Plan psychiatrie et santé mentale 2012 : tout ça pour ça ?
Nul n’était besoin d’engager le Haut Comité de Santé publique et la Cour des Comptes à établir un bilan du plan psychiatrie et santé mentale de 2005 pour se contenter en 2012 d’un nouveau plan qui ne répond pas aux insuffisances signalées par ces deux hautes instances soucieuses de coûts et d’efficacité des politiques publiques.
Nul n’était besoin d’annoncer depuis l’élaboration de la loi HPST qu’une réflexion spécifique pour la psychiatrie justifierait une loi d’organisation, d’engager pour cela la mission Couty et de publier un rapport sénatorial appelant lui aussi à une loi de santé mentale, pour au final réduire les travaux à un simple plan d’orientations sans pouvoir incitatif.
Cette priorité de santé publique que constitue la santé mentale, à en croire les nombreux rapports sur la psychiatrie, devra donc se contenter des 34 pages d’un simple assemblage de thèmes et de recommandations régulièrement déclinées depuis 15 ans sans qu’il soit donné réellement les moyens de les mettre en oeuvre. Comment croire que de simples « orientations stratégiques » adressées aux ARS, dont l’absence de caractère incitatif leur confère au mieux la qualité d’une liste de voeux pieux, au pire celle d’un simple exercice de style adapté à une campagne électorale, puissent bâtir une politique de santé mentale, alors que la multiplicité des missions et la diversité des champs concernés obligeraient à des dispositions et des mesures législatives de portée nationale ?
reseauprosante.fr
1. L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X
Plan Psychiatrie et
Santé mentale
2011-2015
L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 1
2. Plan psychiatrie et santé mentale 2012 : tout ça pour ça ?
Communiqué SPH du 19 janvier 2012
www.sphweb.info
Nul n’était besoin d’engager le Haut Comité de Santé publique et la Cour des Comptes à établir un bilan du
plan psychiatrie et santé mentale de 2005 pour se contenter en 2012 d’un nouveau plan qui ne répond pas aux
insuffisances signalées par ces deux hautes instances soucieuses de coûts et d’efficacité des politiques publiques.
Nul n’était besoin d’annoncer depuis l’élaboration de la loi HPST qu’une réflexion spécifique pour la psychiatrie
justifierait une loi d’organisation, d’engager pour cela la mission Couty et de publier un rapport sénatorial
appelant lui aussi à une loi de santé mentale, pour au final réduire les travaux à un simple plan d’orientations
sans pouvoir incitatif.
Cette priorité de santé publique que constitue la santé mentale, à en croire les nombreux rapports sur la
psychiatrie, devra donc se contenter des 34 pages d’un simple assemblage de thèmes et de recommandations
régulièrement déclinées depuis 15 ans sans qu’il soit donné réellement les moyens de les mettre en oeuvre.
Comment croire que de simples « orientations stratégiques » adressées aux ARS, dont l’absence de caractère
incitatif leur confère au mieux la qualité d’une liste de voeux pieux, au pire celle d’un simple exercice de style
adapté à une campagne électorale, puissent bâtir une politique de santé mentale, alors que la multiplicité des
missions et la diversité des champs concernés obligeraient à des dispositions et des mesures législatives de
portée nationale ?
Ainsi le ministère qui s’était montré particulièrement volontaire en matière de soins sans consentement pour
mener en juillet 2011 une réforme législative alambiquée et contraignante, apparaît beaucoup plus en retrait
lorsqu’il s’agit de redéfinir clairement l’organisation des soins psychiatriques, les moyens qui y sont consacrés et
les indicateurs de résultat, le minimum pourtant nécessaire pour assurer la prévention et les prises en charge en
santé mentale.
Après les réformes d’organisation sanitaire qui n’ont fait que gommer les spécificités de la psychiatrie et
pulvériser son cadre juridique d’organisation territoriale, la « mission de service public psychiatrique de
secteur » que la Cour des Comptes appelait à créer dans son bilan se réduit ici à la simple évocation d’une
« mission de service public psychiatrique de proximité ». Derrière les formulations imprécises ou tarabiscotées,
la volonté ministérielle d’enterrer l’échelon du secteur sous la nébuleuse d’ensembles plus vastes reste intacte.
Ce plan catalogue, où chaque acteur de santé mentale pourrait penser trouver l’orientation qui lui manquait,
n’est en fait que la marque du désengagement de l’Etat pour mener la réforme d’organisation attendue des
professionnels qui devrait préserver les spécificités de la psychiatrie nécessaires à la politique de santé mentale.
Alors que les derniers rapports dénoncent les disparités territoriales, ces orientations stratégiques molles laissées
aux initiatives de terrain et aux déclinaisons régionales ne pourront que les favoriser.
Dans cette entreprise d’évidement du secteur initiée par la réforme HPST, l’absence de cadre juridique propre
à la psychiatrie installe la dérive de son organisation qui aura pour conséquence de produire ce que le plan
prétend éviter : les ruptures de soins pour les patients.
JC. Pénochet, président du SPH
I. Montet, secrétaire générale du SPH
ORGANISATION DE LA PSYCHIATRIE ET DE LA SANTÉ
MENTALE : MIEUX QU’UN PLAN, UNE LOI
Positions du SPH à propos du Plan psychiatrie et santé mentale 2011-2012
1. DES PROMESSES ET DES RAPPORTS ........................................................................................................ 4
2. UNE LOI GLOBALE DE SANTE MENTALE ................................................................................................. 7
2.1 PLANIFICATION SANITAIRE, PSYCHIATRIE ET SANTÉ MENTALE .................................................... 7
2.1.1 Que fait-on des spécificités de la psychiatrie dans l’organisation sanitaire ? .............. 7
2.1.2 La psychiatrie dans la santé mentale : effets sur la politique sanitaire ....................... 8
2.2 ASSURER L'ORGANISATION DE LA PSYCHIATRIE POUR UNE POLITIQUE DE SANTÉ
MENTALE EFFICACE .......................................................................................................................... 10
2.2.1 Les avantages d’un secteur renouvelé ...................................................................... 10
2.2.2 Une organisation territoriale pour la santé mentale : secteur psychiatrique et
département ............................................................................................................ 11
2.3 FAVORISER LES COOPÉRATIONS ET LES DÉCLOISONNEMENTS DANS UNE MISSION DE
SERVICE PUBLIC PSYCHIATRIQUE DE SECTEUR ............................................................................ 12
2.3.1 Des instances de concertations spécifiques pour acteurs multiples ............................. 12
2.3.2 Psychiatrie et champ médico-social : des articulations évolutives ............................... 13
2.3.3 Expérimentations des GCS établissements de territoires de santé mentale ................. 14
2.4 UNE LOI D’ORIENTATION POUR L’ENSEMBLE DES MISSIONS DE LA PSYCHIATRIE .................... 16
2.4.1 Perspectives pour la psychiatrie infanto-juvénile ...................................................... 16
2.4.1.1 L’évolution du dispositif sectoriel de psychiatrie infanto-juvénile .............................. 17
2.4.1.2 Un dispositif à renforcer dans une organisation d’ensemble ..................................... 17
2.4.2 Psychiatrie et justice ................................................................................................ 18
2.4.2.1 Soins aux personnes détenues .................................................................................. 18
2.4.2.2 Réformer l’expertise psychiatrique judiciaire ............................................................ 22
2.4.2.3 Les soins sous contraintes judiciaires ........................................................................ 25
2.5 UN VOLET POUR LA REFORME DE LA LOI DU 5 JUILLET ............................................................ 26
2.5.1 Vers un mode unique de soins sans consentement .................................................. 27
2.5.2 La judiciarisation des soins sans consentement ....................................................... 27
2.5.3 Eléments pour une révision du texte de loi du 5 juillet 2011 ................................... 28
Avec les contributions de :
Dr Michel David, Dr Nicole Garret-Gloanec, Dr Yves Hémery, Dr Isabelle Montet,
Dr Jean-Claude Pénochet, Dr Fabienne Roos-Weil, Dr Gérard Rossinelli
PLAN PSYCHIATRIE ET SANTÉ MENTALE 2011-2015 Présenté en Conseil des Ministres le 29 février .... 30
ADHÉSION AU SPH .................................................................................................................... 60
BUREAU NATIONAL 2009-2012 .................................................................................................. 61
CONSEILLERS NATIONAUX ........................................................................................................ 62
ANNONCES DE RECRUTEMENT .................................................................................................. 64
2 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 3
3. 1. DES PROMESSES ET DES RAPPORTS
IL ÉTAIT QUESTION D’UNE LOI
En avril 2008, le rapport Larcher lance la loi HPST
mais : « La psychiatrie, les hôpitaux publics de
taille importante et l’adaptation du cadre applicable
à l’Outre-Mer méritent une réflexion spécifique.
Ils n’ont pas fait l’objet d’un traitement ad hoc et
nécessiteront des études complémentaires, que la
commission appelle de ses voeux ».
Janvier 2009, Roselyne Bachelot expose en
Commission des affaires sociales de l’Assemblée
Nationale : « Comme le Président de la République
s’y est engagé en décembre dernier, je présenterai au
printemps prochain un projet de loi sur la psychiatrie
et la santé mentale. Il s’agira en premier lieu de
réformer la loi du 27 juin 1990 sur les soins et les
hospitalisations sans consentement des personnes
atteintes de maladies mentales. Le texte comportera
également un volet sur l’organisation de la santé
mentale et de la psychiatrie. Édouard Couty, à qui
j’ai confié la présidence d’une commission sur les
missions et l’organisation des soins de la psychiatrie
et de la santé mentale, doit me rendre son rapport
demain. En complément, je lui demanderai de
préparer les dispositions législatives nécessaires à
une meilleure prise en compte de la spécificité de
la psychiatrie, de l’entourage des malades et des
professionnels de santé, afin de mener une politique
de la santé mentale ambitieuse. ».
Ce que préconise ce rapport Couty attendu c’est
« une loi de santé mentale intégrant les soins,
la réinsertion sociale et l’accompagnement des
malades ». Trois mois plus tard, en avril, le rapport
sénatorial Milon chargé d’évaluer les politiques
publiques, conclut qu’une loi de santé mentale
pour l’organisation territoriale de la psychiatrie est
nécessaire. Le comité d’évaluation de la loi HPST
présidé par le sénateur Fourcade signale encore en
juillet 2011 dans son rapport que « l’organisation
territoriale de la psychiatrie est une problématique
particulière ».
CE NE SERA QU’UN PLAN D’ORIENTATIONS
Le président de la république vient de choisir de
réformer la loi du 27 juin 1990 et de l’orienter
pour en augmenter les contraintes au nom de
l’ordre public, mais le ministère n’avait pas prévu
que le Conseil constitutionnel l’obligerait en
cette fin d’année 2010 à revoir sa copie : il doit
rééquilibrer dans la précipitation le texte de la
future loi pour introduire le rôle d’un juge dans les
soins sans consentement et dans le même temps,
les organisations opposées à une réforme qui fait la
part belle aux mesures sécuritaires sans traiter de
l’organisation, réclament une loi globale de santé
mentale. C’est pourtant un simple « plan pluriannuel
de prévention et d’accompagnement des personnes
souffrant de troubles mentaux » qui est commandé
par le président en janvier 2011 au nouveau ministre
de la santé, du travail et de l’emploi, Xavier Bertrand.
En juin 2011, les premiers groupes réunis par le
ministère pour le nouveau plan de santé mentale se
retrouvent à constituer un comité d’orientation chargé
de se prononcer sur des « orientations stratégiques »
déjà définies en 4 axes. Pourtant, le Haut Conseil de
la Santé Publique chargé du bilan du précédent plan
de psychiatrie et santé mentale de 2005-2008 n’a pas
encore rendu ses conclusions, et l’avis de la Cour des
Comptes est attendu.
Rondement mené, le plan qui a gardé ses axes et
son titre pourtant critiqués par les participants, est
rendu public en ce début d’année 2012. Nora Berra
se félicite d’avoir initié une nouvelle génération de
plan de santé publique et donné un cadre stratégique
clair à la psychiatrie et la santé mentale : quand
le plan de 2005 fixait des mesures et permettait
des investissements, ce plan à la « méthodologie
innovante » se contente de donner des orientations
stratégiques aux ARS.
Avec un contenu modeste, l’ambition doit être
ailleurs. Elle est affirmée en préambule : « redonner
du sens à la psychiatrie aux yeux de tous et d’assurer
la protection des personnes et de la société toute
entière ». Rien que ça !
LES ENSEIGNEMENTS QUI N’ONT PAS ETE TIRES
DU PLAN PRÉCÉDENT
™Le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP)
a rendu public en octobre 2011 son rapport
sur le bilan réalisé pendant un an du plan
psychiatrie et santé mentale 2005-2008 :
¾A propos de la pertinence du précédent plan
comme « outil de politique publique », le HCSP
en approuve la conception, mais comme outil
de mobilisation et parce que sa conception
est surtout justifiée par les enjeux de la santé
mentale.
Enjeux qui de fait sont les objectifs que le plan
tentait d’atteindre, déclinés à l’époque en 5 axes
(décloisonner la prise en charge entre les différents
acteurs de prise en charge, renforcer le rôle des
patients et la formation des professionnels, développer
la qualité des pratiques et la recherche, agir sur des
populations spécifiques – personnes déprimées et
suicides, enfants et adolescents, détenus et auteurs
d’agressions sexuelles, personnes en situation de
précarité, personnes âgées –, et assurer un suivi du
plan).
En novembre 2001, c’est en 8 axes que le plan
santé mentale « L’usager au centre d’un dispositif à
rénover » déclinait de semblables enjeux : la lutte
contre la stigmatisation, le renforcement des droits
des malades, l’amélioration des relations entre les
professionnels et les malades, l’amélioration des
pratiques professionnelles et l’évolution des rôles
des intervenants en santé mentale, le développement
du partenariat entre acteurs de santé mentale,
les programmes spécifiques d’action (suicide,
mineurs, précarité, dépression), l’insertion sociale et
professionnelle des personnes handicapées du fait
de troubles mentaux, organiser une offre de soins
psychiatriques diversifiée, développer la recherche.
En janvier 2012, voilà encore un plan, qui a beau
faire un exercice de style en réduisant en 4 axes sa
construction autour de l’expression « prévenir et
réduire les ruptures », l’exposé des motifs posé en
introduction n’innove pas sur les constats : « Un
plan d’orientations stratégiques sur la psychiatrie
et la santé mentale : pourquoi ? Parce que c’est
un enjeu de société et de santé publique majeur ;
parce qu’il existe encore trop souvent des inégalités
d’accès aux soins ; parce que les maladies mentales
peuvent troubler la capacité à demander de l’aide, à
consentir et s’engager durablement dans des soins ;
parce que les personnes souffrent encore trop souvent
de stigmatisation et de discrimination, aggravant leur
vulnérabilité ».
Il serait temps de se demander s’il est utile de rappeler
avec cette constance des objectifs toujours non
atteints, plutôt que d’interroger les moyens pour les
obtenir : le HCSP souligne que le nombre important
de rapports sur la santé mentale et la psychiatrie signe
la sensibilité du sujet et les enjeux de santé publique.
Mais si la multitude des rapports montre l’intérêt des
pouvoirs publics qui les commandent, ils peuvent
aussi tracer l’insuffisance des décisions politiques
pour les exploiter ou que le type de décisions prises
ne répond pas à la complexité du problème.
¾Pour ce qui est de sa pertinence en termes
d’efficacité et d’impact, le HCSP explique
l’incomplétude de son bilan par l’imprécision
des données accessibles sur la mise en oeuvre du
plan de 2005 : la multitude des mesures (210),
leur manque de hiérarchisation, les différences
de nature et de contenu qui mêlent des éléments
quantitatifs comme les budgets, et qualitatifs plus
difficiles à évaluer, en sont des explications. Mais
le HCSP souligne aussi que cette mise en oeuvre
est rendue inégale par la différence de niveaux
des pilotages entre des mesures d’impact national
et une politique de santé déclinée au niveau
régional.
Le HCSP dans son bilan du plan de 2005 met le doigt
sur une limite de tout plan de psychiatrie et santé
mentale qui, bien que de portée nationale, ne saurait
régler « les inégalités territoriales » entre les régions,
surtout s’il se limite à des « orientations stratégiques »
dont Madame Berra est si fière. Les limites des plans
tiennent à leur nature : outils de planification et
outils de politique publique, le HCSP pointe qu’ils
ne peuvent se substituer à une loi d’orientation et au
cadre normatif qui manque à la psychiatrie et à la
santé mentale.
™Le bilan de la Cour des Comptes chargé de
compléter celui du HCSP a été publié quant à
lui peu avant Noël et se montre plus critique
sur le plan. Face aux enjeux encore une fois
qualifiés d’importants de la psychiatrie, les
résultats du plan sont jugés médiocres.
Les critiques rejoignent en partie celles du HCSP et
portent sur l’insuffisance en matière de structures
extrahospitalières et d’alternatives à l’hospitalisation
complète, sur l’insuffisance de la recherche, sur le
problème des disparités régionales, sur la mauvaise
prise en charge psychiatrique des détenus.
Mais la Cour des Comptes a élargi l’analyse des soins
en psychiatrie à ce que les défauts d’application du
plan n’ont fait que mettre un peu plus en évidence :
le problème structurel des soins en psychiatrie dont
l’organisation territoriale a été fragilisée.
S’il faut consentir à quelques accents de
condescendance de la Cour qui cite comme obstacles
aux évolutions de l’organisation, « l’attachement » des
4 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 5
4. psychiatres publics à l’organisation en secteurs et le
souci des ministères de ménager les professionnels en
engageant la concertation, c’est bien le rôle de l’Etat
qui est pointé du doigt comme défaillant. Et comme
celle du SPH, l’analyse dénonce depuis la mise en
oeuvre des réformes sanitaires de ces dernières années
l’absence d’adaptation des textes aux spécificités de la
psychiatrie. L’ordonnance de simplification sanitaire
de 2003 pour la réforme « hôpital 2007 » a préparé
ce que la loi HPST n’a fait qu’aggraver : le décalage
entre une organisation sectorisée de la psychiatrie
toujours valable dans les principes et de référence
dans les faits pour les professionnels et les patients,
et la disparition du cadre juridique qui en permettrait
l’évolution dans un environnement réglementaire et
législatif qui a changé.
Parmi les 26 recommandations de la Cour des
Comptes qui ne font au final que reprendre les thèmes
habituels de simple orientation d’une politique
de santé mentale, celle pour l’instauration et la
définition d’une mission de service public de secteur
psychiatrique pose bien les bases du cadre manquant.
DES ARGUMENTS POUR UNE LOI DE SANTE MENTALE
Les 2 bilans du plan psychiatrie et santé mentale
de 2005-2008 du HCSP et de la Cour des Comptes
ont ceci de commun qu’ils montrent l’insuffisance
du plan à répondre aux nécessités selon les termes
du HCSP d’une réflexion nationale et d’un cadre
normatif, et pour la Cour des Comptes, de fixer un
cadre juridique pour une organisation territoriale
rénovée.
On peut citer comme arguments signant l’insuffisance
d’un plan pour une véritable politique de santé
mentale, quelques éléments des analyses de ces 2
hautes instances chargées d’évaluer les politiques
publiques :
- Les besoins importants de la psychiatrie et de la
santé mentale ne pouvaient que partiellement
être comblés par le plan de 2005, pas tant par
l’insuffisance des mesures qu’il comportait, mais
parce que les spécificités de la santé mentale font
appel à des mesures transversales et de niveau
national que le plan ne pouvait ordonner (ex :
pour la dimension sanitaire, le financement des
soins, la démographie médicale, la formation
des internes, ou pour l’accompagnement
socioprofessionnel, le logement, ou la recherche,
etc.).
- Les avancées telles que les SAMSAH, les GEM, les
SAVS sont à attribuer bien plus à la publication
concomitante de la loi sur le handicap de février
2005 qu’au plan de santé mentale lui-même,
et les effets positifs du plan sont venus de la
cohérence avec d’autres mesures nationales telles
que la loi du 4 mars 2002 ou la circulaire sur les
SROS ; signe que des mesures législatives peuvent
seules donner l’impulsion nationale qu’un simple
plan ne réduira qu’à des incitations diversement
prises en compte par les acteurs en régions.
- Comme facteur de mobilisation et de
décloisonnement entre les différents champs,
l’application du plan a pu bénéficier des
échanges et rencontres entre les acteurs de la
santé mentale que permettaient les instances
de coordination qu’il avait créées, localement
mais aussi au niveau national, comme l’instance
nationale de concertation et le comité technique
de suivi. La disparition de ces instances et l’arrêt
des rencontres nationales en 2007 sont pointées
comme un des éléments de l’insuffisance de
suivi du plan : l’efficacité d’une politique de
santé mentale nécessite donc pour le moins
des dispositifs de coordination et de pilotage
renforcés, d’autant que la santé mentale fait appel
à des centres décisionnels de niveaux différents
(organisation sanitaire des SROS, programmes
départementaux et interdépartementaux sur le
handicap, etc.) propres à entretenir les disparités
territoriales déjà dénoncées .
- Certaines démarches jugées intéressantes sont
trop laissées aux initiatives des acteurs de terrain
et le plan n’a pas suffisamment contribué à
l’émergence de nouvelles pratiques : ainsi les
conseils locaux de santé mentale manquent pour
leur développement d’un soutien institutionnel,
que le plan seul ne peut contraindre.
- Le plan n’a pas assez répondu aux programmes
de prise en charge spécifiques : le cas des
détenus a fait appel à une loi (et pas à un simple
plan) celle du 9 septembre 2002 d’orientation et
de programmation pour la justice qui a créé les
UHSA. L’amélioration de la coordination santé
justice qui est jugée nécessaire ferait appel à une
volonté et un pilotage national et interministériel
qu’un simple plan ne peut ordonner.
- La Cour des Comptes est plus radicale : la
fragilité de l’organisation territoriale des soins en
psychiatrie, enjeu fondamental, est une source
de dysfonctionnements. L’adaptation des textes
législatifs aux spécificités de la psychiatrie et la
reconstruction du cadre juridique qui étaient
attendues depuis l’élaboration de la loi HPST
n’ont pas été menées par l’Etat.
2. UNE LOI GLOBALE DE SANTE MENTALE
La psychiatrie a des spécificités dans le système
sanitaire et une place dans la santé mentale qui
justifient bien la loi d’orientation de la psychiatrie et
de la santé mentale promise lors de l’élaboration de
la loi HPST, et redemandée par les organisations lors
des débats sur la réforme de la loi du 27 juin 1990.
L’ordonnance du 4 septembre 2003 et sa circulaire
du 25 octobre 2004, qui accompagnaient la réforme
hôpital 2007, ne maintenaient des spécificités de
la psychiatrie qu’un volet « psychiatrie et santé
mentale » dans les SROS : la Cour des Comptes
dénonce comme source de dysfonctionnements la
disparition du cadre juridique spécifique nécessaire
à l’organisation de la psychiatrie ; il s’agit bien là
des limites que les textes partiels et les dispositions
réglementaires à destination seulement régionale
ont dans une politique de santé publique, et que
le nouveau plan s’obstine pourtant à vanter par ses
« orientations stratégiques » à destination des ARS.
Cette loi de santé mentale doit comporter :
- un dispositif législatif définissant et donnant
les moyens d’une mission de service public
psychiatrique de secteur ;
- une organisation territoriale de santé mentale
intégrant la continuité des soins du secteur et
l’échelle départementale ;
- un budget national spécifique identifié pour la
psychiatrie et la santé mentale décliné dans les
régions ;
- une révision de la loi du 5 juillet 2011.
2.1 PLANIFICATION SANITAIRE, PSYCHIATRIE
ET SANTÉ MENTALE
2.1.1 Que fait-on des spécificités de la
psychiatrie dans l’organisation
sanitaire ?
Spécialité médicale obligée d’emprunter aux sciences
humaines pour circonscrire son objet, la première des
spécificités de la psychiatrie est sans doute d’avoir
sans cesse à affirmer une identité, condamnée à lutter
contre les représentations que s’en fait la société du
moment, tout en les incorporant au nom du progrès.
Le plan de 2012 paraît bien présomptueux d’annoncer
« redonner du sens à la psychiatrie aux yeux de
tous » par de simples orientations stratégiques !
Toute mesure visant le financement, l’organisation, la
recherche, la formation pour la psychiatrie et la santé
mentale devrait pourtant bien, pour être efficace,
intégrer quelques spécificités de la psychiatrie, parmi
lesquelles :
x Son image (négative voire dangereuse, rejetée
par le public, ou dotée de capacités de
compréhension pour lesquelles la société lui
demande de répondre à toutes les douleurs de
l’existence).
x Son objet et son champ clinique (sans modèle
anatomoclinique et d’unicité théorique pour
rendre compte de son savoir, ses différentes ap-proches
(organogenèse, psychogenèse, socioge-nèse...)
se complètent).
x Le lien avec le domaine social (que ce soit par
l’influence de l’environnement social dans
l’éclosion et l’évolution de la maladie mentale,
ou du fait du poids de l’expression de la maladie
dans le domaine social).
x Les rapports avec le pouvoir : de celui supposé
du psychiatre sur son patient à celui de dispo-sitif
de contrôle social installé par la loi du 18
juin 1838 et que n’ont pas démenti ses réformes
de la loi du 27 juin 1990 puis de la loi du
5 juillet 2011, la question du pouvoir psychia-trique
évolue dans l’inconfort d’une position où
les questions d’aliénation et nécessités de soins
sans consentement le disputent aux spectres des
abus, manipulations et instrumentalisation poli-tique.
L’indépendance professionnelle des psy-chiatres
est bien plus qu’une position théorique,
et rend compte de l’équilibre d’une société
démocratique.
x La place des usagers et des familles :
o Quand la psychiatrie doit faire avec
la suspicion de ses abus de pouvoirs,
il semblait plus que normal que
l’affirmation des droits des malades
concrétisée par la loi du 4 mars 2002
s’applique aussi à la psychiatrie, mais
quelques aménagements liés aux
particularités de l’exercice psychiatrique,
comme ceux concernant l’accès au
dossier médical, y ont été nécessaires.
o Même la loi du 30 juin 1838, en créant
le placement volontaire, avait donné
6 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 7
5. une place spécifique aux tiers pour les
décisions de soins. La place croissante
des associations d’usagers et de familles
au niveau des espaces institutionnels de
concertation signe la reconnaissance
du rôle des proches dans l’évolution de
la maladie mentale, et pourrait favoriser
une réelle dé-stigmatisation des malades.
La loi HPST a d’ailleurs voulu accroître
leur représentativité dans les espaces
décisionnels des établissements sur
les principes de démocratie sanitaire,
en prolongation de la loi du 4 mars
2002. Mais en psychiatrie, il faut
pouvoir intégrer à la réflexion les
risques de dérives que constituent des
actions de groupes de pressions moins
bien intentionnés qui exploitent les
amalgames entre la mauvaise image de
la psychiatrie, l’absence de délimitation
strictement scientifique de son objet
et les injonctions contradictoires qui
lui sont faites, pour s’autoproclamer
représentatifs de ses « victimes ».
o La loi du 11 février 2005 pour l’égalité
des droits et des chances a satisfait les
associations pour la reconnaissance
du handicap psychique, comme un
moyen de favoriser l’intégration sociale
des malades. Mais le rapport sénatorial
d’information du 24 juin 2009 sur le
bilan des maisons départementales des
personnes handicapées nées de cette loi,
soulignait aussi les problèmes rencontrés
par les MDPH pour équilibrer leur budget
et développer leur activité quand la part
financière souvent insuffisante de l’Etat,
variable entre les départements, contraint
les conseils généraux à s’ajuster. Toute
modification de l’organisation territoriale
de la psychiatrie devra, pour être
coordonnée de manière efficace avec les
secteurs sociaux et médico-sociaux de
la santé mentale, intégrer les différents
niveaux d’intervention entre Etat et
collectivités territoriales ; et selon les
principes de déconcentration renforcée
par la loi HPST, c’est donc à la condition
que les ARS aient le pouvoir et la volonté
d’y veiller.
x La chronicité et la discontinuité psychique :
o le principal argument pour souligner
l’intérêt de la sectorisation comme
dispositif de soins psychiatrique
efficace tient dans la continuité
relationnelle que le secteur
coordonne entre hospitalisation
et soins ambulatoires, comme
dispositif contre la discontinuité
psychique d’un patient « bien connu
du service » atteint de maladie
chronique et d’expressions variables
au cours de sa vie. Cette continuité
s’appuie donc sur des personnels
en nombre suffisant pour assurer
le « plateau technique » propre
à la psychiatrie : la relation entre
soignant et patient, et souvent
étendue à ses proches par nécessité.
o La psychiatrie a à traiter une part
importante d’affections longues
durées (ALD) : toute disposition
visant à contrôler les dépenses de
santé par une révision des prises
en charge des ALD devra bien
tenir compte de cette singularité
pour ne pas rendre inefficace son
organisation et ses prises en charge.
2.1.2 La psychiatrie dans la santé
mentale : effets sur la politique
sanitaire
C’est par la circulaire du 14-03-90 que la psychiatrie
a fait son entrée médico-administrative dans la santé
mentale, rappelle le HCSP. Mais pour ce qui est de
définir le concept de santé mentale et la psychiatrie,
le HCSP est obligé d’emprunter à la sociologie pour
au final n’aboutir qu’à la définition d’une différence
d’idiomes, « local » pour la psychiatrie « spécialisée
dans l’identification et le traitement de problèmes
particuliers », alors qu’il est « global » pour la santé
mentale, « qui met en forme et en sens les conflits
et dilemmes de la vie sociale contemporaine en
attribuant des causes ou des raisons à des problèmes,
très généralement liés à des interactions sociales ».
Ce qui ne dit rien sur la manière dont une politique de
santé devrait faire jouer à la psychiatrie son rôle dans
cette priorité de santé publique. D’autant que selon le
même HCSP « les questions de pathologie mentale ne
sont plus un secteur particulier de la société traité par
une discipline appelée la psychiatrie, mais un souci
transversal à toute la société faisant partie de l’agenda
politique ».
Comme dans tous les projets sur la santé mentale,
les tentatives de définitions de la psychiatrie et de
la santé mentale dont certaines visaient à mieux
faire passer « la psychiatrie vers la santé mentale »,
et « changer de paradigme » finissent, même quand
les intentions seraient assez bonnes pour essayer de
déterminer des besoins et des moyens, par aboutir à
une dé-spécification de la psychiatrie. La psychiatrie,
ramenée à une organisation commune aux autres
disciplines médicales, comme le préconise la Cour
des Comptes, se trouve alors surtout mise au régime
de la maîtrise des dépenses de santé.
Depuis l’ordonnance de simplification sanitaire
du 4 septembre 2003 la psychiatrie a, avec la
santé mentale, intégré l’outil de planification
sanitaire que constituent les SROS pour favoriser les
coopérations. Mais cette réforme de la planification
générale basée sur les besoins, et non plus sur des
équipements, se heurte pour définir l’organisation
de la psychiatrie qui serait basée sur les besoins, à la
difficulté de déterminer les besoins de santé mentale.
L’impossibilité de définir strictement la santé mentale
participe à cette difficulté et comme le soulignait
le Centre National de l’Expertise Hospitalière
engagé pour le rapport Milon sur la prise en charge
psychiatrique, il est aisé de confondre l’estimation des
demandes de santé mentale et celle des besoins.
Que ce soit par l’enquête diagnostique
populationnelle qui établit une « probabilité » des
besoins, l’extrapolation statistique de cas cliniques
révélés ou la modélisation présentée par V. Kovess
qui tente une différenciation entre besoins de santé
mentale et besoins de psychiatrie basée sur les aides
auxquelles les personnes accèdent (généraliste et
psychologue pour la santé mentale), les méthodes
envisagées pour déterminer de manière rationnelle
et quantifiée les besoins de santé mentale n’ont pas
permis de trancher.
Une enquête de l’IRDES de mai 2008 qui portait
sur la mise en place des territoires de santé par les
régions montrait que les manières d’y prendre en
compte les spécificités de la psychiatrie ne pouvaient
être univoques et combinaient aussi bien :
- une approche sanitaire basée sur l’analyse
du recours aux soins (soins hospitaliers
courants et médecine de ville)
- une approche populationnelle à partir des
données de bassins de vie de l’INSEE
- voire une approche basée sur les
organisations politiques locales telles que les
communautés de communes réunies autour
d’un projet de développement.
Avec la loi HPST, les dispositions qui visent
les établissements de santé interrogent encore
l’organisation de la psychiatrie : outre le fait que
la sectorisation psychiatrique a perdu son support
juridique depuis les réformes, comme le souligne la
Cour des comptes, l’appel à créer des Communautés
Hospitalières de Territoires, et que la FHF prône aussi
pour la psychiatrie, va à l’encontre des préconisations
pour une psychiatrie décloisonnée dans une santé
mentale non médicalisée, et alors que les reproches
faits aux secteurs et à l’organisation actuelle de la
psychiatrie sont d’être trop hospitalo-centrés.
Le plan psychiatrie et santé mentale 2012 a beau
affirmer que « dans ce domaine plus que dans
d’autres, les termes employés doivent être précisément
définis », on ne peut pas dire qu’il fait avancer
les rigueurs de définitions, avec sa santé mentale
en trois dimensions d’un côté (« la santé mentale
positive ; la détresse psychologique réactionnelle ;
les troubles psychiatriques) et la psychiatrie de
l’autre, « discipline médicale qui prend en charge les
affections psychiatriques caractérisées et les aspects
pathologiques de la souffrance psychique ».
Tout ça pour affirmer que « ce plan s’adresse aux
personnes vivant avec des troubles psychiatriques,
en particulier des troubles sévères générant parfois
du handicap, mais cette priorité politique ne portera
ses fruits qu’intégrée dans une prise en compte plus
globale de la santé mentale …enjeu de société qui
concerne l’ensemble des citoyens et pas uniquement
les professionnels de la psychiatrie ». La boucle est
bouclée, et la psychiatrie et la santé mentale n’en sont
pas plus avancées par des mesures concrètes.
L’étude menée par le HCSP pour son bilan du plan
santé mentale de 2008 auprès des professionnels de
différentes structures intervenant auprès des personnes
souffrant de troubles psychiatriques apporterait
pourtant quelques pistes dans cette dimension d’une
santé mentale qui intègre une psychiatrie décloisonnée
vers ses autres domaines de partenariats : le HCSP
souligne que le décloisonnement qui est en soi une
notion problématique a une pertinence pour une
majorité de professionnels, et tire deux conclusions :
« 1. Le débat qui opposerait une approche
hospitalo-centrée à une vision alternative, moins
institutionnalisée, des prises en charge, est mal posé.
Le développement d’alternatives à l’hospitalisation
et la construction de partenariats entre le sanitaire,
le médico-social et l’associatif pour favoriser le
travail commun fonctionnent d’autant mieux que les
partenaires peuvent s’adosser à l’hôpital public, pour
gérer les crises ou faire appel à des compétences
spécifiques.
2. Une tension très forte traverse le sanitaire autour
8 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 9
6. de la philosophie même de la psychiatrie, qui engage
la manière même dont le décloisonnement peut être
pensé et mis en oeuvre : une première tendance
va vers une protocolisation de la prise en charge,
cherchant à rapprocher la psychiatrie d’autres
spécialités médicales selon un modèle « diagnostic,
traitement, sortie ». Une autre tendance consiste à
développer des approches thérapeutiques créatives
qui passent par les activités d’épanouissement de soi,
le logement, la vie sociale… Potentiellement, ces deux
approches appellent la mobilisation de partenaires
autres que sanitaires, mais selon des perspectives très
différentes. Pour la première voie, il s’agit de mettre en
place un passage de relais. Pour la seconde, il s’agit
de constituer un espace de travail commun. Les outils
et les pratiques effectives, et les finalités mêmes du
décloisonnement ne sont alors pas les mêmes.
Deux conditions sont perçues dans tous les cas
comme nécessaires au fonctionnement effectif de
l’articulation entre secteurs sanitaire et médico-social.
x La première est l’existence de moyens
suffisants. En effet, les services qui sont les
moins sous tension ont une plus grande
latitude pour la prise de risque, la gestion
des essais - erreurs dans la construction
des parcours de soin, le développement de
partenariats qui prennent du temps, etc. C’est
à cette condition que peuvent se développer
des pratiques de travail communes qui
permettent d’améliorer la fluidité des
parcours de soin.
x La seconde condition, qui fonctionne en lien
étroit avec la première, est le développement
d’une culture professionnelle commune
entre les secteurs sanitaire et médico-social.
Sur ce point, des outils (formations, réseaux,
conventions…) existent et sont mobilisés dans
de nombreux secteurs. Il s’agit là d’un levier
majeur d’articulation entre les secteurs. »
2.2 ASSURER L’ORGANISATION DE LA
PSYCHIATRIE POUR UNE POLITIQUE DE
SANTÉ MENTALE EFFICACE
2.2.1 Les avantages d’un secteur renou-velé
S’il est fréquemment rappelé que le secteur est né
par voie de circulaire il y a 50 ans, favorisant la
critique sur le manque de « modernité » du dispositif
et du même coup de ses défenseurs, qualifiés par
certains de « sectateurs » du secteur, la mise en place
de la sectorisation est, elle, bien plus récente. La
réglementation n’aura favorisé son développement
que de façon tardive en accompagnant les initiatives
locales déjà en place, à défaut de les encourager
par une vraie politique en sa faveur : il faudra la loi
du 31-12-1985 pour lever l’obstacle juridique au
transfert des moyens entre intra et extra hospitalier,
en mettant fin à la différence de financements entre
prévention et soins, et le redéploiement des moyens
entre hospitalisation et équipements extra-hospitaliers
pour favoriser les alternatives à l’hospitalisation n’est
imposé que par l’arrêté du 11-02-1991.
Outre son manque de modernité, les reproches qui
sont faits au secteur tiennent à sa disparité territoriale
qui n’assure pas l’égalité des soins attendue,
alors qu’on veut bien lui trouver des qualités de
principes : la sectorisation constitue en effet un
maillage territorial national des dispositifs de soins
qui favorise par l’accessibilité, la continuité des soins ;
dans « Cinquante ans de sectorisation psychiatrique
en France : des inégalités persistantes de moyens et
d’organisation », l’IRDESS le qualifie d’innovant en
août 2009 en lui reconnaissant la qualité d’offrir avec
des équipes pluridisciplinaires un système de prise en
charge unifiée et complémentaire.
Quand les qualités du secteur sont soulignées,
c’est l’insuffisance de son développement ou les
défauts localisés de son application qui viennent
servir la critique, en éludant la question de la
responsabilité d’une politique sanitaire insuffisante
qui aurait du favoriser les conditions nécessaires
à son développement. C’est bien ce que pointe
la Cour des Comptes en signalant enfin dans son
rapport sur le plan de santé mentale de 2005 le
rôle que les dernières réformes ont joué sur les
dysfonctionnements en négligeant l’organisation des
soins en psychiatrie dont les spécificités n’ont pas été
prises en compte.
Les études statistiques de la Direction de la Recherche,
des Etudes, de l’Evolution et des Statistiques (DREES)
à partir des données des secteurs de 2003 et des
rapports d’activité en psychiatrie (RAPSY) de 2010,
décrivent un secteur psychiatrique de recours dont
l’importance s’amplifie : pour plus de 1,2 million
de patients (1500 en moyenne par secteur) suivis
en 2003, c’est 74 % de plus qu’en 1989 pour la
psychiatrie générale et 7% de plus qu’en 2000 pour
les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, avec une
division par 2 des capacités d’hospitalisation pour la
psychiatrie générale.
C’est aussi un secteur adaptable et contraire à l’image
volontiers dépeinte par certains détracteurs de la
sectorisation de secteurs psychiatriques figés sur leur rente
de situation que les études de la DRESS font apparaître :
- La file active ambulatoire représente 86 %
de la file active globale en 2003 et les soins et
interventions en CMP sont ceux qui ont connu
la plus forte croissance (+111 % entre 1989 et
2003).
- Les secteurs ont développé des jours et horaires
d’ouverture de CMP plus importants sans
permettre cependant d’absorber les demandes
croissantes, comme le montre l’augmentation
des listes et des délais d’attente. Et 83 % des
secteurs de psychiatrie générale en 2003, 78 %
de secteurs de psychiatrie infanto-juvénile ont
mis en place un dispositif de réponse à l’urgence,
via l’équipe du secteur ou une équipe rattachée à
un pôle intersectoriel d’urgence
- Les secteurs ont développé la mutualisation, les
réseaux et les partenariats avec la psychiatrie
de liaison pour 73 % d’entre eux, les unités
intersectorielles adaptées à une population ou
une pathologie donnée, des conventions écrites
avec un établissement médico-social pour plus
de la moitié d’entre eux, des protocoles passés
avec un établissement pénitentiaire.
- La cartographie régionale de l’offre de soins
établie à partir des RAPSY montre que les
alternatives à l’hospitalisation à temps complet
se développent, comme le placement familial
thérapeutique, les appartements thérapeutiques,
l’HAD, les centres de crise, de post-cure, etc.,
et que les secteurs ont organisé des prises
en charges spécialisées (unités mère-enfant,
adolescents, troubles des conduites alimentaires,
addictions, etc.) et participent pour certains
à des programmes spécifiques de prévention,
d’insertion , de développement des réseaux, etc.
2.2.2 Une organisation territoriale pour
la santé mentale : secteur psychia-trique
et département
En valorisant le rôle de la loi HPST qui aurait développé
la logique territoriale en cohérence avec le dispositif
de la sectorisation psychiatrique, le plan psychiatrie et
santé mentale de 2012 ignore superbement la critique
principale de la Cour des Comptes qui signale que le
secteur psychiatrique a perdu sa base juridique avec
les dernières réformes sanitaires, tout en étant réaffirmé
dans son principe de responsabilité par la loi du 5
juillet 2011. Et enfonce le clou en affectant au secteur
un rôle subalterne dans l’organisation territoriale de
la psychiatrie et santé mentale qui n’a plus besoin
d’être définie, renvoyée à un nébuleux « territoire
d’action compétent en psychiatrie » et à la liberté
de chaque établissement de définir sa structuration
interne en fonction de ses choix et de ses projets, en
conformité avec la loi HPST.
Noyé dans un territoire de proximité, le secteur
n’apparaît pas dans les niveaux de hiérarchie
différente cités par le plan (de proximité / de santé /
régional / interrégional), pas même dans le territoire
de santé, base de l’organisation sanitaire renforcée
par la loi HPST.
Avec des aménagements, c’est pourtant l’organisation
sectorisée qui serait la plus fiable pour guider une
offre de soins coordonnée et complémentaire dans
une organisation territoriale graduée selon 3 niveaux :
- 1er niveau, sectoriel et généraliste :
le secteur, base du maillage du réseau
psychiatrique territorial « généraliste », doit
conserver en propre l’équipement et les outils
nécessaires à la proximité, la continuité et à
l’accessibilité des soins : CMP-CATTP-HAD
(soins de proximité), hospitalisation temps
plein en service libre et en hospitalisation
sous contrainte (troubles aigus ou subaigus),
HDJ, et alternatives à l’hospitalisation
complète (dont certaines peuvent être
intersectorielles) : appartements, placement
familial thérapeutique, etc.
- 2e niveau, intersectoriel et spécialisé, de
recours pour le territoire de santé mentale
défini: le niveau intersectoriel est garant de
la complémentarité et de la coordination
des soins pour l’aire géographique qui lui est
attribuée. Son objectif est de faciliter les ac-tions
de coopération et de complémentarité,
auxquelles peuvent participer les structures
médico-sociales et les structures psychia-triques
des cliniques privées. Les structures
intersectorielles psychiatriques publiques
qui répondent à des besoins transversaux
peuvent être à temps plein, à temps partiel
ou ambulatoires : service d’urgence, psychia-trie
de liaison, équipe mobile en faveur des
populations en situation de précarité, unité
d’accueil pour adolescents, centre de crise,
unité de psycho gériatrie, unité de réinsertion
et d’accompagnement professionnel, prise en
charge des addictions/alcool, malades « dif-ficiles
», patients nécessitant une hospitalisa-tion
prolongée…
- 3e niveau, supra sectoriel : recours de
niveau régional ou interrégional (UMD,
UHSA, centres socio-médico-judiciaires…)
10 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 11
7. pour certaines structures très spécialisées
implantées sur le territoire et répondant à
des besoins spécifiques mais plus limités en
nombre de patients et auxquels la réponse
au niveau régional est suffisante et adéquate
(par ex. : psychiatrie pénitentiaire, SMPR
et suivi post-pénal). A ce niveau supra
sectoriel peuvent être organisées différentes
missions de prévention : alcoolisme -
suicide..., des missions d’information pour les
professionnels, la population (lieux de soins,
modes de prise en charge...), et des structures
et missions d’actions de formation continue
et de recherche.
Pour que la psychiatrie puisse jouer pleinement
son rôle dans la santé mentale face aux dernières
réformes qui ont installé une planification sanitaire
d’échelle régionale, il faut que le territoire de
santé mentale défini garde une taille « humaine »
permettant les coordinations entre les acteurs. De
plus, la perspective d’une politique de santé mentale
favorisant les partenariats entre secteurs sanitaire et
médico-social ou hôpital public et médecine libérale,
s’associe aux spécificités de la psychiatrie pour rendre
nécessaire l’intégration du niveau départemental dans
son organisation territoriale :
- Les champs de compétence des Agences
Régionales de Santé étendus au secteur
médico-social doivent tenir compte des
instances d’organisation du médico-social de
niveau départemental (conseils généraux). La
coordination des secteurs sanitaires intégrant
la médecine de ville doit aussi associer une
organisation départementale (ex des Ordres
professionnels).
- Le décret n° 2010-338 du 31 mars 2010 confirme
le département comme niveau de relations entre
ARS et préfet par un protocole départemental
traitant notamment des décisions relatives aux
hospitalisations sans consentement.
2.3 FAVORISER LES COOPÉRATIONS ET LES
DÉCLOISONNEMENTS DANS UNE MIS-SION
DE SERVICE PUBLIC PSYCHIA-TRIQUE
DE SECTEUR
2.3.1 Des instances de concertations
spécifiques pour acteurs multiples
L’appel de la Cour des Comptes à créer une « mission
de service public psychiatrique de secteur » vise
d’une part à réparer « l’oubli » de la loi HPST sur
les spécificités de la psychiatrie dans les missions
de service public listées dans le Code de la Santé
Publique, malheureusement réduites à la onzième
(la prise en charge des personnes hospitalisées sans
leur consentement), mais aussi à donner au secteur
le cadre légal pour assumer ses missions multiples.
En confiant aux ARS la responsabilité de fixer
l’organisation territoriale sanitaire tout en pilotant
dans les régions l’articulation entre les champs
sanitaires et médico-sociaux alors que la définition
réglementaire des conditions d’autorisation en
psychiatrie fait défaut, la loi HPST n’a effectivement,
faute de prise en compte des spécificités de la
psychiatrie, pas facilité les conditions d’une politique
de santé mentale reconnue.
Si la psychiatrie doit bien oeuvrer à favoriser une bonne
santé mentale par son décloisonnement et les partenariats
avec les autres champs de la société, c’est par :
- la reconnaissance de ses spécificités dans le
champ sanitaire ;
- des conditions facilitant les rencontres entre les
représentants des différents acteurs de la santé
mentale ;
- la prise en compte des différents niveaux de
pilotage d’une politique de santé mentale, de
l’échelle de proximité du « terrain » à celle
de suivi national, en passant par celui des
responsabilités régionales définies par la loi HPST.
Ainsi, la santé mentale sera d’autant plus identifiable
dans une politique de santé publique que des
instances spécifiques de pilotage et de concertation
seront créées.
La Cour des Comptes et le HCSP, qui reconnaissent
dans leurs bilans respectifs quelques vertus au plan
psychiatrie et santé mentale de 2005, le font sur l’élan
aux échanges et à l’implication des associations qu’il
a pu encourager par la création des instances de
concertation, trop éphémères cependant. Le rapport
Couty avait quant à lui non seulement souhaité que
la représentation institutionnelle des usagers dans
les différentes instances sanitaires soit étendue mais
qu’un véritable pilotage national interministériel
pour assurer la cohérence et la coordination des
programmes de santé mentale soit créé.
Les recommandations convergent donc pour la
création :
- de conseils locaux de santé mentale ;
- de commissions régionales dédiées à la santé
mentale au sein des ARS ;
- d’une instance nationale reconnue de psychiatrie
et de santé mentale, chargée d’élaborer et de
suivre la politique de santé mentale, associant les
représentants mandatés par les différents corps
professionnels et associations.
2.3.2 Psychiatrie et champ médico-social :
des articulations évolutives
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour
l’égalité des droits et des chances qui a intégré dans
sa définition du handicap l’origine cognitive et
psychique, a donné une reconnaissance au handicap
psychique distinct du handicap « mental ».
Cette reconnaissance, fruit des revendications des
associations et familles d’usagers pour faire émerger
avec ses besoins propres, les moyens de prise en
charge et d’accompagnement d’une partie de la
population, signe aussi l’évolution de la place de
la psychiatrie dans la société. Du monde fermé
des asiles, les soins psychiatriques appuyés par
les découvertes pharmacologiques et la politique
de sectorisation, sont passés en ville, et la prise
en charge des patients, replacés dans la société,
a quitté la question médicale exclusive pour celle
de l’intégration sociale et de ses difficultés. Tandis
que les droits des usagers étaient reconnus comme
priorité à inscrire dans la loi (loi du 2 janvier 2002
réformant l’action sociale et médico-sociale, loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé), les familles et usagers
s’organisaient en associations pour prendre une place
dans les espaces de décisions du système sanitaire.
Les conceptions ont changé, accompagnant ou
poussées par les effets de ces nouvelles rencontres
entre domaine du soin, des familles et du social, et la
maladie mentale que les psychiatres ne souhaitaient
pas voir auparavant associée à l’idée du manque
irrévocable fixé par la notion de handicap pour lui
préférer les possibilités évolutives du soin actif, a
changé de registre en se plaçant sous l’angle de l’aide
sociale et de l’assistance.
Au-delà du débat théorique sur le déplacement des
pratiques de la psychiatrie vers la santé mentale, c’est
la question de la répartition des rôles (l’assistance
aux services sociaux, le soin à la psychiatrie et
l’accompagnement aux associations) qui peut faire
réapparaître les difficultés de repérage entre ce qui
revient à la prise en charge de la maladie mentale
et à la compensation du handicap psychique,
d’autant lorsque des décisions politiques doivent
en déterminer l’organisation. Notion nouvellement
validée, le handicap psychique se trouve ainsi « à la
croisée des chemins de toutes les problématiques »
comme le délégué interministériel aux personnes
handicapées l’évoquait en 2006 avec la question de
l’efficacité de la loi du 11 février 2005.
Considérées sous l’aspect des liens à faire entre la
personne et son environnement, les articulations entre
le champ sanitaire et le champ médico-social doivent
se faire à plusieurs niveaux décisionnels, depuis
l’étape d’évaluation individuelle par les Maisons
Départementales des Personnes Handicapées (MDPH)
pour un « plan personnalisé de compensation du
handicap » aux réponses institutionnelles apportées
ou non par un territoire en capacités d’hébergement
ou de dispositifs d’accompagnement. Même les soins
psychiatriques ont intégré l’évolution des concepts en
développant avec le courant de réhabilitation psycho-sociale,
une sensibilité aux théories cognitives avec
les programmes psychoéducatifs, l’entraînement aux
habiletés sociales, les programmes de remédiation
cognitive, etc.
A l’échelle d’un territoire de santé mentale, la
répartition des compétences entre l’Etat et les
collectivités locales dans un environnement
économique contraint, le niveau régional du rôle des
ARS fixé par la loi HPST associé à l’incertitude sur le
devenir des organisations départementales, pèsent
sur les possibilités d’articulations entre les champs, et
favorisent les risques de disparités.
Pour que la psychiatrie puisse jouer pleinement son
rôle dans ces articulations, qu’elles soient envisagées
sous l’aspect de la continuité des soins converties
en parcours de soins pour un patient, ou en prenant
sa place sanitaire dans le parcours de vie d’une
personne en besoins d’accompagnement, le secteur
psychiatrique, déjà inscrit par ses missions dans les
partenariats entre l’hôpital et l’extra-hospitalier, doit
retrouver véritablement les outils et la légitimité de
son fonctionnement.
Pas seulement en termes de moyens, même s’il n’est
pas inutile de rappeler que le HCSP note comme
condition au fonctionnement effectif de l’articulation
entre secteurs sanitaire et médico-social « l’existence
de moyens suffisants » pour « des pratiques de travail
communes qui permettent d’améliorer la fluidité des
parcours de soin ».
Mais au-delà même, dans la construction de la
mission de service public psychiatrique de secteur
que la Cour des Comptes définit comme nécessaire :
« Après la désagrégation juridique du secteur, la
reconstruction d’un cadre juridique cohérent n’a
pas encore été entreprise, en dépit de l’attente des
professionnels de la psychiatrie. Certes, l’organisation
de proximité pour les personnes souffrant de
troubles mentaux est une priorité pour l’ensemble
des agences régionales de santé, mais encore à
l’état de projet et selon des logiques d’organisation
diversement formulées. Pour préserver les patients
des risques aggravés de disparité et de discontinuité
12 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 13
8. dans les parcours de soins, demeure ainsi à définir
rapidement un cadre garantissant une offre de
soins au service de la population d’un territoire de
proximité, pluridisciplinaire, cohérente, continue,
gratuite et rapide. Une organisation rénovée devrait
favoriser des diagnostics précoces, garantir la
cohérence, la continuité et la qualité des soins, éviter
les hospitalisations inutiles et assurer la réinsertion
sociale des patients, leur non-stigmatisation et la
reconnaissance de leur citoyenneté. ».
2.3.3 Expérimentations des GCS établis-sements
de territoires de santé men-tale
La circulaire N°DHOS/E1/F2/O3/2009/292 du
21 septembre 2009 relative au financement par le
fonds de modernisation des établissements de santé
publics et privés (FMESPP) avait pour objectif de
favoriser les coopérations entre établissements de
santé déterminées par la loi HPST, sous forme de
Communautés Hospitalières de Territoires (CHT)
ou de Groupements de Coopération Sanitaire
(GCS) titulaires d’autorisation d’activités de
soins, soit des GCS établissements de santé, seuls
à détenir des activités de soins : « …il peut être
constitué des GCS de droit public ou de droit privé
titulaires d’autorisations d’activités de soins. Ces
modes de coopération visent à offrir à l’ensemble
de la population du territoire de santé, dans une
logique de filières, une palette de soins adaptés et
complémentaires. Il s’agit de conjuguer au mieux
proximité, qualité et sécurité, grâce à une gradation
des soins et à la recherche de complémentarités
entre établissements. Cette démarche permettra
l’amélioration du parcours de soin du patient… ».
Dans l’objectif de faciliter les coopérations entre
secteurs sanitaire et médico-social, acteurs de santé
mentale, les GCS peuvent constituer le dispositif
adéquat. A condition cependant de bien différencier
2 formes de coopération recouvertes par les GCS
dans leurs conséquences sur l’organisation de la
psychiatrie : les GCS dit « de moyens » et des GCS dit
« établissements de santé ».
L’article L 6133-1 du CSP stipule que le GCS de
moyens « a pour objet de faciliter, de développer
ou d’améliorer l’activité de ses membres ». Et plus
précisément, le GCS de moyens peut être constitué
pour :
- organiser ou gérer des activités administratives,
logistiques, techniques, médico-techniques,
d’enseignement ou de recherche ;
- réaliser ou gérer des équipements d’intérêt
commun ; il peut, le cas échéant, être titulaire à ce
titre de l’autorisation d’installation d’équipements
matériels lourds mentionnée à l’article L. 6122-1 ;
- permettre les interventions communes de
professionnels médicaux et non médicaux
exerçant dans les établissements ou centres de
santé membres du groupement…
L’article L. 6133-7 précise : « Lorsqu’il est titulaire
d’une ou plusieurs autorisations d’activités de
soins, le groupement de coopération sanitaire est un
établissement de santé avec les droits et obligations
afférents ».
Selon les articles L 6122-1 et R 6122-25, la
psychiatrie fait partie des activités de soins soumises
à autorisation, pour leur création, conversion,
regroupement, y compris sous forme d’alternative
à l’hospitalisation : l’activité de soins en psychiatrie
ne peut donc être confondue avec les activités
techniques, logistiques ou médico-techniques du GCS
de moyens, et encore moins avec les équipements
lourds soumis à autorisation selon l’article R 6122-26.
Il faut donc bien distinguer l’activité de soins en
psychiatrie des activités visées à l’article L 6133-1 qui
concernent la simple mise en commun de moyens :
sa caractéristique est de représenter un ensemble
thérapeutique cohérent par la détention d’une
palette de différentes modalités de soins comprenant
hospitalisation à plein temps et à temps partiel,
et alternatives à l’hospitalisation, appartements
thérapeutiques, foyers de postcure par exemple.
Pour que la psychiatrie puisse être en capacité
d’assurer la continuité des soins au travers d’une offre
diversifiée et adaptée aux nécessités de la prise en
charge selon le parcours de soins du patient, le GCS
de moyens n’est pas suffisant.
De plus, allant à l’encontre de la continuité
sectorielle, la simple mise en commun de la partie
d’équipements/activités non soumis à autorisation
(cas du CMP) conduirait inexorablement à instituer la
division au sein de cette continuité et à réintroduire
le clivage hospitalisation/soins ambulatoires qui
représentait l’écueil des propositions du rapport
Couty et dont la conséquence était de devoir faire
appel à de nouvelle « coopérations » entre ces deux
ensembles.
L’efficacité de la continuité des soins tient dans le
respect de la sectorisation lorsqu’elle peut offrir des
soins diversifiés pour mieux s’adapter aux besoins du
patient, mais surtout quand elle permet de faciliter
le libre parcours du patient entre les soins, qu’ils
soient hospitaliers ou extrahospitaliers : plutôt que
d’instaurer un principe organisateur source de clivages
qu’il faudra ensuite compenser par des contrats de
coopération, il est essentiel d’intégrer d’emblée ces
principes dans le schéma organisationnel et de choisir
pour cela le véhicule juridique le plus adéquat.
On pourra penser que, comparée au GCS de moyens,
la mise en place de GCS ES entrainerait un tel chantier
qu’il vaudra mieux se limiter à mettre en commun
quelques activités au sein d’un GCS de moyens. Mais
dès lors que l’on place la cohérence des soins en
première ligne, nous avons souligné précédemment
combien ce choix du GCS de moyens demeure
limitatif et juridiquement fragile, et les établissements
exerçant une activité en psychiatrie courront le risque
d’être soumis à une double logique d’organisation,
celle de mutualiser au sein de CHT d’un côté et de
mettre en commun par des GCS de moyens de l’autre.
Au contraire, faire le choix politique ambitieux de
promouvoir des GCS Etablissement de Santé, c’est :
x respecter l’esprit de la loi HPST pour une
meilleure organisation territoriale des moyens à
disposition ;
x sortir d’une logique d’organisation basée sur les
structures en favorisant les partenariats de santé
mentale sur un modèle d’organisation conforme
aux propositions de type « hôpital dans l’espace » ;
x préserver les acquis d’un système qui a fait
ses preuves tout en favorisant les mutations
devenues nécessaires en dépassant, par la
proposition d’une organisation conforme aux
pratiques, les résistances des différents acteurs au
décloisonnement.
Au moment où il s’agirait d’opérer des choix
structurants pour l’organisation des soins en
psychiatrie et lourds de conséquences pour l’avenir,
les GCS établissements de santé peuvent mettre à
disposition des ARS des outils de pilotage préservant
les spécificités de la psychiatrie pour une politique de
santé mentale efficace avec les conditions suivantes :
1. Un GCS départemental et autant de GCS « infra
départementaux » par tranche de 300/400 000
habitants dans les départements plus importants
(sur une base d’organisation territoriale comme
les arrondissements, les groupes de secteurs,
etc. Chaque GCS correspond aux frontières
géographiques de X secteurs actuels, à charge
pour chaque GCS de revoir le découpage
sectoriel en cas de distorsions importantes de
populations (qualitativement et quantitativement).
2. Regroupement au sein du GCS à minima de tous
les secteurs de psychiatrie gérés par les acteurs
sanitaires publics (CHU, CHS, CH) et privés non
lucratifs (PSPH) du territoire de santé, et des
structures médico-sociales dédiées au handicap
psychique volontaires et/ou dont les missions se
prêtent à une intégration au GCS.
3. Les professionnels médicaux libéraux, d’autres
professionnels de santé ou organismes peuvent
sur autorisation du DGARS participer à ce
groupement (art. L 6133-2), selon plusieurs
alternatives :
x Comme membres du GCS ES (comme
pour le médico-social)
x Comme membres d’un niveau de
proximité à créer sur le modèle des
« conseils locaux de santé mentale »
x Associées par conventions de
coopération avec le GCS établissement.
4. La qualité de membre est attribuée à minima
aux établissements sanitaires (publics et PSPH) et
aux structures médico-sociales, qui auront voix
délibérante à l’AG du GCS.
5. Le régime juridique dépendra des participations
aux charges de fonctionnement : selon le poids
de chacun des membres, le régime juridique du
GCS sera donc soit celui des EPS, soit celui des
ESPIC.
6. Les autorisations d’activité de soins
psychiatriques des différents acteurs du
département (CHS, PSPH, CH) sont transférées
sur le GCS ES. Inclure dans l’expérimentation le
transfert des autorisations médico-sociales : ce
que justifie le statut de membre attribué au sein
du GCS établissement aux associations du secteur
médico-social participantes.
7. Convention de coopération entre le GCS ES et les
structures psychiatriques non sectorisées avec
un rôle pour chaque structure clairement défini.
8. Possibilité au niveau de chaque secteur ou
groupe de secteurs de créer un « conseil local de
santé mentale » intégrant, outre les membres du
GCS, les partenaires qui ne peuvent être membres
du GCS (opérateurs sociaux, élus, collectivités et
leurs appendices (CCAS), éducation nationale,
justice, usagers…) ou qui ne voudront pas l’être
(privé lucratif, médico-social).
9. Transfert des Dotations Annuelles de
Financements et des budgets des différentes
structures membres vers le GCS. Mise à
disposition des actifs immobiliers et mobiliers
et non transfert de ces mêmes actifs : l’entité
d’origine reste propriétaire des actifs immobiliers
et mobiliers, le GCS intègre ces actifs sous forme
d’ « immobilisations reçues en affectation ».
10. Maintien des statuts d’origine des personnels, par
l’utilisation du système de la mise à disposition.
11. Un EPRD (ou un budget prévisionnel) pour
le GCS ES comprenant un compte de résultat
14 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 15
9. prévisionnel principal (CRPP) et un ou plusieurs
compte de résultat prévisionnel annexe (CRPA)
selon le degré d’intégration du secteur médico-social.
12. Lever l’hypothèque du dédoublement de la
gouvernance entre un conseil de surveillance et
une assemblée générale délibérante; selon deux
options:
x le maintien des deux instances : dans cette
hypothèse, le rôle respectif des deux instances
est précisé, en supprimant notamment les
doublons de compétences comme le compte
financier et le rapport annuel d’activité ;
x la « fongibilité » du Conseil de surveillance
dans l’AG (à privilégier).
Prévoir un mode de désignation de l’Administrateur
en concordance avec la nomination du directeur par
le DARS, sur avis de l’AG.
2.4 UNE LOI D’ORIENTATION POUR L’EN-SEMBLE
DES MISSIONS DE LA PSYCHIA-TRIE
Quand le HCSP consacre plusieurs pages de son
bilan du précédent plan de psychiatrie et de santé
mentale sur la prise en charge des enfants et des
adolescents et de la périnatalité, pour conclure que
le bilan est globalement décevant pour les mesures de
prévention, le nouveau plan de 2012 se contente de
quelques lignes qui doivent encourager à « Améliorer
la continuité des soins et l’accompagnement aux
différents âges de la vie de la personne » grâce à des
« actions de partenariat et travail de réseau entre
services de soins et équipes socio-judiciaires » bien
limitatives considérant la complexité de l’exercice de
psychiatrie infanto-juvénile.
La Cour des Comptes quant à elle accorde un
chapitre entier aux conditions de soins psychiatriques
aux détenus, mais le nouveau plan de psychiatrie
et de santé mentale n’est pas prêt de répondre aux
insuffisances puisqu’aucune de ses orientations
destinées aux « acteurs » ne leur est dédiée.
2.4.1 Perspectives pour la psychiatrie
infanto-juvénile
L’image et l’audience de la pédopsychiatrie
s’améliorent et les services de psychiatrie infanto-juvénile
sont donc sollicités et, comme tout service
public, aussi critiqués (délais d’attente, manque
de clarté et d’efficacité…) avec une insatisfaction
proportionnelle à l’intérêt et à l’afflux de demandes.
Depuis quelques années deux ondes de choc ont
convergé : la poussée des associations de parents
sur l’orientation des réponses, et la fragmentation
des soins sous la double pression de l’augmentation
des files actives et de la volonté d’intégration des
enfants. Le soin pédopsychiatrique s’est déplacé
du contenant (psychothérapie institutionnelle) à
son contenu (action sur le symptôme, importance
du diagnostic et de l’étiologie,…), en intégrant de
nouveaux modèles théoriques comme l’interaction
(interrelation), le transgénérationnel, la notion de
crise, etc. L’influence des associations (parents
d’enfants autistes, dyslexiques, dysphasiques,
hyperactifs) se ressent dans la création récente de
centres de diagnostic spécialisés (centres de référence
ou centres ressources) et dans la mise en place
de filières de soins spécifiques. Si l’intérêt de ces
centres est certain pour un approfondissement de la
compréhension des signes pathologiques ou pour des
examens complémentaires spécialisés, les solliciter
en première ligne peut engendrer un retard aux soins,
en raison de leur desserte régionale ou interrégionale
et du temps nécessaire à un bilan diagnostique
approfondi.
La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits
et des chances » a aussi déplacé progressivement la
fonction du pédopsychiatre du côté « expertal » pour
l’appréciation des compensations avec le risque d’un
échange interdisciplinaire dilué qui ne favorise pas
une vision organisatrice globale. La pédopsychiatrie
est décriée avec un fort écho médiatique par certaines
associations de parents qui critiquent l’absence à leurs
yeux suffisante de l’intégration des neurosciences, en
appelant à des réponses avant tout rééducatives et
une orientation vers le champ du handicap.
Si l’autisme et la psychose, progressivement englobés
dans les troubles envahissants du développement
(TED), ont polarisé le discours et les moyens financiers
de ces dix dernières années, c’est aussi aux dépens
d’autres troubles du développement comme les
dysharmonies évolutives, les troubles des conduites,
dans des familles en situation de précarité qui ne
peuvent se constituer en groupes de pression.
Les changements actuels au sein de la structure
familiale, dans une société qui peut manquer de
liens entre les individus, ajoutent aux facteurs
psychiques inhérents aux acteurs en jeu que sont les
parents, la fratrie et l’enfant. Et comme la justice, la
pédopsychiatrie est aussi utilisée dans une attente
exagérée de la société pour les progrès de la science
et résoudre tous les conflits, dans une représentation
de l’enfance focalisée sur les cas et les risques de
violence et de maltraitance.
Dans une société en mutation, la pédopsychiatrie
doit proposer une compréhension large, prenant en
compte les aspects médicaux mais aussi cognitifs,
familiaux, sociologiques, parfois interculturels, et
comme fonction d’aide aux parents. Ce qui requiert
une observation évolutive, en pesant le poids du
symptôme et sa place dans l’histoire et le contexte.
Elle ne propose pas de modèle univoque et doit éviter
les risques de dogmatisme : même si la psychanalyse
reste une référence forte dans la pédopsychiatrie
française, elle ne sous-estime pas l’intérêt des
découvertes dans le champ des neurosciences et la
prescription de psychotropes doit s’inscrire dans une
approche globale de l’enfant.
2.4.1.1 L’évolution du dispositif
sectoriel de psychiatrie infanto-juvénile
L’organisation hospitalière de la pédopsychiatrie
publique est celle du secteur géo-démographique
(320 en 2000), avec une même équipe pour des
actions préventives et curatives. S’associent à ce
dispositif, les CAMSP, les CMPP, les CMP associatifs,
les psychiatres libéraux, les SESSAD, les Maisons des
adolescents…
Les réponses sont essentiellement ambulatoires
ou en hospitalisation à temps partiel : pour le
secteur hospitalier, le centre médico-psychologique
(CMP) est la porte d’entrée des demandes qui
proviennent à égalité des parents, de l’école et des
circuits médicaux et de façon moindre des services
sociaux ou judiciaires. Les symptômes avancés sont
majoritairement des troubles psychologiques de type
névrotique ; les problèmes de comportement, les
désordres psychomoteurs, les difficultés d’acquisition
ou d’adaptation scolaire, de langage oral et écrit se
situent en second.
Si les pathologies sévères (autismes, psychoses, dys-harmonies
psychotiques) représentent statistiquement
une moindre partie de la demande, elles nécessitent
cependant des dispositifs et des soins plus intensifs.
A partir des rapports d’activité de secteurs dont le
recueil a été actualisé en 2000, il se confirme que le
recours à la pédopsychiatrie a explosé depuis 1991
(70% d’augmentation des consultants) avec un délai
d’attente supérieur à un mois pour 55 % des secteurs
et supérieur à trois mois pour 16 %. Comme la
psychiatrie générale, la psychiatrie infanto-juvénile
est organisée en réseau à travers la sectorisation,
favorisant le décloisonnement des disciplines et
l’articulation entre sanitaire, social et médico-social.
La psychiatrie infanto-juvénile (PIJ) est donc
probablement à un virage important de son évolution :
développée depuis les années 70, elle a diversifié
ses réponses et son organisation selon les tranches
d’âges et les modalités thérapeutiques ; l’accès des
très jeunes enfants à la pédopsychiatrie a permis
une prévention plus efficace des troubles, les files
actives ont augmenté, les connaissances scientifiques
empruntent dorénavant leurs références à de
multiples corpus théoriques. Mais la diversification de
son organisation et de ses réponses soignantes, face
à l’afflux et la diversité de la population accueillie,
est actuellement mise en tension par une remise en
question de ses options thérapeutiques présumées.
2.4.1.2 Un dispositif à renforcer dans
une organisation d’ensemble
Le dernier texte consacré entièrement à la psychiatrie
infanto-juvénile est la circulaire du 11 décembre
1992 relative aux orientations de la politique de santé
mentale en faveur des enfants et adolescents, avec
deux objectifs majeurs : mettre en oeuvre des actions
de prévention primaire et assurer la complémentarité
entre les dispositifs public et privé dans le domaine
sanitaire et médico-social.
Alors que la pédopsychiatrie est reconnue dans le
dispositif sanitaire et plus encore par les institutions et
par la population qui consulte assez aisément dans les
secteurs, elle est peu ou mal traitée dans les différents
travaux officiels. Si le rapport IGAS 2004 février
« Prévention et prise en charge des adolescents et
jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques »
a le mérite d’une appréhension de la complexité
de la prévention mais celui de 2006 de la mission
Sommelet « Amélioration de la santé de l’enfant et
de l’adolescent » ne traite pas spécifiquement de la
pédopsychiatrie, et le rapport du CESE en 2010 réduit
le débat sur la prévention à la sensibilisation et au
dépistage, et le soin aux circuits d’assistance et de
soutien.
La pédopsychiatrie de secteur peut assurer les actions
de prévention, de diagnostic, et de soin que la création
des centres de référence ou des centres ressources
n’assurera pas : plutôt que des interventions formatées
et relativement peu diversifiées, et une disjonction
entre diagnostic et soin, ces centres pourraient avoir
une position de recours complémentaire du dispositif
de secteur.
Car pour éviter l’errance des familles de professionnel
en professionnel pour les premières évaluations
diagnostiques dans des lieux « hyperspécialisés » ou
16 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 17
10. l’usage des urgences comme réponse à ce qui est
devenu une crise, les consultations en psychiatrie
infanto-juvénile sectorisée ont un rôle essentiel : par
leur proximité, ils sont référence de l’étayage pour
les parents, et de la permanence des soins au fil de
l’évolution de la pathologie.
De forts enjeux sont au coeur des évolutions de la
psychiatrie infanto-juvénile, parmi lesquels on peut
citer :
- réduire les délais d’attente ;
- fixer des modalités de filtre des premiers
entretiens et savoir limiter le temps de prise en
charge aux besoins ;
- améliorer les articulations entre les prises en
charge thérapeutique, rééducative et pédagogique ;
- déterminer un parcours d’orientation adapté face
aux urgences pour toutes les tranches d’âges
et soutenir la pédopsychiatrie de liaison et
améliorer la collaboration avec le médico-social
et l’éducation nationale ;
- développer les connaissances concernant le
bébé tant sur le plan somatique que psychique et
développemental ;
- mettre en place une meilleure collaboration et un
ajustement des institutions et unités de réponses
aux adolescents, en particulier entre la psychiatrie
infanto-juvénile, la psychiatrie des adultes et la
pédiatrie ;
- renforcer la prévention selon des axes (impact
des négligences sur les jeunes enfants, troubles
généraux du langage, troubles des apprentissages,
diagnostic précoce des TED, diagnostic d’entrée
dans les pathologies de l’âge adulte, etc.) ;
- soutenir les actions de recherche clinique
(études de cas, échantillons, pratiques de réseau
et de groupes de pairs,..) et la formation des
professionnels des interventions coordonnées.
La psychiatrie infanto-juvénile doit pour cela être
positionnée fermement dans le domaine sanitaire mais
en articulation avec la pédiatrie, la psychiatrie des
adultes, la maternité, le médico-social, l’éducation
nationale, le conseil général, les quartiers, la justice,
en identifiant et préservant ses moyens notamment
en centres hospitaliers généraux ou universitaires. Ce
que seule une loi d’orientation globale de la santé
mentale permettra, compte tenu de la multiplicité des
champs concernés.
2.4.2 Psychiatrie et justice
2.4.2.1 Soins aux personnes détenues
C’est avec la légalisation du secteur en 1985 que le
secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire (SPMP) a
été créé, doté de 26 services médico-psychologiques
régionaux (SMPR) dont trois dans les DOM, pour la
plupart implantés dans les maisons d’arrêt.
Parmi les modifications du paysage sanitaire en
prison, il faut rappeler le rattachement de la médecine
somatique, autrefois gérée par l’Administration
Pénitentiaire, aux hôpitaux avec la loi du 18 janvier 1994
qui a confié la responsabilité de la prise en charge
sanitaire des personnes détenues au Ministère de la
Santé et créé les Unités de Consultation et de Soins
Ambulatoires (UCSA) dans tous les établissements
pénitentiaires (environ 200). Dans les prisons non
dotées de SMPR (la majorité), les soins psychiatriques
sont en général prodigués par les secteurs de
psychiatrie générale qui interviennent dans les UCSA.
L’outil qui en résulte est dénommé dans l’usage
courant « Dispositif de Soins Psychiatriques » (DSP).
Dans ce préambule, il convient d’insister sur un
point qui semble en passe de devenir secondaire
alors qu’il est premier : la mission des soignants en
milieu pénitentiaire est de prodiguer des soins pour
améliorer un état pathologique dans l’intérêt du
patient conformément aux lois et règlementations
nationales ou européennes.
On rappellera que la Cour des Comptes dans son
récent bilan du plan psychiatrie et santé mentale
2005-2008 souligne que « l’optimisation et la
continuité des parcours de soins et de leur débouché
vers une réinsertion sociale » des détenus n’y ont
pas bénéficié de la même attention que la priorité
conférée à l’amélioration de la sécurisation des
locaux. Au regard de l’objectif annoncé de 80 000
places pénitentiaires en 2017, les capacités de prise
en charge psychiatrique seront donc encore plus
insuffisantes.
A – Le dispositif actuel
Le socle éthique et pratique sur lequel reposent les
soins psychiatriques en prison est le consentement aux
soins. Le contexte de privation de liberté associée aux
diverses contraintes du monde pénitentiaire, nécessite
que le soin psychiatrique en milieu pénitentiaire reste
un espace de relative liberté et d’intimité dans lequel le
patient pourra placer une confiance difficile à établir
dans le monde de contrainte, surveillance, promiscuité
des prisons, qui ne peut que favoriser la méfiance.
Si des soins s’imposent et que le patient les refuse ou
n’est pas en mesure de consentir, une hospitalisation
en établissement de santé est diligentée sur
décision du représentant de l’Etat (art. L3214-3
du code de la santé publique) au vu d’un certificat
médical circonstancié (ex hospitalisation d’office en
application de l’article D398 du code de procédure
pénale).
Les consultations (de professionnels différents)
représentent l’activité principale des SMPR. Toutefois
la plupart d’entre eux est dotée de places d’hôpital
de jour au statut ambigu. En effet, les personnes qui
nécessitent des soins plus rapprochés peuvent être
admises dans des places situées au sein des SMPR.
Elles y restent hébergées la nuit mais les soins ne
sont prodigués que durant la journée et avec leur
consentement. Seuls les SMPR de Fresnes et des
Baumettes (Marseille) ont une hospitalisation temps
plein avec une équipe soignante de nuit.
Ce dernier dispositif est voué à disparaître pour être
remplacé par les unités d’hospitalisation spécialement
aménagées (UHSA) implantées dans les hôpitaux
mais disposant d’une sécurité périmétrique gérée par
l’Administration pénitentiaire. Les UHSA ont été créés
afin d’éviter l’hospitalisation en milieu psychiatrique
ordinaire rendue de plus en plus difficile par manque
de moyens humains et matériels des services
hospitaliers et frilosité des acteurs hospitaliers
(soignants et administratifs) face aux mises en cause
possible en cas d’évasion par exemple. Pour compléter
le tableau des dispositifs soignants en prison, il faut
préciser qu’environ une dizaine de consultations (mal)
nommées post-pénales peuvent être adossées aux
SMPR ou au DSP. Elles permettent une articulation
dedans-dehors au moment de la libération et de
recevoir aussi les familles des patients dans un lieu
autre que la prison. Elles seraient mieux nommées
consultations extra-pénitentiaires et pourraient être un
équivalent des CMP, centrant le projet de soin autour
de la réinsertion et non autour de la ghettoïsation que
représente l’univers carcéral. Leur faible nombre est
révélateur du repli des soins sur la prison, même si les
soignants en milieu pénitentiaire s’efforcent de penser
les soins dans la perspective de la libération.
Pour faire le lien entre ces structures et optimiser le
parcours de soin du patient en évitant les ruptures,
les SMPR doivent assurer un rôle de coordination
régionale. Il leur est souvent reproché de ne pas
l’assurer suffisamment sans que l’on se penche
réellement sur les raisons de ce manque. Il n’échappe
à personne que ce travail demande du temps et de
la disponibilité, d’autant plus que chacun des acteurs
a ses contraintes qui rendent les moments aptes aux
échanges rares et complexes. Un SMPR, débordé par
ses tâches quotidiennes dans la prison qui confère
souvent à l’urgence, éprouvera de nombreuses
difficultés à assurer une coordination d’autres
établissements pénitentiaires éloignés souvent de
plusieurs centaines de kilomètres.
B – Aspects contextuels des soins en prison
Les conditions du contexte pénitentiaire sur la
population pénale sont bien connues :
- surpopulation (tout spécialement en maison
d’arrêt),
- promiscuité,
- absence d’intimité,
- responsabilisation insuffisante de la personne
détenue,
- sous-activités éducatrices, formatrices et peu
d’emplois,
- risques élevés de violences de toutes
sortes (agressions physiques, sexuelles,
psychologiques, racket),
- trafics divers, consommation de toxiques
difficilement contrôlables etc. en dépit
des efforts déployés par l’administration
pénitentiaire pour les contrer.
Le contexte pénitentiaire a aussi un impact sur les
soignants. Les services hospitaliers sont hébergés dans
les locaux gérés par l’Administration pénitentiaire.
Ils ont à tenir compte du contexte carcéral avec ses
rythmes, ses règles, ses modalités de circulation, ses
contraintes sécuritaires légitimes, etc. On relèvera en
particulier que la confidentialité de la tenue d’une
consultation et de sa spécificité (médecine générale,
psychiatrie, spécialités, etc.) ne peut être garantie.
Plus grave encore, les consultations, quand elles
nécessitent une extraction à l’hôpital, peuvent se
dérouler en présence de surveillants pénitentiaires
pour des raisons avancées de sécurité et de risque
d’évasion. En conséquence, l’exercice habituel de
la médecine trop souvent entravé par les spécificités
du milieu, ne devrait pas avoir à souffrir d’atteintes
supplémentaires ou de contraintes inutiles.
C – Perspectives
Avec la mise en place des UCSA en 1994, une
première version d’un guide méthodologique
(circulaire) indiquait le cadre général des soins
somatiques et psychiatriques. Une deuxième version
est parue en 2005 et une troisième version est en
cours d’élaboration.
Par ailleurs, les ministères de la santé et des sports et
celui de la justice et des libertés ont conjointement
18 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 19
11. produit un plan d’actions stratégiques 2010-2014
intitulé « Politique de santé pour les personnes
placées sous main de justice ». La cible choisie de
cette politique de santé des « personnes placées sous
main de justice » (PPSMJ) interroge sur le choix soit de
l’euphémisme qui évite de parler des prisons, soit de
la volonté d’ouverture des soins vers une population
plus large, non écrouée.
La première hypothèse est malheureusement la plus
probable si l’on considère que le contenu du plan
concerne essentiellement les personnes détenues et se
décline sur 6 axes, 18 mesures (dont 5 mesures phares)
et 40 actions : 1) Connaissance de l’état de santé de la
population pénale ; 2) Prévention et promotion de la
santé ; 3) Accès aux soins ; 4) Dispositif de protection
sociale ; 5) Formation ; 6) Hygiène, Sécurité et
salubrité des établissements pénitentiaires. Ces axes
sont sous-tendus par trois grands principes : 1) Les
personnes incarcérées doivent bénéficier des mêmes
soins que la population générale ; 2) Les plans et
les programmes de santé publique doivent être mis
en oeuvre en milieu carcéral (nécessité au moins de
le proclamer) ; 3) La prévention et les soins doivent
contribuer au maintien et à l’amélioration de l’état de
santé.
Parmi les 5 mesures phares, trois concernent la
psychiatrie, dont une en relation avec la prévention
du suicide et les deux autres cherchent à améliorer
les organisations. Concernant l’organisation, il s’agit
d’inciter, sans moyens supplémentaires identifiés, de
développer les activités de type CATTP, clarifier les
missions de l’hospitalisation de jour et améliorer les
conditions d’hospitalisation de personnes détenues en
établissement de santé psychiatrique dans l’attente du
déploiement dans sa totalité du programme UHSA qui
prévoit 705 places en deux tranches dont la première
devrait selon le plan être achevée en 2012. Il est aussi
prévu des éléments de cadrage pour les locaux des
SMPR et des UCSA sous forme de préconisations.
Quant au parcours de soin de la prison vers le
milieu ouvert, il n’est évoqué que sous la forme de
souhait : « Concernant les soins psychiatriques, ce
même défaut de préparation à la sortie et de prise
en charge adaptée est souligné. Certains services de
psychiatrie intervenant en milieu carcéral essaient de
mettre en place des réseaux de soins psychiatriques
au niveau régional. Ces quelques exemples sont
néanmoins loin d’être la règle. Il faut donc évaluer leur
efficacité » (p. 64). Pas un mot non plus ou presque
dans le plan sur les PPSMJ en obligation de soins
si ce n’est ce bref passage : « Se pose également la
question de la continuité des soins sous contraintes et
des secteurs d’accueil » (p.64) et aucune analyse de
la problématique que pose la prise en charge de ces
situations dans les centres médico-psychologiques.
En bref, un plan incantatoire essentiellement doté
d’outils d’évaluation du suivi du plan. Ce qui semble
la règle des plans dès lors qu’il s’agit de soins
psychiatriques…
D – Problématiques actuelles
Les professionnels de santé exerçant en milieu
pénitentiaire constatent actuellement un retour à la
situation antérieure à 1994, c’est-à-dire à des soins
sous contrôle de l’administration pénitentiaire.
Contrairement à la doctrine officielle qui clame que
les soins prodigués aux personnes détenues doivent
être identiques à ceux prodigués à la population
générale, la responsabilisation de l’usager promue
comme priorité dans la loi du 4 mars 2002 relative
aux droits des malades et à la qualité du système de
santé, est totalement occultée en prison. Ainsi, la
participation obligée des soignants aux commissions
pluridisciplinaires uniques (CPU) entretient le leurre
de la prévention absolue de la dangerosité, fantasmée
ou réelle, où les psychiatres exerçant en milieu
pénitentiaire devraient abandonner leur mission
thérapeutique pour devenir des pseudo auxiliaires de
justice, gages du contrôle social. De même l’inflation
des « injonctions de soin encourues » rogne sur la
liberté des soins en prison et le projet actuel de loi
de programmation de l’exécution des peines (2011-
2012) poursuit ce travail de sape en dépit des alertes
des professionnels.
x Indépendance professionnelle
La pratique médicale nécessite que l’indépendance
professionnelle médicale soit respectée et c’est
une obligation du code de déontologie médicale :
« Le médecin ne peut aliéner son indépendance
professionnelle sous quelque forme que ce
soit » (art. 5 du code de déontologie médicale et
R.4127-5 du code de la santé publique). Non
seulement la règlementation nationale insiste sur
cette indépendance nécessaire à l’exercice médical,
mais la réglementation européenne énonce les
mêmes recommandations en consacrant un chapitre à
l’indépendance professionnelle (Recommandation n°
R(98)7 relative aux aspects éthiques et organisationnels
des soins de santé en milieu pénitentiaire) : « Les
décisions cliniques et toute autre évaluation relatives
à la santé des personnes incarcérées devraient être
fondées uniquement sur des critères médicaux.
Le personnel de santé devrait pouvoir exercer son
activité en toute indépendance, dans la limite de ses
qualifications et de ses compétences ». Le médecin
est responsable du projet de soin et en rend compte
à l’usager qui peut faire lui-même valoir ses droits
comme il le souhaite.
x Secret professionnel (confiance, méfiance,
intimité)
Le secret professionnel est une obligation légale qui
s’impose aux médecins et à tout personnel soignant
hospitalier. Il n’est guère besoin d’en détailler les
déclinaisons juridiques (délit en cas de violation),
toutefois il est intéressant de rappeler que la loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé en a précisé le contour
en le limitant à un échange d’informations entre
professionnels de santé dans le cadre d’une prise
en charge commune sanitaire (art. L. 1110-4 code
de la santé publique, ci-dessous). Le Conseil de
l’Europe dans la recommandation citée supra dans
le paragraphe consacré au consentement du malade
et au secret médical impose que « Le secret médical
devrait être garanti et observé avec la même rigueur
que dans la population générale ».
Outre ces contraintes légales, il faut insister sur l’outil
thérapeutique que représente le secret professionnel.
Il permet d’instaurer une confiance nécessaire à
tout travail, notamment psychothérapeutique (selon
l’adage classique : « une confiance rencontrant une
conscience »). C’est le garant de la construction
d’un cadre thérapeutique qui va permettre au
collectif soignant d’instaurer des soins dans lesquels
la personne détenue va pouvoir s’engager. Il est
d’autant plus important que cette confidentialité soit
respectée dans une perspective psychothérapeutique
qui se démarque d’autres modalités thérapeutiques,
notamment chimiothérapeutiques, en imposant une
démarche active de la part du patient. L’intimité étant
plus que restreinte en prison et la méfiance étant
assez généralisée, il importe que les modalités du soin
restent protégées. En particulier, toute information
concernant les soins ne peut être communiquée à des
tiers que par le patient lui-même.
Indépendance, secret professionnel n’impliquent
pas une étanchéité totale entre services sanitaires
et services pénitentiaires : partageant un espace de
travail commun, même cloisonné pour respecter les
diverses organisations inhérentes à leurs destinations
respectives, ayant à répondre aux besoins d’une
même population, les services sanitaires ont à
s’articuler mais non à se confondre pour répondre au
mieux à leurs missions. Des espaces de concertation
institutionnelle (réunions de coordination) ou encore
des modalités informelles de communication pour
signaler les situations critiques ou à risque sont
prévus et sont tout à fait satisfaisants pour permettre la
circulation d’informations partageables.
x L’évolution des situations cliniques
La surreprésentation des pathologies mentales graves
fait l’objet d’une documentation bien connue. Il en
est de même de l’état de santé physique déplorable de
la population pénale, de l’importance des conduites
addictives, du suicide ou de celle de la prise en
charge des auteurs d’infractions à caractère sexuel.
Ces situations, qu’il faut resituer dans le parcours de
soin du patient incarcéré que ce soit en amont (avec
la question de l’expertise, exposée dans le chapitre
suivant) ou en aval, ne peuvent qu’augmenter
puisque la population pénale ne peut que croître
(Prévision à court terme de 80 000 personnes sous
écrou sur 65 000 actuellement) sans que l’on puisse
être convaincu que la construction de nouveaux
établissements pénitentiaires sera une amélioration
des conditions de vie en prison.
x Améliorer les connaissances et les pratiques
en relation avec la psychiatrie en milieu
pénitentiaire
Le travail des soignants en prison est de plus en
plus dicté, non par les règles et les connaissances
de l’exercice médical mais par les prescriptions et
« ordonnances » des pouvoirs publics poussés à
satisfaire l’attente supposée d’une opinion publique.
La profession doit pouvoir établir des règles de
pratiques professionnelles, être soutenu dans
d’éventuels travaux de recherche et le résultat de ces
travaux doit être suivi par les décideurs. Ainsi, dans un
contexte économique tendu, financer des conférences
de consensus et autres auditions publiques pour ne
pas tenir compte des recommandations émises est un
gâchis.
E – Conclusion
La question des moyens (locaux, personnels
formés et en nombre suffisant, etc.) à octroyer aux
soins psychiatriques en milieu pénitentiaire est
incontournable et mériterait un développement
spécifique, mais la problématique actuelle est
la responsabilité des pouvoirs publics dans la
dégradation de l’organisation des soins et du cadre
thérapeutique en milieu pénitentiaire. La psychiatrie
en prison devient davantage un outil illusoire de
contrôle social, sur les thèmes de la « dangerosité » et
de la lutte contre la récidive, que le dispositif de soins
20 L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X L E S Y N D I C A T D E S P S Y C H I A T R E S D E S H Ô P I T A U X 21