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FACULTÉ D’ADMINISTRATION
Institut de recherche et d’éducation pour les coopératives et les mutuelles
                 de l’Université de Sherbrooke (IRECUS)




                LA BONNE GOUVERNANCE
          DANS LES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ




                              par
                   ANDRÉE-ANNE TREMBLAY
                 HADJIA SAIDOU KINDO INDATOU
                   MARIA CECILIA ZULUAGA




              Essai présenté dans le cadre du programme de
Maîtrise en gestion du développement des coopératives et des collectivités




                             Sherbrooke
                           DÉCEMBRE 2007
ii
iii



                             TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS                                                    V

INTRODUCTION                                                      1

MÉTHODOLOGIE                                                      3

CHAPITRE I : REVUE DE LITTÉRATURE                                 5

1.1 QU’EST-CE QU’UNE COOPÉRATIVE?                                 5
1.1.1 COOPÉRATIVE MULTISOCIÉTAIRE                                 5
1.1.2 COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ                                   6
1.2 PRINCIPES ET VALEURS COOPÉRATIFS                              7
1.2.1 LES VALEURS COOPÉRATIVES                                    7
1.2.2 LES PRINCIPES COOPÉRATIFS                                   8
1.2.3 ÉMERGENCE DES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ                   11
1.2.4 LES PARTIES PRENANTES DANS UNE COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ   15
1.2.5 DÉFINITION DES CONCEPTS                                    16
1.3 NOS DIMENSIONS D’ANALYSE DE LA GOUVERNANCE                   20
1.4 LA GOUVERNANCE DANS UNE COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ            21
1.4.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DES COMPÉTENCES             22
1.4.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION                              31
1.4.3 GESTION DÉMOCRATIQUE ET/OU PARTICIPATIVE                   34
1.4.4 LEADERSHIP                                                 36
1.4.5 ÉDUCATION- FORMATION                                       39
1.5 LES DÉRIVES DE LA GOUVERNANCE                                43
1.5.1 LA THÉORIE DE L'HÉGÉMONIE GESTIONNAIRE                     45
1.5.2 LA THÉORIE DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DE L'IDÉAL DÉMOCRATIQUE    45

CHAPITRE II :ÉTUDE DE TROIS COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ           47

2.1 MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE DE CAS                               47
2.1.1 LES CRITÈRES DE SÉLECTION DES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ   47
2.1.2 DESCRIPTION DES COOPÉRATIVES                               48
2.1.3 DESCRIPTION DU GROUPE DE PERSONNES INTERVIEWÉES            48
2.1.4 LA DÉMARCHE DES ENTREVUES                                  49
2.1.5 DIFFICULTÉS ET BIAIS DE L’ENQUÊTE SUR LE TERRAIN           49
2.2 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS                                   50
2.2.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DE COMPÉTENCES              50
2.2.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION                              59
2.2.3 GESTION DÉMOCRATIQUE                                       69
2.2.4 LEADERSHIP                                                 79
2.2.5 ÉDUCATION / FORMATION                                      86
iv

CHAPITRE III : ANALYSE DES CAS ÉTUDIÉS                                                 93

3.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DES COMPÉTENCES                                     93
3.1.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE                                           93
3.1.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE                                             95
3.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION                                                      96
3.2.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE                                           96
3.2.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE                                             97
3.3 GESTION DÉMOCRATIQUE                                                               98
3.3.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE                                           98
3.3.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE                                             99
3.4 LEADERSHIP                                                                         99
3.4.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE                                           99
3.4.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE                                            100
3.5 ÉDUCATION – FORMATION                                                             101
3.5.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE                                          101
3.5.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE                                            102

CHAPITRE IV: ÉTUDE DE MODÈLES DE COOPÉRATIVE À MULTISOCIÉTARIAT                       103

4.1 LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D’INTÉRÊT COLLECTIF (SCIC) EN FRANCE                       103
4.1.1 DÉFINITION                                                                      103
4.1.2 BRÈVE DESCRIPTION DU CONTEXTE D’ÉMERGENCE DES SCIC                              105
4.1.3 LA GOUVERNANCE DANS LES SCIC                                                    107
4.2 LA COOPÉRATIVE SOCIALE EN ITALIE                                                  111
4.2.1 DÉFINITION                                                                      111
4.2.2 BRÈVE DESCRIPTION DU CONTEXTE D’ÉMERGENCE DES COOPÉRATIVES SOCIALES EN ITALIE   112
4.2.3 GOUVERNANCE DANS LES COOPÉRATIVES SOCIALES EN ITALIE                            114

ANNEXES                                                                               119

ANNEXE 1 : GUIDE D’ENTREVUES                                                          121
ANNEXE II : OUTIL D’ANALYSE                                                           129
ANNEXE III : ARTICLE SYNTHÈSE                                                         141

BIBLIOGRAPHIE                                                                         153
v



REMERCIEMENTS
Bien qu’une multitude de personnes aient permis la finalisation de ce rapport, celui-ci n’aurait
pas vu le jour sans la précieuse collaboration de quelques personnes en particulier que nous
désirons remercier chaleureusement.


D’abord, merci à nos directeurs de recherche, Jean-Pierre Girard, Michel Lafleur et Ernesto
Molina, pour avoir accepté généreusement de codiriger notre travail, pour leurs corrections et
suggestions pertinentes. Nous sommes aussi très reconnaissantes de l’ouverture et de la
disponibilité qu’ils nous ont témoignées, chacun à sa façon.


Nos remerciements vont également à Sandra Serrano Molina, de la Coopérative de
développement régional pour ses précieux conseils; à Jocelyne Chagnon de la Direction des
coopératives du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation
(MDEIE), pour sa précieuse participation en répondant à nos questions.


Soulignons aussi la généreuse contribution des participants de notre étude : merci à tous les
membres interrogés pour leur temps et leur accueil chaleureux; merci aux présidents et aux
directeurs généraux de nous avoir ouvert les portes de leur coopérative et ce, en toute confiance.
Leur accueil et la gratuité de leur geste nous ont fait redécouvrir le sens des mots solidarité et
intercoopération.


Merci à tous nos enseignants de l’Institut de recherche et d’éducation pour les coopératives et
les mutuelles de l’Université de Sherbrooke (IRECUS) pour nous avoir fait découvrir le monde
du coopératisme, sans oublier l’ensemble de l’équipe de l’IRECUS pour son support et
l’encouragement qu’elle n’a cessé de nous apporter.


Enfin, merci à nos conjoints, familles et ami(e)s pour leur appui inconditionnel nécessaire à la
réalisation de ce projet.
vi
1



INTRODUCTION
Par leur structure économique performante et stable orientée exclusivement vers les besoins des
membres et leur communauté, les entreprises collectives en général et les coopératives en
particulier, jouent un rôle important dans l’économie des pays aussi bien du Nord que du Sud .


Par un bref retour historique, il convient de rappeler que les coopératives sont nées de suite
d’incapacité de l’État et des entreprises à satisfaire les besoins d’une frange de la population. Il
est à noter que depuis les besoins ont évolué et que, malgré une relative prise en charge par l’État
de plusieurs services à la population, celui-ci n’est pas en mesure de répondre à tous les besoins,
particulièrement ceux touchant le développement des collectivités locales dans un contexte de
mondialisation, globalisation, internationalisation.


En réaction à tous ces changements, le modèle coopératif se transforme. En effet, en 1997,
inspirée en majorité de modèles européens, une nouvelle forme de coopérative naît au Québec: la
coopérative de solidarité. À l’origine, celle-ci est crée pour donner une plus grande possibilité de
solidarité et de prise en charge aux habitants de petites communautés fragilisées par le contexte
socio-économique. Après 10 ans d’existence, et quelques ajustements à la Loi sur les
coopératives, près de la moitié des coopératives crées au Québec sont sous la forme de
coopérative de solidarité 1 . Même si sa popularité peut témoigner de sa pertinence, plusieurs
auteurs soulèvent le défi que représente sa gestion, puisqu’elle rassemble une multitude d’acteurs
avec des intérêts différents.


Depuis quelques années, à la suite des nombreux changements survenus dans la gestion des
organisations, le thème de la gouvernance prend de plus en plus une place prépondérante.
Cependant, malgré sa popularité, ce concept demeure peu étudié dans le domaine de l’économie
sociale. Attirées par le thème et sous l’impulsion d’un de leurs enseignants, trois étudiantes
finissantes en maîtrise en gestion du développement des coopératives et des collectivités de
l’Université de Sherbrooke (IRECUS) ont choisi d’approfondir la question de la gouvernance.



1
    Direction des coopératives (Entrevue n° 11, 2007).
2


Cet intervention-essai présente les résultats d’une recherche portant sur la pratique de la bonne
gouvernance dans les coopératives à multisociétariat, et plus spécifiquement, dans les
coopératives de solidarité québécoises. En effet, à la lumière du contexte économique et social
actuel québécois et de la courte durée d’existence des coopératives de solidarité, cette recherche
vise à mettre en relief, et ce de façon non exhaustive, les pratiques favorables et défavorables à la
bonne gouvernance dans les coopératives à multisociétariat. Pour y arriver, en plus d’une étude
théorique, les auteures ont observé la gouvernance de trois organisations coopératives. Grâce à
ces études, elles proposent cinq thèmes qui constituent la base d’une grille d’analyse de la
gouvernance dans les coopératives.


Sans prétendre être la solution aux problématiques de gestion des différents intervenants qui
prennent part au projet de la coopérative de solidarité, cette étude propose des éléments pour
favoriser un plus grand équilibre des pouvoirs mais aussi et avant tout, permet d’approfondir la
réflexion sur un sujet d’actualité telle la gouvernance dans les entreprises démocratiques.


Ce travail se divise en quatre principaux chapitres. Le premier chapitre porte sur le contexte
d’émergence des coopératives de solidarité. Ensuite, il est traité des principaux concepts liés à la
gouvernance, en terminant par une brève présentation des cinq dimensions de la gouvernance
retenues pour son analyse.


Le deuxième chapitre s’attarde à la présentation des trois études de cas. Le troisième chapitre
quant à lui est une analyse des éléments favorables et défavorables à la bonne gouvernance dans
les coopératives en lien avec les cas observés. Enfin, le chapitre quatre, présente deux modèles
de coopérative à multisociétariat, la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) en France et
la coopérative sociale, en Italie.
3



MÉTHODOLOGIE
Le choix du thème de ce travail est le fruit d’une volonté de répondre à des besoins actuels du
milieu coopératif. Issues de différents échanges et réflexions, voici les questions qui sont
ressorties et qui ont guidé notre recherche tout au long des démarches subséquentes :


Comment gérer les différents intérêts des parties prenantes internes des coopératives de
solidarité?


Pouvons-nous identifier des pratiques formelles et informelles favorables et défavorables à la
gouvernance pour les différents groupes d’acteurs intervenants dans les coopératives de
solidarité [assemblée générale, conseil d’administration, direction générale et employés] des
coopératives de solidarité étudiées?


L’élaboration de ce travail a nécessité différents modes de cueillette de données. D’abord, nous
avons entrepris une recherche documentaire sur la gouvernance ainsi que sur d’autres thèmes
intimement liés. Pour y arriver, nous avons d’abord consulté les documents pertinents mis à notre
disposition ou élaborés lors de notre année de maîtrise. Cette documentation a été ensuite
enrichie par de nouvelles références et différents entretiens avec des acteurs du milieu.


L’étape suivante a été consacrée à l’élaboration d’un cadre conceptuel. Celui-ci a été pour nous
l’occasion de faire une synthèse des éléments théoriques et de délimiter nos principaux champs
d’étude.


Suite à l’identification de concepts clés, et en préparation à la cueillette de données terrain, nous
avons procédé à l’élaboration d’un guide d’entrevue. C’est à l’aide de celui-ci que nous avons
procédé aux entrevues de neuf membres et une partie prenante externe dans trois coopératives de
solidarité québécoises.


Nous avons fait l’étude du verbatim de ces rencontres grâce à un cadre précis faisant ressortir nos
principaux thèmes d’analyse de la pratique de la bonne gouvernance dans les coopératives de
4


solidarité. Ce cadre d’analyse a été élaboré à la suite des observations terrain et à la lumière des
connaissances assimilées en matière de gouvernance.


Enfin, dans la rédaction de cet intervention-essai, nous avons opté de préserver la confidentialité
des coopératives participantes. Cet aspect anonyme a guidé toute la rédaction du présent
document.
5



CHAPITRE I
REVUE DE LITTÉRATURE

Il nous semble important, avant de nous intéresser aux concepts reliés à la gouvernance, de faire
un rappel de la définition globale de la coopérative et de nous attarder un peu sur le concept
spécifique de la coopérative multisociétaire. Nous rappellerons également les principes et valeurs
des coopératives tels que définis par l’Alliance Coopérative Internationale (ACI).



1.1 Qu’est-ce qu’une coopérative?

Selon l’Alliance Coopérative Internationale (ACI), une coopérative se définit comme « […] une
association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et
besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété
est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement » (ACI, 2007).


Cette définition distingue les deux principales dimensions d’une coopérative, soit la dimension
entrepreneuriale et la dimension associative. Une coopérative, c’est d’abord un groupement de
personnes physiques et/ou morales ayant des besoins économiques, sociaux et culturels
communs à satisfaire. Cette union de personnes représente la dimension associative de la
coopérative qui met en exergue l’adhésion volontaire, le droit de propriété collective et de
contrôle démocratique. La dimension entrepreneuriale quant à elle, constitue le moyen utilisé par
ces personnes pour atteindre leurs fins c’est-à-dire satisfaire leurs besoins et aspirations.


       1.1.1 Coopérative multisociétaire

Appelée encore coopérative « Multi-stakeholder co-operative », la coopérative multisociétaire
est une nouvelle forme de coopérative qui a la particularité d’associer ou de solidariser différents
types d’acteurs autour d’un projet rassembleur pour la collectivité (MDERR, 2004b). Ces acteurs
ou catégories de membres sont désignés sous le nom de parties prenantes internes. Le terme
« parties prenantes» désigne tout groupe potentiellement affecté par les décisions et les
6


orientations d’une entreprise (Robbins et al., 2004). Les « parties prenantes internes » dans une
coopérative sont alors tous les membres de la coopérative. Elles intègrent non seulement des
membres utilisateurs, des membres travailleurs (employés et gestionnaires(s)) et des
administrateurs, mais aussi différents acteurs locaux qui croient aux projets que la coopérative
développe (membres de soutien).


Pour Hans-H. Münkner (Borzaga et Spear, 2004), en ces temps de décentralisation, de
débureaucratisation et d’émergence de la société civile, on peut observer une tendance de
partenariat entre l’État et les organisations civiles. Ces ententes seraient le résultat d’une
nouvelle perception de la distribution des rôles entre les organisations publiques et privées où
l’entente devient possible. Par ailleurs, on y affirme que « l’intérêt pour cette nouvelle forme de
société coopérative a mené à la promulgation de nouvelles lois et amendements de lois
coopératives déjà existantes en Italie (1988, 1991), Canada (1997), Portugal (1998) et France
(2001) » (Traduction libre, Borzaga et Spear, 2004, p. 49).


La coopérative multisociétaire est en net contraste avec la coopérative traditionnelle à sociétariat
unique. Ce type de coopérative porte au Québec le nom de coopérative de solidarité.



       1.1.2 Coopérative de solidarité

La coopérative de solidarité se caractérise par la multiplicité de son membership. Elle offre donc
la possibilité aux personnes ayant des besoins diversifiés, mais visant un objectif commun, de se
regrouper au sein d’une même coopérative. Cette nouvelle forme de coopérative vise toutes les
activités supportées par le milieu. Selon les dispositifs du chapitre VII, titre II.1 de la Loi sur les
coopératives, on peut définir la coopérative de solidarité comme étant celle qui regroupe au
moins deux catégories de membres parmi les suivantes :
   1. des membres utilisateurs, soit des personnes ou société qui utilisent les services offerts
      par la coopérative
   2. des membres travailleurs, soit des personnes physiques oeuvrant au sein de la
      coopérative
   3. des membres de soutien, soit toute autre personne ou société qui a un intérêt économique,
      social ou culturel dans l’atteinte de l’objet de la coopérative (art. 226.1, Loi sur les
      coopératives).
7




1.2 Principes et valeurs coopératifs

Qu’elle soit unisociétaire ou multisociétaire, la coopérative est caractérisée par un certain
nombre de valeurs et principes.



       1.2.1 Les valeurs coopératives

Selon la déclaration sur l'identité coopérative approuvée par l'Assemblée Générale de l'ACI au
Congrès de Manchester (Angleterre) en septembre 1995, les valeurs fondamentales des
coopératives sont: la prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles, la
démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité. Aussi, les membres des coopératives à travers le
monde adhèrent à une éthique fondée sur l'honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale
et l'altruisme pour rester fidèles à l'esprit des fondateurs que sont les pionniers de Rochdale
(ACI ). Ces valeurs coopératives se traduisent de la manière suivante:


La prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles: les personnes ont la capacité,
mais surtout la volonté d'améliorer leur destin pacifiquement et conjointement par une action
collective et non individuelle.
La démocratie: les membres de la coopérative ont le même droit quant à la participation,
l’information, l’implication dans la prise des décisions. Les membres constituent l’unité de base,
mais aussi la source d'autorité au sein de la coopérative.
L’égalité: les droits et les responsabilités sont égaux pour tous les membres au sein de la
coopérative.
L’équité: elle implique le partage juste et approprié ou adéquat du revenu et du pouvoir dans la
coopérative, mais aussi, on tend vers une contribution équitable au capital de la coopérative.
La solidarité: «une relation entre personnes ayant conscience d’une communauté d’intérêts qui
entraîne une obligation morale d’assistance mutuelle» (Dictionnaire Le Robert, 1998, p.1246).
La solidarité se situe à deux niveaux : d’une part la coopérative est née sur le postulat selon
lequel la prise en charge et l'auto-assistance mutuelles sont porteuses de force, donc la
coopérative a la responsabilité collective du bien-être de ses membres. D’autre part, chaque
8


coopérative prise individuellement, se propose de créer un mouvement coopératif unis en
travaillant avec d'autres coopératives avec comme souci l'amélioration du bien-être collectif.
Des principes découlent de ces valeurs qui sont au nombre de sept formulés par l’Alliance
Coopérative Internationale.



       1.2.2 Les principes coopératifs


1- Adhésion volontaire et ouverte à tous

« Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les
personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant
que membres, et ce sans discrimination fondée sur le sexe, l´origine sociale, la race, l´allégeance
politique ou la religion » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date)

Deux aspects ressortent de ce principe : le volontariat et l’ouverture à tous. Pour ce qui est du
volontariat, on comprend aisément qu’il n y a aucune contrainte d’adhésion à une coopérative.
Quant à l’ouverture, elle suppose que toute personne capable d'utiliser les services offerts par la
coopérative peut y adhérer. La participation en tant que membre actif et responsable devrait être
basée sur la compréhension des valeurs coopératives et être apte à les défendre. Néanmoins,
notons que cette formulation reconnaît que certaines coopératives peuvent restreindre leur
membership sur la base de "l'habilité à utiliser les services de la coopérative" ou de "la limite du
nombre de membres que la coopérative peut effectivement et efficacement servir".


2- Pouvoir démocratique exercé par les membres

« Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui
participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et
les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Dans les
coopératives de premier niveau, les membres ont des droits de vote égaux en vertu de la règle -
un membre, une voix - ; les coopératives d'autres niveaux sont aussi organisées de manière
démocratique. » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date)

Ce principe rappelle la base de gestion et d’administration de la coopérative. La nature de prise
de décision, d’élection des représentants, de contrôle, ainsi que l’élaboration de la mission et de
la politique générale de la coopérative sont stipulées par ce principe. Ainsi, dans une coopérative
9


c’est la qualité de membre qui donne accès au droit de vote et ce droit n’est pas proportionnel à
l’argent investi ou au nombre de parts sociales détenues.


3- Participation économique des membres

« Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le
contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la
coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du
capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou
partie des objectifs suivants: le développement de leur coopérative, éventuellement par la
dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en
proportion de leurs transactions avec la coopérative et le soutien d'autres activités approuvées
par les membres. » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date)

Ce principe constitue une des marques distinctives entre la coopérative et l’entreprise capitaliste
traditionnelle. Il ressort trois aspects importants du modèle coopératif. Selon ce principe, les
membres utilisateurs de la coopérative doivent participer à sa capitalisation en souscrivant à une
part de qualification et en utilisant les services de la coopérative pour lui permettre d’assurer sa
pérennité. Le deuxième aspect traite de la répartition des excédents réalisés par la coopérative :
une partie peut être retournée aux membres au prorata de l’usage qu’ils ont fait de l’entreprise.
C’est ce que l’on appelle la pratique de la ristourne. L’autre partie est versée à la réserve
générale, qui constituée au fil des années, est inaliénable et non partageable. Elle est la propriété
de l’association. Le troisième aspect indique la responsabilité du membre à participer à la
rentabilité de sa coopérative, tout en assumant la pratique de la non redistribution des richesses.


4- Autonomie et indépendance

« Les coopératives sont des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres. La
conclusion d'accords avec d'autres organisations, y compris des gouvernements, ou la recherche
de fonds à partir de sources extérieures, doit se faire dans des conditions qui préservent le
pouvoir démocratique des membres et maintiennent l'indépendance de leur coopérative » (Les
principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date)

La raison d’être d’une coopérative est de permettre à ses membres de se prendre en charge grâce
à l’association coopérative, par l’acquisition de l’autonomie et de l’indépendance. Loin de prôner
l’individualisme, la coopération fait l’éloge d’une solidarité qui est possible uniquement lorsque
les membres qui y participent sont autonomes et indépendants. Ce principe, tel qu’il est énoncé,
10


s’applique à l’association et aux membres de l’association qui assument pleinement leurs
responsabilités sans pour autant renoncer à leur propre liberté.



5- Éducation, formation et information

« Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et
leurs employés l'éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au
développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et
les dirigeants d'opinion, sur la nature et les avantages de la coopération » (Les principes de la
coopération de l’ACI, Orion, sans date)

L'éducation, la formation et l’information sont une priorité du mouvement coopératif et sont loin
d’être un outil de publicité et de distribution d'informations. La coopérative est une forme
d’organisation humaine complexe et nécessite de ce fait, un apprentissage particulier pour sa
gestion. Ayant comme leitmotiv la participation, il est indispensable d’impliquer à fond les
esprits et l'intelligence des membres, des leaders élus, des gestionnaires et des employés afin
qu'ils comprennent et saisissent pleinement la complexité et la richesse de la pensée et de
l'action coopératives. En plus, étant porteuse d’un modèle de développement complémentaire à
l’économie de marché et à l’intervention étatique, la coopérative fait partie intégrante des
solutions alternatives aux problèmes actuels. De ce fait, les coopérateurs et les non coopérateurs
ne doivent pas seulement être au courant du concept, ils se doivent aussi d'apprécier, de
s’approprier et d'avoir la volonté de participer à la formule coopérative : un engagement actif qui
ne peut se produire sans l’éducation, la formation, et l’information.


6- Coopération entre les coopératives

« Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les
coopératives oeuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et
internationales » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date)

Ce principe est connu sous le terme « intercoopération ». Il sert à encourager les coopératives à
oeuvrer au sein de structures locales, nationales, régionales et/ou internationales au nom de
l’efficacité économique. Elles peuvent ainsi éviter d’évoluer en vase clos et se regrouper sous
forme de fédération et de confédération dans le but de mieux servir ses membres et de renforcer
le mouvement coopératif. Toutefois, ce principe ne doit pas être une obligation, sinon il irait à
11


l’encontre du principe d’adhésion volontaire qui s’applique autant aux membres d’une
coopérative qu’aux coopératives qui sont membres d’une structure de deuxième niveau.


7- Engagement envers la communauté

« Les coopératives contribuent au développement durable de leur communauté dans le cadre
d'orientations approuvées par leurs membres » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion,
sans date)

Grâce à l'effort mutuel, pourvoir aux besoins d’un membre de la coopérative, équivaut à
pourvoir à certains besoins des proches du membre. Ainsi, par un effet d’entraînement, la
distinction particulière des coopératives contribue à la satisfaction des besoins des membres de
la communauté, donc favorise la construction d'une meilleure société en général (création
d’emploi, protection de l'environnement, etc.).



        1.2.3 Émergence des coopératives de solidarité

De façon générale, on fixe l’origine des coopératives à la fin du 19e siècle. Les initiatives sont
toujours nées en réaction à des besoins ressentis qui demeurent insatisfaits. Traditionnellement,
le sociétariat des coopératives a été formé d’une catégorie unique de membres. L’une des
premières coopératives à plus d’une catégorie des membres est née en Italie en 1966 pour
apporter un service aux enfants orphelins d’une zone septentrionale de l’Italie (Clément et
Gardin 1999) : C’est la naissance de la coopérative de solidarité sociale italienne qui marque la
reconnaissance officielle de cette forme de coopérative à sociétariat varié que les spécialistes
appelleront les « multi-stakeholders ». Rappelons, toutefois que, bien qu’elle semble incarner
une nouveauté, la coopérative multisociétaire et multifonctionnelle reste une vieille utopie, car
comme l’indique Jean-Pierre Girard : « il est maintenant largement reconnu que la coopération
n’a pas une mais plusieurs influences » (Gagnon et Girard, 2001, p. 4-5).


Le Québec demeure une terre de prédilection des coopératives. Il a connu toute une panoplie de
coopératives touchant une grande variété de secteurs d’activité sous le modèle de coopérative
unisociétaire. Cependant, les besoins des populations évoluant d’une part, et d’autre part
l’insatisfaction de ces besoins par l’État où le marché interpelle les différents acteurs de la vie
12


sociale, mais aussi des universitaires sur la nécessité d’innover. C’est ainsi que entre 1986 et
1988, des professeurs des universités québécoises mèneront des « recherches sur les
expérimentations et les innovations dans les entreprises capitalistes comme dans l’économie
sociale » (Lévesque, cité par Girard et Langlois, 2006, p.199). De ces recherches sera née la
notion « d’innovation sociale ». Les innovations sociales se focaliseront surtout sur des besoins
liés au développement local et aux services de proximité.


Ainsi, en 1996, dans le cadre de la préparation du Sommet de l'économie et de l'emploi, un
Groupe de travail est mis en place et mandaté par le gouvernement du Québec pour soumettre
des recommandations sur la relance de l’emploi. L’une des recommandations proposées sera
l’actualisation du statut juridique des coopératives (Groupe de travail, 1996). Parmi les mobiles
expliquant une telle proposition, on soulignera les difficultés pour les coopératives d’obtenir des
financements des services financiers conventionnels, réticences attribuées en partie à leur statut
juridique. Il est aussi ressorti qu’
      « Actuellement, la Loi des coopératives ne permet pas un membership mixte sur
      une base permanente. Or, des besoins en ce sens émergent de plus en plus dans les
      communautés, notamment en ce qui concerne les services de garde et celui de la
      création de coopératives multiservices. La coopérative dite de solidarité est
      actuellement la formule de membership mise de l'avant par différents groupes »
      (Groupe de travail, 1996).

C’est dans ce contexte que s’inspirant du modèle de coopératives sociales italiennes, le « groupe
de travail sur l’économie sociale, recommandait d’amender la loi sur les coopératives pour
autoriser la création de coopératives de solidarité» (MDERR 2004b, p.5). Cette formule est
mise de l’avant par différents groupes (dont le CQCM à l’époque appelé CCQ, un autre
important représentant de l’économie sociale).


C’est en juin 1997 que l’Assemblée nationale va adopter le projet de loi 90 modifiant la Loi sur
les coopératives afin de permettre la constitution de coopérative de solidarité. À son institution
originale, la coopérative de solidarité regroupe à la fois trois (3) types de membres.
          -    des membres qui sont des utilisateurs des services offerts par la coopérative
          -    des membres qui sont des travailleurs oeuvrant au sein de celle-ci, et
13


           -   des membres de soutien, soit toute autre personne ou société qui a un intérêt
               économique, social ou culturel dans l’atteinte de l’objet de la coopérative (Loi sur
               les coopératives, article 226.1).


Dans le vécu des coopératives de solidarité, « les membres de soutien sont surtout des personnes
ou des organismes communautaires, ou proviennent d'autres organismes du milieu tels que les
centres locaux de services communautaires (CLSC) » (MDERR 2004b, p.22). On comprendrait
alors aisément l’assertion de Girard qui dira que les «acteurs de développement avaient à
l’esprit, comme son nom l’indique, l’application d’un modèle organisationnel fédérateur à des
situations nécessitant la solidarité de plusieurs groupes d’acteurs réunis autour d’une
problématique commune » (Girard et Langlois, 2006, p. 209). En facilitant la création des
coopératives de solidarité, « l’État aussi avait ses attentes, tels combattre le travail au noir,
inciter plus de personnes âgées à demeurer dans leur résidence, réintégrer des personnes
exclues sur le marché de travail » (Girard et Langlois, 2006, p. 209).


On peut affirmer sans risque de se tromper que les coopératives de solidarité québécoise, sont
nées surtout pour favoriser les partenariats et la prise en charge de certains services par les
collectivités. Ceci s’explique par le fait que près de 80% des coopératives de solidarité opèrent
principalement dans le secteur tertiaire et hors de grands centres urbains (MDERR 2004b, p.9-
12).

Même si le contexte de leur émergence laisse penser à la primauté de la législation sur leur
création, les coopératives de solidarité sont issues d’une décision ascendante (« bottom-up »).
Elles sont en effet nées des initiatives et de la mobilisation d’individus et d’organismes locaux.
Leur création peut être associée aux objectifs de résolution des problèmes qui nécessitent de
compromis et consensus qui font appel à plusieurs parties prenantes. Pour Jean-Pierre Girard et
Geneviève Langlois:

       « Ce modèle [en référence au modèle des coopératives de consommateur] s’est
       cependant révélé moins pertinent pour répondre à de nouveaux besoins non ou mal
       satisfaits par l’État ou le marché, des besoins interpellant divers parties prenantes
       et qui répondent davantage à une rentabilité d’usage qu’à une profitabilité
       économique, par exemple, des besoins liés au développement local ou à des
       services de proximité. Prenant acte de cette demande et à la lumière de certaines
14


       expériences en cours en Europe, particulièrement le modèle des coopératives
       italiennes, à la faveur d’une série d’initiatives découlant d’un Sommet sur
       l’économie et l’emploi [Rencontre regroupant les principaux acteurs
       socioéconomiques et les représentants du gouvernement du Québec à l’automne
       1996.], le législateur québécois a introduit en 1997 dans la loi sur les coopératives
       de dispositions reconnaissant un nouveau type de coopérative, la coopérative de
       solidarité » (Girard et Langlois, 2006, p. 198).

Sous l’impulsion de la problématique des Services à domicile (SAD), notons que la Loi sur les
coopératives a subi d’importants amendements en 2004, qui prendront effet en 2005. Nous nous
sommes intéressées aux raisons et contexte qui ont nécessité les révisions de la Loi sur les
coopératives et plus précisément celles relatives aux coopératives de solidarité. Madame
Jocelyne Chagnon de la Direction des coopératives du Ministère du Développement économique,
de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), nous confia lors d’une entrevue téléphonique que
ce type de coopérative a été crée pour donner un accès aux populations locales à une formule
légale permettant à la solidarité d’émerger avec moins de contraintes légales. Elle nous notifia
également que les changements à la loi ont été faits en collaboration avec le milieu, ce qui
semble aujourd’hui satisfaire toutes les parties. Toutefois, remarquons qu’au Québec, il est
impossible aux municipalités d’être membres des coopératives.


Selon notre interprétation d’un document fourni par Madame Chagnon, expliquant les
principales modifications apportées à la loi sur les coopératives, particulièrement les
coopératives de solidarités, les principaux amendements sont relatifs à :
   -    l’introduction d’ « une nouvelle définition de la coopérative de solidarité pour offrir plus
        de souplesse dans la modulation de son membership » (Entrevue n° 11, 2007). En effet,
        les coopératives de solidarité ont désormais la possibilité d’avoir deux catégories de
        membres plutôt que trois : les membres utilisateurs et les membres de soutien (Girard et
        Langlois, 2006, p. 201);
   -    le retrait des membres travailleurs comme membres obligatoires de la coopérative de
        solidarité. Notons qu’un article de la loi permet « que la coopérative de solidarité qui
        compte des membres travailleurs soit régie par certaines dispositions du chapitre de la
        coopérative de travail » pour lui permettre de soumettre un travailleur à l’essai et donc,
        pouvoir compter parmi ses membres des membres auxiliaires;
15


    -   permettre « la présence de membres de soutien à titre de fondateurs d’une telle
        coopérative dans la mesure où ils constituent une minorité de fondateurs pour
        reconnaître la participation de ces membres au processus de mise en place de la
        coopérative, tout en préservant le contrôle de cette démarche entre les mains des
        membres-usagers » (Entrevue n° 11, 2007);
    -   l’application d’articles pour permettre au secteur de l’habitation d’inclure la coopérative
        de solidarité.


Statistiquement, notons qu’au Québec, il existait deux cent dix-huit (218) coopératives de
solidarités déclarées en décembre 2005 (Michaud, 2006). Elles œuvraient essentiellement dans le
secteur tertiaire (notamment les services personnels et les loisirs) et avaient leurs sièges en
régions. Lors d’un entretien avec Madame Chagnon, celle-ci nous informa qu’en 2006, environ
la moitié des constitutions coopératives (au Québec) l’ont été sous la forme de la coopérative de
solidarité.



        1.2.4 Les parties prenantes dans une coopérative de solidarité

Telle que stipulée dans sa définition, la particularité de la coopérative de solidarité est
essentiellement la multiplicité de ses membres. Il importe par ailleurs de noter que selon la Loi
sur les coopératives « une personne ou une société membre d’une coopérative de solidarité ne
peut faire partie que d’une catégorie de membres ». Toute catégorie confondue, les membres de
la coopérative de solidarité ont un droit de propriété dans la coopérative.



Les membres utilisateurs

Selon la définition donnée par la Loi sur les coopératives, « les membres utilisateurs sont des
personnes physiques ou morales qui utilisent les services offerts par la coopérative ». Ils
reçoivent des biens et des services pour leur usage personnel. Ils désirent obtenir les meilleurs
biens et services au coût le plus bas possible, ce qui fait qu’ils sont perçus beaucoup plus comme
des clients de la coopérative. En général, au sein de la coopérative, les membres utilisateurs sont
« les plus nombreux en nombre absolu » (MDERR, 2004b, p. 29).
16




Les membres travailleurs

Selon la définition donnée par la loi sur les coopératives, « les membres travailleurs sont les
personnes physiques qui oeuvrent au sein de la coopérative ». Le but principal du membre est de
s’offrir du travail aux meilleures conditions possible par l’entremise de la coopérative. On
suppose que l’emploi du membre travailleur dépend de la satisfaction des membres utilisateurs.



Les membres de soutien

Selon la définition donnée par la loi sur les coopératives « les membres de soutien, sont toutes
autres personnes ou sociétés qui ont un intérêt économique, social ou culturel dans l’atteinte de
l’objet de la coopérative ». En général, les membres de soutien n’utilisent pas les services ou les
produits de coopérative et n’y travaillent pas. Leur fonction principale réside dans le soutien
qu’ils apportent à la réalisation et la réussite du projet. On suppose en général que les membres
de soutien, en fonction de leur position dans la collectivité, soient d’une grande utilité dans la
capitalisation de la coopérative de solidarité. Néanmoins force est de constater qu’il en est
autrement, comme le dira Jocelyne Chagnon « il est possible pour un membre qu’il soit peu
intéressant d’investir sans obtenir un rendement de son investissement » (MDERR, 2004b, p.
40).



       1.2.5 Définition des concepts

L’origine du thème de la gouvernance

Le thème de la gouvernance prend racine, selon Philippe Moreau Defarges (2003) à la « rupture
de la modernité » en référence au moment où « le monde se libère de l’emprise du sacré » pour
laisser place à un nouveau questionnement quant au pouvoir : « quel est le meilleur pouvoir
possible? ». Dès lors, deux principaux axes de réflexions se dégagent : « l’un démocratique
(Hobbes, Rousseau) et le libre consentement des hommes […] l’autre technocratique (St-Simon),
17


faisant valoir que le bon pouvoir est celui qui est exercé par ceux qui ont la connaissance […] »
(Moreau Defarges, 2003, p.6).


Outre cette conception plus philosophique, le terme gouvernance est issu du XIIe siècle, en
France, désignant un élément très pointu : la direction des baillages (Moreau Defarges, 2003),
c'est-à-dire, la direction des officiers d’épée qui rendaient la justice au nom d’un roi ou d’un
seigneur. Du côté anglophone, il semble que le mot « governance » provient de la tradition
anglo-saxonne (Dicko Baldé, 2000) pour caractériser le mode d’organisation du pouvoir féodal
(Moreau Defarges, 2003).


Même si l’on évalue l’émergence du terme francophone « gouvernance » aux environs des
années 1100, il semble que celui-ci ne soit pas fréquemment utilisé pendant une longue période.
C’est toutefois au début des années 1990 que l’expression refait surface dans le contexte de la
mondialisation (Ebrahimi, 2003) (1980 selon Dubé, 2002), quand « certains auteurs ont ressenti
le besoin de donner un nom particulier aux actions pouvant être assimilées à celles de gouverner
au sein d’une organisation » (Dubé 2002, p.18). À cet instant, les intérêts des actionnaires
deviennent le centre de toutes les décisions par conséquent, la problématique tourne autour du
partage de la richesse et du contrôle de la direction afin qu’elle ne détourne pas la richesse issue
de l’exploitation de l’entreprise (Moreau Defarges, 2003).


Aujourd’hui encore, la compréhension de la gouvernance ne cesse de se complexifier. Stéphane
Dubé dira que ce concept est encore en émergence (Dubé, 2002, p.19) et Mamadou Dicko Baldé
ajoutera qu’il se prête à plusieurs significations (Dicko Baldé, 2000). En effet, la gouvernance ne
cesse d’élargir son domaine d’application, influencée par l’époque et le contexte économique
dans lesquels elle est appliquée. Par exemple, au début de la mondialisation, l’apparition
graduelle de nouveaux indices financiers permet l’arrivée de la « nouvelle gouvernance
financière » (Ebrahimi 2003, p.65). Soulignons que la définition et l’application de la
gouvernance sont différentes selon le contexte où elle s’applique : « le champ de la gouvernance
n’est ni spécifique, ni précis » (Dicko Baldé, 2000, p. 40). Dans cette optique, le terme
« gouvernance » est plus utilisé de façon générale pour représenter le champ d’étude relié à ce
domaine et être appliqué dans différents contextes organisationnels (Dubé 2002, p.16). Cela
18


explique pourquoi certains auteurs classifient la gouvernance selon différents paliers comme
dans cet exemple où elle est catégorisée selon deux niveaux : la « gouvernance mondiale ou
globale» et la « gouvernance locale » (Dicko Baldé, 2000, p.44). À la lumière de cette
catégorisation, ce premier niveau de gouvernance inclura des concepts comme la « gouvernance
mondiale » (Moreau Defarges, 2006, p. 45) ou la « gouvernance des États » (Moreau Defarges,
2006, p.39) tandis qu’au second niveau, la « gouvernance locale », inclura la gouvernance qui a
trait aux terroirs, aux villes, aux entreprises, aux régions (Dicko Baldé, 2000, p.54) et donc,
comprendra un concept comme la « gouvernance d’entreprise » (Labelle et Rousseau, 2007, p.39
et Bancel, 1997). Ces différents niveaux de gouvernance entraînent inévitablement des variantes
en ce qui a trait à son application sur le terrain. Pas étonnant qu’il n’ y ait pas de consensus sur
ses « définitions ni sur ses lignes de démarcation » (Dubé, 2002, p.108).



La bonne gouvernance

Définir la bonne gouvernance permet de mieux visualiser l’application concrète de la
gouvernance. La bonne gouvernance est définie comme : « celle qui met en place un système
formel réunissant des conditions favorisant l’atteinte de la mission de l’organisation, son
développement et sa pérennité. » (Schwab, 2007, p.2). Schwab ajoutera que « ce système de
gouvernance en place peut être formel ou informel, il peut être bon ou mauvais, mais il y a
toujours gouvernance. » (Schwab, 2007, p.2).


Une autre définition nous éclaire sur la bonne gouvernance : C’est un «système permettant à
l'entreprise de gérer ses affaires non seulement de façon efficace mais également en respectant
certaines recommandations éthiques » (Verne, 2006, p.147). Il est intéressant de constater que
les notions d’efficacité et d’éthique font leur apparition dans cette définition contrairement à la
première, nous rapportant ainsi aux principes moraux et à la conduite.


La gouvernance coopérative

Comme l’affirme Stéphane Dubé dans son mémoire sur la gouvernance dans les organismes sans
buts lucratifs : « les recherches et les études en matière de gouvernance d’entreprise ont surtout
19


été effectuées sur des entreprises à but lucratif cotées en bourses (Dubé, 2002, p.16). La
gouvernance d’entreprise, dans sa définition plus courante :


       « […] repose sur l’idée selon laquelle il est indispensable, afin de maximiser la
       création de la richesse, de mettre en place des systèmes susceptibles de résoudre les
       conflits non prévus dans les contrats initiaux passés entre les différents
       stokeholders (Hart, 1995) [en référence à toutes les parties prenantes de
       l’entreprise]. En outre, un système de gouvernance performant est capable de
       prévenir certains conflits en favorisant, par exemple, l’expression des stakeholders
       [en référence aux actionnaires] (Charreaux, 1997). […] Si l’entreprise est
       « gouvernée » en respectant une certaine équité entre les stokeholders, son
       efficacité ne peut que se trouver renforcée en longue période » (Dicko Baldé, 2000,
       p. 66)

Une autre définition, issue d’une traduction libre de Cadbury Commitee Report 2 , présentée par
Schwab (2007) nous aidera à améliorer notre compréhension de gouvernance. « La gouvernance
corporative c'est le système qui départage à la fois l’exercice et le contrôle du pouvoir au sein
d'une organisation. » (Schwab, 2007, p. 2).


De toute évidence, la première définition ne peut être appliquée intégralement dans le cadre
d’une coopérative puisque sa finalité n’est pas la maximisation de la richesse mais l’optimisation
du lien d’usage. En d’autres mots, la maximisation de « l’avantage coopératif selon une logique
dominante d’appartenance » (Gagnon et Girard, 2001, p. 21). Néanmoins, cette première
définition aide à avoir une idée générale sur la gouvernance. Lors de la présentation de la
première phase d’une recherche à propos de la bonne gouvernance dans le secteur de l’économie
sociale, Molina et Kindo Dan-Malam définiront la gouvernance comme « un système permettant
d’établir des limites entre l’exercice du pouvoir et le contrôle du pouvoir à l’intérieur de
l’organisation » (Kindo Dan-Malam et Molina, 2006, p. 5). Nous suspecterons même que la
double polarité de ce type d'organisation collective fasse de la gouvernance une question
beaucoup plus complexe. Le cas des coopératives de solidarité qui constitue l’objet de notre
étude est un exemple éloquent qui favorise la participation à la gouvernance de deux ou trois
parties prenantes.

2
  Cadbury Committee Report:
DAHYA, Jay, John J. MCCONNEL et Nickolaos G. TRAVLOS (2000). « Cadbury Committee, Corporate Performance and Top
Management Turnover », [En ligne], janvier 2000, http://www.mgmt.purdue.edu/centers/ciber/publications/pdf/99-004.pdf (Page
consultée en août 2007).
20



La présence de plusieurs parties prenantes nous recommande de bien préciser la notion de
« gouvernance » et de « gestion » afin de mieux définir les prérogatives de chacune d’elles. À
l’effet du possible mélange des termes, la Fédération de l’habitation coopérative du Canada
(FHCC) met en garde de bien distinguer la gouvernance de la gestion. Pour y arriver, elle situe la
ligne de partage par la distinction entre le rôle du conseil d’administration et le rôle des
gestionnaires. (FHCC, 2004). Selon Dubé (2002), Carver, dans son ouvrage « Boards that Make
a Difference : A New Desingn for Leadership in Nonprofit and Public Organizations », prend
aussi soin de distinguer la gouvernance de la gestion. Selon son point de vue :
     « […] la gouvernance doit répondre à l’exercice de la gouverne dans
     l’organisation et donc, être réservée au conseil d’administration. En contrepartie,
     la gestion doit être réservée à la direction et correspondre à la réalisation de la
     mission par des programmes organisationnels » (Dubé, 2002, p. 27).

En analysant ces deux approches, un point important se démarque : tous deux sous-entendent
qu’il est du devoir du conseil d’administration d’assurer la bonne gouvernance. La FHCC (2004)
l’affirme d’ailleurs sans détour en écrivant que « Le travail du conseil consiste à assurer la
bonne gouvernance » (FHCC, 2004, p.8). Bien que cette affirmation aide à comprendre qui est le
« principal acteur » de la gouvernance, nous croyons toutefois important de rappeler la
dynamique particulière trouvée dans une organisation comme la coopérative puisqu’il n’est pas
aussi automatique de différencier hermétiquement les membres du conseil d’administration des
membres propriétaires. Aussi, insistons sur le fait que, même si les membres du conseil
d’administration peuvent être les « principaux » acteurs de la bonne gouvernance, d’autres
acteurs sont aussi responsables de la bonne gouvernance. La bonne gouvernance dans la
coopérative ne peut être abordée sans tenir compte des liens qui unissent ses différentes parties
prenantes, liens que nous expliquerons à l’aide du quadrilatère d’Henri Desroche (1976), lors de
l’étude des acteurs de la gouvernance (membres, administrateurs, direction générale, employés).



1.3 Nos dimensions d’analyse de la gouvernance

La coopérative de solidarité fait d’une part, l’objet d’une bipolarité – association / entreprise - et
d’autre part, elle met en présence plusieurs parties prenantes. Sa gouvernance est fondée sur les
prérogatives des différentes parties prenantes. Cette gouvernance met alors en exergue aussi bien
21


la participation de chacun des membres que l’établissement d’une structure équilibrée dans
l’exercice et le contrôle du pouvoir à l’intérieur de l’organisation. Pour ce faire, notre étude se
focalisera sur les principaux éléments de la gouvernance que nous avons retenus :


   1- Pouvoirs et respect des champs des compétences
   2- Transparence et communication
   3- Leadership
   4- Gestion démocratique
   5- Éducation- formation


1.4 La gouvernance dans une coopérative de solidarité

En nous référant au célèbre quadrilatère de Henri Desroche (1976), rappelons que la gestion
démocratique des coopératives repose généralement sur une structure selon laquelle,
l’Assemblée Générale des membres élit les administrateurs pour les représenter, les
administrateurs engagent la direction générale à qui ils délèguent les responsabilités de gestion.
Les gestionnaires embauchent les employés, qui à leur tour servent les membres. Ces règles
démocratiques s’appliquent dans le respect de la démocratie, d'égalité, d'équité et de solidarité
pour concilier au mieux les intérêts de toutes les parties prenantes.

La dynamique dans la gestion et l’administration d’une coopérative de solidarité suppose à la
fois un regroupement des intérêts autour de besoins et/ou d’aspirations communs, mais aussi,
l’équilibre dans une relation d’usage avec des intérêts différents selon la catégorie
d’appartenance du membre (membre travailleur, membre travailleur gestionnaire, membre
administrateur, membre utilisateur, membre de soutien...). Ce double intérêt, à savoir « intérêts
collectifs » et « intérêts individuels » dénote l’importance de clarifier d’une part les pouvoirs et
droits et d’autre part les rôles et responsabilités de différentes parties prenantes dans un souci de
compromis visant le dépassement des corporatismes pour faire primer l’intérêt collectif. La
clarification des pouvoirs, rôles et responsabilités constitue en quelque sorte la base de la
gouvernance au sein de la coopérative.
22


De nombreux écrits tels que nous les citons dans ce travail, précisent des notions de
gouvernance, en plus de la loi sur les coopératives, qui décrit les pouvoirs, rôles et
responsabilités des différentes parties prenantes d’une coopérative de solidarité. Cette description
est souvent faite sous forme d’une liste d’actions à entreprendre ou d’actes à respecter. Aussi,
pour mieux appréhender la pratique de la gouvernance dans la coopérative de solidarité en
fonction des dimensions que nous avons dégagées plus haut, nous nous proposons d’utiliser une
approche systémique. En effet, nous pensons qu’il serait plus pertinent de faire ressortir les
relations des différentes prérogatives attribuées par la loi aux différentes parties prenantes de la
coopérative de solidarité.


La logique de notre étude de la gouvernance sera basée sur des interprétations des relations entre
les différentes dimensions de la gouvernance que nous avons définies. Les termes centraux sont :
le pouvoir, le contrôle, les rôles et responsabilités des parties prenantes, la communication, la
gestion démocratique, le leadership ainsi que l’éducation et la formation.



       1.4.1 Pouvoirs et respect des champs des compétences

Avant de décrire les pouvoirs et les champs de compétences, rappelons quelques définitions.

Qu’est-ce que le pouvoir?

Le pouvoir peut être défini comme « la capacité dévolue à une autorité ou à une personne
d'utiliser les moyens propres à exercer la compétence qui lui est attribuée soit par la Loi, soit
par un mandat dit aussi "procuration" » (Braudo et Baumann, 1996-2007).


Pour Marie-Claire Malo, le pouvoir dans une société de capitaux ou une organisation du tiers
secteur (associations, coopératives et mutuelles) ne se réduit pas seulement à représenter les
intérêts des actionnaires (shareholders), des membres ou des parties prenantes (stakeholders).
Celui-ci est « délégué, au moins partiellement, à un ou plusieurs responsables ou gestionnaires »
(Malo, 2003a, p.1). Se référant à la gouvernance, elle ajoute que :
      « […] qu’elle soit contrôle ou coordination, la gouvernance a trait au pouvoir sur
     l’organisation (ce qui implique jusqu’à la régulation par le marché ou par l’État),
     au pouvoir de l’organisation (ce qui implique jusqu’à l’autorégulation par la
23


     hiérarchie ou l’association) et au pouvoir dans l’organisation (ce qui implique
     jusqu’à l’implication et la coopération des acteurs de la chaîne d’activités). »
     (Malo, 2003a, p. 1).

La détention du pouvoir par de nombreux acteurs implique une multitude de « rapport sociaux »
et de « dimensions institutionnelle et organisationnelle », dimensions qu’elle appelle pour
simplifier : stratégie et structure. Aussi pouvons-nous affirmer sans risque de nous tromper qu’un
mécanisme de coordination impliquant un mode de gestion particulier est donc essentiel pour
arriver à orienter stratégiquement et structuralement tous ces acteurs en détention de pouvoir,
comme le témoigne une des définitions de la gouvernance à savoir un « système qui départage à
la fois l’exercice et le contrôle du pouvoir au sein d'une organisation. » (Schwab, 2007, p.2).


Et le Bureau International du Travail de définir:
     « déléguer, c’est confier à un organe subordonné certains attributs, essentiels
     certes, du pouvoir, mais non pas ce pouvoir lui-même; c’est lui assigner une
     mission en lui laissant le choix des moyens, mais en conservant la responsabilité
     finale, tandis que les personnes investies d’une fonction doivent assumer leur
     responsabilité individuelle, et les membres des organes recevant délégation une
     responsabilité solidaire vis-à-vis de la source du pouvoir. Ce n’est pas de s’en
     remettre à d’autres, fusent-ils judicieusement choisis, du soin de penser et d’agir
     pour tous et de leur abandonner toute responsabilité. » (Bureau international du
     Travail, 1976, p.17).

Le Bureau International du Travail ajoute que la délégation implique l’obligation : « de faire
confiance, de définir clairement les objectifs, de laisser le choix des moyens dans des limites
précises, d’accorder le temps convenable pour atteindre les objectifs, de contrôler l’exécution,
de se faire rendre compte des résultats, de sanctionner éventuellement. » (Bureau international
du Travail, 1976, p.17-18).


Détenir un pouvoir, implique de facto une responsabilité vis-à-vis du mandant. On peut définir
la responsabilité comme étant l’« obligation faite au titulaire d'une fonction de s'acquitter
d'une tâche ou d'une catégorie de tâches, et de répondre de son exécution, à son supérieur ou à
l'autorité compétente, suivant des critères établis et auxquels il a consenti » (Le grand
dictionnaire terminologique, 2007).
24


Pouvoir et champs de compétences de l’assemblée générale des membres

Le pouvoir des membres trouve toute son essence dans le deuxième principe coopératif à savoir
le « pouvoir démocratique exercé par les membres » dont une partie de l’énoncé est « les
coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent
activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions […] » (ACI) (Orion, sans
date)

De ce fait, l’assemblée des membres, qu’elle soit annuelle ou extraordinaire constitue l’instance
suprême et la plus représentative dans une coopérative. Toutefois, le pouvoir des membres est
collégial. Pris individuellement, aucun membre n’a de pouvoir sur la coopérative. C’est
l’assemblée des membres qui a des « pouvoirs qui ne s'exercent qu'en groupe donc en réunion
d’instances démocratiques » (Bridault, sans date c).

L’assemblée générale est alors un espace de débat, de consultation, de concertation, de prise de
décision et de contrôle où chaque membre quelque soit sa catégorie participe à la vie de sa
coopérative selon le principe de « un membre – un vote ». C’est le lieu privilégié d'exercice de la
démocratie.


La loi confère à l’assemblée des membres des pouvoirs exclusifs qui sont en lien avec l’existence
même de la coopérative. C’est, en effet, le lieu où sont déterminés le règlement de régie interne
et sont définies les grandes orientations de la coopérative. C’est là que se décide la dissolution de
la coopérative ou sa fusion avec une autre, mais aussi de son adhésion à toute autre organisation
intercoopérative. Elle se dote d’un organe représentatif, en l’occurrence le conseil
d’administration, à qui elle donne mandat d’administrer la coopérative afin de répondre aux
besoins des membres.


En mandatant des administrateurs, la responsabilité des membres se trouve être limitée au
paiement de leur part sociale, à l’utilisation des services fournis par la coopérative, la
participation aux réunions et à d'autres activités de la coopérative. Toutefois, il importe de noter
que les membres ont pour obligation de s’assurer que la coopérative prend la direction souhaitée.
En cas d’écart, ils ont le devoir de communiquer des plaintes et / ou des suggestions au conseil
25


d'administration et à la direction générale. S’ils atteignent un certain pourcentage, les membres
peuvent convoquer une assemblée extraordinaire selon les spécifications de la Loi et des
règlements de la coopérative afin de débattre d’un sujet bien précis (art. 89, Loi sur les
coopératives).


Le pouvoir des membres étant collégial, tout manquement d’un membre face à ses
responsabilités, peut entraîner sa suspension par le conseil d’administration. En effet comme le
stipule l’article 60.1 de la Loi sur les coopératives, le conseil d’administration peut « […] si le
règlement l'y autorise, suspendre le droit de vote d'un membre à une assemblée si, pendant les
deux exercices financiers précédant cette assemblée:
1. il n'a pas fait affaire avec la coopérative;
2. il n’a pas fait affaire avec la coopérative pour la somme déterminée par règlement;
3. dans le cas d'une coopérative de travail, d'une coopérative de travailleurs actionnaire ou
    d'une coopérative de solidarité qui regroupe des membres travailleurs, il n'a pas effectué le
    nombre de jours de travail déterminé par règlement » (art. 60, Loi sur les coopératives).


En approfondissant la logique de cet article de la Loi sur les coopératives, il importe de
remarquer que sur une échelle de plusieurs années (sur 25-30 ans), la loi sur les coopératives
évolue et transfert le plus de pouvoirs de l’assemblée générale vers le conseil d’administration.
En effet, on peut noter qu’en fonction de l’animation d’une assemblée générale par les membres
du conseil d’administration, celle-ci peut être très dynamique avec une forte participation ou à
l’inverse, pratiquement inanimée.


En recevant son mandat de l’assemblée générale, le conseil d’administration doit faire face à un
certain nombre de responsabilités et devoirs, mais aussi acquérir des pouvoirs qui authentifient
toute sa légitimité.



Pouvoirs et champs des compétences du conseil d’administration

Dans son article 91 la Loi sur les coopératives stipule que les « les administrateurs, dirigeants et
autres représentants de la coopérative sont considérés comme des mandataires de la
26


coopérative ». Cet article de loi supporte le deuxième principe coopératif dont une partie de
l’énoncé est « les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres
qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes
et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux […] ». (art.
91, Loi sur les coopératives).


Ainsi, en plus du deuxième principe coopératif, les pouvoirs du conseil d’administration sont
déterminés par deux autres sources à savoir la Loi sur les coopératives qui stipule en son article
89, que « le conseil d’administration a tous les pouvoirs pour administrer les affaires de la
coopérative » et l’assemblée générale « qui peut, par règlement, déterminer parmi ces pouvoirs
ceux que le conseil d’administration ne peut exercer qu’avec son autorisation » (art. 89, Loi sur
les coopératives).


Ayant reçu leur mandat suite à une élection, les administrateurs relèvent de l’assemblée générale
et seuls les membres, réunis en assemblée générale ont le droit de les révoquer (art. 76 et 99, Loi
sur les coopératives). Ils doivent donc agir en toute occasion avec prudence, diligence, honnêteté,
loyauté tout en évitant les conflits d’intérêts (Côté et Saint-Martin, 1999). Cependant, bien qu'il
soit mandaté par l’assemblée générale souveraine et qu’il soit tenu de lui rendre compte, la Loi
sur les coopératives du Québec attribue plus de pouvoirs sur l'entreprise au conseil
d'administration qu'à l'assemblée générale. Elle lui impose aussi des restrictions comme il est
stipulé dans l’article 89, « le conseil d’administration ne peut emprunter, hypothéquer ou donner
en garantie les biens de la coopérative sans y être autorisé par un règlement. » (art. 89, Loi sur
les coopératives)

Le conseil d'administration est élu, d’une part, pour « administrer » la partie entreprise de la
coopérative, en s’assurant qu’elle soit bien gérée dans les intérêts de ses propriétaires mandants
que sont les membres. D’autre part, il a pour mandat de bien « gérer » l'association des membres
afin que fonctionnent les principes démocratiques. Pour Alain Bridault, « le conseil
d'administration est ainsi le lien entre les deux structures de la coopérative, la structure de
l'association des membres et la structure de l'entreprise. Élus en assemblée générale, les
27


administrateurs doivent, ensemble, veiller au bon fonctionnement de ces deux structures »
(Bidault, sans date d).

Aussi, à moins que les règlements de la coopérative indiquent le contraire, le conseil
d’administration a l’obligation : « d’engager un directeur général ou un gérant; d’assurer la
coopérative contre les risques; de désigner les personnes autorisées à signer tout contrat ou
document; de rendre compte de son mandat; de présenter le rapport annuel; de faire des
recommandations sur l’affectation des excédents; d’encourager l’éducation coopérative et
l’intercoopération. » (Côté et Saint-Martin, 1999, p.53). Il décide et contrôle une grande partie
d’activités relatives à la coopérative comme par exemple, transformer les grandes orientations et
objectifs stratégiques adoptés par l’assemblée générale en objectif de gestion, décider des
politiques de gestion des ressources humaines, des politiques de services aux membres, etc.


Bien que chaque membre de la coopérative, quel que soit son groupe d’appartenance (travailleur,
utilisateur ou membre de soutien), doit se préoccuper des activités relatives à la « double
structure coopérative », c’est le conseil d’administration qui organise et gère la vie démocratique
telles que la nomination des officiers, la convocation et l’organisation l’assemblée générale
annuelle, la définition de mode de fonctionnement des instances, etc.


Dans ses relations avec son environnement, le conseil d’administration représente la coopérative.
Il définit les mandats et désigne les représentants de la coopérative auprès « d’organismes de
développement de la communauté régionale (chambre de commerce, conseil régional de
développement,     conseil   régional   d’économie    sociale, etc.) […] d’une         organisation
d’intercoopérative sectorielle (fédération ou regroupement) » ou auprès « d’une organisation
intercoopérative intersectorielle (coopérative de développement régionale, conseil national ou
provincial de la coopération) » (Bridault, sans date a, p.38).


Pour bien mener son mandat, le conseil d’administration délègue lui aussi un certain nombre de
ses pouvoirs et responsabilités relatifs à la gestion de la partie entreprise à un gestionnaire qu’il
embauche. Il donne, donc mandat à son tour à une direction générale tout en conservant la
responsabilité finale. Ainsi, même si la direction générale a été judicieusement choisie, le conseil
28


d’administration se doit d’effectuer des suivis et des contrôles, comme par exemple, « Faire le
suivi de la volonté de l’Assemblée générale [;] Évaluer le niveau de satisfaction des membres [;]
Adopter et contrôler le budget annuel de la coopérative [;] Adopter et contrôler l’application des
politiques administratives [;] Faire le suivi des opérations de la coopérative » (Bridault, sans
date a, p.37).



Pouvoirs et champs des compétences de la direction générale

La vie d’une coopérative implique la réalisation d'activités de gestion propres à toute entreprise
pour lesquelles certaines habiletés sont nécessaires. Idéalement, les tâches de gestion sont
attribuées à un directeur général ou un coordonnateur si le poste est prévu par le règlement de
régie interne. Classiquement, le chef de la direction générale ou le coordonnateur d’une
coopérative a les mêmes types de responsabilités et de pouvoirs que dans une société capitaliste
traditionnelle, c'est-à-dire planifier, organiser, diriger et contrôler les activités de l'entreprise.
La direction générale d’une coopérative de solidarité a pour obligation de la faire prospérer et de
la développer. Elle se trouve ainsi confrontée aux mêmes enjeux et défis de gestion que celui de
la direction générale d’une entreprise privée traditionnelle. La direction générale reçoit son
mandat du conseil d’administration qui lui délègue un certain nombre de ses pouvoirs et
responsabilités tel que stipulé par la Loi sur les coopératives dans son article 117 « […], le
règlement peut autoriser le conseil d’administration à déterminer les pouvoirs et les devoirs des
dirigeants qui ne sont pas administrateurs ». Ces pouvoirs sont souvent étendus. Ils sont définis
dans les règlements et encadrés par les objectifs stratégiques et les politiques définis par le
conseil d'administration en réunion. De ce fait, la direction générale se trouve alors être un
mandataire de la coopérative comme le stipule l’article 91 de la Loi sur les coopératives, sans
toutefois être administrateur (deuxième paragraphe de l’article 117 de la Loi sur les
coopératives).

Il importe de notifier que la coopérative est une entreprise ayant des besoins propres à cause de
sa forme juridique qui allie entreprise et association. Aussi, comme le souligne Marie Claire
Malo, « la direction générale doit jouer un rôle de médiateur à l’interface des structures
d’association et d’entreprise en duo avec le Conseil d’administration » (Malo, 2003b, p. 84). La
29


coopérative de solidarité ne vise pas primordialement des gains monétaires pour les différentes
catégories de membres. Elle focalise beaucoup plus sur la satisfaction des besoins de membres
usagers, la qualité de vie au travail, la santé et sécurité, la pérennité de l'emploi pour les membres
travailleurs, le développement de la collectivité pour les membres de soutien, etc. Aussi les
décisions de gestion ont une incidence directe sur la maximisation de la relation d’usage et la
satisfaction des membres.

En général, « la direction générale a le pouvoir d'engager et de congédier les employés de
l'entreprise et tout autre pouvoir qui lui serait dévolu par les dispositions des règlements de la
coopérative ou selon les directives et politiques émises par le conseil d'administration »
(Bridault, 1998, p.46).

Conformément au mandat à lui confier, la direction générale, en plus de diriger les affaires
courantes de la coopérative, joue un rôle stratégique en fournissant au conseil d’administration
des informations importantes pour qu’il puisse accomplir correctement son rôle de mandataire. À
ce titre et à la lumière d'attentes convenues, les responsabilités de la direction générale peuvent
être résumées ainsi qu’il suit :

    -   La direction générale est responsable de transformer les grandes politiques et les grands
        axes de planification arrêtés par le conseil d’administration en décisions de gestion
        courante pour la bonne marche de la coopérative. Elle est tout aussi responsable vis-à-vis
        des membres du conseil d’administration afin qu’ils n’interviennent pas dans la gestion
        des affaires courantes.


    -   La direction générale est responsable, vis-à-vis des employés et des bénévoles (s’il y en),
        de mettre en place des politiques et des procédures efficaces en matière de recrutement,
        de formation, d’information et d’organisation structurelle et opérationnelle dans le but de
        renforcer leurs capacités à accomplir leurs tâches et à contribuer à la santé générale de la
        coopérative.


    -   La direction générale a la responsabilité de veiller à ce que les risques auxquels la
        coopérative est exposée soient bien identifiés, que des politiques soient mises en place
30


       pour amoindrir ces risques. Elle est tenue à ce que les administrateurs, les employés et les
       bénévoles soient informés de ces risques potentiels ainsi que des mesures prises pour les
       minimiser.

   -   La direction générale a par ailleurs la responsabilité d’entretenir de bonnes relations de
       travail et sociales avec d’autres intervenants de la collectivité et de veiller à la bonne
       réputation de la coopérative dans son milieu (Hough, 2005).


Pouvoirs et champs des compétences des employés

Ni la Loi sur les coopératives, ni les principes coopératifs ne font mention des rôles et des
responsabilités dévolus aux employés dans une coopérative. Mais il est aisé de penser que la
gestion des employés dans une coopérative doit aller plus loin que celle d’une entreprise privée
du fait de l’incidence du respect des valeurs coopératives. Dans une coopérative de solidarité, les
employés peuvent être des membres. Ils ont alors les mêmes prérogatives que les membres non
travailleurs. Ils sont propriétaires et ont les pouvoirs et compétences que leur confère la loi sur
les coopératives en assemblée des membres. D’autre part qu’ils soient membres ou non, les
employés de la coopérative de solidarité se réfèrent à la direction générale pour faire fonctionner
la coopérative. Les employés membres et non membres travaillent dans un climat
organisationnel qui respecte les principes et valeurs coopératifs. Les employés doivent être bien
informés des activités de la coopérative et être en mesure de les expliquer à la fois aux membres
et aux non - membres. C’est pourquoi ils doivent être considérés d’ailleurs comme des
partenaires. Alain Bridault dit qu’ils sont « […] la principale interface entre le membre et la
coopérative :

          -     ils informent les membres sur les services offerts, voire même sur les
                fonctionnements et les particularités de la formule coopérative;
          -     ils enregistrent leurs plaintes, leurs doléances ou leurs satisfactions à l’égard de
                ces services;
          -     ils en informent leur supérieur hiérarchique » (Bridault, sans date d).
31


Au sein de la coopérative de solidarité, plusieurs acteurs œuvrent pour l’atteinte de sa mission,
son développement et sa pérennité. Mettre en place un système formel qui réunit des conditions
favorables à la réussite de la mission de la coopérative de solidarité suppose d’une part la
clarification des pouvoirs et champs de compétences des différents acteurs en place. D’autre part,
le système formel nécessite l’existence des mécanismes solides et fiables qui permettent la
compréhension et l’exécution de ces pouvoirs. La question du partage des pouvoirs doit être
posée sans arrêt afin d’entraîner des complémentarités entre les différentes parties ce qui évitera
ainsi les dédoublements de tâches et de fonctions (Ouedraogo et al., 1997).


Les dimensions de la gouvernance que nous avons dégagées à savoir la définition des pouvoirs et
le respect des champs de compétences, la transparence et la communication, la gestion
participative, le leadership, l’éducation et la formation doivent être pris dans un contexte global
et de façon systémique pour ne pas porter préjudice à la pratique de la bonne gouvernance. C’est
pourquoi, ayant définis les pouvoirs et les champs de compétences que nous estimons être la clé
de voûte de la gouvernance, nous nous proposons d’étudier les autres composantes qui doivent se
comporter comme les maillons d’une chaîne. Elles ne doivent pas être analysées isolément, car
l’efficacité de l’une entraînera la réussite de l’autre.



       1.4.2 Transparence et communication

L’exercice des pouvoirs et l’accomplissement des responsabilités dévolus aux acteurs de la
gouvernance nécessitent l’existence d’un système de communication efficace et fiable et de la
transparence dans l’information.

La transparence est définie comme la « qualité d'une organisation qui informe sur son
fonctionnement, ses pratiques, ses intentions, ses objectifs et ses résultats. » (Le grand
dictionnaire terminologique, 2007), mais aussi « […] ses possibilités, ses limites, les difficultés
éprouvées, etc. » (Sauvé, 2001-2002). La transparence est liée à l’intégrité et touche tous les
acteurs impliqués dans une organisation. On ne peut parler de transparence sans communication
qui lui est intimement liée. La communication permet la réalisation de la transparence, car elle «
est un facteur premier d’efficacité, un outil de discussion, de validation et d’enrichissement
32


constant des décisions et des actions ; elle contribue à créer peu à peu un climat de confiance
entre les partenaires ; elle permet de construire progressivement une « culture » commune au
sein du projet, une vision et une signification commune. » (Sauvé, 2001-2002).


Dans la coopérative de solidarité, les mandataires doivent être informés pour rendre compte,
donc informer à leur tour. Aussi, un bon système de communication est vital dans une
coopérative où les mandats sont donnés à plusieurs niveaux.


La communication doit se faire de façon verticale descendante lorsque le conseil
d’administration reçoit son mandat des membres, la direction générale reçoit son mandat du
conseil d’administration et enfin lorsque les employés reçoivent les directives. Cette
communication doit être suffisamment transparente afin de permettre aux différents mandataires
de mieux assimiler les rôles et responsabilités qui leur incombent.


Elle doit se faire, aussi de façon ascendante. Les mandataires doivent rendre compte des mandats
qu’ils ont reçus. Pour ce faire, ils doivent produire des informations fiables, rigoureuses, à jour et
de façon régulière. Ces informations doivent être bien ciblées et contextualisées. Une
communication transparente de l’information permet donc, aux membres d’avoir un accès à
l’information pour prendre des décisions éclairées mais aussi, à long terme, de s’approprier
certains enjeux de gestion auxquels font face les administrateurs et la direction générale. Du fait
de leur proximité de la coopérative, les membres travailleurs, peuvent avoir accès plus
facilement aux informations que les autres catégories. Pourtant, aucun membre ne doit être
mieux informé qu'un autre car ils sont tous copropriétaires. Il importe alors de mettre en place
un système de communication interne efficace et efficient qui permet à tous les membres d'être
bien informés, d'être bien écoutés et, autant que possible d'être bien impliqués dans les prises de
décisions importantes. Ce système favorisera le renforcement des liens de confiance entre le
conseil d’administration et les autres types de membres de la coopérative, car la communication
permet « […] entre autres, de comprendre la logique qui commande les gestes administratifs. »
(Le grand dictionnaire terminologique, 2007) 3 .



3
    Tiré de la définition de la transparence.
33


Concernant la gestion de l’entreprise, la direction générale et le conseil d’administration
travaillent en équipe pour le renforcement et le développement de la coopérative. Aussi, le
conseil d’administration doit être tenu au courant de l’évolution et de la santé de la coopérative
en respectant les zones d’expertise de chacun. Il doit alors disposer d’informations significatives
et de qualité qui concernent les grands axes stratégiques. Pour ce faire, la direction générale et le
conseil d’administration déterminent ensemble des voies et moyens de communication formels
comme les rapports, les procès-verbaux, les réunions du conseil d’administration ou des comités
de gestion s’il en existe. Ils peuvent également convenir de moyens informels de communiquer
toujours dans l’intérêt de la coopérative et de ses propriétaires.


Concernant les employés, la communication transparente est au centre de tout le processus de
gestion. Alain Bridault dit que les employés sont l’interface entre la coopérative et les membres.
De facto, ils constituent une source importante de cueillette, mais aussi de transmission de
l’information. De ce fait, la direction générale doit mettre en place en collaboration avec les
employés des mécanismes permettant à ces derniers d’échanger entre eux (communication
horizontale), mais aussi pour recueillir leurs opinions et suggestions (communication
ascendante). La direction générale se doit aussi de mettre en place des outils formels de
transmission d’informations envers les employés pour assurer leur efficacité dans l’exercice de
leur fonction, comme les fiches de descriptions des taches, les évaluations des performances, les
discussions – bilan, les réunions des employés, les journaux internes, les affichages, etc.

La communication et la transparence ne se limitent pas uniquement au sein de la coopérative. La
bonne gouvernance implique pour la coopérative le devoir d’informations vis-à-vis de son
environnement, devoir, reconnu par le cinquième principe coopératif qui dit que les coopératives
« […] informent le grand public, en particulier les jeunes et les dirigeants d'opinion, sur la
nature et les avantages de la coopération. » (Orion, sans date).


Partager l’information permet de conserver une structure des pouvoirs partagés et non une
concentration des pouvoirs au niveau du conseil d’administration et/ou de la direction générale.
La transparence des décisions du conseil d’administration est essentielle à une délégation
dynamique et imputable des devoirs et responsabilités. Ainsi, la transparence de l’information
34


permet aux membres de s’engager dans la vie démocratique et de prendre leurs responsabilités de
propriétaires, d’où la gestion démocratique qui est définie comme une « méthode de gestion
faisant appel à la participation de la base. » (Le grand dictionnaire terminologique, 2007). Le
bon fonctionnement coopératif dépend de la vigueur démocratique de ses instances de décisions.
Cette démocratie ne peut se vivre sans la présence de valeurs et de pratiques liées à la
transparence et à la communication.



       1.4.3 Gestion démocratique et/ou participative

La gestion démocratique de la coopérative s’incarne à l’intérieur de deux principes. « Un
membre, un vote » constitue le premier fondement. Le maintien du pouvoir démocratique des
membres est l’autre principe. C’est l’idée que tous les membres possèdent les mêmes droits et
une égale liberté de parole.


Pour Gérard Perron, la participation « se manifeste par un ensemble de moyens et de méthodes
permettant à l’employé d’être informé sur l’évolution de l’entreprise, d’être consulté et mobilisé
lors de la prise de décision » (Perron, 2002, p .35). La participation va plus loin que la simple
implication des employés seulement. Nicole Giroux et Véronique Fenocchi définissent la
participation comme « un échange multidimensionnel qui relie entre eux les membres de cette
collectivité » (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p.61); cette collectivité étant une organisation
d’individus en interaction. Pour ces mêmes auteures, « […] la participation est un phénomène
complexe et les personnes concernées peuvent avoir des visions et des motivations fort
différentes dont il faut tenir compte dans l’élaboration de mécanismes de participation. »
(Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p.60). Cette assertion trouve toute son importance dans une
coopérative de solidarité où la relation d’usage des membres est multiple, les besoins à satisfaire
sont différents et parfois même divergents (membre utilisateur qui veut un service à moindre
coût versus membre travailleur qui souhaite de meilleures conditions de travail). Les acteurs de
la gouvernance de la coopérative de solidarité sont multiples et prennent part à la propriété, au
pouvoir et au capital. Nicole Giroux et Véronique Fenocchi ont dégagé trois (3) dimensions
quant à la participation, à savoir une dimension économique, une dimension politique et une
dimension sociale. Nous retiendrons deux dimensions qui nous semblent pertinentes dans une
35


coopérative de solidarité : la dimension sociale qui a trait à la participation à la vie de
l’association et la dimension politique relative à la participation à la prise des décisions. De façon
générale, l’on s’intéresse beaucoup plus à la participation des membres dans une coopérative.
Pour une étude fiable de la participation, il est fort intéressant de s’attarder sur tous les acteurs de
la gouvernance.


Pour les membres, la participation est importante en ce sens qu’elle leurs permet d’une part
d’atteindre leur but et d’autre part de favoriser le développement de leur coopérative. L’égalité
étant consacrée par la loi, elle doit être réaffirmée lors des assemblées générales afin que tous les
membres prennent conscience de leur capacité d’influence. C’est l’occasion pour eux de
développer leur sens de responsabilité et de s’impliquer davantage dans la vie de leur
coopérative, donc s’investir réellement dans leur entreprise collective. Pour ce faire, chaque
membre doit « […] être convaincu de la réciprocité de la participation des autres membres,
avoir confiance en sa propre valeur et dans la volonté des autres membres […], ce qui suppose
une grande maturité individuelle et collective. » (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p.68). Pour
Alain Bridault, la participation n’est pas « […] seulement d'élire les membres du conseil
d'administration. Il s'agit également de participer soi-même à la prise de décisions en assemblée
générale Il s'agit souvent de s'exprimer publiquement, devant les autres, pour affirmer son
opinion, pour défendre ses intérêts et ceux des autres membres. Il s'agit aussi d'accepter de se
faire élire à son tour au conseil d'administration et de prendre la responsabilité de décider de
l'avenir de la coopérative en réunion de conseil. » (Bridault, sans date f).


En recevant leur mandat, le conseil d’administration et la direction générale participent de plein
droit à l’administration, à la gestion de la vie associative et de l’entreprise coopérative. Il faut
cependant l’ « existence d’un contrepoids réel et fonctionnel permettant de maintenir l’équilibre
entre l’autonomie nécessaire de la direction et l’imputabilité incontestable des administrateurs
et entre l’association et l’entreprise » (Schwab, 2007, p. 16 ). Le conseil d’administration et la
direction générale sont les initiateurs de systèmes de participation dans la coopérative. Il serait
hasardeux pour eux de penser que comme ils évoluent dans une coopérative, la participation est
une évidence. La participation constitue un véritable défi et elle est tout un processus. Il incombe
aux mandataires de s’assurer que tous les acteurs de la coopérative maîtrisent les règles et les
36


mécanismes de la participation et de mettre en place un système formel qui permet la
participation.


Comme nous l’avons déjà souligné, il y a deux catégories d’employés dans une coopérative de
solidarité. Qu’ils soient membres ou non, la participation en tant qu’employés ne diffère pas. La
participation des employés se situe surtout au niveau de la structure entrepreunariale de la
coopérative. Les employés interviennent à des degrés, peut-être différents, au niveau stratégique,
organisationnel et opérationnel. Stratégiquement, la direction générale est consciente de « […]
l’information que possèdent ses employés et les consulte avant de mettre au point ses stratégies
avec le conseil d’administration. » (Perron, 2002, p. 61). Au niveau organisationnel, les
décisions et objectifs sont pris après consultation et information des employés. Gérard Perron
dira que c’est au niveau opérationnel que commence la gestion participative. C’est le niveau que
contrôlent les employés et que « c’est à ce niveau que l’information, la consultation et la
mobilisation prennent tout leur sens ». (Perron, 2002, p. 62). Finalement, la participation des
employés « […] permet le partage des responsabilités, et permet […] « non seulement
d’améliorer la qualité des décisions, mais en facilite l’exécution ». (Giroux et Fenocchi, 1994-
1995, p. 68).


La participation requiert pour les mandataires des compétences spécifiques et surtout un style de
gestion, car « le désir de conserver le pouvoir ou la crainte de perdre des avantages liés » [à une
position hiérarchique] « sont des obstacles importants ». (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p. 69).
Cette assertion s’avère véridique, car en préfaçant le livre de Gérard Perron sur la gestion
participative, Claude Béland dira : « il ne saurait y avoir de gestion participative sans
leadership, sans ce « grand vent » qui canalise les énergies et regroupe les forces autour d’un
projet commun » (Perron, 2002, préface).



       1.4.4 Leadership

La question du leadership trouve son importance dans l’émergence, le développement et la
pérennité des coopératives. Selon l’Équipe Perspective Monde le leadership se définit comme
« la capacité d'un individu à mener ou conduire d'autres individus ou organisations dans le but
37


d'atteindre certains objectifs. On dira alors qu'un leader est quelqu'un qui est capable de guider,
d'influencer et d'inspirer.» (Équipe Perspective Monde, sans date).


Le leadership peut prendre plusieurs formes, se manifester de différentes façons, suivant la
nature des équipes et la personnalité des individus. Pour le besoin de notre étude, nous nous
intéresserons surtout au style démocratique du leadership. Le conseil d’administration ou la
direction générale, pratiquant le style démocratique a confiance dans ses collaborateurs. La
consultation est un processus permanent et l’intérêt pour l’aspect humain se démarque des
tâches, il privilégie l’écoute, la participation, l’aide. Ce type de leadership s’apparente beaucoup
au style collégial où les compétences, aptitudes, idées et intérêts de tous les collaborateurs sont
pris en considération (Bergeron, 2006).


Dans une coopérative de solidarité, l'importance du leadership et « l'habilité dans la
gouvernance » sont des éléments essentiels. La direction générale est en relation d’une part avec
le conseil d’administration qui la mandate, d’autre part avec des employés (membres travailleurs
ou non) et des bénévoles s’il en existe. La direction générale a le défi de conduire et de faire
prospérer une entreprise complexifiée de par sa nature juridique et ses principes de bases. Pour
ce faire, en plus d’avoir un leadership de compétence, le gestionnaire doit être un leader
transformationnel qui reconnaît les besoins de ses collaborateurs et qui souhaite également les
amener vers des niveaux supérieurs de développement. Ce type de leader élargit l’horizon et les
objectifs de ses collaborateurs. Il leur donne la confiance nécessaire afin qu’ils puissent se
dépasser et croit en leurs capacités. Il faut pour exercer ce leadership faire preuve de charisme,
d’inspiration, de stimulation intellectuelle et être attentif aux besoins de chacun. (Schermerhorn,
1994).


« Comme le DG et CA doivent travailler en équipe au renforcement de l’organisation, il est
fondamental de renforcer les capacités du CA pour permettre une contribution significative et
soutenue des administrateurs » (Schwab, 2007, p. 7). Pour ce faire, ils devront développer ce que
Desforges, Levesque et Tremblay appellent le leadership coopératif qui présente « […] des
caractéristiques particulières » (Desforges et al., 1979, p.12) en ce sens qu’il faut « que le
groupe réunisse les qualités et les compétences de ce qu’on pourrait appeler un animateur-
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  • 1. FACULTÉ D’ADMINISTRATION Institut de recherche et d’éducation pour les coopératives et les mutuelles de l’Université de Sherbrooke (IRECUS) LA BONNE GOUVERNANCE DANS LES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ par ANDRÉE-ANNE TREMBLAY HADJIA SAIDOU KINDO INDATOU MARIA CECILIA ZULUAGA Essai présenté dans le cadre du programme de Maîtrise en gestion du développement des coopératives et des collectivités Sherbrooke DÉCEMBRE 2007
  • 2. ii
  • 3. iii TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS V INTRODUCTION 1 MÉTHODOLOGIE 3 CHAPITRE I : REVUE DE LITTÉRATURE 5 1.1 QU’EST-CE QU’UNE COOPÉRATIVE? 5 1.1.1 COOPÉRATIVE MULTISOCIÉTAIRE 5 1.1.2 COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ 6 1.2 PRINCIPES ET VALEURS COOPÉRATIFS 7 1.2.1 LES VALEURS COOPÉRATIVES 7 1.2.2 LES PRINCIPES COOPÉRATIFS 8 1.2.3 ÉMERGENCE DES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ 11 1.2.4 LES PARTIES PRENANTES DANS UNE COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ 15 1.2.5 DÉFINITION DES CONCEPTS 16 1.3 NOS DIMENSIONS D’ANALYSE DE LA GOUVERNANCE 20 1.4 LA GOUVERNANCE DANS UNE COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ 21 1.4.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DES COMPÉTENCES 22 1.4.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION 31 1.4.3 GESTION DÉMOCRATIQUE ET/OU PARTICIPATIVE 34 1.4.4 LEADERSHIP 36 1.4.5 ÉDUCATION- FORMATION 39 1.5 LES DÉRIVES DE LA GOUVERNANCE 43 1.5.1 LA THÉORIE DE L'HÉGÉMONIE GESTIONNAIRE 45 1.5.2 LA THÉORIE DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DE L'IDÉAL DÉMOCRATIQUE 45 CHAPITRE II :ÉTUDE DE TROIS COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ 47 2.1 MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE DE CAS 47 2.1.1 LES CRITÈRES DE SÉLECTION DES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ 47 2.1.2 DESCRIPTION DES COOPÉRATIVES 48 2.1.3 DESCRIPTION DU GROUPE DE PERSONNES INTERVIEWÉES 48 2.1.4 LA DÉMARCHE DES ENTREVUES 49 2.1.5 DIFFICULTÉS ET BIAIS DE L’ENQUÊTE SUR LE TERRAIN 49 2.2 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS 50 2.2.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DE COMPÉTENCES 50 2.2.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION 59 2.2.3 GESTION DÉMOCRATIQUE 69 2.2.4 LEADERSHIP 79 2.2.5 ÉDUCATION / FORMATION 86
  • 4. iv CHAPITRE III : ANALYSE DES CAS ÉTUDIÉS 93 3.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DES COMPÉTENCES 93 3.1.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 93 3.1.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 95 3.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION 96 3.2.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 96 3.2.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 97 3.3 GESTION DÉMOCRATIQUE 98 3.3.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 98 3.3.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 99 3.4 LEADERSHIP 99 3.4.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 99 3.4.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 100 3.5 ÉDUCATION – FORMATION 101 3.5.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 101 3.5.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 102 CHAPITRE IV: ÉTUDE DE MODÈLES DE COOPÉRATIVE À MULTISOCIÉTARIAT 103 4.1 LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D’INTÉRÊT COLLECTIF (SCIC) EN FRANCE 103 4.1.1 DÉFINITION 103 4.1.2 BRÈVE DESCRIPTION DU CONTEXTE D’ÉMERGENCE DES SCIC 105 4.1.3 LA GOUVERNANCE DANS LES SCIC 107 4.2 LA COOPÉRATIVE SOCIALE EN ITALIE 111 4.2.1 DÉFINITION 111 4.2.2 BRÈVE DESCRIPTION DU CONTEXTE D’ÉMERGENCE DES COOPÉRATIVES SOCIALES EN ITALIE 112 4.2.3 GOUVERNANCE DANS LES COOPÉRATIVES SOCIALES EN ITALIE 114 ANNEXES 119 ANNEXE 1 : GUIDE D’ENTREVUES 121 ANNEXE II : OUTIL D’ANALYSE 129 ANNEXE III : ARTICLE SYNTHÈSE 141 BIBLIOGRAPHIE 153
  • 5. v REMERCIEMENTS Bien qu’une multitude de personnes aient permis la finalisation de ce rapport, celui-ci n’aurait pas vu le jour sans la précieuse collaboration de quelques personnes en particulier que nous désirons remercier chaleureusement. D’abord, merci à nos directeurs de recherche, Jean-Pierre Girard, Michel Lafleur et Ernesto Molina, pour avoir accepté généreusement de codiriger notre travail, pour leurs corrections et suggestions pertinentes. Nous sommes aussi très reconnaissantes de l’ouverture et de la disponibilité qu’ils nous ont témoignées, chacun à sa façon. Nos remerciements vont également à Sandra Serrano Molina, de la Coopérative de développement régional pour ses précieux conseils; à Jocelyne Chagnon de la Direction des coopératives du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), pour sa précieuse participation en répondant à nos questions. Soulignons aussi la généreuse contribution des participants de notre étude : merci à tous les membres interrogés pour leur temps et leur accueil chaleureux; merci aux présidents et aux directeurs généraux de nous avoir ouvert les portes de leur coopérative et ce, en toute confiance. Leur accueil et la gratuité de leur geste nous ont fait redécouvrir le sens des mots solidarité et intercoopération. Merci à tous nos enseignants de l’Institut de recherche et d’éducation pour les coopératives et les mutuelles de l’Université de Sherbrooke (IRECUS) pour nous avoir fait découvrir le monde du coopératisme, sans oublier l’ensemble de l’équipe de l’IRECUS pour son support et l’encouragement qu’elle n’a cessé de nous apporter. Enfin, merci à nos conjoints, familles et ami(e)s pour leur appui inconditionnel nécessaire à la réalisation de ce projet.
  • 6. vi
  • 7. 1 INTRODUCTION Par leur structure économique performante et stable orientée exclusivement vers les besoins des membres et leur communauté, les entreprises collectives en général et les coopératives en particulier, jouent un rôle important dans l’économie des pays aussi bien du Nord que du Sud . Par un bref retour historique, il convient de rappeler que les coopératives sont nées de suite d’incapacité de l’État et des entreprises à satisfaire les besoins d’une frange de la population. Il est à noter que depuis les besoins ont évolué et que, malgré une relative prise en charge par l’État de plusieurs services à la population, celui-ci n’est pas en mesure de répondre à tous les besoins, particulièrement ceux touchant le développement des collectivités locales dans un contexte de mondialisation, globalisation, internationalisation. En réaction à tous ces changements, le modèle coopératif se transforme. En effet, en 1997, inspirée en majorité de modèles européens, une nouvelle forme de coopérative naît au Québec: la coopérative de solidarité. À l’origine, celle-ci est crée pour donner une plus grande possibilité de solidarité et de prise en charge aux habitants de petites communautés fragilisées par le contexte socio-économique. Après 10 ans d’existence, et quelques ajustements à la Loi sur les coopératives, près de la moitié des coopératives crées au Québec sont sous la forme de coopérative de solidarité 1 . Même si sa popularité peut témoigner de sa pertinence, plusieurs auteurs soulèvent le défi que représente sa gestion, puisqu’elle rassemble une multitude d’acteurs avec des intérêts différents. Depuis quelques années, à la suite des nombreux changements survenus dans la gestion des organisations, le thème de la gouvernance prend de plus en plus une place prépondérante. Cependant, malgré sa popularité, ce concept demeure peu étudié dans le domaine de l’économie sociale. Attirées par le thème et sous l’impulsion d’un de leurs enseignants, trois étudiantes finissantes en maîtrise en gestion du développement des coopératives et des collectivités de l’Université de Sherbrooke (IRECUS) ont choisi d’approfondir la question de la gouvernance. 1 Direction des coopératives (Entrevue n° 11, 2007).
  • 8. 2 Cet intervention-essai présente les résultats d’une recherche portant sur la pratique de la bonne gouvernance dans les coopératives à multisociétariat, et plus spécifiquement, dans les coopératives de solidarité québécoises. En effet, à la lumière du contexte économique et social actuel québécois et de la courte durée d’existence des coopératives de solidarité, cette recherche vise à mettre en relief, et ce de façon non exhaustive, les pratiques favorables et défavorables à la bonne gouvernance dans les coopératives à multisociétariat. Pour y arriver, en plus d’une étude théorique, les auteures ont observé la gouvernance de trois organisations coopératives. Grâce à ces études, elles proposent cinq thèmes qui constituent la base d’une grille d’analyse de la gouvernance dans les coopératives. Sans prétendre être la solution aux problématiques de gestion des différents intervenants qui prennent part au projet de la coopérative de solidarité, cette étude propose des éléments pour favoriser un plus grand équilibre des pouvoirs mais aussi et avant tout, permet d’approfondir la réflexion sur un sujet d’actualité telle la gouvernance dans les entreprises démocratiques. Ce travail se divise en quatre principaux chapitres. Le premier chapitre porte sur le contexte d’émergence des coopératives de solidarité. Ensuite, il est traité des principaux concepts liés à la gouvernance, en terminant par une brève présentation des cinq dimensions de la gouvernance retenues pour son analyse. Le deuxième chapitre s’attarde à la présentation des trois études de cas. Le troisième chapitre quant à lui est une analyse des éléments favorables et défavorables à la bonne gouvernance dans les coopératives en lien avec les cas observés. Enfin, le chapitre quatre, présente deux modèles de coopérative à multisociétariat, la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) en France et la coopérative sociale, en Italie.
  • 9. 3 MÉTHODOLOGIE Le choix du thème de ce travail est le fruit d’une volonté de répondre à des besoins actuels du milieu coopératif. Issues de différents échanges et réflexions, voici les questions qui sont ressorties et qui ont guidé notre recherche tout au long des démarches subséquentes : Comment gérer les différents intérêts des parties prenantes internes des coopératives de solidarité? Pouvons-nous identifier des pratiques formelles et informelles favorables et défavorables à la gouvernance pour les différents groupes d’acteurs intervenants dans les coopératives de solidarité [assemblée générale, conseil d’administration, direction générale et employés] des coopératives de solidarité étudiées? L’élaboration de ce travail a nécessité différents modes de cueillette de données. D’abord, nous avons entrepris une recherche documentaire sur la gouvernance ainsi que sur d’autres thèmes intimement liés. Pour y arriver, nous avons d’abord consulté les documents pertinents mis à notre disposition ou élaborés lors de notre année de maîtrise. Cette documentation a été ensuite enrichie par de nouvelles références et différents entretiens avec des acteurs du milieu. L’étape suivante a été consacrée à l’élaboration d’un cadre conceptuel. Celui-ci a été pour nous l’occasion de faire une synthèse des éléments théoriques et de délimiter nos principaux champs d’étude. Suite à l’identification de concepts clés, et en préparation à la cueillette de données terrain, nous avons procédé à l’élaboration d’un guide d’entrevue. C’est à l’aide de celui-ci que nous avons procédé aux entrevues de neuf membres et une partie prenante externe dans trois coopératives de solidarité québécoises. Nous avons fait l’étude du verbatim de ces rencontres grâce à un cadre précis faisant ressortir nos principaux thèmes d’analyse de la pratique de la bonne gouvernance dans les coopératives de
  • 10. 4 solidarité. Ce cadre d’analyse a été élaboré à la suite des observations terrain et à la lumière des connaissances assimilées en matière de gouvernance. Enfin, dans la rédaction de cet intervention-essai, nous avons opté de préserver la confidentialité des coopératives participantes. Cet aspect anonyme a guidé toute la rédaction du présent document.
  • 11. 5 CHAPITRE I REVUE DE LITTÉRATURE Il nous semble important, avant de nous intéresser aux concepts reliés à la gouvernance, de faire un rappel de la définition globale de la coopérative et de nous attarder un peu sur le concept spécifique de la coopérative multisociétaire. Nous rappellerons également les principes et valeurs des coopératives tels que définis par l’Alliance Coopérative Internationale (ACI). 1.1 Qu’est-ce qu’une coopérative? Selon l’Alliance Coopérative Internationale (ACI), une coopérative se définit comme « […] une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement » (ACI, 2007). Cette définition distingue les deux principales dimensions d’une coopérative, soit la dimension entrepreneuriale et la dimension associative. Une coopérative, c’est d’abord un groupement de personnes physiques et/ou morales ayant des besoins économiques, sociaux et culturels communs à satisfaire. Cette union de personnes représente la dimension associative de la coopérative qui met en exergue l’adhésion volontaire, le droit de propriété collective et de contrôle démocratique. La dimension entrepreneuriale quant à elle, constitue le moyen utilisé par ces personnes pour atteindre leurs fins c’est-à-dire satisfaire leurs besoins et aspirations. 1.1.1 Coopérative multisociétaire Appelée encore coopérative « Multi-stakeholder co-operative », la coopérative multisociétaire est une nouvelle forme de coopérative qui a la particularité d’associer ou de solidariser différents types d’acteurs autour d’un projet rassembleur pour la collectivité (MDERR, 2004b). Ces acteurs ou catégories de membres sont désignés sous le nom de parties prenantes internes. Le terme « parties prenantes» désigne tout groupe potentiellement affecté par les décisions et les
  • 12. 6 orientations d’une entreprise (Robbins et al., 2004). Les « parties prenantes internes » dans une coopérative sont alors tous les membres de la coopérative. Elles intègrent non seulement des membres utilisateurs, des membres travailleurs (employés et gestionnaires(s)) et des administrateurs, mais aussi différents acteurs locaux qui croient aux projets que la coopérative développe (membres de soutien). Pour Hans-H. Münkner (Borzaga et Spear, 2004), en ces temps de décentralisation, de débureaucratisation et d’émergence de la société civile, on peut observer une tendance de partenariat entre l’État et les organisations civiles. Ces ententes seraient le résultat d’une nouvelle perception de la distribution des rôles entre les organisations publiques et privées où l’entente devient possible. Par ailleurs, on y affirme que « l’intérêt pour cette nouvelle forme de société coopérative a mené à la promulgation de nouvelles lois et amendements de lois coopératives déjà existantes en Italie (1988, 1991), Canada (1997), Portugal (1998) et France (2001) » (Traduction libre, Borzaga et Spear, 2004, p. 49). La coopérative multisociétaire est en net contraste avec la coopérative traditionnelle à sociétariat unique. Ce type de coopérative porte au Québec le nom de coopérative de solidarité. 1.1.2 Coopérative de solidarité La coopérative de solidarité se caractérise par la multiplicité de son membership. Elle offre donc la possibilité aux personnes ayant des besoins diversifiés, mais visant un objectif commun, de se regrouper au sein d’une même coopérative. Cette nouvelle forme de coopérative vise toutes les activités supportées par le milieu. Selon les dispositifs du chapitre VII, titre II.1 de la Loi sur les coopératives, on peut définir la coopérative de solidarité comme étant celle qui regroupe au moins deux catégories de membres parmi les suivantes : 1. des membres utilisateurs, soit des personnes ou société qui utilisent les services offerts par la coopérative 2. des membres travailleurs, soit des personnes physiques oeuvrant au sein de la coopérative 3. des membres de soutien, soit toute autre personne ou société qui a un intérêt économique, social ou culturel dans l’atteinte de l’objet de la coopérative (art. 226.1, Loi sur les coopératives).
  • 13. 7 1.2 Principes et valeurs coopératifs Qu’elle soit unisociétaire ou multisociétaire, la coopérative est caractérisée par un certain nombre de valeurs et principes. 1.2.1 Les valeurs coopératives Selon la déclaration sur l'identité coopérative approuvée par l'Assemblée Générale de l'ACI au Congrès de Manchester (Angleterre) en septembre 1995, les valeurs fondamentales des coopératives sont: la prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles, la démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité. Aussi, les membres des coopératives à travers le monde adhèrent à une éthique fondée sur l'honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l'altruisme pour rester fidèles à l'esprit des fondateurs que sont les pionniers de Rochdale (ACI ). Ces valeurs coopératives se traduisent de la manière suivante: La prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles: les personnes ont la capacité, mais surtout la volonté d'améliorer leur destin pacifiquement et conjointement par une action collective et non individuelle. La démocratie: les membres de la coopérative ont le même droit quant à la participation, l’information, l’implication dans la prise des décisions. Les membres constituent l’unité de base, mais aussi la source d'autorité au sein de la coopérative. L’égalité: les droits et les responsabilités sont égaux pour tous les membres au sein de la coopérative. L’équité: elle implique le partage juste et approprié ou adéquat du revenu et du pouvoir dans la coopérative, mais aussi, on tend vers une contribution équitable au capital de la coopérative. La solidarité: «une relation entre personnes ayant conscience d’une communauté d’intérêts qui entraîne une obligation morale d’assistance mutuelle» (Dictionnaire Le Robert, 1998, p.1246). La solidarité se situe à deux niveaux : d’une part la coopérative est née sur le postulat selon lequel la prise en charge et l'auto-assistance mutuelles sont porteuses de force, donc la coopérative a la responsabilité collective du bien-être de ses membres. D’autre part, chaque
  • 14. 8 coopérative prise individuellement, se propose de créer un mouvement coopératif unis en travaillant avec d'autres coopératives avec comme souci l'amélioration du bien-être collectif. Des principes découlent de ces valeurs qui sont au nombre de sept formulés par l’Alliance Coopérative Internationale. 1.2.2 Les principes coopératifs 1- Adhésion volontaire et ouverte à tous « Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant que membres, et ce sans discrimination fondée sur le sexe, l´origine sociale, la race, l´allégeance politique ou la religion » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) Deux aspects ressortent de ce principe : le volontariat et l’ouverture à tous. Pour ce qui est du volontariat, on comprend aisément qu’il n y a aucune contrainte d’adhésion à une coopérative. Quant à l’ouverture, elle suppose que toute personne capable d'utiliser les services offerts par la coopérative peut y adhérer. La participation en tant que membre actif et responsable devrait être basée sur la compréhension des valeurs coopératives et être apte à les défendre. Néanmoins, notons que cette formulation reconnaît que certaines coopératives peuvent restreindre leur membership sur la base de "l'habilité à utiliser les services de la coopérative" ou de "la limite du nombre de membres que la coopérative peut effectivement et efficacement servir". 2- Pouvoir démocratique exercé par les membres « Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Dans les coopératives de premier niveau, les membres ont des droits de vote égaux en vertu de la règle - un membre, une voix - ; les coopératives d'autres niveaux sont aussi organisées de manière démocratique. » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) Ce principe rappelle la base de gestion et d’administration de la coopérative. La nature de prise de décision, d’élection des représentants, de contrôle, ainsi que l’élaboration de la mission et de la politique générale de la coopérative sont stipulées par ce principe. Ainsi, dans une coopérative
  • 15. 9 c’est la qualité de membre qui donne accès au droit de vote et ce droit n’est pas proportionnel à l’argent investi ou au nombre de parts sociales détenues. 3- Participation économique des membres « Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants: le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative et le soutien d'autres activités approuvées par les membres. » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) Ce principe constitue une des marques distinctives entre la coopérative et l’entreprise capitaliste traditionnelle. Il ressort trois aspects importants du modèle coopératif. Selon ce principe, les membres utilisateurs de la coopérative doivent participer à sa capitalisation en souscrivant à une part de qualification et en utilisant les services de la coopérative pour lui permettre d’assurer sa pérennité. Le deuxième aspect traite de la répartition des excédents réalisés par la coopérative : une partie peut être retournée aux membres au prorata de l’usage qu’ils ont fait de l’entreprise. C’est ce que l’on appelle la pratique de la ristourne. L’autre partie est versée à la réserve générale, qui constituée au fil des années, est inaliénable et non partageable. Elle est la propriété de l’association. Le troisième aspect indique la responsabilité du membre à participer à la rentabilité de sa coopérative, tout en assumant la pratique de la non redistribution des richesses. 4- Autonomie et indépendance « Les coopératives sont des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres. La conclusion d'accords avec d'autres organisations, y compris des gouvernements, ou la recherche de fonds à partir de sources extérieures, doit se faire dans des conditions qui préservent le pouvoir démocratique des membres et maintiennent l'indépendance de leur coopérative » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) La raison d’être d’une coopérative est de permettre à ses membres de se prendre en charge grâce à l’association coopérative, par l’acquisition de l’autonomie et de l’indépendance. Loin de prôner l’individualisme, la coopération fait l’éloge d’une solidarité qui est possible uniquement lorsque les membres qui y participent sont autonomes et indépendants. Ce principe, tel qu’il est énoncé,
  • 16. 10 s’applique à l’association et aux membres de l’association qui assument pleinement leurs responsabilités sans pour autant renoncer à leur propre liberté. 5- Éducation, formation et information « Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés l'éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les dirigeants d'opinion, sur la nature et les avantages de la coopération » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) L'éducation, la formation et l’information sont une priorité du mouvement coopératif et sont loin d’être un outil de publicité et de distribution d'informations. La coopérative est une forme d’organisation humaine complexe et nécessite de ce fait, un apprentissage particulier pour sa gestion. Ayant comme leitmotiv la participation, il est indispensable d’impliquer à fond les esprits et l'intelligence des membres, des leaders élus, des gestionnaires et des employés afin qu'ils comprennent et saisissent pleinement la complexité et la richesse de la pensée et de l'action coopératives. En plus, étant porteuse d’un modèle de développement complémentaire à l’économie de marché et à l’intervention étatique, la coopérative fait partie intégrante des solutions alternatives aux problèmes actuels. De ce fait, les coopérateurs et les non coopérateurs ne doivent pas seulement être au courant du concept, ils se doivent aussi d'apprécier, de s’approprier et d'avoir la volonté de participer à la formule coopérative : un engagement actif qui ne peut se produire sans l’éducation, la formation, et l’information. 6- Coopération entre les coopératives « Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les coopératives oeuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et internationales » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) Ce principe est connu sous le terme « intercoopération ». Il sert à encourager les coopératives à oeuvrer au sein de structures locales, nationales, régionales et/ou internationales au nom de l’efficacité économique. Elles peuvent ainsi éviter d’évoluer en vase clos et se regrouper sous forme de fédération et de confédération dans le but de mieux servir ses membres et de renforcer le mouvement coopératif. Toutefois, ce principe ne doit pas être une obligation, sinon il irait à
  • 17. 11 l’encontre du principe d’adhésion volontaire qui s’applique autant aux membres d’une coopérative qu’aux coopératives qui sont membres d’une structure de deuxième niveau. 7- Engagement envers la communauté « Les coopératives contribuent au développement durable de leur communauté dans le cadre d'orientations approuvées par leurs membres » (Les principes de la coopération de l’ACI, Orion, sans date) Grâce à l'effort mutuel, pourvoir aux besoins d’un membre de la coopérative, équivaut à pourvoir à certains besoins des proches du membre. Ainsi, par un effet d’entraînement, la distinction particulière des coopératives contribue à la satisfaction des besoins des membres de la communauté, donc favorise la construction d'une meilleure société en général (création d’emploi, protection de l'environnement, etc.). 1.2.3 Émergence des coopératives de solidarité De façon générale, on fixe l’origine des coopératives à la fin du 19e siècle. Les initiatives sont toujours nées en réaction à des besoins ressentis qui demeurent insatisfaits. Traditionnellement, le sociétariat des coopératives a été formé d’une catégorie unique de membres. L’une des premières coopératives à plus d’une catégorie des membres est née en Italie en 1966 pour apporter un service aux enfants orphelins d’une zone septentrionale de l’Italie (Clément et Gardin 1999) : C’est la naissance de la coopérative de solidarité sociale italienne qui marque la reconnaissance officielle de cette forme de coopérative à sociétariat varié que les spécialistes appelleront les « multi-stakeholders ». Rappelons, toutefois que, bien qu’elle semble incarner une nouveauté, la coopérative multisociétaire et multifonctionnelle reste une vieille utopie, car comme l’indique Jean-Pierre Girard : « il est maintenant largement reconnu que la coopération n’a pas une mais plusieurs influences » (Gagnon et Girard, 2001, p. 4-5). Le Québec demeure une terre de prédilection des coopératives. Il a connu toute une panoplie de coopératives touchant une grande variété de secteurs d’activité sous le modèle de coopérative unisociétaire. Cependant, les besoins des populations évoluant d’une part, et d’autre part l’insatisfaction de ces besoins par l’État où le marché interpelle les différents acteurs de la vie
  • 18. 12 sociale, mais aussi des universitaires sur la nécessité d’innover. C’est ainsi que entre 1986 et 1988, des professeurs des universités québécoises mèneront des « recherches sur les expérimentations et les innovations dans les entreprises capitalistes comme dans l’économie sociale » (Lévesque, cité par Girard et Langlois, 2006, p.199). De ces recherches sera née la notion « d’innovation sociale ». Les innovations sociales se focaliseront surtout sur des besoins liés au développement local et aux services de proximité. Ainsi, en 1996, dans le cadre de la préparation du Sommet de l'économie et de l'emploi, un Groupe de travail est mis en place et mandaté par le gouvernement du Québec pour soumettre des recommandations sur la relance de l’emploi. L’une des recommandations proposées sera l’actualisation du statut juridique des coopératives (Groupe de travail, 1996). Parmi les mobiles expliquant une telle proposition, on soulignera les difficultés pour les coopératives d’obtenir des financements des services financiers conventionnels, réticences attribuées en partie à leur statut juridique. Il est aussi ressorti qu’ « Actuellement, la Loi des coopératives ne permet pas un membership mixte sur une base permanente. Or, des besoins en ce sens émergent de plus en plus dans les communautés, notamment en ce qui concerne les services de garde et celui de la création de coopératives multiservices. La coopérative dite de solidarité est actuellement la formule de membership mise de l'avant par différents groupes » (Groupe de travail, 1996). C’est dans ce contexte que s’inspirant du modèle de coopératives sociales italiennes, le « groupe de travail sur l’économie sociale, recommandait d’amender la loi sur les coopératives pour autoriser la création de coopératives de solidarité» (MDERR 2004b, p.5). Cette formule est mise de l’avant par différents groupes (dont le CQCM à l’époque appelé CCQ, un autre important représentant de l’économie sociale). C’est en juin 1997 que l’Assemblée nationale va adopter le projet de loi 90 modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopérative de solidarité. À son institution originale, la coopérative de solidarité regroupe à la fois trois (3) types de membres. - des membres qui sont des utilisateurs des services offerts par la coopérative - des membres qui sont des travailleurs oeuvrant au sein de celle-ci, et
  • 19. 13 - des membres de soutien, soit toute autre personne ou société qui a un intérêt économique, social ou culturel dans l’atteinte de l’objet de la coopérative (Loi sur les coopératives, article 226.1). Dans le vécu des coopératives de solidarité, « les membres de soutien sont surtout des personnes ou des organismes communautaires, ou proviennent d'autres organismes du milieu tels que les centres locaux de services communautaires (CLSC) » (MDERR 2004b, p.22). On comprendrait alors aisément l’assertion de Girard qui dira que les «acteurs de développement avaient à l’esprit, comme son nom l’indique, l’application d’un modèle organisationnel fédérateur à des situations nécessitant la solidarité de plusieurs groupes d’acteurs réunis autour d’une problématique commune » (Girard et Langlois, 2006, p. 209). En facilitant la création des coopératives de solidarité, « l’État aussi avait ses attentes, tels combattre le travail au noir, inciter plus de personnes âgées à demeurer dans leur résidence, réintégrer des personnes exclues sur le marché de travail » (Girard et Langlois, 2006, p. 209). On peut affirmer sans risque de se tromper que les coopératives de solidarité québécoise, sont nées surtout pour favoriser les partenariats et la prise en charge de certains services par les collectivités. Ceci s’explique par le fait que près de 80% des coopératives de solidarité opèrent principalement dans le secteur tertiaire et hors de grands centres urbains (MDERR 2004b, p.9- 12). Même si le contexte de leur émergence laisse penser à la primauté de la législation sur leur création, les coopératives de solidarité sont issues d’une décision ascendante (« bottom-up »). Elles sont en effet nées des initiatives et de la mobilisation d’individus et d’organismes locaux. Leur création peut être associée aux objectifs de résolution des problèmes qui nécessitent de compromis et consensus qui font appel à plusieurs parties prenantes. Pour Jean-Pierre Girard et Geneviève Langlois: « Ce modèle [en référence au modèle des coopératives de consommateur] s’est cependant révélé moins pertinent pour répondre à de nouveaux besoins non ou mal satisfaits par l’État ou le marché, des besoins interpellant divers parties prenantes et qui répondent davantage à une rentabilité d’usage qu’à une profitabilité économique, par exemple, des besoins liés au développement local ou à des services de proximité. Prenant acte de cette demande et à la lumière de certaines
  • 20. 14 expériences en cours en Europe, particulièrement le modèle des coopératives italiennes, à la faveur d’une série d’initiatives découlant d’un Sommet sur l’économie et l’emploi [Rencontre regroupant les principaux acteurs socioéconomiques et les représentants du gouvernement du Québec à l’automne 1996.], le législateur québécois a introduit en 1997 dans la loi sur les coopératives de dispositions reconnaissant un nouveau type de coopérative, la coopérative de solidarité » (Girard et Langlois, 2006, p. 198). Sous l’impulsion de la problématique des Services à domicile (SAD), notons que la Loi sur les coopératives a subi d’importants amendements en 2004, qui prendront effet en 2005. Nous nous sommes intéressées aux raisons et contexte qui ont nécessité les révisions de la Loi sur les coopératives et plus précisément celles relatives aux coopératives de solidarité. Madame Jocelyne Chagnon de la Direction des coopératives du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), nous confia lors d’une entrevue téléphonique que ce type de coopérative a été crée pour donner un accès aux populations locales à une formule légale permettant à la solidarité d’émerger avec moins de contraintes légales. Elle nous notifia également que les changements à la loi ont été faits en collaboration avec le milieu, ce qui semble aujourd’hui satisfaire toutes les parties. Toutefois, remarquons qu’au Québec, il est impossible aux municipalités d’être membres des coopératives. Selon notre interprétation d’un document fourni par Madame Chagnon, expliquant les principales modifications apportées à la loi sur les coopératives, particulièrement les coopératives de solidarités, les principaux amendements sont relatifs à : - l’introduction d’ « une nouvelle définition de la coopérative de solidarité pour offrir plus de souplesse dans la modulation de son membership » (Entrevue n° 11, 2007). En effet, les coopératives de solidarité ont désormais la possibilité d’avoir deux catégories de membres plutôt que trois : les membres utilisateurs et les membres de soutien (Girard et Langlois, 2006, p. 201); - le retrait des membres travailleurs comme membres obligatoires de la coopérative de solidarité. Notons qu’un article de la loi permet « que la coopérative de solidarité qui compte des membres travailleurs soit régie par certaines dispositions du chapitre de la coopérative de travail » pour lui permettre de soumettre un travailleur à l’essai et donc, pouvoir compter parmi ses membres des membres auxiliaires;
  • 21. 15 - permettre « la présence de membres de soutien à titre de fondateurs d’une telle coopérative dans la mesure où ils constituent une minorité de fondateurs pour reconnaître la participation de ces membres au processus de mise en place de la coopérative, tout en préservant le contrôle de cette démarche entre les mains des membres-usagers » (Entrevue n° 11, 2007); - l’application d’articles pour permettre au secteur de l’habitation d’inclure la coopérative de solidarité. Statistiquement, notons qu’au Québec, il existait deux cent dix-huit (218) coopératives de solidarités déclarées en décembre 2005 (Michaud, 2006). Elles œuvraient essentiellement dans le secteur tertiaire (notamment les services personnels et les loisirs) et avaient leurs sièges en régions. Lors d’un entretien avec Madame Chagnon, celle-ci nous informa qu’en 2006, environ la moitié des constitutions coopératives (au Québec) l’ont été sous la forme de la coopérative de solidarité. 1.2.4 Les parties prenantes dans une coopérative de solidarité Telle que stipulée dans sa définition, la particularité de la coopérative de solidarité est essentiellement la multiplicité de ses membres. Il importe par ailleurs de noter que selon la Loi sur les coopératives « une personne ou une société membre d’une coopérative de solidarité ne peut faire partie que d’une catégorie de membres ». Toute catégorie confondue, les membres de la coopérative de solidarité ont un droit de propriété dans la coopérative. Les membres utilisateurs Selon la définition donnée par la Loi sur les coopératives, « les membres utilisateurs sont des personnes physiques ou morales qui utilisent les services offerts par la coopérative ». Ils reçoivent des biens et des services pour leur usage personnel. Ils désirent obtenir les meilleurs biens et services au coût le plus bas possible, ce qui fait qu’ils sont perçus beaucoup plus comme des clients de la coopérative. En général, au sein de la coopérative, les membres utilisateurs sont « les plus nombreux en nombre absolu » (MDERR, 2004b, p. 29).
  • 22. 16 Les membres travailleurs Selon la définition donnée par la loi sur les coopératives, « les membres travailleurs sont les personnes physiques qui oeuvrent au sein de la coopérative ». Le but principal du membre est de s’offrir du travail aux meilleures conditions possible par l’entremise de la coopérative. On suppose que l’emploi du membre travailleur dépend de la satisfaction des membres utilisateurs. Les membres de soutien Selon la définition donnée par la loi sur les coopératives « les membres de soutien, sont toutes autres personnes ou sociétés qui ont un intérêt économique, social ou culturel dans l’atteinte de l’objet de la coopérative ». En général, les membres de soutien n’utilisent pas les services ou les produits de coopérative et n’y travaillent pas. Leur fonction principale réside dans le soutien qu’ils apportent à la réalisation et la réussite du projet. On suppose en général que les membres de soutien, en fonction de leur position dans la collectivité, soient d’une grande utilité dans la capitalisation de la coopérative de solidarité. Néanmoins force est de constater qu’il en est autrement, comme le dira Jocelyne Chagnon « il est possible pour un membre qu’il soit peu intéressant d’investir sans obtenir un rendement de son investissement » (MDERR, 2004b, p. 40). 1.2.5 Définition des concepts L’origine du thème de la gouvernance Le thème de la gouvernance prend racine, selon Philippe Moreau Defarges (2003) à la « rupture de la modernité » en référence au moment où « le monde se libère de l’emprise du sacré » pour laisser place à un nouveau questionnement quant au pouvoir : « quel est le meilleur pouvoir possible? ». Dès lors, deux principaux axes de réflexions se dégagent : « l’un démocratique (Hobbes, Rousseau) et le libre consentement des hommes […] l’autre technocratique (St-Simon),
  • 23. 17 faisant valoir que le bon pouvoir est celui qui est exercé par ceux qui ont la connaissance […] » (Moreau Defarges, 2003, p.6). Outre cette conception plus philosophique, le terme gouvernance est issu du XIIe siècle, en France, désignant un élément très pointu : la direction des baillages (Moreau Defarges, 2003), c'est-à-dire, la direction des officiers d’épée qui rendaient la justice au nom d’un roi ou d’un seigneur. Du côté anglophone, il semble que le mot « governance » provient de la tradition anglo-saxonne (Dicko Baldé, 2000) pour caractériser le mode d’organisation du pouvoir féodal (Moreau Defarges, 2003). Même si l’on évalue l’émergence du terme francophone « gouvernance » aux environs des années 1100, il semble que celui-ci ne soit pas fréquemment utilisé pendant une longue période. C’est toutefois au début des années 1990 que l’expression refait surface dans le contexte de la mondialisation (Ebrahimi, 2003) (1980 selon Dubé, 2002), quand « certains auteurs ont ressenti le besoin de donner un nom particulier aux actions pouvant être assimilées à celles de gouverner au sein d’une organisation » (Dubé 2002, p.18). À cet instant, les intérêts des actionnaires deviennent le centre de toutes les décisions par conséquent, la problématique tourne autour du partage de la richesse et du contrôle de la direction afin qu’elle ne détourne pas la richesse issue de l’exploitation de l’entreprise (Moreau Defarges, 2003). Aujourd’hui encore, la compréhension de la gouvernance ne cesse de se complexifier. Stéphane Dubé dira que ce concept est encore en émergence (Dubé, 2002, p.19) et Mamadou Dicko Baldé ajoutera qu’il se prête à plusieurs significations (Dicko Baldé, 2000). En effet, la gouvernance ne cesse d’élargir son domaine d’application, influencée par l’époque et le contexte économique dans lesquels elle est appliquée. Par exemple, au début de la mondialisation, l’apparition graduelle de nouveaux indices financiers permet l’arrivée de la « nouvelle gouvernance financière » (Ebrahimi 2003, p.65). Soulignons que la définition et l’application de la gouvernance sont différentes selon le contexte où elle s’applique : « le champ de la gouvernance n’est ni spécifique, ni précis » (Dicko Baldé, 2000, p. 40). Dans cette optique, le terme « gouvernance » est plus utilisé de façon générale pour représenter le champ d’étude relié à ce domaine et être appliqué dans différents contextes organisationnels (Dubé 2002, p.16). Cela
  • 24. 18 explique pourquoi certains auteurs classifient la gouvernance selon différents paliers comme dans cet exemple où elle est catégorisée selon deux niveaux : la « gouvernance mondiale ou globale» et la « gouvernance locale » (Dicko Baldé, 2000, p.44). À la lumière de cette catégorisation, ce premier niveau de gouvernance inclura des concepts comme la « gouvernance mondiale » (Moreau Defarges, 2006, p. 45) ou la « gouvernance des États » (Moreau Defarges, 2006, p.39) tandis qu’au second niveau, la « gouvernance locale », inclura la gouvernance qui a trait aux terroirs, aux villes, aux entreprises, aux régions (Dicko Baldé, 2000, p.54) et donc, comprendra un concept comme la « gouvernance d’entreprise » (Labelle et Rousseau, 2007, p.39 et Bancel, 1997). Ces différents niveaux de gouvernance entraînent inévitablement des variantes en ce qui a trait à son application sur le terrain. Pas étonnant qu’il n’ y ait pas de consensus sur ses « définitions ni sur ses lignes de démarcation » (Dubé, 2002, p.108). La bonne gouvernance Définir la bonne gouvernance permet de mieux visualiser l’application concrète de la gouvernance. La bonne gouvernance est définie comme : « celle qui met en place un système formel réunissant des conditions favorisant l’atteinte de la mission de l’organisation, son développement et sa pérennité. » (Schwab, 2007, p.2). Schwab ajoutera que « ce système de gouvernance en place peut être formel ou informel, il peut être bon ou mauvais, mais il y a toujours gouvernance. » (Schwab, 2007, p.2). Une autre définition nous éclaire sur la bonne gouvernance : C’est un «système permettant à l'entreprise de gérer ses affaires non seulement de façon efficace mais également en respectant certaines recommandations éthiques » (Verne, 2006, p.147). Il est intéressant de constater que les notions d’efficacité et d’éthique font leur apparition dans cette définition contrairement à la première, nous rapportant ainsi aux principes moraux et à la conduite. La gouvernance coopérative Comme l’affirme Stéphane Dubé dans son mémoire sur la gouvernance dans les organismes sans buts lucratifs : « les recherches et les études en matière de gouvernance d’entreprise ont surtout
  • 25. 19 été effectuées sur des entreprises à but lucratif cotées en bourses (Dubé, 2002, p.16). La gouvernance d’entreprise, dans sa définition plus courante : « […] repose sur l’idée selon laquelle il est indispensable, afin de maximiser la création de la richesse, de mettre en place des systèmes susceptibles de résoudre les conflits non prévus dans les contrats initiaux passés entre les différents stokeholders (Hart, 1995) [en référence à toutes les parties prenantes de l’entreprise]. En outre, un système de gouvernance performant est capable de prévenir certains conflits en favorisant, par exemple, l’expression des stakeholders [en référence aux actionnaires] (Charreaux, 1997). […] Si l’entreprise est « gouvernée » en respectant une certaine équité entre les stokeholders, son efficacité ne peut que se trouver renforcée en longue période » (Dicko Baldé, 2000, p. 66) Une autre définition, issue d’une traduction libre de Cadbury Commitee Report 2 , présentée par Schwab (2007) nous aidera à améliorer notre compréhension de gouvernance. « La gouvernance corporative c'est le système qui départage à la fois l’exercice et le contrôle du pouvoir au sein d'une organisation. » (Schwab, 2007, p. 2). De toute évidence, la première définition ne peut être appliquée intégralement dans le cadre d’une coopérative puisque sa finalité n’est pas la maximisation de la richesse mais l’optimisation du lien d’usage. En d’autres mots, la maximisation de « l’avantage coopératif selon une logique dominante d’appartenance » (Gagnon et Girard, 2001, p. 21). Néanmoins, cette première définition aide à avoir une idée générale sur la gouvernance. Lors de la présentation de la première phase d’une recherche à propos de la bonne gouvernance dans le secteur de l’économie sociale, Molina et Kindo Dan-Malam définiront la gouvernance comme « un système permettant d’établir des limites entre l’exercice du pouvoir et le contrôle du pouvoir à l’intérieur de l’organisation » (Kindo Dan-Malam et Molina, 2006, p. 5). Nous suspecterons même que la double polarité de ce type d'organisation collective fasse de la gouvernance une question beaucoup plus complexe. Le cas des coopératives de solidarité qui constitue l’objet de notre étude est un exemple éloquent qui favorise la participation à la gouvernance de deux ou trois parties prenantes. 2 Cadbury Committee Report: DAHYA, Jay, John J. MCCONNEL et Nickolaos G. TRAVLOS (2000). « Cadbury Committee, Corporate Performance and Top Management Turnover », [En ligne], janvier 2000, http://www.mgmt.purdue.edu/centers/ciber/publications/pdf/99-004.pdf (Page consultée en août 2007).
  • 26. 20 La présence de plusieurs parties prenantes nous recommande de bien préciser la notion de « gouvernance » et de « gestion » afin de mieux définir les prérogatives de chacune d’elles. À l’effet du possible mélange des termes, la Fédération de l’habitation coopérative du Canada (FHCC) met en garde de bien distinguer la gouvernance de la gestion. Pour y arriver, elle situe la ligne de partage par la distinction entre le rôle du conseil d’administration et le rôle des gestionnaires. (FHCC, 2004). Selon Dubé (2002), Carver, dans son ouvrage « Boards that Make a Difference : A New Desingn for Leadership in Nonprofit and Public Organizations », prend aussi soin de distinguer la gouvernance de la gestion. Selon son point de vue : « […] la gouvernance doit répondre à l’exercice de la gouverne dans l’organisation et donc, être réservée au conseil d’administration. En contrepartie, la gestion doit être réservée à la direction et correspondre à la réalisation de la mission par des programmes organisationnels » (Dubé, 2002, p. 27). En analysant ces deux approches, un point important se démarque : tous deux sous-entendent qu’il est du devoir du conseil d’administration d’assurer la bonne gouvernance. La FHCC (2004) l’affirme d’ailleurs sans détour en écrivant que « Le travail du conseil consiste à assurer la bonne gouvernance » (FHCC, 2004, p.8). Bien que cette affirmation aide à comprendre qui est le « principal acteur » de la gouvernance, nous croyons toutefois important de rappeler la dynamique particulière trouvée dans une organisation comme la coopérative puisqu’il n’est pas aussi automatique de différencier hermétiquement les membres du conseil d’administration des membres propriétaires. Aussi, insistons sur le fait que, même si les membres du conseil d’administration peuvent être les « principaux » acteurs de la bonne gouvernance, d’autres acteurs sont aussi responsables de la bonne gouvernance. La bonne gouvernance dans la coopérative ne peut être abordée sans tenir compte des liens qui unissent ses différentes parties prenantes, liens que nous expliquerons à l’aide du quadrilatère d’Henri Desroche (1976), lors de l’étude des acteurs de la gouvernance (membres, administrateurs, direction générale, employés). 1.3 Nos dimensions d’analyse de la gouvernance La coopérative de solidarité fait d’une part, l’objet d’une bipolarité – association / entreprise - et d’autre part, elle met en présence plusieurs parties prenantes. Sa gouvernance est fondée sur les prérogatives des différentes parties prenantes. Cette gouvernance met alors en exergue aussi bien
  • 27. 21 la participation de chacun des membres que l’établissement d’une structure équilibrée dans l’exercice et le contrôle du pouvoir à l’intérieur de l’organisation. Pour ce faire, notre étude se focalisera sur les principaux éléments de la gouvernance que nous avons retenus : 1- Pouvoirs et respect des champs des compétences 2- Transparence et communication 3- Leadership 4- Gestion démocratique 5- Éducation- formation 1.4 La gouvernance dans une coopérative de solidarité En nous référant au célèbre quadrilatère de Henri Desroche (1976), rappelons que la gestion démocratique des coopératives repose généralement sur une structure selon laquelle, l’Assemblée Générale des membres élit les administrateurs pour les représenter, les administrateurs engagent la direction générale à qui ils délèguent les responsabilités de gestion. Les gestionnaires embauchent les employés, qui à leur tour servent les membres. Ces règles démocratiques s’appliquent dans le respect de la démocratie, d'égalité, d'équité et de solidarité pour concilier au mieux les intérêts de toutes les parties prenantes. La dynamique dans la gestion et l’administration d’une coopérative de solidarité suppose à la fois un regroupement des intérêts autour de besoins et/ou d’aspirations communs, mais aussi, l’équilibre dans une relation d’usage avec des intérêts différents selon la catégorie d’appartenance du membre (membre travailleur, membre travailleur gestionnaire, membre administrateur, membre utilisateur, membre de soutien...). Ce double intérêt, à savoir « intérêts collectifs » et « intérêts individuels » dénote l’importance de clarifier d’une part les pouvoirs et droits et d’autre part les rôles et responsabilités de différentes parties prenantes dans un souci de compromis visant le dépassement des corporatismes pour faire primer l’intérêt collectif. La clarification des pouvoirs, rôles et responsabilités constitue en quelque sorte la base de la gouvernance au sein de la coopérative.
  • 28. 22 De nombreux écrits tels que nous les citons dans ce travail, précisent des notions de gouvernance, en plus de la loi sur les coopératives, qui décrit les pouvoirs, rôles et responsabilités des différentes parties prenantes d’une coopérative de solidarité. Cette description est souvent faite sous forme d’une liste d’actions à entreprendre ou d’actes à respecter. Aussi, pour mieux appréhender la pratique de la gouvernance dans la coopérative de solidarité en fonction des dimensions que nous avons dégagées plus haut, nous nous proposons d’utiliser une approche systémique. En effet, nous pensons qu’il serait plus pertinent de faire ressortir les relations des différentes prérogatives attribuées par la loi aux différentes parties prenantes de la coopérative de solidarité. La logique de notre étude de la gouvernance sera basée sur des interprétations des relations entre les différentes dimensions de la gouvernance que nous avons définies. Les termes centraux sont : le pouvoir, le contrôle, les rôles et responsabilités des parties prenantes, la communication, la gestion démocratique, le leadership ainsi que l’éducation et la formation. 1.4.1 Pouvoirs et respect des champs des compétences Avant de décrire les pouvoirs et les champs de compétences, rappelons quelques définitions. Qu’est-ce que le pouvoir? Le pouvoir peut être défini comme « la capacité dévolue à une autorité ou à une personne d'utiliser les moyens propres à exercer la compétence qui lui est attribuée soit par la Loi, soit par un mandat dit aussi "procuration" » (Braudo et Baumann, 1996-2007). Pour Marie-Claire Malo, le pouvoir dans une société de capitaux ou une organisation du tiers secteur (associations, coopératives et mutuelles) ne se réduit pas seulement à représenter les intérêts des actionnaires (shareholders), des membres ou des parties prenantes (stakeholders). Celui-ci est « délégué, au moins partiellement, à un ou plusieurs responsables ou gestionnaires » (Malo, 2003a, p.1). Se référant à la gouvernance, elle ajoute que : « […] qu’elle soit contrôle ou coordination, la gouvernance a trait au pouvoir sur l’organisation (ce qui implique jusqu’à la régulation par le marché ou par l’État), au pouvoir de l’organisation (ce qui implique jusqu’à l’autorégulation par la
  • 29. 23 hiérarchie ou l’association) et au pouvoir dans l’organisation (ce qui implique jusqu’à l’implication et la coopération des acteurs de la chaîne d’activités). » (Malo, 2003a, p. 1). La détention du pouvoir par de nombreux acteurs implique une multitude de « rapport sociaux » et de « dimensions institutionnelle et organisationnelle », dimensions qu’elle appelle pour simplifier : stratégie et structure. Aussi pouvons-nous affirmer sans risque de nous tromper qu’un mécanisme de coordination impliquant un mode de gestion particulier est donc essentiel pour arriver à orienter stratégiquement et structuralement tous ces acteurs en détention de pouvoir, comme le témoigne une des définitions de la gouvernance à savoir un « système qui départage à la fois l’exercice et le contrôle du pouvoir au sein d'une organisation. » (Schwab, 2007, p.2). Et le Bureau International du Travail de définir: « déléguer, c’est confier à un organe subordonné certains attributs, essentiels certes, du pouvoir, mais non pas ce pouvoir lui-même; c’est lui assigner une mission en lui laissant le choix des moyens, mais en conservant la responsabilité finale, tandis que les personnes investies d’une fonction doivent assumer leur responsabilité individuelle, et les membres des organes recevant délégation une responsabilité solidaire vis-à-vis de la source du pouvoir. Ce n’est pas de s’en remettre à d’autres, fusent-ils judicieusement choisis, du soin de penser et d’agir pour tous et de leur abandonner toute responsabilité. » (Bureau international du Travail, 1976, p.17). Le Bureau International du Travail ajoute que la délégation implique l’obligation : « de faire confiance, de définir clairement les objectifs, de laisser le choix des moyens dans des limites précises, d’accorder le temps convenable pour atteindre les objectifs, de contrôler l’exécution, de se faire rendre compte des résultats, de sanctionner éventuellement. » (Bureau international du Travail, 1976, p.17-18). Détenir un pouvoir, implique de facto une responsabilité vis-à-vis du mandant. On peut définir la responsabilité comme étant l’« obligation faite au titulaire d'une fonction de s'acquitter d'une tâche ou d'une catégorie de tâches, et de répondre de son exécution, à son supérieur ou à l'autorité compétente, suivant des critères établis et auxquels il a consenti » (Le grand dictionnaire terminologique, 2007).
  • 30. 24 Pouvoir et champs de compétences de l’assemblée générale des membres Le pouvoir des membres trouve toute son essence dans le deuxième principe coopératif à savoir le « pouvoir démocratique exercé par les membres » dont une partie de l’énoncé est « les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions […] » (ACI) (Orion, sans date) De ce fait, l’assemblée des membres, qu’elle soit annuelle ou extraordinaire constitue l’instance suprême et la plus représentative dans une coopérative. Toutefois, le pouvoir des membres est collégial. Pris individuellement, aucun membre n’a de pouvoir sur la coopérative. C’est l’assemblée des membres qui a des « pouvoirs qui ne s'exercent qu'en groupe donc en réunion d’instances démocratiques » (Bridault, sans date c). L’assemblée générale est alors un espace de débat, de consultation, de concertation, de prise de décision et de contrôle où chaque membre quelque soit sa catégorie participe à la vie de sa coopérative selon le principe de « un membre – un vote ». C’est le lieu privilégié d'exercice de la démocratie. La loi confère à l’assemblée des membres des pouvoirs exclusifs qui sont en lien avec l’existence même de la coopérative. C’est, en effet, le lieu où sont déterminés le règlement de régie interne et sont définies les grandes orientations de la coopérative. C’est là que se décide la dissolution de la coopérative ou sa fusion avec une autre, mais aussi de son adhésion à toute autre organisation intercoopérative. Elle se dote d’un organe représentatif, en l’occurrence le conseil d’administration, à qui elle donne mandat d’administrer la coopérative afin de répondre aux besoins des membres. En mandatant des administrateurs, la responsabilité des membres se trouve être limitée au paiement de leur part sociale, à l’utilisation des services fournis par la coopérative, la participation aux réunions et à d'autres activités de la coopérative. Toutefois, il importe de noter que les membres ont pour obligation de s’assurer que la coopérative prend la direction souhaitée. En cas d’écart, ils ont le devoir de communiquer des plaintes et / ou des suggestions au conseil
  • 31. 25 d'administration et à la direction générale. S’ils atteignent un certain pourcentage, les membres peuvent convoquer une assemblée extraordinaire selon les spécifications de la Loi et des règlements de la coopérative afin de débattre d’un sujet bien précis (art. 89, Loi sur les coopératives). Le pouvoir des membres étant collégial, tout manquement d’un membre face à ses responsabilités, peut entraîner sa suspension par le conseil d’administration. En effet comme le stipule l’article 60.1 de la Loi sur les coopératives, le conseil d’administration peut « […] si le règlement l'y autorise, suspendre le droit de vote d'un membre à une assemblée si, pendant les deux exercices financiers précédant cette assemblée: 1. il n'a pas fait affaire avec la coopérative; 2. il n’a pas fait affaire avec la coopérative pour la somme déterminée par règlement; 3. dans le cas d'une coopérative de travail, d'une coopérative de travailleurs actionnaire ou d'une coopérative de solidarité qui regroupe des membres travailleurs, il n'a pas effectué le nombre de jours de travail déterminé par règlement » (art. 60, Loi sur les coopératives). En approfondissant la logique de cet article de la Loi sur les coopératives, il importe de remarquer que sur une échelle de plusieurs années (sur 25-30 ans), la loi sur les coopératives évolue et transfert le plus de pouvoirs de l’assemblée générale vers le conseil d’administration. En effet, on peut noter qu’en fonction de l’animation d’une assemblée générale par les membres du conseil d’administration, celle-ci peut être très dynamique avec une forte participation ou à l’inverse, pratiquement inanimée. En recevant son mandat de l’assemblée générale, le conseil d’administration doit faire face à un certain nombre de responsabilités et devoirs, mais aussi acquérir des pouvoirs qui authentifient toute sa légitimité. Pouvoirs et champs des compétences du conseil d’administration Dans son article 91 la Loi sur les coopératives stipule que les « les administrateurs, dirigeants et autres représentants de la coopérative sont considérés comme des mandataires de la
  • 32. 26 coopérative ». Cet article de loi supporte le deuxième principe coopératif dont une partie de l’énoncé est « les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux […] ». (art. 91, Loi sur les coopératives). Ainsi, en plus du deuxième principe coopératif, les pouvoirs du conseil d’administration sont déterminés par deux autres sources à savoir la Loi sur les coopératives qui stipule en son article 89, que « le conseil d’administration a tous les pouvoirs pour administrer les affaires de la coopérative » et l’assemblée générale « qui peut, par règlement, déterminer parmi ces pouvoirs ceux que le conseil d’administration ne peut exercer qu’avec son autorisation » (art. 89, Loi sur les coopératives). Ayant reçu leur mandat suite à une élection, les administrateurs relèvent de l’assemblée générale et seuls les membres, réunis en assemblée générale ont le droit de les révoquer (art. 76 et 99, Loi sur les coopératives). Ils doivent donc agir en toute occasion avec prudence, diligence, honnêteté, loyauté tout en évitant les conflits d’intérêts (Côté et Saint-Martin, 1999). Cependant, bien qu'il soit mandaté par l’assemblée générale souveraine et qu’il soit tenu de lui rendre compte, la Loi sur les coopératives du Québec attribue plus de pouvoirs sur l'entreprise au conseil d'administration qu'à l'assemblée générale. Elle lui impose aussi des restrictions comme il est stipulé dans l’article 89, « le conseil d’administration ne peut emprunter, hypothéquer ou donner en garantie les biens de la coopérative sans y être autorisé par un règlement. » (art. 89, Loi sur les coopératives) Le conseil d'administration est élu, d’une part, pour « administrer » la partie entreprise de la coopérative, en s’assurant qu’elle soit bien gérée dans les intérêts de ses propriétaires mandants que sont les membres. D’autre part, il a pour mandat de bien « gérer » l'association des membres afin que fonctionnent les principes démocratiques. Pour Alain Bridault, « le conseil d'administration est ainsi le lien entre les deux structures de la coopérative, la structure de l'association des membres et la structure de l'entreprise. Élus en assemblée générale, les
  • 33. 27 administrateurs doivent, ensemble, veiller au bon fonctionnement de ces deux structures » (Bidault, sans date d). Aussi, à moins que les règlements de la coopérative indiquent le contraire, le conseil d’administration a l’obligation : « d’engager un directeur général ou un gérant; d’assurer la coopérative contre les risques; de désigner les personnes autorisées à signer tout contrat ou document; de rendre compte de son mandat; de présenter le rapport annuel; de faire des recommandations sur l’affectation des excédents; d’encourager l’éducation coopérative et l’intercoopération. » (Côté et Saint-Martin, 1999, p.53). Il décide et contrôle une grande partie d’activités relatives à la coopérative comme par exemple, transformer les grandes orientations et objectifs stratégiques adoptés par l’assemblée générale en objectif de gestion, décider des politiques de gestion des ressources humaines, des politiques de services aux membres, etc. Bien que chaque membre de la coopérative, quel que soit son groupe d’appartenance (travailleur, utilisateur ou membre de soutien), doit se préoccuper des activités relatives à la « double structure coopérative », c’est le conseil d’administration qui organise et gère la vie démocratique telles que la nomination des officiers, la convocation et l’organisation l’assemblée générale annuelle, la définition de mode de fonctionnement des instances, etc. Dans ses relations avec son environnement, le conseil d’administration représente la coopérative. Il définit les mandats et désigne les représentants de la coopérative auprès « d’organismes de développement de la communauté régionale (chambre de commerce, conseil régional de développement, conseil régional d’économie sociale, etc.) […] d’une organisation d’intercoopérative sectorielle (fédération ou regroupement) » ou auprès « d’une organisation intercoopérative intersectorielle (coopérative de développement régionale, conseil national ou provincial de la coopération) » (Bridault, sans date a, p.38). Pour bien mener son mandat, le conseil d’administration délègue lui aussi un certain nombre de ses pouvoirs et responsabilités relatifs à la gestion de la partie entreprise à un gestionnaire qu’il embauche. Il donne, donc mandat à son tour à une direction générale tout en conservant la responsabilité finale. Ainsi, même si la direction générale a été judicieusement choisie, le conseil
  • 34. 28 d’administration se doit d’effectuer des suivis et des contrôles, comme par exemple, « Faire le suivi de la volonté de l’Assemblée générale [;] Évaluer le niveau de satisfaction des membres [;] Adopter et contrôler le budget annuel de la coopérative [;] Adopter et contrôler l’application des politiques administratives [;] Faire le suivi des opérations de la coopérative » (Bridault, sans date a, p.37). Pouvoirs et champs des compétences de la direction générale La vie d’une coopérative implique la réalisation d'activités de gestion propres à toute entreprise pour lesquelles certaines habiletés sont nécessaires. Idéalement, les tâches de gestion sont attribuées à un directeur général ou un coordonnateur si le poste est prévu par le règlement de régie interne. Classiquement, le chef de la direction générale ou le coordonnateur d’une coopérative a les mêmes types de responsabilités et de pouvoirs que dans une société capitaliste traditionnelle, c'est-à-dire planifier, organiser, diriger et contrôler les activités de l'entreprise. La direction générale d’une coopérative de solidarité a pour obligation de la faire prospérer et de la développer. Elle se trouve ainsi confrontée aux mêmes enjeux et défis de gestion que celui de la direction générale d’une entreprise privée traditionnelle. La direction générale reçoit son mandat du conseil d’administration qui lui délègue un certain nombre de ses pouvoirs et responsabilités tel que stipulé par la Loi sur les coopératives dans son article 117 « […], le règlement peut autoriser le conseil d’administration à déterminer les pouvoirs et les devoirs des dirigeants qui ne sont pas administrateurs ». Ces pouvoirs sont souvent étendus. Ils sont définis dans les règlements et encadrés par les objectifs stratégiques et les politiques définis par le conseil d'administration en réunion. De ce fait, la direction générale se trouve alors être un mandataire de la coopérative comme le stipule l’article 91 de la Loi sur les coopératives, sans toutefois être administrateur (deuxième paragraphe de l’article 117 de la Loi sur les coopératives). Il importe de notifier que la coopérative est une entreprise ayant des besoins propres à cause de sa forme juridique qui allie entreprise et association. Aussi, comme le souligne Marie Claire Malo, « la direction générale doit jouer un rôle de médiateur à l’interface des structures d’association et d’entreprise en duo avec le Conseil d’administration » (Malo, 2003b, p. 84). La
  • 35. 29 coopérative de solidarité ne vise pas primordialement des gains monétaires pour les différentes catégories de membres. Elle focalise beaucoup plus sur la satisfaction des besoins de membres usagers, la qualité de vie au travail, la santé et sécurité, la pérennité de l'emploi pour les membres travailleurs, le développement de la collectivité pour les membres de soutien, etc. Aussi les décisions de gestion ont une incidence directe sur la maximisation de la relation d’usage et la satisfaction des membres. En général, « la direction générale a le pouvoir d'engager et de congédier les employés de l'entreprise et tout autre pouvoir qui lui serait dévolu par les dispositions des règlements de la coopérative ou selon les directives et politiques émises par le conseil d'administration » (Bridault, 1998, p.46). Conformément au mandat à lui confier, la direction générale, en plus de diriger les affaires courantes de la coopérative, joue un rôle stratégique en fournissant au conseil d’administration des informations importantes pour qu’il puisse accomplir correctement son rôle de mandataire. À ce titre et à la lumière d'attentes convenues, les responsabilités de la direction générale peuvent être résumées ainsi qu’il suit : - La direction générale est responsable de transformer les grandes politiques et les grands axes de planification arrêtés par le conseil d’administration en décisions de gestion courante pour la bonne marche de la coopérative. Elle est tout aussi responsable vis-à-vis des membres du conseil d’administration afin qu’ils n’interviennent pas dans la gestion des affaires courantes. - La direction générale est responsable, vis-à-vis des employés et des bénévoles (s’il y en), de mettre en place des politiques et des procédures efficaces en matière de recrutement, de formation, d’information et d’organisation structurelle et opérationnelle dans le but de renforcer leurs capacités à accomplir leurs tâches et à contribuer à la santé générale de la coopérative. - La direction générale a la responsabilité de veiller à ce que les risques auxquels la coopérative est exposée soient bien identifiés, que des politiques soient mises en place
  • 36. 30 pour amoindrir ces risques. Elle est tenue à ce que les administrateurs, les employés et les bénévoles soient informés de ces risques potentiels ainsi que des mesures prises pour les minimiser. - La direction générale a par ailleurs la responsabilité d’entretenir de bonnes relations de travail et sociales avec d’autres intervenants de la collectivité et de veiller à la bonne réputation de la coopérative dans son milieu (Hough, 2005). Pouvoirs et champs des compétences des employés Ni la Loi sur les coopératives, ni les principes coopératifs ne font mention des rôles et des responsabilités dévolus aux employés dans une coopérative. Mais il est aisé de penser que la gestion des employés dans une coopérative doit aller plus loin que celle d’une entreprise privée du fait de l’incidence du respect des valeurs coopératives. Dans une coopérative de solidarité, les employés peuvent être des membres. Ils ont alors les mêmes prérogatives que les membres non travailleurs. Ils sont propriétaires et ont les pouvoirs et compétences que leur confère la loi sur les coopératives en assemblée des membres. D’autre part qu’ils soient membres ou non, les employés de la coopérative de solidarité se réfèrent à la direction générale pour faire fonctionner la coopérative. Les employés membres et non membres travaillent dans un climat organisationnel qui respecte les principes et valeurs coopératifs. Les employés doivent être bien informés des activités de la coopérative et être en mesure de les expliquer à la fois aux membres et aux non - membres. C’est pourquoi ils doivent être considérés d’ailleurs comme des partenaires. Alain Bridault dit qu’ils sont « […] la principale interface entre le membre et la coopérative : - ils informent les membres sur les services offerts, voire même sur les fonctionnements et les particularités de la formule coopérative; - ils enregistrent leurs plaintes, leurs doléances ou leurs satisfactions à l’égard de ces services; - ils en informent leur supérieur hiérarchique » (Bridault, sans date d).
  • 37. 31 Au sein de la coopérative de solidarité, plusieurs acteurs œuvrent pour l’atteinte de sa mission, son développement et sa pérennité. Mettre en place un système formel qui réunit des conditions favorables à la réussite de la mission de la coopérative de solidarité suppose d’une part la clarification des pouvoirs et champs de compétences des différents acteurs en place. D’autre part, le système formel nécessite l’existence des mécanismes solides et fiables qui permettent la compréhension et l’exécution de ces pouvoirs. La question du partage des pouvoirs doit être posée sans arrêt afin d’entraîner des complémentarités entre les différentes parties ce qui évitera ainsi les dédoublements de tâches et de fonctions (Ouedraogo et al., 1997). Les dimensions de la gouvernance que nous avons dégagées à savoir la définition des pouvoirs et le respect des champs de compétences, la transparence et la communication, la gestion participative, le leadership, l’éducation et la formation doivent être pris dans un contexte global et de façon systémique pour ne pas porter préjudice à la pratique de la bonne gouvernance. C’est pourquoi, ayant définis les pouvoirs et les champs de compétences que nous estimons être la clé de voûte de la gouvernance, nous nous proposons d’étudier les autres composantes qui doivent se comporter comme les maillons d’une chaîne. Elles ne doivent pas être analysées isolément, car l’efficacité de l’une entraînera la réussite de l’autre. 1.4.2 Transparence et communication L’exercice des pouvoirs et l’accomplissement des responsabilités dévolus aux acteurs de la gouvernance nécessitent l’existence d’un système de communication efficace et fiable et de la transparence dans l’information. La transparence est définie comme la « qualité d'une organisation qui informe sur son fonctionnement, ses pratiques, ses intentions, ses objectifs et ses résultats. » (Le grand dictionnaire terminologique, 2007), mais aussi « […] ses possibilités, ses limites, les difficultés éprouvées, etc. » (Sauvé, 2001-2002). La transparence est liée à l’intégrité et touche tous les acteurs impliqués dans une organisation. On ne peut parler de transparence sans communication qui lui est intimement liée. La communication permet la réalisation de la transparence, car elle « est un facteur premier d’efficacité, un outil de discussion, de validation et d’enrichissement
  • 38. 32 constant des décisions et des actions ; elle contribue à créer peu à peu un climat de confiance entre les partenaires ; elle permet de construire progressivement une « culture » commune au sein du projet, une vision et une signification commune. » (Sauvé, 2001-2002). Dans la coopérative de solidarité, les mandataires doivent être informés pour rendre compte, donc informer à leur tour. Aussi, un bon système de communication est vital dans une coopérative où les mandats sont donnés à plusieurs niveaux. La communication doit se faire de façon verticale descendante lorsque le conseil d’administration reçoit son mandat des membres, la direction générale reçoit son mandat du conseil d’administration et enfin lorsque les employés reçoivent les directives. Cette communication doit être suffisamment transparente afin de permettre aux différents mandataires de mieux assimiler les rôles et responsabilités qui leur incombent. Elle doit se faire, aussi de façon ascendante. Les mandataires doivent rendre compte des mandats qu’ils ont reçus. Pour ce faire, ils doivent produire des informations fiables, rigoureuses, à jour et de façon régulière. Ces informations doivent être bien ciblées et contextualisées. Une communication transparente de l’information permet donc, aux membres d’avoir un accès à l’information pour prendre des décisions éclairées mais aussi, à long terme, de s’approprier certains enjeux de gestion auxquels font face les administrateurs et la direction générale. Du fait de leur proximité de la coopérative, les membres travailleurs, peuvent avoir accès plus facilement aux informations que les autres catégories. Pourtant, aucun membre ne doit être mieux informé qu'un autre car ils sont tous copropriétaires. Il importe alors de mettre en place un système de communication interne efficace et efficient qui permet à tous les membres d'être bien informés, d'être bien écoutés et, autant que possible d'être bien impliqués dans les prises de décisions importantes. Ce système favorisera le renforcement des liens de confiance entre le conseil d’administration et les autres types de membres de la coopérative, car la communication permet « […] entre autres, de comprendre la logique qui commande les gestes administratifs. » (Le grand dictionnaire terminologique, 2007) 3 . 3 Tiré de la définition de la transparence.
  • 39. 33 Concernant la gestion de l’entreprise, la direction générale et le conseil d’administration travaillent en équipe pour le renforcement et le développement de la coopérative. Aussi, le conseil d’administration doit être tenu au courant de l’évolution et de la santé de la coopérative en respectant les zones d’expertise de chacun. Il doit alors disposer d’informations significatives et de qualité qui concernent les grands axes stratégiques. Pour ce faire, la direction générale et le conseil d’administration déterminent ensemble des voies et moyens de communication formels comme les rapports, les procès-verbaux, les réunions du conseil d’administration ou des comités de gestion s’il en existe. Ils peuvent également convenir de moyens informels de communiquer toujours dans l’intérêt de la coopérative et de ses propriétaires. Concernant les employés, la communication transparente est au centre de tout le processus de gestion. Alain Bridault dit que les employés sont l’interface entre la coopérative et les membres. De facto, ils constituent une source importante de cueillette, mais aussi de transmission de l’information. De ce fait, la direction générale doit mettre en place en collaboration avec les employés des mécanismes permettant à ces derniers d’échanger entre eux (communication horizontale), mais aussi pour recueillir leurs opinions et suggestions (communication ascendante). La direction générale se doit aussi de mettre en place des outils formels de transmission d’informations envers les employés pour assurer leur efficacité dans l’exercice de leur fonction, comme les fiches de descriptions des taches, les évaluations des performances, les discussions – bilan, les réunions des employés, les journaux internes, les affichages, etc. La communication et la transparence ne se limitent pas uniquement au sein de la coopérative. La bonne gouvernance implique pour la coopérative le devoir d’informations vis-à-vis de son environnement, devoir, reconnu par le cinquième principe coopératif qui dit que les coopératives « […] informent le grand public, en particulier les jeunes et les dirigeants d'opinion, sur la nature et les avantages de la coopération. » (Orion, sans date). Partager l’information permet de conserver une structure des pouvoirs partagés et non une concentration des pouvoirs au niveau du conseil d’administration et/ou de la direction générale. La transparence des décisions du conseil d’administration est essentielle à une délégation dynamique et imputable des devoirs et responsabilités. Ainsi, la transparence de l’information
  • 40. 34 permet aux membres de s’engager dans la vie démocratique et de prendre leurs responsabilités de propriétaires, d’où la gestion démocratique qui est définie comme une « méthode de gestion faisant appel à la participation de la base. » (Le grand dictionnaire terminologique, 2007). Le bon fonctionnement coopératif dépend de la vigueur démocratique de ses instances de décisions. Cette démocratie ne peut se vivre sans la présence de valeurs et de pratiques liées à la transparence et à la communication. 1.4.3 Gestion démocratique et/ou participative La gestion démocratique de la coopérative s’incarne à l’intérieur de deux principes. « Un membre, un vote » constitue le premier fondement. Le maintien du pouvoir démocratique des membres est l’autre principe. C’est l’idée que tous les membres possèdent les mêmes droits et une égale liberté de parole. Pour Gérard Perron, la participation « se manifeste par un ensemble de moyens et de méthodes permettant à l’employé d’être informé sur l’évolution de l’entreprise, d’être consulté et mobilisé lors de la prise de décision » (Perron, 2002, p .35). La participation va plus loin que la simple implication des employés seulement. Nicole Giroux et Véronique Fenocchi définissent la participation comme « un échange multidimensionnel qui relie entre eux les membres de cette collectivité » (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p.61); cette collectivité étant une organisation d’individus en interaction. Pour ces mêmes auteures, « […] la participation est un phénomène complexe et les personnes concernées peuvent avoir des visions et des motivations fort différentes dont il faut tenir compte dans l’élaboration de mécanismes de participation. » (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p.60). Cette assertion trouve toute son importance dans une coopérative de solidarité où la relation d’usage des membres est multiple, les besoins à satisfaire sont différents et parfois même divergents (membre utilisateur qui veut un service à moindre coût versus membre travailleur qui souhaite de meilleures conditions de travail). Les acteurs de la gouvernance de la coopérative de solidarité sont multiples et prennent part à la propriété, au pouvoir et au capital. Nicole Giroux et Véronique Fenocchi ont dégagé trois (3) dimensions quant à la participation, à savoir une dimension économique, une dimension politique et une dimension sociale. Nous retiendrons deux dimensions qui nous semblent pertinentes dans une
  • 41. 35 coopérative de solidarité : la dimension sociale qui a trait à la participation à la vie de l’association et la dimension politique relative à la participation à la prise des décisions. De façon générale, l’on s’intéresse beaucoup plus à la participation des membres dans une coopérative. Pour une étude fiable de la participation, il est fort intéressant de s’attarder sur tous les acteurs de la gouvernance. Pour les membres, la participation est importante en ce sens qu’elle leurs permet d’une part d’atteindre leur but et d’autre part de favoriser le développement de leur coopérative. L’égalité étant consacrée par la loi, elle doit être réaffirmée lors des assemblées générales afin que tous les membres prennent conscience de leur capacité d’influence. C’est l’occasion pour eux de développer leur sens de responsabilité et de s’impliquer davantage dans la vie de leur coopérative, donc s’investir réellement dans leur entreprise collective. Pour ce faire, chaque membre doit « […] être convaincu de la réciprocité de la participation des autres membres, avoir confiance en sa propre valeur et dans la volonté des autres membres […], ce qui suppose une grande maturité individuelle et collective. » (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p.68). Pour Alain Bridault, la participation n’est pas « […] seulement d'élire les membres du conseil d'administration. Il s'agit également de participer soi-même à la prise de décisions en assemblée générale Il s'agit souvent de s'exprimer publiquement, devant les autres, pour affirmer son opinion, pour défendre ses intérêts et ceux des autres membres. Il s'agit aussi d'accepter de se faire élire à son tour au conseil d'administration et de prendre la responsabilité de décider de l'avenir de la coopérative en réunion de conseil. » (Bridault, sans date f). En recevant leur mandat, le conseil d’administration et la direction générale participent de plein droit à l’administration, à la gestion de la vie associative et de l’entreprise coopérative. Il faut cependant l’ « existence d’un contrepoids réel et fonctionnel permettant de maintenir l’équilibre entre l’autonomie nécessaire de la direction et l’imputabilité incontestable des administrateurs et entre l’association et l’entreprise » (Schwab, 2007, p. 16 ). Le conseil d’administration et la direction générale sont les initiateurs de systèmes de participation dans la coopérative. Il serait hasardeux pour eux de penser que comme ils évoluent dans une coopérative, la participation est une évidence. La participation constitue un véritable défi et elle est tout un processus. Il incombe aux mandataires de s’assurer que tous les acteurs de la coopérative maîtrisent les règles et les
  • 42. 36 mécanismes de la participation et de mettre en place un système formel qui permet la participation. Comme nous l’avons déjà souligné, il y a deux catégories d’employés dans une coopérative de solidarité. Qu’ils soient membres ou non, la participation en tant qu’employés ne diffère pas. La participation des employés se situe surtout au niveau de la structure entrepreunariale de la coopérative. Les employés interviennent à des degrés, peut-être différents, au niveau stratégique, organisationnel et opérationnel. Stratégiquement, la direction générale est consciente de « […] l’information que possèdent ses employés et les consulte avant de mettre au point ses stratégies avec le conseil d’administration. » (Perron, 2002, p. 61). Au niveau organisationnel, les décisions et objectifs sont pris après consultation et information des employés. Gérard Perron dira que c’est au niveau opérationnel que commence la gestion participative. C’est le niveau que contrôlent les employés et que « c’est à ce niveau que l’information, la consultation et la mobilisation prennent tout leur sens ». (Perron, 2002, p. 62). Finalement, la participation des employés « […] permet le partage des responsabilités, et permet […] « non seulement d’améliorer la qualité des décisions, mais en facilite l’exécution ». (Giroux et Fenocchi, 1994- 1995, p. 68). La participation requiert pour les mandataires des compétences spécifiques et surtout un style de gestion, car « le désir de conserver le pouvoir ou la crainte de perdre des avantages liés » [à une position hiérarchique] « sont des obstacles importants ». (Giroux et Fenocchi, 1994-1995, p. 69). Cette assertion s’avère véridique, car en préfaçant le livre de Gérard Perron sur la gestion participative, Claude Béland dira : « il ne saurait y avoir de gestion participative sans leadership, sans ce « grand vent » qui canalise les énergies et regroupe les forces autour d’un projet commun » (Perron, 2002, préface). 1.4.4 Leadership La question du leadership trouve son importance dans l’émergence, le développement et la pérennité des coopératives. Selon l’Équipe Perspective Monde le leadership se définit comme « la capacité d'un individu à mener ou conduire d'autres individus ou organisations dans le but
  • 43. 37 d'atteindre certains objectifs. On dira alors qu'un leader est quelqu'un qui est capable de guider, d'influencer et d'inspirer.» (Équipe Perspective Monde, sans date). Le leadership peut prendre plusieurs formes, se manifester de différentes façons, suivant la nature des équipes et la personnalité des individus. Pour le besoin de notre étude, nous nous intéresserons surtout au style démocratique du leadership. Le conseil d’administration ou la direction générale, pratiquant le style démocratique a confiance dans ses collaborateurs. La consultation est un processus permanent et l’intérêt pour l’aspect humain se démarque des tâches, il privilégie l’écoute, la participation, l’aide. Ce type de leadership s’apparente beaucoup au style collégial où les compétences, aptitudes, idées et intérêts de tous les collaborateurs sont pris en considération (Bergeron, 2006). Dans une coopérative de solidarité, l'importance du leadership et « l'habilité dans la gouvernance » sont des éléments essentiels. La direction générale est en relation d’une part avec le conseil d’administration qui la mandate, d’autre part avec des employés (membres travailleurs ou non) et des bénévoles s’il en existe. La direction générale a le défi de conduire et de faire prospérer une entreprise complexifiée de par sa nature juridique et ses principes de bases. Pour ce faire, en plus d’avoir un leadership de compétence, le gestionnaire doit être un leader transformationnel qui reconnaît les besoins de ses collaborateurs et qui souhaite également les amener vers des niveaux supérieurs de développement. Ce type de leader élargit l’horizon et les objectifs de ses collaborateurs. Il leur donne la confiance nécessaire afin qu’ils puissent se dépasser et croit en leurs capacités. Il faut pour exercer ce leadership faire preuve de charisme, d’inspiration, de stimulation intellectuelle et être attentif aux besoins de chacun. (Schermerhorn, 1994). « Comme le DG et CA doivent travailler en équipe au renforcement de l’organisation, il est fondamental de renforcer les capacités du CA pour permettre une contribution significative et soutenue des administrateurs » (Schwab, 2007, p. 7). Pour ce faire, ils devront développer ce que Desforges, Levesque et Tremblay appellent le leadership coopératif qui présente « […] des caractéristiques particulières » (Desforges et al., 1979, p.12) en ce sens qu’il faut « que le groupe réunisse les qualités et les compétences de ce qu’on pourrait appeler un animateur-