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SOCIÉTÉ
CULTURE
» suite page 4
Trois cents jeunes
célèbrent la journée
internationale de la
jeunesse
par Stéphanie Balmir
Zoukoutap :
Pour aider les
Haïtiens à aller dans
la bonne direction
Par Schultz Laurent Jr
Et commence le
décompte des votes
HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Les imprimeurs haïtiens
piégés par le Pnudpar Noclès Débreus
MERCREDI 12 AOÛT 2015 NUMÉRO 59
WWW.LENATIONAL.HT
QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI
ACTUALITÉ
HAÏTI / ÉLECTIONS / IMPRESSIONS DES BULLETINS
Le directeur exécutif du CEP, Mosler Georges (au milieu de la salle), lors d’une visite d’inspection au Centre de tabulation, 12
août 2015. / Photo : J. J. Augustin
Alors que le contrat d’impression des bulletins pour le premier tour des législatives du
9 août a été octroyé de gré à gré à une compagnie basée à Dubaï aux Émirats Arabes
Unis, un appel d’offres assorti de rares conditionnalités et spécificités a été lancé
pour les prochains tours des élections. Pourtant, la qualité de l’impression, les failles
constatées dans les bulletins de Dubaï sont remises en cause par beaucoup d’électeurs
avisés et surtout par des spécialistes en la matière qui se sont rendus aux urnes le
dimanche 9 août 2015, à double dessein. Cela donne un peu de grain à moudre aux
responsables d’imprimeries en Haïti qui croient dur comme fer que les imprimeries
haïtiennes auraient fourni un travail de meilleure qualité avec un coût complètement
et nettement inférieur à celui déboursé pour Dubaï.
Un accroc aux normes
démocratiques
par Gary VICTOR
2 | N0
59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
TRIBUNE
S
i les héros de 1804,
accompagnés des oligarchies
d’Haïti et des couches
urbaines, rêvaient de
s’autonomiser vis-à-vis des puissances
impériales, sur quelles forces sociales
comptaient-ils pour affronter leurs
ennemis ? Écoutons les pères de
l’historiographie nationale, Madiou
et Ardouin, nous parler des ouvriers
insurgés :
« Ils (les marrons) combattaient,
comme en Afrique, divisés
par tribus, précédés de leurs
sorciers et des emblèmes de leurs
superstitions ; leurs principaux
chefs, après Sans Souci, Petit
Noël Prière (sic), Jacques Tellier,
Cagnel, Jasmin, Mavougou,
Vamalheureux, Labruni,
Cacapoule, étaient tous ennemis
prononcés de Christophe, et
même de Dessalines, auxquels ils
reprochaient de grandes cruautés
exercées sur eux, au nom des
Français. Leur plan était de
chasser les Blancs, de détruire
les principaux officiers des
troupes coloniales, et d’établir le
système africain, contraire à toute
civilisation. » (Madiou, II, 1847 :
322.)
Quelques années plus tard,
Ardouin, sans fard, justifie la
purge de ces leaders :
« Il fallut les soumettre (les chefs
marrons) par la force ou se défaire
de quelques-uns, parce que chacun
d’eux représentait en quelque
sorte une tribu africaine, et ne
pensait à organiser l’insurrection
que sous cet aspect barbare. »
(Ardouin, 5, 1854 : 262.)
La vérité est que les classes
urbaines d’Haïti, les victimes
de 1804 (Casimir, 2009 : 205),
n’ont jamais pu se séparer des
métropoles internationales et
des projets de civilisation qui
les ont vues naître. Elles se sont
toujours senties plus proches de
l’étranger, leur créateur, que de
leurs procréatrices, africaines et
cultivatrices... Faut-il rappeler que
ces barbares de nouveaux libres
– environ 90 % de la population
– sont accusés d’un prétendu
projet de massacre, tandis que
Napoléon exécute sa politique
d’extermination en Guadeloupe et
commence à la mettre en pratique
à Saint-Domingue ?
Faut-il rappeler de même que
Louis XVIII, sous la Restauration,
obtient des Anglais un moratoire
à propos de la prohibition du
commerce des Noirs, parce qu’il
compte vider et repeupler son
ancienne colonie ? Et les barbares,
ce sont les Africains, aux yeux de
nos oligarchies et de nos classes
moyennes !
Le rôle joué par ces deux strates
dans l’histoire des Haïtiens se
comprend mieux si on les définit
comme des classes intermédiaires
qui ne peuvent pas se passer de
leur métropole. Au XIXe siècle,
ces intermédiaires se débattent
comme des diables dans un
bénitier, pour ne pas couper les
ponts avec la France.
Incapables d’empêcher 1804 ou
l’établissement de la République
de Goman, ils s’efforcent de rouvrir
les portes du pays et de récupérer
leur prééminence de 1823 à 1843.
Ils échouent lamentablement, et
Acaau parfait l’œuvre de Goman.
Ces classes urbaines récidivent en
1860. Elles se nourrissent d’un
bonheur vivrier (Manigat) dont
elles méprisent la genèse, tandis
que Salnave tente de remettre les
pendules à l’heure. Entre-temps,
la France consolide son pouvoir
en Algérie et dans le reste de
l’Afrique, la Belgique s’installe
au Congo, l’Angleterre n’autorise
plus le soleil à se coucher sur
ses possessions, et les États-Unis
arrondissent leurs frontières.
Les classes urbaines d’Haïti jurent
de s’être défait de leurs tares
africaines et d’avoir perdu toute
affinité avec la population rurale
(Hoffman, 1990). Ce reniement
leur vaudrait, dans leur illusion,
une place privilégiée dans le
concert des nations civilisées et
établirait leur aptitude à gouverner
la République.
Incapables de s’imposer et
d’imposer de telles prétentions
aux couches rurales en train de
négocier de meilleures conditions
de vie, les intermédiaires urbains
applaudissent au débarquement
des Marines des États-Unis. Le
Dr Rosalvo Bobo, pourtant le plus
radical des opposants aux États-
Uniens, laisse à la postérité cette
triste phrase :
« (…) notre petit habitat est une
injure pour le Nouveau Monde,
étant le seul [...] à offrir encore
asile à l’Afrique, c’est-à-dire au
crime, à l’enténèbrement, à la
barbarie. » (Hoffman, 1990 : 11.)
Il ne fait aucun doute que la
participation des intermédiaires
au maintien de l’ordre promu
par l’Occident capitaliste
demeure invariable. En 1802,
lors du débarquement de l’armée
expéditionnaire de Leclerc, ils
aident décidément à l’élimination
des leaders marrons et au
rétablissement de la souveraineté
française sur l’île.
En 1915, ils prêtent main-forte à
l’élimination des Cacos et ornent
la poitrine des assassins de Péralte
des plus hautes décorations de la
République. Malheureusement,
les mêmes causes produisent les
mêmes effets, et W. Wilson et les
autres présidents des États-Unis
refont à ces bons serviteurs, à
quelques nuances près, le coup
de Napoléon à ceux qui rejoignent
son armée expéditionnaire.
Tout comme Toussaint, les
couches d’intermédiaires urbains
rêvent d’une nation chrétienne,
d’une famille nucléaire,
d’un système de plantations
florissant ou d’entreprises
semblables desservant le marché
international, au lieu de diriger
leur sollicitude vers les besoins
de la population locale.
Comme le Précurseur qui promeut
ou au moins ferme les yeux sur
la tuerie des bandes de marrons,
au XXe siècle, elles applaudissent
au massacre des Cacos par
la Gendarmerie d’Haïti et les
Marines, ou se taisent face aux
déportations des viejos de Cuba,
et au massacre des braceros par
Rafael Léonidas Trujillo.
Finalement, grâce aux Marines
américains, elles voient enfin
poindre le règne des lois qu’elles
ont votées sous Boyer et Geffrard,
relatives à la superstition et à la
corvée, et, dans l’ensemble, elles
applaudissent la persécution
religieuse déclenchée par les
fondamentalistes chrétiens des
années quarante.
Le piston qui fait marcher la
machine
Il est peut-être utile de dénoncer et
de blâmer les grandes puissances
qui défendent leurs intérêts dans
le plus profond mépris des plus
faibles. Mais un Haïtien gagne
à savoir ce que défendent les
couches d’intermédiaires urbains
et leurs dirigeants, en obstruant,
depuis 1790, l’irruption du peuple
souverain dans la détermination
de son devenir.
Malgré leur précarité et la
modestie de leurs conditions de
vie, ces intermédiaires servent
les oligarchies et les métropoles
étrangères religieusement.
Ils ne se demandent même pas
si leur précarité ne vient pas
justement de leur servilité. Ma
vieille tante avait coutume de dire
: « Bon valèt, se nan sann cho sa
dòmi. »
Il est plus facile de s’adresser à ces
classes moyennes qu’aux grands
empires. Le pays est dirigé par
ces intermédiaires qui adorent
Haïti mais méprisent, et même
détestent les Haïtiens. Pétion
et ses collaborateurs initient
cette politique de mépris en
offrant d’acheter les terres de
Saint-Domingue aux colons, sans
jamais penser à les partager avec
la population qui s’est sacrifiée
pour conquérir l’Indépendance.
Telle est l’union qui, d’après les
intermédiaires, fait la force.
La Révolution haïtienne
considérée comme une victoire
sur l’armée française est une
Révolution d’affranchis, un
changement propulsé par la classe
des intermédiaires, responsable
avouée de l’ordre colonial, née
en gagnant sa vie au service de
l’empire français. Perçue comme
un changement structurel,
elle est mise en œuvre par les
captifs réduits en esclavage qui
transforment souverainement
l’économie de plantation en une
économie villageoise, axée sur
la satisfaction des besoins de la
population travailleuse locale.
Les problèmes de la France
esclavagiste en 1790 ne diffèrent
pas de ceux des États-Unis en
1915 et de leurs alliés en 2015.
Ils occupent le territoire, mais ne
peuvent pas modifier la pensée
et la façon de penser de ses
habitants. Soit parce que, lors,
la presque totalité des habitants
comprend des Bossales et des
captifs à peine créolisés, soit
parce que, aujourd’hui, cette
majorité écrasante demeure
paysanne et illettrée. En face
de cette masse d’Haïtiens, la
minorité d’intermédiaires évolue
pitoyablement sous le patronage
des métropoles de l’heure.
Avant 1804, les intermédiaires se
battent aux côtés de Leclerc et ne
changent de camp qu’à la dernière
minute. Durant ces troubles, le
capital français, sans excepter
celui des colons de couleur,
s’expatrie et s’établit dans les
territoires où il peut fructifier
en toute tranquillité (suivez
mon regard). L’indépendance
consommée, Haïti se trouve sans
capitalistes, gouvernée par un
ensemble d’intermédiaires issus
de la maréchaussée et de la milice
coloniale, c’est-à-dire des couches
les plus médiocres.
Ce sont ces intermédiaires sans
expérience d’entrepreneurs
capitalistes, sans capitaux,
sans connaissances techniques
nécessaires qui accaparent la
propriété foncière au XIXe siècle
et se mettent en tête d’inviter le
capitalisme à s’établir et de faire
renaître les plantations coloniales.
Pour asseoir leur prééminence et
préparer l’accueil de la grande
culture, il leur faut construire
la sauvagerie des nouveaux
libres ou cultivateurs, utilisant
le seul instrument à leur portée
: l’appareil juridique du pays.
Vu leur médiocrité dans l’art de
la gestion privée ou publique,
ils deviennent chaque jour
plus sévères avec nos pauvres
descendants de Bossales.
1915 et le besoin d'occupationPar Jean Casimir (Deuxième Partie)
MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0
59 | 3
ACTUALITÉ
Les « bonnes » notes !
On devrait être étonné, mais on ne l’est généralement pas, d’entendre dans une
conversationquelqu’un,pourtanttrèséduqué,dire,pourjustifierlanormalitéou
l’anormalitéd’unesituation:«L’ambassadeaméricaineavaitditcecioucela.»Ou
bienencore:«C’estleBlancquiavaittoutplanifiéetquicontinueàtoutorchestrer
»,commesionacceptait,dansunpaysquisetargued’avoirdéfaitlessoldatsd’élite
deNapoléon,quel’étrangeraitnaturellementledroitdedéciderdenotreprésent
etdenotrefutur.
Pourtant, à ce stade de notre vie de peuple, nous devrions être prudents. Nous
n’avons pas d’amis. Les États n’ont pas d’amis. Les organisations internationales
n’ontpasd’amis.Quandilsontdécidépournous,avecceuxquisontàleursolde,
ilsontdétruitlepeuquenousavionscommeproductionnationaleavec,enprime,
toutcequenousavionsquipouvaitnouspermettredevivrelatêtehaute.
Certains,trèsréalistes,nousdirontqu’ilfautfaireavec,carmêmelablancheHellène,
quiadonnésongénieàl’Europe,humiliée,adûrentrersaqueueentrelesjambes,
enacceptantlesconditionsassassinesdesmaîtresdumonde.
Aujourd’hui,alorsquelesHaïtiensconstatentcommentlajournéeélectoraledu9
aoûtaétéperturbéeparlaviolence,l’intimidationetlesmanœuvresgénéralisées
defraude-cequedénoncentaussidemultiplesorganisationsdelasociétécivile
etdespartispolitiques-l’OEA,l’Unioneuropéenne,presséessansdoutedepasser
àuneautrephasedeleuragendaetsansrespectpourlepeuplehaïtien,donnent
unebonnenoteauConseilélectoralprovisoire.
Lacommunautéinternationaleet lesbénéficiairesdecettehonteusejournéesont
auxanges!
Douloureuseréminiscencepourlepeuplehaïtien.
Maisilfaut,endépitdetout,encoreetencore,chercherlaportedesortie.Noussom-
mesenpleindanscesétrangesscénariioùlesprotagonistesreviventconstamment
lesmêmesévènements.Pours’extrairedupiège,ilfautjustementêtrecapabledese
rendrecomptequ’onvitlesmêmeschoses.Lapopulationafaitpreuved’uncalmeet
d’unesagesseexemplaires,alorsquelaviolenceétaitorganiséeparlestraditionnels
faiseursde«chefs».Peut-êtrequ’ellen’estpasaussiamorphequ’onaimeraitbien
qu’ellesoit.Elleacomprisetelleattend.
Ondevraitfaireattention!Trèsattention!
Gary VICTOR
Édito
C
es nouvelles propositions,
expliqueMirlandeH.Manigat,
viennent grossir la liste déjà
publiée le 7 avril dernier, peu
avant le retrait de sa candidature à
la présidence d’Haïti le 6 mai 2015,
dans laquelle elle avait proposé
comme solution de sortie de crise, la
démission du président Martelly, et la
formation sur une base consensuelle
d’un gouvernement provisoire.
Un gouvernement qui aurait pour
mission principale, de convoquer
une assemblée constituante pour
statuer sur les problèmes posés par
la constitution en vigueur et ensuite
réaliser calmement les élections,
avec un nouveau Conseil électoral
provisoire.
Ce CEP qu’elle désigne comme
étant une institution sans aucune
assise constitutionnelle, fonctionne,
selon elle, sur la base d’un
consensus boiteux et d’une carence
de professionnalisme. Comme
solution à toutes les irrégularités
enregistrées lors de ce premier tour
des législatives, elle a de nouveau
proposé le remplacement de l’actuel
CEP par un autre jouissant de la
crédibilité de la nation, ainsi que la
reprise de la journée électorale qui,
selon-elle, a été perturbée dans tous
les 10 départements du pays.
« Cette fois-ci, cela ne passera pas »,
a riposté la professeure qui, dans ces
déclarations, dit être convaincue que
cette journée électorale a été planifiée
par le gouvernement en place et ses
collaborateurs. « Quelle idée ont-ils de
la nation haïtienne ? Comment osent-
ils déclarer que cette supercherie a
été l’expression légitime de la volonté
populaire ? », s’est indignée la
candidate malheureuse des élections
présidentielles de 2011. Madame
Manigat fustige le comportement
des autorités haïtiennes et celui
des observateurs de la communauté
internationale.
Réussite ou catastrophe ?
Alors que, d’un côté, les dirigeants
haïtiens se disent globalement
satisfaits et que la communauté
internationale accorde des notes
satisfaisantes, de l’autre côté, le
RDNP, par la voix de sa secrétaire
générale, Mirlande H. Manigat,
résume la journée du 9 août à une
mascarade.
Dans ses propos, elle avance trois
facteurs qui, selon elle, sont sans
aucun doute à la base des résultats
catastrophiques de cette journée
qu’elle qualifie de lamentable.
Il s’agit de l’incompétence, de
l’impartialité et du manque de
préparation du conseil chargé
d’organiser ces scrutins. Aussi
dénonce-t-elle l’attitude des autorités
électorales qui, peu de temps après
le scrutin, a assommé la population
de chiffres trop nombreux, non
identiques et douteux. La violence
déclenchée de manière sporadique
sur tout le territoire national, dans le
but de dissuader les électeurs et créer
un climat de méfiance et de peur, est
tout aussi dénoncée par la secrétaire.
Elle a aussi révélé un sabotage
planifié, concernant le favoritisme
de quelques mandataires des partis
politiques proches du pouvoir en
place. Par ailleurs, la secrétaire
générale a souligné des irrégularités
relatives aux bureaux de vote qui ont
fonctionné sans listes de votants ou
du moins avec des listes incomplètes.
L’arrivée tardive des matériels, ainsi
que l’observation tortueuse de la
journée électorale, sont, dit-elle,
des facteurs secondaires qui ont,
eux aussi, participé à l’échec de la
journée.
Le numéro un du RDNP confie
qu’elle est totalement désolée que
les faits lui aient donné raison.
Des faits, confirme-t-elle, qui
prouvent enfin que ce que la
population attendait du CEP n’ont
pas été du tout au rendez-vous.
Alors que le peuple haïtien espérait
voir l’impartialité, l’intégrité des
membres du CEP, et faire confiance
au processus électoral, c’est en
revanche, le copinage, les soupçons,
et une panne de confiance qui se sont
révélés a indiqué l’ancienne élue du
département de l’ouest.
Toutefois, au nom des positions
morales et politiques qu’elle a
toujours assumé, Mirlande Manigat
et son parti invitent les citoyens, les
candidats et les autres dirigeants
de partis politiques, à se ressaisir
pour manifester à l’unisson leur
détermination de ne pas cautionner
cette honte, et lutter jusqu’à
l’annulation des élections, et la
démission du CEP.
Mirlande Manigat pour
l'annulation du scrutin
et le renvoi du CEP
par Évens REGIS
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
La secrétaire générale du Rassemblement des
démocrates nationaux progressistes (RDNP), Mirlande
H. Manigat, dans un point de presse, le mardi 11 août
2015, qualifie de mascarade et de catastrophe anti-
démocratique, la journée électorale du 9 août. À cet
effet, elle propose l’annulation des élections et la
démission de tous les membres du Conseil électoral
provisoire (CEP).
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LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A
4 | N0
59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
ACTUALITÉ
Les imprimeurs haïtiens
piégés par le Pnudpar Noclès Débreus
HAÏTI/ÉLECTIONS/IMPRESSIONSDESBULLETINS
» suite de la première page
A
près les critiques acerbes
essuyées en attribuant le
contratpourl’impressiondes
bulletinsàunefirmeàDubaï,
le Programme des Nations Unies pour
le développement (Pnud) donnait
l’apparence de vouloir se racheter en
lançant un appel d’offres en Juillet
dernier concernant les élections du
25 octobre et du 27 décembre 2015.
Cependant, selon une source proche
du secteur des imprimeries, cet appel
d’offres, quoi que public, est monté
contre les entreprises haïtiennes.
Se fondant sur les exigences faites
dans le cadre de cet appel d’offres,
l’informateur assimile le comporte-
ment de l’organisme onusien à une
sorte de complot manigancé pour
disqualifier les entreprises haïtiennes
dans cette opération de passation de
marché. Cet appel d’offres ne fait rien
d’autre que « jeter de la poudre aux
yeux », nous dit-il.
Toujours, selon la source, dans le
document d’appel d’offres, le Pnud
a fait des exigences auxquelles
il sait pertinemment qu’aucune
entreprise haïtienne ne peut y
répondre. Ces exigences qui sont
de différents ordres concernent
d’abord le niveau de sécurité se
rapportant à des détails futiles,
pour répéter la source, comme :
code-barres, micro-impression,
guilloche, impression d’encre
ultraviolet, numérotage des bul-
letins et caractères alphanuméri-
ques. Ces mesures de sécurité,
qui ne sont visibles qu’à la loupe,
sont le plus souvent utilisées dans
le cadre des papiers-chèques et
des papiers-monnaies. Haïti ne
dispose pas de ces normes de
sécurité, lesquelles n’ont pas été
exigées, ni respectées (au cas où
elles auraient été demandées de
gré à gré) dans le contrat octroyé
à Dubaï pour les bulletins du pre-
mier tour des législatives.
Outre les mesures de sécurité,
pour être éligible, le Pnud exige
un fonds de roulement net de 5
millions de dollars américains au
titre des cinq dernières années,
explique la source à partir du
document d’appel d’offres.
Dans cette même veine, une
garantie de soumission de 2 %
du montant de la soumission
est exigée et cela doit être fait
par chèque au nom du Pnud. En
plus de cette garantie demandée,
un autre fonds évalué à 10 % du
montant de la soumission est
réclamé par chèque certifié au nom
de l’organisme onusien comme
garantie de bonne exécution.
Il est également interdit à
l’entreprise gagnante de sous-
contracter une entreprise qui a été
soumissionnaire conformément
au point 18 dans le document
établissant l’admissibilité et les
qualifications du soumissionnaire
et l’obligation est aussi faite à toute
entreprise soumissionnaire de
mentionner ses sous-contractants
au moment même de déposer la
soumission. De surcroît, il est
demandé à l’entreprise de pouvoir
imprimer à la fois les bulletins,
les procès-verbaux ainsi que la
liste d’émargement, a informé la
source, précisant que même aux
États-Unis, il est quasi-impossible
de trouver une seule et même
entreprise dotée de machineries
capables de réaliser tous ces
éléments. Il dit voir ainsi dans
cet appel d’offres une structure
de blocages élaborés spécialement
contre les entreprises haïtiennes.
En dépit de toutes ces exigences,
au cas où l’entreprise (par ex.
haïtienne) remporterait l’appel
d’offres, aucune avance de fonds
ne lui sera attribuée jusqu’à
trente jours après la livraison des
matériels, a déploré l’interlocuteur
qui s’en est pris aussi à l’État
haïtien ainsi qu’au Conseil
électoral provisoire qui n’ont rien
fait pour protéger les intérêts des
entreprises nationales accordant
plutôt les coudées franches aux
« personnels du Pnud » dans le
cadre de ce dossier.
Les exigences sont tellement
nombreuses que beaucoup
d’entreprises se retrouvent dans
l’impossibilité de soumettre leurs
dossiers. Au lancement de l’appel
d’offres, pas moins d’une vingtaine
d’entreprises avaient manifesté
leur volonté à postuler, mais
seulement deux entreprises ont
pu soumettre normalement leurs
dossiers. Il s’agit d’une entreprise
haïtienne avec plusieurs sous-
contractants et « l’entreprise
anonyme » basée à Dubaï qui
avait eu le contrat d’impression
des bulletins pour les législatives
du 9 août 2015.
Et il semblerait que le Pnud se
serait penché en faveur de la
compagnie de Dubaï, explique
l’informateur. Car, dit-il, au
moment de soumettre les plis,
le chèque de la garantie de
soumission de la Compagnie de
Dubaï n’était pas dans le dossier.
Alors que la candidature de
cette entreprise aurait dû être
automatiquement rejetée pour
défaut de chèque, l’étonnement
de notre informateur a été encore
plus grand d’apprendre que « ce
chèque se trouvait déjà dans les
tiroirs du personnel du Pnud et
qu’une copie a été greffée dans
le dossier Dubaï », a précisé la
source qui qualifie de « viciée »
l’attitude de ces fonctionnaires du
Pnud.
L’impression des matériels pour
les prochains tours varient entre 5
à 6 millions de dollars américains,
a informé la source en énumérant
un tas d’avantages que pourra
bénéficier l’Etat haïtien au cas où
les bulletins seraient imprimés
en Haïti. En plus du coût qui
sera moindre, certaines erreurs,
comme celle enregistrée dans le
bulletin de vote pour le Sénat du
département du Sud où le visage
d’un même candidat figurait
sur deux partis avec deux noms
différents, pourraient être aussi
évitées. Car, dit-il, en 24 heures,
les imprimeurs haïtiens peuvent
reproduire la même quantité
de bulletins erronés, ce qui est
différent pour une entreprise
basée à l’autre bout du monde avec
trente heures de vol aller-retour et
avec, tous les coûts additionnels
y afférents.
Un bloc de bulletins utilisés lors des législatives du 9 août 2015. / Photo: Ruben
Chéry
MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0
59 | 5
ACTUALITÉ
Et commence le décompte des votespar Stephen Ralph Henri
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
» suite de la première page
L
e Centre de tabulation est déjà
au travail. « Nous avançons.
Nous commençons à recev-
oir les procès-verbaux depuis
dimanche soir », explique Widmack
Matador, directeur du Centre. Il a été
questionné par des journalistes du
National au cours de la journée du
11 août. Les procès-verbaux de 7
des 10 départements géographiques
du pays sont en train d’être préparés
pour être transmis au CTV, d’après les
explications de M. Matador qui pré-
cise que seules les données pour les
départements du Sud-Est, des Nippes
et pour une partie de l’Ouest sont déjà
arrivées au CTV.
Il n y a pas un délai pour finir avec
la réception des procès-verbaux des
suffrages, toutefois dans le présent
contexte, Widmack Matador souhaite
« que tous les procès-verbaux puis-
sent arriver d’ici cette semaine ». La
quantité de procès-verbaux attendue
avoisine les 27 000. Ils sont un total
de 800 opérateurs du Centre de tabu-
lation, répartis en deux groupes, tra-
vaillant matin et soir. Le Centre fonc-
tionne 24 h/ 24, d’après Widmack
Matador, qui assure que « tout fonc-
tionne très bien », qu’il n’y a aucun
problème et que tout est calme.
Bienvenue au CTV
Le Centre de tabulation est une
direction créée par l’article 171 du
décret électoral. Elle dépend de la
direction exécutive de l’institution.
En arrivant au Centre, en dehors
des divers gestes exécutés par ces
opérateurs, femmes et hommes, qui
portent tous des gilets rouges ou bien
bleus, c’est une forte chaleur qui
frappe les sens. Certains opérateurs,
visiblement assoupis, ont la tête pen-
chée sur leur table de travail. Les
ventilateurs de plafond n’apportent
aucun palliatif.
Le directeur du CTV reconnaît que la
température dépasse considérable-
ment la normale. « La chaleur est
certainement forte. » Néanmoins, il
estime que la forte sensation ressen-
tie est due au fait que ces élections
sont organisées à une époque plutôt,
estivale. Le CTV paraît être un lieu
fragile, dès la première barrière, les
agents de sécurité informent sur les
interdits. « Pas de stylo à l’encre noire
ou bleu, seuls ceux à l’encre rouge
sont admis », lance un agent de sécu-
rité, à l’endroit des journalistes du
National. « Pas de téléphone et pas
de caméra (sauf pour les journalistes)
», a-t-il ajouté.
Une fois à l’intérieur, la liste devient
encore plus longue. Sur une cloison
en bois, haut d’environ un mètre,
les images des objets prohibés sont
affichées clairement. Pas de boisson
alcoolisée, pas de nourriture, pas de
lunettes solaires, pas de sacs à dos,
ni de valises. Pour les fumeurs, la
cigarette y est interdite, et pour les
utilisateurs ou amants des gadgets
électroniques, les ordinateurs por-
tables, les tablettes, voire les sup-
ports de stockage amovibles, tels que
clés USB, sont également bannis. Les
armes blanches ou à feu sont égale-
ment prohibées.
La partition des opérations au CTV
est exécutée en cinq temps : d’abord,
la réception des procès-verbaux, des
votes dans des sacs scellés, contenant
également la feuille de comptage et
les procès-verbaux d’incidents puis
d’irrégularités, et la liste électorale
partielle (LEP). La numérisation et
l’inventaire informatique des procès-
verbaux de vote s’opèrent aussi à ce
stade. La deuxième mesure consiste
à vérifier l’authenticité des papiers
des procès-verbaux, pour s’assurer
que ce sont les documents fournis
par le CEP.
La conformité entre le procès-verbal
et son centre de vote de provenance,
les données inscrites en chiffres et
leurs expressions en lettres et les
ratures sont d’autres tâches, que
comporte ce deuxième niveau, appelé
contrôle visuel. Les opérateurs du
contrôle visuel peuvent transmettre
les procès-verbaux vers deux sec-
tions, celle des saisies ou bien du
contrôle légal. Les procès-verbaux
ne comportant aucune irrégularité,
conformément à l’article 171.1 du
décret qui stipule les conditions
d’irrecevabilité d’un procès-ver-
bal, sont dirigés vers la saisie. Les
procès-verbaux ayant des problèmes
sont transmis au contrôle légal, où
des avocats se chargent de vérifier
leur validité. Ainsi s’accomplit le
troisième temps. Les procès-verbaux
ne présentant aucun problème sont
insérés dans le système informatique.
Une comparaison des données entre
le procès-verbal physique et les don-
nées sauvegardées dans le système
informatique, dans l’objectif d’assurer
leur compatibilité, représente l’avant-
dernier temps, le quatrième, qui
précède l’archivage, l’ultime étape.
Cette chaîne est instituée pour
empêcher toute fraude, d’après le
directeur Matador. « La possibilité de
fraude dans les saisies est minime »,
explique-t-il à un candidat à la dépu-
tation, qui s’est rendu au Centre au
cours de la journée du 11 août.
Il souligne aussi à l’attention de ce
candidat que toutes les informations
qui ont été dans le système,
particulièrement celles utilisées dans
les dernières séances de formation
des opérateurs du Centre, ont été
effacées. « Une mise à zéro de la
base de données a été faite dimanche
soir (avant le début des opérations)
», assure le directeur du CTV à ce
candidat, qui se réfère à l’article 171
du décret électoral pour justifier sa
présence au Centre. Cet article du
décret, autorise les partis et les
groupements de partis politiques
ainsi que les candidats participant
aux scrutins à accéder au CTV.
Marc Wood Pierre, candidat à
la députation pour la troisième
circonscription de Port-au-Prince,
rencontré au CTV, a déclaré au
National être venu vérifier les
opérations de saisie de données au
CTV, « après toutes les irrégularités
enregistrées lors du vote ».
Les opérations de décompte des votes, pour les législatives du dimanche 9 août, ont commencé au Centre
de tabulation (CTV). Un peu plus de quarante-huit heures après la fermeture des bureaux de vote, seules des
données pour trois départements sont arrivées, dans cet espace truffé d’interdits et hanté par une forte chaleur.
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59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
ACTUALITÉ
Un accroc aux normes démocratiquespar Gary VICTOR
T
rois importantes organisations
de la société civile, le Réseau
national de défense des droits
humains (RNDDH), le Conseil
national d’observation (CNO) et le
Conseil haïtien des acteurs non éta-
tiques (Conhane) - qui ont observé
le déroulement du scrutin du 9
août 2015 en déployant sur le ter-
rain un total de 1 500 observateurs
présents dans tous les départements
géographiques du pays pour observer
le déroulement du vote, de l’ouverture
des centres de vote jusqu’à l’affichage
des résultats du dépouillement -, ont
conclu que le scrutin était un accroc
aux normes démocratiques.
Dans ce rapport rendu public ce
mardi 11 août, ces organisations
ont relevé de nombreuses
irrégularités. Elles ont signalé
que les observateurs électoraux
ont reçu tardivement leur
accréditation. Certains autres,
selon elles, n’ayant pas été
accrédités par le CEP, se sont
contentés de porter un maillot
avec l’inscription « Observation
Électorale » alors que des
institutions n’ayant rien à voir
avec l’observation électorale ont
été accréditées par le CEP. Ces «
observateurs » étaient en fait des
mandataires de partis politiques et
leur technique d’intervention était
simple, selon ces organisations
de la société civile : soudoyer les
votants.
Le rapport a aussi attiré l’attention
sur le fait que les mandats
distribués aux partis politiques
par le CEP étaient de couleurs
différentes. Certains auraient reçu
des mandats de couleur verte alors
que d’autres en auraient reçu de
couleur jaune.
Ce rapport a épinglé aussi le
CEP pour le fait qu’une grande
partie des bureaux de vote ont
commencé à fonctionner en
retard pour diverses raisons,
comme : des superviseurs arrivés
en retard dans les centres de
vote ; d’autres qui ne se seraient
pas présentés du tout sur leur
lieu d’affectation ; des matériels
envoyés dans des endroits autres
que leur lieu de destination ; des
listes de membres de bureau de
vote retenus et formés truquées
la veille du scrutin ; des matériels
sensibles non disponibles pour
le démarrage du processus. Autre
grave irrégularité signalée : des
centres de vote délocalisés à la
dernière heure. Pour ces mêmes
organisations, les matériels
utilisés pour ces élections,
comme les isoloirs, les urnes,
l’encre indélébile (cette dernière,
décidément très délébile), seraient
inadaptés.
L’espace physique des centres
de vote a intéressé aussi ces
organisations. Ce rapport rappelle
que le CEP a installé dans le
pays un nombre total de 1 508
centres de vote. Plusieurs d’entre
eux étaient placés dans des
établissements scolaires. D’autres,
dans des espaces de bureaux
publics ou dans des marchés
publics. Cependant, signalent ces
organisations, 37 centres de vote
étaient installés dans des maisons
privées.
Le rapport continue ainsi :
« Les locaux de nombreux
établissements scolaires utilisés
pour le scrutin sont exigus et
souvent mal éclairés. Dans
certains, il fait noir en plein jour,
portant les membres des bureaux
de vote à faire usage de leur lampe.
Des bureaux de vote étaient
juxtaposés dans une cacophonie
telle que l’électeur avait du
mal à identifier le bureau où il
devait voter. Conséquemment,
les centres et les bureaux de
vote, par leur organisation et par
leur fonctionnement, n’avaient
pas la capacité d’accueil en
vue de recevoir les électeurs et
leur permettre de voter dans la
dignité.»
Le rapport du Réseau national
de défense des droits humains
(RNDDH), du Conseil national
d’observation (CNO) et du Conseil
haïtien des acteurs non étatiques
(Conhane) a signalé de nombreux
cas de violences, d’agressions
et d’intimidations. Ainsi, à
l’ouverture même de certains
bureaux, c’est-à-dire tôt dans la
matinée, des individus armés ou
non, sont entrés dans ces centres
de vote, pour les saccager et
détruire les matériels de vote.
Dans au moins 50 % des centres
de vote, toujours selon ce rapport,
des actes d’intimidations, de
violences et de fraudes électorales
ont été enregistrés. Ils auraient été
perpétrés pour différentes raisons.
Dans certains cas, ce serait pour
que les urnes soient emportées ou
bourrées. Dans d’autres cas, ces
actes auraient été perpétrés dans
le dessein de perturber le vote
et de parvenir à l’annulation du
processus électoral, notamment
lorsque les partisans de certains
candidats se seraient rendu
compte qu’ils étaient sur le point
de perdre les élections.
Le rapport signale que les cas
de violence ont été commis
tôt dans la matinée, alors
que, habituellement, ils sont
enregistrés en fin d’après-midi ou
au moment de la fermeture des
bureaux de vote.
Ces organisations de la société
civile rapportent en outre que de
nombreux mandataires étaient
impliqués dans les cas de violences
électorales. « Ces derniers, en
fait, n’étaient pas présents pour
observer et défendre les intérêts
de leurs mandants. Ils avaient au
contraire pour mission de tout
mettre en œuvre en vue de voler
les élections. Dans de nombreux
cas, les mandataires ont aussi
bénéficié de la complaisance
des membres de bureaux de vote
qui leur ont permis de rester
dans les bureaux de vote, sans
identification, sans maillots. »
Le rapport continue : « Face aux
intimidations, aux menaces, aux
actes de violence perpétrés un
peu partout à travers le pays, la
passivité de la Police nationale
d’Haïti (PNH) était constante.
Dans les rares cas où l’institution
policière a été tenue d’agir, elle a
été sollicitée par la population.
Les agents de la PNH et les agents
de l’ASE, qui étaient chargés
d’assurer la sécurité du vote, n’ont
pas été à la hauteur de la tâche qui
leur avait était confiée. Souvent,
les cas de fraude et de violence
électorale susmentionnés ont été
réalisés en leur présence. »
En conclusion, le RNDDH, le
CNO et le Conhane écrivent : «
Le scrutin du 9 août 2015 était
entaché de graves irrégularités,
d’actes de violences et de fraudes.
Le CEP a tenu à tout prix à réaliser
des élections, sans tenir compte de
la qualité de celles-ci. Le résultat
est patent : le scrutin du 9 août
2015 s’est déroulé dans l’irrespect
total de la dignité humaine.
« Il est inconcevable qu’un
pays comme Haïti, qui se targue
de se battre pour l’État de droit
et la démocratie, réalise en ce
XXIe siècle des élections qui
constituent un accroc aux normes
démocratiques. Il est inadmissible
que la loi de la majorité soit
utilisée par les autorités pour
justifier l’échec cuisant enregistré
par l’organisation de ce scrutin.
Les erreurs commises le 9 août
2015 doivent être reconnues par
ceux-là qui sont aussi appelés à
organiser les élections à venir
dans le but d’améliorer ce qui doit
l’être. »
« De plus, il ne fait aucun doute
que le scrutin du 9 août 2015
soulève le problème de légitimité
des prochains représentants au
Parlement haïtien. C’est pourquoi
le RNDDH, le CNO et le CONHANE
invitent tous les acteurs impliqués,
à quelque niveau que ce soit, dans
le processus électoral, à ne pas
banaliser les faits enregistrés lors
de ce scrutin, et recommandent au
CEP de se méfier de tous ceux qui
lui affirment que tout s’est bien
passé. »
« L’organe électoral doit au
contraire tout mettre en œuvre
en vue de rectifier le tir lors des
prochaines élections. »
Une position complètement
différente de celle de la
communauté internationale qui
semble pressée de passer à l’étape
suivante de son agenda.
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
Édouard Paultre, responsable du Conhane. / Photo : J. J. Augustin
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59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
MONDE
Accord Turquie-USA sur une zone de sécurité en Syrie
Sources : Reuters
L
a Turquie et les Etats-Unis se
sont mis d’accord sur la créa-
tion d’une « zone de sécurité
» dans le nord de la Syrie, a
annoncé mardi le sous-secrétaire
d’Etat turc aux Affaires étrangères sur
la chaîne de télévision CNN Türk, une
nouvelle étape dans leur campagne
commune contre l’organisation Etat
islamique (EI).
En vertu de cet accord, les forces
turques et américaines bombar-
deront les djihadistes de l’Etat
islamique (EI) mais aussi les
combattants kurdes qui se trou-
veraient à l’intérieur de cette zone,
a précisé Feridun Sinirlioglu.
« Si le PYD (ndlr, Parti kurde de
l’union démocratique) ou Daech
pénètrent dans cette région, ils
seront frappés par la Turquie et
par les Etats-Unis », a-t-il dit.
Des combattants rebelles de
l’Armée syrienne libre (ASL)
seront chargés de patrouiller au
sol cette zone d’une centaine de
kilomètres de long sur 45 de large.
Des sources diplomatiques infor-
mées du projet ont déclaré que
la création de cette « zone de
sécurité » pourrait permettre
de couper l’une des voies
d’approvisionnement de l’EI dans
cette région.
Le noyau des rebelles entraînés par
l’armée américaine, qui compte
moins de 60 combattants, sera
lourdement équipé et en mesure
de faire appel à un soutien aérien
en cas de besoin, ont précisé ces
sources.
Fin juillet, Washington et Ankara
avaient annoncé leur intention
de repousser les djihadistes hors
d’une bande de terre sur une por-
tion de la frontière turco-syrienne.
Ces derniers jours, et avant même
la concrétisation de cette initiative
turco-américaine, l’Etat islamique
a accentué ces opérations dans
ce secteur situé au nord d’Alep,
notamment dans la ville de Marea,
à une vingtaine de kilomètres au
sud de la frontière avec la Turquie.
Lundi, le Front al Nosra, filiale
syrienne d’Al Qaïda, a annoncé
son retrait de ces zones.
L
a police a procédé à des
dizaines d’arrestations à Fergu-
son durant une nouvelle nuit
de confrontation malgré l’état
d’urgence instauré lundi dans cette
ville du Missouri, théâtre de violences
lors de l’anniversaire de la mort d’un
jeune Noir tué par un policier blanc.
Des centaines de manifestants
ont montré leur colère en jetant
des bouteilles et des pierres sur
les forces de l’ordre, souvent cas-
quées et protégées par des bou-
cliers transparents.
La police a riposté avec du gaz
poivre et en procédant à de nom-
breuses arrestations.
« Les policiers sont visés par des
pierres et des bouteilles. Nous
continuons de soutenir la liberté
d’expression, mais les agitateurs
qui ne répondent pas aux appels à
se disperser risquent d’être arrêtés
», a prévenu la police sur Twitter.
Les autorités ont décrété l’état
d’urgence lundi après-midi mais
n’ont pas instauré de couvre-feu
sur la ville.
Steve Stenger, le responsable
du comté de Saint Louis, où se
trouve Ferguson avait annoncé
que la police du comté prenait en
charge la gestion de la crise dans
la ville, pour tenter d’éviter les
dérapages et les maladresses qui
avaient contribué à jeter de l’huile
sur le feu l’année dernière et mené
à de violents affrontements.
Aucun chiffre précis du nombre
d’arrestations n’était disponible
en début de matinée.
Elles avaient commencé tôt dans
la soirée lorsque des manifestants
ont tenté de bloquer pacifique-
ment l’une des autoroutes de
la ville et ont été délogés par la
police.
Dimanche, après une journée de
manifestations, essentiellement
dans le calme, pour commémorer
la mort de Michael Brown, la ten-
sion était brutalement montée
après qu’un jeune Noir de 18 ans
a fait feu à plusieurs reprises sur
des policiers, qui ont riposté par
des tirs très nourris.
L’incident, qui n’avait rien à voir
avec les manifestations, s’était
produit après un affrontement
entre deux bandes rivales.
Tyrone Harris a été inculpé lundi
pour coups et blessures sur un
agent de police, agression à main
armée et pour avoir tiré sur un
véhicule motorisé, avant d’être
blessé par les trois policiers qui
ont répliqué.
Même si le contexte de cette fusil-
lade est très différent de l’incident
d’août 2014 et les émeutes qui
ont éclaté en novembre quand le
policier qui avait abattu Michael
Brown a été totalement blanchi
par des jurés, il n’en a pas moins
accru les tensions.
Rythme glacial des réformes
Elles restent très vives dans la ville
malgré les efforts faits par les auto-
rités pour tenter de restaurer un
lien plus serein entre les policiers
-- en très grande majorité blancs --
et la population qui dénonce leurs
incessantes brimades.
Le comportement scandaleux de
la police de Ferguson a été con-
firmé par un rapport accablant du
ministère de la Justice et depuis
le chef de la police et plusieurs
responsables de la ville ont depuis
démissionné ou été remplacés. Le
nouveau chef de la police est un
Noir.
D’autres cas de violences policières
gratuites envers des Noirs -- qui
ont coûté la vie à plusieurs d’entre
eux -- ont jeté la lumière sur des
méthodes et un état d’esprit des
milliers de services de polices
locaux aux Etats-Unis qui affec-
tent la communauté noire mais
sont souvent ignorés de la popula-
tion blanche.
Plus largement, elles ont crûment
illustré le fait que l’élection du
premier président Noir en 2008,
présentée comme le signe d’une
ère post-raciale, n’avait en fait
rien changé en profondeur.
Le président de la NAACP, plus
importante association de
défense des droits civiques des
Noirs américains, Cornell William
Brooks, a estimé dimanche que
les réformes législatives qui per-
mettraient d’obliger la police à
rendre plus de comptes et à mieux
former ses agents avançaient à un
rythme « glacial ».
Barack Obama a lui rejeté les cri-
tiques accusant le premier prési-
dent américain Noir de ne pas en
avoir assez fait pour lutter contre
le racisme, lors d’un entretien sur
la radio publique NPR.
« Je me sens pris d’une grande
urgence pour accomplir autant
que possible » avant de quitter
le pouvoir en janvier 2017, a-t-il
déclaré.
Des dizaines d'arrestations à Ferguson après
une nuit de confrontation
Sources : afp
Des policiers arrêtent un homme à Ferguson (Missouri) dans la nuit du 10 au 11 août
2015. / Photo : par Michael B. Thomas/AFP
Militaires turcs à la frontière avec la Syrie près du village d’Esme. La Turquie et les Etats-
Unis se sont mis d’accord sur la création d’une « zone de sécurité » dans le nord de la
Syrie, a annoncé le sous-secrétaire d’Etat turc aux Affaires étrangères. En vertu de cet
accord, les forces turques et américaines bombarderont les djihadistes de l’Etat islamique
(EI) mais aussi les combattants kurdes qui se trouveraient à l’intérieur de cette zone. /
Photo prise le 24 février 2015/REUTERS
ETATS-UNIS
MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0
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MONDE
Au moins 47 morts dans une explosion
sur un marché
Sources : AFP
A
umoins47personnesontété
tuées et une cinquantaine
blessées dans une explosion
mardi sur un marché dans le
nord-estduNigeria,fréquemmentvisé
par le groupe islamiste Boko Haram,
ont indiqué à l’AFP des témoins.
L’explosion a touché le marché
hebdomadaire du village de Sabon
Gari, situé à environ 135 km au sud de
Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno,
à une heure de grande affluence vers
13h15 (12h30 GMT), ont indiqué ces
sources.
« Nous avons reçu 47 cadavres et au
moins 50 (personnes) avec des blessures
transportées depuis le marché de Sabon
Gari où l’explosion a eu lieu cet après-
midi », a déclaré à l’AFP un infirmier à
l’hôpital général de Biu, à 50 kilomètres
de là.
Il a expliqué que les blessures étaient
pour la plupart « sérieuses » et que le
bilan pouvait encore s’alourdir.
« L’explosion a eu lieu à l’intérieur du
marché, dans la section téléphonie
mobile », a indiqué Said Yuram Bura,
membre d’un groupe d’autodéfense
combattant Boko Haram au côté de
l’armée.
L’engin explosif « était caché dans un
sac utilisé pour disperser des herbicides.
Il a été introduit dans le marché et
visiblement abandonné », a précisé M.
Bura.
L’explosion portait la marque de fabrique
de Boko Haram, selon des témoins, le
groupe islamique ayant par le passé
ciblé des stations de bus, des mosquées
et des églises au cours de l’insurrection
sanglante qu’il a menée depuis six ans.
« Des soldats ont été déployés sur place,
et le marché a été fermé », a expliqué à
l’AFP Samaila Biu, un marchand local.
« Suite à l’explosion, tout le monde a fui
par peur de nouvelles attaques. Toutefois,
des membres de groupes d’autodéfense
et des volontaires se sont rendus sur
place et ont pu évacuer les victimes »,
a-t-il poursuivi.
Plus de 800 morts en deux
mois
L’attaque a eu lieu deux jours après que
des membres de Boko Haram ont tué
quatre personnes et en ont enlevé cinq
autres au cours d’une embuscade? Sur
une autoroute dans la zone, selon un
groupe local d’autodéfense.
Des hommes armés soupçonnés
d’appartenir au groupe islamiste ont
abattu huit personnes fin juillet dans un
village près de Biu.
L’insurrection du groupe islamiste Boko
Haram et sa répression par les forces de
l’ordre nigérianes ont fait plus de 15 000
morts depuis 2009.
Une nouvelle vague de violences frappe le
nord-est du Nigeria depuis l’investiture,
le 29 mai, du président Muhammadu
Buhari, qui a érigé en priorité la lutte
contre les islamistes. En deux mois, plus
de 800 personnes y ont été tuées.
Cette vague s’est étendue au Tchad et au
Cameroun voisins, touchés à leur tour,
ces dernières semaines, par des attentats-
suicide meurtriers inédits sur leur sol.
Muhammadu Buhari, qui a fait de la
lutte contre Boko Haram une priorité
de son mandat, a annoncé vendredi
vouloir relancer la fabrication nationale
d’armes, afin de réduire sa dépendance
aux armes étrangères dans sa lutte contre
les insurgés islamiste
Le président nigérian a demandé au
ministère de la Défense de mettre en
place un plan pour « l’établissement d’un
modeste complexe militaro-industriel,
pour produire localement des armes
permettant de répondre à une partie des
besoins des forces armées du pays ».
Des milliers de Nigérians
empêchés de quitter le pays
La victoire de M. Buhari a déclenché
une vague d’optimisme dans le pays,
premier producteur africain de pétrole,
qui a toutefois des problèmes difficiles
à résoudre.
L’armée clame depuis longtemps avoir
été freinée par le manque d’armes
adéquates, et M. Buhari, en visite à
Washington le mois dernier, a estimé
que le refus des Etats-Unis de fournir des
armes aux troupes nigérianes en raison
“de soi-disant violations des droits de
l’Homme” ne faisait que profiter à Boko
Haram.
Les forces de l’ordre nigérianes ont
souvent été pointées du doigt par les
organisations de défense des droits
de l’homme pour avoir commis des
exécutions sommaires et des détentions
arbitraires, notamment, dans le cadre de
la lutte contre les islamistes.
Le gouvernement américain ne peut
légalement aider militairement un pays
accusé de telles violations.
Le Nigeria tente également d’empêcher
ses ressortissants d’être recrutés par les
organisations terroristes étrangères.
Près de 24 000 Nigérians, âgés de 17 à
35 ans, ont ainsi été empêchés de quitter
leur pays entre janvier 2014 et mars
2015, ont annoncé mardi les Services
d’immigration du Nigeria (NIS), pour
tenter de les dissuader de rejoindre des
groupes terroristes étrangers.
« Des rapports récents ont indiqué que
certains Nigérians partent pour rejoindre
des groupes terroristes, particulièrement
au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
», a déclaré le porte-parole du NIS,
Chukwuemeka Obua.
NIGERIA
B
ien sûr, les Français ont vu
ce phénomène comme une
bonne affaire : notre pays,
très consommateur d’essence
et dénué de toutes ressources, a vu
ces événements comme un soulage-
ment. Le mauvais présage de feu
Christophe de Margerie, patron de
Total jusqu’à son décès en octobre
dernier, qui prévoyait pour les pro-
chains mois un prix à la pompe de 2
euros pour le sans plomb, était écarté.
Mais là encore, les conséquences d’un
processus excessifs seront lourdes.
Les pays exportateurs de pétrole, qu’il
s’agisse des monarchies du Golfe ou
des pays d’Amérique Latine, dont le
Venezuela de notre camarade Nicolas
Maduro, se retrouvent en grave dif-
ficulté financière. Le cercle vicieux est
en œuvre depuis maintenant un an
: la baisse du baril entraîne logique-
ment des profits moins élevés pour les
Etats producteurs ; leurs dettes pub-
liques et leurs devises deviennent des
placements moins avantageux, voire
plus dangereux, ce qui provoque le
départ de nombreux financiers ; ces
pays se trouvent pris dans un certain
étau, entre moins de profits et moins
d’investissements.
Après le pétrole, les guerres
Les entreprises qui y ont encore leurs
placements, pour beaucoup europée-
nnes et américaines, font face à des
risques toujours plus élevés pour leurs
trésoreries. Plus globalement, la sortie
accélérée des capitaux en devises
monétaires concernées entraîne un
cercle vicieux, qui déstabilise com-
plètement le marché international des
changes.
Ce dernier vacille d’autant plus
qu’un autre facteur vient perturber
l’équilibre financier du capitalisme
planétaire, et non des moindres : les
guerres. Les années 2010 voient une
très forte recrudescence des hostilités
armées, dont la présentation par nos
« grands » médias comme de simples
guerres civiles cache mal l’ampleur de
leurs répercussions. Tout particulière-
ment, les guerres libyenne et syrienne,
largement encouragées par l’OTAN
qui a financé et armé les prétendus
« rebelles », déstabilisent des régions
entières, voire des continents.
Le Maghreb et le Moyen-Orient
pâtissent sévèrement, d’un point de
vue financier, de la montée en puis-
sance des groupes djihadistes. La
Libye et la Syrie étaient des modèles
économiques, tant en point de vue de
leur produit intérieur que de la distri-
bution des revenus au sein de leurs
populations. Cette relative prospérité a
poussé leurs voisins à lier des capitaux
aux leurs, tant elles représentaient
une stabilité prometteuse. Les événe-
ments meurtriers, qualifiés de « print-
emps arabe » alors qu’ils étaient pour
l’essentiel provoqués par des milices
de mercenaires, ont profondément
rebattu les cartes dans les régions.
Les puissances occidentales, Union
européenne et Etats-Unis en tête, mini-
misent largement l’aspect économique
de ces guerres ; d’une part, parce
qu’elles les ont délibérément déclen-
chées, d’autre part, parce que des
pays comme les USA ou la France
placent leurs pions sur l’échiquier
économique. En Libye, par exemple,
Total s’est rué sur les exploitations
pétrolières, faisant peu de cas de la
population locale et de son devenir.
En Syrie, le pari fait par la France
est d’abord et avant tout la chute du
régime d’El Assad, encore aujourd’hui
malgré l’horreur incarnée par Daech.
De solides, la Syrie et la Libye sont
désormais vouées à s’écrouler dans
le ventre mou du tiers-monde. Mais
d’autres entreprises occidentales ou
internationales avaient misé gros sur
les économies syrienne et libyenne ;
nombre d’entre elles ont procédé au
retrait d’une quantité importante de
capitaux. Et ce phénomène a, lui aussi,
bouleverse le marché des devises.
La dépréciation rapide des taux de
change accentue les tensions qui
pèsent sur les entreprises fortement
endettées en devises [des Etats pro-
ducteurs de pétrole ou en guerre]
et cela a provoqué de fortes sorties
de capitaux des pays émergents »,
constate le Fonds monétaire interna-
tional. Ce dernier souligne la gravité
financière des événements actuels :
« l’augmentation de la volatilité des
principaux taux de change a été la plus
forte depuis la crise financière mondia-
le. La diminution des liquidités sur les
marchés des changes et les marchés
obligataires, de même que l’évolution
de la composition des investisseurs,
ont accentué les frictions dans les
ajustements de portefeuille ». Les «
frictions » dans les « ajustements »
sont des euphémismes : même s’ils
jurent ne jamais céder à la panique,
l’assombrissement des perspectives
internationales donne aux investis-
seurs des sueurs froides.
Faillites bancaires en
pagaille
Petit à petit, les conditions d’un krach
se réunissent. Aux éléments observés
par le Fonds monétaire, d’autres phé-
nomènes sont à étudier de près. La
situation des marchés financiers, en
particulier en Europe, donne à elle
seule un signal extrêmement pessi-
miste pour l’avenir immédiat.
C’est d’abord une banque autrichienne
qui a provoqué en Europe centrale des
remous démesurés. Depuis la crise de
2008, Hypo Alpe Adria (HAA) est inca-
pable de sortir la tête de l’eau, empê-
trée dans toutes sortes de placements
toxiques. En grave difficulté depuis
2014, ses problèmes viennent pour
l’essentiel de sa filiale Heta, spécialisée
dans les investissements à risque.
Pour maintenir ses activités, HAA se
voyait régulièrement aidée par les
fonds publics : entre 2008 et 2015, ce
sont 5,5 milliards d’euros qui ont été
versés, sans contrepartie ni rembourse-
ment, par l’Etat autrichien à la banque.
Face à la colère des contribuables, et à
l’impasse de la situation, l’Autriche a
pris une décision le 1er mars dernier
: ne plus donner un euro à Heta, dont
les actifs ne représentaient plus alors
que 280 millions d’euros. Mais cette
structure était organiquement liée à
de nombreux acteurs financiers, en
Europe de l’Est et également en Alle-
magne.
C’est notamment la Düsseldorf
Hypotherkenbank, basée dans la capi-
tale de Westphalie, qui a pâti le plus
immédiatement de la faillite annoncée
de Heta. Banque modeste et entière-
ment liée à HAA, Düsselhyp représente
néanmoins une première étape d’un
« effet boule de neige considérable »,
concède le quotidien libéral en ligne
la Tribune : « avec un impact initial
de 280 millions, on met en péril un
bilan de 11 milliards, et un marché de
quelque 400 milliards d’euros ».
Pour éviter la contagion, l’Association
allemande des banques privées (BdB)
a immédiatement pris le contrôle de la
Düsselhyp ; mais cette dernière n’est
pas la seule concernée par la faillite
de la filiale de la HAA, loin s’en faut.
La bavaroise BayernLB et Dexia Kom-
munalbank sont exposées à hauteur
de plusieurs milliards. Si les flammes
apparentes ont été étouffées, le brasier
pouvant provoquer une crise bancaire
en Europe centrale reste intact.
Parallèlement, un pays bien plus
petit mais plus proche de nous était
ébranlé par une crise de premier
ordre : Andorre. La principauté, dont
le président de la République fran-
çaise est également le chef d’Etat, a
fait face à une déstabilisation jamais
vue. La Banque privée d’Andorre
(Banca Privada d’Andorra, BPA) s’est
retrouvée sous la coupe d’une enquête
américaine, ouverte le 10 mars par la
FinCEN, organisme attaché au Trésor
chargé de lutter contre le crime finan-
cier. En cause, la BPA avait blanchi
l’argent de mafias chinoises, russes
et vénézuéliennes, selon les autorités
américaines.
L’aspect géopolitique dans l’affaire est
important, tant les trois pays cités con-
stituent des adversaires de premier
plan pour l’impérialisme états-unien ;
du point de vue économique, qui nous
intéresse ici, l’affaire a provoqué un
déficit de confiance sans précédent
pour les plus de 7 milliards d’actifs
de la BPA. Le petit Etat a pris le con-
trôle de la banque, fait inédit dans
son histoire ; mais, comme le rap-
pelle la Tribune6, Andorre n’a « pas
de filets de sécurité ». N’étant pas
membre de la zone euro, la Banque
centrale de Francfort ne le renflouer-
ait pas en cas de faillite ; or, les actifs
de la BPA sont deux fois supérieurs
au produit intérieur brut de la princi-
pauté. Si elle venait à déposer le bilan,
elle entraînerait dans sa chute bien
d’autres institutions, à commencer par
les banques espagnoles avec lesquelles
elle entretient des partenariats finan-
ciers privilégiés.
*Benoit Delrue est journaliste au quo-
tidien français LE BILAN
**La suite dans la plus prochaine édi-
tion du National.
TAUX DE RÉFÉRENCE (BRH)
>Taux moyen d’achat
52.0045 GDES
>Taux moyen de vente
53.2000 GDES
COURS DE
LA GOURDE
10 AOÛT
10 | N0
59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
ÉCONOMIE
L’explosion de cette bulle, c’est pour bientôt. Les Haïtiens le savent-ils ? Ailleurs dans
le monde, les grands porteurs d’action, les milliardaires de la grande bourgeoisie
financière, savent parfaitement jouer avec les règles du marché ; quand l’éclatement
surviendra, ils en seront les premiers informés, car ils disposent de tous les outils pour
visualiser l’évolution proche des actifs financiers. En attendant, ils s’empiffrent sans aucun cas de conscience. Et
les autres ?
Selon le FMI, la plus grosse
bulle financière de l'Histoire va
bientôt exploserPar Benoit Delrue* | 2 de 5
10. Pays-Bas
Les Pays-Bas possèdent le port
le plus grand et le plus animé
d’Europe, ce qui permet aux
Néerlandais d’avoir un salaire
annuel de 29 000 dollars par
personne.
9. Corée du Sud
L’économie sud-coréenne connait
une des croissances les plus
rapides d’Asie et du monde. Les
habitants du pays ont un salaire
annuel de 35 400 dollars par
personne. Son taux d’impôt sur
le revenu personnel est d’environ
12 %.
8. Norvège
C’est grâce aux riches ressources
naturelles, dont le pétrole, l’énergie
hydraulique, la pêche et les mines
de charbon, que la Norvège s’est
classée parmi les pays les plus
riches du monde. Tout comme
les Pays-Bas, la Norvège a des
dépenses de santé et d’éducation
élevées, qui représentent près de
30 % des revenus nationaux. Le
revenu annuel par habitant est de
31 100 dollars.
7. Canada
Les réserves de pétrole du
Canada sont les deuxièmes plus
importantes au monde, juste
derrière l’Arabie Saoudite. Le pays
est par ailleurs riche en bois, et
c’est un grand pays d’agriculture.
Le revenu annuel par habitant
est de 42 000 dollars. Pourtant,
le taux d’impôt reste à 23 %.
6. Grande-Bretagne
La Grande-Bretagne, l’Ecosse
et l’Irlande forment ensemble
l’économie la plus forte d’Europe.
Le salaire annuel est de 45 000
dollars par personne, et le taux
d’impôt, 25 %.
5. Australie
L’économie australienne est une
des économies les plus stables au
monde. L’Australie est un grand
pays exportateur de produits
alimentaires et de pétrole.
Cependant, ses importations sont
assez faibles. Le revenu annuel
moyen dans le pays est de 44 980
dollars.
4. Suisse
L’industrie manufacturière
de la Suisse est un véritable
appui à l’économie industrielle
de l’Europe. Le pays produit
principalement des produits
sanitaires, des appareils de
précision et des instruments. Son
revenu annuel par habitant est de
50 000 dollars, et le taux d’impôt,
30 %.
3. Luxembourg
Le Luxembourg est le centre
financier de l’Europe. Son revenu
annuel par habitant est de 53 000
dollars.
2. Irlande
L’Irlande est le centre agricole de
la Grande-Bretagne. Sa richesse
provient de son industrie de la
haute technologie. Les habitants
touchent un salaire annuel moyen
de 51 000 dollars, inférieur à celui
du Luxembourg. Pourtant, le taux
d’impôt y est de 18,9 %, le plus
bas de toute l’Europe.
1. Etats-Unis
Les Etats-Unis possèdent de
riches ressources naturelles,
et tout le monde travaille avec
assiduité. C’est le plus grand pays
importateur et le deuxième plus
grand pays exportateur.
Le revenu annuel par habitant
est de 55 000 dollars, et le taux
d’impôt, 23 %.
Les dix pays où on touche le salaire moyen le
plus élevé au monde
Sources : Peopledaily
COMMERCEMONDIAL
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ÉCONOMIE
Le salaire moyen, selon l’OCDE, est un indicateur important qui sous-tend la présentation des paramètres du
système et les résultats de modélisation des retraites. Les salaires moyens les plus élevés du monde vont de 29
000 dollars à 55 000 dollars. Un salaire moyen
Partenariat transpacifique: échec des
négociations
Sources : Réseau International
Les ministres du Commerce des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique ne sont pas parvenus à conclure un accord
final après quatre jours de négociations à Hawaï. Une tâche politique sur l’héritage que Barack Obama laissera à
son successeur.
L
es points de désaccord princi-
paux entre les 12 pays (Etats-
Unis, Japon, Canada, Mexique,
Australie, Nouvelle-Zélande,
Pérou, Chili, Vietnam, Malaisie, Sin-
gapour et Brunei) concernaient le
commerce automobile, les médica-
ments et le lait. Le conflit entre les
producteurs d’automobiles japonais
et américains était au centre des
désaccords, tandis que la Nouvelle-
Zélande cherchait à protéger ses
intérêts dans le secteur de l’industrie
laitière.
Aucun progrès n’a été fait en ce qui
concerne les taxes sur les médica-
ments de nouvelle génération. Les
producteurs de médicaments se sont
prononcés pour un monopole de 12
ans sur les recherches et les innova-
tions. Quelques pays ont de leur côté
déclaré que cela pourrait faire obstacle
à l’accès aux consommateurs.
« Nous avons fait des progrès consi-
dérables », a néanmoins déclaré le
représentant au Commerce des Etats-
Unis, Michael Froman. Dans le même
temps, des désaccords majeurs exis-
tent toujours entre les quatre écono-
mies les plus puissantes des pays riv-
erains de l’océan Pacifique, à savoir
les Etats-Unis, le Canada, le Japon
et le Mexique. Bien que les détails de
l’Accord de partenariat transpacifique
(TPP) n’aient pas été rendus publics,
selon les experts, les Etats-Unis sou-
haitent gagner 77 milliards de dol-
lars et le Japon 105 milliards par an.
Le TPP n’inclut pas la Chine, et veut
opposer son influence dans la région
à celle de Pékin.
Le fait que l’accord n’ait pas été signé
à Hawaï pourrait apparaître dans les
thèmes de la course à la présidenti-
elle américaine, ce qui pourrait tuer
l’affaire dans l’œuf.
Si l’accord avait été signé vendredi
dernier, il aurait pu être signé mi-
novembre à la réunion de la Coopéra-
tion économique pour l’Asie-Pacifique,
à Manila, et ratifié dans les 90 jours
par le Congrès américain. Mais dans
le contexte actuel, cette affaire ne
peut être remise au plus tard qu’en
février 2016, ce qui permettrait
aux démocrates et aux républicains
d’influer sur cet accord par différents
côtés.
Le TPP a déjà été accusé d’opacité
par le passé. L’écrivain et journaliste
canadien Cory Doctorow a écrit sur son
blog Boing Boing en mai dernier: « si
le libre-échange veut avoir un avenir,
cet avenir doit résider dans la trans-
parence et la légitimité qu’induit la
transparence ».
L
a sécurité est un domaine à
plusieurs facettes qui opère
au point de croisement entre
le développement humain et
la gestion durable des ressources en
eau, énergétiques et alimentaires.
« L’eau, l’énergie et le Réveil arabe
», un nouveau livre écrit par une
association d’anciens dirigeants
du monde, le ‘InterAction Coun-
cil’, co-édité et publié par l’Institut
universitaire des Nations Unies
pour l’eau, l’environnement et la
santé, explore les dimensions de
la sécurité à partir d’une gamme
d’angles et propose quelques con-
clusions rares.
On a beaucoup écrit ces dernières
années sur la sécurité de l’eau
comme le pivot crucial sur lequel
le développement humain et toute
la sécurité s’équilibrent. L’accès
aux services modernes de l’énergie
et des aliments adéquats, l’eau
potable et l’assainissement sont
maintenant considérés comme
des déterminants importants.
Une indication claire de cette
prise de conscience accrue a été
fournie par les entreprises et les
dirigeants politiques du monde à
Davos en 2013, qui ont reconnu
l’insécurité de l’eau comme l’un
des cinq risques les plus impor-
tants au monde.
La production et la consomma-
tion de l’énergie sont motivées par
l’accès à l’eau potable et génèrent
souvent des eaux usées polluantes.
A l’inverse, environ huit pour cent
de l’énergie produite est utilisée
pour le traitement, le pompage et
le transport de l’eau potable et des
eaux usées.
Et la production alimentaire est
intégralement liée à la disponibil-
ité de l’eau - dans la plupart des
pays pauvres en eau, plus de 80
pour cent des prélèvements d’eau
appuient la production agricole.
Il est également de plus en plus
clair que l’utilisation des ressourc-
es, notamment l’eau douce, n’est
pas en ligne avec la disponibilité.
Nulle part cela n’est plus évident
que dans la région arabe, où les
pays souffrent de la pénurie d’eau,
qui s’aggrave avec l’augmentation
de la population et les change-
ments climatiques.
Certains grands experts estiment
que la crise sécuritaire en Syrie
est enracinée dans la gestion inef-
ficace de l’eau et de la sécheresse,
des problèmes qui amplifient des
conflits politiques, religieux et
sociaux de longue date. La conflu-
ence de la rareté de l’eau avec les
pénuries d’énergie, les montées
en flèche des prix des produits
alimentaires, le nombre gonflant
de jeunes sans emploi, et la faible
performance économique régio-
nale a créé une recette dangere-
use.
Une nouvelle ouverture sur
la sécurité
Le nouveau livre soutient que le
renversement de cette situation
nécessite des modes de consom-
mation réadaptés aux ressourc-
es disponibles. Et il minimise
l’importance de la puissance
militaire comme faisant partie de
toute l’équation sécuritaire.
Des améliorations dans le secteur
de l’énergie - en utilisant des tech-
nologies plus nouvelles et une pro-
duction plus écologique - peuvent
préserver les ressources en eau,
améliorer l’accès à l’énergie et
booster les marchés de l’énergie.
Dans le livre, Majid Al-Moneef du
Conseil économique suprême de
l’Arabie Saoudite estime que les
sociétés nationales d’énergie doi-
vent jouer un rôle accru dans ce
réalignement.
En attendant, les hausses des
prix des denrées alimentaires
entre 2006 et 2008, indique Rabi
Mohtar de ‘Texas A&M University’,
peuvent être liées aux prix raides
de l’énergie et au détournement
des terres agricoles pour la pro-
duction de cultures de biocarbu-
rant. Bien que les facteurs précis
des prix mondiaux des denrées
alimentaires soient discutables,
il est clair que la disponibilité de
l’eau et des terres productives,
ainsi que le coût de l’énergie sont
importants.
Le lien entre l’eau, l’énergie et
la sécurité alimentaire exige que
l’on repense la gouvernance de ces
secteurs. Nous ne pouvons plus
nous permettre une gestion isolée,
‘en silo’. L’ampleur de ces secteurs
et la proportion respective que
chacun contribue au PIB national
varie très sensiblement d’un pays
à l’autre.
Mais le secteur de l’eau paraît
presque toujours comme un
ministère délégué ou de la bureau-
cratie dans les gouvernements
nationaux, rendant son intégra-
tion difficile.
Le livre présente la mer Rouge –
le canal de la mer Morte comme
un exemple de la réalisation des
objectifs énergétiques, alimen-
taires et de sécurité de l’eau à plu-
sieurs facettes tout en faisant la
promotion de la paix régionale. Ce
canal, long de 180 km, siphonnera
de l’eau à partir de la mer Rouge
pour reconstituer la mer Morte en
disparition.
Une partie de l’eau sera dessalée
pour la consommation, tout en
facilitant également la produc-
tion énergétique et alimentaire.
L’ancien Premier ministre jor-
danien, Dr Majali, note qu’Israël,
l’Autorité palestinienne et la Jor-
danie sont tous des bénéficiaires
potentiels.
Le changement climatique
comme facteur exacerbant
Il reste peu d’argument que les
plus grands impacts des change-
ments climatiques sont sur le
cycle de l’eau. Et ces change-
ments peuvent être déjà observés
en grands nombres - par exemple,
dans les inondations extrêmes en
Australie, au Pakistan, en Europe
occidentale, et au Canada au
cours des cinq dernières années.
La même chose peut être dite des
sécheresses prolongées au Moyen-
Orient et en Asie centrale.
‘InterAction Council’ (IAC) - une
association de 40 anciens chefs
d’Etat comprenant Bill Clinton
(USA), Jean Chrétien (Canada),
Vincente Fox Quesada (Mexique),
Andrés Pastrana Arango (Colom-
bie), et Gro Harlem Bruntland
(Norvège) - note que le Conseil
de sécurité des Nations Unies a
reconnu les changements clima-
tiques comme un sujet préoccu-
pant.
L’IAC, estime toutefois dans le livre
que la sécurité de l’eau devrait
être un sujet préoccupant pour
le Conseil de sécurité puisque les
impacts des changements clima-
tiques se manifestent sous forme
de l’insécurité de l’eau.
Rechercher des solutions
Comment la communauté interna-
tionale répond à ces problèmes à
plusieurs facettes est important;
des solutions ponctuelles sont
clairement inadéquates. La com-
munauté du développement inter-
national, souvent dirigée par le
système des Nations Unies, a un
rôle central évident. De nombreux
groupes, notamment le G20, le
plus grand, ont également un rôle
croissant à jouer pour garantir
que ces réponses sont complètes,
géographiquement appropriées,
et disposent de ressources suf-
fisantes.
La région arabe est vraiment le
banc d’essai pour savoir si ces
solutions marcheront ou pas.
Comme tous les yeux sont tournés
vers les récents développements
en Syrie et en Irak, il y a un récit
plus large qui se rapporte à la
résolution des problèmes avant
qu’ils ne deviennent hors de con-
trôle ailleurs dans la région.
Nous devons penser autrement à la « sécurité »
Une analyse de Zafar Adeel | IPS
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ÉCONOMIE
AVIS
Immeuble de deux étages à vendre à Morne
Calvaire à l’Impasse Laurier sur une propriété
de 1000 mètres carrés, incluant un espace de
parking pour 7 Véhicules.
Le rez-de-chaussée et le premier étage ont
2 appartements chacun, et un Penthouse au
dernier étage de deux (2) chambres, deux (2)
toilettes avec un grand salon. L’immeuble est
d’un total de 5 appartements.
Pour plus d’informations contactez les nu-
méros : 4 464-7535 / 3 386-4343.
DÉVELOPPEMENT
Les événements récents dans le monde arabe et ailleurs ont démontré que les notions traditionnelles de sécurité
qui dépendant uniquement de l’appareil militaire et des dispositifs connexes sont dépassées.
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59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
SOCIÉTÉ
Les « bèfchenn » : agents rapaces
du transport publicpar Ritzamarum ZÉTRENNE
E
n s’approchant d’une station
où sont garés plusieurs bus
assurant le transport des pas-
sagers vers d’autres points de
la capitale, les « bèfchenn » sont les
premiers remarqués. Ils appellent
les passants à tue-tête, les invitent
à monter dans un bus. Ils sont très
agressifs parfois. Certains passagers
se trouvent fort souvent en situation
difficile. « Ces gens me harcellent à
chaque fois que je dois prendre un
bus. Ca me dérange beaucoup. C’est
pour cela que je n’aime pas venir ici
», lâche froidement une dame rencon-
trée à proximité du stade Silvio Cator.
D’autres personnes n’ont pas
la même opinion quant à ces
« chargeurs » qui luttent, au
quotidien, pour subsister dans
ce pays où le chômage fait rage.
Comment procèdent-ils pour
arriver à remplir un « tap-tap »?
Ils font de grands signes de la
main, tapent fort sur la carrosserie
des bus même s’ils sont déjà
à moitié remplis de passagers.
Trouver un moyen pour forcer les
gens à monter dans ces véhicules
constitue leur plus grande priorité.
Le reste importe peu. Certains
d’entre eux ont l’air très violent.
Ils se moquent de la volonté des
passagers ou de leur goût.
Si par hasard un passager
répliquerait ou refuserait leur
offre, ils montent sur leurs grands
chevaux. Tout refus des passagers
est pour eux une insulte. « Gad figi
ti makak la non, ou tou lèd wap
fè stil », profère un « bèfchenn»
à l’endroit d’une jeune fille au
portail de Léogane pour avoir
refusé de monter à bord d’une
camionnette. Ils ne tiennent pas
compte de l’état du véhicule qu’ils
chargent. Tout ce qui importe pour
eux, c’est de trouver des passagers
et gagner de l’argent.
Cette situation, aussi bien
fâcheuse que révoltante, selon les
gens, est présente dans toutes les
stations du pays. Cependant, elle
est plus criante à travers la région
métropolitaine. Les passagers
ne cachent pas leur frustration
face à ce problème qui, selon
eux, nécessite une intervention
immédiate des autorités de
la circulation. « Les autorités
doivent au moins penser à mettre
des balises dans ce secteur »,
avoue une jeune étudiante de la
faculté de droit et des sciences
économiques.
Le futur juriste a fait remarquer
que les « bèfchenn » violent
l’intégrité physique des passagers.
« Personne n’a le droit de toucher
quelqu’un qu’on ne connait pas et
sans son autorisation. C’est une
violation de l’intégrité physique
de la personne », ajoute-t-elle.
Passant tout leur temps à faire ce
travail sous un soleil de plomb,
déclare la jeune femme, les «
bèfchenn » transpirent à longueur
de journée. En conséquence, en
touchant aux vêtements d’une
personne, ils risquent de les salir.
« Un jour, je me rendais à un
mariage, à cause d’un « bèfchenn
», avec ma chemise pleine de
tâches. C’est dégoûtant», témoigne
un homme à ce sujet.
Un autre homme, qu’on a croisé
à St-Charles, une station de la
commune de Carrefour, explique
le « phénomène bèfchenn » par
le manque d’infrastructures
modernes dans le pays. Cet homme
d’une trentaine d’années, se
vantant d’avoir vécu pendant plus
de 10 ans aux États-Unis, pense
qu’en construisant des stations
de service selon les normes de la
modernité, les autorités peuvent
éradiquer ce genre de problèmes
dans le transport public. « Dans
une station de service, les gens
devraient être à même de trouver
un endroit où s’assoir s’ils le
voudraient bien », explique
l’homme ayant l’air frustré.
Hormis les problèmes qu’ils
peuvent causer aux passagers, les
« chargeurs » sont très souvent
en conflit avec les chauffeurs
également. Selon le principe du
métier, un chauffeur doit payer
l’équivalent du frais d’un passager.
C’est-à-dire, si le circuit coûte
15 gourdes, le « chargeur » doit
recevoir autant. Mais très souvent,
les chauffeurs refusent d’acquitter
convenablement, soit par avarice
soit par manque de passagers.
Cela suscite toujours la colère de
ces travailleurs qui sont toujours
prêts à se bagarrer.
Les « bèfchenn » devraient attirer
avec courtoisie les passagers
vers leurs véhicules. Mais, le
plus souvent, ils font preuve
d’agressivité pour intimider les
passagers. Ils se convertissent
en de véritables maréchaux et
d’aucuns les appellent des agents
rapaces du transport en commun
en Haïti.
Dans toutes les stations d’autobus de transport en commun, on trouve des « bèfchenn ». Ils attirent des passagers
vers des bus assurant le trajet centre-ville et autres points de la capitale. Leur mission : remplir les bus. En retour,
le chauffeur leur paie le montant de la course. En voulant convaincre les passagers à prendre place dans les
véhicules, ils se montrent souvent très agressifs.
En s’approchant d’une station où sont garés plusieurs bus assurant le transport
des passagers vers d’autres points de la capitale, les « bèfchenn » sont les
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SOCIÉTÉ
Smoye Noisy nous invite à « Lekòl Lavi »
Par Lamy Obed
I
l vous dira qu’il n’est ni directeur,
ni professeur. Pourtant on doit
lui attribuer la paternité de ce
projet. Sa position ne tient pas de
fausse modestie, mais rime bien avec
le slogan de Lekòl Lavi : « Nou tout
ka pwofesè, nou tout ka elèv ». En
effet, Lekòl Lavi est une initiative qui
découle de sa préoccupation pour la
société et pour les gens de son envi-
ronnement. Durant tout son parcours
dans les medias où il a prêté ses ser-
vices, Smoye Noisy a pris le temps
d’observer, d’interroger, d’analyser les
réalités haïtiennes pour finalement
conclure : « Quand la réponse n’est
pas en nous, on peut la chercher par-
tout sans jamais la trouver, même si
elle se trouve à côté de nous». Pour
lui, l’unique moyen de résoudre
les problèmes de notre pays, c’est
l’éducation.
Qu’on ne se trompe pas.
L’éducation dont il est question ici
n’est pas celle imposée de manière
routinière et qui fait de notre
école, comme il la décrit dans une
de ses métaphores, « une voiture,
mais pas un moyen de locomotion
; une lampe mais pas la lumière».
Constatant « nos dérives et
notre incapacité à résoudre nos
problèmes », il énonce en termes
clairs : « Aucune école ne peut être
fonctionnelle si elle ne s’inspire
des enseignements de la vie ». « À
chaque fois qu’il nous faut choisir
un repère et qu’on ne choisit pas
l’homme, nous ouvrons la porte à
la confusion et à ses conséquences
: l’indifférence, l’insouciance,
l’irresponsabilité, l’inefficacité ».
Ainsi, Lekòl Lavi, se veut « un
espace de raisonnement, pour
bâtir et proposer le repère humain,
seul capable de nous éloigner des
conflits ». Et pour nous permettre
de comprendre, il nous propose ce
raisonnement : « Quand on veut
guérir, ce n’est point la maladie
qu’il faut traiter mais le malade ».
Enréalité,Lekòl Laviaune adresse
virtuelle. Son terrain privilégié,
ce sont les réseaux sociaux,
particulièrement Facebook, une
zone de communication qui
permet de toucher une très large
audience. Quotidiennement,
Smoye se donne pour mission de
publier via son compte facebook,
une courte réflexion, énonçant une
vérité, une règle de conduite, une
critique constructive. « Une façon
d’inviter les gens au raisonnement
pour les conduire à la réflexion
utile », croit-il.
Ces publications journalières,
signées en lettre capitale LEKOL
LAVI, sont surtout inspirées des
réalités de la vie et touchent parfois
implicitement les questions
d’actualité. « Pouvoir Choisir
n’est malheureusement pas savoir
Choisir », a édité Lekòl Lavi ce
lundi 10 août pour faire allusion
probablement aux élections
législatives. Elles accusent
généralement des flux de Like,
de « Share » et de commentaires
qui expriment les assentiments
et les questionnements des
internautes. Une preuve que
le public n’est pas indifférent à
la cause. Hors de la plateforme
virtuelle de Facebook, Lekòl Lavi
utilise un autre cheval de bataille.
À la Capitale comme dans les
villes de province, elle tient des
interventions dans les medias,
des séminaires, des conférences,
le partage d’expériences avec
les jeunes sous l’invitation des
organisations socio-culturelles,
la plupart du temps.
Depuis sa dernière participation
à « Journée d’Cooleurs », Smoye
Noisy semble faire une pause dans
le cinéma pour se consacrer à ce
qui lui semble le plus important. «
Je pense qu’aujourd’hui, la société
a beaucoup plus besoin de gens
qui s’engagent pour l’éducation.
Car le cinéma lui-même
souffre beaucoup du problème
d’éducation », a-t-il affirmé. Il
reconnait que le cinéma haïtien
reste au stade amateur, faute de
bonne conduite, de discipline, de
confiance, de standard. Toutefois,
il n’a pas fermé sa carrière. Il
tient en perspective des idées de
scenario avec toujours la même
préoccupation de Lekòl Lavi :
« ajuster les attitudes, accorder
la priorité à ce que la vie nous
enseigne comme leçons, pour
les mettre en pratique en vue
de construire un environnement
productif ».
Ainsi, à travers ce projet, conduit
en collaboration avec d’autres
partenaires, Smoye se donne à
fond à l’éducation pratique. « Je
crois qu’aujourd’hui, à ce stade où
se trouve notre société, toutes nos
initiatives devraient s’imprégner
de cette philosophie pour nous
éviter de gaspiller nos ressources,
nos énergies et notre temps : bâtir
des relations cordiales avec nous-
mêmes et avec notre entourage ».
Plutôt pragmatique, Smoye
Noisy veut bien croire que Lekòl
Lavi n’est pas un Jean-Baptiste
prêchant dans le désert : « Quand
on plante, personne ne peut
garantir que la graine qu’on met
en terre va pousser, mais la seule
manière de la faire pousser, c’est de
la planter ». Lekòl Lavi est ouverte
à tout le monde, parce que « Tout
moun ki nan lavi a, otomatikman
nan Lekòl la ». Et d’ici là, le public
peut continuer à découvrir et à
suivre les publications de Lekòl
Lavi depuis Facebook.
Absent depuis quelque temps sur le grand écran, l’acteur Smoye Noisy, n’a certainement pas chômé. Après sa
collaboration à la réussite de Kita Nago et ses conférences dans les villes de province, il conduit aussi, dans la
durée, un projet qui lui tient à cœur : Lekòl Lavi.
L
e 12 août ramène la Journée
internationale de la jeunesse.
Cette année, elle est célébrée
sur fond d’éducation et
d’amusement pendant deux jours
au centre olympique de l’Espoir. «
Durant ces deux journées, l’attention
est portée sur les jeunes et la
problématique de la jeunesse dans le
pays », selon ce qu’a fait remarquer
le directeur de la santé scolaire Érold
Joseph. « La parole est donnée aux
jeunes. Cela leur permettra de cibler
les problèmes auxquels ils font face
en vue de proposer des solutions
efficaces ».
Trois cents jeunes âgés entre 16 et 24
ans, appartenant à différentes écoles
et à des organisations de volontariat
du pays, prennent part à ces deux
journées. Cette activité découle de la
rencontre qui s’est tenue au siège des
Nations unies en juin dernier sur le
dividende démographique et l’emploi
des jeunes. Ces deux journées sont
l’initiative du ministère de l’Éducation
nationale de concert avec le Comité
olympique haïtien, les ministères de
la Santé publique, de la Jeunesse, des
Sports et de l’Action civique.
Cette initiative bénéficie aussi du
support technique et financier du
Fonds des Nations unies pour la
population. Les activités prévues pour
ces deux journées sont divisées en deux
parties. La première est éducative. Des
thématiques telles : les jeunes à talents
incluant le regard sur les études et
l’emploi, le dividende démographique
incluant la sexualité des jeunes,
l’éducation sexuelle complète, la
planification familiale, la fécondité, le
leadership des jeunes, un regard sur
la citoyenneté et la violence, seront
débattues à l’occasion. La deuxième
partie sera basée sur le sport et les
activités culturelles et récréatives.
« Les jeunes constituent un groupe
prioritaire pour le UNFPA. En ce sens,
toutes les activités de ces deux journées
entrent dans le cadre du mandat que
le Fonds s’est octroyé », a déclaré Vario
Sérant, conseiller en communication
et en plaidoyer à l’UNFPA. Selon lui,
ces deux journées sensibiliseront les
jeunes sur leur rôle tout en les mettant
en condition de se réaliser et d’évaluer
leur potentiel. Il a par ailleurs souligné
que les acteurs étatiques ne doivent
pas se concentrer uniquement sur
l’éducation ou la santé des jeunes.
Il est tout aussi important d’investir
de plus en plus dans des secteurs
spécifiques qui peuvent absorber ces
jeunes. Spécialement ces jeunes qui
arrivent tous les ans sur le marché du
travail.
À noter que des séances de réflexions
seront tenues autour des enjeux, des
objectifs de développement durable
de l’agenda post 2015 comme l’égalité
des genres, la résilience et le dividende
démographique.
Quoique l’échantillon ne soit pas
forcément représentatif, Érold Joseph
croit que ces deux journées sont un
premier pas vers des pistes d’actions
relatives à la problématique de la
jeunesse haïtienne.
M
ark Jacobson de
l’Université de Stanford à
Palo Alto, spécialiste en
sciences de l’atmosphère
en Californie, a établi un modèle
informatique constitué de la chimie
atmosphérique, des interactions
air-océan et qui simule en même
temps la distribution des gaz, y
comprenant aussi des types de
polluants fréquemment rencontrés
dans les villes. Jacobson suppose
également qu’un monde plus chaud
pourrait présenter moins de vents
pour dissiper la pollution au-dessus
et à l’extérieur des villes, et que
l’augmentation des niveaux de vapeur
d’eau autour des villes pourrait aider
à catalyser la production d’ozone.
Formé lorsque la pollution est frappée
par la lumière du soleil, l’ozone est le
principal composant du smog et peut
aggraver les maladies respiratoires et
l’asthme.
Jacobson a élaboré son modèle de deux
manières pour déterminer comment
les variations du CO2 moduleraient
ces différentes variables. Dans un
premier temps, il considère les niveaux
de CO2 de 2006, et dans un second
temps, il prend en compte les niveaux
préindustriels depuis l’année 1750.
Après l’analyse des niveaux de pollution
en rapport avec les substances
cancérigènes, l’ozone et les particules,
Jacobson a réalisé que chaque degré
de réchauffement provoqué par le CO2
pourrait être responsable d’environ
1 000 décès sur les 50 mille à 100 mille
décès annuels survenant aux États-Unis
à cause de la pollution de l’air. « On
ne voit pas un énorme pourcentage de
morts, mais dans l’absolu, ce nombre
représente quand même beaucoup de
personnes », a-t-il fait savoir. Il soutient
que la suggestion du modèle selon
laquelle le changement climatique
a le plus fort impact sur la pollution
dans des régions déjà lourdement
polluées est encore plus importante
que le nombre total de morts.
Il faut rappeler qu’en Europe, la
pollution atmosphérique est à l’origine
d’environ 400 mille morts prématurées
par an.
Combattre le réchauffement
climatique et s’y adapter: une
double nécessité
Modification des précipitations et des
vents, intensification vraisemblable
des cyclones tropicaux, vagues de
chaleur, contraction de la couverture
neigeuse, diminution des glaces de mer,
irréversible élévation du niveau de la
mer sont parmi les principales variables
des changements climatiques selon le
climatologue Jean Jouzel, président
de la Société météorologique de France
Avec des impacts importants, risques
d’inondations dans certaines régions,
de sécheresses dans d’autres, en
particulier le pourtour méditerranéen,
modification trop rapide des
écosystèmes, accélération de la perte
de biodiversité, acidification des
océans, problèmes de santé, baisse
des rendements agricoles selon que le
réchauffement est trop important, de
l’avis des climatologues.
Les experts sont d’accord que les
années 2010 et 2011 ont porté nombre
de ces caractéristiques et que l’année
2015 est considérée comme l’une des
plus chaudes.
Augmentation des émissions
au cours de la dernière
décennie
C’est évident que le réchauffement cli-
matique est désormais inéluctable. Et
l’ambition d’un réchauffement moyen
qui ne dépasserait jamais 2°C par rap-
port au climat de la période préindus-
trielle, affichée lors de la conférence
de Cancun, risque fort de rester lettre
morte au vu des propositions mises
sur la table par les principaux pays
émetteurs de gaz à effet de serre selon
Jouzel.Globalement, les émissions de
serre n’ont jamais augmenté aussi rap-
idement comme au cours de la dernière
décennie. Et il faudrait qu’elles com-
mencent à décroître d’ici à 2020 si nous
voulons diminuer les impacts mais
nous en sommes loin. Tout compte fait
le réchauffement est devenu un fait
inévitable, s’il faut croire le climato-
logue français. D’autant plus important
que les politiques de réduction des
émissions s’éloignent de plus en plus
des objectifs requis pour qu’elles soient
limitées à 2°C.
Vers une prise de conscience
générale
À l’état actuel de la situation, il est
fondamental que des politiques de
réduction des émissions de gaz à effet
de serre et d’adaptation au réchauffe-
ment climatique soient adoptées. Cela
constitue selon Jean Jouzel une double
nécessité qui doit être clairement ins-
crite dans l’agenda des négociations
climatiques internationales. En France,
un plan d’adaptation, élaboré dans le
cadre d’une très large concertation
relatif au climat, a été adopté en juillet
2013. C’est dans cette perspective que
le 8e Forum international de la météo
a eu lieu à Paris le 1er octobre 2013,
au Palais de la Découverte et dont la 4e
journée a été consacrée à l’adaptation au
réchauffement climatique. Ces ateliers
ont tenu compte des impacts qui pour-
raient affecter à la fois la vie de tous les
jours et l’ensemble de l’économie mon-
diale. « Ce Plan national d’Adaptation au
Changement climatique met en exergue
les nombreux secteurs qui devraient
être concernés : santé, ressources en
eau, biodiversité, risques naturels, agri-
culture, forêt, pêche et aquaculture,
énergie et industrie, infrastructures
de transport, urbanisme et cadre bâti,
tourisme ». Cette perspective devrait
s’appuyer selon Jouzel sur un diagnostic
de la communauté scientifique très bien
documenté. Mais dans les faits, elle est
tributaire d’initiatives locales auxquelles
le secteur privé doit porter de plus en
plus d’intérêt, ainsi que de la prise de
conscience du public appelé à jouer un
rôle de plus en plus important dans ces
stratégies d’adaptation à mettre en place
progressivement.»
Qu’en est –il d’Haïti ?
Notre pays est loin d’être prêt à faire
face aux changements climatiques,
c’est l’avis de l’ingénieur ex-directeur
général du bureau des mines et de
l’énergie, Dieuseul Anglade qui estime
que tres peu d’efforts ont été accom-
plis dans le sens de la protection de
l’environnement depuis le séisme de
2010 à nos jours. En fait le Directeur
souligne qu’il y a tellement de priorités
à définir dans le pays aujourd’hui qu’on
se passe parfois de bonne foi d’autres
problèmes fondamentaux qui peuvent
être fatals dans un avenir très proche
pour Haïti et toute sa population.
16 | N0
59 MERCREDI 12 AOÛT 2015
SOCIÉTÉ
Trois cents jeunes célèbrent la journée
internationale de la jeunesse
par Stéphanie Balmir
Le réchauffement climatique : irréversible !
par Jackson Joseph
Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) et les Nations unies en Haïti à
travers le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), célèbrent la Journée internationale de la jeunesse
les 12 et 13 août 2015 autour du thème : « Santé jeunes, Jèn angajman nou konte ».
Le réchauffement de la planète devient de plus en plus inquiétant. Encore une mauvaise nouvelle y relative : le
dioxyde de carbone (CO2), l’une des principales causes de ce mal mondial, aggraverait aussi la pollution de l’air
partout sur la terre. Selon une étude sur la modélisation du climat réalisée par des spécialistes des sciences de
l’atmosphère, le CO2 devrait engendrer plus de décès liés à la pollution locale.
MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0
59 | 17
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  • 2. 2 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 TRIBUNE S i les héros de 1804, accompagnés des oligarchies d’Haïti et des couches urbaines, rêvaient de s’autonomiser vis-à-vis des puissances impériales, sur quelles forces sociales comptaient-ils pour affronter leurs ennemis ? Écoutons les pères de l’historiographie nationale, Madiou et Ardouin, nous parler des ouvriers insurgés : « Ils (les marrons) combattaient, comme en Afrique, divisés par tribus, précédés de leurs sorciers et des emblèmes de leurs superstitions ; leurs principaux chefs, après Sans Souci, Petit Noël Prière (sic), Jacques Tellier, Cagnel, Jasmin, Mavougou, Vamalheureux, Labruni, Cacapoule, étaient tous ennemis prononcés de Christophe, et même de Dessalines, auxquels ils reprochaient de grandes cruautés exercées sur eux, au nom des Français. Leur plan était de chasser les Blancs, de détruire les principaux officiers des troupes coloniales, et d’établir le système africain, contraire à toute civilisation. » (Madiou, II, 1847 : 322.) Quelques années plus tard, Ardouin, sans fard, justifie la purge de ces leaders : « Il fallut les soumettre (les chefs marrons) par la force ou se défaire de quelques-uns, parce que chacun d’eux représentait en quelque sorte une tribu africaine, et ne pensait à organiser l’insurrection que sous cet aspect barbare. » (Ardouin, 5, 1854 : 262.) La vérité est que les classes urbaines d’Haïti, les victimes de 1804 (Casimir, 2009 : 205), n’ont jamais pu se séparer des métropoles internationales et des projets de civilisation qui les ont vues naître. Elles se sont toujours senties plus proches de l’étranger, leur créateur, que de leurs procréatrices, africaines et cultivatrices... Faut-il rappeler que ces barbares de nouveaux libres – environ 90 % de la population – sont accusés d’un prétendu projet de massacre, tandis que Napoléon exécute sa politique d’extermination en Guadeloupe et commence à la mettre en pratique à Saint-Domingue ? Faut-il rappeler de même que Louis XVIII, sous la Restauration, obtient des Anglais un moratoire à propos de la prohibition du commerce des Noirs, parce qu’il compte vider et repeupler son ancienne colonie ? Et les barbares, ce sont les Africains, aux yeux de nos oligarchies et de nos classes moyennes ! Le rôle joué par ces deux strates dans l’histoire des Haïtiens se comprend mieux si on les définit comme des classes intermédiaires qui ne peuvent pas se passer de leur métropole. Au XIXe siècle, ces intermédiaires se débattent comme des diables dans un bénitier, pour ne pas couper les ponts avec la France. Incapables d’empêcher 1804 ou l’établissement de la République de Goman, ils s’efforcent de rouvrir les portes du pays et de récupérer leur prééminence de 1823 à 1843. Ils échouent lamentablement, et Acaau parfait l’œuvre de Goman. Ces classes urbaines récidivent en 1860. Elles se nourrissent d’un bonheur vivrier (Manigat) dont elles méprisent la genèse, tandis que Salnave tente de remettre les pendules à l’heure. Entre-temps, la France consolide son pouvoir en Algérie et dans le reste de l’Afrique, la Belgique s’installe au Congo, l’Angleterre n’autorise plus le soleil à se coucher sur ses possessions, et les États-Unis arrondissent leurs frontières. Les classes urbaines d’Haïti jurent de s’être défait de leurs tares africaines et d’avoir perdu toute affinité avec la population rurale (Hoffman, 1990). Ce reniement leur vaudrait, dans leur illusion, une place privilégiée dans le concert des nations civilisées et établirait leur aptitude à gouverner la République. Incapables de s’imposer et d’imposer de telles prétentions aux couches rurales en train de négocier de meilleures conditions de vie, les intermédiaires urbains applaudissent au débarquement des Marines des États-Unis. Le Dr Rosalvo Bobo, pourtant le plus radical des opposants aux États- Uniens, laisse à la postérité cette triste phrase : « (…) notre petit habitat est une injure pour le Nouveau Monde, étant le seul [...] à offrir encore asile à l’Afrique, c’est-à-dire au crime, à l’enténèbrement, à la barbarie. » (Hoffman, 1990 : 11.) Il ne fait aucun doute que la participation des intermédiaires au maintien de l’ordre promu par l’Occident capitaliste demeure invariable. En 1802, lors du débarquement de l’armée expéditionnaire de Leclerc, ils aident décidément à l’élimination des leaders marrons et au rétablissement de la souveraineté française sur l’île. En 1915, ils prêtent main-forte à l’élimination des Cacos et ornent la poitrine des assassins de Péralte des plus hautes décorations de la République. Malheureusement, les mêmes causes produisent les mêmes effets, et W. Wilson et les autres présidents des États-Unis refont à ces bons serviteurs, à quelques nuances près, le coup de Napoléon à ceux qui rejoignent son armée expéditionnaire. Tout comme Toussaint, les couches d’intermédiaires urbains rêvent d’une nation chrétienne, d’une famille nucléaire, d’un système de plantations florissant ou d’entreprises semblables desservant le marché international, au lieu de diriger leur sollicitude vers les besoins de la population locale. Comme le Précurseur qui promeut ou au moins ferme les yeux sur la tuerie des bandes de marrons, au XXe siècle, elles applaudissent au massacre des Cacos par la Gendarmerie d’Haïti et les Marines, ou se taisent face aux déportations des viejos de Cuba, et au massacre des braceros par Rafael Léonidas Trujillo. Finalement, grâce aux Marines américains, elles voient enfin poindre le règne des lois qu’elles ont votées sous Boyer et Geffrard, relatives à la superstition et à la corvée, et, dans l’ensemble, elles applaudissent la persécution religieuse déclenchée par les fondamentalistes chrétiens des années quarante. Le piston qui fait marcher la machine Il est peut-être utile de dénoncer et de blâmer les grandes puissances qui défendent leurs intérêts dans le plus profond mépris des plus faibles. Mais un Haïtien gagne à savoir ce que défendent les couches d’intermédiaires urbains et leurs dirigeants, en obstruant, depuis 1790, l’irruption du peuple souverain dans la détermination de son devenir. Malgré leur précarité et la modestie de leurs conditions de vie, ces intermédiaires servent les oligarchies et les métropoles étrangères religieusement. Ils ne se demandent même pas si leur précarité ne vient pas justement de leur servilité. Ma vieille tante avait coutume de dire : « Bon valèt, se nan sann cho sa dòmi. » Il est plus facile de s’adresser à ces classes moyennes qu’aux grands empires. Le pays est dirigé par ces intermédiaires qui adorent Haïti mais méprisent, et même détestent les Haïtiens. Pétion et ses collaborateurs initient cette politique de mépris en offrant d’acheter les terres de Saint-Domingue aux colons, sans jamais penser à les partager avec la population qui s’est sacrifiée pour conquérir l’Indépendance. Telle est l’union qui, d’après les intermédiaires, fait la force. La Révolution haïtienne considérée comme une victoire sur l’armée française est une Révolution d’affranchis, un changement propulsé par la classe des intermédiaires, responsable avouée de l’ordre colonial, née en gagnant sa vie au service de l’empire français. Perçue comme un changement structurel, elle est mise en œuvre par les captifs réduits en esclavage qui transforment souverainement l’économie de plantation en une économie villageoise, axée sur la satisfaction des besoins de la population travailleuse locale. Les problèmes de la France esclavagiste en 1790 ne diffèrent pas de ceux des États-Unis en 1915 et de leurs alliés en 2015. Ils occupent le territoire, mais ne peuvent pas modifier la pensée et la façon de penser de ses habitants. Soit parce que, lors, la presque totalité des habitants comprend des Bossales et des captifs à peine créolisés, soit parce que, aujourd’hui, cette majorité écrasante demeure paysanne et illettrée. En face de cette masse d’Haïtiens, la minorité d’intermédiaires évolue pitoyablement sous le patronage des métropoles de l’heure. Avant 1804, les intermédiaires se battent aux côtés de Leclerc et ne changent de camp qu’à la dernière minute. Durant ces troubles, le capital français, sans excepter celui des colons de couleur, s’expatrie et s’établit dans les territoires où il peut fructifier en toute tranquillité (suivez mon regard). L’indépendance consommée, Haïti se trouve sans capitalistes, gouvernée par un ensemble d’intermédiaires issus de la maréchaussée et de la milice coloniale, c’est-à-dire des couches les plus médiocres. Ce sont ces intermédiaires sans expérience d’entrepreneurs capitalistes, sans capitaux, sans connaissances techniques nécessaires qui accaparent la propriété foncière au XIXe siècle et se mettent en tête d’inviter le capitalisme à s’établir et de faire renaître les plantations coloniales. Pour asseoir leur prééminence et préparer l’accueil de la grande culture, il leur faut construire la sauvagerie des nouveaux libres ou cultivateurs, utilisant le seul instrument à leur portée : l’appareil juridique du pays. Vu leur médiocrité dans l’art de la gestion privée ou publique, ils deviennent chaque jour plus sévères avec nos pauvres descendants de Bossales. 1915 et le besoin d'occupationPar Jean Casimir (Deuxième Partie)
  • 3. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 3 ACTUALITÉ Les « bonnes » notes ! On devrait être étonné, mais on ne l’est généralement pas, d’entendre dans une conversationquelqu’un,pourtanttrèséduqué,dire,pourjustifierlanormalitéou l’anormalitéd’unesituation:«L’ambassadeaméricaineavaitditcecioucela.»Ou bienencore:«C’estleBlancquiavaittoutplanifiéetquicontinueàtoutorchestrer »,commesionacceptait,dansunpaysquisetargued’avoirdéfaitlessoldatsd’élite deNapoléon,quel’étrangeraitnaturellementledroitdedéciderdenotreprésent etdenotrefutur. Pourtant, à ce stade de notre vie de peuple, nous devrions être prudents. Nous n’avons pas d’amis. Les États n’ont pas d’amis. Les organisations internationales n’ontpasd’amis.Quandilsontdécidépournous,avecceuxquisontàleursolde, ilsontdétruitlepeuquenousavionscommeproductionnationaleavec,enprime, toutcequenousavionsquipouvaitnouspermettredevivrelatêtehaute. Certains,trèsréalistes,nousdirontqu’ilfautfaireavec,carmêmelablancheHellène, quiadonnésongénieàl’Europe,humiliée,adûrentrersaqueueentrelesjambes, enacceptantlesconditionsassassinesdesmaîtresdumonde. Aujourd’hui,alorsquelesHaïtiensconstatentcommentlajournéeélectoraledu9 aoûtaétéperturbéeparlaviolence,l’intimidationetlesmanœuvresgénéralisées defraude-cequedénoncentaussidemultiplesorganisationsdelasociétécivile etdespartispolitiques-l’OEA,l’Unioneuropéenne,presséessansdoutedepasser àuneautrephasedeleuragendaetsansrespectpourlepeuplehaïtien,donnent unebonnenoteauConseilélectoralprovisoire. Lacommunautéinternationaleet lesbénéficiairesdecettehonteusejournéesont auxanges! Douloureuseréminiscencepourlepeuplehaïtien. Maisilfaut,endépitdetout,encoreetencore,chercherlaportedesortie.Noussom- mesenpleindanscesétrangesscénariioùlesprotagonistesreviventconstamment lesmêmesévènements.Pours’extrairedupiège,ilfautjustementêtrecapabledese rendrecomptequ’onvitlesmêmeschoses.Lapopulationafaitpreuved’uncalmeet d’unesagesseexemplaires,alorsquelaviolenceétaitorganiséeparlestraditionnels faiseursde«chefs».Peut-êtrequ’ellen’estpasaussiamorphequ’onaimeraitbien qu’ellesoit.Elleacomprisetelleattend. Ondevraitfaireattention!Trèsattention! Gary VICTOR Édito C es nouvelles propositions, expliqueMirlandeH.Manigat, viennent grossir la liste déjà publiée le 7 avril dernier, peu avant le retrait de sa candidature à la présidence d’Haïti le 6 mai 2015, dans laquelle elle avait proposé comme solution de sortie de crise, la démission du président Martelly, et la formation sur une base consensuelle d’un gouvernement provisoire. Un gouvernement qui aurait pour mission principale, de convoquer une assemblée constituante pour statuer sur les problèmes posés par la constitution en vigueur et ensuite réaliser calmement les élections, avec un nouveau Conseil électoral provisoire. Ce CEP qu’elle désigne comme étant une institution sans aucune assise constitutionnelle, fonctionne, selon elle, sur la base d’un consensus boiteux et d’une carence de professionnalisme. Comme solution à toutes les irrégularités enregistrées lors de ce premier tour des législatives, elle a de nouveau proposé le remplacement de l’actuel CEP par un autre jouissant de la crédibilité de la nation, ainsi que la reprise de la journée électorale qui, selon-elle, a été perturbée dans tous les 10 départements du pays. « Cette fois-ci, cela ne passera pas », a riposté la professeure qui, dans ces déclarations, dit être convaincue que cette journée électorale a été planifiée par le gouvernement en place et ses collaborateurs. « Quelle idée ont-ils de la nation haïtienne ? Comment osent- ils déclarer que cette supercherie a été l’expression légitime de la volonté populaire ? », s’est indignée la candidate malheureuse des élections présidentielles de 2011. Madame Manigat fustige le comportement des autorités haïtiennes et celui des observateurs de la communauté internationale. Réussite ou catastrophe ? Alors que, d’un côté, les dirigeants haïtiens se disent globalement satisfaits et que la communauté internationale accorde des notes satisfaisantes, de l’autre côté, le RDNP, par la voix de sa secrétaire générale, Mirlande H. Manigat, résume la journée du 9 août à une mascarade. Dans ses propos, elle avance trois facteurs qui, selon elle, sont sans aucun doute à la base des résultats catastrophiques de cette journée qu’elle qualifie de lamentable. Il s’agit de l’incompétence, de l’impartialité et du manque de préparation du conseil chargé d’organiser ces scrutins. Aussi dénonce-t-elle l’attitude des autorités électorales qui, peu de temps après le scrutin, a assommé la population de chiffres trop nombreux, non identiques et douteux. La violence déclenchée de manière sporadique sur tout le territoire national, dans le but de dissuader les électeurs et créer un climat de méfiance et de peur, est tout aussi dénoncée par la secrétaire. Elle a aussi révélé un sabotage planifié, concernant le favoritisme de quelques mandataires des partis politiques proches du pouvoir en place. Par ailleurs, la secrétaire générale a souligné des irrégularités relatives aux bureaux de vote qui ont fonctionné sans listes de votants ou du moins avec des listes incomplètes. L’arrivée tardive des matériels, ainsi que l’observation tortueuse de la journée électorale, sont, dit-elle, des facteurs secondaires qui ont, eux aussi, participé à l’échec de la journée. Le numéro un du RDNP confie qu’elle est totalement désolée que les faits lui aient donné raison. Des faits, confirme-t-elle, qui prouvent enfin que ce que la population attendait du CEP n’ont pas été du tout au rendez-vous. Alors que le peuple haïtien espérait voir l’impartialité, l’intégrité des membres du CEP, et faire confiance au processus électoral, c’est en revanche, le copinage, les soupçons, et une panne de confiance qui se sont révélés a indiqué l’ancienne élue du département de l’ouest. Toutefois, au nom des positions morales et politiques qu’elle a toujours assumé, Mirlande Manigat et son parti invitent les citoyens, les candidats et les autres dirigeants de partis politiques, à se ressaisir pour manifester à l’unisson leur détermination de ne pas cautionner cette honte, et lutter jusqu’à l’annulation des élections, et la démission du CEP. Mirlande Manigat pour l'annulation du scrutin et le renvoi du CEP par Évens REGIS HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES La secrétaire générale du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), Mirlande H. Manigat, dans un point de presse, le mardi 11 août 2015, qualifie de mascarade et de catastrophe anti- démocratique, la journée électorale du 9 août. À cet effet, elle propose l’annulation des élections et la démission de tous les membres du Conseil électoral provisoire (CEP).
  • 4. WWW.LENATIONAL.HT 10, RUE GABART · PÉTION-VILLE EMAIL: INFO@LENATIONAL.HT PUBLICITE@LENATIONAL.HT REDACTION@LENATIONAL.HT (509) 4611-1010 / 3214-5554 PROPRIÉTAIRE : LE NATIONAL. 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Cependant, selon une source proche du secteur des imprimeries, cet appel d’offres, quoi que public, est monté contre les entreprises haïtiennes. Se fondant sur les exigences faites dans le cadre de cet appel d’offres, l’informateur assimile le comporte- ment de l’organisme onusien à une sorte de complot manigancé pour disqualifier les entreprises haïtiennes dans cette opération de passation de marché. Cet appel d’offres ne fait rien d’autre que « jeter de la poudre aux yeux », nous dit-il. Toujours, selon la source, dans le document d’appel d’offres, le Pnud a fait des exigences auxquelles il sait pertinemment qu’aucune entreprise haïtienne ne peut y répondre. Ces exigences qui sont de différents ordres concernent d’abord le niveau de sécurité se rapportant à des détails futiles, pour répéter la source, comme : code-barres, micro-impression, guilloche, impression d’encre ultraviolet, numérotage des bul- letins et caractères alphanuméri- ques. Ces mesures de sécurité, qui ne sont visibles qu’à la loupe, sont le plus souvent utilisées dans le cadre des papiers-chèques et des papiers-monnaies. Haïti ne dispose pas de ces normes de sécurité, lesquelles n’ont pas été exigées, ni respectées (au cas où elles auraient été demandées de gré à gré) dans le contrat octroyé à Dubaï pour les bulletins du pre- mier tour des législatives. Outre les mesures de sécurité, pour être éligible, le Pnud exige un fonds de roulement net de 5 millions de dollars américains au titre des cinq dernières années, explique la source à partir du document d’appel d’offres. Dans cette même veine, une garantie de soumission de 2 % du montant de la soumission est exigée et cela doit être fait par chèque au nom du Pnud. En plus de cette garantie demandée, un autre fonds évalué à 10 % du montant de la soumission est réclamé par chèque certifié au nom de l’organisme onusien comme garantie de bonne exécution. Il est également interdit à l’entreprise gagnante de sous- contracter une entreprise qui a été soumissionnaire conformément au point 18 dans le document établissant l’admissibilité et les qualifications du soumissionnaire et l’obligation est aussi faite à toute entreprise soumissionnaire de mentionner ses sous-contractants au moment même de déposer la soumission. De surcroît, il est demandé à l’entreprise de pouvoir imprimer à la fois les bulletins, les procès-verbaux ainsi que la liste d’émargement, a informé la source, précisant que même aux États-Unis, il est quasi-impossible de trouver une seule et même entreprise dotée de machineries capables de réaliser tous ces éléments. Il dit voir ainsi dans cet appel d’offres une structure de blocages élaborés spécialement contre les entreprises haïtiennes. En dépit de toutes ces exigences, au cas où l’entreprise (par ex. haïtienne) remporterait l’appel d’offres, aucune avance de fonds ne lui sera attribuée jusqu’à trente jours après la livraison des matériels, a déploré l’interlocuteur qui s’en est pris aussi à l’État haïtien ainsi qu’au Conseil électoral provisoire qui n’ont rien fait pour protéger les intérêts des entreprises nationales accordant plutôt les coudées franches aux « personnels du Pnud » dans le cadre de ce dossier. Les exigences sont tellement nombreuses que beaucoup d’entreprises se retrouvent dans l’impossibilité de soumettre leurs dossiers. Au lancement de l’appel d’offres, pas moins d’une vingtaine d’entreprises avaient manifesté leur volonté à postuler, mais seulement deux entreprises ont pu soumettre normalement leurs dossiers. Il s’agit d’une entreprise haïtienne avec plusieurs sous- contractants et « l’entreprise anonyme » basée à Dubaï qui avait eu le contrat d’impression des bulletins pour les législatives du 9 août 2015. Et il semblerait que le Pnud se serait penché en faveur de la compagnie de Dubaï, explique l’informateur. Car, dit-il, au moment de soumettre les plis, le chèque de la garantie de soumission de la Compagnie de Dubaï n’était pas dans le dossier. Alors que la candidature de cette entreprise aurait dû être automatiquement rejetée pour défaut de chèque, l’étonnement de notre informateur a été encore plus grand d’apprendre que « ce chèque se trouvait déjà dans les tiroirs du personnel du Pnud et qu’une copie a été greffée dans le dossier Dubaï », a précisé la source qui qualifie de « viciée » l’attitude de ces fonctionnaires du Pnud. L’impression des matériels pour les prochains tours varient entre 5 à 6 millions de dollars américains, a informé la source en énumérant un tas d’avantages que pourra bénéficier l’Etat haïtien au cas où les bulletins seraient imprimés en Haïti. En plus du coût qui sera moindre, certaines erreurs, comme celle enregistrée dans le bulletin de vote pour le Sénat du département du Sud où le visage d’un même candidat figurait sur deux partis avec deux noms différents, pourraient être aussi évitées. Car, dit-il, en 24 heures, les imprimeurs haïtiens peuvent reproduire la même quantité de bulletins erronés, ce qui est différent pour une entreprise basée à l’autre bout du monde avec trente heures de vol aller-retour et avec, tous les coûts additionnels y afférents. Un bloc de bulletins utilisés lors des législatives du 9 août 2015. / Photo: Ruben Chéry
  • 5. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 5 ACTUALITÉ Et commence le décompte des votespar Stephen Ralph Henri HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES » suite de la première page L e Centre de tabulation est déjà au travail. « Nous avançons. Nous commençons à recev- oir les procès-verbaux depuis dimanche soir », explique Widmack Matador, directeur du Centre. Il a été questionné par des journalistes du National au cours de la journée du 11 août. Les procès-verbaux de 7 des 10 départements géographiques du pays sont en train d’être préparés pour être transmis au CTV, d’après les explications de M. Matador qui pré- cise que seules les données pour les départements du Sud-Est, des Nippes et pour une partie de l’Ouest sont déjà arrivées au CTV. Il n y a pas un délai pour finir avec la réception des procès-verbaux des suffrages, toutefois dans le présent contexte, Widmack Matador souhaite « que tous les procès-verbaux puis- sent arriver d’ici cette semaine ». La quantité de procès-verbaux attendue avoisine les 27 000. Ils sont un total de 800 opérateurs du Centre de tabu- lation, répartis en deux groupes, tra- vaillant matin et soir. Le Centre fonc- tionne 24 h/ 24, d’après Widmack Matador, qui assure que « tout fonc- tionne très bien », qu’il n’y a aucun problème et que tout est calme. Bienvenue au CTV Le Centre de tabulation est une direction créée par l’article 171 du décret électoral. Elle dépend de la direction exécutive de l’institution. En arrivant au Centre, en dehors des divers gestes exécutés par ces opérateurs, femmes et hommes, qui portent tous des gilets rouges ou bien bleus, c’est une forte chaleur qui frappe les sens. Certains opérateurs, visiblement assoupis, ont la tête pen- chée sur leur table de travail. Les ventilateurs de plafond n’apportent aucun palliatif. Le directeur du CTV reconnaît que la température dépasse considérable- ment la normale. « La chaleur est certainement forte. » Néanmoins, il estime que la forte sensation ressen- tie est due au fait que ces élections sont organisées à une époque plutôt, estivale. Le CTV paraît être un lieu fragile, dès la première barrière, les agents de sécurité informent sur les interdits. « Pas de stylo à l’encre noire ou bleu, seuls ceux à l’encre rouge sont admis », lance un agent de sécu- rité, à l’endroit des journalistes du National. « Pas de téléphone et pas de caméra (sauf pour les journalistes) », a-t-il ajouté. Une fois à l’intérieur, la liste devient encore plus longue. Sur une cloison en bois, haut d’environ un mètre, les images des objets prohibés sont affichées clairement. Pas de boisson alcoolisée, pas de nourriture, pas de lunettes solaires, pas de sacs à dos, ni de valises. Pour les fumeurs, la cigarette y est interdite, et pour les utilisateurs ou amants des gadgets électroniques, les ordinateurs por- tables, les tablettes, voire les sup- ports de stockage amovibles, tels que clés USB, sont également bannis. Les armes blanches ou à feu sont égale- ment prohibées. La partition des opérations au CTV est exécutée en cinq temps : d’abord, la réception des procès-verbaux, des votes dans des sacs scellés, contenant également la feuille de comptage et les procès-verbaux d’incidents puis d’irrégularités, et la liste électorale partielle (LEP). La numérisation et l’inventaire informatique des procès- verbaux de vote s’opèrent aussi à ce stade. La deuxième mesure consiste à vérifier l’authenticité des papiers des procès-verbaux, pour s’assurer que ce sont les documents fournis par le CEP. La conformité entre le procès-verbal et son centre de vote de provenance, les données inscrites en chiffres et leurs expressions en lettres et les ratures sont d’autres tâches, que comporte ce deuxième niveau, appelé contrôle visuel. Les opérateurs du contrôle visuel peuvent transmettre les procès-verbaux vers deux sec- tions, celle des saisies ou bien du contrôle légal. Les procès-verbaux ne comportant aucune irrégularité, conformément à l’article 171.1 du décret qui stipule les conditions d’irrecevabilité d’un procès-ver- bal, sont dirigés vers la saisie. Les procès-verbaux ayant des problèmes sont transmis au contrôle légal, où des avocats se chargent de vérifier leur validité. Ainsi s’accomplit le troisième temps. Les procès-verbaux ne présentant aucun problème sont insérés dans le système informatique. Une comparaison des données entre le procès-verbal physique et les don- nées sauvegardées dans le système informatique, dans l’objectif d’assurer leur compatibilité, représente l’avant- dernier temps, le quatrième, qui précède l’archivage, l’ultime étape. Cette chaîne est instituée pour empêcher toute fraude, d’après le directeur Matador. « La possibilité de fraude dans les saisies est minime », explique-t-il à un candidat à la dépu- tation, qui s’est rendu au Centre au cours de la journée du 11 août. Il souligne aussi à l’attention de ce candidat que toutes les informations qui ont été dans le système, particulièrement celles utilisées dans les dernières séances de formation des opérateurs du Centre, ont été effacées. « Une mise à zéro de la base de données a été faite dimanche soir (avant le début des opérations) », assure le directeur du CTV à ce candidat, qui se réfère à l’article 171 du décret électoral pour justifier sa présence au Centre. Cet article du décret, autorise les partis et les groupements de partis politiques ainsi que les candidats participant aux scrutins à accéder au CTV. Marc Wood Pierre, candidat à la députation pour la troisième circonscription de Port-au-Prince, rencontré au CTV, a déclaré au National être venu vérifier les opérations de saisie de données au CTV, « après toutes les irrégularités enregistrées lors du vote ». Les opérations de décompte des votes, pour les législatives du dimanche 9 août, ont commencé au Centre de tabulation (CTV). Un peu plus de quarante-huit heures après la fermeture des bureaux de vote, seules des données pour trois départements sont arrivées, dans cet espace truffé d’interdits et hanté par une forte chaleur.
  • 6. 6 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 ACTUALITÉ Un accroc aux normes démocratiquespar Gary VICTOR T rois importantes organisations de la société civile, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), le Conseil national d’observation (CNO) et le Conseil haïtien des acteurs non éta- tiques (Conhane) - qui ont observé le déroulement du scrutin du 9 août 2015 en déployant sur le ter- rain un total de 1 500 observateurs présents dans tous les départements géographiques du pays pour observer le déroulement du vote, de l’ouverture des centres de vote jusqu’à l’affichage des résultats du dépouillement -, ont conclu que le scrutin était un accroc aux normes démocratiques. Dans ce rapport rendu public ce mardi 11 août, ces organisations ont relevé de nombreuses irrégularités. Elles ont signalé que les observateurs électoraux ont reçu tardivement leur accréditation. Certains autres, selon elles, n’ayant pas été accrédités par le CEP, se sont contentés de porter un maillot avec l’inscription « Observation Électorale » alors que des institutions n’ayant rien à voir avec l’observation électorale ont été accréditées par le CEP. Ces « observateurs » étaient en fait des mandataires de partis politiques et leur technique d’intervention était simple, selon ces organisations de la société civile : soudoyer les votants. Le rapport a aussi attiré l’attention sur le fait que les mandats distribués aux partis politiques par le CEP étaient de couleurs différentes. Certains auraient reçu des mandats de couleur verte alors que d’autres en auraient reçu de couleur jaune. Ce rapport a épinglé aussi le CEP pour le fait qu’une grande partie des bureaux de vote ont commencé à fonctionner en retard pour diverses raisons, comme : des superviseurs arrivés en retard dans les centres de vote ; d’autres qui ne se seraient pas présentés du tout sur leur lieu d’affectation ; des matériels envoyés dans des endroits autres que leur lieu de destination ; des listes de membres de bureau de vote retenus et formés truquées la veille du scrutin ; des matériels sensibles non disponibles pour le démarrage du processus. Autre grave irrégularité signalée : des centres de vote délocalisés à la dernière heure. Pour ces mêmes organisations, les matériels utilisés pour ces élections, comme les isoloirs, les urnes, l’encre indélébile (cette dernière, décidément très délébile), seraient inadaptés. L’espace physique des centres de vote a intéressé aussi ces organisations. Ce rapport rappelle que le CEP a installé dans le pays un nombre total de 1 508 centres de vote. Plusieurs d’entre eux étaient placés dans des établissements scolaires. D’autres, dans des espaces de bureaux publics ou dans des marchés publics. Cependant, signalent ces organisations, 37 centres de vote étaient installés dans des maisons privées. Le rapport continue ainsi : « Les locaux de nombreux établissements scolaires utilisés pour le scrutin sont exigus et souvent mal éclairés. Dans certains, il fait noir en plein jour, portant les membres des bureaux de vote à faire usage de leur lampe. Des bureaux de vote étaient juxtaposés dans une cacophonie telle que l’électeur avait du mal à identifier le bureau où il devait voter. Conséquemment, les centres et les bureaux de vote, par leur organisation et par leur fonctionnement, n’avaient pas la capacité d’accueil en vue de recevoir les électeurs et leur permettre de voter dans la dignité.» Le rapport du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), du Conseil national d’observation (CNO) et du Conseil haïtien des acteurs non étatiques (Conhane) a signalé de nombreux cas de violences, d’agressions et d’intimidations. Ainsi, à l’ouverture même de certains bureaux, c’est-à-dire tôt dans la matinée, des individus armés ou non, sont entrés dans ces centres de vote, pour les saccager et détruire les matériels de vote. Dans au moins 50 % des centres de vote, toujours selon ce rapport, des actes d’intimidations, de violences et de fraudes électorales ont été enregistrés. Ils auraient été perpétrés pour différentes raisons. Dans certains cas, ce serait pour que les urnes soient emportées ou bourrées. Dans d’autres cas, ces actes auraient été perpétrés dans le dessein de perturber le vote et de parvenir à l’annulation du processus électoral, notamment lorsque les partisans de certains candidats se seraient rendu compte qu’ils étaient sur le point de perdre les élections. Le rapport signale que les cas de violence ont été commis tôt dans la matinée, alors que, habituellement, ils sont enregistrés en fin d’après-midi ou au moment de la fermeture des bureaux de vote. Ces organisations de la société civile rapportent en outre que de nombreux mandataires étaient impliqués dans les cas de violences électorales. « Ces derniers, en fait, n’étaient pas présents pour observer et défendre les intérêts de leurs mandants. Ils avaient au contraire pour mission de tout mettre en œuvre en vue de voler les élections. Dans de nombreux cas, les mandataires ont aussi bénéficié de la complaisance des membres de bureaux de vote qui leur ont permis de rester dans les bureaux de vote, sans identification, sans maillots. » Le rapport continue : « Face aux intimidations, aux menaces, aux actes de violence perpétrés un peu partout à travers le pays, la passivité de la Police nationale d’Haïti (PNH) était constante. Dans les rares cas où l’institution policière a été tenue d’agir, elle a été sollicitée par la population. Les agents de la PNH et les agents de l’ASE, qui étaient chargés d’assurer la sécurité du vote, n’ont pas été à la hauteur de la tâche qui leur avait était confiée. Souvent, les cas de fraude et de violence électorale susmentionnés ont été réalisés en leur présence. » En conclusion, le RNDDH, le CNO et le Conhane écrivent : « Le scrutin du 9 août 2015 était entaché de graves irrégularités, d’actes de violences et de fraudes. Le CEP a tenu à tout prix à réaliser des élections, sans tenir compte de la qualité de celles-ci. Le résultat est patent : le scrutin du 9 août 2015 s’est déroulé dans l’irrespect total de la dignité humaine. « Il est inconcevable qu’un pays comme Haïti, qui se targue de se battre pour l’État de droit et la démocratie, réalise en ce XXIe siècle des élections qui constituent un accroc aux normes démocratiques. Il est inadmissible que la loi de la majorité soit utilisée par les autorités pour justifier l’échec cuisant enregistré par l’organisation de ce scrutin. Les erreurs commises le 9 août 2015 doivent être reconnues par ceux-là qui sont aussi appelés à organiser les élections à venir dans le but d’améliorer ce qui doit l’être. » « De plus, il ne fait aucun doute que le scrutin du 9 août 2015 soulève le problème de légitimité des prochains représentants au Parlement haïtien. C’est pourquoi le RNDDH, le CNO et le CONHANE invitent tous les acteurs impliqués, à quelque niveau que ce soit, dans le processus électoral, à ne pas banaliser les faits enregistrés lors de ce scrutin, et recommandent au CEP de se méfier de tous ceux qui lui affirment que tout s’est bien passé. » « L’organe électoral doit au contraire tout mettre en œuvre en vue de rectifier le tir lors des prochaines élections. » Une position complètement différente de celle de la communauté internationale qui semble pressée de passer à l’étape suivante de son agenda. HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES Édouard Paultre, responsable du Conhane. / Photo : J. J. Augustin
  • 7. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 7
  • 8. 8 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 MONDE Accord Turquie-USA sur une zone de sécurité en Syrie Sources : Reuters L a Turquie et les Etats-Unis se sont mis d’accord sur la créa- tion d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie, a annoncé mardi le sous-secrétaire d’Etat turc aux Affaires étrangères sur la chaîne de télévision CNN Türk, une nouvelle étape dans leur campagne commune contre l’organisation Etat islamique (EI). En vertu de cet accord, les forces turques et américaines bombar- deront les djihadistes de l’Etat islamique (EI) mais aussi les combattants kurdes qui se trou- veraient à l’intérieur de cette zone, a précisé Feridun Sinirlioglu. « Si le PYD (ndlr, Parti kurde de l’union démocratique) ou Daech pénètrent dans cette région, ils seront frappés par la Turquie et par les Etats-Unis », a-t-il dit. Des combattants rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) seront chargés de patrouiller au sol cette zone d’une centaine de kilomètres de long sur 45 de large. Des sources diplomatiques infor- mées du projet ont déclaré que la création de cette « zone de sécurité » pourrait permettre de couper l’une des voies d’approvisionnement de l’EI dans cette région. Le noyau des rebelles entraînés par l’armée américaine, qui compte moins de 60 combattants, sera lourdement équipé et en mesure de faire appel à un soutien aérien en cas de besoin, ont précisé ces sources. Fin juillet, Washington et Ankara avaient annoncé leur intention de repousser les djihadistes hors d’une bande de terre sur une por- tion de la frontière turco-syrienne. Ces derniers jours, et avant même la concrétisation de cette initiative turco-américaine, l’Etat islamique a accentué ces opérations dans ce secteur situé au nord d’Alep, notamment dans la ville de Marea, à une vingtaine de kilomètres au sud de la frontière avec la Turquie. Lundi, le Front al Nosra, filiale syrienne d’Al Qaïda, a annoncé son retrait de ces zones. L a police a procédé à des dizaines d’arrestations à Fergu- son durant une nouvelle nuit de confrontation malgré l’état d’urgence instauré lundi dans cette ville du Missouri, théâtre de violences lors de l’anniversaire de la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc. Des centaines de manifestants ont montré leur colère en jetant des bouteilles et des pierres sur les forces de l’ordre, souvent cas- quées et protégées par des bou- cliers transparents. La police a riposté avec du gaz poivre et en procédant à de nom- breuses arrestations. « Les policiers sont visés par des pierres et des bouteilles. Nous continuons de soutenir la liberté d’expression, mais les agitateurs qui ne répondent pas aux appels à se disperser risquent d’être arrêtés », a prévenu la police sur Twitter. Les autorités ont décrété l’état d’urgence lundi après-midi mais n’ont pas instauré de couvre-feu sur la ville. Steve Stenger, le responsable du comté de Saint Louis, où se trouve Ferguson avait annoncé que la police du comté prenait en charge la gestion de la crise dans la ville, pour tenter d’éviter les dérapages et les maladresses qui avaient contribué à jeter de l’huile sur le feu l’année dernière et mené à de violents affrontements. Aucun chiffre précis du nombre d’arrestations n’était disponible en début de matinée. Elles avaient commencé tôt dans la soirée lorsque des manifestants ont tenté de bloquer pacifique- ment l’une des autoroutes de la ville et ont été délogés par la police. Dimanche, après une journée de manifestations, essentiellement dans le calme, pour commémorer la mort de Michael Brown, la ten- sion était brutalement montée après qu’un jeune Noir de 18 ans a fait feu à plusieurs reprises sur des policiers, qui ont riposté par des tirs très nourris. L’incident, qui n’avait rien à voir avec les manifestations, s’était produit après un affrontement entre deux bandes rivales. Tyrone Harris a été inculpé lundi pour coups et blessures sur un agent de police, agression à main armée et pour avoir tiré sur un véhicule motorisé, avant d’être blessé par les trois policiers qui ont répliqué. Même si le contexte de cette fusil- lade est très différent de l’incident d’août 2014 et les émeutes qui ont éclaté en novembre quand le policier qui avait abattu Michael Brown a été totalement blanchi par des jurés, il n’en a pas moins accru les tensions. Rythme glacial des réformes Elles restent très vives dans la ville malgré les efforts faits par les auto- rités pour tenter de restaurer un lien plus serein entre les policiers -- en très grande majorité blancs -- et la population qui dénonce leurs incessantes brimades. Le comportement scandaleux de la police de Ferguson a été con- firmé par un rapport accablant du ministère de la Justice et depuis le chef de la police et plusieurs responsables de la ville ont depuis démissionné ou été remplacés. Le nouveau chef de la police est un Noir. D’autres cas de violences policières gratuites envers des Noirs -- qui ont coûté la vie à plusieurs d’entre eux -- ont jeté la lumière sur des méthodes et un état d’esprit des milliers de services de polices locaux aux Etats-Unis qui affec- tent la communauté noire mais sont souvent ignorés de la popula- tion blanche. Plus largement, elles ont crûment illustré le fait que l’élection du premier président Noir en 2008, présentée comme le signe d’une ère post-raciale, n’avait en fait rien changé en profondeur. Le président de la NAACP, plus importante association de défense des droits civiques des Noirs américains, Cornell William Brooks, a estimé dimanche que les réformes législatives qui per- mettraient d’obliger la police à rendre plus de comptes et à mieux former ses agents avançaient à un rythme « glacial ». Barack Obama a lui rejeté les cri- tiques accusant le premier prési- dent américain Noir de ne pas en avoir assez fait pour lutter contre le racisme, lors d’un entretien sur la radio publique NPR. « Je me sens pris d’une grande urgence pour accomplir autant que possible » avant de quitter le pouvoir en janvier 2017, a-t-il déclaré. Des dizaines d'arrestations à Ferguson après une nuit de confrontation Sources : afp Des policiers arrêtent un homme à Ferguson (Missouri) dans la nuit du 10 au 11 août 2015. / Photo : par Michael B. Thomas/AFP Militaires turcs à la frontière avec la Syrie près du village d’Esme. La Turquie et les Etats- Unis se sont mis d’accord sur la création d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie, a annoncé le sous-secrétaire d’Etat turc aux Affaires étrangères. En vertu de cet accord, les forces turques et américaines bombarderont les djihadistes de l’Etat islamique (EI) mais aussi les combattants kurdes qui se trouveraient à l’intérieur de cette zone. / Photo prise le 24 février 2015/REUTERS ETATS-UNIS
  • 9. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 9 MONDE Au moins 47 morts dans une explosion sur un marché Sources : AFP A umoins47personnesontété tuées et une cinquantaine blessées dans une explosion mardi sur un marché dans le nord-estduNigeria,fréquemmentvisé par le groupe islamiste Boko Haram, ont indiqué à l’AFP des témoins. L’explosion a touché le marché hebdomadaire du village de Sabon Gari, situé à environ 135 km au sud de Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno, à une heure de grande affluence vers 13h15 (12h30 GMT), ont indiqué ces sources. « Nous avons reçu 47 cadavres et au moins 50 (personnes) avec des blessures transportées depuis le marché de Sabon Gari où l’explosion a eu lieu cet après- midi », a déclaré à l’AFP un infirmier à l’hôpital général de Biu, à 50 kilomètres de là. Il a expliqué que les blessures étaient pour la plupart « sérieuses » et que le bilan pouvait encore s’alourdir. « L’explosion a eu lieu à l’intérieur du marché, dans la section téléphonie mobile », a indiqué Said Yuram Bura, membre d’un groupe d’autodéfense combattant Boko Haram au côté de l’armée. L’engin explosif « était caché dans un sac utilisé pour disperser des herbicides. Il a été introduit dans le marché et visiblement abandonné », a précisé M. Bura. L’explosion portait la marque de fabrique de Boko Haram, selon des témoins, le groupe islamique ayant par le passé ciblé des stations de bus, des mosquées et des églises au cours de l’insurrection sanglante qu’il a menée depuis six ans. « Des soldats ont été déployés sur place, et le marché a été fermé », a expliqué à l’AFP Samaila Biu, un marchand local. « Suite à l’explosion, tout le monde a fui par peur de nouvelles attaques. Toutefois, des membres de groupes d’autodéfense et des volontaires se sont rendus sur place et ont pu évacuer les victimes », a-t-il poursuivi. Plus de 800 morts en deux mois L’attaque a eu lieu deux jours après que des membres de Boko Haram ont tué quatre personnes et en ont enlevé cinq autres au cours d’une embuscade? Sur une autoroute dans la zone, selon un groupe local d’autodéfense. Des hommes armés soupçonnés d’appartenir au groupe islamiste ont abattu huit personnes fin juillet dans un village près de Biu. L’insurrection du groupe islamiste Boko Haram et sa répression par les forces de l’ordre nigérianes ont fait plus de 15 000 morts depuis 2009. Une nouvelle vague de violences frappe le nord-est du Nigeria depuis l’investiture, le 29 mai, du président Muhammadu Buhari, qui a érigé en priorité la lutte contre les islamistes. En deux mois, plus de 800 personnes y ont été tuées. Cette vague s’est étendue au Tchad et au Cameroun voisins, touchés à leur tour, ces dernières semaines, par des attentats- suicide meurtriers inédits sur leur sol. Muhammadu Buhari, qui a fait de la lutte contre Boko Haram une priorité de son mandat, a annoncé vendredi vouloir relancer la fabrication nationale d’armes, afin de réduire sa dépendance aux armes étrangères dans sa lutte contre les insurgés islamiste Le président nigérian a demandé au ministère de la Défense de mettre en place un plan pour « l’établissement d’un modeste complexe militaro-industriel, pour produire localement des armes permettant de répondre à une partie des besoins des forces armées du pays ». Des milliers de Nigérians empêchés de quitter le pays La victoire de M. Buhari a déclenché une vague d’optimisme dans le pays, premier producteur africain de pétrole, qui a toutefois des problèmes difficiles à résoudre. L’armée clame depuis longtemps avoir été freinée par le manque d’armes adéquates, et M. Buhari, en visite à Washington le mois dernier, a estimé que le refus des Etats-Unis de fournir des armes aux troupes nigérianes en raison “de soi-disant violations des droits de l’Homme” ne faisait que profiter à Boko Haram. Les forces de l’ordre nigérianes ont souvent été pointées du doigt par les organisations de défense des droits de l’homme pour avoir commis des exécutions sommaires et des détentions arbitraires, notamment, dans le cadre de la lutte contre les islamistes. Le gouvernement américain ne peut légalement aider militairement un pays accusé de telles violations. Le Nigeria tente également d’empêcher ses ressortissants d’être recrutés par les organisations terroristes étrangères. Près de 24 000 Nigérians, âgés de 17 à 35 ans, ont ainsi été empêchés de quitter leur pays entre janvier 2014 et mars 2015, ont annoncé mardi les Services d’immigration du Nigeria (NIS), pour tenter de les dissuader de rejoindre des groupes terroristes étrangers. « Des rapports récents ont indiqué que certains Nigérians partent pour rejoindre des groupes terroristes, particulièrement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord », a déclaré le porte-parole du NIS, Chukwuemeka Obua. NIGERIA
  • 10. B ien sûr, les Français ont vu ce phénomène comme une bonne affaire : notre pays, très consommateur d’essence et dénué de toutes ressources, a vu ces événements comme un soulage- ment. Le mauvais présage de feu Christophe de Margerie, patron de Total jusqu’à son décès en octobre dernier, qui prévoyait pour les pro- chains mois un prix à la pompe de 2 euros pour le sans plomb, était écarté. Mais là encore, les conséquences d’un processus excessifs seront lourdes. Les pays exportateurs de pétrole, qu’il s’agisse des monarchies du Golfe ou des pays d’Amérique Latine, dont le Venezuela de notre camarade Nicolas Maduro, se retrouvent en grave dif- ficulté financière. Le cercle vicieux est en œuvre depuis maintenant un an : la baisse du baril entraîne logique- ment des profits moins élevés pour les Etats producteurs ; leurs dettes pub- liques et leurs devises deviennent des placements moins avantageux, voire plus dangereux, ce qui provoque le départ de nombreux financiers ; ces pays se trouvent pris dans un certain étau, entre moins de profits et moins d’investissements. Après le pétrole, les guerres Les entreprises qui y ont encore leurs placements, pour beaucoup europée- nnes et américaines, font face à des risques toujours plus élevés pour leurs trésoreries. Plus globalement, la sortie accélérée des capitaux en devises monétaires concernées entraîne un cercle vicieux, qui déstabilise com- plètement le marché international des changes. Ce dernier vacille d’autant plus qu’un autre facteur vient perturber l’équilibre financier du capitalisme planétaire, et non des moindres : les guerres. Les années 2010 voient une très forte recrudescence des hostilités armées, dont la présentation par nos « grands » médias comme de simples guerres civiles cache mal l’ampleur de leurs répercussions. Tout particulière- ment, les guerres libyenne et syrienne, largement encouragées par l’OTAN qui a financé et armé les prétendus « rebelles », déstabilisent des régions entières, voire des continents. Le Maghreb et le Moyen-Orient pâtissent sévèrement, d’un point de vue financier, de la montée en puis- sance des groupes djihadistes. La Libye et la Syrie étaient des modèles économiques, tant en point de vue de leur produit intérieur que de la distri- bution des revenus au sein de leurs populations. Cette relative prospérité a poussé leurs voisins à lier des capitaux aux leurs, tant elles représentaient une stabilité prometteuse. Les événe- ments meurtriers, qualifiés de « print- emps arabe » alors qu’ils étaient pour l’essentiel provoqués par des milices de mercenaires, ont profondément rebattu les cartes dans les régions. Les puissances occidentales, Union européenne et Etats-Unis en tête, mini- misent largement l’aspect économique de ces guerres ; d’une part, parce qu’elles les ont délibérément déclen- chées, d’autre part, parce que des pays comme les USA ou la France placent leurs pions sur l’échiquier économique. En Libye, par exemple, Total s’est rué sur les exploitations pétrolières, faisant peu de cas de la population locale et de son devenir. En Syrie, le pari fait par la France est d’abord et avant tout la chute du régime d’El Assad, encore aujourd’hui malgré l’horreur incarnée par Daech. De solides, la Syrie et la Libye sont désormais vouées à s’écrouler dans le ventre mou du tiers-monde. Mais d’autres entreprises occidentales ou internationales avaient misé gros sur les économies syrienne et libyenne ; nombre d’entre elles ont procédé au retrait d’une quantité importante de capitaux. Et ce phénomène a, lui aussi, bouleverse le marché des devises. La dépréciation rapide des taux de change accentue les tensions qui pèsent sur les entreprises fortement endettées en devises [des Etats pro- ducteurs de pétrole ou en guerre] et cela a provoqué de fortes sorties de capitaux des pays émergents », constate le Fonds monétaire interna- tional. Ce dernier souligne la gravité financière des événements actuels : « l’augmentation de la volatilité des principaux taux de change a été la plus forte depuis la crise financière mondia- le. La diminution des liquidités sur les marchés des changes et les marchés obligataires, de même que l’évolution de la composition des investisseurs, ont accentué les frictions dans les ajustements de portefeuille ». Les « frictions » dans les « ajustements » sont des euphémismes : même s’ils jurent ne jamais céder à la panique, l’assombrissement des perspectives internationales donne aux investis- seurs des sueurs froides. Faillites bancaires en pagaille Petit à petit, les conditions d’un krach se réunissent. Aux éléments observés par le Fonds monétaire, d’autres phé- nomènes sont à étudier de près. La situation des marchés financiers, en particulier en Europe, donne à elle seule un signal extrêmement pessi- miste pour l’avenir immédiat. C’est d’abord une banque autrichienne qui a provoqué en Europe centrale des remous démesurés. Depuis la crise de 2008, Hypo Alpe Adria (HAA) est inca- pable de sortir la tête de l’eau, empê- trée dans toutes sortes de placements toxiques. En grave difficulté depuis 2014, ses problèmes viennent pour l’essentiel de sa filiale Heta, spécialisée dans les investissements à risque. Pour maintenir ses activités, HAA se voyait régulièrement aidée par les fonds publics : entre 2008 et 2015, ce sont 5,5 milliards d’euros qui ont été versés, sans contrepartie ni rembourse- ment, par l’Etat autrichien à la banque. Face à la colère des contribuables, et à l’impasse de la situation, l’Autriche a pris une décision le 1er mars dernier : ne plus donner un euro à Heta, dont les actifs ne représentaient plus alors que 280 millions d’euros. Mais cette structure était organiquement liée à de nombreux acteurs financiers, en Europe de l’Est et également en Alle- magne. C’est notamment la Düsseldorf Hypotherkenbank, basée dans la capi- tale de Westphalie, qui a pâti le plus immédiatement de la faillite annoncée de Heta. Banque modeste et entière- ment liée à HAA, Düsselhyp représente néanmoins une première étape d’un « effet boule de neige considérable », concède le quotidien libéral en ligne la Tribune : « avec un impact initial de 280 millions, on met en péril un bilan de 11 milliards, et un marché de quelque 400 milliards d’euros ». Pour éviter la contagion, l’Association allemande des banques privées (BdB) a immédiatement pris le contrôle de la Düsselhyp ; mais cette dernière n’est pas la seule concernée par la faillite de la filiale de la HAA, loin s’en faut. La bavaroise BayernLB et Dexia Kom- munalbank sont exposées à hauteur de plusieurs milliards. Si les flammes apparentes ont été étouffées, le brasier pouvant provoquer une crise bancaire en Europe centrale reste intact. Parallèlement, un pays bien plus petit mais plus proche de nous était ébranlé par une crise de premier ordre : Andorre. La principauté, dont le président de la République fran- çaise est également le chef d’Etat, a fait face à une déstabilisation jamais vue. La Banque privée d’Andorre (Banca Privada d’Andorra, BPA) s’est retrouvée sous la coupe d’une enquête américaine, ouverte le 10 mars par la FinCEN, organisme attaché au Trésor chargé de lutter contre le crime finan- cier. En cause, la BPA avait blanchi l’argent de mafias chinoises, russes et vénézuéliennes, selon les autorités américaines. L’aspect géopolitique dans l’affaire est important, tant les trois pays cités con- stituent des adversaires de premier plan pour l’impérialisme états-unien ; du point de vue économique, qui nous intéresse ici, l’affaire a provoqué un déficit de confiance sans précédent pour les plus de 7 milliards d’actifs de la BPA. Le petit Etat a pris le con- trôle de la banque, fait inédit dans son histoire ; mais, comme le rap- pelle la Tribune6, Andorre n’a « pas de filets de sécurité ». N’étant pas membre de la zone euro, la Banque centrale de Francfort ne le renflouer- ait pas en cas de faillite ; or, les actifs de la BPA sont deux fois supérieurs au produit intérieur brut de la princi- pauté. Si elle venait à déposer le bilan, elle entraînerait dans sa chute bien d’autres institutions, à commencer par les banques espagnoles avec lesquelles elle entretient des partenariats finan- ciers privilégiés. *Benoit Delrue est journaliste au quo- tidien français LE BILAN **La suite dans la plus prochaine édi- tion du National. TAUX DE RÉFÉRENCE (BRH) >Taux moyen d’achat 52.0045 GDES >Taux moyen de vente 53.2000 GDES COURS DE LA GOURDE 10 AOÛT 10 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 ÉCONOMIE L’explosion de cette bulle, c’est pour bientôt. Les Haïtiens le savent-ils ? Ailleurs dans le monde, les grands porteurs d’action, les milliardaires de la grande bourgeoisie financière, savent parfaitement jouer avec les règles du marché ; quand l’éclatement surviendra, ils en seront les premiers informés, car ils disposent de tous les outils pour visualiser l’évolution proche des actifs financiers. En attendant, ils s’empiffrent sans aucun cas de conscience. Et les autres ? Selon le FMI, la plus grosse bulle financière de l'Histoire va bientôt exploserPar Benoit Delrue* | 2 de 5
  • 11. 10. Pays-Bas Les Pays-Bas possèdent le port le plus grand et le plus animé d’Europe, ce qui permet aux Néerlandais d’avoir un salaire annuel de 29 000 dollars par personne. 9. Corée du Sud L’économie sud-coréenne connait une des croissances les plus rapides d’Asie et du monde. Les habitants du pays ont un salaire annuel de 35 400 dollars par personne. Son taux d’impôt sur le revenu personnel est d’environ 12 %. 8. Norvège C’est grâce aux riches ressources naturelles, dont le pétrole, l’énergie hydraulique, la pêche et les mines de charbon, que la Norvège s’est classée parmi les pays les plus riches du monde. Tout comme les Pays-Bas, la Norvège a des dépenses de santé et d’éducation élevées, qui représentent près de 30 % des revenus nationaux. Le revenu annuel par habitant est de 31 100 dollars. 7. Canada Les réserves de pétrole du Canada sont les deuxièmes plus importantes au monde, juste derrière l’Arabie Saoudite. Le pays est par ailleurs riche en bois, et c’est un grand pays d’agriculture. Le revenu annuel par habitant est de 42 000 dollars. Pourtant, le taux d’impôt reste à 23 %. 6. Grande-Bretagne La Grande-Bretagne, l’Ecosse et l’Irlande forment ensemble l’économie la plus forte d’Europe. Le salaire annuel est de 45 000 dollars par personne, et le taux d’impôt, 25 %. 5. Australie L’économie australienne est une des économies les plus stables au monde. L’Australie est un grand pays exportateur de produits alimentaires et de pétrole. Cependant, ses importations sont assez faibles. Le revenu annuel moyen dans le pays est de 44 980 dollars. 4. Suisse L’industrie manufacturière de la Suisse est un véritable appui à l’économie industrielle de l’Europe. Le pays produit principalement des produits sanitaires, des appareils de précision et des instruments. Son revenu annuel par habitant est de 50 000 dollars, et le taux d’impôt, 30 %. 3. Luxembourg Le Luxembourg est le centre financier de l’Europe. Son revenu annuel par habitant est de 53 000 dollars. 2. Irlande L’Irlande est le centre agricole de la Grande-Bretagne. Sa richesse provient de son industrie de la haute technologie. Les habitants touchent un salaire annuel moyen de 51 000 dollars, inférieur à celui du Luxembourg. Pourtant, le taux d’impôt y est de 18,9 %, le plus bas de toute l’Europe. 1. Etats-Unis Les Etats-Unis possèdent de riches ressources naturelles, et tout le monde travaille avec assiduité. C’est le plus grand pays importateur et le deuxième plus grand pays exportateur. Le revenu annuel par habitant est de 55 000 dollars, et le taux d’impôt, 23 %. Les dix pays où on touche le salaire moyen le plus élevé au monde Sources : Peopledaily COMMERCEMONDIAL MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 11 ÉCONOMIE Le salaire moyen, selon l’OCDE, est un indicateur important qui sous-tend la présentation des paramètres du système et les résultats de modélisation des retraites. Les salaires moyens les plus élevés du monde vont de 29 000 dollars à 55 000 dollars. Un salaire moyen Partenariat transpacifique: échec des négociations Sources : Réseau International Les ministres du Commerce des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique ne sont pas parvenus à conclure un accord final après quatre jours de négociations à Hawaï. Une tâche politique sur l’héritage que Barack Obama laissera à son successeur. L es points de désaccord princi- paux entre les 12 pays (Etats- Unis, Japon, Canada, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande, Pérou, Chili, Vietnam, Malaisie, Sin- gapour et Brunei) concernaient le commerce automobile, les médica- ments et le lait. Le conflit entre les producteurs d’automobiles japonais et américains était au centre des désaccords, tandis que la Nouvelle- Zélande cherchait à protéger ses intérêts dans le secteur de l’industrie laitière. Aucun progrès n’a été fait en ce qui concerne les taxes sur les médica- ments de nouvelle génération. Les producteurs de médicaments se sont prononcés pour un monopole de 12 ans sur les recherches et les innova- tions. Quelques pays ont de leur côté déclaré que cela pourrait faire obstacle à l’accès aux consommateurs. « Nous avons fait des progrès consi- dérables », a néanmoins déclaré le représentant au Commerce des Etats- Unis, Michael Froman. Dans le même temps, des désaccords majeurs exis- tent toujours entre les quatre écono- mies les plus puissantes des pays riv- erains de l’océan Pacifique, à savoir les Etats-Unis, le Canada, le Japon et le Mexique. Bien que les détails de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) n’aient pas été rendus publics, selon les experts, les Etats-Unis sou- haitent gagner 77 milliards de dol- lars et le Japon 105 milliards par an. Le TPP n’inclut pas la Chine, et veut opposer son influence dans la région à celle de Pékin. Le fait que l’accord n’ait pas été signé à Hawaï pourrait apparaître dans les thèmes de la course à la présidenti- elle américaine, ce qui pourrait tuer l’affaire dans l’œuf. Si l’accord avait été signé vendredi dernier, il aurait pu être signé mi- novembre à la réunion de la Coopéra- tion économique pour l’Asie-Pacifique, à Manila, et ratifié dans les 90 jours par le Congrès américain. Mais dans le contexte actuel, cette affaire ne peut être remise au plus tard qu’en février 2016, ce qui permettrait aux démocrates et aux républicains d’influer sur cet accord par différents côtés. Le TPP a déjà été accusé d’opacité par le passé. L’écrivain et journaliste canadien Cory Doctorow a écrit sur son blog Boing Boing en mai dernier: « si le libre-échange veut avoir un avenir, cet avenir doit résider dans la trans- parence et la légitimité qu’induit la transparence ».
  • 12. L a sécurité est un domaine à plusieurs facettes qui opère au point de croisement entre le développement humain et la gestion durable des ressources en eau, énergétiques et alimentaires. « L’eau, l’énergie et le Réveil arabe », un nouveau livre écrit par une association d’anciens dirigeants du monde, le ‘InterAction Coun- cil’, co-édité et publié par l’Institut universitaire des Nations Unies pour l’eau, l’environnement et la santé, explore les dimensions de la sécurité à partir d’une gamme d’angles et propose quelques con- clusions rares. On a beaucoup écrit ces dernières années sur la sécurité de l’eau comme le pivot crucial sur lequel le développement humain et toute la sécurité s’équilibrent. L’accès aux services modernes de l’énergie et des aliments adéquats, l’eau potable et l’assainissement sont maintenant considérés comme des déterminants importants. Une indication claire de cette prise de conscience accrue a été fournie par les entreprises et les dirigeants politiques du monde à Davos en 2013, qui ont reconnu l’insécurité de l’eau comme l’un des cinq risques les plus impor- tants au monde. La production et la consomma- tion de l’énergie sont motivées par l’accès à l’eau potable et génèrent souvent des eaux usées polluantes. A l’inverse, environ huit pour cent de l’énergie produite est utilisée pour le traitement, le pompage et le transport de l’eau potable et des eaux usées. Et la production alimentaire est intégralement liée à la disponibil- ité de l’eau - dans la plupart des pays pauvres en eau, plus de 80 pour cent des prélèvements d’eau appuient la production agricole. Il est également de plus en plus clair que l’utilisation des ressourc- es, notamment l’eau douce, n’est pas en ligne avec la disponibilité. Nulle part cela n’est plus évident que dans la région arabe, où les pays souffrent de la pénurie d’eau, qui s’aggrave avec l’augmentation de la population et les change- ments climatiques. Certains grands experts estiment que la crise sécuritaire en Syrie est enracinée dans la gestion inef- ficace de l’eau et de la sécheresse, des problèmes qui amplifient des conflits politiques, religieux et sociaux de longue date. La conflu- ence de la rareté de l’eau avec les pénuries d’énergie, les montées en flèche des prix des produits alimentaires, le nombre gonflant de jeunes sans emploi, et la faible performance économique régio- nale a créé une recette dangere- use. Une nouvelle ouverture sur la sécurité Le nouveau livre soutient que le renversement de cette situation nécessite des modes de consom- mation réadaptés aux ressourc- es disponibles. Et il minimise l’importance de la puissance militaire comme faisant partie de toute l’équation sécuritaire. Des améliorations dans le secteur de l’énergie - en utilisant des tech- nologies plus nouvelles et une pro- duction plus écologique - peuvent préserver les ressources en eau, améliorer l’accès à l’énergie et booster les marchés de l’énergie. Dans le livre, Majid Al-Moneef du Conseil économique suprême de l’Arabie Saoudite estime que les sociétés nationales d’énergie doi- vent jouer un rôle accru dans ce réalignement. En attendant, les hausses des prix des denrées alimentaires entre 2006 et 2008, indique Rabi Mohtar de ‘Texas A&M University’, peuvent être liées aux prix raides de l’énergie et au détournement des terres agricoles pour la pro- duction de cultures de biocarbu- rant. Bien que les facteurs précis des prix mondiaux des denrées alimentaires soient discutables, il est clair que la disponibilité de l’eau et des terres productives, ainsi que le coût de l’énergie sont importants. Le lien entre l’eau, l’énergie et la sécurité alimentaire exige que l’on repense la gouvernance de ces secteurs. Nous ne pouvons plus nous permettre une gestion isolée, ‘en silo’. L’ampleur de ces secteurs et la proportion respective que chacun contribue au PIB national varie très sensiblement d’un pays à l’autre. Mais le secteur de l’eau paraît presque toujours comme un ministère délégué ou de la bureau- cratie dans les gouvernements nationaux, rendant son intégra- tion difficile. Le livre présente la mer Rouge – le canal de la mer Morte comme un exemple de la réalisation des objectifs énergétiques, alimen- taires et de sécurité de l’eau à plu- sieurs facettes tout en faisant la promotion de la paix régionale. Ce canal, long de 180 km, siphonnera de l’eau à partir de la mer Rouge pour reconstituer la mer Morte en disparition. Une partie de l’eau sera dessalée pour la consommation, tout en facilitant également la produc- tion énergétique et alimentaire. L’ancien Premier ministre jor- danien, Dr Majali, note qu’Israël, l’Autorité palestinienne et la Jor- danie sont tous des bénéficiaires potentiels. Le changement climatique comme facteur exacerbant Il reste peu d’argument que les plus grands impacts des change- ments climatiques sont sur le cycle de l’eau. Et ces change- ments peuvent être déjà observés en grands nombres - par exemple, dans les inondations extrêmes en Australie, au Pakistan, en Europe occidentale, et au Canada au cours des cinq dernières années. La même chose peut être dite des sécheresses prolongées au Moyen- Orient et en Asie centrale. ‘InterAction Council’ (IAC) - une association de 40 anciens chefs d’Etat comprenant Bill Clinton (USA), Jean Chrétien (Canada), Vincente Fox Quesada (Mexique), Andrés Pastrana Arango (Colom- bie), et Gro Harlem Bruntland (Norvège) - note que le Conseil de sécurité des Nations Unies a reconnu les changements clima- tiques comme un sujet préoccu- pant. L’IAC, estime toutefois dans le livre que la sécurité de l’eau devrait être un sujet préoccupant pour le Conseil de sécurité puisque les impacts des changements clima- tiques se manifestent sous forme de l’insécurité de l’eau. Rechercher des solutions Comment la communauté interna- tionale répond à ces problèmes à plusieurs facettes est important; des solutions ponctuelles sont clairement inadéquates. La com- munauté du développement inter- national, souvent dirigée par le système des Nations Unies, a un rôle central évident. De nombreux groupes, notamment le G20, le plus grand, ont également un rôle croissant à jouer pour garantir que ces réponses sont complètes, géographiquement appropriées, et disposent de ressources suf- fisantes. La région arabe est vraiment le banc d’essai pour savoir si ces solutions marcheront ou pas. Comme tous les yeux sont tournés vers les récents développements en Syrie et en Irak, il y a un récit plus large qui se rapporte à la résolution des problèmes avant qu’ils ne deviennent hors de con- trôle ailleurs dans la région. Nous devons penser autrement à la « sécurité » Une analyse de Zafar Adeel | IPS 12 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 ÉCONOMIE AVIS Immeuble de deux étages à vendre à Morne Calvaire à l’Impasse Laurier sur une propriété de 1000 mètres carrés, incluant un espace de parking pour 7 Véhicules. Le rez-de-chaussée et le premier étage ont 2 appartements chacun, et un Penthouse au dernier étage de deux (2) chambres, deux (2) toilettes avec un grand salon. L’immeuble est d’un total de 5 appartements. Pour plus d’informations contactez les nu- méros : 4 464-7535 / 3 386-4343. DÉVELOPPEMENT Les événements récents dans le monde arabe et ailleurs ont démontré que les notions traditionnelles de sécurité qui dépendant uniquement de l’appareil militaire et des dispositifs connexes sont dépassées.
  • 13. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 13
  • 14. 14 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 SOCIÉTÉ Les « bèfchenn » : agents rapaces du transport publicpar Ritzamarum ZÉTRENNE E n s’approchant d’une station où sont garés plusieurs bus assurant le transport des pas- sagers vers d’autres points de la capitale, les « bèfchenn » sont les premiers remarqués. Ils appellent les passants à tue-tête, les invitent à monter dans un bus. Ils sont très agressifs parfois. Certains passagers se trouvent fort souvent en situation difficile. « Ces gens me harcellent à chaque fois que je dois prendre un bus. Ca me dérange beaucoup. C’est pour cela que je n’aime pas venir ici », lâche froidement une dame rencon- trée à proximité du stade Silvio Cator. D’autres personnes n’ont pas la même opinion quant à ces « chargeurs » qui luttent, au quotidien, pour subsister dans ce pays où le chômage fait rage. Comment procèdent-ils pour arriver à remplir un « tap-tap »? Ils font de grands signes de la main, tapent fort sur la carrosserie des bus même s’ils sont déjà à moitié remplis de passagers. Trouver un moyen pour forcer les gens à monter dans ces véhicules constitue leur plus grande priorité. Le reste importe peu. Certains d’entre eux ont l’air très violent. Ils se moquent de la volonté des passagers ou de leur goût. Si par hasard un passager répliquerait ou refuserait leur offre, ils montent sur leurs grands chevaux. Tout refus des passagers est pour eux une insulte. « Gad figi ti makak la non, ou tou lèd wap fè stil », profère un « bèfchenn» à l’endroit d’une jeune fille au portail de Léogane pour avoir refusé de monter à bord d’une camionnette. Ils ne tiennent pas compte de l’état du véhicule qu’ils chargent. Tout ce qui importe pour eux, c’est de trouver des passagers et gagner de l’argent. Cette situation, aussi bien fâcheuse que révoltante, selon les gens, est présente dans toutes les stations du pays. Cependant, elle est plus criante à travers la région métropolitaine. Les passagers ne cachent pas leur frustration face à ce problème qui, selon eux, nécessite une intervention immédiate des autorités de la circulation. « Les autorités doivent au moins penser à mettre des balises dans ce secteur », avoue une jeune étudiante de la faculté de droit et des sciences économiques. Le futur juriste a fait remarquer que les « bèfchenn » violent l’intégrité physique des passagers. « Personne n’a le droit de toucher quelqu’un qu’on ne connait pas et sans son autorisation. C’est une violation de l’intégrité physique de la personne », ajoute-t-elle. Passant tout leur temps à faire ce travail sous un soleil de plomb, déclare la jeune femme, les « bèfchenn » transpirent à longueur de journée. En conséquence, en touchant aux vêtements d’une personne, ils risquent de les salir. « Un jour, je me rendais à un mariage, à cause d’un « bèfchenn », avec ma chemise pleine de tâches. C’est dégoûtant», témoigne un homme à ce sujet. Un autre homme, qu’on a croisé à St-Charles, une station de la commune de Carrefour, explique le « phénomène bèfchenn » par le manque d’infrastructures modernes dans le pays. Cet homme d’une trentaine d’années, se vantant d’avoir vécu pendant plus de 10 ans aux États-Unis, pense qu’en construisant des stations de service selon les normes de la modernité, les autorités peuvent éradiquer ce genre de problèmes dans le transport public. « Dans une station de service, les gens devraient être à même de trouver un endroit où s’assoir s’ils le voudraient bien », explique l’homme ayant l’air frustré. Hormis les problèmes qu’ils peuvent causer aux passagers, les « chargeurs » sont très souvent en conflit avec les chauffeurs également. Selon le principe du métier, un chauffeur doit payer l’équivalent du frais d’un passager. C’est-à-dire, si le circuit coûte 15 gourdes, le « chargeur » doit recevoir autant. Mais très souvent, les chauffeurs refusent d’acquitter convenablement, soit par avarice soit par manque de passagers. Cela suscite toujours la colère de ces travailleurs qui sont toujours prêts à se bagarrer. Les « bèfchenn » devraient attirer avec courtoisie les passagers vers leurs véhicules. Mais, le plus souvent, ils font preuve d’agressivité pour intimider les passagers. Ils se convertissent en de véritables maréchaux et d’aucuns les appellent des agents rapaces du transport en commun en Haïti. Dans toutes les stations d’autobus de transport en commun, on trouve des « bèfchenn ». Ils attirent des passagers vers des bus assurant le trajet centre-ville et autres points de la capitale. Leur mission : remplir les bus. En retour, le chauffeur leur paie le montant de la course. En voulant convaincre les passagers à prendre place dans les véhicules, ils se montrent souvent très agressifs. En s’approchant d’une station où sont garés plusieurs bus assurant le transport des passagers vers d’autres points de la capitale, les « bèfchenn » sont les
  • 15. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 15 SOCIÉTÉ Smoye Noisy nous invite à « Lekòl Lavi » Par Lamy Obed I l vous dira qu’il n’est ni directeur, ni professeur. Pourtant on doit lui attribuer la paternité de ce projet. Sa position ne tient pas de fausse modestie, mais rime bien avec le slogan de Lekòl Lavi : « Nou tout ka pwofesè, nou tout ka elèv ». En effet, Lekòl Lavi est une initiative qui découle de sa préoccupation pour la société et pour les gens de son envi- ronnement. Durant tout son parcours dans les medias où il a prêté ses ser- vices, Smoye Noisy a pris le temps d’observer, d’interroger, d’analyser les réalités haïtiennes pour finalement conclure : « Quand la réponse n’est pas en nous, on peut la chercher par- tout sans jamais la trouver, même si elle se trouve à côté de nous». Pour lui, l’unique moyen de résoudre les problèmes de notre pays, c’est l’éducation. Qu’on ne se trompe pas. L’éducation dont il est question ici n’est pas celle imposée de manière routinière et qui fait de notre école, comme il la décrit dans une de ses métaphores, « une voiture, mais pas un moyen de locomotion ; une lampe mais pas la lumière». Constatant « nos dérives et notre incapacité à résoudre nos problèmes », il énonce en termes clairs : « Aucune école ne peut être fonctionnelle si elle ne s’inspire des enseignements de la vie ». « À chaque fois qu’il nous faut choisir un repère et qu’on ne choisit pas l’homme, nous ouvrons la porte à la confusion et à ses conséquences : l’indifférence, l’insouciance, l’irresponsabilité, l’inefficacité ». Ainsi, Lekòl Lavi, se veut « un espace de raisonnement, pour bâtir et proposer le repère humain, seul capable de nous éloigner des conflits ». Et pour nous permettre de comprendre, il nous propose ce raisonnement : « Quand on veut guérir, ce n’est point la maladie qu’il faut traiter mais le malade ». Enréalité,Lekòl Laviaune adresse virtuelle. Son terrain privilégié, ce sont les réseaux sociaux, particulièrement Facebook, une zone de communication qui permet de toucher une très large audience. Quotidiennement, Smoye se donne pour mission de publier via son compte facebook, une courte réflexion, énonçant une vérité, une règle de conduite, une critique constructive. « Une façon d’inviter les gens au raisonnement pour les conduire à la réflexion utile », croit-il. Ces publications journalières, signées en lettre capitale LEKOL LAVI, sont surtout inspirées des réalités de la vie et touchent parfois implicitement les questions d’actualité. « Pouvoir Choisir n’est malheureusement pas savoir Choisir », a édité Lekòl Lavi ce lundi 10 août pour faire allusion probablement aux élections législatives. Elles accusent généralement des flux de Like, de « Share » et de commentaires qui expriment les assentiments et les questionnements des internautes. Une preuve que le public n’est pas indifférent à la cause. Hors de la plateforme virtuelle de Facebook, Lekòl Lavi utilise un autre cheval de bataille. À la Capitale comme dans les villes de province, elle tient des interventions dans les medias, des séminaires, des conférences, le partage d’expériences avec les jeunes sous l’invitation des organisations socio-culturelles, la plupart du temps. Depuis sa dernière participation à « Journée d’Cooleurs », Smoye Noisy semble faire une pause dans le cinéma pour se consacrer à ce qui lui semble le plus important. « Je pense qu’aujourd’hui, la société a beaucoup plus besoin de gens qui s’engagent pour l’éducation. Car le cinéma lui-même souffre beaucoup du problème d’éducation », a-t-il affirmé. Il reconnait que le cinéma haïtien reste au stade amateur, faute de bonne conduite, de discipline, de confiance, de standard. Toutefois, il n’a pas fermé sa carrière. Il tient en perspective des idées de scenario avec toujours la même préoccupation de Lekòl Lavi : « ajuster les attitudes, accorder la priorité à ce que la vie nous enseigne comme leçons, pour les mettre en pratique en vue de construire un environnement productif ». Ainsi, à travers ce projet, conduit en collaboration avec d’autres partenaires, Smoye se donne à fond à l’éducation pratique. « Je crois qu’aujourd’hui, à ce stade où se trouve notre société, toutes nos initiatives devraient s’imprégner de cette philosophie pour nous éviter de gaspiller nos ressources, nos énergies et notre temps : bâtir des relations cordiales avec nous- mêmes et avec notre entourage ». Plutôt pragmatique, Smoye Noisy veut bien croire que Lekòl Lavi n’est pas un Jean-Baptiste prêchant dans le désert : « Quand on plante, personne ne peut garantir que la graine qu’on met en terre va pousser, mais la seule manière de la faire pousser, c’est de la planter ». Lekòl Lavi est ouverte à tout le monde, parce que « Tout moun ki nan lavi a, otomatikman nan Lekòl la ». Et d’ici là, le public peut continuer à découvrir et à suivre les publications de Lekòl Lavi depuis Facebook. Absent depuis quelque temps sur le grand écran, l’acteur Smoye Noisy, n’a certainement pas chômé. Après sa collaboration à la réussite de Kita Nago et ses conférences dans les villes de province, il conduit aussi, dans la durée, un projet qui lui tient à cœur : Lekòl Lavi.
  • 16. L e 12 août ramène la Journée internationale de la jeunesse. Cette année, elle est célébrée sur fond d’éducation et d’amusement pendant deux jours au centre olympique de l’Espoir. « Durant ces deux journées, l’attention est portée sur les jeunes et la problématique de la jeunesse dans le pays », selon ce qu’a fait remarquer le directeur de la santé scolaire Érold Joseph. « La parole est donnée aux jeunes. Cela leur permettra de cibler les problèmes auxquels ils font face en vue de proposer des solutions efficaces ». Trois cents jeunes âgés entre 16 et 24 ans, appartenant à différentes écoles et à des organisations de volontariat du pays, prennent part à ces deux journées. Cette activité découle de la rencontre qui s’est tenue au siège des Nations unies en juin dernier sur le dividende démographique et l’emploi des jeunes. Ces deux journées sont l’initiative du ministère de l’Éducation nationale de concert avec le Comité olympique haïtien, les ministères de la Santé publique, de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique. Cette initiative bénéficie aussi du support technique et financier du Fonds des Nations unies pour la population. Les activités prévues pour ces deux journées sont divisées en deux parties. La première est éducative. Des thématiques telles : les jeunes à talents incluant le regard sur les études et l’emploi, le dividende démographique incluant la sexualité des jeunes, l’éducation sexuelle complète, la planification familiale, la fécondité, le leadership des jeunes, un regard sur la citoyenneté et la violence, seront débattues à l’occasion. La deuxième partie sera basée sur le sport et les activités culturelles et récréatives. « Les jeunes constituent un groupe prioritaire pour le UNFPA. En ce sens, toutes les activités de ces deux journées entrent dans le cadre du mandat que le Fonds s’est octroyé », a déclaré Vario Sérant, conseiller en communication et en plaidoyer à l’UNFPA. Selon lui, ces deux journées sensibiliseront les jeunes sur leur rôle tout en les mettant en condition de se réaliser et d’évaluer leur potentiel. Il a par ailleurs souligné que les acteurs étatiques ne doivent pas se concentrer uniquement sur l’éducation ou la santé des jeunes. Il est tout aussi important d’investir de plus en plus dans des secteurs spécifiques qui peuvent absorber ces jeunes. Spécialement ces jeunes qui arrivent tous les ans sur le marché du travail. À noter que des séances de réflexions seront tenues autour des enjeux, des objectifs de développement durable de l’agenda post 2015 comme l’égalité des genres, la résilience et le dividende démographique. Quoique l’échantillon ne soit pas forcément représentatif, Érold Joseph croit que ces deux journées sont un premier pas vers des pistes d’actions relatives à la problématique de la jeunesse haïtienne. M ark Jacobson de l’Université de Stanford à Palo Alto, spécialiste en sciences de l’atmosphère en Californie, a établi un modèle informatique constitué de la chimie atmosphérique, des interactions air-océan et qui simule en même temps la distribution des gaz, y comprenant aussi des types de polluants fréquemment rencontrés dans les villes. Jacobson suppose également qu’un monde plus chaud pourrait présenter moins de vents pour dissiper la pollution au-dessus et à l’extérieur des villes, et que l’augmentation des niveaux de vapeur d’eau autour des villes pourrait aider à catalyser la production d’ozone. Formé lorsque la pollution est frappée par la lumière du soleil, l’ozone est le principal composant du smog et peut aggraver les maladies respiratoires et l’asthme. Jacobson a élaboré son modèle de deux manières pour déterminer comment les variations du CO2 moduleraient ces différentes variables. Dans un premier temps, il considère les niveaux de CO2 de 2006, et dans un second temps, il prend en compte les niveaux préindustriels depuis l’année 1750. Après l’analyse des niveaux de pollution en rapport avec les substances cancérigènes, l’ozone et les particules, Jacobson a réalisé que chaque degré de réchauffement provoqué par le CO2 pourrait être responsable d’environ 1 000 décès sur les 50 mille à 100 mille décès annuels survenant aux États-Unis à cause de la pollution de l’air. « On ne voit pas un énorme pourcentage de morts, mais dans l’absolu, ce nombre représente quand même beaucoup de personnes », a-t-il fait savoir. Il soutient que la suggestion du modèle selon laquelle le changement climatique a le plus fort impact sur la pollution dans des régions déjà lourdement polluées est encore plus importante que le nombre total de morts. Il faut rappeler qu’en Europe, la pollution atmosphérique est à l’origine d’environ 400 mille morts prématurées par an. Combattre le réchauffement climatique et s’y adapter: une double nécessité Modification des précipitations et des vents, intensification vraisemblable des cyclones tropicaux, vagues de chaleur, contraction de la couverture neigeuse, diminution des glaces de mer, irréversible élévation du niveau de la mer sont parmi les principales variables des changements climatiques selon le climatologue Jean Jouzel, président de la Société météorologique de France Avec des impacts importants, risques d’inondations dans certaines régions, de sécheresses dans d’autres, en particulier le pourtour méditerranéen, modification trop rapide des écosystèmes, accélération de la perte de biodiversité, acidification des océans, problèmes de santé, baisse des rendements agricoles selon que le réchauffement est trop important, de l’avis des climatologues. Les experts sont d’accord que les années 2010 et 2011 ont porté nombre de ces caractéristiques et que l’année 2015 est considérée comme l’une des plus chaudes. Augmentation des émissions au cours de la dernière décennie C’est évident que le réchauffement cli- matique est désormais inéluctable. Et l’ambition d’un réchauffement moyen qui ne dépasserait jamais 2°C par rap- port au climat de la période préindus- trielle, affichée lors de la conférence de Cancun, risque fort de rester lettre morte au vu des propositions mises sur la table par les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre selon Jouzel.Globalement, les émissions de serre n’ont jamais augmenté aussi rap- idement comme au cours de la dernière décennie. Et il faudrait qu’elles com- mencent à décroître d’ici à 2020 si nous voulons diminuer les impacts mais nous en sommes loin. Tout compte fait le réchauffement est devenu un fait inévitable, s’il faut croire le climato- logue français. D’autant plus important que les politiques de réduction des émissions s’éloignent de plus en plus des objectifs requis pour qu’elles soient limitées à 2°C. Vers une prise de conscience générale À l’état actuel de la situation, il est fondamental que des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au réchauffe- ment climatique soient adoptées. Cela constitue selon Jean Jouzel une double nécessité qui doit être clairement ins- crite dans l’agenda des négociations climatiques internationales. En France, un plan d’adaptation, élaboré dans le cadre d’une très large concertation relatif au climat, a été adopté en juillet 2013. C’est dans cette perspective que le 8e Forum international de la météo a eu lieu à Paris le 1er octobre 2013, au Palais de la Découverte et dont la 4e journée a été consacrée à l’adaptation au réchauffement climatique. Ces ateliers ont tenu compte des impacts qui pour- raient affecter à la fois la vie de tous les jours et l’ensemble de l’économie mon- diale. « Ce Plan national d’Adaptation au Changement climatique met en exergue les nombreux secteurs qui devraient être concernés : santé, ressources en eau, biodiversité, risques naturels, agri- culture, forêt, pêche et aquaculture, énergie et industrie, infrastructures de transport, urbanisme et cadre bâti, tourisme ». Cette perspective devrait s’appuyer selon Jouzel sur un diagnostic de la communauté scientifique très bien documenté. Mais dans les faits, elle est tributaire d’initiatives locales auxquelles le secteur privé doit porter de plus en plus d’intérêt, ainsi que de la prise de conscience du public appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans ces stratégies d’adaptation à mettre en place progressivement.» Qu’en est –il d’Haïti ? Notre pays est loin d’être prêt à faire face aux changements climatiques, c’est l’avis de l’ingénieur ex-directeur général du bureau des mines et de l’énergie, Dieuseul Anglade qui estime que tres peu d’efforts ont été accom- plis dans le sens de la protection de l’environnement depuis le séisme de 2010 à nos jours. En fait le Directeur souligne qu’il y a tellement de priorités à définir dans le pays aujourd’hui qu’on se passe parfois de bonne foi d’autres problèmes fondamentaux qui peuvent être fatals dans un avenir très proche pour Haïti et toute sa population. 16 | N0 59 MERCREDI 12 AOÛT 2015 SOCIÉTÉ Trois cents jeunes célèbrent la journée internationale de la jeunesse par Stéphanie Balmir Le réchauffement climatique : irréversible ! par Jackson Joseph Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) et les Nations unies en Haïti à travers le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), célèbrent la Journée internationale de la jeunesse les 12 et 13 août 2015 autour du thème : « Santé jeunes, Jèn angajman nou konte ». Le réchauffement de la planète devient de plus en plus inquiétant. Encore une mauvaise nouvelle y relative : le dioxyde de carbone (CO2), l’une des principales causes de ce mal mondial, aggraverait aussi la pollution de l’air partout sur la terre. Selon une étude sur la modélisation du climat réalisée par des spécialistes des sciences de l’atmosphère, le CO2 devrait engendrer plus de décès liés à la pollution locale.
  • 17. MERCREDI 12 AOÛT 2015 N0 59 | 17