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Entre le devoir d’informer et la tentation de distraire : la
couverture des élections de novembre 2003 en Irlande du Nord
par l’Irish Times et l’Irish Independent
Jean Mercereau,
Escola Superior de Educação Jean Piaget/Nordeste
Portugal
Au Royaume-Uni comme en Irlande, la sempiternelle division entre journaux
dits de référence, ou de qualité, et quotidiens qualifiés de populaires, ou
sensationnalistes, est de plus en plus remise en question. Cette distinction simpliste et
manichéenne se justifie en effet sans doute de moins en moins, mais elle perdure
souvent dans l’opinion publique sans pourtant reposer sur des critères bien définis, si ce
n’est une vague opposition entre information et divertissement, ou entre réflexion et
émotion. En ce qui concerne tout particulièrement la presse de la République d’Irlande,
l’Irish Times est habituellement présenté – y compris par lui-mêmeI
– comme LE quotidien de référence alors que son principal concurrent, l’Irish
Independent, est souvent dénigré non seulement pour sa piètre qualité journalistique
mais à cause de ses viles ambitions strictement commerciales. Cette vision est sans
doute justifiée, mais elle est souvent présentée comme allant de soi et ne reposant que
sur des a priori difficilement démontrables. Le but de ce travail est de présenter une
exemple concret de couverture d’un événement – en l’occurrence les élections au
Parlement de Belfast du 26 novembre dernier - par chacun de ces deux quotidiens, en se
basant sur plusieurs critères susceptibles de contribuer à établir une certaine hiérarchie
dans la qualité proposéeII
.
1
Afin d’essayer de comprendre comment les deux principaux titres de la presse
écrite de la République d’Irlande ont rendu compte de l’événement à travers leur édition
électronique, j’ai sélectionné une période de deux semaines, l’une avant le scrutin,
l’autre après, soit treize éditions de chacun des deux titres entre le 19 novembre et le 3
décembre 2003. Ainsi, une analyse essentiellement quantitative m’a permis de comparer
la couverture des élections par les deux quotidiens rivaux, en essayant d’apporter des
éléments de réponse à certaines questions essentielles que l’on pourrait résumer ainsi :
quelle importance les deux titres ont-ils donné aux élections au Parlement de Belfast ?
De qui et de quoi ont-ils choisi de parler, comment, dans quelles proportions et selon
quels critères ? Enfin, comment peut-on interpréter les différences de style entre les
deux quotidiens ?
Au cours des dernières années, divers sondages ont confirmé que la question
dite nationale vient loin derrière d’autres problèmes plus matériels dans la liste des
préoccupations de la population de la partie Sud de l’île. En d’autres termes, la question
de l’Irlande du Nord ne fait plus recette dans les médias de la République d’Irlande, ce
qui signifie que ceux-ci sont constamment confrontés à un dilemme entre l’obligation
morale d’accorder suffisamment d’importance à l’Irlande du Nord et les impératifs
commerciaux qui interdisent tout risque de lasser ou rebuter les lecteurs. Ceci
s’applique bien entendu davantage à l’Irish Times et, dans une moindre mesure, à
l’Irish Independent, qu’à des quotidiens plus ouvertement sensationnalistes tels que le
Daily Star ou les versions irlandaises du Sun et du Mirror, qui n‘ont guère de scrupule à
faire peu de cas des questions dites sérieuses.
L’Irish Independent et l’Irish Times sont les quotidiens du matin les plus
vendus en République d’Irlande, avec une diffusion respective de 161000 et 116000
2
l’an dernierIII
. Difficile, en revanche, d’évaluer avec un quelconque degré de précision le
lectorat de l’édition en ligne de chacun de ces deux journaux, et ce pour deux raisons.
D’une part, les derniers audits concernant ireland.com remontent au début de 2002, soit
avant que la consultation du journal en ligne ne devienne soumise à un abonnement
payant qui aurait entraîné une baisse de quelque 95% de sa fréquentationIV
. (À ce jour,
ireland.com compterait environ 8000 abonnés payants, selon les chiffres fournis par sa
propre rédaction.) D’autre part, unison.ie, portail regroupant l’Irish Independent et le
Sunday Independent, ainsi que 27 titres régionaux appartenant au groupe Independent
News and MediaV
, et qui oblige le lecteur à un abonnement préalable mais gratuit, ne
collabore pas avec abc electronics, chargé de contrôler la fréquentation des sites
irlandais. Quoi qu’il en soit, en version papier ou en ligne, les deux titres sont très peu
lus en Irlande du Nord, et il n’est de toute façon nullement question ici de prétendre
mesurer leur éventuelle influence sur l’issue du scrutin, mais d’évaluer leur effort
d’amener la question à l’ordre du jour.
On sait que les médias en général et, en ce qui nous concerne ici tout
particulièrement, les journaux, ont perdu de leur faculté à façonner l’opinion publique,
en Irlande comme ailleurs. Ils ont néanmoins conservé leur capacité à déterminer l’ordre
du jour, influençant ainsi sans doute en quelque sorte ce à quoi l’on pense plutôt que ce
que l’on pense véritablementVI
, ce qui est malgré tout loin d’être négligeable. Pour cette
raison, les élections au parlement de Belfast m’ont paru particulièrement susceptibles de
révéler des caractéristiques dans le comportement des deux journaux, précisément parce
qu’il s’agit d’un événement qui, en fonction des critères de sélection, peut tout aussi
bien faire la une ou être relégué à l’arrière plan.
Quelle importance les deux journaux ont-ils accordée aux élections dans leur
édition électronique ? Il est pour ce faire d’usage de calculer la surface rédactionnelle
3
occupée par un thème choisi ; cependant, puisqu’il s’agit ici de la version électronique
des journaux, j’ai choisi de comparer l’importance donnée aux élections par les deux
titres en me basant sur le nombre total d’articles, puis sur le nombre de mots, comme
l’indiquent les graphiques ci-dessous :
Nombre total d'articles consacrés aux élections
d'Irlande du Nord par ireland.com et unison.ie
111
91
0
20
40
60
80
100
120
ireland.com unison.ie
Nombretotald'articles
ireland.com
unison.ie
Source: comme ceux qui suivent, ce tableau a été établi à partir du dépouillement exhaustif du contenu
d’ireland.com et d’unison.ie entre le 19 novembre et le 3 décembre 2003.
Nombre de mots total des articles consacrés aux
élections en Irlande du Nord par ireland.com et
unison.ie
53854
45903
20000
25000
30000
35000
40000
45000
50000
55000
60000
ireland.com unison.ie
Nombredemots
ireland.com
unison.ie
4
Dans son édition électronique, l’Irish Times consacre donc aux élections
davantage d’articles (111 contre 91) et de mots (54 000 contre 46 000) que l’Irish
Independent, ce qui est somme toute logique de la part d’un journal qui s’est toujours
montré particulièrement concerné par la question de l’Irlande du Nord et qui se doit de
justifier au quotidien son statut de journal de référence. Ceci dit, s’agissant d’une
comparaison entre un quotidien – l’Irish Times – dont l’engagement en faveur de la
paix, de la tolérance et de l’amélioration de la situation sur l’ensemble de l’île figure
dans les statuts officielsVII
, et un autre souvent accusé d’être prêt à tout pour vendre
quelques milliers d’exemplaires supplémentaires, l’écart paraît plutôt mince. Qui plus
est, l’Irish Independent réserve six éditoriaux á l’événement contre seulement deux pour
l’Irish TimesVIII
, plus trois dessins de Martyn TurnerIX
.
111 articles consacrés aux élections par l’Irish Times sur la période
sélectionnée donc, contre 91 par l’Irish Independent (soit une moyenne respective de
8,5 et 7 par jour), le chiffre brut peut paraître relativement important. Il convient
cependant de le relativiser quelque peu. Tout d’abord, comparons-le par exemple au
nombre d’articles consacrés aux sports pendant les deux mêmes semaines, au cours
desquelles on ne relève aucun événement sportif d’importance exceptionnelle : quelque
437 pour unison.ie et 309 pour ireland.com (soit une moyenne quotidienne de 34 et 24
respectivement). Question de priorité sans doute ; il est vrai qu’en Irlande comme
ailleurs, le sport fait vendre les journaux – y compris ceux de qualité - et occupe par
conséquent une part de choix dans leur contenu. On pourrait également comparer ce
chiffre à celui de la rubrique internationale au cours de la période : 179 articles pour
ireland.com, 211 pour unison.ie (même si, dans le cas de ce dernier, le chiffre est
largement tronqué car la plupart des articles ont très peu à voir avec des questions de
politique étrangère mais relèvent plutôt du fait divers et de scandales en tout genreX
). Il
5
ressort donc de ces comparaisons qu’en termes strictement quantitatifs, l’importance
donnée par les deux quotidiens aux élections en Irlande du Nord n’est pas si grande que
cela.
Au-delà de la quantité, le choix de la date de publication des articles est
important. Ainsi, on remarque que plus de la moitié des articles (51% pour ireland.com,
57% pour unison.ie) sont concentrés sur deux jours, les 28 et 29 novembre, au moment
de la proclamation des résultats. En particulier, près de trois quarts des articles relevés
sont publiés après les élections, soit à partir du 27 novembre ; les deux journaux se
rejoignent d’ailleurs parfaitement sur ce point puisque ireland.com publie 72% de ses
articles consacrés aux élections en Irlande du Nord à partir du lendemain des élections,
et unison.ie 73%. Ce chiffre est très significatif : il indique clairement que l’élection ne
retient pas l’attention des journaux en soi, mais que c’est bien son résultat – c'est-à-dire
le succès des partis dits extrémistes, le DUP du côté unioniste et le Sinn Féin chez les
nationalistesXI
, ainsi que la défaite du premier ministre sortant - qui lui donne une valeur
médiatique. Il est certes logique qu’une élection fasse la une de l’actualité au lendemain
de la proclamation des résultats. Pourtant, dans de telles proportions, ceci peut être
interprété comme une volonté d’exploiter après-coup les résultats plutôt que d’essayer
de les influencer en amont.
Au-delà de l’importance globale accordée à l’événement par les deux titres, de
qui et de quoi ont-ils choisi de parler ? Afin de tenter de répondre à cette question, je me
suis livré dans un premier temps à une analyse comparative de contenu concernant les
partis politiques mentionnés qui a donné les résultats suivants :
6
Nombre de mentions des principaux partis
politiques dans ireland.com et unison.ie
194
398
437
122
281 264
314
236
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
UUP DUP Sinn Féin SDLP
ireland.com
unison.ie
Afin de rendre cette analyse plus pertinente, il m’a semblé bon de l’étendre aux leaders
politiques :
Nombre de mentions des leaders des principaux
partis politiques par ireland.com et unison.ie
199
126 125
34
153
60 49
187
0
25
50
75
100
125
150
175
200
225
250
275
300
David
Trimble
Ian
Paisley
Gerry
Adams
Mark
Durkan
ireland.com
unison.ie
Un premier constat s’impose : les deux journaux ont visiblement suivi le même
ordre de priorité, soit : Sinn Féin, DUP, SDLP et UUP en ce qui concerne les partis et
Trimble, Paisley, Adams et Durkan pour ce qui est des personnalités. À part ça, la
donnée la plus frappante est sans doute le fait que l’Ulster Unionist Party soit, de loin, le
parti le moins mentionné - bien qu’il soit, jusqu’aux élections de novembre, le premier
7
parti d’Irlande du Nord, et le plus représenté au Parlement de Belfast - alors que son
leader, David Trimble, est lui la personnalité politique la plus citée – c’est d’ailleurs lui
que les deux seules photographies du site de l’Independent, et deux sur quatre de celui
de l’Irish Times, représentent. On peut sans doute avancer plusieurs raisons pour tenter
d’expliquer cet apparent paradoxe.
D’une part, Trimble jouit d’une grande notoriété et d’une certaine aura en
raison de son double statut de Premier Ministre (First Minister) sortant et de Prix Nobel
de la paixXII
, et l’on sait que les élites sont tout particulièrement prisées par les
médiasXIII
. D’autre part, Trimble est tenu par la plupart des observateurs comme le grand
perdant de ces élections, et incarne en quelque sorte à lui seul la défaite, en particulier
dans l’Irish Independent à travers des titres tels que « Trimble […] suffers 'overall
moral defeat' » (le 28 novembre) ou « Bell tolls for Trimble after humiliating defeat »
(le 29). Enfin, les médias ont de plus en plus tendance à personnaliser les nouvelles et,
par la même occasion, à les simplifier puisque il est plus facile d’accabler une
personnalité que de débattre d’idées. Cette explication est particulièrement viable dans
le cas de l’Irish Independent qui a pour habitude de concentrer son attention sur les
leaders élus ou, mieux encore, battus au lendemain d’élections, au détriment du débat ou
de l’enjeuXIV
.
Logiquement, le très médiatique Ian Paisley est presque autant cité que David
Trimble, si l’on tient compte des nombreux surnoms dont il est affublé tels que Big Ian
ou The Big Man, entre autres exemples. Qui plus est, il est le leader politique dont le
nom apparaît le plus souvent dans les titres (à 12 reprises dans l’Irish Times et 9 dans
l’Independent) et celui qui suscite le plus d’articles, à la fois dans l’Irish Times (7) et
dans l’Independent (5). Pour autant, contrairement à Trimble, et en dépit de sa
personnalité haute en couleurs, il ne se substitue pas à son parti, le DUP, qui est le
8
deuxième le plus cité après le Sinn Féin. En ce qui concerne Gerry Adams, justement,
considéré avec Paisley comme le grand vainqueur du scrutin mais qui, contrairement à
ce dernier, n’est pas présenté comme le principal artisan de la victoire de son parti,
soulignons qu’il est beaucoup plus souvent cité par l’Independent que par son
concurrent (125 fois contre 60). Une fois encore, ceci peut être vu comme une recherche
de personnalisation de manière à tirer le maximum d’un personnage éminemment
médiatique qu’un article de l’Independent caricature comme un impitoyable
commandant terroriste en retraite en gilet et pantouflesXV
.
Enfin, Mark Durkan, leader du SDLP, semble avoir été victime du phénomène
inverse à Trimble: alors que son parti est grandement cité, son nom n’apparaît que très
peu puisqu’il est le leader le moins cité, celui dont le nom apparaît le moins souvent
dans les titres et qui est l’objet de moins d’articles (2 dans l’Irish Times et 3 dans
l’Independent ). Il paie sans doute ainsi à la fois son image (un article dans l’Irish
Independent le décrit comme « le genre de voisin qui tond sa pelouse et paye ses
impôts »XVI
) et son arrivée relativement recente à la tête d’un partiXVII
longtemps associé
à son prédécesseur, John Hume, lui aussi lauréat du prix Nobel de la paix et que
l’Independent cite d’ailleurs presque autant que Durkan (30 fois contre 34). Les mêmes
critères médiatiques qui encouragent les rédactions à montrer Trimble, Paisley et, dans
une moindre mesure, Adams, sur le devant de la scène, ont donc logiquement condamné
Durkan à un relatif anonymat.
D’un point de vue purement quantitatif, on a vu que la question nationale n’est
donc pas l’apanage de l’Irish Times puisque l’écart entre l’espace consacré aux élections
au parlement de Belfast par les deux titres est relativement mince. Pour ce qui est de la
manière, cependant, on peut relever au moins deux différences fondamentales entre les
9
deux quotidiens. Voyons tout d’abord la répartition des articles par thèmes dans chacun
des deux journaux :
Répartition des articles de l'Irish
Times par thèmes
23%
7%
24%
37%
9%
articles centrés sur
un seul parti ou
leader
articles centrés sur
deux partis ou
leaders
articles traitant de
l'élection de forme
générale
articles portant sur
l'analyse d'une
circonscription
autres
10
Répartition des articles de l'Irish
Independent par thèmes
21%
15%
32%
21%
11%
articles centrés sur
un seul parti ou
leader
articles centrés sur
deux partis ou
leaders
articles traitant de
l'élection de forme
générale
articles portant sur
l'analyse d'une
circonscription
autres
D’une part, si l’Irish Times ne parle guère plus des élections que l’Irish
Independent, il en parle en quelque sorte mieux, c'est-à-dire en insisitant davantage sur
la substance et les idées que sur les apparences et l’anecdotique. Ainsi, la quasi-totalité
des articles de l’Irish Times se rapportent directement aux élections, alors que l’Irish
Independent consacre bon nombre d’articles à des questions accessoires, triviales, voire
anecdotiques : citons, par exemple, un article sur les personnalités ayant visité « l’hôtel
le plus souvent bombardé en Europe XVIII
», un autre sur une grève des gardiens de
prisonXIX
, ou encore un sur les conditions atmosphériquesXX
. Contrairement à l’Irish
Times, il consacre également plusieurs articles à des questions liées au terrorisme
(enquêtes, condamnationsXXI
…) sans doute dans le but de créer un climat hostile aux
extrêmes. Enfin, l’Independent insiste constamment sur les conflits personnels opposant
les leaders des différents partis, en particulier Trimble et Paisley et, dans une moindre
mesure, Adams et Durkan. L’édition du 19 novembre est à ce sujet révélatrice de cette
11
technique ; elle contient trois articlesXXII
tous consacrés aux relations hostiles
qu’entretiennent les deux leaders unionistes, et qui se délectent tous des injures
échangées la veille entre les deux hommesXXIII
. Le plus souvent, d’ailleurs, les conflits
personnels remplacent les divergences d’opinion, dans un évident souci de
simplification et de recherche du divertissement. Sans vouloir s’étendre sur cette
stratégie de personnalisation habituellement prisée par les journaux sensationnalistes, on
remarquera également que les leaders sont souvent interpellés par leur prénom, voire
par un diminutifXXIV
, et que la plupart des titres de l’Independent font volontiers dans le
dramatique, voire l’alarmisme, à grand renfort d’expressions chocs, de jeu de mots et de
superlatifs. Au lendemain des résultats, les commentaires de l’Independent sont
d’ailleurs nettement plus catégoriques et pessimistes quant au devenir des accords des
paix, selon le bon vieux principe du « bad news is good news »XXV
.
D’autre part, pour ce qui est de l’organisation et de la présentation des
nouvelles, l’Irish Times fait preuve de beaucoup plus de rigueur que son concurrent. Au
début de la période étudiée ici, par exemple, alors même que l’Independent se consacre
aux injures échangées entre Paisley et Trimble, l’Irish Times consacre un article à
chacun des principaux partis et à leurs leaders respectifs. Par la suite, sa rédaction
s’efforce visiblement de respecter un équilibre relatif dans son traitement des différents
partis politiques y compris, c’est important, à d’autres partis tels que l’Alliance Party,
les Progressive Unionists ou encore la Women’s Coalition, auxquels il consacre deux
fois plus d’articles que l’IndependentXXVI
, ce qui reflète une certaine recherche de la
diversité. Malgré tout, les partis nationalistes, SDLP et Sinn Féin, sont manifestement
lésés dans la mesure où seulement huit articles leur sont consacrés exclusivement contre
19 pour leurs rivaux unionistes, l’UUP et le DUPXXVII
. L’Irish Independent, pour sa part,
privilégie clairement les extrêmes – qu’il dénonce pourtant – puisque c’est au DUP et au
12
Sinn Féin qu’il consacre le plus d’articles exclusifs (5 à chacun plus 4 communs, contre
3 au UUP et autant au SDLP).
A l’image de la plupart de ses confrères britanniques dits de qualité, l’Irish
Times n’est pas exempt de certaines concessions au sensationnalisme, apportant ainsi sa
contribution à ce que bon nombre d’observateurs décrivent comme une certaine
« tabloïdation » des journaux de qualitéXXVIII
. Il semble, malgré tout, plus conscient que
son rival de son devoir d’éclairer le lecteur et de lui montrer ce qu’on estime qu’il
devrait savoir plutôt que de céder à la tentation de satisfaire sa curiosité et sa soif
d’émotion. Il est vrai qu’il a l’immense avantage sur ce dernier de savoir à qui il
s’adresse, son lectorat étant beaucoup plus homogène que celui de l’Irish Independent
qui, en cherchant à atteindre simultanément toutes les catégories de lecteurs, semble
davantage tenté de proposer ce que l’on qualifie parfois de presse de supermarché – un
peu de tout pour un peu tout le mondeXXIX
. Sans doute pour cette raison, les élections au
Parlement de Belfast semblent chez lui s’apparenter à un spectacle qu’il s’agit de
rentabiliser en insistant sur le sensationnel, l’immédiat, le furtif. Au-delà des
similitudes, c’est sans doute là la principale différence qui ressort de cette étude d’un
cas concret de traitement de l’actualité par les deux grands rivaux de la presse
quotidienne de la République : leur degré de responsabilité vis-à-vis du lecteur et, par
conséquent, de l’ensemble de la société.
13
I
«Since 1859, the Irish Times has been at the centre of Irish public life. Over the years, and especially since the
foundation of the State in 1922, the Irish Times has come to be acknowledged as Ireland’s leading journal of opinion
and information. That a newspaper with this commitment to quality has steadily increased its circulation over twenty
years is testimony to its special place in Irish society». Extrait d’une plaquette publicitaire de l’Irish Times signée par
Conor Brady et destinée aux annonceurs potentiels au cours des années 1990.
II
D’autres indicateurs relatifs aux sources de revenu, au lectorat, à l’organisation rédactionnelle ou à la politique
éditoriale ont bien entendu été délibérément laissés de côté.
III
Diffusion moyenne de juillet à décembre 2003: Irish Independent : 161297 ; Irish Times : 115502 (source : ABC).
IV
Lancé en 1994, ireland.com se vante d’avoir été le premier journal des îles britanniques à lancer une édition en ligne
dès 1994. Bien que lu par un grand nombre d’internautes, en particulier par la communauté irlandaise aux Etats-Unis et,
à un degré moindre, en Grande-Bretagne, la version électronique du journal n’a cessé d’accumuler les déficits jusqu’en
2002, date à laquelle son effectif fut sensiblement réduit. À cette date, surtout, la version électronique du journal devint
payante.
V
En dépit de son appartenance à un grand groupe de presse international, l’Irish Independent attendit 1997 avant de
lancer sa version électronique ; il est disponible sur le site unison.ie depuis février 2000.
VI
F. Hirsh & D. Gordon, Newspaper Money, London, Hutchinson, 1975, p. 35.
VII
Par exemple, les articles 2, (d), (ii), A. et B. du Memorandum of Association of The Irish Times Trust Limited : «To
publish the Irish Times as an independent newspaper primarily concerned with serious issues for the benefit of the
community throughout the whole of Ireland. To promote peace and tolerance and opposition to all forms of violence
and hatred.
VIII
Il est vrai qu’il est plus facile de reconnaître un éditorial de l’Irish Times qu’un éditorial de l’Independent ; dans
l’Irish Times, ils sont invariablement deux, toujours non signés et comptant systématiquement aux alentours de 500
mots. Dans l’Independent, leur nombre varie et ils peuvent être anonymes ou signés ce qui en fait alors, stricto senso,
des articles d’opinion.
IX
Deux représentant Adams et Paisley (les 25 et 28 novembre) tandis que le troisième ironise sur les dégâts causés à
l’accord de Pâques 1998 (le 3 décembre).
X
Prédominance, en particulier, dans la rubrique International News, d’articles sur le procès du chanteur américain
Michael Jackson, sur le meurtrier présumé de deux fillettes en Grande-Bretagne ou sur des faits divers impliquant des
personnalités du monde sportif. Dans l’édition papier, la rubrique consacrée aux nouvelles de politique étrangère
dépasse d’ailleurs rarement une page.
XI
Suite aux élections de novembre 2003, le DUP dépasse le UUP devenir le premier parti unioniste avec 30
sièges contre 27; pour sa part, le Sinn Féin devient le premier parti nationaliste avec 24 sièges, devant le SDLP avec 18.
XII
Reçu conjointement à John Hume, alors leader du SDLP, en 1998.
XIII
R. Fowler, Language in the News, London, Routledge, 1991, pp. 92, 93.
XIV
Voir, par exemple, son attitude lors du référendum sur l’avortement de mars 2002, où le succès du non a été présenté
comme une défaite personnelle du Taoiseach Bertie Ahern.
XV
Gerry Adams, a leader of a ruthless terrorist army that fought the British Army to a stalemate is now a presidential
uncle in the cardigan and slippers. «Quirks of PR system only hope for SDLP» dans l’Irish Independent du 26
novembre.
XVI
«Mr Durkan is clever, decent, hard-working and sensible, the sort of good neighbour who mows his lawn and pays
his bills, but he has never filled John Hume’s shoes». Idem.
XVII
Mark Durkan a remplacé John Hume à la tête du SDLP en novembre 2001.
XVIII
«Top line guest list at most bombed hotel» dans l’Irish Independent du 20 novembre 2003.
XIX
«Police drafted into jails as staff get dose of 'blue flu'» dans l’Irish Independent du 21 novembre 2003.
XX
«Battling the cold and a poster offensive» dans l’Irish Independent du 21 novembre 2003.
XXI
Par exemple, «Real IRA blamed for 20 kg bomb» le 19 novembre, «Ex soldier guilty of RIRA membership» le 20
ou «2 sentenced to 4 years on IRA membership charges» le 22.
XXII
Intitulés respectivement «Unionist chiefs clash on street», «It's an alleyway escape route for David … to avoid Big
Ian» et «Jack's the lad as Trimble makes a monkey of DUP».
XXIII
Le même jour, l’Irish Times consacre un article à cet épisode, sur cinq.
XXIV
Entre autres exemples, «It's an alleyway escape route for David . . . to avoid Big Ian», le 19 novembre ou «Adams
the original Shinner up for a good word from Ian» le 28.
XXV
P. Golding & P. Elliott, «News Values and News Production», in P. Marris & S. Thornham (ed.), Media Studies, a
Reader, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1996, p. 409.
XXVI
8 contre 4.
XXVII
2 pour le SDLP, 4 pour le Sinn Féin et 2 communs contre 7 au DUP, autant au UUP et 5 communs.
XXVIII
Pascale, Villate-Compton, «La Mutation des journaux de qualité», in B. Lemonnier et al., Médias et culture de
masse en Grande-Bretagne depuis 1945, Paris, Armand Colin (U), 1999, pp. 145, 146.
XXIX
J. Merrill, The Elite Press, Great Newspapers of the World, New York, Toronto & London, Pitman Publishing
Corporation, 1968, p. 6.
BIBLIOGRAPHIE
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Administration, Dublin, 2001.
Curran, J. & Seaton J., Power without Responsibility: the Press and Broadcasting in Britain,
London, Routledge, 1991.
Fowler, R., Language in the News, London, Routledge, 1991.
Hirsh, F. & Gordon, D, Newspaper Money, London, Hutchinson, 1975.
Horgan, J., Irish Media since 1922: a Critical History, London, Routledge, 2001.
Kenny I., Talking to Ourselves: Conversations with Editors of the Irish News Media, Kenny’s
Bookshop and Art Gallery, Galway, 1994.
Kenny, M. J. & O’Connor, B. (ed), Media Audiences in Ireland, Dublin, University College of
Dublin Press, 1997.
Kiberd, D. (ed.), Media in Ireland: the Search for Diversity, Dublin, Open air, 1997.
Kiberd, D. (ed.), Media in Ireland : the Search for Ethical Journalism, Dublin, Open air, 1999.
Lemonnier, B., Médias et culture de masse en Grande-Bretagne depuis 1945, Paris, Armand Colin
(U), 1999.
Marris, P. & Thornham (ed.), S., Media Studies, a Reader, Edinburgh, Edinburgh University Press,
1996.
Merrill, J., The Elite Press, Great Newspapers of the World, New York & Toronto, Pitman
Publishing Corporation, 1968.

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Les Elections En Irlande Du Nord De Novembre 2003 Dans La Presse De La RéPublique D Irlande

  • 1. Entre le devoir d’informer et la tentation de distraire : la couverture des élections de novembre 2003 en Irlande du Nord par l’Irish Times et l’Irish Independent Jean Mercereau, Escola Superior de Educação Jean Piaget/Nordeste Portugal Au Royaume-Uni comme en Irlande, la sempiternelle division entre journaux dits de référence, ou de qualité, et quotidiens qualifiés de populaires, ou sensationnalistes, est de plus en plus remise en question. Cette distinction simpliste et manichéenne se justifie en effet sans doute de moins en moins, mais elle perdure souvent dans l’opinion publique sans pourtant reposer sur des critères bien définis, si ce n’est une vague opposition entre information et divertissement, ou entre réflexion et émotion. En ce qui concerne tout particulièrement la presse de la République d’Irlande, l’Irish Times est habituellement présenté – y compris par lui-mêmeI – comme LE quotidien de référence alors que son principal concurrent, l’Irish Independent, est souvent dénigré non seulement pour sa piètre qualité journalistique mais à cause de ses viles ambitions strictement commerciales. Cette vision est sans doute justifiée, mais elle est souvent présentée comme allant de soi et ne reposant que sur des a priori difficilement démontrables. Le but de ce travail est de présenter une exemple concret de couverture d’un événement – en l’occurrence les élections au Parlement de Belfast du 26 novembre dernier - par chacun de ces deux quotidiens, en se basant sur plusieurs critères susceptibles de contribuer à établir une certaine hiérarchie dans la qualité proposéeII . 1
  • 2. Afin d’essayer de comprendre comment les deux principaux titres de la presse écrite de la République d’Irlande ont rendu compte de l’événement à travers leur édition électronique, j’ai sélectionné une période de deux semaines, l’une avant le scrutin, l’autre après, soit treize éditions de chacun des deux titres entre le 19 novembre et le 3 décembre 2003. Ainsi, une analyse essentiellement quantitative m’a permis de comparer la couverture des élections par les deux quotidiens rivaux, en essayant d’apporter des éléments de réponse à certaines questions essentielles que l’on pourrait résumer ainsi : quelle importance les deux titres ont-ils donné aux élections au Parlement de Belfast ? De qui et de quoi ont-ils choisi de parler, comment, dans quelles proportions et selon quels critères ? Enfin, comment peut-on interpréter les différences de style entre les deux quotidiens ? Au cours des dernières années, divers sondages ont confirmé que la question dite nationale vient loin derrière d’autres problèmes plus matériels dans la liste des préoccupations de la population de la partie Sud de l’île. En d’autres termes, la question de l’Irlande du Nord ne fait plus recette dans les médias de la République d’Irlande, ce qui signifie que ceux-ci sont constamment confrontés à un dilemme entre l’obligation morale d’accorder suffisamment d’importance à l’Irlande du Nord et les impératifs commerciaux qui interdisent tout risque de lasser ou rebuter les lecteurs. Ceci s’applique bien entendu davantage à l’Irish Times et, dans une moindre mesure, à l’Irish Independent, qu’à des quotidiens plus ouvertement sensationnalistes tels que le Daily Star ou les versions irlandaises du Sun et du Mirror, qui n‘ont guère de scrupule à faire peu de cas des questions dites sérieuses. L’Irish Independent et l’Irish Times sont les quotidiens du matin les plus vendus en République d’Irlande, avec une diffusion respective de 161000 et 116000 2
  • 3. l’an dernierIII . Difficile, en revanche, d’évaluer avec un quelconque degré de précision le lectorat de l’édition en ligne de chacun de ces deux journaux, et ce pour deux raisons. D’une part, les derniers audits concernant ireland.com remontent au début de 2002, soit avant que la consultation du journal en ligne ne devienne soumise à un abonnement payant qui aurait entraîné une baisse de quelque 95% de sa fréquentationIV . (À ce jour, ireland.com compterait environ 8000 abonnés payants, selon les chiffres fournis par sa propre rédaction.) D’autre part, unison.ie, portail regroupant l’Irish Independent et le Sunday Independent, ainsi que 27 titres régionaux appartenant au groupe Independent News and MediaV , et qui oblige le lecteur à un abonnement préalable mais gratuit, ne collabore pas avec abc electronics, chargé de contrôler la fréquentation des sites irlandais. Quoi qu’il en soit, en version papier ou en ligne, les deux titres sont très peu lus en Irlande du Nord, et il n’est de toute façon nullement question ici de prétendre mesurer leur éventuelle influence sur l’issue du scrutin, mais d’évaluer leur effort d’amener la question à l’ordre du jour. On sait que les médias en général et, en ce qui nous concerne ici tout particulièrement, les journaux, ont perdu de leur faculté à façonner l’opinion publique, en Irlande comme ailleurs. Ils ont néanmoins conservé leur capacité à déterminer l’ordre du jour, influençant ainsi sans doute en quelque sorte ce à quoi l’on pense plutôt que ce que l’on pense véritablementVI , ce qui est malgré tout loin d’être négligeable. Pour cette raison, les élections au parlement de Belfast m’ont paru particulièrement susceptibles de révéler des caractéristiques dans le comportement des deux journaux, précisément parce qu’il s’agit d’un événement qui, en fonction des critères de sélection, peut tout aussi bien faire la une ou être relégué à l’arrière plan. Quelle importance les deux journaux ont-ils accordée aux élections dans leur édition électronique ? Il est pour ce faire d’usage de calculer la surface rédactionnelle 3
  • 4. occupée par un thème choisi ; cependant, puisqu’il s’agit ici de la version électronique des journaux, j’ai choisi de comparer l’importance donnée aux élections par les deux titres en me basant sur le nombre total d’articles, puis sur le nombre de mots, comme l’indiquent les graphiques ci-dessous : Nombre total d'articles consacrés aux élections d'Irlande du Nord par ireland.com et unison.ie 111 91 0 20 40 60 80 100 120 ireland.com unison.ie Nombretotald'articles ireland.com unison.ie Source: comme ceux qui suivent, ce tableau a été établi à partir du dépouillement exhaustif du contenu d’ireland.com et d’unison.ie entre le 19 novembre et le 3 décembre 2003. Nombre de mots total des articles consacrés aux élections en Irlande du Nord par ireland.com et unison.ie 53854 45903 20000 25000 30000 35000 40000 45000 50000 55000 60000 ireland.com unison.ie Nombredemots ireland.com unison.ie 4
  • 5. Dans son édition électronique, l’Irish Times consacre donc aux élections davantage d’articles (111 contre 91) et de mots (54 000 contre 46 000) que l’Irish Independent, ce qui est somme toute logique de la part d’un journal qui s’est toujours montré particulièrement concerné par la question de l’Irlande du Nord et qui se doit de justifier au quotidien son statut de journal de référence. Ceci dit, s’agissant d’une comparaison entre un quotidien – l’Irish Times – dont l’engagement en faveur de la paix, de la tolérance et de l’amélioration de la situation sur l’ensemble de l’île figure dans les statuts officielsVII , et un autre souvent accusé d’être prêt à tout pour vendre quelques milliers d’exemplaires supplémentaires, l’écart paraît plutôt mince. Qui plus est, l’Irish Independent réserve six éditoriaux á l’événement contre seulement deux pour l’Irish TimesVIII , plus trois dessins de Martyn TurnerIX . 111 articles consacrés aux élections par l’Irish Times sur la période sélectionnée donc, contre 91 par l’Irish Independent (soit une moyenne respective de 8,5 et 7 par jour), le chiffre brut peut paraître relativement important. Il convient cependant de le relativiser quelque peu. Tout d’abord, comparons-le par exemple au nombre d’articles consacrés aux sports pendant les deux mêmes semaines, au cours desquelles on ne relève aucun événement sportif d’importance exceptionnelle : quelque 437 pour unison.ie et 309 pour ireland.com (soit une moyenne quotidienne de 34 et 24 respectivement). Question de priorité sans doute ; il est vrai qu’en Irlande comme ailleurs, le sport fait vendre les journaux – y compris ceux de qualité - et occupe par conséquent une part de choix dans leur contenu. On pourrait également comparer ce chiffre à celui de la rubrique internationale au cours de la période : 179 articles pour ireland.com, 211 pour unison.ie (même si, dans le cas de ce dernier, le chiffre est largement tronqué car la plupart des articles ont très peu à voir avec des questions de politique étrangère mais relèvent plutôt du fait divers et de scandales en tout genreX ). Il 5
  • 6. ressort donc de ces comparaisons qu’en termes strictement quantitatifs, l’importance donnée par les deux quotidiens aux élections en Irlande du Nord n’est pas si grande que cela. Au-delà de la quantité, le choix de la date de publication des articles est important. Ainsi, on remarque que plus de la moitié des articles (51% pour ireland.com, 57% pour unison.ie) sont concentrés sur deux jours, les 28 et 29 novembre, au moment de la proclamation des résultats. En particulier, près de trois quarts des articles relevés sont publiés après les élections, soit à partir du 27 novembre ; les deux journaux se rejoignent d’ailleurs parfaitement sur ce point puisque ireland.com publie 72% de ses articles consacrés aux élections en Irlande du Nord à partir du lendemain des élections, et unison.ie 73%. Ce chiffre est très significatif : il indique clairement que l’élection ne retient pas l’attention des journaux en soi, mais que c’est bien son résultat – c'est-à-dire le succès des partis dits extrémistes, le DUP du côté unioniste et le Sinn Féin chez les nationalistesXI , ainsi que la défaite du premier ministre sortant - qui lui donne une valeur médiatique. Il est certes logique qu’une élection fasse la une de l’actualité au lendemain de la proclamation des résultats. Pourtant, dans de telles proportions, ceci peut être interprété comme une volonté d’exploiter après-coup les résultats plutôt que d’essayer de les influencer en amont. Au-delà de l’importance globale accordée à l’événement par les deux titres, de qui et de quoi ont-ils choisi de parler ? Afin de tenter de répondre à cette question, je me suis livré dans un premier temps à une analyse comparative de contenu concernant les partis politiques mentionnés qui a donné les résultats suivants : 6
  • 7. Nombre de mentions des principaux partis politiques dans ireland.com et unison.ie 194 398 437 122 281 264 314 236 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 UUP DUP Sinn Féin SDLP ireland.com unison.ie Afin de rendre cette analyse plus pertinente, il m’a semblé bon de l’étendre aux leaders politiques : Nombre de mentions des leaders des principaux partis politiques par ireland.com et unison.ie 199 126 125 34 153 60 49 187 0 25 50 75 100 125 150 175 200 225 250 275 300 David Trimble Ian Paisley Gerry Adams Mark Durkan ireland.com unison.ie Un premier constat s’impose : les deux journaux ont visiblement suivi le même ordre de priorité, soit : Sinn Féin, DUP, SDLP et UUP en ce qui concerne les partis et Trimble, Paisley, Adams et Durkan pour ce qui est des personnalités. À part ça, la donnée la plus frappante est sans doute le fait que l’Ulster Unionist Party soit, de loin, le parti le moins mentionné - bien qu’il soit, jusqu’aux élections de novembre, le premier 7
  • 8. parti d’Irlande du Nord, et le plus représenté au Parlement de Belfast - alors que son leader, David Trimble, est lui la personnalité politique la plus citée – c’est d’ailleurs lui que les deux seules photographies du site de l’Independent, et deux sur quatre de celui de l’Irish Times, représentent. On peut sans doute avancer plusieurs raisons pour tenter d’expliquer cet apparent paradoxe. D’une part, Trimble jouit d’une grande notoriété et d’une certaine aura en raison de son double statut de Premier Ministre (First Minister) sortant et de Prix Nobel de la paixXII , et l’on sait que les élites sont tout particulièrement prisées par les médiasXIII . D’autre part, Trimble est tenu par la plupart des observateurs comme le grand perdant de ces élections, et incarne en quelque sorte à lui seul la défaite, en particulier dans l’Irish Independent à travers des titres tels que « Trimble […] suffers 'overall moral defeat' » (le 28 novembre) ou « Bell tolls for Trimble after humiliating defeat » (le 29). Enfin, les médias ont de plus en plus tendance à personnaliser les nouvelles et, par la même occasion, à les simplifier puisque il est plus facile d’accabler une personnalité que de débattre d’idées. Cette explication est particulièrement viable dans le cas de l’Irish Independent qui a pour habitude de concentrer son attention sur les leaders élus ou, mieux encore, battus au lendemain d’élections, au détriment du débat ou de l’enjeuXIV . Logiquement, le très médiatique Ian Paisley est presque autant cité que David Trimble, si l’on tient compte des nombreux surnoms dont il est affublé tels que Big Ian ou The Big Man, entre autres exemples. Qui plus est, il est le leader politique dont le nom apparaît le plus souvent dans les titres (à 12 reprises dans l’Irish Times et 9 dans l’Independent) et celui qui suscite le plus d’articles, à la fois dans l’Irish Times (7) et dans l’Independent (5). Pour autant, contrairement à Trimble, et en dépit de sa personnalité haute en couleurs, il ne se substitue pas à son parti, le DUP, qui est le 8
  • 9. deuxième le plus cité après le Sinn Féin. En ce qui concerne Gerry Adams, justement, considéré avec Paisley comme le grand vainqueur du scrutin mais qui, contrairement à ce dernier, n’est pas présenté comme le principal artisan de la victoire de son parti, soulignons qu’il est beaucoup plus souvent cité par l’Independent que par son concurrent (125 fois contre 60). Une fois encore, ceci peut être vu comme une recherche de personnalisation de manière à tirer le maximum d’un personnage éminemment médiatique qu’un article de l’Independent caricature comme un impitoyable commandant terroriste en retraite en gilet et pantouflesXV . Enfin, Mark Durkan, leader du SDLP, semble avoir été victime du phénomène inverse à Trimble: alors que son parti est grandement cité, son nom n’apparaît que très peu puisqu’il est le leader le moins cité, celui dont le nom apparaît le moins souvent dans les titres et qui est l’objet de moins d’articles (2 dans l’Irish Times et 3 dans l’Independent ). Il paie sans doute ainsi à la fois son image (un article dans l’Irish Independent le décrit comme « le genre de voisin qui tond sa pelouse et paye ses impôts »XVI ) et son arrivée relativement recente à la tête d’un partiXVII longtemps associé à son prédécesseur, John Hume, lui aussi lauréat du prix Nobel de la paix et que l’Independent cite d’ailleurs presque autant que Durkan (30 fois contre 34). Les mêmes critères médiatiques qui encouragent les rédactions à montrer Trimble, Paisley et, dans une moindre mesure, Adams, sur le devant de la scène, ont donc logiquement condamné Durkan à un relatif anonymat. D’un point de vue purement quantitatif, on a vu que la question nationale n’est donc pas l’apanage de l’Irish Times puisque l’écart entre l’espace consacré aux élections au parlement de Belfast par les deux titres est relativement mince. Pour ce qui est de la manière, cependant, on peut relever au moins deux différences fondamentales entre les 9
  • 10. deux quotidiens. Voyons tout d’abord la répartition des articles par thèmes dans chacun des deux journaux : Répartition des articles de l'Irish Times par thèmes 23% 7% 24% 37% 9% articles centrés sur un seul parti ou leader articles centrés sur deux partis ou leaders articles traitant de l'élection de forme générale articles portant sur l'analyse d'une circonscription autres 10
  • 11. Répartition des articles de l'Irish Independent par thèmes 21% 15% 32% 21% 11% articles centrés sur un seul parti ou leader articles centrés sur deux partis ou leaders articles traitant de l'élection de forme générale articles portant sur l'analyse d'une circonscription autres D’une part, si l’Irish Times ne parle guère plus des élections que l’Irish Independent, il en parle en quelque sorte mieux, c'est-à-dire en insisitant davantage sur la substance et les idées que sur les apparences et l’anecdotique. Ainsi, la quasi-totalité des articles de l’Irish Times se rapportent directement aux élections, alors que l’Irish Independent consacre bon nombre d’articles à des questions accessoires, triviales, voire anecdotiques : citons, par exemple, un article sur les personnalités ayant visité « l’hôtel le plus souvent bombardé en Europe XVIII », un autre sur une grève des gardiens de prisonXIX , ou encore un sur les conditions atmosphériquesXX . Contrairement à l’Irish Times, il consacre également plusieurs articles à des questions liées au terrorisme (enquêtes, condamnationsXXI …) sans doute dans le but de créer un climat hostile aux extrêmes. Enfin, l’Independent insiste constamment sur les conflits personnels opposant les leaders des différents partis, en particulier Trimble et Paisley et, dans une moindre mesure, Adams et Durkan. L’édition du 19 novembre est à ce sujet révélatrice de cette 11
  • 12. technique ; elle contient trois articlesXXII tous consacrés aux relations hostiles qu’entretiennent les deux leaders unionistes, et qui se délectent tous des injures échangées la veille entre les deux hommesXXIII . Le plus souvent, d’ailleurs, les conflits personnels remplacent les divergences d’opinion, dans un évident souci de simplification et de recherche du divertissement. Sans vouloir s’étendre sur cette stratégie de personnalisation habituellement prisée par les journaux sensationnalistes, on remarquera également que les leaders sont souvent interpellés par leur prénom, voire par un diminutifXXIV , et que la plupart des titres de l’Independent font volontiers dans le dramatique, voire l’alarmisme, à grand renfort d’expressions chocs, de jeu de mots et de superlatifs. Au lendemain des résultats, les commentaires de l’Independent sont d’ailleurs nettement plus catégoriques et pessimistes quant au devenir des accords des paix, selon le bon vieux principe du « bad news is good news »XXV . D’autre part, pour ce qui est de l’organisation et de la présentation des nouvelles, l’Irish Times fait preuve de beaucoup plus de rigueur que son concurrent. Au début de la période étudiée ici, par exemple, alors même que l’Independent se consacre aux injures échangées entre Paisley et Trimble, l’Irish Times consacre un article à chacun des principaux partis et à leurs leaders respectifs. Par la suite, sa rédaction s’efforce visiblement de respecter un équilibre relatif dans son traitement des différents partis politiques y compris, c’est important, à d’autres partis tels que l’Alliance Party, les Progressive Unionists ou encore la Women’s Coalition, auxquels il consacre deux fois plus d’articles que l’IndependentXXVI , ce qui reflète une certaine recherche de la diversité. Malgré tout, les partis nationalistes, SDLP et Sinn Féin, sont manifestement lésés dans la mesure où seulement huit articles leur sont consacrés exclusivement contre 19 pour leurs rivaux unionistes, l’UUP et le DUPXXVII . L’Irish Independent, pour sa part, privilégie clairement les extrêmes – qu’il dénonce pourtant – puisque c’est au DUP et au 12
  • 13. Sinn Féin qu’il consacre le plus d’articles exclusifs (5 à chacun plus 4 communs, contre 3 au UUP et autant au SDLP). A l’image de la plupart de ses confrères britanniques dits de qualité, l’Irish Times n’est pas exempt de certaines concessions au sensationnalisme, apportant ainsi sa contribution à ce que bon nombre d’observateurs décrivent comme une certaine « tabloïdation » des journaux de qualitéXXVIII . Il semble, malgré tout, plus conscient que son rival de son devoir d’éclairer le lecteur et de lui montrer ce qu’on estime qu’il devrait savoir plutôt que de céder à la tentation de satisfaire sa curiosité et sa soif d’émotion. Il est vrai qu’il a l’immense avantage sur ce dernier de savoir à qui il s’adresse, son lectorat étant beaucoup plus homogène que celui de l’Irish Independent qui, en cherchant à atteindre simultanément toutes les catégories de lecteurs, semble davantage tenté de proposer ce que l’on qualifie parfois de presse de supermarché – un peu de tout pour un peu tout le mondeXXIX . Sans doute pour cette raison, les élections au Parlement de Belfast semblent chez lui s’apparenter à un spectacle qu’il s’agit de rentabiliser en insistant sur le sensationnel, l’immédiat, le furtif. Au-delà des similitudes, c’est sans doute là la principale différence qui ressort de cette étude d’un cas concret de traitement de l’actualité par les deux grands rivaux de la presse quotidienne de la République : leur degré de responsabilité vis-à-vis du lecteur et, par conséquent, de l’ensemble de la société. 13
  • 14. I «Since 1859, the Irish Times has been at the centre of Irish public life. Over the years, and especially since the foundation of the State in 1922, the Irish Times has come to be acknowledged as Ireland’s leading journal of opinion and information. That a newspaper with this commitment to quality has steadily increased its circulation over twenty years is testimony to its special place in Irish society». Extrait d’une plaquette publicitaire de l’Irish Times signée par Conor Brady et destinée aux annonceurs potentiels au cours des années 1990. II D’autres indicateurs relatifs aux sources de revenu, au lectorat, à l’organisation rédactionnelle ou à la politique éditoriale ont bien entendu été délibérément laissés de côté. III Diffusion moyenne de juillet à décembre 2003: Irish Independent : 161297 ; Irish Times : 115502 (source : ABC). IV Lancé en 1994, ireland.com se vante d’avoir été le premier journal des îles britanniques à lancer une édition en ligne dès 1994. Bien que lu par un grand nombre d’internautes, en particulier par la communauté irlandaise aux Etats-Unis et, à un degré moindre, en Grande-Bretagne, la version électronique du journal n’a cessé d’accumuler les déficits jusqu’en 2002, date à laquelle son effectif fut sensiblement réduit. À cette date, surtout, la version électronique du journal devint payante. V En dépit de son appartenance à un grand groupe de presse international, l’Irish Independent attendit 1997 avant de lancer sa version électronique ; il est disponible sur le site unison.ie depuis février 2000. VI F. Hirsh & D. Gordon, Newspaper Money, London, Hutchinson, 1975, p. 35. VII Par exemple, les articles 2, (d), (ii), A. et B. du Memorandum of Association of The Irish Times Trust Limited : «To publish the Irish Times as an independent newspaper primarily concerned with serious issues for the benefit of the community throughout the whole of Ireland. To promote peace and tolerance and opposition to all forms of violence and hatred. VIII Il est vrai qu’il est plus facile de reconnaître un éditorial de l’Irish Times qu’un éditorial de l’Independent ; dans l’Irish Times, ils sont invariablement deux, toujours non signés et comptant systématiquement aux alentours de 500 mots. Dans l’Independent, leur nombre varie et ils peuvent être anonymes ou signés ce qui en fait alors, stricto senso, des articles d’opinion. IX Deux représentant Adams et Paisley (les 25 et 28 novembre) tandis que le troisième ironise sur les dégâts causés à l’accord de Pâques 1998 (le 3 décembre). X Prédominance, en particulier, dans la rubrique International News, d’articles sur le procès du chanteur américain Michael Jackson, sur le meurtrier présumé de deux fillettes en Grande-Bretagne ou sur des faits divers impliquant des personnalités du monde sportif. Dans l’édition papier, la rubrique consacrée aux nouvelles de politique étrangère dépasse d’ailleurs rarement une page. XI Suite aux élections de novembre 2003, le DUP dépasse le UUP devenir le premier parti unioniste avec 30 sièges contre 27; pour sa part, le Sinn Féin devient le premier parti nationaliste avec 24 sièges, devant le SDLP avec 18. XII Reçu conjointement à John Hume, alors leader du SDLP, en 1998. XIII R. Fowler, Language in the News, London, Routledge, 1991, pp. 92, 93. XIV Voir, par exemple, son attitude lors du référendum sur l’avortement de mars 2002, où le succès du non a été présenté comme une défaite personnelle du Taoiseach Bertie Ahern. XV Gerry Adams, a leader of a ruthless terrorist army that fought the British Army to a stalemate is now a presidential uncle in the cardigan and slippers. «Quirks of PR system only hope for SDLP» dans l’Irish Independent du 26 novembre. XVI «Mr Durkan is clever, decent, hard-working and sensible, the sort of good neighbour who mows his lawn and pays his bills, but he has never filled John Hume’s shoes». Idem. XVII Mark Durkan a remplacé John Hume à la tête du SDLP en novembre 2001. XVIII «Top line guest list at most bombed hotel» dans l’Irish Independent du 20 novembre 2003. XIX «Police drafted into jails as staff get dose of 'blue flu'» dans l’Irish Independent du 21 novembre 2003. XX «Battling the cold and a poster offensive» dans l’Irish Independent du 21 novembre 2003. XXI Par exemple, «Real IRA blamed for 20 kg bomb» le 19 novembre, «Ex soldier guilty of RIRA membership» le 20 ou «2 sentenced to 4 years on IRA membership charges» le 22. XXII Intitulés respectivement «Unionist chiefs clash on street», «It's an alleyway escape route for David … to avoid Big Ian» et «Jack's the lad as Trimble makes a monkey of DUP». XXIII Le même jour, l’Irish Times consacre un article à cet épisode, sur cinq. XXIV Entre autres exemples, «It's an alleyway escape route for David . . . to avoid Big Ian», le 19 novembre ou «Adams the original Shinner up for a good word from Ian» le 28. XXV P. Golding & P. Elliott, «News Values and News Production», in P. Marris & S. Thornham (ed.), Media Studies, a Reader, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1996, p. 409. XXVI 8 contre 4. XXVII 2 pour le SDLP, 4 pour le Sinn Féin et 2 communs contre 7 au DUP, autant au UUP et 5 communs. XXVIII Pascale, Villate-Compton, «La Mutation des journaux de qualité», in B. Lemonnier et al., Médias et culture de masse en Grande-Bretagne depuis 1945, Paris, Armand Colin (U), 1999, pp. 145, 146. XXIX J. Merrill, The Elite Press, Great Newspapers of the World, New York, Toronto & London, Pitman Publishing Corporation, 1968, p. 6.
  • 15. BIBLIOGRAPHIE Cassidy E. & McGrady A., Media and the Marketplace: Ethical Perspectives, Institute of Public Administration, Dublin, 2001. Curran, J. & Seaton J., Power without Responsibility: the Press and Broadcasting in Britain, London, Routledge, 1991. Fowler, R., Language in the News, London, Routledge, 1991. Hirsh, F. & Gordon, D, Newspaper Money, London, Hutchinson, 1975. Horgan, J., Irish Media since 1922: a Critical History, London, Routledge, 2001. Kenny I., Talking to Ourselves: Conversations with Editors of the Irish News Media, Kenny’s Bookshop and Art Gallery, Galway, 1994. Kenny, M. J. & O’Connor, B. (ed), Media Audiences in Ireland, Dublin, University College of Dublin Press, 1997. Kiberd, D. (ed.), Media in Ireland: the Search for Diversity, Dublin, Open air, 1997. Kiberd, D. (ed.), Media in Ireland : the Search for Ethical Journalism, Dublin, Open air, 1999. Lemonnier, B., Médias et culture de masse en Grande-Bretagne depuis 1945, Paris, Armand Colin (U), 1999. Marris, P. & Thornham (ed.), S., Media Studies, a Reader, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1996. Merrill, J., The Elite Press, Great Newspapers of the World, New York & Toronto, Pitman Publishing Corporation, 1968.