1. Madame, Monsieur,
L’ISEMAR est un observatoire international des industries maritimes dont le champ d’analyse couvre
désormais de larges pans de l’économie de la mer. Celle-ci intègre depuis quelques années un
nouveau secteur dont le dynamisme n’est pas à démontrer, les EMR. Nous sommes ainsi des témoins
directs de l’émergence des énergies marines renouvelables. L’ISEMAR est assez proche pour
comprendre les enjeux, mais possède aussi assez de distance pour garder une capacité d’analyse
critique tout en affichant un réel émerveillement devant la créativité industrielle qui est à l’œuvre.
À l’heure de tirer des bilans, il est difficile pour le membre d’une institution de ce territoire de ne pas
afficher sa satisfaction pour la réussite de cette 4e convention internationale des EMR.
La première satisfaction est celle de voir Nantes Saint-Nazaire et la Région des Pays de la Loire
accueillir une manifestation qui fait référence pour les énergies marines. En effet, pour un territoire
ambitieux qui construit un tissu dense de centres de recherche, de start-up et de grands industriels
tournés vers les EMR, l’accueil de Thetis EMR est une évidence.
Ce territoire devient une des polarités européennes des EMR tout en revendiquant une approche
collaboratrice avec les régions voisines de l’espace Atlantique Manche WEAMEC (West Atlantic
Marine Energy Center).
Le deuxième constat est le succès même de la manifestation avec une très forte internationalisation
de Thétis, mais aussi la réussite du double format de la convention, le salon d’affaires et les
conférences qui remplissent bien leurs fonctions d’échanges, d’affaires et d’information.
Pour revenir au coeur du sujet, mon constat de témoin est dans la diversité des EMR. Celle des
filières, des métiers, des acteurs, des solutions technologiques, des défis à relever… Et c’est donc un
sentiment d’effervescences productives qui se dégage. À l’évidence nous sommes en plein dans
la création d’une ou de nouvelles industries. Il y en a peu par décennie. On pourra tous se vanter de
l’avoir vu naître et de la voir se construire chez nous, dans le cadre parfois critiqué de la vieille
Europe et notamment dans ces régions atlantiques souvent frustrées de leur situation périphérique à
l’échelle reformatée du continent.
Les EMR forment une branche nouvelle de l’industrie mécanique de la mer rejoignant ainsi la
construction navale et l’oil & gas, en attendant dans une ou deux décennies l’exploitation du fond des
mers. Certes, le contexte est différent, l’appel du marché est relatif et la volonté publique
2. omniprésente, mais ne boudons pas notre plaisir. Les EMR sont un formidable réservoir de
développement et pour plusieurs dizaines de métiers différents.
Je disais industrie de la mer. La contrainte est bien celle de la mer. Que l’équipement de production
soit situé dessous, sur ou au-dessus de l’océan, plusieurs participants ont rappelé que ce milieu est
difficile. Il est bien souvent agressif pour le matériel et reste difficile pour les hommes. Les EMR
consitituent bien une nouvelle aventure maritime.
Enfin, on doit aussi évoquer la question de l’intégration dans le milieu naturel vivant qu’est la mer. La
bonne intégration, vertueuse même, est la règle pour les structures immergées. Une autre forme
d’intégration se situe aussi dans de la cohabitation des activités humaines en mer .
Les EMR laissent un sentiment de complexité au niveau des solutions technologiques mises en
oeuvre, des installations à développer, des processus de maintenance. Autant de défis que bien des
conférenciers ont présentés durant ces deux jours.
On doit aussi relever la complexité des processus publics. Les EMR sont une nouvelle filière qui
s’organise à une époque de haute technicité administrative notamment pour respecter les milieux et
s’insérer dans l’existant. La complexité est donc celle de la construction du droit, des règlements, des
autorisations et des procédures. D’autres activités humaines liées à la mer ou aux énergies n’ont pas
toujours connu ces processus complexes et longs. C’est la marque de ce début de siècle.
Il n’en reste pas moins que l’industrie, dans l’innovation, peut progresser par tâtonnement, mais pas
l’autorité publique, surtout à partir du moment où elle élève la transition énergétique et le
« renouvelable » en fondement politique. Les EMR ont besoin d’une constance publique.
Les EMR sont déjà néanmoins une réalité économique à laquelle répondent des grandes
entreprises, des start-up, des ports et leurs communautés ainsi que des territoires. Cette réalité, c’est
la fourniture d’énergie renouvelable globale, mais aussi dans des approches plus pragmatiques, de
l’énergie de proximité pour les communautés insulaires ou isolées (application fluviale). Les EMR sont
ainsi une voie vers l’énergie pour tous.
La lecture économique interroge sur la construction de la chaîne de valeur qui s’organise
autour des EMR et cela est forcément orienté vers un juste achat de l’énergie produite. Les
EMR ne sont pas une économie virtuelle liée à une cosmétique politique, une version industrielle d’un
green watching publique. La création d’énergies marines à un prix acceptable de production est une
évidence. D’où la juste évaluation de l’ensemble des coûts avec une attention particulière à la
maintenance dans le contexte déjà évoqué du milieu marin.
Les différents ateliers et conférences ont bien balisé l’ensemble des différentes filières liées
aux EMR elles-mêmes divisibles à volonté pour les technologies. Le mot d’effervescence revient
3. donc. Certaines filières entrent dans la maturité (éolien posé) même si le gigantisme pose une partie
des problèmes.
La maturité oblige d’ailleurs à entrer légitimement dans une phase de la viabilité économique (LCOE).
L’hydrolien va commencer à entrer dans une phase productive. Le flottant doit encore démontrer ses
capacités. L’houlomoteur ne manque pas d’imagination, l’ETM est une alternative crédible pour bien
des régions du monde.
Retenons enfin la question de la recherche et de la formation. La recherche est une évidence pour les
EMR, tout est innovation. La structuration des filières d’enseignement (professionnelles,
universitaires) est la clé pour l’ensemble des métiers industriels, portuaires et maritimes.
Dans ce contexte, l’organisation des réseaux est dès lors fondamentale. Dans la plupart des
témoignages des conférences et ateliers, sont évoquées des stratégies collectives (pôles industriels,
pôles de compétitivité, cluster, outils collaboratifs…). L’émergence des EMR est bien dans l’esprit
d’une époque, confrontée à des changements obligatoires, à la capacité à relever les défis industriels,
à l’obligation d’intégration environnementale. Thetis EMR 2015 en a été le bon miroir.
Paul TOURRET, Directeur de l’ISEMAR (www.isemar.fr)