Quelques éléments de réflexion sur les bonifications de pension pour enfants
1. Quelques éléments de réflexion
sur les bonifications de pension pour enfants
CNAF – Directrice des statistiques, des études
Hélène Paris
et de la recherche.
Mots clés : Retraite – Pensions de retraite – Droit de la
famille
A lors que des réflexions sont conduites au sein régimes. Dans la Fonction publique, la majoration
du Conseil d’orientation des retraites sur les est progressive en fonction du nombre d’enfants.
droits familiaux et conjugaux, il semble utile de Elle est de 10 % pour trois enfants et 5 % en sus
resituer celles-ci dans le cadre plus général de la pour tout enfant supplémentaire sans limitation
politique familiale : quel supplément de revenu autre que celle du dernier traitement de base brut.
disponible convient-il de verser aux parents tout Les dispositions pour le secteur privé sont diffé-
au long du cycle de vie, par le biais des pres- rentes. Dans le régime de base, la majoration est
tations familiales, des prestations logement, de de 10 % mais ne varie pas avec le nombre
l’impôt et du système de retraite ? Il existe un d’enfants. Les régimes complémentaires ont des
large consensus pour compenser, au moins en prestations encore différentes : pour l’Association
partie, le coût de l’enfant durant la période du générale des institutions de retraite des cadres
cycle de vie où les enfants sont à charge. Il est (AGIRC), la majoration est désormais de 8 % avec
également possible de justifier des avantages liés une augmentation de 4 % par enfant supplémen-
aux enfants qui seraient accordés tout au long du taire dans la limite de 24 %. Pour l’Association
cycle de vie, même lorsque les enfants ne sont des régimes de retraite complémentaire (ARRCO),
plus à charge : compenser la moindre accumula- la majoration est de 5 % pour trois enfants ou plus
tion de patrimoine, encourager la fécondité (ce élevés. Ces différences de réglementation, appli-
qui contribue notamment à assurer l’équilibre quées à des niveaux différents de pensions, se
futur du système de retraite)… Néanmoins, il peut traduisent par des montants et donc des coûts
sembler logique que les avantages accordés au globaux pour les régimes qui ne sont pas toujours
titre des enfants soient plus importants durant la en proportion avec les effectifs.
période du cycle de vie où les enfants sont à
charge. L’objet de cet article est de livrer une ana- Cette bonification, auparavant supportée directe-
lyse du dispositif des majorations de pension pour ment par chaque régime de retraite, est financée
trois enfants en éclairant tout particulièrement la depuis 1994 par le fonds de solidarité vieillesse
dimension intertemporelle des transferts sur un (FSV) pour l’avantage accordé aux retraités du
cycle de vie. régime général et ceux des régimes alignés. Le
FSV a dépensé à ce titre 3,8 milliards d’euros en
2007. La loi de financement de la Sécurité sociale
Un dispositif variable pour 2001 a posé le principe d’une prise en
suivant les régimes charge progressive par la Caisse nationale des
allocations familiales (CNAF) de la majoration
Institué en 1945 à la création du Régime général, pour enfants telle qu’elle est supportée par le FSV.
le dispositif de bonifications de pension pour Le choix de l’imputation financière de cet avan-
enfants existait déjà dans les régimes spéciaux. En tage à la CNAF a été motivé en loi de finance-
raison du contexte démographique après la ment de la Sécurité sociale par le fait qu’il relève
Seconde Guerre mondiale, cette mesure avait de la politique familiale. Il a ainsi été considéré
pour objectif principal d’encourager la natalité. Il qu’il s’agissait d’allocations familiales différées,
s’agit d’une majoration de pension, attribuée aux venant compenser un manque d’épargne lié à la
assurés (aux hommes comme aux femmes) qui ont charge d’enfants. La participation de la CNAF à
élevé au moins trois enfants. Cette majoration est cette dépense du FSV a été de 15 % en 2001,
proportionnelle au montant de la pension et non 30 % en 2002 et de 60 % entre 2003 et 2008. En
imposable. Ses modalités sont variables selon les 2007, la participation de la CNAF à ce titre était de
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76 Synthèses et statistiques
2. Compenser un déficit d’épargne
2,3 milliards d’euros. La loi de financement de la
ou gratifier le fait d’avoir élevé
Sécurité sociale de 2009 a prévu d’augmenter pro-
des enfants ?
gressivement la participation de la CNAF pour la
porter à 100 % en 2011.
Les dispositifs de droits familiaux dans le système
de retraite français, au sein desquels figure la boni-
Selon le rapport d’activité du FSV de 2007, on
fication de pension pour enfant, visent générale-
compte, fin 2006, 7,6 millions de bénéficiaires de
ment l’un ou l’autre des objectifs suivants, voire
la majoration de pension pour enfant parmi les
parfois les trois :
assurés du régime général et des régimes alignés.
Parmi l’ensemble des retraites versées, la part des
• encourager la natalité ;
bénéficiaires de la majoration pour enfants est
• gratifier sous forme de droits supplémentaires à
ainsi de l’ordre de 43 %. Les montants annuels
la retraite les parents ayant eu des enfants, futurs
moyens versés par personne font apparaître entre
cotisants des régimes de retraite et contribuant
les régimes, après intégration des majorations
ainsi au renouvellement des générations. La boni-
servies aux agents des industries électriques et
fication de pension de 10 % pour trois enfants
gazières (IEG), des sommes qui s’échelonnent
notamment peut relever de cette logique ;
de un à près de six : 191 euros pour les salariés
• jouer un rôle de compensation. On suppose que
agricoles, 585 euros pour le régime général en
la présence des enfants peut ralentir l’accumula-
Métropole et 1 088 euros pour les agents des IEG.
tion d’actifs en vue de la retraite, en ayant un effet
Ces différences s’expliquent par les écarts exis-
sur la carrière professionnelle (et donc sur les
tants entre les montants moyens des pensions des
droits dans le régime) et/ou sur la constitution
régimes concernés, le montant de la majoration
d’un patrimoine : la bonification de pension de
pour enfants étant proportionnel au montant de la
10 % pour trois enfants et plus, accordée aux
pension de base. Le montant annuel moyen global
deux parents, peut viser à corriger globalement cet
par personne par régime est de 483 euros en
effet.
2006.
Quelle est la justification première aujourd’hui
Les informations fournies par la Caisse nationale
pour les bonifications de pensions, plus de
d’Assurance vieillesse (CNAV) (1) apportent quelques
soixante ans après leur conception ? L’examen
précisions sur le dispositif : au sein du régime
dans le détail des particularités du dispositif peut
général, on compte parmi les bénéficiaires d’un
rendre assez perplexe en raison des nombreuses
droit propre 43 % d’assurés qui ont une bonifi-
questions qu’elles soulèvent :
cation de pension, pour un montant moyen annuel
de 538 euros en 2004. Ce montant moyen annuel
1 - Pourquoi ce soutien pour les familles d’au
est de 652 euros pour les hommes et de 427 euros
moins trois enfants seulement ?
pour les femmes : cet écart de 53 % ne fait que
Si l’objectif principal est de gratifier les parents
refléter la différence de pension entre les deux
d’avoir eu des enfants, futurs cotisants du système,
populations bénéficiaires, dans la mesure où la
on comprend mal pourquoi les parents de deux
bonification est proportionnelle à la pension. La
ou un enfant(s) ne seraient pas également pris
CNAV relève, par ailleurs, que le taux de béné-
en compte… quitte à valider le principe d’un
ficiaires de la bonification au sein de chaque géné-
« bonus » par enfant. L’objectif de compensation
ration est relativement stable pour les hommes
pour déficit d’épargne ne justifie guère mieux
comme pour les femmes, de l’ordre de 45 %. On
l’exclusion des familles de moins de trois enfants,
note cependant que la part des bénéficiaires de la
à moins de considérer que seules les familles
bonification est plus faible chez les femmes des
nombreuses sont affectées par ce déficit d’épargne.
plus anciennes générations (naissances de 1915 à
1930), en raison d’un taux d’activité moindre pour
2 - Comment gérer la plus grande instabilité au
celles ayant au moins trois enfants. À partir de la
sein des familles ? Pourquoi ne pas conditionner
génération 1940, les taux sont plus faibles – hommes
ce soutien à la prise en charge effective des
et femmes – mais cela tient avant tout au fait que
enfants par les parents ?
ces générations ne sont pas complètes en termes de
La notion de « parents qui ont eu ou élevé au
retraités. Pour les droits dérivés, on compte 51 %
moins trois enfants » peut en pratique devenir de
des retraités au sein du régime général qui ont une
plus en plus complexe… Aujourd’hui, les enfants
bonification de pension. Le montant annuel moyen
recueillis ouvrent droit à la majoration s’ils ont été
du droit dérivé au titre de la bonification de
élevés pendant au moins neuf ans avant l’âge de
pension est de 289 euros en 2004 : 161 euros pour
16 ans par l’intéressé et à sa charge ou à celle de
les hommes et 294 euros pour les femmes.
(1) Voir Contribution de la CNAV pour le Conseil d’orientation des retraites du 25 janvier 2008 « Masses globales attribuées
en 2004 par le régime général au titre de la bonification de pension », document de travail n° 5, étude n° 2008-010.
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77 Synthèses et statistiques
3. Un mécanisme puissant de redistribution hori-
son conjoint. Que doit-il en être pour les familles
zontale est par ailleurs à l’œuvre pendant la
recomposées dont certaines pratiquent la garde
période au cours de laquelle les enfants sont à
alternée ? Comment faut-il considérer les familles
charge des parents : c’est l’effet du quotient fami-
qui ont gardé trois enfants « à mi-temps » ? Est-il
lial, spécialement renforcé à partir du troisième
vraiment justifié d’ouvrir le droit à la majoration à
enfant. Celui-ci devrait en principe contribuer à
des personnes qui ont eu trois enfants sans en
compenser les éventuels défauts d’épargne au
avoir assumé la charge ?
cours de la vie active. Quelle logique y-a-t-il à
ajouter un nouvel élément de redistribution hori-
3 - Pourquoi accorder un soutien proportionnel au
zontale ex-post, une fois les enfants devenus
revenu des bénéficiaires ?
adultes et autonomes ? Il s’agit finalement de bien
Le dispositif de la majoration de pension se voit
s’interroger sur le moment, au cours du cycle de
assigner un rôle de redistribution horizontale en
vie, le plus adapté pour le versement d’aides
direction des familles nombreuses… Mais cela
familiales : lorsque les enfants sont à la charge
mérite d’être bien étudié : car des mécanismes de
des parents ou bien après ?
redistribution horizontale existent également
lorsque les enfants sont encore à la charge de
leurs parents, le plus souvent durant leur vie
Une analyse à partir de cas types
active. Quelle est la cohérence globale de tout
sur cycle de vie
cela ? S’il s’agit de rétribuer les parents qui ont eu
des enfants, comment justifier une « gratifi-
cation » croissante en fonction des revenus d’ori- Les questions qui précèdent montrent qu’il est
gine ? S’il s’agit de compenser les familles pour utile d’avoir une vision globale des aides versées
déficit d’épargne en vue de la retraite, est-il logi- aux familles tout au long du cycle de vie : cela
que d’apporter les soutiens les plus importants permet en effet de mieux apprécier les effets des
pour les plus hauts revenus, pour lesquels les différents dispositifs et leurs cohérences entre
taux d’épargne sont globalement plus élevés ? eux. Pour contribuer à la réflexion, une analyse à
D’aider tout spécialement les couples qui ont été partir de cas types est ici proposée sur cycle de
biactifs ? vie. Ce type d’étude est naturellement nécessaire-
ment simplificateur, car on n’étudie que des cas
4 - Pourquoi la majoration de pension n’est-elle purement théoriques et en nombre limité, et on
pas soumise à l’impôt sur le revenu ? entretient par ailleurs la « fiction » selon laquelle
Cette majoration constitue clairement un supplé- la législation actuelle en vigueur est celle qui a
ment de pension. Pourquoi dès lors adopter un prévalu pendant les 40 dernières années. Le but
régime fiscal différent suivant différentes portions premier de cette étude est en fait d’offrir une
d’un même revenu de remplacement ? Cette lecture plus globale de notre système de pres-
disposition paraît d’autant plus discutable qu’elle tations et de donner des éléments pour mieux
ne fait qu’accroître la nature anti-redistributive de évaluer sa cohérence générale en 2008. Le prin-
la mesure. cipe retenu est celui d’étudier la trajectoire de
quelques couples biactifs tout au long de la vie,
On l’a vu : le choix de l’imputation financière de du début de la vie active à la fin de la période de
cet avantage à la CNAF a été motivé par le fait la retraite (décès). Certains couples n’ont pas
qu’il est censé relever de la politique familiale. Il d’enfants et serviront de référence pour être
a ainsi été considéré qu’il s’agissait là d’allo- comparés avec ceux qui ont des enfants (en parti-
cations familiales différées, venant compenser un culier trois enfants). Plusieurs hypothèses sont
manque d’épargne lié à la charge d’enfants. retenues pour la construction de ces cas types
Cependant la croissance de cette « allocation » (encadré ci-contre).
avec le revenu est en contradiction avec le prin-
cipe fondamental de versement forfaitaire des Schématiquement, le profil des carrières est ainsi
allocations familiales. En effet, la bonification de retracé dans le graphique 1 p. 80 : la variable pré-
pension est fonction croissante de la pension, sentée est, en euros 2008, le revenu net [après
différenciée selon le régime, et favorise les cou- contribution sociale généralisée (CSG), contribu-
ples biactifs à hauts revenus. On peut rappeler ici tion pour le remboursement de la dette sociale
la vocation des prestations familiales qui appor- (CRDS) et impôt sur le revenu] tout au long de la
tent un soutien aux familles, d’autant plus marqué vie active. On présente ici la situation des couples
que ces dernières comportent au moins trois sans enfant pour mieux étudier ensuite les effets
enfants. L’objectif poursuivi est précisément de des transferts aux familles de trois enfants.
réduire, dans une logique de compensation, le
coût des enfants au moment où ils sont à la charge Les graphiques 2, 3 et 4 pp. 80-81 illustrent les
de leurs parents, c’est-à-dire en principe durant la aides pour les familles de trois enfants (en tant que
vie active de ces derniers. supplément de revenu versé à ces familles par
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78 Synthèses et statistiques
4. encadré
Cas types sur cycle de vie : encadré méthodologique
Afin de rendre compte de la dimension inter- supérieurs : le début de carrière commence à 1 pla-
temporelle des aides octroyées aux familles et leur fond de la Sécurité sociale et s’achève à 3 plafonds
évolution au cours du cycle de vie de la famille, on pour la femme et 4 plafonds pour le mari. Ce profil
a recours à des cas types sur cycle de vie. On retrace correspond à de très hauts cadres supérieurs, pas
pour cela une histoire théorique de la vie de quel- nécessairement représentatifs de la carrière moyenne
ques familles types sur une période de soixante ans. des cadres au regard de la très forte progression de
Pour rendre les comparaisons possibles tout au long carrière ici retenue et des salaires très élevés en fin
de la période, les calculs sont tous effectués en de période. Ce cas de figure a été choisi à dessein
euros constants (euros 2008). Les dates retenues pour pouvoir bien illustrer le mécanisme du plafond
pour situer les événements familiaux sont utiles du quotient familial ;
pour « déclencher » les aides à la famille, mais ne • de manière totalement conventionnelle, on sup-
constituent pas des références pour retracer la légis- pose le calendrier suivant pour les naissances des
lation de l’époque. Ces cas types sont construits à enfants : le premier enfant en 1971, le deuxième en
législation constante, correspondant à celle de 1974 et le troisième en 1977 ;
2008. • les enfants restent à charge au sens des allocations
Les hypothèses de construction sont les suivantes : familiales jusqu’à l’âge de 20 ans (21 ans pour le
• naissance des deux membres du couple en 1945 ; complément familial) et jusqu’à l’âge de 25 ans au
• début de la vie active en 1969 : carrière continue sens de la législation fiscale (pour les étudiants) ;
dans le secteur privé (statut salarié) ; • tous les revenus sont retracés en euros constants,
• départ à la retraite : début 2009 (*) ; euros 2008 : on rétropole ou extrapole les transferts
• décès : fin de l’année 2028 (on suppose une durée à législation constante, qui correspond à celle de
de vie moyenne de vingt ans pendant la période de 2008 ;
la retraite égale, même si cette hypothèse est dis- • pour la prise en compte des prestations, on se
cutable, pour les deux membres des couples des limite à l’allocation de base de la prestation
trois familles types) ; d’accueil du jeune enfant, aux allocations fami-
• trois types de carrières sont étudiés pour les cou- liales, au complément familial, et à la majoration de
ples biactifs, nécessairement contrastés : pension ;
– une famille composée de deux salariés à temps • pour la prise en compte des aides fiscales, on
plein au SMIC, retrace les effets du quotient familial et les effets de
– une famille composée de deux salariés en situa- l’exonération de la majoration de pension.
tion intermédiaire : le début de carrière commence
(*) Pour simplifier et ne tenir compte que du mécanisme de
à 0,5 plafond de la Sécurité sociale et s’achève à 1,5
la majoration de pension, on ne prend pas en compte ici la
plafond pour les deux membres du couple, MDA pour les femmes, ou le service militaire pour les
– une famille composée de deux salariés cadres hommes.
rapport à celles qui n’ont pas d’enfants). On • les trois familles bénéficient de la même façon
distingue deux grandes catégories d’aides : des allocations familiales ;
• seules les deux premières catégories de familles
• les prestations : allocation de base de la presta- sont éligibles au complément familial ;
tion d’accueil du jeune enfant (PAJE), allocations • les effets du quotient familial sont quasiment
familiales et complément familial, majoration de nuls pour les familles à deux SMIC et en revanche
pension (Caisse nationale d’assurance vieillesse très importants pour les familles de cadres supé-
[CNAV], Arrco et Agirc) ; rieurs (qui sont au plafond du quotient familial
• les aides fiscales : quotient familial et exonéra- pendant quatorze années) dépassant très large-
tion de la majoration de pension de l’impôt sur le ment l’importance des prestations familiales.
revenu.
Lorsque l’on examine en regard les aides
Suivant les trois types de carrières retenues pour apportées au moment de la retraite, il apparaît
ces familles, il ressort que : que :
• les trois familles bénéficient de l’allocation de • la « hiérarchie » de la majoration de pension
base de la PAJE (y compris les cadres supérieurs est, sans surprise, à l’image de celle du quotient
qui se trouvent encore en dessous du plafond de familial : 1 pour la famille à deux SMIC, 2 pour la
ressources de la prestation en début de carrière) ; famille à revenus intermédiaires et 4,1 pour la
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79 Synthèses et statistiques
6. Graphique 4 – Montant annuel des aides pour les familles cadres supérieurs avec trois enfants (euros 2008)
10 000
Prestations Aide fiscale
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
68 970 972 974 976 978 980 982 984 986 988 990 992 994 996 998 000 002 004 006 008 010 012 014 016 018 020 022 024 026 028
19 111111111111111222222222222222
famille de cadres supérieurs (2). Ceci est encore des aides fiscales durant la vie active (au cours de
plus fort lorsque l’on tient compte de l’exonéra- laquelle les enfants sont à charge des parents),
tion fiscale de la majoration. L’effet est alors le d’une part, et pendant la période de la retraite,
suivant : 1 pour la famille à deux SMIC, 2,1 pour d’autre part. Le tableau ci-dessous présente ceci :
la famille à revenus intermédiaires et 5,1 pour la tout d’abord en valeur absolue en euros 2008,
famille de cadres supérieurs ; puis en indice base 100 correspondant au cumul
• l’imposition de la majoration corrigerait en partie des aides reçues par la famille à deux SMIC ayant
seulement ces écarts ; ceux-ci seraient dans les cas trois enfants, durant la vie active. Les aides
étudiés : 1 pour la famille à deux SMIC, 1,8 pour la apportées à la famille de trois enfants pendant sa
famille à revenus intermédiaires et 2,9 pour la retraite par rapport à celles reçues pendant la vie
famille de cadres supérieurs ; active sont ainsi de l’ordre de : un tiers pour la
• dans le cas de la famille de cadres supérieurs, les famille à deux SMIC, un peu plus de la moitié
parents peuvent être davantage aidés après le pour la famille à revenus intermédiaires et près
départ de leurs enfants, lorsque l’on tient compte de 80 % pour la famille de cadres supérieurs. La
des prestations reçues. Dans ce cas, on note en effet référence proposée pour la famille à deux SMIC
que le niveau de la majoration est plus de deux fois pendant sa vie active (indice base 100 dans le
supérieur au montant moyen des prestations fami- tableau) illustre globalement la très forte propor-
liales reçues quand les enfants sont âgés de moins tionnalité des aides familiales (prestations et aides
de 20 ans, à la charge effective de leurs parents. fiscales confondues) avec le revenu, tant pendant
Cette situation pose clairement question, d’autant la vie active que pendant la période de la retraite.
que cette famille aura bénéficié « à plein » du jeu
du quotient familial durant la période de la vie
Quelques pistes d’évolution
active des parents.
Une autre manière d’apprécier les résultats de ces Ces différents éléments plaident finalement pour
cas types est de faire le cumul des prestations et explorer quelques pistes d’évolution de ce dispo-
sitif : elles seront simple-
Cumul des prestations et des aides fiscales ment rapidement expo-
sées ici. La première
Vie active Période retraite
option, la plus radicale,
Euros 2008 Indice Euros 2008 Indice
consisterait à supprimer
base 100* base 100*
une telle majoration, au
Familles à deux SMIC 101 126 100 34 094 34
bénéfice d’une plus grande
Familles à revenus intermédiaires 138 364 137 73 032 72
redistribution lorsque les
enfants sont encore au
Familles de cadres supérieures 221 426 219 173 942 172
domicile parental, effec-
* : indice base 100 familles à deux SMIC vie active.
(2) Plus précisément, les montants respectifs annuels des majorations de pensions (nets de CSG et CRDS) sont de : 1 620 euros
2008 pour la famille à deux SMIC, 3 175 euros 2008 pour la famille à revenus intermédiaires et 6 560 euros 2008 pour la
famille de cadres supérieurs, soit les rapports cités supra : 1 ; 2 et 4,1.
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81 Synthèses et statistiques
7. tivement à charge. Une deuxième option moins familiaux à la retraite, les deux autres étant la
tranchée conduirait à aménager le dispositif majoration de durée d’assurance et l’assurance
actuel. Plusieurs voies pourraient être étudiées. vieillesse des parents au foyer. Au-delà de la seule
Tout d’abord, il pourrait être envisagé de suppri- majoration de pension pour enfants, il convien-
mer l’exonération fiscale afin d’atténuer le carac- drait de réexaminer plus généralement la perti-
tère anti-redistributif de la mesure : mais on a vu nence et la cohérence de ces trois dispositifs,
qu’elle ne corrigerait qu’en partie les défauts plusieurs décennies après leurs conceptions,
identifiés. Ensuite, il pourrait être fondé de alors que les comportements ont évolué (déve-
s’orienter vers la forfaitisation de la majoration, loppement de l’activité féminine, instabilité des
sur le même principe que les allocations fami- structures familiales…) et qu’une grande part de
liales : cette mesure contribuerait à mieux sou- ces dispositifs est financée désormais par la
tenir les petites pensions, dont notamment celles branche Famille de la Sécurité sociale. On ne
des femmes, qui sont en moyenne moins élevées. peut guère faire l’économie, à cette occasion,
Suivant ce principe de forfaitisation, ce serait d’une réflexion plus ambitieuse sur l’évolution du
alors l’enfant qui ouvrirait droit à la majoration système de protection sociale en France, dans un
forfaitaire, à partager entre le ou les parents à la sens plus favorable à l’emploi. En d’autres termes :
retraite qui ont effectivement assumé leur charge faut-il prévenir ou guérir à l’avenir ? Prévenir,
des enfants. Enfin, le principe de forfaitisation c’est-à-dire encourager la biactivité, les carrières
devrait naturellement poser la question de complètes grâce à un soutien actif à la conci-
l’ouverture du droit pour les familles de moins de liation vie familiale-vie professionnelle ? Ou
trois enfants. bien guérir en cherchant à compenser ex-post,
au moment de la retraite, les personnes qui
Pour finir, il semble utile de rappeler que la majo- n’auraient pas effectué de carrières complètes ?
ration de pension pour enfant est un des trois Voilà un beau sujet d’arbitrage intertemporel
grands dispositifs actuels constituant les droits pour les politiques publiques.
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