106. En méditant dans cette voie, on arrive soudain à cette conclusion : toute moralité est
instantanée.
L impératif catégorique de la moralité n a que faire de la durée.
Il ne retient aucune cause sensible, il n attend aucune conséquence.
Il va tout droit, verticalement, dans le temps des formes et des personnes.
Le poète est alors le guide naturel du métaphysicien qui veut comprendre toutes les
puissances de liaisons instantanées, la fougue du sacrifice, sans se laisser diviser par la dualité
philosophique grossière du sujet et de l objet, sans se laisser arrêter par le dualisme de
l égoïsme et du devoir.
Le poète anime une dialectique plus subtile. Il révèle à la fois, dans le même instant, la
solidarité de la forme et de la personne. Il prouve que la forme est une personne et que la
personne est une forme.
La poésie devient ainsi un instant de la cause formelle, un instant de la puissance personnelle.
Elle se désintéresse alors de ce qui brise et de ce qui dissout, d une durée qui disperse des
échos.
Elle cherche l instant. Elle n a besoin que de l instant. Elle crée l instant. Hors de l instant, il
n y a que prose et chanson.
C est dans le temps vertical d un instant immobilisé que la poésie trouve son dynamisme
spécifique. Il y a un dynamisme pur de la poésie pure. C est celui qui se développe
verticalement dans le temps des formes et des personnes.
107. «Une heure n’est pas qu’une heure.
C’est un vase rempli de parfums, de
sons, de projets et de climats.»