Strategie de prise en charge des traumatismes craniens leger
1. Conférences
STRATEGIE DE PRISE EN CHARGE DES TRAUMATISMES CRANIENS LEGERS AUX
URGENCES
B Bouhajja, S Souissi, M Mougaida, A Yahmadi, H Ben Fradj, S Makhloufi.
Urgences – SMUR. Hôpital Régional de Ben Arous. Tunisie
Introduction
Les traumatismes crâniens légers représentent plus des trois-quarts des TC vus aux urgences. Les études
cliniques ont démontré que moins de 10% des patients avec TC léger avaient des lésions intra crâniennes et que le
recours à la neurochirurgie n’était justifié que dans une proportion inférieure à 1% [1-3].
L’identification des traumatisés crâniens légers susceptibles d’avoir une lésion intra-crânienne s’articule autour de
2 stratégies : pratiquer une TDM cérébrale systématique lors de tout TC léger compliqué d’une perte de connais-
sance initiale ou bien faire appel à des indicateurs cliniques afin de guider la demande de la TDM cérébrale. La TDM
cérébrale systématique est à l’origine d’une majoration des dépenses de santé. En revanche, le recours aux critères
cliniques tout en permettant de diminuer le recours à la TDM cérébrale expose au risque de méconnaître 20% de
lésions intra-crâniennes [3].
Définition du traumatisme crânien léger
Les traumatismes crâniens légers sont qualifiés dans la littérature anglo-saxonne de « Minor Head Injury » ou de «
Mild Head Injury ». En pratique clinique, la définition des TC légers n’est pas univoque. Dans deux grandes études
nord-américaines qui ont évalué l’apport de la clinique comme outil permettant de guider le recours à la TDM cé-
rébrale au cours des TC légers, le diagnostic de « Minor Head Injury » a été basé sur un GCS égal à 15 dans l’étude
américaine [4] et un GCS entre 13 et 15 dans l’étude canadienne [5]. L’absence d’accord porte surtout sur l’inclusion
des TC ayant un GCS égal à 13 parmi les « Minor Head Injury ». Dans un bref rapport intitulé « Minor Head Injury : 13
in an unlucky number », SC Stein [6] a procédé à l’analyse des résultats rapportés dans 14 études ayant inclus 1047
TC avec un GCS égal à 13. Les taux de lésions intracrâniennes à la TDM cérébrale et de lésions ayant relevé de la neu-
rochirurgie ont été respectivement de 33,8% et 10,8%. L’auteur a conclu que les TC ayant un GCS égal à 13 doivent
être inclus dans le groupe des TC modérés (GCS = 9 à 13).
Le comité scandinave de neurotraumatologie [7], utilisant la classification du Head Injury Severity Scale (HISS) [8], a
proposé de stratifier les TC en 4 niveaux de gravité (tableau 1):
Traumatisme Caractéristiques cliniques
crânien
Minime (Minimal) GCS = 15, pas de perte de connaissance initiale
Mineur (Mild ) GCS = 14 ou 15, perte de connaissance initiale de courte
durée (< 5 min) ou amnésie antérograde ou troubles de la
vigilance ou de la mémoire
Modéré (Moderate) GCS = 9 à 13, ou perte de connaissance initiale 5 min ou
déficit neurologique focalisée
Sévère (Severe) GCS = 3 à 8
Le traumatisme crânien léger correspond au minimal and mild Head injury.
Stratégie de prise en charge du traumatisme crânien léger
La prise en charge du TC léger comporte les étapes suivantes :
- Evaluation de la gravité du traumatisme crânien
- Identifier les facteurs de risque de lésion intracrânienne
- Stratégie de prise en charge (algorithme)
- Définir les éléments de surveillance d’un TC léger aux urgences
- Encadrer le retour au domicile
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Evaluation de la gravité du traumatisme crânien
- Le GCS, la notion de perte de connaissance initiale et sa durée, la présence de troubles mnésiques permet-
tent de stratifier la gravité des TC (tableau 1) [7,8].
- Le GCS doit être évalué après stabilisation de l’état hémodynamique (normotension) et correction des trou-
bles de l’hématose (normoxie et normocapnie) et après résolution d’un coma post critique en cas de crise comitiale
(tableau 2).
Ouverture des yeux Réponse motrice Réponse verbale
Spontanée 4 A la demande 6 Orientée 5
A la parole 3 Localisée aux stimuli douloureux* 5 Confuse, désorientée 4
A la douleur 2 En flexion - retrait 4 Mots inappropriés 3
Aucune réponse 1 En flexion – décortication° 3 Sons incompréhensibles 2
En extension (décérébration)+ 2 Aucune réponse 1
Aucune réaction 1
* Pression du lit unguéal.
° Flexion et adduction des membres supérieurs avec extension aux membres inférieurs.
+
Extension, adduction et pronation (enroulement) des membres supérieurs avec
extension aux membres inférieurs.
Identifier les facteurs de risque de lésions intracrâniennes
Taux de complications dans les TC mineurs et modérés
Le risque de complications dans les TC mineurs et modérés est résumé sur le tableau 3. Dans les TC légers, le risque
de lésion neurochirurgicale est inférieur à 2,5% [9].
Gravité du TC Risque approximatif de lésion (%)
intracrânienne Neurochirurgicale
Minime sans facteurs de risque Presque nul Presque nul
Minime avec facteurs de risque Rare 0,2
additionnel 15 2,5
Mineur 30 8
Modéré
Les facteurs associés à un risque élevé d’hématome intracrânien :
- La présence d’une fracture du crâne [10 – 12]:
O Multiplie le risque d’hématome intra crânien par 80 à 400 fois.
O S’associe, une fois sur quatre, à un hématome intracrânien. Néanmoins, uniquement 50% des patients qui
présentent un hématome intracrânien ont en même temps une fracture du crâne.
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- Lorsque la TDM cérébrale initiale révèle des anomalies à type de contusion cérébrale ou d’hémorragie mé-
ningée le risque d’hématome intra crânien ou d’œdème cérébral est multiplié par 4 [12,13].
- Altération de l’état de conscience ou notion de perte de connaissance initiale [8, 10]:
O Une altération même modérée de l’état de conscience à l’arrivée aux urgences s’accompagne d’une aug-
mentation de fréquence des anomalies TDM cérébrales incluant la présence de lésions chirurgicales. La notion d’une
perte de connaissance multiplie le risque d’hématome intra crânien par 4.
O Lorsque le GCS passe de 15 à 13, la fréquence des anomalies TDM et des lésions justifiant le recours à la neu-
rochirurgie augmente de façon exponentielle. Le risque d’anomalie TDM est multiplié par 2 et par 4 lorsque le GCS
passe respectivement de 15 à 14 et de 15 à 13. De même, la fréquence des lésions neurochirurgicales est inférieure
à 1% pour un GCS égal à 15 et atteint 5% pour un GCS égal à 13 [13 - 16].
Facteurs de risque additionnels : en plus des facteurs de risque d’hématome intra crânien, d’autres facteurs de
risque additionnels doivent être pris en considération pour orienter la prise en charge diagnostique des TC mineurs
(tableau 4) [8, 17 – 19]. L’importance accordée à certains symptômes comme céphalées, nausées et vomissements
reste débattue.
Stratégie de prise en charge (algorithme)
Tableau 4. Facteurs de risque additionnels.
Traitement anticoagulant ou coagulopathie
Fracture du crâne démontrée par la radiographie
Signes cliniques de fracture du crâne avec dépression ou fracture de la base
Convulsions post traumatiques
Traumatismes multiples
TC minime, mineur ou modéré
Absence de facteurs de risque
additionnel
(Tableau 1)
TC Minime TC Modéré
GCS = 9 à 13 ou
GCS = 15 PCI > 5 min
Déficit neurologique
Pas de PCI
TDM cérébrale TDM non TDM cérébrale
disponible
(recommandée) (systématique)
TDM anormale: Admission pour TDM normTC Mineur
TDM Normale
surveillance
Fracture ou contusion GCS = 14 à 15 et/ou
Délai TC – TDM > 6 h à 12 h
Hémorragie méningée (annexe 1) PCI ≤ 5 min et
Hématome sous ou extradural
Pas de déficit neurologique
Œdème cérébral
ale
Admission : Admission :
Consulter Neurochir. Sortie du patient : Surveillance 12 h
Considérer avis de
Surveillance 12 h Muni d’instructions écrites de sortie (annexe 2) neuro
(annexe 1)
Figure 1. Stratégie initiale de prise en charge des TC minimes, mineurs et modérés [7].
4. Conférences
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Commentaires :
- TC minimes : le risque de complications est négligeable en l’absence de facteurs de risque additionnel. Le
patient retourne à domicile muni d’instructions écrites de sortie.
- TC mineurs :
o Attitude recommandée :
• TDM cérébrale recommandée.
TDM cérébrale à la 6ème heure normale (pas de fracture, pas de contusion, pas d’hémorragie méningée ni
d’hématome intracrânien) et absence de facteurs de risque additionnels, le patient peut être mis sortant.
Si TDM cérébrale anormale ou présence de facteurs de risque, le patient est admis pour surveillance. En cas
de détérioration neurologique la TDM cérébrale doit être recontrôlée.
o Alternative lorsque la TDM cérébrale n’est pas disponible :
Tous les patients sont admis.
La radiographie du crâne peut être discutée. La présence d’une fracture du crâne justifie le transfert en
urgence pour TDM cérébrale. A l’inverse, l’absence de fracture du crâne n’élimine pas le risque d’hématome intra
crânien.
La TDM cérébrale est requise en cas de changement du statut neurologique.
- TC modérés : TDM cérébrale et admission pour surveillance sont recommandées d’emblée.
- La présence de facteurs de risque additionnel justifie la pratique d’une TDM cérébrale et l’admission pour
surveillance même suite à un TC minime ou mineur.
- Apport des règles de décision clinique pour orienter la demande d’une TDM cérébrale dans les TC mineurs
:
o Les TC mineurs sont à l’origine d’une demande importante d’examens TDM en urgence alors que les anoma-
lies TDM ne sont présentes que chez un patient sur 10 et qu’une indication neurochirurgicale n’est retenue que chez
un patient sur 100.
o D’où l’intérêt de pouvoir disposer de règles de décision clinique permettant d’orienter la demande d’examen
TDM sur des critères validés et sensibles. L’excellente sensibilité de ses règles qui tend vers 100% éliminant ainsi les
faux négatifs, s’accompagne d’une faible spécificité ne permettant pas de limiter suffisamment le nombre d’exa-
mens TDM pratiqués en urgence.
o Le tableau 5 résume les 7 critères validés par une règle de décision clinique dans les TC mineurs (New Or-
leans Criteria). Si le GCS est égal à 15 et absence des 7 critères : pas de TDM cérébrale en urgence [4].
Tableau 5. Critères dotés d’une valeur prédictive négative de lésion cérébrale
égale à 100% [4].
La TDM cérébrale n’est pas indiquée en l’absence de tous les critères suivants :
- Céphalées
- Vomissements
- Age > 60 ans
- Prise d’alcool ou de toxiques
- Amnésie antérograde persistante
- Evidence clinique d’un traumatisme supra claviculaire
- Convulsions
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- Contrôle systématique de la TDM cérébrale en cours de surveillance :
o En cas de changement et/ou d’aggravation de l’état neurologique, le contrôle de la TDM cérébrale est indi-
qué en urgence.
o Dans les TC légers avec une première TDM cérébrale montrant une hémorragie intracrânienne, le contrôle
systématique de la TDM alors que l’état clinique et neurologique est normal, ne paraît pas utile et n’aboutit à aucun
changement thérapeutique [20, 21].
Définir les éléments de surveillance d’un TC léger aux urgences
La surveillance clinique d’un TC léger admis aux urgences doit être simple et effective. Son objectif est de
détecter une détérioration neurologique dans le contexte des services d’urgence qui se caractérise par une impor-
tante charge de travail.
La sensibilité de cette surveillance en terme de détection précoce d’un hématome intra crânien est significative-
ment inférieure à celle de la TDM cérébrale précoce [8].
Les paramètres cliniques qui paraissent utiles à surveiller sont (Annexe 1) [7] :
- Etat de conscience (GCS)
- Etat des pupilles (diamètre, symétrie et réactivité à la lumière)
- Pression artérielle
- Pouls
- Rythme de la surveillance :
o Toutes les 15 min durant les 2 premières heures
o Par la suite, toutes les heures pour une durée minimale de 12 heures
- La détérioration neurologique, se définit par :
o Une diminution du GCS à 2 points et/ou apparition de signes neurologiques de localisation.
o En cas de détérioration neurologique une TDM cérébrale est demandée en urgence
Encadrer le retour au domicile du patient présentant un TC léger
Le retour au domicile ne peut être envisagé si le patient vit seul, présente des troubles des fonctions supé-
rieures, vit dans une localité très éloignée de l’hôpital ou d’accès difficile ou qu’il appartient à un milieu social très
défavorisé.
En cas de retour au domicile, des instructions écrites de sortie doivent être fournies au patient et/ou à son entourage
(Annexe 1). La pertinence des instructions écrites est supérieure à celle des instructions verbales.
6. Conférences
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7. Conférences
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Annexe 2. Instructions de sortie destinées au patient victime d’un TC léger.
TRAUMATISME CRÂNIEN LEGER
INSTRUCTIONS DE SORTIE
Vous avez été, vous-même ou l’un de vos proches, victime
d’un traumatisme crânien. L’état actuel est rassurant,
cependant vous devez faire attention et regagner l’hôpital
rapidement si vous constatez l’un de ces signes :
Maux de tête
Somnolence
Vomissements
Difficultés à bouger un bras ou une jambe
Sensation anormale d’un membre
Trouble de la vision
Démarche anormale ou instable
Perte de connaissance, trouble de la conscience