La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise - Libération
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La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise
PATRICK CAPPELLI 12 OCTOBRE 2014 À 17:06 (MIS À JOUR : 12 OCTOBRE 2014 À 17:06)
La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise (Dessin Rocco)
ENQUÊTE Orange, Axa, La Poste, GDF Suez… Nombre de grosses boîtes
développent en interne des structures de type start-up ou s’associent à des
incubateurs extérieurs pour capter l’innovation.
Uber, Airbnb, Blablacar, Booking.com… Les start-up du collaboratif et du numérique bousculent
des secteurs entiers de l’économie comme les taxis, la location de voitures, l’immobilier de loisir
ou l’hôtellerie. Quelle sera la prochaine victime de ces pure-players à la fois novateurs et
agressifs ? Les grands groupes ont compris que ni leur taille, ni leur puissance ne suffiraient à
les protéger d’un nouvel entrant plus souple, plus agile, plus innovant. Jusqu’à présent, leur
politique vis-à-vis de l’innovation consistait à soutenir des start-up existantes, hébergées par des
accélérateurs ou des incubateurs publics et privés, pour utiliser ensuite les nouveaux produits et
services inventés par ces jeunes pousses, et parfois les intégrer au sein de l’entreprise via des
prises de participations majoritaires. Orange a été pionnier de cette tendance avec son Orange
Fab, un accélérateur de start-up situé dans la Silicon Valley qui en est à sa troisième saison, et a
été décliné récemment en France, au Japon et en Pologne. Sur le même principe, l’Axa Lab, une
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cellule de sourcing (réflexion sur les apports externes) installée depuis juillet à San Francisco, a
pour vocation de «rapprocher Axa des acteurs de la hightech
» selon son responsable,
Guillaume Cabrère. De son côté, la Poste a créé le Lab Postal en 2009, pour monter des POC
(«proof of concept», étapes de validation concrète dans la mise en place d’un projet nouveau)
avec des start-up extérieures au groupe public.
«Partenariats». Mais, depuis quelques mois, plusieurs grandes entreprises françaises sont
passées à l’étape suivante : aider leurs employés imaginatifs à devenir des «intrapreneurs», dont
la mission consiste à monter des structures de type start-up en interne. Celles-ci peuvent être
couvées dans les locaux de la boîte ou au sein d’incubateurs extérieurs. GDF Suez, par exemple,
a choisi cette deuxième possibilité. «Nos collaborateurs vont aller développer leurs idées aux
côtés d’autres innovateurs, en bénéficiant du soutien de structures dont c’est le métier»,
explique Jean-Louis Blanc, directeur commercial innovation et nouveaux métiers. Les employés
sélectionnés signent un contrat de mise en incubation pour une période définie, un an en
moyenne. Un accord a été signé avec Paris Région Lab et un autre avec le Village, incubateur
initié par le Crédit agricole qui va ouvrir le 15 octobre à Paris dans le VIIIe arrondissement et
compte accueillir une centaine de start-up. Le groupe d’énergie a également lancé, en mai, un
RSE (réseau social d’entreprise) entièrement dédié à l’innovation, avec déjà 5 500 inscrits.
A l’inverse de GDF Suez, la Poste a opté, elle, pour un accélérateur interne, Start’inPost, chargé
d’accueillir des jeunes pousses externes. «Depuis mai, une équipe dédiée de trois personnes et
dotée d’un budget d’investissement est chargée de nouer des partenariats capitalistiques. On
accorde 20 000 euros à une startup
pendant une période de trois mois pour monter un projet.
Elle est ensuite hébergée dans l’entreprise durant neuf mois et travaille en relation étroite avec
nos collaborateurs. Nous leur apportons de la puissance à travers notre réseau commercial,
notre logistique, nos sites en ligne, et nous en attendons une accélération de notre capacité à
développer des nouveaux services et des nouveaux produits», détaille Nathalie Andrieux,
directrice générale adjointe en charge du numérique. La Poste envisage une à deux intégrations
par mois et pourra éventuellement prendre des parts dans ces sociétés. La première à rejoindre
ce dispositif récent s’appelle Heuritech. Spécialisée dans le Big Data, elle a passé le premier test
des trois mois et va entrer en phase d’accélération dans la filiale de marketing relationnel
Mediapost Communication, présidée par Nathalie Andrieux.
Le leader mondial des gaz industriels, Air Liquide, a lui monté il y a un an I-Lab, une «structure
d’innovation radicale» dotée de deux missions : créer de la valeur à court terme via des
prototypages rapides et engendrer de la croissance sur le long terme (dix à quinze ans) grâce à
l’innovation. Deux outils composent le I-Lab : un think tank et un «corporate garage». Le
premier est un groupe de réflexion réunissant des compétences multiples (géographes,
architectes, ingénieurs) chargé de trouver des territoires d’intervention nouveaux sur lesquels
Air Liquide est légitime, comme, par exemple, «respirer dans la ville». Deuxième élément du
dispositif : le «corporate garage» regroupe une vingtaine de scientifiques et post-docs en
sciences humaines chargés de tester concrètement les nouvelles idées. Deux équipes travaillent
notamment sur un projet autour de «l’innovation frugale», pour les populations qui gagnent de
3 à 5 dollars (2,4 à 4 euros) par jour. «Le ILab
prend en charge leurs salaires jusqu’au moment
où ils pourront voler de leurs propres ailes», précise Gregory Olocco, directeur d’I-Lab. Un
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autre intrapreneur maison a déniché une problématique réglementaire autour de l’analyse de la
qualité de l’air dans les bâtiments sur laquelle il va plancher.
Livre bouteille. Industrie, services, banque, assurance : tous les secteurs veulent engendrer des
innovations «disruptives». Et même certains qu’on n’attendait pas sur ce terrain, comme
l’agroalimentaire. Pernod Ricard a ainsi créé BIG (Breakthrough Innovation Group, «groupe
d’innovation de rupture») début 2012, pour «imaginer des produits qui vont changer
drastiquement la perception, l’usage et l’expérience du consommateur», explique son directeur
général, Alain Dufossé, qui cite en exemple Nespresso ou iTunes. Niché au fond d’une cour près
de la place de la Bastille à Paris, BIG est installé dans un loft qui accueille sept personnes. Sa
mission repose sur trois piliers : la collecte d’information à partir de 800 sources et
15 correspondants dans toutes les régions du monde ; «l’idéation», qui produit des concepts, et
la mise au point de prototypes. Deux ans et demi plus tard, BIG a accouché de son produit
disruptif sous le nom de code «Projet Gutenberg» : un contenant rectangulaire de 70 cl qui
ressemble à un livre associé à un plateau connecté. Design, recyclable et branché, ce livre
bouteille, qui n’a pas encore d’appellation commerciale, peut se connecter à une tablette ou un
smartphone en wi-fi, offrant ainsi une bibliothèque exhaustive de cocktails… Les brevets sont
déposés, le produit va être finalisé et devrait atterrir dans les salons d’ici quelques mois.
Le Crédit agricole, qui proclame avoir une PME sur deux comme clientes et financer un quart de
l’économie, s’intéresse aussi de près aux start-up. Outre la création du Village dans ses locaux, la
banque a monté sa propre structure, nommée Castor, une équipe de quatre personnes chargée
de faire la liaison avec les «digiculteurs», une communauté qui associe développeurs et clients
de la banque, qui a déjà mis au point vingt-cinq applis utilisées par les clients. «Les avantages
des startup
sont l’agilité, l’enthousiasme et la capacité de prendre des décisions rapidement,
alors que dans les groupes, les circuits de décision sont souvent complexes», estime Bernard
Larrivière, directeur de l’innovation à la Fédération nationale du Crédit agricole.
Le leader mondial de l’assurance, Axa, vient, lui, de lancer Start In, un concours interne mondial
pour développer des applications destinées à être incluses dans ses produits. Quatre applis ont
déjà été élues : Are You OK ? (détection d’une activité anormale dans le quotidien des personnes
âgées), My Quick Help (application d’urgence pour géolocaliser et envoyer un SOS par SMS,
mail ou appel), AXA Glass (les clients peuvent prendre des photos de leurs objets de valeur) et
AXA Activ-Track (créer un partenariat avec une entreprise spécialisée dans le «tracking
d’activité»). «Le problème, c’est de rendre ces idées opérationnelles. Nous arrivons à générer
des idées, mais il faut ensuite intégrer ces solutions dans nos offres, c’est là que ça devient un
peu plus compliqué», avoue Nicolas Moreau, PDG d’Axa France.
Échec . Tellement compliqué, que, pour le consultant Philippe Méda, du cabinet conseil en
innovation Merkapt, toutes ces initiatives pour générer de l’innovation en interne sont vouées à
l’échec ! Sur son blog, il a listé les «dix raisons pour lesquelles votre incubateur interne va
échouer en moins de deux ans» (1). «Ces structures répondent en fait à deux objectifs : faire du
marketing interne et externe. En interne, les groupes disent à leurs employés : "vous allez tous
être intrapreneurs et devenir responsables de projet." Dans la réalité, la plupart des idées des
collaborateurs ne sont pas bonnes et les projets échouent après trois à six mois. Pour l’externe,
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c’est un moyen de montrer que non, on n’est pas obsolète, et qu’on est au fait des dernières
techniques et méthodes de management à la mode. En fait, on a plus de chance de créer de la
valeur en achetant des centaines de tickets d’Euromillions qu’en investissant dans ces
dispositifs», pense carrément Philippe Méda. Pourquoi ? «L’innovation est avant tout un
problème culturel. Pour se prémunir du risque posé par les nouveaux entrants du numérique,
il faut de la vision et du courage», répond le consultant de Merkapt. Pour lui, il faut par
exemple «mettre en place des circuits d’accélération de carrière pour certains managers qu’on
va sortir du "puits de gravité" que représente l’entreprise pendant un à trois ans, afin qu’ils
apprennent de nouvelles façons de travailler». Mais toujours sans garantie qu’ils inventent
le service innovant de demain en quelques mois…
(1) «Dix raisons pour lesquelles votre incubateur interne va échouer en moins de deux ans» :
http://www.merkapt.com/entrepreneuriat/strategie/dix-raisons-lesquelles-incubateur-interne-va-
echouer-en-moins-ans-10456
Dessins Rocco
Par Patrick Cappelli Dessins Rocco
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