1. Blanchet Anne-Sophie
Un homme qui dort
Asselah Brice d’après le roman
de Georges Perec
2. Tu étais seul et voilà tout et tu
voulais te protéger ; qu’entre le
monde et toi les ponts soient
à jamais coupés.
3. torse nu, dans ta
chambre de
bonne, sur
l’étroite
Tu es assis, banquette
qui te sert
de lit.
d’un
pantalon
de pyjama,
vêtu seulement
4. Tu apprends la transparence,
l’immobilité,
l’inexistence.
5. Tu écoutes les bruits de la rue, la goutte d’eau au robinet du palier,
tu suis sur le plafond, la ligne sinueuse d’une mince fissure.
Ceci est ta vie.
Ceci est toi.
6. ois .
rev mis
ne s a
tu te
pas
Tu ne descends
pas chercher ton
Tu courrier.
n’ouvres
pas Tu
ta porte ne sors
qu’à la tombée de la nuit.
7. Plus tard, tu quittes Paris
tu pars chez tes parents,
tu ne vas pas à l’aventure, à la campagne, près d’Auxerre.
8. Tu es seul.
Tu apprends à marcher comme un homme seul,
à flâner,
à traîner,
à voir sans regarder, à regarder sans voir.
9. Tu découvres des rues où nulle voiture
jamais ne passe, Tu découvres les passages:
Passage Choiseul, Passage
des Panoramas, Passage
Jouffroy, Passage Verdeau
...
où nul presque ne
semble habiter,
sans autre magasin qu’une boutique
fantôme,(...)
10. Leurs pas résonnent dans la nuit.
tu les sais près de
toi à chaque heure,
tu suis leur ombre,
tu es leur ombre.
Mais ces visages sans
âge, ces silhouettes
frêles ou flasques, ces
dos ronds, gris
11. Tu t’assieds Quand tu manges, désormais, c’est un peu ce que
au fond d’un les psychophysiologistes appellent une «prise
de nourriture».
café.
12. Ces pieds sur les
trottoirs,
Les monstres sont entrés dans ta vie, les
rats, tes semblables, tes frères.
quelle force ou quel
mystère les fait po-
ser alternativement
le pied droit puis
le pied gauche.
Les dizaines, les centaines, les milliers de
monstres tu les repères, tu les reconnais à
d’imperceptibles signes.
13. Tu t’es arrêté de parler et seul le silence t’a répondu.
l iers,
e s mil and
ts, c ts, qu
c es mo de mo
Mais s
i llion as-tu?
ces m rouver
le s ret
14. Non.
Tu n’es plus le maître anonyme du monde, celui sur qui l’histoire n’avait pas
de prise, celui qui ne sentait pas la pluie tombée, qui ne voyait pas la nuit
venir. Tu n’es plus l’inaccessible, le limpide, le transparent.
Tu as peur, tu attends.