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UBUNDI (CAPITALE DE KOZANGUI)
Magali, arrêta sa cuisson. Dehors dans la nuit elle avait entendu des bruits. Il était
minuit. Elle secoua son mari qui somnolait. L’homme se leva sur les dents. Son
poing instinctivement serra la machette. Devant lui la femme serrant leur fille faisait
des gestes :
- Qu’est ce qu’il y a ?
Magali paniquée fit dans un souffle :
- Jai entendu des bruits. Les soldats.
L’homme allait la renvoyer quand des bruits venus de l’extérieure l’alerta. Il se
figea, tendant l’oreille. Il fit un geste que la femme ne réfléchit pas pour en trouver
l’interprétation. Elle prit sa fille et elles disparurent dans l’arrière cour. L’homme
attendit poster a cote de la porte la machette levée. Les bruits se rapprochaient.
Quatre personnes, plus d’après les voix imperceptibles qui lui parvenaient. La porte
fut secouée. Les doigts de Madiba se crispèrent sur l’arme. Quand elle céda
l’homme abattit son coupe-coupe. L’ombre qui avait fait le premier pas dans la
chambre recula brusquement :
- Qui est la ? fit une voix apeurée enfantine
Un silence lui répondit. Une autre voix, celle-ci féminine fit plaintive :
- Je vous en supplie ne nous tuer pas. On cherche juste à manger, s’il vous plait.
Madiba fit :
- Qui va la ?
- Homme qui que tu sois prends pitié pour ma femme et mes enfants.
Madiba sortit de l’ombre. L’homme en face de lui était maigre et portaient un
chapelet musulman enroulé autour de son boubou très sale et puant. Il trainait avec
lui une femme et deux enfants. Une fille et un garçon. Madiba craqua son briquet et
monta la lumière sur les visages des intrus :
- Madiba !
- Paulo !
Tous deux étaient extrêmement étonnés de se voir.
FIN FOND DE LA JUNGLE UBUNDAISE
Youlsef marchai sans s’arrêter. Les autres suivaient. Ils lui faisaient confiance.
Les plus a plaindre étaient les occidentaux qui étaient parmi eux. Il fallait marcher,
marcher sans s’arrêter, du moins pas maintenant. Aller le plus loin possible car le
répit serait de courte durée. Le jour allait bientôt se lever. Il ne fallait surtout pas
prendre des chemins qui les trahiraient. Youlsef, lui marchait, écartant herbes et
feuillages épais comme sil cherchait quelque chose. Ils débouchèrent dans une sorte
de clairière sombre comme la gueule d’un monstre. Jasmine vit au milieu, quelque
chose qui avait été jadis une cabane de six pièces. Le bois était croulant, la mousse
avait envahi partout et la végétation avait repris ses droits, défonçant portes et
fenêtres pour s’introduire à l’intérieur. Youlsef ordonna la halte. Les hommes
s’éparpillèrent. Jasmine s’arrêta à bout de souffle. Tandis que les autres cherchaient
où poser la tète, Youlsef s’arrêta devant la cabane. Son regard semblait comme
regarder quelque chose au loin. Jasmine s’approcha de lui :
- On dirait que vous avez fait ca toute votre vie.
- Quoi fit Youlsef comme sorti de ses pensées
- Traverser la jungle.
Youlsef eut un sourire grave :
- C’est ici que j’ai pour la première fois rencontré une femme.
Jasmine rougit de confusion mais Youlsef poursuivit :
- Il y avait ici, une maison, une famille, une femme, une femme très belle.
Il s’assit sur ce qui avait du être une véranda et qui maintenant était envahi par de
grosse racines. Jasmine s’arrêta a cote de lui. Autour d’eux a proximité, les autres
s’allongeaient en silence. Youlsef continua mélancoliquement :
- Cette femme quand je lai rencontrée, j’ai su que je ne voulais plus aller ailleurs que
rester auprès delle, ainsi parlait mon père.
Jasmine rougit de plus belle, cette fois ci de honte. Elle qui s’était imagine autre
chose. Youlsef tourna son regard vers elle :
- Je n’ai pas grandi ici mais j’y suis né. Ma vraie naissance était ici. Je suis venu
quelque fois mais j’aurais jamais imagine que a des lieux de moi se trouvait
l’horrible et légendaire CAMP DE BAMBOULA.
Jasmine fit :
- Comment vous avez trouve le chemin ?
Youlsef soupira :
- Je n’avais pas prévu nous amener ici. Jai eu une nuit une vision. Jai vu un oiseau
rouge dans les arbres. Un oiseau qui se déplaçait. Je l’ai suivi.
- Un oiseau ?
Youlsef lui répondit :
- Le voici
Jasmine sursauta. A ses pieds il y avait un oiseau rouge écarlate dans cette
pénombre éternellement verdâtre de ces lieux. Il ne ressemblait a rien quelle connut.
Il n’était ni grand ni petit. Il était immobile, le regard fixe et effrayant. Youlsef
semblait perdu dans ses pensées. L’oiseau déploya ses ailes et s’envola. Jasmine
entendit encore bien longtemps le claquement de ses ailes dans son sommeil. Elle
s’était assoupie contre l’épaule de l’homme qui était à cote delle depuis un bon
moment plongé dans son silence impénétrable. Brusquement elle se réveilla en
sursautant :
- Non
Elle se rendit compte après quelque minutes quelle était couchée a même les
racines. Elle se redressa. Son cote lui faisait mal. Quelle heure est-il ? Avait-elle
dormi longtemps. Elle se leva, manquant de tomber. Autour delle les hommes
dormaient d’un sommeil léger. Jasmine contourna la cabane. Elle voulait se
soulager. Elle sentit une présence. Elle écarquilla les yeux. C’est alors quelle le vit. Il
était la, debout. Elle s’approcha. Il était comme en recueillement devant deux mottes
de terres sur lesquelles trônaient de gros morceaux de bois en forme de croix
vermoulues et couvertes de mousse gluante. Il se retourna. Elle fit :
- Ce sont vos parents.
- Non des indigènes, des amis. Morts.
Il poursuivit après un moment de réflexion :
- Mort dans l’anonymat
- On peut après déplacer leurs sépultures
- Les animaux auraient déjà passe par la. Rien dans cette jungle ne se perd.
Il soupira. Jasmine l’entendit murmurer en les dents :
- Je me demande si j’ai bien fait de les abandonner.
Elle fit :
- Vous n’aviez pas le choix
Youlsef sembla sortir de son cogito et fit en se retournant les mains dans les poches :
- Je ne parlais pas d’eux mais des hommes que l’on a laissés dans le camp.
Jasmine le suivit. Il fit :
- C’est peut être vrai qu’ils ne voulaient pas nous suivre certains par peur, d’autres
par souci de ralentir nos poursuivants mais je me demande si j’ai bien fait de les
laisser a cette mort atroce. On aurait pu essayer tous ensemble !
Apres un moment il conclut :
- Ils auraient donné leur vie pour nous. Pourvu que cela serve. Je n’avais pas le
choix
Jasmine fit énergiquement
- Oui vous n’aviez pas le choix. Vous ne pouviez pas les forcer.
Youlsef lui lança un regard en biais.
Un homme s’approcha :
- Youlsef !
Celui-ci se retourna. L’occidental en face de lui, fit d’un air grave :
- Merci !
- Ne me remercier pas encore. Nous ne sommes pas encore sortis.
L’homme eut un sourire triste et regarda vers le ciel. Youlsef poursuivit tout en
tirant Jasmine à l’ écart :
- J’espère que chacun a pu trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Nous
partirons avant le lever. Faite attention à ne pas vous empoisonner avec des plantes
et surtout soyez vigilants.
L’homme blanc bredouilla une réponse en allant rejoindre le groupe, réponse que
Youlsef n’entendit pas. Déjà il était loin.
- Avez-vous quelque chose qui puisse nous aidez à rejoindre le lieu de rendez-vous.
Jasmine sortit de son pantalon une sorte de feuille manuscrite :
- Youri m’avait laissé ça !
- Vous aviez ca sur vous et
- Je ne sais pas ce que c’est. Puisque l’on ne m’a pas fouillée alors je l’ai gardé
Youlsef prit le bout de papier qui était en fait une carte tracée à main levée sur une
peau mince avec une croix en noir et quelques indications sous la forme de trait,
certainement un message code. Youlsef fronça les sourcils. Quelque chose
l’intriguait. Il replia la carte et soupira :
- Bien sur !
HERALD-TIME
Gonçalves tournait en rond dans le bureau. Cela se gâtait. Il fit appel à un des
rédacteurs :
- quand vous avez reçu ça il était bien à l’ambassade ?
- Oui monsieur, j’ai eu au téléphone Marwann.
- Ok tenez-moi au courant, si vous avez quelque chose de nouveau
Quand il avait reçu ce fax, Goncalves n’en cru pas a ses yeux. Jasmine avait
disparue, les autres avait échappé de justesse a un attentat, un kidnapping… Non !
Les nouvelles n’étaient vraiment pas bonnes

FUITE EN AVANT

Youlsef arrêta le groupe. Tout le monde se figea. Il venait d’entendre un bruit.
Les hommes derrière lui se cachèrent dans l’herbe. Jasmine tout près de lui se faisait
toute petite. L’homme épiait les environ. La moindre erreur leur serait fatale. Un
soldat s’avançait devant eux, a pas mesurés une kalache en bandoulière. Youlsef
chuchota à l’oreille de Jasmine :
- L’appât. Si jamais on tire, on se fait repérer et c’est l’hallali.
L’homme semblait tendu faisant des tours sur lui-même, scrutant chaque mètre
carre de verdure. Il s’accroupit tâtant le sol. Youlsef arma. L’homme était à peine à
quatre mètres. Il se redressa. Son visage apparut dans le vert pale du reflet de la
lune qui traversait difficilement l’épaisse frondaison des arbres. Youlsef faillit crier.
Doucement il baissa l’arme a la surprise de Jasmine. Il ferma ses mains devant sa
bouche et émit un sifflement long et modulé. L’homme s’arrêta brusquement. Le
clic de son arme armée était distinct. Youlsef émit un autre sifflement. L’homme
tendit les oreilles. Il répondit par un autre son. Youlsef répéta le sifflement. Jasmine,
elle ne comprenait rien. L’homme fit :
- Sors de la.
Youlsef voulut sortir de la cachette quand Jasmine le retint :
- Que faites-vous ?
Leurs regards se croisèrent. Celui-ci ne répondit pas.il se dégagea et sortit hors de la
cachette les mains en l’air bien en évidence. L’homme braqua larme sur lui. Quand
Youlsef entra dans la lumière, L’homme s’exclama :
- Youlsef !
Celui-ci fit :
- Maninwé
- C’est bien toi
- C’est bien moi mon frère.
Les deux hommes s’embrassèrent. L’homme que Youlsef avait appelé son frère cria
- Ca va !
Youlsef fit :
- Je suis avec des gens
- Comment ?
Youlsef cria :
- Sortez de la, tous
Le soldat s’exclama en voyant les gens sortir
- Comment tu as fait ? Et les soldats que l’on a envoyés
- Les soldats !
Il se tut, une lueur de tristesse traversant ses prunelles. A ce moment il vit une jeune
femme sortir derrière L’homme :
- Chéwagné
La jeune femme et lui se regardèrent. Celle-ci voulut dire quelque chose mais
s’abstint. Sa mine se serra et elle le dépassa. Jasmine sortit en courant de sa cachette
pestant tout en secouant ses cheveux :
- Saletés de bestioles.
Elle buta contre Chéwagné et tomba. Quand elle se leva son regard croisa celui de la
jeune femme. Celle-ci fit :
- Youri !
Jasmine baissa la tête. Quand elle la releva, les yeux de Chéwagné étaient remplis de
tristesse. Elle passa a cote de Jasmine et se mit à donner des ordres. Il fallait
rassembler tout le monde. Le temps presse….(A suivre)
JOUR 1
J1 - Prologue

Putain, mais c'est quoi ce bordel ? !?! » sont les premiers mots de Damian Gregor.
Cet étudiant en psychologie - à la faculté de Lettres de Reims - de 23 ans s'assoit les yeux rivés sur l'écran
de télévision. Son petit salon est vide. Il n'y a pas plus que le nécessaire : un canapé qui regarde une petite
télévision, une armoire, quelques livres que Damian n'avait lus qu'une fois pour la plupart. À côté, une
petite cuisine ouverte décorée d'une vaisselle non lavée attend qu'on la nettoie.
Damian attend la suite, s'allongeant finalement dans son canapé, fatigué. La journée s'est écoulée,
l'étudiant est harassé, la veille a été arrosée. Il frotte ses yeux noirs pour bien se réveiller. Sa barbe de 3
jours le démange et il se sent sale mais il n'ira se laver. Il ne veut pas manquer une miette de ce qui va se
passer à la télévision.
La journaliste présente une vidéo venant de parvenir à la chaîne : « Les morts se réveillent. Hier, dans une
petite ville à l'est du pays, un homme a attaqué plusieurs personnes. Quelques instants avant son
attaque, il avait été violemment renversé par une voiture. »
L'étudiant regarde la date, par réflexe, sur son téléphone à proximité. « Non c'est pas le 1e avril, mais le
31 mars. » À une journée près. Il met le son plus fort. Ses pensées le gênent pour entendre le reportage.
Il commence.
Les gens parlent d'un homme qui s'est réveillé après avoir été percuté. Un vieil homme est au micro : «
J'étais là, j'ai tout vu. Y'a eu une bonne femme qui roulait trop vite dans la rue et le gars, lui, il traversait
quand il s'est fait percuté par la voiture ! Il a volé sur quelques mètres. La femme, elle s'est arrêtée et a
appelé les secours. Moi, je pouvais pas, j'avais pas de téléphone. »
De minuscules séquences de la scène se mêlent aux différents témoignages. C'est une vidéo amateur
filmée une à deux minutes après la collision. Un homme est allongé sur le sol, la moitié du corps sur le
trottoir, l'autre sur la rue. Un peu plus loin, la voiture de la femme est arrêtée. Depuis l'appel, elle est en
état de choc. Un autre homme est près de la victime et lui parle. La caméra est trop loin pour que Damian
puisse comprendre ce qu'il dit.
Il s'agit d'un banal mais effroyable accident de la route. Peu de temps après le début de la vidéo, les
sirènes des secours retentissent au loin. Les pompiers arrivent en premier sur les lieux. Ils descendent de
leur camionnette et deux d'entre eux foncent vers la victime. Ils constatent la violence de la collision. Un
des sauveteurs se rapproche de la caméra, il demande son extinction. « Éteignez-moi ça bordel ! » En
arrière-plan, Damian observe l'abandon des secouristes : il est déjà trop tard. L'un des deux part prévenir
son supérieur. Celui qui était resté près de la victime se relève. Il se tourne vers ses équipiers pour
demander de l'aide.
Damian essaie de le prévenir, et hurle à travers la télé : « Derrière-toi ! » Mais rien n'y fait. Ce qu'avait
annoncé la journaliste se produit.
L'homme déclaré mort ouvre ses yeux. Damian n'arrive pas à voir en détail le visage de cet homme. Il lève
sa tête, bouche ouverte. Il maintient le mollet du pompier avec ses deux mains et ferme avec force ses
mâchoires béantes. L'homme hurle de douleur et s'écroule. Le mort revenu à la vie monte sur sa victime
et lui mord le cou. Le sang jaillit encore plus fort à chaque nouvelle morsure. Damian distingue enfin son
visage : des yeux bleus et pâles, le front éraflé, un mélange de chair et de gravillons. Sa bouche dégouline
de sang, malheureusement il s'agit de celui du pompier.
L'étudiant a un haut-le-cœ « Aidez-le merde ! » ordonne-t-il aux gens pétrifiés dans la télévision. Les
ur.
autres intervenants courent vers la scène incompréhensible. Ils extirpent le fou qui venait de mordre le
sauveteur en le jetant violemment en arrière. Les mains sur ses blessures, le pompier se vide rapidement
de son sang, appelant à l'aide sans qu'un son ne sorte de sa bouche. Il meurt rapidement.
Damian souffre pour le pompier. Il se sent impuissant face à une scène qui a dû se dérouler il y a plusieurs
heures.
Des cris de peur suivent le dernier souffle du pompier. Le déséquilibré se relève une nouvelle fois. Il n'est
pas calmé ; Il se jette sur la personne la plus proche. Il s'accroche à son épaule avec ses dents. Sa nouvelle
victime se fait attraper tandis qu'elle observait, paniquée, le pompier mourir. Les doigts du fou pénètrent
son dos, arrachent ses côtes. Le craquement des os est encore plus insupportable que le hurlement de
douleur sa nouvelle proie.
Damian voit un plaisir spécial chez le tueur, une satisfaction intense mais étrangement accompagnée d'un
regard vide, renforcé par des yeux cristallins.
Les images sont coupées nettes. La journaliste reprend l'antenne. Gênée, elle range des feuilles et se
remet en place. Elle ne devait pas s'attendre à reparler de suite. Elle s'excuse pour la brutalité de la vidéo
expliquant qu'une erreur de diffusion s'est produite. « Mesdames, messieurs. Nous nous excusons de
brutalité des images qui viennent de vous être montrées. Nous avons diffusé, par erreur, une version noncensurée. » Elle explique de façon brève et en lisant fidèlement le prompteur que le contrôle de l'incident
a été établi lors de l'arrivée de forces de l'ordre. L'homme fou a été neutralisé car incontrôlable et
dangereux. Elle clôture ce sujet en affirmant que les détails viendraient bientôt.
« Mon cul ! On ne saura rien ! ». Damian explose. Légèrement conspirationniste, son esprit ne peut
s'empêcher de penser que le gouvernement ne dira rien et que l'indicent sera étouffé. Il pose sa tête dans
ses mains, ses doigts se cachant dans ses cheveux noirs, un peu trop longs. « Non mais c'est un truc de ouf
! » Il n'en revient toujours pas.
Si c'était un poisson d'avril, c'était vraiment une mauvaise idée.
Son premier réflexe qu'il a est d'ouvrir une page Internet. Si, pour lui, il existe un endroit où les puissances
politiques n'ont aucun pouvoir de censure, c'est sur la toile. Beaucoup de théories commencent déjà à
polluer le web : des terroristes, un cobaye pour un médicament, un virus.
Damian ne sait plus quoi penser. Le calme de la journaliste, la folie d'Internet. Il est assez choqué mais il
est sûr que ce cas ne sera pas isolé. « Quelque chose de terrible va se produire d'ici peu et les gens ne
seront pas prêts. »
Damian décide de se coucher, avalé par son lit. Il espère que plus d'informations seront données le
lendemain sur ce mort redevenu vivant.

J2 - Silence radio

Damian Gregor est scotché devant la télé depuis huit heures du matin. Il n'a pas dormi. Il visionne avec
beaucoup de nervosité la chaîne info : un flot continu d'informations inutiles et redondantes. Lassé,
Damian se rend à l'évidence. Rien. Il commence à croire qu'il a été la proie d'un cauchemar glauque. Tout
est diffusé, de la politique à la santé, mais rien dans la case faits divers.
L'étudiant décide de ne pas s'arrêter au silence médiatique. Il cherche les détails là où l'information ne
peut pas être contrôlée. Pour lui, Internet, ce grand colosse échappe à la censure gouvernementale. Page
après page, recherche après recherche, il ne sait plus vraiment ce qu'il cherchait. Il commence à croire
que même la toile ignore l'événement.
Damian se pose des questions. Il est sûr de ne pas avoir rêvé. L'inquiétude s'empare de lui jusqu'au
moment où sa recherche le mène sur un forum.
Le site est anglophone. Un des intervenants parle de la situation en Angleterre. Un village a été mis en
quarantaine mais aucune image n'a filtré. Un autre au Brésil parle d'un incident dans une boîte de Rio qui
a dégénéré. Toujours pas d'image ! Les exemples s'enchaînent sans aucune preuve. Damian ne déniche
que de mauvais montages, des photos contrefaites, un ramassis de faux zombies sur fond de The Walking
Dead. Cela ne fait pas rire Damian. Certains de ces montages utilisent le film 28 jours plus tard. Damian se
moque d'eux : confondre un zombie et un infecté, quelle stupidité ! Il veut connaître la vérité et est
effrayé de ne rien savoir.
Où est cette fichue vidéo ? Il cherche sur tous les sites de vidéos en streaming qu'il connaissait puis en
faisant des recherches plus générales. Il ne la trouve que très difficilement. Il l'enregistre directement sur
son pc. Damian la visionne, encore et encore mais l'étudiant n'arrive pas à discerner le vrai du faux. Il
s'approche étonnamment près de l'écran pour disséquer la vidéo. Sans succès. Pour lui, elle est vraie.
Il ne veut pas croire à quelque chose d'aussi insensé. Il décide d'envoyer des sms à son ami Tony en
espérant ne pas être le seul à penser que les zombies existent.
- Slt, t'as vu hier ?
Damian attend plusieurs minutes. Chaque seconde lui paraît interminable. Le téléphone vibre.
- BFM en mode Z ? 1e avril obligé !
- J'ai des doutes aussi, je trouve pas grand-chose sur le net.
- Tu sèches aussi cet aprèm' ?
Tout simplement et sans prévenir, Tony écarte le sujet. L'étudiant est un peu déstabilisé. Il ne sait pas
quoi répondre. Il efface plusieurs fois ses ébauches de message. Après plusieurs brouillons, il choisit de
faire simple.
- Non, je viens. À tal' !
L'après-midi, Damian se rend dans une salle de cours de la faculté des Lettres. Tony discute avec des
étudiants au fond de la pièce blanche. Tony est roux mais sans quasiment aucune tâche de rousseur. Il
porte une veste en cuir noir déchirée et recousue. Il est grand et musclé, ce qui peut agacer son ami de
temps à autre. Damian pose son sac à côté de celui de son camarade. Il salue le groupe avec les
habituelles formalités de politesse. « Salut. Ça va ? Quoi de neuf ? ». Il engage ensuite une conversation
moins conventionnelle avec Tony :
- Alors ? Ces histoires de zombies ?
- Après un premier sondage, je trouve ce canular 100% cool, sourit Tony.
- Non mais réveille-toi sérieux ! J'ai maté les infos depuis ce matin et à aucun moment ils n'ont dit que
c'était un poisson d'avril douteux. C'est même pire, ils n'en parlent plus du tout.
Damian essaie de faire comprendre que son inquiétude doit être prise au sérieux. Il le sait pourtant, son
ami a l'habitude de tout prendre à la légère et ce n'était pas ce qui s'était passé la veille qui allait le faire
changer.
- Il y a eu un cas ce matin dans la ville, intervient un de leurs amis (je donnerais un nom), mais il n'a fait
aucun blessé. Il a été neutralisé assez vite. C'était dans le quartier Wilson.
- Fake ! Ça ne peut pas être vrai, s'emporte Tony, ils en auraient parlé non ? Ils nous auraient dit de ne pas
venir ici, c'est juste à côté de la fac.
- Non mais je t'assure que c'est vrai, continue l'étudiant, c'est un pote qui me l'a dit.
Aucun n'écoute l'autre et chacun campe sur sa position. La seule chose qui permettrait de mettre tout le
monde d'accord serait une preuve.
- Vous avez trouvé des vidéos sur le net ? interroge Damian.
- Oui, j'en ai sauvegardé une avant qu'elle soit supprimée, répond un autre étudiant.
Il s'approche du groupe qui se met en arc de cercle. Il lance la vidéo sur son smartphone et tourne l'écran
vers ses amis.
C'est une vidéo amateur, elle se déroule dans la capitale. La Pyramide du Louvre est facilement
reconnaissable à quelques mètres derrière la scène. Un homme filme sa petite-amie en robe courte qui
prend la pose. Elle commence à parler en anglais. Ce sont des touristes. La femme, heureuse de visiter
Paris, fait un message pour sa famille. « Bonjour papa, bonjour maman. Nous sommes bien arrivés à Paris
et nous ne perdons pas de temps. Nous allons visiter le Musée du Louvre. Ce soir, je me fais inviter dans
un grand restaurant parisien. Je vous embrasse fort et... »
Son petit-copain ne la filme plus. Elle n'est plus à l'image. Il a tourné sa caméra sans prévenir sa petiteamie. Elle lui demande, légèrement agacée, ce qu'il fait et voit au loin une scène assez incroyable.
Sur le sol, allongé, un homme se vide de son sang, il s'agite… Une flaque pourpre se dessine autour de lui.
Les spasmes deviennent de moins en moins intenses jusqu'à l'arrêt. La petite-amie du cameraman
amateur pousse un cri d'effroi. L'homme vient de mourir.
À côté de la victime, une femme blonde est figée, la bouche bavant du sang. Elle bouge de manière
désarticulée, sa tête penche sur le côté. Elle s'arrête quand deux policiers face à elle la braque avec des
armes. Un des agents lui ordonne de s'écarter de la victime. Elle n'a pas l'air de comprendre. Dans une
sorte de transe, sa tête donne des à-coups. Ses yeux fixent l'agent. Elle ne cille pas. Elle reste immobile.
Elle se balance seulement de gauche à droite comme si le vent soufflait sur elle. Sans raison, elle fonce
soudainement sur lui.
L'agent hurle : « Arrêtez-vous ou nous serons contraints de faire feu ! » Première fois. Elle n'obtempère
pas. Deuxième fois. Elle se rapproche dangereusement. Troisième fois. Il ouvre le feu.
Sa course est à peine freinée. Son collègue tire également jusqu'à la chute de l'assaillante. Le cameraman
et sa petit-amie commentent ce qu'ils filment. « C'est quoi cette femme putain ! Elle s'est pris vingt balles
et elle n'est pas morte putain ! ». La femme blonde a terminé sa course sur les genoux. Le sang jaillit, ses
cheveux d'or sont désormais ornés de perles de rubis. La tête baissée, son visage n'est pas identifiable
pour les agents. Un des deux s'approche d'elle. Ils sont étonnés de voir qu'elle respire encore. Une
respiration vive, visible par le va-et-vient répété des épaules.
Cependant, elle semble avoir repris son calme et reste silencieuse. Hésitant, l'homme range son arme et
prend ses menottes. Il avance d'un pas lent afin de ne pas effrayer la femme à genoux. Il la contourne,
très lentement. Il s'arrête dès qu'il voit qu'elle bouge un peu la tête. Il attend qu'elle reprenne sa position
de départ. Arrivé derrière elle, il commence à lui prendre un bras. Il n'a pas le temps de lui passer les
menottes. Elle se retourne et l'attaque. Il la retient avec force : « Putain, elle veut le bouffer » crie le
cameraman inquiet pour le policier. L'image est plus instable qu'à l'accoutumée. « Chérie, lâche-moi le
bras ! » Il ne cherche pas à la réconforter, il sait que ce qu'il filme est très important.
La femme blonde s'approche dangereusement de l'agent de police. Il essaie de la repousser avec sa main.
Elle profite de cette chair à portée de bouche pour la mordre à pleines dents. Un filet de sang descend le
long des doigts. Les gouttes rouges pleuvent sur le visage de la femme. Elle semble prendre un plaisir
malsain à tenter de se nourrir de chair humaine. Le cri contenu du policier ne cache pas la peur qui
l'envahit. La petit-amie du cameraman, elle, ne peut s'empêcher de hurler.
Par réflexe, L'homme donne un violent coup de pied dans le ventre de la créature. Elle tombe en arrière.
Sa mâchoire bien fermée arrache un morceau de paume de l'agent. Assoiffée par le liquide rouge qui se
déversait de la main, elle se relève lentement et se rue sur le policier.
La vidéo s'arrête net.
Un homme âgé entre dans la pièce, grosses lunettes, costume d'occasion. Le professeur demande le
silence. Il parvient à l'obtenir avec plus de difficulté que d'habitude. Damian et ses amis n'ont pas le
temps de finir le débat sur la véracité de cette vidéo. Ni sur l'existence de ces zombies en général.
Il se sent satisfait de ne pas être le seul dans le doute et de prendre l'événement très au sérieux. Tony est
également déstabilisé par cette vidéo. Perplexe, il paraît avoir un avis moins tranché qu'auparavant.
L'enseignant explique de manière incisive qu'il ne souhaite pas parler du sujet diffusé la veille. Lui aussi
était donc au courant. Il demande à ses élèves d'être assidus car il allait accélérer le rythme de son cours.
Ils sont très en retard sur le programme. Tony chuchote discrètement à Damian : « C'est vrai que son
cours sera utile contre les zombies ! » Il n'a finalement pas changé d'avis. Damian espérait que son ami
allait enfin se réveiller. Il sourit à sa blague mais ne peut pas s'empêcher de penser "Et si ça arrivait ? ».
À 19 heures, Damian rentre dans son appartement. Son premier réflexe est d'allumer la télévision. Il
espère sans espérer, obtenir enfin des détails sur la journée d'hier. Il n'arrive plus à se contenter du
silence oppressant des médias. Sur la chaîne info, il y a un encart en bas à droite de l'écran : « 20h,
discours du Président ». L'étudiant sait que cela concerne le zombie de la veille, il en est sûr. Après avoir
zappé sur d'autres chaînes, il se rend compte que le discours sera diffusé sur toutes les chaînes, même sur
la TNT. Une première ! Le jeune homme s'inquiète. « Si le message doit être vu de tous, c'est que ce qui se
passe est très grave. Ou peut-être que le Président veut calmer la population qui commence à paniquer. »
Damian continue à se poser une foule de questions. Son discours serait-il un discours d'apaisement ou de
préparation au pire ? « Putain, des zombies dans le monde ?! ».
L'étudiant se remémore les séries et les films qu'il regarde. Il se rappelle ce qu'ils se disaient avec ses amis
à cette époque : « J'ai trop envie de buter des zombies, ce serait trop cool ! ». Il comprend que ça ne le
serait pas. La peur commence à venir en lui, parcourant son échine, remontant jusqu'à la nuque.
20 heures. Le Président fait preuve d'une excellente ponctualité. Malgré le maquillage, l'homme a le front
humide. Il est paniqué mais ne le montre pas. Ses gestes et ses propos ne démasquent pas aux
téléspectateurs la peur qui l'habite. Il lit le prompteur sans faillir. Ses mots sont rassurants, il appelle au
calme. Damian perçoit le doute dans ce que le Président ne voulait pas laisser transparaître. Il scrute
chaque geste, chaque reprise d'air entre les paragraphes, chaque balbutiement après les mots apaisants.
L'homme dans la télévision marque une pause plus prononcée cette fois. Des gouttes de sueur naissent
sur son front, il n'arrive plus à garder ce calme dont il avait fait preuve auparavant. Il souffle avant de
reprendre son discours.
« Mes chers concitoyens, je ne vous mentirai pas. Je vous ai dit tout à l'heure que la situation actuelle
était inédite mais je ne suis pas entré dans les détails. Il s'agit d'une infection qui se répand dans le
monde. Au moment où je vous parle, nous ne savons pas d'où elle vient. Toutefois, sachez que notre
enquête avance très rapidement. Nous savons comment cette maladie se transmet. Par le sang et la
salive. Je vous demande par mesure de sécurité et d'efficacité le plus grand calme. Nous contrôlons la
situation. Nous avons préparé un plan de défense et nous avons besoin de votre aide si nous souhaitons
que tout se déroule dans les meilleures conditions. »
Damian est sous le choc. Le Président n'a pris qu'une quinzaine de minutes pour avouer l'existence de
zombies. L'étudiant n'en revient pas. Ses doutes, ses craintes. Il pensait être fou de croire en quelque
chose d'aussi absurde. Damian se sent tiraillé, soulagé d'avoir raison, inquiet pour la suite. Qu'allait-il se
passer dans les jours à venir ?
Le présentateur reprend l'antenne. Il avait l'air de savoir que le discours serait court. Il donne la parole à
un expert, un homme fin portant de petites lunettes. Une voix posée, une posture stable. L'homme qui
parle montre par sa prestation qu'il en sait plus sur le sujet que n'importe qui.
« Le Président a décidé de laisser la parole aux experts afin de rationaliser les événements qui se
produisent actuellement. Des spécialistes sont présents sur plusieurs chaînes afin que tous les Français
aient des réponses à leurs questions. »
L'homme prend une pause pour laisser volontairement le temps aux téléspectateurs d'emmagasiner les
informations données.
« À l'heure actuelle, nous cherchons à savoir d'où peut venir cette pandémie. Nous n'avons que très peu
de cas dans notre pays et ils ont été tous contrôlés. Nous cherchons actuellement un vaccin. Je peux vous
confirmer que nos recherches avancent très rapidement. Tous les moyens sont donnés à nos laboratoires.
Comme l'a mentionné le Président au début de son discours, continue-t-il en remettant ses lunettes, nous
sommes en partenariat avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse, la Chine et les États-Unis. D'autres
pays vont nous rejoindre d'ici peu. Pour les cas déclarés, continue l'expert sans laisser au journaliste le
temps de rebondir, certains autres pays sont touchés. Tout est sous contrôle, même si nous regrettons le
nombre de victimes minime mais existant, finit l'expert avec une tête faussement affectée. »
Damian est consterné par cet expert qui n'apprend pas grand-chose sur ces morts-vivants. Il continue de
l'écouter parler sans vraiment comprendre ce qu'il souhaite. Mais l'étudiant ne sait pas ce qu'il veut
entendre. Il est perdu Le choc de la nouvelle l'a sonné, il n'arrive plus à penser.
Tout ce qu'il retient est que la situation semble être maitrisée même s'il se doute que cela est dit pour
apaiser. Aucun gouvernement ne dirait : « Fuyez, nous allons tous mourir ! »
L'étudiant préfère croire que le message positif est sincère. Il part dormir en se mentant à lui-même. Le
message du spécialiste a eu raison de ses craintes.
Tout ceci sera du passé d'ici peu. À moins que….

J3 - Le départ

L’étudiant se réveille dans son appartement. Tout proche du pont de Vesle enjambant le grand canal dans
le centre de la cité. Damian n'a pas entendu son réveil sonner. Anormalement calme, la rue ne l'a pas sorti
du monde des rêves.
En émergeant, il se rend compte que depuis le début de l'infection, il n'a pas encore appelé sa mère. Il
saisit son téléphone, posé sur la table de chevet, compose le numéro. Pas de réponse. Il tente une
nouvelle fois. Rien. Endormies paisiblement la veille, ses craintes reviennent plus tenaces que jamais ce
matin. « Putain, mais réponds ! C'est pas dur de décrocher ! » Il imagine le pire. La maison de sa mère est
attaquée par une horde de zombies, ils cassent les fenêtres et les portes, ils la dévorent. Troisième essai,
son cœ bat de plus en plus vite, il ne le contrôle plus. Cinquième essai, il entend enfin un innocent « Allo
ur
? ».
- Ah, t'es pas morte, rétorque Damian étonné par les mots qui sortent de sa propre bouche.
- Et après tu te demandes pourquoi je mets du temps à te répondre, taquine sa mère. Ne t'inquiète pas
pour moi, des soldats sont ici depuis une heure, ils ont la situation en main.
Des soldats ? Damian se demande ce qu'ils peuvent bien faire dans la petite ville où il est né. Les habitants
de Saint-Quentin seraient-ils menacés par l'infection ? Une nouvelle mesure de sécurité peut-être.
L'inquiétude de Damian s'intensifie. Sa maison, celle de son enfance, un quartier général de l'armée, des
militaires partout ? Son imagination grandit à mesure que la terreur le gagne.
- Quels soldats ? interroge son fils. Je viens ce soir, tu as compris maman ?
- Oui, si tu veux ! Ça fait longtemps que tu n'es pas rentré. Tu viens seul ou je dois faire à manger pour
plusieurs ?
- Maman ! aboie Damian, exaspéré par le détachement de sa mère. Je viens seul, conclue-t-il. À ce soir.
Il hallucine. Même sa mère ne voit pas ce qui se passe ces derniers jours. Il se sent seul. Mais il ne peut
s'empêcher de sourire en pensant à son attitude. Il n'y a pas deux mères comme elle. Ses pensées sont
rapidement chassées par un bruit assourdissant. Le calme nocturne laisse place au vacarme matinal.
Damian se penche par la fenêtre. Un char militaire stationne au bas de son immeuble. « Fait chier, la fin
du monde vient de se garer en bas de chez moi ! » s'exclame-t-il intérieurement. Il ne veut pas croire ce
qu'il voit, ce serait accepter la catastrophe qui se prépare.
Comme des dizaines de personnes, il descend dans la rue. « Pourquoi vous êtes là ? ». « C'est si grave que
ça ? ». « Papa, pourquoi il y a des soldats devant chez nous ? ». « C'est une putain de bonne question », se
dit-il. Il interroge le militaire qui se trouve près du char. Le soldat, visage rond et juvénile ne parvient pas à
obtenir de réponse claire. Il balbutie « Plan de défense, monsieur ! » Rien de concluant. Damian remonte
les escaliers deux par deux jusqu'au deuxième étage. Il s'affale dans son canapé et allume la télévision. Fin
du silence radio. Les flashs spéciaux défilent sur l'ancienne petite télé. Les chaînes de télévisions portent
le même message. L'armée a été déployée dans les endroits stratégiques du pays pour être plus efficace
en cas d'appel d'urgence.
Damian le savait. Il sent un poids le quitter à l'annonce de ce changement de ton par les médias. Il ne sera
plus le seul à croire en quelque chose de fou. Il avait raison de s'inquiéter.
Depuis la veille, quelque chose avait changé. Entre chaque nouvelle information sur le déplacement des
troupes, les chaînes de télévision surenchérissent dans les images amateurs. Londres, Berlin, Istanbul,
Paris. Le monde est touché. Des cas exceptionnels pour les médias il y a deux jours encore sont devenus
plus fréquents. Les vidéos sont de moins en moins censurées. C'est toujours le même scénario : des morts
qui dévorent des vivants avant d'être abattus par des policiers ou des militaires.
L'étudiant ressent une impression étrange à chacune de ces vidéos. Chaque début de reportage, la
situation semble critique laissant une crainte immense l'envahir. Ensuite, la maîtrise de l'incident par les
forces de l'ordre l'apaise finalement. Le message véhiculé par les médias est plutôt positif : « La situation
est sous contrôle, mais chaque victime de l'infection est une victime de trop. » Au fil des heures, Damian
se met à douter. Tout ne va pas bien se passer. Les vidéos ont un effet de moins en moins positif sur lui, il
devine les difficultés du gouvernement, ils ne pourront pas arrêter la profusion de nouveaux cas.
Heure après heure le discours évolue. Des nouvelles plus tragiques apparaissent. Des cas de résurrection
surgissent partout dans le pays ; ils ne contrôlent plus rien, le présentateur finit par une note positive «
Pour n'effrayer personne... », pense Damian.
Au milieu de l'après-midi, BFM TV lance un sujet « Départ de l'infection ». Damian met le son plus fort par
réflexe. C'est également à cause du vacarme créé par l'armée non loin de l'immeuble.
La théorie serait celle d'un accident qui aurait eu lieu à l'Aéroport International de Berlin. Une semaine
avant le premier cas, une explosion a éclaté dans l'aéroport, aucune victime grave. Cette explosion avait
provoqué une immense fumée blanche qui s'était déversée plusieurs heures sur la ville. Les Berlinois
avaient ingéré la fumée, comme les voyageurs, des français, des américains, des japonais. Un virus peutêtre ? Les médias s'interrogent : s'agit-il d'un accident ou d'une attaque terroriste ?
Damian est légèrement convaincu par cette hypothèse. Des terroristes, une guerre bactériologique ? Le
conspirationniste qui vit en lui ne peut s'empêcher de voir autre chose que le terrorisme. Cette réponse
est devenue trop facile.
L'étudiant zappe. Il cherche une autre réponse. La présentatrice d'I-télé propose une autre théorie : un
virus. Selon les scientifiques, la maladie proviendrait d'Amérique Latine et d'Afrique. La fièvre jaune aurait
muté en un super virus. Son évolution serait une réponse à une protection des anticorps contre la
maladie grâce au vaccin. L'évolution de l'arbovirus est si brutale que personne n'a pu s'y préparer. La
souche proviendrait plus certainement d'Amérique Latine que d'Afrique mais rien ne permet de
réellement le confirmer pour l'instant.
Damian croit plus en cette seconde hypothèse. Des scientifiques parlent les uns derrière les autres. Ils
donnent des preuves de plus en plus précises. À chaque fois qu'un nouveau détail est donné, l'étudiant
acquiesce comme s'il comprenait tout au charabia des spécialistes.
Les heures s'écoulent. Damian sait que, pour lui, le pourquoi et le comment deviennent inutiles. Il perd
espoir. Ses idées se chamboulent. Doit-il continuer à vivre comme si de rien n'était ?
Il se prépare mentalement au pire. Les médias ne sont plus aussi rassurants qu'auparavant. La télé
n'annonce pas le pire mais Damian présume que l'armée sera rapidement submergée. Même si les
scientifiques pensent trouver un remède, Damian est persuadé que les chercheurs n'auront pas le temps
de concevoir un antidote efficace. Il regarde par la fenêtre de son appartement. Des gens partent, valises
à la main. Il n'est plus le seul à penser au pire.
À la fin de l'après-midi, les médias ne censurent plus les vidéos. Les morts ont les yeux de couleurs
différentes : jaune, bleu clair ou encore rouge-sang. Ils partagent tous un teint livide, décomposé. Certains
zombies se déambulent très lentement alors que d'autres filent, pressés par une faim qui les dévorent de
l'intérieur. Dans la dernière vidéo diffusée à la télévision - de mauvaise qualité et sans son - un des
revenants est figé. Il se balance légèrement d'avant en arrière. Il porte un habit de gendarme. Sa tête
donne quelques à-coups, faibles mais secs. Il stoppe net ! Il lève sa tête déchiquetée et pousse des cris. Le
caméraman paraît plus inquiet, cela se repère car l'image est moins stable. Il panique. Le revenant marche
vers la caméra. L'image est secouée. Il n'y a pas de héros, le caméraman fuit. Qui resterait dans une
situation pareille ? Damian attend quelques minutes interloqué. Il analyse : « Putain ! Il est immobile et
d'un coup il décide de marcher vers une cible discrète ! Il s'est aidé des cris pour le localiser, j'en suis sûr
!»
Différents noms circulent dans les médias pour les nommer : les morts, les zombies, les marcheurs.
Damian préfère l'expression « les pantins » que certaines chaînes utilisent beaucoup. Ce nom leur a été
affublé à cause de leur démarche. Leurs membres démantibulés bougent comme de vulgaires
marionnettes tirées par la faim.
Il n'a pas vu les heures défiler. Déjà 20 heures, il n'a plus la notion du temps. Toutes ces questions se
bousculent en lui et chaque réponse engendre une nouvelle question. Mais ces heures perdues à regarder
des dizaines de vidéos emboîtées les unes derrière les autres ne sont pas totalement inutiles. Damian a
appris beaucoup de choses sur les pantins. Un coup à la tête les tue. Certains d'entre-eux sont rapides. Il
se sent capable de venir à bout d'eux s'ils sont seuls ou très peu nombreux. Ils sont très vulnérables. Il sait
que ces créatures ne sont plus humaines. Une idée qui ne plaît pas trop à Damian. Entre eux et lui, il a vite
choisi.
Il tente de rappeler sa mère plusieurs fois. Il souhaite connaître l'avancée de la situation à Saint-Quentin.
Elle ne répond pas. Les lignes semblent coupées. Les « Je m'inquiète pour rien.» rassurants laissent place
à des idées bien plus sombres. L'étudiant sait que l'armée est présente. Il ne peut pas s'empêcher de
s'inquiéter.
Le soleil est déjà bientôt couché en ce début avril. Il partira en pleine nuit. L'interphone sonne, c'est son
ami Tony. Il n'a plus une minute à perdre. Le fait de ne pas savoir ce qui se passe chez sa mère le terrorise.
Il ne préfère pas y en penser mais son esprit ne veut pas lui obéir. Il prend un sac et le remplit de
vêtements. À la penderie et détache la barre de fer d'un peu plus d'un mètre qui sert à accrocher les
cintres. « On ne sait jamais. » pense-t-il.
Il sort de son immeuble, avec son sac dans une main et la barre de fer dans l'autre. Tony ne peut
s'empêcher de rire :
- Tu vas tuer des zombies ?
- C'est au cas où, répond Damian, gêné. Je préfère les appeler des pantins, ça me fait bizarre de parler de
zombies. Ça ne me semble toujours pas vrai. Pourquoi tu es là ? demande-t-il enfin.
- J'avais pas trop envie d'être seul ce soir, vu toutes les images qu'ils balancent depuis tout à l'heure, j'ai
de plus en plus peur. Mes parents sont aux États-Unis donc je n'ai nulle part où aller, reconnaît-il. S'ils
veulent nous faire paniquer, c'est réussi ! Alors je me suis dit que je squatterai chez toi. Mais j'ai
l'impression que tu te barres. Tu vas où comme ça ?
- Chez ma mère. Les lignes semblent coupées, il faut que je sache si elle va bien.
Il marque une pause et observe le visage compréhensif mais un peu effrayé de Tony. Damian aussi a peur
de partir seul.
- Tu veux venir ? demande Damian en espérant que son ami répondrait affirmativement.
- Bien sûr que je veux ! répond Tonu avec un grand sourire. Mais il me faut quelques affaires et que j'aille
chercher ma barre de penderie, finit-il ironiquement.
« Messieurs »
C'est le jeune soldat qu'a interrogé Damian plus tôt dans la journée. Il est soucieux et n'apprécie pas de
voir des gens dans la rue.
- Vous ne devriez pas sortir, nous allons instaurer un couvre-feu, effectif à 21 heures.
- Il n'est pas encore 21 heures, rétorque Tony au militaire. On a encore quelques minutes de liberté, non ?
- Oui, mais...
- Mais rien du tout ! Tant que je ne serai pas transformé en monstre, en pantin, en zombie, en ce que
vous voulez, je ferai ce que je veux et là je compte bien retrouver ma mère, s'emporte Damian.
Ils n'étaient pas les premiers à être sur les nerfs.
- Vous n'êtes pas vraiment les seuls à vous emporter. Je vous conseille vraiment de rentrer chez vous.
Faites vraiment attention à vous. Pour les achever, un seul coup à la tête ne suffit pas toujours. Soyez
vraiment sûr qu'ils sont bien neutralisés avant de baisser votre garde. Ne jouez pas aux héros, messieurs.
N'essayez pas de revenir ici après. Un QG va être établi près d'une aire de repos.
Les deux étudiants s'en vont, un peu remués. Le jeune soldat sait-il quelque chose ou est-il d'une nature
aussi peu optimiste que Damian ? Les deux garçons se terraient dans un silence pesant, rattrapant la vielle
auto de l'étudiant. Ils se dirigent vers l'appartement de Tony.
Il passe la porte et gratte sa tête se demandant par quoi commencer. Damian allume la télé et s'affale sur
le canapé. Comme beaucoup de jeunes, il ne peut pas vivre sans télévision. Mais contrairement à ses
habitudes, il ne cherche pas un divertissement mais des informations. Les médias ont encore changé de
discours : « Ne sortez pas de chez vous le soir, un couvre-feu assuré par l'armée aura lieu à 21h dans
toutes les grandes villes de France. Éteignez toute source de lumière et de bruit afin de ne pas attirer les
zombies chez vous. Pour les tuer, visez la tête. Ne jouez pas aux héros. Ne vous faites pas mordre,
n'entrez pas en contact avec leur sang. » L'information continue en boucle. Plus de présentateur, plus de
décors. Seulement une voix, des sous-titres avec des images qui expliquent comment on tue un pantin ou
comment se rendre dans les camps de l'armée. Damian n'a plus un doute, l'infection est devenue
incontrôlable. Toutes les chaînes sont sur le même canal. Damian veut éteindre la télévision pour ne pas
effrayer Tony mais trop tard. Il était figé, regard fixé sur l'écran, son sac dans la main.
« C'est une mauvaise idée d'aller secourir ta mère, tu le sais ?» Damian voit dans ses yeux un sentiment
qui le tiraille entre la volonté de l'aider et de rester ici. Son ami sort soudainement une machette. Son
regard effrayé se transforme « On attend quoi pour y aller ? » Il a acheté l'arme la veille Damian le sent
déçu lorsqu' il raconte qu'il n'a pas pu acheter un katana car une licence est obligatoire.
Enfin prêts, ils sortent discrètement de l'appartement. Ils vont jusqu'à la voiture et partent de la ville. Par
miracle, aucun militaire ne les voit enfreindre le couvre-feu.
À 23 heures passées, ils partent de Reims direction Saint-Quentin, pensant que l'autoroute serait plus
sûre que les petites routes.(A suivre…)
All in-one magazine n°5

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  • 81. UBUNDI (CAPITALE DE KOZANGUI) Magali, arrêta sa cuisson. Dehors dans la nuit elle avait entendu des bruits. Il était minuit. Elle secoua son mari qui somnolait. L’homme se leva sur les dents. Son poing instinctivement serra la machette. Devant lui la femme serrant leur fille faisait des gestes : - Qu’est ce qu’il y a ? Magali paniquée fit dans un souffle : - Jai entendu des bruits. Les soldats. L’homme allait la renvoyer quand des bruits venus de l’extérieure l’alerta. Il se figea, tendant l’oreille. Il fit un geste que la femme ne réfléchit pas pour en trouver l’interprétation. Elle prit sa fille et elles disparurent dans l’arrière cour. L’homme attendit poster a cote de la porte la machette levée. Les bruits se rapprochaient. Quatre personnes, plus d’après les voix imperceptibles qui lui parvenaient. La porte fut secouée. Les doigts de Madiba se crispèrent sur l’arme. Quand elle céda l’homme abattit son coupe-coupe. L’ombre qui avait fait le premier pas dans la chambre recula brusquement : - Qui est la ? fit une voix apeurée enfantine Un silence lui répondit. Une autre voix, celle-ci féminine fit plaintive : - Je vous en supplie ne nous tuer pas. On cherche juste à manger, s’il vous plait. Madiba fit : - Qui va la ? - Homme qui que tu sois prends pitié pour ma femme et mes enfants. Madiba sortit de l’ombre. L’homme en face de lui était maigre et portaient un chapelet musulman enroulé autour de son boubou très sale et puant. Il trainait avec lui une femme et deux enfants. Une fille et un garçon. Madiba craqua son briquet et monta la lumière sur les visages des intrus : - Madiba ! - Paulo ! Tous deux étaient extrêmement étonnés de se voir. FIN FOND DE LA JUNGLE UBUNDAISE Youlsef marchai sans s’arrêter. Les autres suivaient. Ils lui faisaient confiance. Les plus a plaindre étaient les occidentaux qui étaient parmi eux. Il fallait marcher, marcher sans s’arrêter, du moins pas maintenant. Aller le plus loin possible car le répit serait de courte durée. Le jour allait bientôt se lever. Il ne fallait surtout pas prendre des chemins qui les trahiraient. Youlsef, lui marchait, écartant herbes et feuillages épais comme sil cherchait quelque chose. Ils débouchèrent dans une sorte de clairière sombre comme la gueule d’un monstre. Jasmine vit au milieu, quelque chose qui avait été jadis une cabane de six pièces. Le bois était croulant, la mousse
  • 82. avait envahi partout et la végétation avait repris ses droits, défonçant portes et fenêtres pour s’introduire à l’intérieur. Youlsef ordonna la halte. Les hommes s’éparpillèrent. Jasmine s’arrêta à bout de souffle. Tandis que les autres cherchaient où poser la tète, Youlsef s’arrêta devant la cabane. Son regard semblait comme regarder quelque chose au loin. Jasmine s’approcha de lui : - On dirait que vous avez fait ca toute votre vie. - Quoi fit Youlsef comme sorti de ses pensées - Traverser la jungle. Youlsef eut un sourire grave : - C’est ici que j’ai pour la première fois rencontré une femme. Jasmine rougit de confusion mais Youlsef poursuivit : - Il y avait ici, une maison, une famille, une femme, une femme très belle. Il s’assit sur ce qui avait du être une véranda et qui maintenant était envahi par de grosse racines. Jasmine s’arrêta a cote de lui. Autour d’eux a proximité, les autres s’allongeaient en silence. Youlsef continua mélancoliquement : - Cette femme quand je lai rencontrée, j’ai su que je ne voulais plus aller ailleurs que rester auprès delle, ainsi parlait mon père. Jasmine rougit de plus belle, cette fois ci de honte. Elle qui s’était imagine autre chose. Youlsef tourna son regard vers elle : - Je n’ai pas grandi ici mais j’y suis né. Ma vraie naissance était ici. Je suis venu quelque fois mais j’aurais jamais imagine que a des lieux de moi se trouvait l’horrible et légendaire CAMP DE BAMBOULA. Jasmine fit : - Comment vous avez trouve le chemin ? Youlsef soupira : - Je n’avais pas prévu nous amener ici. Jai eu une nuit une vision. Jai vu un oiseau rouge dans les arbres. Un oiseau qui se déplaçait. Je l’ai suivi. - Un oiseau ? Youlsef lui répondit : - Le voici Jasmine sursauta. A ses pieds il y avait un oiseau rouge écarlate dans cette pénombre éternellement verdâtre de ces lieux. Il ne ressemblait a rien quelle connut. Il n’était ni grand ni petit. Il était immobile, le regard fixe et effrayant. Youlsef semblait perdu dans ses pensées. L’oiseau déploya ses ailes et s’envola. Jasmine entendit encore bien longtemps le claquement de ses ailes dans son sommeil. Elle s’était assoupie contre l’épaule de l’homme qui était à cote delle depuis un bon moment plongé dans son silence impénétrable. Brusquement elle se réveilla en sursautant : - Non Elle se rendit compte après quelque minutes quelle était couchée a même les racines. Elle se redressa. Son cote lui faisait mal. Quelle heure est-il ? Avait-elle
  • 83. dormi longtemps. Elle se leva, manquant de tomber. Autour delle les hommes dormaient d’un sommeil léger. Jasmine contourna la cabane. Elle voulait se soulager. Elle sentit une présence. Elle écarquilla les yeux. C’est alors quelle le vit. Il était la, debout. Elle s’approcha. Il était comme en recueillement devant deux mottes de terres sur lesquelles trônaient de gros morceaux de bois en forme de croix vermoulues et couvertes de mousse gluante. Il se retourna. Elle fit : - Ce sont vos parents. - Non des indigènes, des amis. Morts. Il poursuivit après un moment de réflexion : - Mort dans l’anonymat - On peut après déplacer leurs sépultures - Les animaux auraient déjà passe par la. Rien dans cette jungle ne se perd. Il soupira. Jasmine l’entendit murmurer en les dents : - Je me demande si j’ai bien fait de les abandonner. Elle fit : - Vous n’aviez pas le choix Youlsef sembla sortir de son cogito et fit en se retournant les mains dans les poches : - Je ne parlais pas d’eux mais des hommes que l’on a laissés dans le camp. Jasmine le suivit. Il fit : - C’est peut être vrai qu’ils ne voulaient pas nous suivre certains par peur, d’autres par souci de ralentir nos poursuivants mais je me demande si j’ai bien fait de les laisser a cette mort atroce. On aurait pu essayer tous ensemble ! Apres un moment il conclut : - Ils auraient donné leur vie pour nous. Pourvu que cela serve. Je n’avais pas le choix Jasmine fit énergiquement - Oui vous n’aviez pas le choix. Vous ne pouviez pas les forcer. Youlsef lui lança un regard en biais. Un homme s’approcha : - Youlsef ! Celui-ci se retourna. L’occidental en face de lui, fit d’un air grave : - Merci ! - Ne me remercier pas encore. Nous ne sommes pas encore sortis. L’homme eut un sourire triste et regarda vers le ciel. Youlsef poursuivit tout en tirant Jasmine à l’ écart : - J’espère que chacun a pu trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Nous partirons avant le lever. Faite attention à ne pas vous empoisonner avec des plantes et surtout soyez vigilants. L’homme blanc bredouilla une réponse en allant rejoindre le groupe, réponse que Youlsef n’entendit pas. Déjà il était loin. - Avez-vous quelque chose qui puisse nous aidez à rejoindre le lieu de rendez-vous.
  • 84. Jasmine sortit de son pantalon une sorte de feuille manuscrite : - Youri m’avait laissé ça ! - Vous aviez ca sur vous et - Je ne sais pas ce que c’est. Puisque l’on ne m’a pas fouillée alors je l’ai gardé Youlsef prit le bout de papier qui était en fait une carte tracée à main levée sur une peau mince avec une croix en noir et quelques indications sous la forme de trait, certainement un message code. Youlsef fronça les sourcils. Quelque chose l’intriguait. Il replia la carte et soupira : - Bien sur ! HERALD-TIME Gonçalves tournait en rond dans le bureau. Cela se gâtait. Il fit appel à un des rédacteurs : - quand vous avez reçu ça il était bien à l’ambassade ? - Oui monsieur, j’ai eu au téléphone Marwann. - Ok tenez-moi au courant, si vous avez quelque chose de nouveau Quand il avait reçu ce fax, Goncalves n’en cru pas a ses yeux. Jasmine avait disparue, les autres avait échappé de justesse a un attentat, un kidnapping… Non ! Les nouvelles n’étaient vraiment pas bonnes FUITE EN AVANT Youlsef arrêta le groupe. Tout le monde se figea. Il venait d’entendre un bruit. Les hommes derrière lui se cachèrent dans l’herbe. Jasmine tout près de lui se faisait toute petite. L’homme épiait les environ. La moindre erreur leur serait fatale. Un soldat s’avançait devant eux, a pas mesurés une kalache en bandoulière. Youlsef chuchota à l’oreille de Jasmine : - L’appât. Si jamais on tire, on se fait repérer et c’est l’hallali. L’homme semblait tendu faisant des tours sur lui-même, scrutant chaque mètre carre de verdure. Il s’accroupit tâtant le sol. Youlsef arma. L’homme était à peine à quatre mètres. Il se redressa. Son visage apparut dans le vert pale du reflet de la lune qui traversait difficilement l’épaisse frondaison des arbres. Youlsef faillit crier. Doucement il baissa l’arme a la surprise de Jasmine. Il ferma ses mains devant sa bouche et émit un sifflement long et modulé. L’homme s’arrêta brusquement. Le clic de son arme armée était distinct. Youlsef émit un autre sifflement. L’homme tendit les oreilles. Il répondit par un autre son. Youlsef répéta le sifflement. Jasmine, elle ne comprenait rien. L’homme fit : - Sors de la. Youlsef voulut sortir de la cachette quand Jasmine le retint :
  • 85. - Que faites-vous ? Leurs regards se croisèrent. Celui-ci ne répondit pas.il se dégagea et sortit hors de la cachette les mains en l’air bien en évidence. L’homme braqua larme sur lui. Quand Youlsef entra dans la lumière, L’homme s’exclama : - Youlsef ! Celui-ci fit : - Maninwé - C’est bien toi - C’est bien moi mon frère. Les deux hommes s’embrassèrent. L’homme que Youlsef avait appelé son frère cria - Ca va ! Youlsef fit : - Je suis avec des gens - Comment ? Youlsef cria : - Sortez de la, tous Le soldat s’exclama en voyant les gens sortir - Comment tu as fait ? Et les soldats que l’on a envoyés - Les soldats ! Il se tut, une lueur de tristesse traversant ses prunelles. A ce moment il vit une jeune femme sortir derrière L’homme : - Chéwagné La jeune femme et lui se regardèrent. Celle-ci voulut dire quelque chose mais s’abstint. Sa mine se serra et elle le dépassa. Jasmine sortit en courant de sa cachette pestant tout en secouant ses cheveux : - Saletés de bestioles. Elle buta contre Chéwagné et tomba. Quand elle se leva son regard croisa celui de la jeune femme. Celle-ci fit : - Youri ! Jasmine baissa la tête. Quand elle la releva, les yeux de Chéwagné étaient remplis de tristesse. Elle passa a cote de Jasmine et se mit à donner des ordres. Il fallait rassembler tout le monde. Le temps presse….(A suivre)
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  • 87. JOUR 1 J1 - Prologue Putain, mais c'est quoi ce bordel ? !?! » sont les premiers mots de Damian Gregor. Cet étudiant en psychologie - à la faculté de Lettres de Reims - de 23 ans s'assoit les yeux rivés sur l'écran de télévision. Son petit salon est vide. Il n'y a pas plus que le nécessaire : un canapé qui regarde une petite télévision, une armoire, quelques livres que Damian n'avait lus qu'une fois pour la plupart. À côté, une petite cuisine ouverte décorée d'une vaisselle non lavée attend qu'on la nettoie. Damian attend la suite, s'allongeant finalement dans son canapé, fatigué. La journée s'est écoulée, l'étudiant est harassé, la veille a été arrosée. Il frotte ses yeux noirs pour bien se réveiller. Sa barbe de 3 jours le démange et il se sent sale mais il n'ira se laver. Il ne veut pas manquer une miette de ce qui va se passer à la télévision. La journaliste présente une vidéo venant de parvenir à la chaîne : « Les morts se réveillent. Hier, dans une petite ville à l'est du pays, un homme a attaqué plusieurs personnes. Quelques instants avant son attaque, il avait été violemment renversé par une voiture. » L'étudiant regarde la date, par réflexe, sur son téléphone à proximité. « Non c'est pas le 1e avril, mais le 31 mars. » À une journée près. Il met le son plus fort. Ses pensées le gênent pour entendre le reportage. Il commence. Les gens parlent d'un homme qui s'est réveillé après avoir été percuté. Un vieil homme est au micro : « J'étais là, j'ai tout vu. Y'a eu une bonne femme qui roulait trop vite dans la rue et le gars, lui, il traversait quand il s'est fait percuté par la voiture ! Il a volé sur quelques mètres. La femme, elle s'est arrêtée et a appelé les secours. Moi, je pouvais pas, j'avais pas de téléphone. » De minuscules séquences de la scène se mêlent aux différents témoignages. C'est une vidéo amateur filmée une à deux minutes après la collision. Un homme est allongé sur le sol, la moitié du corps sur le trottoir, l'autre sur la rue. Un peu plus loin, la voiture de la femme est arrêtée. Depuis l'appel, elle est en état de choc. Un autre homme est près de la victime et lui parle. La caméra est trop loin pour que Damian puisse comprendre ce qu'il dit. Il s'agit d'un banal mais effroyable accident de la route. Peu de temps après le début de la vidéo, les sirènes des secours retentissent au loin. Les pompiers arrivent en premier sur les lieux. Ils descendent de leur camionnette et deux d'entre eux foncent vers la victime. Ils constatent la violence de la collision. Un
  • 88. des sauveteurs se rapproche de la caméra, il demande son extinction. « Éteignez-moi ça bordel ! » En arrière-plan, Damian observe l'abandon des secouristes : il est déjà trop tard. L'un des deux part prévenir son supérieur. Celui qui était resté près de la victime se relève. Il se tourne vers ses équipiers pour demander de l'aide. Damian essaie de le prévenir, et hurle à travers la télé : « Derrière-toi ! » Mais rien n'y fait. Ce qu'avait annoncé la journaliste se produit. L'homme déclaré mort ouvre ses yeux. Damian n'arrive pas à voir en détail le visage de cet homme. Il lève sa tête, bouche ouverte. Il maintient le mollet du pompier avec ses deux mains et ferme avec force ses mâchoires béantes. L'homme hurle de douleur et s'écroule. Le mort revenu à la vie monte sur sa victime et lui mord le cou. Le sang jaillit encore plus fort à chaque nouvelle morsure. Damian distingue enfin son visage : des yeux bleus et pâles, le front éraflé, un mélange de chair et de gravillons. Sa bouche dégouline de sang, malheureusement il s'agit de celui du pompier. L'étudiant a un haut-le-cœ « Aidez-le merde ! » ordonne-t-il aux gens pétrifiés dans la télévision. Les ur. autres intervenants courent vers la scène incompréhensible. Ils extirpent le fou qui venait de mordre le sauveteur en le jetant violemment en arrière. Les mains sur ses blessures, le pompier se vide rapidement de son sang, appelant à l'aide sans qu'un son ne sorte de sa bouche. Il meurt rapidement. Damian souffre pour le pompier. Il se sent impuissant face à une scène qui a dû se dérouler il y a plusieurs heures. Des cris de peur suivent le dernier souffle du pompier. Le déséquilibré se relève une nouvelle fois. Il n'est pas calmé ; Il se jette sur la personne la plus proche. Il s'accroche à son épaule avec ses dents. Sa nouvelle victime se fait attraper tandis qu'elle observait, paniquée, le pompier mourir. Les doigts du fou pénètrent son dos, arrachent ses côtes. Le craquement des os est encore plus insupportable que le hurlement de douleur sa nouvelle proie. Damian voit un plaisir spécial chez le tueur, une satisfaction intense mais étrangement accompagnée d'un regard vide, renforcé par des yeux cristallins. Les images sont coupées nettes. La journaliste reprend l'antenne. Gênée, elle range des feuilles et se remet en place. Elle ne devait pas s'attendre à reparler de suite. Elle s'excuse pour la brutalité de la vidéo expliquant qu'une erreur de diffusion s'est produite. « Mesdames, messieurs. Nous nous excusons de brutalité des images qui viennent de vous être montrées. Nous avons diffusé, par erreur, une version noncensurée. » Elle explique de façon brève et en lisant fidèlement le prompteur que le contrôle de l'incident a été établi lors de l'arrivée de forces de l'ordre. L'homme fou a été neutralisé car incontrôlable et dangereux. Elle clôture ce sujet en affirmant que les détails viendraient bientôt. « Mon cul ! On ne saura rien ! ». Damian explose. Légèrement conspirationniste, son esprit ne peut s'empêcher de penser que le gouvernement ne dira rien et que l'indicent sera étouffé. Il pose sa tête dans ses mains, ses doigts se cachant dans ses cheveux noirs, un peu trop longs. « Non mais c'est un truc de ouf ! » Il n'en revient toujours pas. Si c'était un poisson d'avril, c'était vraiment une mauvaise idée. Son premier réflexe qu'il a est d'ouvrir une page Internet. Si, pour lui, il existe un endroit où les puissances politiques n'ont aucun pouvoir de censure, c'est sur la toile. Beaucoup de théories commencent déjà à polluer le web : des terroristes, un cobaye pour un médicament, un virus. Damian ne sait plus quoi penser. Le calme de la journaliste, la folie d'Internet. Il est assez choqué mais il
  • 89. est sûr que ce cas ne sera pas isolé. « Quelque chose de terrible va se produire d'ici peu et les gens ne seront pas prêts. » Damian décide de se coucher, avalé par son lit. Il espère que plus d'informations seront données le lendemain sur ce mort redevenu vivant. J2 - Silence radio Damian Gregor est scotché devant la télé depuis huit heures du matin. Il n'a pas dormi. Il visionne avec beaucoup de nervosité la chaîne info : un flot continu d'informations inutiles et redondantes. Lassé, Damian se rend à l'évidence. Rien. Il commence à croire qu'il a été la proie d'un cauchemar glauque. Tout est diffusé, de la politique à la santé, mais rien dans la case faits divers. L'étudiant décide de ne pas s'arrêter au silence médiatique. Il cherche les détails là où l'information ne peut pas être contrôlée. Pour lui, Internet, ce grand colosse échappe à la censure gouvernementale. Page après page, recherche après recherche, il ne sait plus vraiment ce qu'il cherchait. Il commence à croire que même la toile ignore l'événement. Damian se pose des questions. Il est sûr de ne pas avoir rêvé. L'inquiétude s'empare de lui jusqu'au moment où sa recherche le mène sur un forum. Le site est anglophone. Un des intervenants parle de la situation en Angleterre. Un village a été mis en quarantaine mais aucune image n'a filtré. Un autre au Brésil parle d'un incident dans une boîte de Rio qui a dégénéré. Toujours pas d'image ! Les exemples s'enchaînent sans aucune preuve. Damian ne déniche que de mauvais montages, des photos contrefaites, un ramassis de faux zombies sur fond de The Walking Dead. Cela ne fait pas rire Damian. Certains de ces montages utilisent le film 28 jours plus tard. Damian se moque d'eux : confondre un zombie et un infecté, quelle stupidité ! Il veut connaître la vérité et est effrayé de ne rien savoir. Où est cette fichue vidéo ? Il cherche sur tous les sites de vidéos en streaming qu'il connaissait puis en faisant des recherches plus générales. Il ne la trouve que très difficilement. Il l'enregistre directement sur son pc. Damian la visionne, encore et encore mais l'étudiant n'arrive pas à discerner le vrai du faux. Il s'approche étonnamment près de l'écran pour disséquer la vidéo. Sans succès. Pour lui, elle est vraie. Il ne veut pas croire à quelque chose d'aussi insensé. Il décide d'envoyer des sms à son ami Tony en espérant ne pas être le seul à penser que les zombies existent. - Slt, t'as vu hier ? Damian attend plusieurs minutes. Chaque seconde lui paraît interminable. Le téléphone vibre. - BFM en mode Z ? 1e avril obligé ! - J'ai des doutes aussi, je trouve pas grand-chose sur le net. - Tu sèches aussi cet aprèm' ? Tout simplement et sans prévenir, Tony écarte le sujet. L'étudiant est un peu déstabilisé. Il ne sait pas
  • 90. quoi répondre. Il efface plusieurs fois ses ébauches de message. Après plusieurs brouillons, il choisit de faire simple. - Non, je viens. À tal' ! L'après-midi, Damian se rend dans une salle de cours de la faculté des Lettres. Tony discute avec des étudiants au fond de la pièce blanche. Tony est roux mais sans quasiment aucune tâche de rousseur. Il porte une veste en cuir noir déchirée et recousue. Il est grand et musclé, ce qui peut agacer son ami de temps à autre. Damian pose son sac à côté de celui de son camarade. Il salue le groupe avec les habituelles formalités de politesse. « Salut. Ça va ? Quoi de neuf ? ». Il engage ensuite une conversation moins conventionnelle avec Tony : - Alors ? Ces histoires de zombies ? - Après un premier sondage, je trouve ce canular 100% cool, sourit Tony. - Non mais réveille-toi sérieux ! J'ai maté les infos depuis ce matin et à aucun moment ils n'ont dit que c'était un poisson d'avril douteux. C'est même pire, ils n'en parlent plus du tout. Damian essaie de faire comprendre que son inquiétude doit être prise au sérieux. Il le sait pourtant, son ami a l'habitude de tout prendre à la légère et ce n'était pas ce qui s'était passé la veille qui allait le faire changer. - Il y a eu un cas ce matin dans la ville, intervient un de leurs amis (je donnerais un nom), mais il n'a fait aucun blessé. Il a été neutralisé assez vite. C'était dans le quartier Wilson. - Fake ! Ça ne peut pas être vrai, s'emporte Tony, ils en auraient parlé non ? Ils nous auraient dit de ne pas venir ici, c'est juste à côté de la fac. - Non mais je t'assure que c'est vrai, continue l'étudiant, c'est un pote qui me l'a dit. Aucun n'écoute l'autre et chacun campe sur sa position. La seule chose qui permettrait de mettre tout le monde d'accord serait une preuve. - Vous avez trouvé des vidéos sur le net ? interroge Damian. - Oui, j'en ai sauvegardé une avant qu'elle soit supprimée, répond un autre étudiant. Il s'approche du groupe qui se met en arc de cercle. Il lance la vidéo sur son smartphone et tourne l'écran vers ses amis. C'est une vidéo amateur, elle se déroule dans la capitale. La Pyramide du Louvre est facilement reconnaissable à quelques mètres derrière la scène. Un homme filme sa petite-amie en robe courte qui prend la pose. Elle commence à parler en anglais. Ce sont des touristes. La femme, heureuse de visiter Paris, fait un message pour sa famille. « Bonjour papa, bonjour maman. Nous sommes bien arrivés à Paris et nous ne perdons pas de temps. Nous allons visiter le Musée du Louvre. Ce soir, je me fais inviter dans un grand restaurant parisien. Je vous embrasse fort et... » Son petit-copain ne la filme plus. Elle n'est plus à l'image. Il a tourné sa caméra sans prévenir sa petiteamie. Elle lui demande, légèrement agacée, ce qu'il fait et voit au loin une scène assez incroyable. Sur le sol, allongé, un homme se vide de son sang, il s'agite… Une flaque pourpre se dessine autour de lui. Les spasmes deviennent de moins en moins intenses jusqu'à l'arrêt. La petite-amie du cameraman amateur pousse un cri d'effroi. L'homme vient de mourir. À côté de la victime, une femme blonde est figée, la bouche bavant du sang. Elle bouge de manière désarticulée, sa tête penche sur le côté. Elle s'arrête quand deux policiers face à elle la braque avec des armes. Un des agents lui ordonne de s'écarter de la victime. Elle n'a pas l'air de comprendre. Dans une sorte de transe, sa tête donne des à-coups. Ses yeux fixent l'agent. Elle ne cille pas. Elle reste immobile.
  • 91. Elle se balance seulement de gauche à droite comme si le vent soufflait sur elle. Sans raison, elle fonce soudainement sur lui. L'agent hurle : « Arrêtez-vous ou nous serons contraints de faire feu ! » Première fois. Elle n'obtempère pas. Deuxième fois. Elle se rapproche dangereusement. Troisième fois. Il ouvre le feu. Sa course est à peine freinée. Son collègue tire également jusqu'à la chute de l'assaillante. Le cameraman et sa petit-amie commentent ce qu'ils filment. « C'est quoi cette femme putain ! Elle s'est pris vingt balles et elle n'est pas morte putain ! ». La femme blonde a terminé sa course sur les genoux. Le sang jaillit, ses cheveux d'or sont désormais ornés de perles de rubis. La tête baissée, son visage n'est pas identifiable pour les agents. Un des deux s'approche d'elle. Ils sont étonnés de voir qu'elle respire encore. Une respiration vive, visible par le va-et-vient répété des épaules. Cependant, elle semble avoir repris son calme et reste silencieuse. Hésitant, l'homme range son arme et prend ses menottes. Il avance d'un pas lent afin de ne pas effrayer la femme à genoux. Il la contourne, très lentement. Il s'arrête dès qu'il voit qu'elle bouge un peu la tête. Il attend qu'elle reprenne sa position de départ. Arrivé derrière elle, il commence à lui prendre un bras. Il n'a pas le temps de lui passer les menottes. Elle se retourne et l'attaque. Il la retient avec force : « Putain, elle veut le bouffer » crie le cameraman inquiet pour le policier. L'image est plus instable qu'à l'accoutumée. « Chérie, lâche-moi le bras ! » Il ne cherche pas à la réconforter, il sait que ce qu'il filme est très important. La femme blonde s'approche dangereusement de l'agent de police. Il essaie de la repousser avec sa main. Elle profite de cette chair à portée de bouche pour la mordre à pleines dents. Un filet de sang descend le long des doigts. Les gouttes rouges pleuvent sur le visage de la femme. Elle semble prendre un plaisir malsain à tenter de se nourrir de chair humaine. Le cri contenu du policier ne cache pas la peur qui l'envahit. La petit-amie du cameraman, elle, ne peut s'empêcher de hurler. Par réflexe, L'homme donne un violent coup de pied dans le ventre de la créature. Elle tombe en arrière. Sa mâchoire bien fermée arrache un morceau de paume de l'agent. Assoiffée par le liquide rouge qui se déversait de la main, elle se relève lentement et se rue sur le policier. La vidéo s'arrête net. Un homme âgé entre dans la pièce, grosses lunettes, costume d'occasion. Le professeur demande le silence. Il parvient à l'obtenir avec plus de difficulté que d'habitude. Damian et ses amis n'ont pas le temps de finir le débat sur la véracité de cette vidéo. Ni sur l'existence de ces zombies en général. Il se sent satisfait de ne pas être le seul dans le doute et de prendre l'événement très au sérieux. Tony est également déstabilisé par cette vidéo. Perplexe, il paraît avoir un avis moins tranché qu'auparavant. L'enseignant explique de manière incisive qu'il ne souhaite pas parler du sujet diffusé la veille. Lui aussi était donc au courant. Il demande à ses élèves d'être assidus car il allait accélérer le rythme de son cours. Ils sont très en retard sur le programme. Tony chuchote discrètement à Damian : « C'est vrai que son cours sera utile contre les zombies ! » Il n'a finalement pas changé d'avis. Damian espérait que son ami allait enfin se réveiller. Il sourit à sa blague mais ne peut pas s'empêcher de penser "Et si ça arrivait ? ». À 19 heures, Damian rentre dans son appartement. Son premier réflexe est d'allumer la télévision. Il espère sans espérer, obtenir enfin des détails sur la journée d'hier. Il n'arrive plus à se contenter du silence oppressant des médias. Sur la chaîne info, il y a un encart en bas à droite de l'écran : « 20h, discours du Président ». L'étudiant sait que cela concerne le zombie de la veille, il en est sûr. Après avoir zappé sur d'autres chaînes, il se rend compte que le discours sera diffusé sur toutes les chaînes, même sur la TNT. Une première ! Le jeune homme s'inquiète. « Si le message doit être vu de tous, c'est que ce qui se
  • 92. passe est très grave. Ou peut-être que le Président veut calmer la population qui commence à paniquer. » Damian continue à se poser une foule de questions. Son discours serait-il un discours d'apaisement ou de préparation au pire ? « Putain, des zombies dans le monde ?! ». L'étudiant se remémore les séries et les films qu'il regarde. Il se rappelle ce qu'ils se disaient avec ses amis à cette époque : « J'ai trop envie de buter des zombies, ce serait trop cool ! ». Il comprend que ça ne le serait pas. La peur commence à venir en lui, parcourant son échine, remontant jusqu'à la nuque. 20 heures. Le Président fait preuve d'une excellente ponctualité. Malgré le maquillage, l'homme a le front humide. Il est paniqué mais ne le montre pas. Ses gestes et ses propos ne démasquent pas aux téléspectateurs la peur qui l'habite. Il lit le prompteur sans faillir. Ses mots sont rassurants, il appelle au calme. Damian perçoit le doute dans ce que le Président ne voulait pas laisser transparaître. Il scrute chaque geste, chaque reprise d'air entre les paragraphes, chaque balbutiement après les mots apaisants. L'homme dans la télévision marque une pause plus prononcée cette fois. Des gouttes de sueur naissent sur son front, il n'arrive plus à garder ce calme dont il avait fait preuve auparavant. Il souffle avant de reprendre son discours. « Mes chers concitoyens, je ne vous mentirai pas. Je vous ai dit tout à l'heure que la situation actuelle était inédite mais je ne suis pas entré dans les détails. Il s'agit d'une infection qui se répand dans le monde. Au moment où je vous parle, nous ne savons pas d'où elle vient. Toutefois, sachez que notre enquête avance très rapidement. Nous savons comment cette maladie se transmet. Par le sang et la salive. Je vous demande par mesure de sécurité et d'efficacité le plus grand calme. Nous contrôlons la situation. Nous avons préparé un plan de défense et nous avons besoin de votre aide si nous souhaitons que tout se déroule dans les meilleures conditions. » Damian est sous le choc. Le Président n'a pris qu'une quinzaine de minutes pour avouer l'existence de zombies. L'étudiant n'en revient pas. Ses doutes, ses craintes. Il pensait être fou de croire en quelque chose d'aussi absurde. Damian se sent tiraillé, soulagé d'avoir raison, inquiet pour la suite. Qu'allait-il se passer dans les jours à venir ? Le présentateur reprend l'antenne. Il avait l'air de savoir que le discours serait court. Il donne la parole à un expert, un homme fin portant de petites lunettes. Une voix posée, une posture stable. L'homme qui parle montre par sa prestation qu'il en sait plus sur le sujet que n'importe qui. « Le Président a décidé de laisser la parole aux experts afin de rationaliser les événements qui se produisent actuellement. Des spécialistes sont présents sur plusieurs chaînes afin que tous les Français aient des réponses à leurs questions. » L'homme prend une pause pour laisser volontairement le temps aux téléspectateurs d'emmagasiner les informations données. « À l'heure actuelle, nous cherchons à savoir d'où peut venir cette pandémie. Nous n'avons que très peu de cas dans notre pays et ils ont été tous contrôlés. Nous cherchons actuellement un vaccin. Je peux vous confirmer que nos recherches avancent très rapidement. Tous les moyens sont donnés à nos laboratoires. Comme l'a mentionné le Président au début de son discours, continue-t-il en remettant ses lunettes, nous sommes en partenariat avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse, la Chine et les États-Unis. D'autres pays vont nous rejoindre d'ici peu. Pour les cas déclarés, continue l'expert sans laisser au journaliste le temps de rebondir, certains autres pays sont touchés. Tout est sous contrôle, même si nous regrettons le nombre de victimes minime mais existant, finit l'expert avec une tête faussement affectée. » Damian est consterné par cet expert qui n'apprend pas grand-chose sur ces morts-vivants. Il continue de
  • 93. l'écouter parler sans vraiment comprendre ce qu'il souhaite. Mais l'étudiant ne sait pas ce qu'il veut entendre. Il est perdu Le choc de la nouvelle l'a sonné, il n'arrive plus à penser. Tout ce qu'il retient est que la situation semble être maitrisée même s'il se doute que cela est dit pour apaiser. Aucun gouvernement ne dirait : « Fuyez, nous allons tous mourir ! » L'étudiant préfère croire que le message positif est sincère. Il part dormir en se mentant à lui-même. Le message du spécialiste a eu raison de ses craintes. Tout ceci sera du passé d'ici peu. À moins que…. J3 - Le départ L’étudiant se réveille dans son appartement. Tout proche du pont de Vesle enjambant le grand canal dans le centre de la cité. Damian n'a pas entendu son réveil sonner. Anormalement calme, la rue ne l'a pas sorti du monde des rêves. En émergeant, il se rend compte que depuis le début de l'infection, il n'a pas encore appelé sa mère. Il saisit son téléphone, posé sur la table de chevet, compose le numéro. Pas de réponse. Il tente une nouvelle fois. Rien. Endormies paisiblement la veille, ses craintes reviennent plus tenaces que jamais ce matin. « Putain, mais réponds ! C'est pas dur de décrocher ! » Il imagine le pire. La maison de sa mère est attaquée par une horde de zombies, ils cassent les fenêtres et les portes, ils la dévorent. Troisième essai, son cœ bat de plus en plus vite, il ne le contrôle plus. Cinquième essai, il entend enfin un innocent « Allo ur ? ». - Ah, t'es pas morte, rétorque Damian étonné par les mots qui sortent de sa propre bouche. - Et après tu te demandes pourquoi je mets du temps à te répondre, taquine sa mère. Ne t'inquiète pas pour moi, des soldats sont ici depuis une heure, ils ont la situation en main. Des soldats ? Damian se demande ce qu'ils peuvent bien faire dans la petite ville où il est né. Les habitants de Saint-Quentin seraient-ils menacés par l'infection ? Une nouvelle mesure de sécurité peut-être. L'inquiétude de Damian s'intensifie. Sa maison, celle de son enfance, un quartier général de l'armée, des militaires partout ? Son imagination grandit à mesure que la terreur le gagne. - Quels soldats ? interroge son fils. Je viens ce soir, tu as compris maman ? - Oui, si tu veux ! Ça fait longtemps que tu n'es pas rentré. Tu viens seul ou je dois faire à manger pour plusieurs ? - Maman ! aboie Damian, exaspéré par le détachement de sa mère. Je viens seul, conclue-t-il. À ce soir. Il hallucine. Même sa mère ne voit pas ce qui se passe ces derniers jours. Il se sent seul. Mais il ne peut s'empêcher de sourire en pensant à son attitude. Il n'y a pas deux mères comme elle. Ses pensées sont rapidement chassées par un bruit assourdissant. Le calme nocturne laisse place au vacarme matinal. Damian se penche par la fenêtre. Un char militaire stationne au bas de son immeuble. « Fait chier, la fin du monde vient de se garer en bas de chez moi ! » s'exclame-t-il intérieurement. Il ne veut pas croire ce
  • 94. qu'il voit, ce serait accepter la catastrophe qui se prépare. Comme des dizaines de personnes, il descend dans la rue. « Pourquoi vous êtes là ? ». « C'est si grave que ça ? ». « Papa, pourquoi il y a des soldats devant chez nous ? ». « C'est une putain de bonne question », se dit-il. Il interroge le militaire qui se trouve près du char. Le soldat, visage rond et juvénile ne parvient pas à obtenir de réponse claire. Il balbutie « Plan de défense, monsieur ! » Rien de concluant. Damian remonte les escaliers deux par deux jusqu'au deuxième étage. Il s'affale dans son canapé et allume la télévision. Fin du silence radio. Les flashs spéciaux défilent sur l'ancienne petite télé. Les chaînes de télévisions portent le même message. L'armée a été déployée dans les endroits stratégiques du pays pour être plus efficace en cas d'appel d'urgence. Damian le savait. Il sent un poids le quitter à l'annonce de ce changement de ton par les médias. Il ne sera plus le seul à croire en quelque chose de fou. Il avait raison de s'inquiéter. Depuis la veille, quelque chose avait changé. Entre chaque nouvelle information sur le déplacement des troupes, les chaînes de télévision surenchérissent dans les images amateurs. Londres, Berlin, Istanbul, Paris. Le monde est touché. Des cas exceptionnels pour les médias il y a deux jours encore sont devenus plus fréquents. Les vidéos sont de moins en moins censurées. C'est toujours le même scénario : des morts qui dévorent des vivants avant d'être abattus par des policiers ou des militaires. L'étudiant ressent une impression étrange à chacune de ces vidéos. Chaque début de reportage, la situation semble critique laissant une crainte immense l'envahir. Ensuite, la maîtrise de l'incident par les forces de l'ordre l'apaise finalement. Le message véhiculé par les médias est plutôt positif : « La situation est sous contrôle, mais chaque victime de l'infection est une victime de trop. » Au fil des heures, Damian se met à douter. Tout ne va pas bien se passer. Les vidéos ont un effet de moins en moins positif sur lui, il devine les difficultés du gouvernement, ils ne pourront pas arrêter la profusion de nouveaux cas. Heure après heure le discours évolue. Des nouvelles plus tragiques apparaissent. Des cas de résurrection surgissent partout dans le pays ; ils ne contrôlent plus rien, le présentateur finit par une note positive « Pour n'effrayer personne... », pense Damian. Au milieu de l'après-midi, BFM TV lance un sujet « Départ de l'infection ». Damian met le son plus fort par réflexe. C'est également à cause du vacarme créé par l'armée non loin de l'immeuble. La théorie serait celle d'un accident qui aurait eu lieu à l'Aéroport International de Berlin. Une semaine avant le premier cas, une explosion a éclaté dans l'aéroport, aucune victime grave. Cette explosion avait provoqué une immense fumée blanche qui s'était déversée plusieurs heures sur la ville. Les Berlinois avaient ingéré la fumée, comme les voyageurs, des français, des américains, des japonais. Un virus peutêtre ? Les médias s'interrogent : s'agit-il d'un accident ou d'une attaque terroriste ? Damian est légèrement convaincu par cette hypothèse. Des terroristes, une guerre bactériologique ? Le conspirationniste qui vit en lui ne peut s'empêcher de voir autre chose que le terrorisme. Cette réponse est devenue trop facile. L'étudiant zappe. Il cherche une autre réponse. La présentatrice d'I-télé propose une autre théorie : un virus. Selon les scientifiques, la maladie proviendrait d'Amérique Latine et d'Afrique. La fièvre jaune aurait muté en un super virus. Son évolution serait une réponse à une protection des anticorps contre la maladie grâce au vaccin. L'évolution de l'arbovirus est si brutale que personne n'a pu s'y préparer. La souche proviendrait plus certainement d'Amérique Latine que d'Afrique mais rien ne permet de réellement le confirmer pour l'instant.
  • 95. Damian croit plus en cette seconde hypothèse. Des scientifiques parlent les uns derrière les autres. Ils donnent des preuves de plus en plus précises. À chaque fois qu'un nouveau détail est donné, l'étudiant acquiesce comme s'il comprenait tout au charabia des spécialistes. Les heures s'écoulent. Damian sait que, pour lui, le pourquoi et le comment deviennent inutiles. Il perd espoir. Ses idées se chamboulent. Doit-il continuer à vivre comme si de rien n'était ? Il se prépare mentalement au pire. Les médias ne sont plus aussi rassurants qu'auparavant. La télé n'annonce pas le pire mais Damian présume que l'armée sera rapidement submergée. Même si les scientifiques pensent trouver un remède, Damian est persuadé que les chercheurs n'auront pas le temps de concevoir un antidote efficace. Il regarde par la fenêtre de son appartement. Des gens partent, valises à la main. Il n'est plus le seul à penser au pire. À la fin de l'après-midi, les médias ne censurent plus les vidéos. Les morts ont les yeux de couleurs différentes : jaune, bleu clair ou encore rouge-sang. Ils partagent tous un teint livide, décomposé. Certains zombies se déambulent très lentement alors que d'autres filent, pressés par une faim qui les dévorent de l'intérieur. Dans la dernière vidéo diffusée à la télévision - de mauvaise qualité et sans son - un des revenants est figé. Il se balance légèrement d'avant en arrière. Il porte un habit de gendarme. Sa tête donne quelques à-coups, faibles mais secs. Il stoppe net ! Il lève sa tête déchiquetée et pousse des cris. Le caméraman paraît plus inquiet, cela se repère car l'image est moins stable. Il panique. Le revenant marche vers la caméra. L'image est secouée. Il n'y a pas de héros, le caméraman fuit. Qui resterait dans une situation pareille ? Damian attend quelques minutes interloqué. Il analyse : « Putain ! Il est immobile et d'un coup il décide de marcher vers une cible discrète ! Il s'est aidé des cris pour le localiser, j'en suis sûr !» Différents noms circulent dans les médias pour les nommer : les morts, les zombies, les marcheurs. Damian préfère l'expression « les pantins » que certaines chaînes utilisent beaucoup. Ce nom leur a été affublé à cause de leur démarche. Leurs membres démantibulés bougent comme de vulgaires marionnettes tirées par la faim. Il n'a pas vu les heures défiler. Déjà 20 heures, il n'a plus la notion du temps. Toutes ces questions se bousculent en lui et chaque réponse engendre une nouvelle question. Mais ces heures perdues à regarder des dizaines de vidéos emboîtées les unes derrière les autres ne sont pas totalement inutiles. Damian a appris beaucoup de choses sur les pantins. Un coup à la tête les tue. Certains d'entre-eux sont rapides. Il se sent capable de venir à bout d'eux s'ils sont seuls ou très peu nombreux. Ils sont très vulnérables. Il sait que ces créatures ne sont plus humaines. Une idée qui ne plaît pas trop à Damian. Entre eux et lui, il a vite choisi. Il tente de rappeler sa mère plusieurs fois. Il souhaite connaître l'avancée de la situation à Saint-Quentin. Elle ne répond pas. Les lignes semblent coupées. Les « Je m'inquiète pour rien.» rassurants laissent place à des idées bien plus sombres. L'étudiant sait que l'armée est présente. Il ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter. Le soleil est déjà bientôt couché en ce début avril. Il partira en pleine nuit. L'interphone sonne, c'est son ami Tony. Il n'a plus une minute à perdre. Le fait de ne pas savoir ce qui se passe chez sa mère le terrorise. Il ne préfère pas y en penser mais son esprit ne veut pas lui obéir. Il prend un sac et le remplit de
  • 96. vêtements. À la penderie et détache la barre de fer d'un peu plus d'un mètre qui sert à accrocher les cintres. « On ne sait jamais. » pense-t-il. Il sort de son immeuble, avec son sac dans une main et la barre de fer dans l'autre. Tony ne peut s'empêcher de rire : - Tu vas tuer des zombies ? - C'est au cas où, répond Damian, gêné. Je préfère les appeler des pantins, ça me fait bizarre de parler de zombies. Ça ne me semble toujours pas vrai. Pourquoi tu es là ? demande-t-il enfin. - J'avais pas trop envie d'être seul ce soir, vu toutes les images qu'ils balancent depuis tout à l'heure, j'ai de plus en plus peur. Mes parents sont aux États-Unis donc je n'ai nulle part où aller, reconnaît-il. S'ils veulent nous faire paniquer, c'est réussi ! Alors je me suis dit que je squatterai chez toi. Mais j'ai l'impression que tu te barres. Tu vas où comme ça ? - Chez ma mère. Les lignes semblent coupées, il faut que je sache si elle va bien. Il marque une pause et observe le visage compréhensif mais un peu effrayé de Tony. Damian aussi a peur de partir seul. - Tu veux venir ? demande Damian en espérant que son ami répondrait affirmativement. - Bien sûr que je veux ! répond Tonu avec un grand sourire. Mais il me faut quelques affaires et que j'aille chercher ma barre de penderie, finit-il ironiquement. « Messieurs » C'est le jeune soldat qu'a interrogé Damian plus tôt dans la journée. Il est soucieux et n'apprécie pas de voir des gens dans la rue. - Vous ne devriez pas sortir, nous allons instaurer un couvre-feu, effectif à 21 heures. - Il n'est pas encore 21 heures, rétorque Tony au militaire. On a encore quelques minutes de liberté, non ? - Oui, mais... - Mais rien du tout ! Tant que je ne serai pas transformé en monstre, en pantin, en zombie, en ce que vous voulez, je ferai ce que je veux et là je compte bien retrouver ma mère, s'emporte Damian. Ils n'étaient pas les premiers à être sur les nerfs. - Vous n'êtes pas vraiment les seuls à vous emporter. Je vous conseille vraiment de rentrer chez vous. Faites vraiment attention à vous. Pour les achever, un seul coup à la tête ne suffit pas toujours. Soyez vraiment sûr qu'ils sont bien neutralisés avant de baisser votre garde. Ne jouez pas aux héros, messieurs. N'essayez pas de revenir ici après. Un QG va être établi près d'une aire de repos. Les deux étudiants s'en vont, un peu remués. Le jeune soldat sait-il quelque chose ou est-il d'une nature aussi peu optimiste que Damian ? Les deux garçons se terraient dans un silence pesant, rattrapant la vielle auto de l'étudiant. Ils se dirigent vers l'appartement de Tony. Il passe la porte et gratte sa tête se demandant par quoi commencer. Damian allume la télé et s'affale sur le canapé. Comme beaucoup de jeunes, il ne peut pas vivre sans télévision. Mais contrairement à ses habitudes, il ne cherche pas un divertissement mais des informations. Les médias ont encore changé de discours : « Ne sortez pas de chez vous le soir, un couvre-feu assuré par l'armée aura lieu à 21h dans toutes les grandes villes de France. Éteignez toute source de lumière et de bruit afin de ne pas attirer les zombies chez vous. Pour les tuer, visez la tête. Ne jouez pas aux héros. Ne vous faites pas mordre, n'entrez pas en contact avec leur sang. » L'information continue en boucle. Plus de présentateur, plus de décors. Seulement une voix, des sous-titres avec des images qui expliquent comment on tue un pantin ou comment se rendre dans les camps de l'armée. Damian n'a plus un doute, l'infection est devenue incontrôlable. Toutes les chaînes sont sur le même canal. Damian veut éteindre la télévision pour ne pas
  • 97. effrayer Tony mais trop tard. Il était figé, regard fixé sur l'écran, son sac dans la main. « C'est une mauvaise idée d'aller secourir ta mère, tu le sais ?» Damian voit dans ses yeux un sentiment qui le tiraille entre la volonté de l'aider et de rester ici. Son ami sort soudainement une machette. Son regard effrayé se transforme « On attend quoi pour y aller ? » Il a acheté l'arme la veille Damian le sent déçu lorsqu' il raconte qu'il n'a pas pu acheter un katana car une licence est obligatoire. Enfin prêts, ils sortent discrètement de l'appartement. Ils vont jusqu'à la voiture et partent de la ville. Par miracle, aucun militaire ne les voit enfreindre le couvre-feu. À 23 heures passées, ils partent de Reims direction Saint-Quentin, pensant que l'autoroute serait plus sûre que les petites routes.(A suivre…)