L’apprentissage du «numérique théorique» : un levier pour les pratiques polit...
Lewebbreton1
1. Peut-on institutionnaliser le web? Le cas du « web régional breton » Mariannig Le Béchec - ATER Université LILLE 3 - Laboratoire GERIICO Post-doc Sciences Po -Paris - Médialab
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5. 2. Liens hypertextes et signes 9 e séminaire M@rsouin 26 et 27 mai 2011- Bénodet Sémiotique des interfaces web: les signes Dynamique du web: les liens hypertextes
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10. Signes et liens hypertextes Figure 38 Cœur de graphes où les points noirs représentent les sites web en breton
11. 4. Typologie de sites web 9 e séminaire M@rsouin 26 et 27 mai 2011- Bénodet
12. Type de rôles des sites participant à un web régional Projection du territoire sur le web Transposition du territoire sur le web Hubs / Liens sortants Incubateur (ex. produitenbretagne) Relais (ex. antourtan) Autorité / liens entrants Filtre (ex. conseilregional) Patrimoniaux (ex. dastum)
13. 5. Institutionnaliser le web? 9 e séminaire M@rsouin 26 et 27 mai 2011- Bénodet Multiplicité Prolifération Circulation Stabilité Autorité Institution
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Hinweis der Redaktion
Que signifie un « web régional breton »? Derrière cet apparent oxymore, j’ai cherché à comprendre non pas comment l’échelle territoriale d’une région est dépassée mais comment sur un réseau mondial qu’est le web, il resté des éléments d’un territoire. En somme, une institution telle que le Conseil régional de Bretagne a-t-il encore un rôle à jouer sur ce « web régional Breton »? Ou plus largement quel est le rôle des institutions ou quel pourrait être leur rôle sur le web aujourd’hui? Le but ici de présenter une typologie de sites web à partir de leurs liens hypertextes et de leur attachement au territoire de la Bretagne.
Cette présentation se fera en 5 points: 1. Territoire, fiction, institution 2. Signes et liens hypertextes 3. Le corpus et la méthode 4. Typologie de sites web 5. Institutionnaliser le web
La question pourrait être, le conseil régional de Bretagne peut-il unifier un web breton à travers une fiction? Pour comprendre cette proposition, je dois définir le terme territoire. Ce terme territoire renvoie à la stabilité, des frontières définies, une unité face à la multiplicité de l’espace. Au contraire le terme réseau renvoie aux mouvements, aux passages à la fluidité. Il apparaît donc une opposition entre une unité et une stabilité face aux mouvements liés aux réseaux. Or qui pourrait porter l’unité politique sur le web? Comme le dit Lucien Sfez, la technique, le web ici, ne peut pas organiser cette stabilité. Par contre, cette stabilité, une unité est envisageable sous l’impulsion d’une institution. Or toute institution est accompagnée d’une fiction comme le souligne Maurice Haurioux. La fiction portée par un institution à une capacité à symboliser, à unifier toutes les composantes du corps social. Mais sur le web, l’institution n’est pas le seul acteur présent et contrairement au territoire, le web n’est pas statique mais dynamique. Mes premiers constats empiriques d’un web breton montraient une multiplicité d’acteurs présents sur le web, des acteurs non politiques qui définissaient en ligne une Bretagne ou un web breton. Que devrait unifier le Conseil régional de Bretagne, et à quel niveau ? Au préalable, outre une multiplicité des acteurs sur le web je voudrais vous montrer comment les éléments de la fiction se sont également multipliés, voire prolifèrent sur le web.
La seconde approche du terme territoire est de comprendre comment le territoire depuis le 18 e s. est un construit. Au sujet des nations, des Etats, Anne-Marie Thiesse parle de « l’adhésion à une fiction collective ». Elle établit une liste des éléments symboliques et matériels indispensables à une nation. Dans cette liste, on peut trouver: une histoire , des héros, une langue, des monuments culturels, un folklore, des hauts lieux, un paysage typique, des représentations officielles : hymne, drapeau, un animal emblématique, des costumes. L’élaboration de cette liste est longue puisque la gastronomie est arrivée au 20 ème siècle. A-M Thiese s’interroge des changements en cours avec le web: "Les identités nationales sont-elles menacées par la globalisation? » Comme le souligne A-M. Thiesse, un site web et sa mise en ligne ne nécessitent pas le même dispositif technique ni les mêmes contraintes budgétaires qu'un média comme la presse, la radio ou la télévision, qui restaient jusque là dans une diffusion unidirectionnelle. Le destinateur ayant peu de place dans l’élaboration de cette liste. Dans l'analyse des "communautés imaginées" par B. Anderson, les techniques et les TIC issues de l’imprimé (le roman, la presse, la carte) permettent de comprendre le « style dans lequel elles sont imaginées ». Or de l’imprimé au web, le support et le style de communauté imaginée évoluent. La liste des éléments symboliques et matériels indispensables à une nation établie par A-M. Thiesse se complexifie avec le web. Elle s'allonge et les symboles perdent de leur puissance d'unification. Le web offre une nouvelle liste d'éléments immatériels et matériels qui, de plus, ne sont pas choisis par quelques acteurs dépositaires d'une autorité mais par une multiplicité d’acteurs. Donc le premier constat est que le web offre une prolifération d’acteurs et surtout de signes.
Alors comment faire pour rendre compte d’une éventuelle unité l’unité face à une multiplicté des acteurs, à la prolifération des signes et aux propriétés de ce support qu’est le web. Est-ce que les liens hypertextes permettent de rendre compte d’une éventuelle unité? Ce qui pourrait nous donner un indicateur sur la possible institutionnalisation du web ou plutôt du rôle des sites web des institutions sur le web. Mais le réseau web contrairement au territoire n’est pas statique: Autrement dit, « la science du web », autour des travaux de Barabasi, conforte dans l’obligation de ne pas prendre l’analyse d’un tel corpus comme une juxtaposition de sites web mis en ligne sur un même ensemble qu’est le web, mais de comprendre la dynamique entre ces sites web. Le site web du conseil régional de Bretagne pour instituer le web se doit de se positionner par rapport à un ensemble de sites web. Mais comment? L’autre dimension de l’unification pourrait être par la présence d’un signe qui qualifierait un site web breton, le logo du CR par exemple? C’est pourquoi je me suis intéressée à la sémiotique des interfaces web : Brièvement, un site web propose un accès scénarisé à des contenus en lien avec la Bretagne. Or, au fil de l’analyse ce n’est plus le site dans l’ensemble de ces pages qui est devenu intéressant mais des détails qui font saillance sur une page web. C’est ce que j’appelle les signes. Ce niveau de détail remet en cause l’unité politique ou les représentations territoriales d’un territoire, car il prolifère sur le web. Il n’est plus défini par un acteur dépositaire de l’autorité qui en verrouille le sens comme dans les communautés imaginées de B. Anderson ou la fiction collective d’Anne-Marie Thiesse. Le signe et le lien hypertexte doivent donc être associés dans cette analyse.
3. La méthode et ses difficultés Alors comment faire pour mettre à jour les signes et les liens hypertextes dans ce type de corpus ? La démarche est empirique. Elle s’appuie sur un traitement manuel de 591 sites qui d’une façon ou d’une autre ont un lien avec la Bretagne et sur l’analyse de 227 signes.
1. La première étape est donc d’établir un corpus ou trouver les acteurs qui vont permettre de parcourir des agrégats de sites web en lien avec la Bretagne. Il s’agit d’un corpus assez large car je ne pouvais pas savoir au départ que les entrées pertinentes seraient les signes et les liens hypertextes. Aucune catégorie n’a été construite a priori ni a posteriori de cette analyse. Je voulais dépasser les cadres de définition d’un territoire « physique ». 2. La second étape est de trouver les liens entre web et territoire pour définir un « web régional breton »: en effet, je n’ai pas repris les catégories d’un annuaire de recherche qui définit un « web breton ». Après une phase d’exploration manuelle, il est apparu 5 médiations, qui rendent opératoires la relation web et territoire: les moteurs et annuaires de recherche, les professionnels du web, les adresses URL dans la barre d’adressage d’un navigateur, les cartes puis les liens hypertextes qui permettaient de comprendre la territorialisation du web et définir ce qu’est un web régional breton. Mais si elles font le lien, deux de ces médiations sont apparues comme devant être plus approfondies: les liens hypertextes et l’adresse URL comme signes par exemple, les adresses URL en breton, les noms de lieu, les favicon.
À partir d’une analyse sémiotique des interfaces web, nous avons défini le concept de signes transposables qui ont à la fois la capacité de rester attachés à un territoire et de circuler sur le web. Notre propos n’étant pas de présenter ces signes mais une typologies du rôle des sites web, nous ne développerons pas ce point. Mais nous présenterons un exemple avec cette capture d’écran. Ces signes ont ensuite été classés dans une échelle pour définir leur attachement territorial selon divers degrés qui m’ont aidée à penser l’agency, ou le faire-agir d’un signe, sa capacité d’action et qui m’a permis de montrer qu’un signe n’a pas de signification figée, qu’il n’existe pas de domination d’un acteur pour la définir. 5. Puis, J’ai étudié les dynamiques du web, la circulation à partir de cartographies de sites web et de liens hypertextes. Il est difficile de savoir si les sites sont proches en raison d’une proximité thématique ou territoriale. Le substrat territorial semble expliquer une certaine proximité entre les acteurs, il est toujours difficile de savoir si les sites web ont des liaisons hypertextuelles parce que les éditeurs se situent dans le même lieu géographique ou si ils parlent de la même chose, I.e qu’ils ont la même thématique.
Si je prends l’exemple de ce paysage marin: Grâce à quel élément pouvez-vous dire que ce paysage marin est breton? Car il y a le drapeau. Le signe transposable, accompagne ce paysage dans sa circulation mais attache dorénavant cette photographie maritime à la Bretagne.
En revanche, les signes peuvent expliquer un agrégat comme le breton ce qui donne des cartographies plus pertinentes que la caractéristique du substrat territorial. Sur ce graphe, les sites web sont répartis en fonction de la présence ou non du breton sur le site web. Les points noirs sont donc les sites en breton. Ce graphe montre que la Bretagne est un substrat, une proximité quelconque entre des agrégats de sites web. À partir de ces signes, je peux détailler une corrélation entre attachement au territoire (le web territorialisé par les contenus mis en ligne, la présence d’un signe transposable) et la dynamique du web.
La typologie du rôle sites web dépend donc de la présence d’un signe transposable comme le drapeau et de sa distribution de liens hypertextes. Expliquer signes = attachement (un faire-agir selon B. Latour) Hypertexte: pour essayer de mesurer la possible circulation à partir des degrés des nœuds: le degré d'un nœud est le nombre d’hyperliens sortants et entrants de celui-ci En ce sens : - l’absence de signe transposable se corrèle avec un faible degré, et trop d’attachement territorial (avec la présence de deux signes transposables), ce degré demeure plus faible. - La degré le plus fort (ou le nombre maximum de liens hypertextes pour un site web) correspond à des sites web n’étant pas détachés, mais n’étant pas trop attachés du territoire, c’est-à-dire ayant un seul signe transposable. 2.le filtre : renvoie à la projection des hiérarchies principalement politico-administratives du territoire sur le web. Le filtre est l’image sur le web, un reflet, un double souvent institutionnel. Le site web demeure dépendant des logiques de circulation du territoire « physique ». Il est dépendant des liens hypertextes entrants, de la notoriété acquise dans le territoire « physique » et projetée sur le web. Réputation du territoire et sur le web s’équivalent ce qui correspond à une connexité faible voire quasi-nulle (entre 0 et 5 liens hypertextes). Ce type comprend les sites web ayant 0 ou 1 signe. 4. Le 4 ème type est le relais : un équilibre avec une transposition autour d’un signe qui conserve certes un attachement territorial mais faible. Il ne fait pas valeur par lui-même, il ne transpose pas sa réputation du territoire au web, il la crée, comme dans le cas d’antourtan.org. Il associe un milieu autour, comme le fait brezhoweb.com, ou les acteurs du tourisme qui multiplient les hyperliens comme sur le graphe de tourismebretagne.com. Le site web relais n’est pas lié au sens du texte mais à sa capacité à circuler et à participer à la construction d’une image symbolique par et avec le signe transposable. Le conseil régional de Bretagne en tant que filtre n’assure pas de dynamique dans ce corpus « web régional ». 1.Incubateur : est une porte vers les membres, les adhérents, présents sur le web. Cet incubateur à travers son site web affiche l’ensemble des sites web des membres de l’organisation qu’il représente dans le territoire « physique ». Un incubateur propose un temps d’arrêt dans les flux du réseau web vers tous ses membres formant ainsi un réseau en étoile. 3. Le patrimonial : est la multiplication des signes attachés territorialement. Les sites web multiplient sur leur interface les signes attachés au territoire et les procédures pour mettre en place un lien hypertexte. Ils finissent par être fixés, ancrés, retenus dans leur circulation, même s’ils se situent entre le territoire et le web. Ils n’ont plus de dynamique car le poids du territoire « physique » mis en ligne devient trop lourd pour le mettre en inertie sur le web.
Alors le conseil régional de Bretagne pourrait-il institutionnaliser un web régional? Institutionnaliser le web pourrait revenir à établir un web régional breton, recensé et exhaustif, c’est-à-dire à le définir et à trouver des règles pour son fonctionnement. Or cette dynamique (circulation et prolifération de signes) d’un web régional breton montre que la stabilité est dépassée. Il conviendrait de définir une fiction qui prend en compte la dynamique de ce web territorialisé dans notre approche. Pour répondre à la question initiale de cette présentation: Un web régional ne repose plus sur un acteur unique qui délimite son champ d’actions. Le conseil régional de Bretagne ne peut pas espérer dupliquer son rôle central sur le web mais il vaut mieux qu’il accompagner la prolifération des signes et leur circulation sur le web. Le rôle des institutions sur le web n’est plus de circonscrire un lieu, mais d’accompagner certains signes attachés aux lieux.