neur. Rappelons que le ComitĂ© des droits de lâenfant des Nations unies invite les Ătats parties Ă procĂ©der au child budgeting dans le cadre de leurs rapports pĂ©riodiques. Avec cette contribution, le secrĂ©tariat de la CNDE sou- haite lancer le dĂ©bat, qui pourrait â en cas de soutien convainquant â ĂȘtre suivi dâun test pratique concernant le budget liĂ© Ă un droit sĂ©lectionnĂ©, sur la base des do- cuments budgĂ©taires disponibles et des complĂ©ments dâinfo ad hoc du dĂ©partement compĂ©tent de chaque entitĂ© concernĂ©e. Les rĂ©sultats dâun tel exercice pratique pourraient inspirer par la suite les autoritĂ©s dans la prise de dĂ©cision rĂ©flĂ©chie en matiĂšre de child budgeting. Toute rĂ©action est la bienvenue sur info@ncrk-cnde.be.
18.
18 JDJ -
N° 333 - mars 201418 JDJ - N° 333 - mars 2014 Le mariage dâenfant Mirna Strinic(1) MalgrĂ© lâexistence des lois nationales, des conventions internationales et les engagements quasi universels de mettre ïŹn au mariage dâenfant, il demeure une menace rĂ©elle et actuelle pour les droits de lâenfant dans plus dâune centaine de pays. Les garçons Ă©tant beaucoup moins susceptibles que les ïŹlles de se marier jeunes, les victimes principales de ces mariages sont les jeunes ïŹlles. (1) Stagiaire, DĂ©fense des enfants internationalCet article est publiĂ© sous forme de ïŹche pĂ©dagogique sur le site de DĂ©fense des enfants international Belgique. Il est accompagnĂ© dâannexe et dâune proposition dâanimation sur la thĂ©matique. Voir www.dei-belgique. be (2) Rapport de lâUNFPA «Marrying too young» (Mariage prĂ©coce), octobre 2012, dispo- nible sur le site : http://www.unfpa.org/webdav/site/global/shared/documents/ publications/2012/MarryingTooYoung.pdf (3) http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID= 10969&Language=FR Selon le rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA)(2) , en 2010, 158 pays ont indi- quĂ© que lâĂąge lĂ©gal du mariage sans consentement pa- rental Ă©tait fixĂ© Ă 18 ans pour les femmes. Ătant donnĂ© que lâunion peut ĂȘtre prononcĂ©e avant lâĂąge de 18 ans dans 146 pays et avant lâĂąge de 15 ans dans 52 pays, si les parents donnent leur accord, le mariage dâenfant reste une pratique largement rĂ©pandue, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Ces ma- riages sont Ă©galement pratiquĂ©s dans certaines com- munautĂ©s en AmĂ©rique latine, au Moyen-Orient et en Europe de lâEst. Cette pratique nâest donc pas limitĂ©e Ă une rĂ©gion, mais existe dans quasiment toutes les cultures. Cepen- dant, Ă©tant donnĂ© quâil sâagit dâun tabou, de nombreux mariages dâenfant ne sont ni officiels ni enregistrĂ©s. Ce nâest que rĂ©cemment que davantage de donnĂ©es sur le mariage dâenfant sont disponibles. Les statistiques disponibles nous montrent quâaujourdâhui une mi- neure est mariĂ©e prĂ©cocement dans le monde toutes les trois secondes. Si les tendances actuelles persistent, 142 millions de filles seront mariĂ©es dans la prochaine dĂ©cennie. Une fille sur neuf se mariera avant son quin- ziĂšme anniversaire. Le nombre annuel de mariages dâenfant sera passĂ© de 14,2 millions (soit environ 39 000 par jour) en 2010 Ă prĂšs de 15,1 millions dâici Ă 2030. Quâest-ce que le mariage dâenfant ? Toute dĂ©finition du mariage dâenfant doit ĂȘtre assez large pour embrasser lâensemble des pratiques qui peuvent lui ĂȘtre assimilĂ©es. En gĂ©nĂ©ral, un mariage dâenfant se dĂ©finit comme Ă©tant un mariage officiel ou une union non officialisĂ©e oĂč lâun ou les deux conjoints ont moins de 18 ans. Ătant donnĂ© quâun tel conjoint, compte tenu de son jeune Ăąge, peut ra- rement prendre une dĂ©cision libre et Ă©clairĂ©e sur son partenaire, mais aussi sur le mariage qui est un enga- gement consĂ©quent et Ă long terme ayant des impli- cations trĂšs importantes (avoir des enfants, les Ă©lever, sâoccuper dâun mĂ©nage, etc.), ce mariage se rapproche souvent du mariage «prĂ©coce». Il se rapproche Ă©gale- ment du mariage «forcé» qui se dĂ©finit comme Ă©tant lâunion de deux personnes dont lâune au moins nâa pas consenti entiĂšrement et librement Ă se marier(3) . Il/elle se marie contre son grĂ©, car, en cas de refus, des moyens coercitifs sont utilisĂ©s par sa famille pour for- cer son «consentement» : chantage affectif, contraintes physiques, violence, enlĂšvement, enfermement, confiscation des papiers dâidentitĂ©, etc. Le «mariage par enlĂšvement» constitue une sous-catĂ©gorie du ma- riage forcĂ©. Il existe toujours dans plusieurs pays du monde. Au Kirghizistan, par exemple, les jeunes filles sont amenĂ©es de force ou par manipulation dans la maison de leur futur Ă©poux. Câest lĂ quâon les sĂ©questre jusquâĂ ce que les femmes de la maison parviennent Ă leur mettre sur la tĂȘte le foulard de la mariĂ©e, signe final de lâabdication et du consentement. Les parents du kidnappeur vont ensuite porter Ă leur future belle- famille une lettre de consentement rĂ©digĂ©e par la jeune
19.
JDJ - N°
333 - mars 2014 19 fille, afin de calmer leur colĂšre(4) . Le mariage dâenfant peut ĂȘtre Ă©galement assimilĂ© au mariage «arrangé» oĂč les familles des deux futurs Ă©poux jouent un rĂŽle cen- tral dans lâarrangement du mariage. Les enfants sont aussi trĂšs souvent les victimes du mariage «simulé» («blanc» si simulĂ© par les deux parties, «gris» par une partie), Ă©galement appelĂ© «mariage de complaisance» oĂč au moins lâun des Ă©poux nâa pas lâintention de crĂ©er une communautĂ© de vie durable, mais uniquement lâobtention dâun avantage liĂ© au statut dâĂ©poux (par exemple, lâobtention dâun titre de sĂ©jour)(5) . Toutefois, si certains mariages dâenfant se contractent contre leur volontĂ©, dâautres sont initialement deman- dĂ©s par les jeunes eux-mĂȘmes ou avec leur consente- ment. Dans ce cas-lĂ , il sâagit du mariage en forme de fugue oĂč le jeune couple dĂ©cide de se marier sans lâaccord parental. Quelles sont les principales causes dâun mariage dâenfant ? En gĂ©nĂ©ral, les circonstances qui favorisent le ma- riage dâenfant sont nombreuses, variant Ă©normĂ©ment en fonction du lieu et du contexte de chaque pays et communautĂ©. NĂ©anmoins, parmi les causes gĂ©nĂ©rales Ă lâorigine de ces mariages figurent les causes suivantes : une dĂ©pendance Ă lâĂ©gard des valeurs et tra- ditions culturelles Lâun des objectifs principaux dâun mariage dâenfant est de maintenir les traditions enracinĂ©es dans certaines cultures depuis des gĂ©nĂ©rations. Dans de nombreux pays, lâhonneur de la famille, qui passe par la virgi- nitĂ© fĂ©minine, est si important que les parents, sous la pression sociale, par peur des grossesses hors ma- riage, forcent leurs filles Ă se marier bien avant quâelles ne soient prĂȘtes. Certains parents craignent que sâils ne marient pas leurs filles conformĂ©ment aux attentes traditionnelles, elles ne se marieront jamais. Vu quâil existe des traditions diffĂ©rentes de par le monde, les mariages dâenfant diffĂšrent Ă©galement. Nous pouvons citer quelques exemples de traditions spĂ©cifiques : - Les filles peuvent ĂȘtre contraintes de se marier dans une autre famille Ă titre de compensation pour le «sang versé», Ă©vitant ainsi quâun fils de leur propre famille ne soit tuĂ©. - Dans dâautres cas, les filles peuvent ĂȘtre enlevĂ©es Ă titre de vengeance pour un acte rĂ©prĂ©hensible commis par la famille de la jeune fille, et ayant pour consĂ©quence quâelle ne soit plus «acceptable» comme Ă©pouse. - Le «sororat» oblige un homme Ă Ă©pouser les sĆurs cadettes de son Ă©pouse dĂ©cĂ©dĂ©e, surtout lorsque la dĂ©funte laisse derriĂšre elle des enfants en bas Ăąge, alors que le «lĂ©virat» prescrit Ă la veuve dâĂ©pouser le frĂšre de son mari dĂ©funt sans enfant afin de perpĂ©tuer le nom du dĂ©funt et dâassurer la transmission du patrimoine. - Il existe aussi le mariage dâĂ©change du type «bedel» oĂč une famille promet une de ses filles en mariage au fils dâune autre famille, en Ă©change de la sĆur de celui-ci, pour Ă©viter dâavoir Ă payer de dot. - Certaines coutumes, notamment en Inde, permet- tent dâutiliser les jeunes filles comme des monnaies dâĂ©change : une personne qui aurait contractĂ© une dette, et qui serait incapable de la rembourser sâengage Ă donner sa fille Ă son crĂ©ancier qui lâĂ©pouse ou la cĂšde Ă son fils. - Les jeunes filles de certains pays dâAsie centrale doi- vent se conformer Ă la pratique encore courante du «kalym», un paiement effectuĂ© Ă la famille de lâĂ©pouse- enfant par le mari et sa famille, qui incite dâailleurs les deux parties Ă poursuivre la tradition du mariage dâenfant. En effet, la famille de la mariĂ©e reçoit une rĂ©munĂ©ration pĂ©cuniaire et nâest plus responsable fi- nanciĂšrement de la jeune fille, et le mari et sa famille se sentent autorisĂ©s Ă placer la jeune fille dans une position de servante et Ă lâexploiter Ă des fins domes- tiques, physiques et sexuelles. - Pour certains hommes, le mariage est un moyen dâĂ©chap- per Ă des poursuites pour agression sexuelle, viol ou enlĂšvement du fait que la loi leur permet de bĂ©nĂ©ficier dâune peine rĂ©duite aprĂšs avoir Ă©tĂ© reconnus coupables dâavoir «pris la virginitĂ© dâune personne en lui promettant le mariage». lâinĂ©galitĂ© des genres Dans les sociĂ©tĂ©s pratiquant le mariage dâenfant, les femmes et les jeunes filles ont un statut infĂ©rieur, rĂ©- sultat de traditions et de croyances niant leurs droits et leurs compĂ©tences Ă jouer un rĂŽle Ă©gal Ă celui des hommes. (4) Travis BETH, «Ala Kachuu : la tradition pour justiïŹer lâinjustiïŹable», le Trouble Friday, 11 novembre 2005 (5) http://www.droitsquotidiens.be/lexique/mariage-simul-e9.html
20.
20 JDJ -
N° 333 - mars 201420 JDJ - N° 333 - mars 2014 la pauvretĂ©Â Dans de nombreux pays, le mariage dâenfant est liĂ© Ă la pauvretĂ©. Dans certains cas, les parents autorisent le mariage de leurs enfants par nĂ©cessitĂ© Ă©conomique. Dans les familles aux revenus limitĂ©s, les filles peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des fardeaux, qui coĂ»tent da- vantage quâelles ne rapportent. Ainsi, leur mariage est un moyen de survie pour sa famille. En les mariant, leurs parents passent la charge Ă une autre famille. De plus, dans de nombreux cas, les parents optent pour le mariage de leurs filles dans le but dâassurer leur ave- nir. Par exemple, selon lâUnicef, de nombreuses jeunes Bangladaises sont mariĂ©es peu aprĂšs la pubertĂ©, en par- tie pour libĂ©rer leurs parents dâune charge Ă©conomique et en partie pour protĂ©ger leur intĂ©gritĂ© sexuelle. Les filles de familles trĂšs pauvres ou les orphelines peu- vent se retrouver troisiĂšme ou quatriĂšme Ă©pouse dâun homme bien plus ĂągĂ© et devenir des esclaves domes- tiques et sexuelles. les conflits, catastrophes et situations dâurgence Les situations prĂ©caires augmentent la pression Ă©co- nomique qui pĂšse sur les foyers, entraĂźnant le mariage prĂ©coce des filles trop jeunes. la difficultĂ© Ă faire appliquer les lois MĂȘme si la plupart des pays ont adoptĂ© des lois in- terdisant le mariage dâenfant et les pratiques nuisibles qui sây rapportent, trop souvent celles-ci ne sont pas appliquĂ©es et les rĂ©alitĂ©s sociales, Ă©conomiques et culturelles perpĂ©tuent cette pratique(6) . Beaucoup de familles ignorent la loi et lâenfreignent. Dans certains pays, cette violation est si rĂ©pandue que les poursuites sont rares. Par exemple, dans le sud de lâInde, une pra- tique religieuse exige des parents de marier leur fille Ă un dieu ou un temple. Habituellement, le mariage ap- pelĂ© «devadasi» a lieu avant que la fille nâatteigne lâĂąge de la pubertĂ©. Lâunion fait dâelle une prostituĂ©e rĂ©servĂ©e aux castes supĂ©rieures de la collectivitĂ©. Cette pratique est demeurĂ©e lĂ©gale en Inde jusquâen 1988, mais elle se poursuit de nos jours parce que les autoritĂ©s policiĂšres locales nâappliquent pas la loi, alors que dans les vil- lages, les populations ne font aucun effort pour lâabolir. Quelles sont les consĂ©quences dâun mariage dâenfant ? Le mariage dâenfant est prĂ©judiciable Ă la vie des enfants mariĂ©s. Non seulement ils sont, dans la plupart des cas, (6) «Qui parle en mon nom ?, Mettre ïŹn au mariage des enfants», Alexandra HERVISH et Charlotte FELDMAN-JACOBS, mai 2011, disponible sur le site: http://www.prb. org/pdf11/ending-child-marriage_fr.pdf .
21.
JDJ - N°
333 - mars 2014 21 privĂ©s du droit de choisir leur propre partenaire, mais ils sont aussi marginalisĂ©s et sujets Ă diverses pratiques religieuses, sociales, politiques et culturelles portant atteinte Ă leurs droits fondamentaux. MariĂ©es trop jeunes, les filles sont exposĂ©es à  : la violence et les relations sexuelles forcĂ©es Dans les mariages dâenfant, les filles nâont guĂšre les moyens de se dĂ©fendre alors quâelles sont trĂšs sou- vent exposĂ©es Ă la violence physique et psychologique mettant en danger leur santĂ© et leur vie. Le pire est quâelles pensent que le mariage donne Ă leur mari le droit de les violenter et prennent rarement des me- sures pour mettre un terme Ă ces violations. Reflet de la discrimination dont la femme est lâobjet au sein de la sociĂ©tĂ©, le mariage forcĂ© dĂ©bouche bien souvent sur des violences sexuelles, dâautant que le viol conjugal ne constitue pas, dans nombre dâĂtats, une infraction passible de sanctions. En outre, sâagissant des filles, le mariage dâenfant est une forme de violence Ă lâĂ©gard des femmes, visĂ©e par lâexpression «pratiques culturelles et traditionnelles prĂ©judiciables»(7) . lâesclavage moderne Le mariage dâenfant peut Ă©galement conduire Ă lâes- clavage moderne(8) vu que la mariĂ©e peut ĂȘtre abusĂ©e et contrainte Ă une vie de servitude domestique, de travail dâesclave ou dâexploitation sexuelle Ă des fins commerciales. Elle nâa dâautre choix que dâeffectuer les tĂąches qui lui sont attribuĂ©es. des risques pour leur santĂ© Le mariage dâenfant peut avoir des consĂ©quences par- ticuliĂšrement graves sur la santĂ© mentale (troubles psychologiques, dĂ©pressions etc.) et physique (souf- frances physiques provenant des violences conjugales et sexuelles subies, complications de la grossesse Ă la suite du dĂ©veloppement insuffisant de leur corps, ac- couchement difficile, mortalitĂ© maternelle, etc.) des jeunes mariĂ©es. En ce qui concerne la santĂ© sexuelle, les filles mariĂ©es Ă un jeune Ăąge deviennent gĂ©nĂ©rale- ment sexuellement actives dĂšs leur mariage, parfois mĂȘme avant leur premiĂšre menstruation. Elles nâont souvent quâun accĂšs limitĂ© Ă lâinformation en matiĂšre de contraception et aux services dans ce domaine. La plupart dâentre elles nâa ni les connaissances nĂ©cessaires ni la capacitĂ© pour demander des rapports sexuels protĂ©gĂ©s. Par consĂ©quent, ayant trĂšs tĂŽt des relations sexuelles avec un mari plus ĂągĂ©, susceptible dâavoir Ă©tĂ© en contact avec le virus du Sida ou dâautres infections sexuellement transmissibles, elles y sont davantage ex- posĂ©es. des grossesses prĂ©coces Les jeunes mariĂ©es sont exposĂ©es Ă des grossesses prĂ©- coces (en gĂ©nĂ©ral non dĂ©sirĂ©es) et accouchements rĂ©pĂ©- tĂ©s avant dâĂȘtre parvenues Ă maturitĂ© au plan physique et psychologique. Certaines ne savent pas comment Ă©viter une grossesse, tandis que dâautres ne sont pas en mesure dâobtenir des moyens de contraception. Les mariĂ©es ne sont parfois pas capables de refuser des rap- ports sexuels non dĂ©sirĂ©s ou de rĂ©sister Ă des rapports sexuels forcĂ©s. Les statistiques disponibles montrent que prĂšs de 16 millions de jeunes filles ĂągĂ©es de 15 Ă 19 ans et 2 millions de jeunes filles de moins de 15 ans accouchent chaque annĂ©e. Au niveau mondial, une jeune fille sur cinq a dĂ©jĂ eu un enfant Ă lâĂąge de 18 ans. Dans les rĂ©gions les plus pauvres du monde, ce chiffre passe de 1 Ă 3(9) . Ces accouchements prĂ©maturĂ©s sont un facteur trĂšs important dâaugmentation des taux de mortalitĂ© maternelle et infantile(10) , Ă©tant donnĂ© quâils sont gĂ©nĂ©ralement longs et pĂ©nibles. En outre, selon lâOrganisation mondiale de la santĂ©(11) , chaque annĂ©e dans le monde, 50 000 Ă 100 000 femmes prĂ©sentent une fistule obstĂ©tricale, Ă savoir une brĂšche de la filiĂšre pelvi-gĂ©nitale. Lâapparition dâune fistule obstĂ©tricale est directement liĂ©e Ă lâune des principales causes de mortalitĂ© maternelle : un accouchement prolongĂ© sans prise en charge mĂ©dicale appropriĂ©e, ce qui provoque une incontinence permanente, le ressentiment de la honte et, par consĂ©quent, un abandon de la femme par le mari et une exclusion sociale(12) . (7) «Violating childrenâs rights: Harmful practices based on tradition, culture, religion or superstition», disponible sur le site : http://srsg.violenceagainstchildren.org/sites/ default/ïŹles/documents/docs/InCo_Report_15Oct.pdf. (8) http://www.esclavagemoderne.org/008-l-esclavage-moderne/13-page.htm. (9) http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs364/fr/. (10) Si une mĂšre est ĂągĂ©e de moins de 18 ans, le risque que son nourrisson meure dabs sa premiĂšre annĂ©e de vie est de 60 % supĂ©rieur Ă celui dâun nourrisson nĂ© dâune mĂšre ayant plus de 19 ans. MĂȘme si lâenfant survit, il risque plus fortement de souffrir dâun poids insufïŹsant Ă la naissance, de sous-nutrition et dâun retard de son dĂ©veloppement physique et cognitif : UNICEF, «La situation des enfants dans le monde â 2009; La santĂ© maternelle et nĂ©onatale», disponible sur le site : http://www.unicef.org/french/sowc09/docs/SOWC09-FullReport-FR.pdf. (11) http://www.who.int/features/factïŹles/obstetric_ïŹstula/fr. (12) «Les enfants victimes de pratiques coutumiĂšres prĂ©judiciables», consultable sur le site: http://www.childsrights.org/html/documents/themes/pratiques_tradition- nelles_nefastes.pdf.
22.
22 JDJ -
N° 333 - mars 201422 JDJ - N° 333 - mars 2014 lâanalphabĂ©tisme et une Ă©ducation de piĂštre qualitĂ© Lorsquâune fille est promise en mariage, ou est officiel- lement mariĂ©e, elle est souvent retirĂ©e de lâĂ©cole pour jouer son rĂŽle dâĂ©pouse et de mĂšre Ă la maison avec peu de possibilitĂ©s de revenus propres. Il est rare quâune fille mariĂ©e continue sa scolaritĂ© lorsquâelle tombe en- ceinte. Cette scolaritĂ© incomplĂšte limite radicalement ses perspectives dâemploi et de carriĂšre la plaçant en situation de totale dĂ©pendance Ă©conomique et sociale Ă lâĂ©gard de son conjoint. la limitation de leur libertĂ© personnelle Ătant limitĂ©es dans leur libertĂ© personnelle dâavoir des Ă©changes avec des jeunes de leur Ăąge et le reste de la communautĂ© et sĂ©parĂ©es de leur famille et amis, les filles prĂ©cocement mariĂ©es sont de ce fait gĂ©nĂ©- ralement socialement isolĂ©es et subissent des consĂ©- quences graves sur leur bien-ĂȘtre mental et psychique. Les restrictions imposĂ©es Ă leur libertĂ© de mouvement les empĂȘchent Ă©galement dâavoir des soins de santĂ© et de bĂ©nĂ©ficier des services de planification familiale. Les droits de lâenfant bafouĂ©s La Convention internationale relative aux droits de lâenfant(13) Ă©numĂšre toute une liste des droits recon- nus Ă lâenfant qui dĂ©finit comme «tout ĂȘtre humain ĂągĂ© de moins de 18 ans» (art. 1). Cependant, le mariage en tant que tel nây est pas traitĂ© de maniĂšre prĂ©cise ce qui ne diminue pas le fait quâil porte atteinte Ă plusieurs droits humains fondamentaux, influençant la vie des enfants, notamment des filles, dans tous ses aspects. Les droits de lâenfant susceptibles dâĂȘtre bafouĂ©s par le mariage sont : - le droit de ne pas ĂȘtre discriminĂ©(e) (art. 2); - la libertĂ© dâopinion si lâenfant est capable de discer- nement (art. 12); - le droit Ă la protection contre toutes formes de vio- lence et les mauvais traitements (art. 19); - le droit de vivre en bonne santĂ© (art. 24); - le droit Ă lâĂ©ducation (art. 28 et 29); - le droit au repos et au jeu (art. 31); - le droit Ă la protection contre lâexploitation sexuelle (art. 34) et - le droit Ă la protection contre la vente, la traite ou lâenlĂšvement (art. 35). (13) Convention internationale relative aux droits de lâenfant a Ă©tĂ© adoptĂ©e le 20 novembre 1989 et entrĂ©e en vigueur le 2 septembre 1990.
Jetzt herunterladen