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Sommaire
Introduction
La participation des ressortissants tunisiens à l’expansion de l’économie de la connaissance au
sein de l’espace francophone
- Ahmed Messaoudi, Responsable, Bureau de l’émigration et de la main d’œuvre étrangère, ministère de la Formation professionnelle
et de l’Emploi
- Lasaad Labidi, Directeur de l’Office des Tunisiens de l’étranger, ministère des Affaires sociales
- Borni Salhi, Directeur général de l’Agence tunisienne de Coopération Technique
- Barbara Dätwyler Scheuer, Directrice de coopération, Ambassade de Suisse en Tunisie
- Kais Mabrouk, Membre de l’association des Tunisiens des Grandes école, Directeur général de First TV
- Sylvie Mazella, Directrice du laboratoire méditerranéen de Sociologie (LAMES, AMU, CNRS)
- Kaies Samet, Maître-assistant de l’enseignement supérieur en sciences économiques, ISG Gabès, Unité de recherche en économie
du développement (URED), FSEG Sfax
- Sadok Ben Hadj Hassine, Expert de l’Union générale tunisienne du travail, département arabe, International et Migrations
- Chiheb Bouden, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique
- Modibo Dagnon, Président du Haut Conseil des Maliens de Tunisie et ancien président de l’Association des Etudiants et Stagiaires
Africains en Tunisie
Le retour des migrants de savoir : Quelles dynamiques de réinsertion dans l’économie nationale ?
Un espace universitaire mondialisé : une chance pour la Tunisie ?
Quels effets de l’internationalisation du savoir sur les mobilités au sein de l’espace francophone
– essentiellement Afrique et Maghreb ?
Quelles politiques universitaires en Tunisie pour encadrer la mondialisation du savoir ?
Quels outils pour promouvoir les migrations de la connaissance au sein de l’espace francophone
à partir de la Tunisie ?
Modalités et impact de l’émigration de savoir tunisienne au sein de l’espace francophone
- Malek Kochlef, Directeur de la coopération bilatérale et avec l'Union Européenne, ministère de l’Enseignement supérieur, de la
Recherche scientifique, des Technologies de l’information et de la Communication
- Mona Laroussi, Directrice exécutive, Institut de la Francophonie pour l’ingénierie de la connaissance et la formation à distance
- Essaied Laatar, Directeur Général de l’Université Méditerranéenne Libre de Tunisie
- Jacques Attali, Economiste, écrivain, conseiller d’état honoraire, auteur du rapport « La francophonie et la francophilie,
moteurs de croissance durable ».
- Pouria Amirshahi, Député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, auteur du rapport de la mission d’information
parlementaire « pour une ambition francophone ».
- Etienne Alingue, Directeur de la francophonie économique, au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)
Le débat continue avec :
- Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile
- François Gouyette, Ambassadeur de France en Tunisie
- Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile
3 - 7
8 -16
17-28
28-34
34-38
38 -39Conclusion
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Introduction
François Gouyette,
Ambassadeur de France
C’est là l’originalité et la spécificité de
l’expérience tunisienne en matière
d’éducation depuis l’indépendance :
un ancrage dans la langue arabe d’un
côté et, de l’autre, une ouverture sur les
langues et les civilisations étrangères qui,
j’en suis convaincu, donne de nombreux
atouts à la Tunisie pour s’insérer dans
l’économie mondiale. En effet, dans un
avenir proche, avec 750 millions de locu-
teurs, l’espace francophone est amené à
devenir le 4ème espace géolinguistique
après l’anglais, le chinois et l’hindi.
L’importance croissante de l’économie de la connaissance, de
la diffusion et de l’utilisation des savoirs dans le processus de
développement économique n’est plus à démontrer.
Quels sont les contours de l’économie de la connaissance,
un concept désormais largement utilisé, mais qui n’est pas
facile à cerner ?
Quels sont le potentiel et la place de l’espace francophone,
notamment des pays d’Afrique subsaharienne et du
Maghreb  dans cette nouvelle façon d’appréhender
l’économie et le développement ?
Quels sont les mécanismes de production, d’utilisation et
surtout de diffusion du savoir dans les pays concernés ?
Quels rôles les migrations jouent-elles dans l’évolution et
le progrès de cette économie de la connaissance ?
Autant de questions qui seront abordées lors de vos échanges.
Le choix de la Tunisie pour tenir ce colloque
n’est pas un hasard :
La Tunisie est en effet un pays qui, de longue date, a misé sur
l’éducation et la diffusion des savoirs pour porter son déve-
loppement national – nous avons tous en tête la priorité don-
née à l’éducation par Habib Bourguiba qui y voyait la clé de
l’émancipation individuelle et de la modernisation sociale et
économique.
Faut-il également rappeler que la Zitouna, fondée au
8ème siècle, est sans doute la plus ancienne institution
d’enseignement du monde arabe, et invoquer les mânes
d’Ibn Khaldoun qui, dès le 14ème siècle, a développé une
pensée profondément moderne qui en fait un précurseur
de la sociologie et de la science historique d’aujourd’hui ?
La Tunisie est aussi un pays qui, au centre la Méditerranée,
est à la croisée géographique de plusieurs mondes, Europe,
Afrique, Monde arabe, et se trouve au cœur des probléma-
tiques liées aux migrations.
C’est enfin un pays qui a, dès l’indépendance, choisi de faire
fructifier l’héritage francophone parallèlement à un ancrage
fort dans son identité arabe et arabophone, montrant la
voie de l’avenir, qui, je crois, ne peut être que plurilingue et
fondé sur une conversation à mener de manière sereine
entre les héritages, identités et savoirs véhiculés en
plusieurs langues.
La Tunisie appartient ainsi, depuis sa fondation, à l’organisa-
tion de la francophonie, conçue comme un espace politique
humaniste. C’est, en effet, son premier président, Habib Bour-
guiba qui fut, au lendemain de l’indépendance, l’un des trois
chefs de file africains à avoir fondé l’Organisation des États
francophones, à côté du Président Léopold Sédar Senghor.
la création d'une communauté de langue française [...] exprime le
besoin de notre époque, où l'homme, menacé par le progrès scienti-
fique dont il est l'auteur, veut construire un nouvel humanisme qui
soit, en même temps, à sa propre mesure et à celle du cosmos.
Première conférence de Niamey
1969
4
Pour conclure, je tiens
à vous assurer de tout
l’intérêt personnel que
je porte à la promotion des
migrations de la
connaissance, et vous
souhaite des échanges
fructueux sur ce sujet
d’avenir, et essentiel pour
répondre à nombre de
défis qui nous sont
communs.
Ainsi, la France est la première destination des étudiants tuni-
siens qui souhaitent effectuer une partie de leur cursus à l’étran-
ger etle premier partenaire scientifique de la Tunisie :
Aujourd’hui plus de 15 000 étudiants tunisiens
poursuivent leur formation en France, dont près de 4 000
nouveaux étudiants chaque année.
Le besoin d’un nouvel humanisme, res-
pectueux des spécificités des peuples et
les rassemblant autour de valeurs uni-
verselles communes, a été réaffirmé par
la Constitution tunisienne du 27 janvier
2014, qui stipule, dans son article 39 :
« L'État veille (…) à ancrer, à soute-
nir et à généraliser l’utilisation de
la langue arabe, ainsi que l’ouver-
ture sur les langues étrangères et les
civilisations humaines et à diffuser la
culture des droits de l’Homme ».
C’est là l’originalité et la spécificité de
l’expérience tunisienne en matière
d’éducation depuis l’indépendance : un
ancrage dans la langue arabe d’un côté
et, de l’autre, une ouverture sur les lan-
gues et les civilisations étrangères qui,
j’en suis convaincu, donne de nombreux
atouts à la Tunisie pour s’insérer dans
l’économie mondiale. En effet, dans un
avenir proche, avec 750 millions de locu-
teurs, l’espace francophone est amené à
devenir le 4ème espace géolinguistique
après l’anglais, le chinois et l’hindi.
Cette nouvelle configuration donne
à la francophonie un potentiel qui la
projette comme une composante
majeure de la scène mondiale.
Cette francophonie vivante et active constitue un instrument de la coopération entre la France et les pays francophones de
l’Afrique subsaharenne et du Maghreb, notamment s’agissant des questions universitaires, qui seront largement discutées dans
le cadre de ce colloque et qui dépassent naturellement la seule question linguistique.
Les échanges universitaires et scientifiques sont en effet l’exemple même des migrations et mobilités comme phénomènes
bénéfiques et positifs, facteur d’un développement économique plus équitable, et qu’il faut encourager, qu’il s’agisse des
diplômés, des étudiants de haut niveau mais aussi des jeunes en formation professionnelle, des chercheurs ou des entrepre-
neurs.
Pour prendre l’exemple de la Tunisie, le partenariat universitaire et scientifique  franco-tunisien, extrêmement dynamique,
constitue un pilier de notre relation bilatérale. Il se construit à travers des flux et des échanges humains et intellectuels perma-
nents, source d’enrichissement et de développement mutuel des savoirs, et d’une diffusion des compétences nécessaires au
développement économique.
Le fait que la formation supérieure en Tunisie
soit à plus de 80% réalisée en français facilite
également fortement cette mobilité tempo-
raire des étudiants et des chercheurs. Des par-
cours universitaires, similaires dans nos deux
pays, facilitent ainsi grandement les échanges
universitaires et la construction de nouveaux
parcours mixtes entre laTunisie et la France, et
ainsi, la migration des idées. Il existe déjà de très nombreux cursus universitaires mixtes entre les formations supérieures fran-
çaises et tunisiennes, permettant aux étudiants tunisiens d’obtenir à la fois leur diplôme d’étude tunisien et un diplôme français
de nouveau équivalent.
Les programmes de mobilités temporaires et encadrées, soutenues par la France, constituent un élément essentiel de notre
coopération.Au-delà, et en complément des échanges universitaires et de formation en amont, nous portons aujourd’hui
également une attention particulière en aval à notre collaboration avec les services de l’emploi.
En Tunisie, je pense notamment aux dis-
positifs de migrations professionnelles
qualifiantes et d’aide à la réinstallation
de jeunes diplômés, mis en œuvre par
l’OFII en partenariat avec les autorités
tunisiennes. Les mobilités de la connais-
sance sont donc clairement à encoura-
ger, mais il faut aussi apprendre à mieux
en comprendre les dynamiques afin de
les organiser et les orienter au mieux,
au bénéfice d’un développement plus
équitable de part et d’autre de la Mé-
diterranée et sur le continent africain,
espace sur lequel la Tunisie peut s’ap-
puyer pour se positionner dans la com-
pétition économique mondiale. Vos
travaux devront ainsi s’inscrire dans le
cadre de la construction d’un espace
euro-méditerranéen, et au-delà réfléchir
au rôle que le Maghreb, entre Europe et
Afrique, peut jouer dans la création d’un
large espace universitaire euro-africain.
C’est pourquoi vous êtes aujourd’hui
réunis à l’initiative de France Terre
d’Asile et de la Maison du Droit des
Migrations, et avec le soutien du Service
de Coopération et d’Action Culturelle de
l’Ambassade de France, pour réfléchir
aux enjeux et aux opportunités de ces
migrations de la connaissance. Vous
vous pencherez sur de nombreuses
questions, passionnantes, mais difficiles.
Ainsi, comment relever le défi, pour le
système universitaire français, d’être
présent au Maghreb tout en contri-
buant à des formes d'autonomisation
des structures académiques maghré-
bines ?
Comment favoriser le réinvestisse-
ment des connaissances acquises à
travers des mobilités au profit des
pays d’origine ?
5
Pierre Henry,
Directeur général de France
terre d’asile
Les mobilités sont une chance à saisir autant pour
la prospérité des pays du Nord que pour le dévelop-
pement des pays du Sud. Une chance, à condition
de les organiser, une chance à condition de savoir
convaincre et de savoir vaincre les frilosités des
états et celle des opinions pour en tirer profit.
Où cette chance peut-elle le mieux prospérer, sinon
dans les pays qui partagent une même langue ?
C’est en effet là, dans cet espace linguistique
commun que les mobilités, les échanges, les
migrations circulaires peuvent se développer, en
toute harmonie, et pour le bénéfice de tous.
Voilà trois ans que la maison du droit et des migrations est
installée à Tunis. Trois ans qu’avec modestie et persévérance
nous travaillons aux côtés des institutions tunisiennes et de
la société civile à une meilleure connaissance du phénomène
migratoire, qu’il s’agisse des migrations forcées, des migra-
tions économiques, ou des migrations clandestines et à tenter
de poser et de résoudre quelques questions. La question des
migrations forme à elle seule un enjeu de civilisation.
Elle est en effet un enjeu économique, culturel. Elle ques-
tionne la nature du développement, elle porte en elle une
question stratégique qui touche à la paix ou à la guerre, à
la souveraineté des États. Voilà pourquoi nous ne devons
céder à aucune facilité, à aucun raccourci de la pensée sur cette
thématique, et voilà pourquoi nous vous proposons de
travailler sur la place particulière qu’occupe la Tunisie dans les
migrations de la connaissance à l’intérieur de l’espace franco-
phone.
Tout le monde sait ici que de nombreux facteurs, l’apparition
de nouvelles technologies, celle de l’information et de la com-
munication - les TIC-, l’essor des secteurs Recherche/Dévelop-
pement et Innovation au sein des entreprises internationales,
la valorisation du capital humain avec le développement de
l’éducation et de la formation, une compétition mondialisée,
bref tout le monde sait à quel point la combinaison de ces
éléments alimente le moteur de la croissance économique.
Ce que personne n’ignore non plus, c’est que pour faire mar-
cher le moteur, il faut de la matière grise, et que pour dis-
poser de la meilleure matière, les entreprises prospectent
le marché international. Voilà ce qui explique pourquoi
le nombre de migrants qualifiés dans les pays de l’OCDE
a progressé de 50% depuis les années quatre-vingt-dix.
La question des mobilités se pose donc aujourd’hui plus
que jamais, et s’il est plus facile pour les plus diplômés de
profiter de programmes transnationaux ou des réseaux
universitaires pour migrer, il reste beaucoup de matière
grise gâchée, de cerveaux qui pourraient alimenter le mo-
teur de la croissance, mais qui, faute de mobilité ou faute
de projets, faute de mobilité de projets, ne permettent pas
d’augmenter la puissance du moteur.
Les très nombreux jeunes diplômés Tunisiens, qui sont
sans travail, sont les premiers à le savoir.
C’est pour proposer des solutions que nous avons inscrit
cette réflexion au menu de ce colloque, et que nous avons
choisi d’orienter les mobilités vers un espace, un espace
élargi par la langue et à la fois contenu par elle, je veux
parler de l’espace francophone. Cette donne linguistique,
culturelle, est rarement prise en compte dans le domaine
des migrations. Elle nous semble pourtant fondamen-
tale, et c’est pourquoi nous avons choisi de la convoquer
Nos arguments tracent toujours le même sillon :
les mobilités sont une chance à saisir autant pour la pros-
périté des pays du nord que pour le développement des
pays du sud. Une chance, à condition de les organiser, une
chance à condition de savoir convaincre et de savoir vaincre
les frilosités des états et celle des opinions pour en tirer profit.
Où cette chance peut-elle le mieux prospérer, sinon dans
les pays qui partagent une même langue ?
C’est en effet là, dans cet espace linguistique commun que les
mobilités, les échanges, les migrations circulaires peuvent se
développer, en toute harmonie, et pour le bénéfice de tous.
Avec des circulations facilitées, les personnes qui vont
et viennent au pays transfèrent leurs compétences et leurs
revenus améliorent ainsi le système d’éducation et le niveau
de vie local notamment dans les pays à revenus intermédiaire
ce qui est le cas de la Tunisie..
Et pour faciliter les premiers pas, pourquoi ne pas se tourner
vers un espace constitué de pays cousins ? La situation de la
Tunisie, à la croisée des chemins de la famille du nord et du
sud francophone, devrait être la première bénéficiaire de cette
option.
Prendre le parti de la francophonie devrait être une évidence
ici, au pays d’Habib Bourguiba, l’un des trois pères fonda-
teurs de la francophonie -avec ces deux compères, Léopold
Sedar Senghor, le Sénégalais, et le Nigérien Hamani Diori.
Ils avaient bien compris que la langue n’était pas qu’un ou-
til, qu’elle portait des valeurs, d’universalité, de liberté, de
solidarité. Qu’elle était un ciment prometteur. Et si l’on en juge
la vision qu’en avait Bourguiba, je pense qu’il aurait été, au-
jourd’hui avec nous, un ardent défenseur des migrations de la
connaissance au sein de l’espace francophone :
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Le français, disait-il voilà plus de 50 ans (en 68 au Canada), représente un étonnant moyen de communi-
cation et de rencontre. Sans la conscience du fait francophone et de son étendue, sans la mise en œuvre de la
francophonie dans une perspective d’harmonie et de cohésion, Afrique blanche et Afrique noire risqueraient
fort de s’enfermer dans une indifférence ou dans une ignorance mutuelle…Loin de porter au repliement, le fait
francophone favorise l’insertion dans le monde lui-même, projeté à la pointe avancée du progrès technique,
économique, social. S’inscrivant dans une conscience commune et dans une large communauté, permettant
un élargissement des relations extérieures, loin de porter à l’autosuffisance, il favorisera l’épanouissement
de chaque pays et son accomplissement dans le concert des nations. Il constituera ainsi, une base solide aux
échanges générateurs de développement. Il sera l’un des fondements de la paix et de la coopération.
L’espoir que Bourguiba plaçait dans
le fait francophone garde la même
pertinence aujourd’hui, et il est temps
d’accélérer la réalisation de ses vœux.
Il est temps que les enjeux de progrès
portés par la francophonie soient mieux
convoqués, et de manière plus concrète,
afin de servir et de soutenir le dévelop-
pement.
L’un des chemins tout désigné pour y
arriver doit emprunter les routes d’une
francophonie de l’intelligence, d’une
francophonie de la connaissance, cette
matière première immatérielle que l’on
dit sans limite et qui serait, forte de son
infinité, capable de procurer des crois-
sances sans plafonds ! Ne fantasmons
cependant pas sur les doubles chiffres
promis par certains, mais soyons sûrs
que l’économie de la connaissance est,
au-delà d’un concept à la mode, le dé-
terminant clé d’une vision politique am-
bitieuse.
De quoi s’agit-il ?
De tout mettre en œuvre pour armer et
développer les fondamentaux de cette
économie dont la base, avant tout hu-
maine, repose sur l’éducation, la forma-
tion, et qui, pour exister, doit arracher sa
place au sein d’une économie monde,
hautement concurrentielle. Vaste chan-
tier, déjà en œuvre en Tunisie, et que
nous souhaitons aider à prospérer en
suggérant ici des pistes d’actions, de
réflexions.
La première c’est bien sûr d’envisager les moyens de faciliter la circulation des intelligences et des hommes, d’envisager les
modalités de telles mobilités. La Tunisie accueille environ trois mille entreprises étrangères, près de 13 000 jeunes tunisiens
poursuivent leurs études en France, et quelques milliers d’étudiants subsahariens (6 000 ) viennent se former ici. Ces chiffres
ne suffisent pourtant pas à cacher la forêt des échanges qui n’existent pas -pas encore - et qui pourraient compter pour mieux
arrimer la Tunisie au sein d’une économie mondialisée et dont elle doit pouvoir mieux tirer profit.
Comment favoriser l’installation, le développement de l’entreprise internationale et favoriser l’emploi ici mais aussi
favoriser la mobilité au sein des groupes internationaux ?
Les mobilités sont bien sûr celle des hommes : il faut envisager le développement
des migrations circulaires et penser, à terme, la création d’un visa francophone. Mais
les mobilités sont aussi celles des projets, et ce n’est pas faute de les avoir énoncés
entre les deux rives de la Méditerranée, et à de nombreuses reprises –exploitation
des ressources halieutiques – du solaire – des transports- de l’énergie- mais cent fois
sur le métier...
Pourtant, si les mobilités doivent concerner des secteurs à haute teneur en savoir,
avec des projets en mesure de soutenir les infrastructures nécessaires à la circula-
tion de l’information, à la recherche et à l’innovation, il faut avoir conscience que la
connaissance ce n’est pas seulement le savoir des universitaires, des chercheurs, des
penseurs, des ingénieurs de Google ou d’Apple. La connaissance touche aussi à tout
une quantité de savoir faire, de compétences particulières, pouvant être transmis
par l’apprentissage.
Pourdémontrertoutesleurspertinences,
les mobilités de projets doivent aussi
tenir compte de cette connaissance-là,
qui naît des rencontres, des partages,
des formations « professionalisantes ».
Pour celles-ci aussi, qui intéressent
notre jeunesse, il faut favoriser les al-
lers retours. Sans échanges, toute forme
d’échange, il est plus difficile de se frayer
une place de choix dans la compétition
internationale.Or c’est bien ce défi-là qui
attend la Tunisie. La Tunisie mais aussi le
Maghreb, l’Europe du sud.
Comment travailler à des échanges plus équitables avec la francophonie du nord, porter un autre regard, plus vif et plus
confiant vers celle du sud ?
Comment substituer à la vampirisation des cerveaux un meilleur partage des connaissances et les mettre au service de
projets à mener en commun, comment trouver des partenaires et des arguments pour fortifier les volontés politiques ?
Autant de questions qui, je le souhaite, trouveront des éléments de réponse au cours de ce colloque. Et je l’espère d’autant plus
qu’une nouvelle donne sécuritaire, liée au terrorisme, risque de venir entraver toutes les mobilités déjà restreintes par la crise
économique et son corollaire la peur de l’invasion.
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Lorsque l’on admet au Nord que
les jeunes générations doivent
vivre avec le terrorisme et le fait
sécuritaire, je crains pour le futur
que nos nations empruntent la
voie la plus facile, celle de la
fermeture.
Or la fermeture engendre
toujours à terme la peur,
laquelle génère le conflit, la
confrontation. Voilà pourquoi
notre obsession pour le futur doit
être le maintien, l’organisation,
le développement des voies de
migrations au sein
d’espaces régionaux cohérents.
À nous alors d’imaginer de nouvelles voies de circulation. Celles qui empruntent les
chemins de la francophonie, gagneraient à être déblayées. La Tunisie pourrait alors
y trouver une place centrale, au cœur même du dispositif. De quoi fortifier, grâce à
une croissance confortée, une jeune démocratie pleine d’avenir.
L’Europe hésite sur la voie à suivre et en Afrique, du Nord au sud, les menaces aux
frontières limitent les déplacements et augmentent une suspicion qui rétrécit le
monde et le droit à circuler. Au risque de freiner les mobilités de la connaissance et
avec elles, les perspectives de développement.
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La participation des ressortissants tunisiens à l’expansion
de l’économie de la connaissance au sein de l’espace
francophone
Modalités et impact de l’émigration
de savoir tunisienne au sein
de l’espace francophone
Ahmed Messaoudi,
Responsable du Bureau
de l’émigration et de la
main d’œuvre étrangère,
Ministère de la Formation
Professionnelle
et de l’Emploi (MFPE)
Des échanges des jeunes
professionnels sont conclus
avec la Suisse. Une convention
a été signée avec l’Allemagne
pour faciliter le recrutement des
ingénieurs tunisiens.
Concernant la préparation et
l’aide au retour, des
programmes pour
l'encouragement des
compétences tunisiennes à
l’étranger pour investir en
Tunisie ont été mis en place...
Aujourd'hui, nous avons noté près de
1.201.929 tunisiens résidant à l’étran-
ger dont 122.486 sont des compétences
(diplômés du supérieur, experts, cadres
et hommes d’affaires) soit 10.2% de la
diaspora. Et pendant l'année 2012, on
a constaté un flux d'émigrés de 47.2%
qui ont le niveau de l'enseignement
secondaire et seulement 16.5% de
diplômés de l'enseignement supérieur.
Toujours en ce qui concerne l’année
2012, nous avons également mesuré la
migration estudiantine à 75.000
étudiants et 157.121 élèves tunisiens,
soient respectivement 6.2% et 13.1%
de la diaspora dont 98.000 dans les pays
francophones.
Par ailleurs,
53.1% des migrants de com-
pétence tunisiens sont instal-
lés dans des pays francophones.
Il sosnt répartis de la manière suivante
: 44.1% de cette migration se trouve
en France avec 54 033 personnes ;
1.9% en Belgique, soit 2 306 ; 0.9% en
Suisse qui représente 1 111 personne ;
2.7% au Canada soit 3 238 per-
sonnes ; 1.3% en Algérie soit 1 542
personnes et enfin 1.3% au Maroc
soit 1 621 personnes. Les 46.9%
de la migration de compétence
restants sont sur l’ensemble des autres
pays d’accueil (non francophones).
En se référant aux grandes régions,
on constate que les compétences se
concentrent davantage en Europe,
puisque en effet 62.8% des migrants
de la connaissance tunisiens sont ré-
sidents dans les pays de l’Union euro-
péenne, ce qui correspond à un total de
76.920 personnes. Au second rang des
régions d’accueil des migrants de com-
pétence, nous avons les différents pays
Arabes dans lesquels résident 30.1% des
migrants. 5.8% soit 7 153 personnes
sont en Amérique du Nord et enfin
1 800 compétences tunisiennes, soit 1
800 personnes ont émigré vers l’Afrique,
soit 1.5%.
En Europe, c’est la France qui est le
pays accueillant le plus de compétences
tunisiennes :
54 033 personnes sur un total de 76 920.
En Amérique du Nord, la répartition
est plutôt équilibrée :
3 238 compétences au Canada et
3 872 aux USA. Enfin, au sein des
pays Arabes et contrairement à ce
que l’on pourrait penser, sur un total
de 36 879 compétences, 1 542
sont en Algérie et 1621 au Maroc.
En ce qui concerne la migration
des étudiants tunisiens vers l’étran-
ger, leur nombre total est de 75
000, représentant ainsi 6.2% de la
diaspora tunisienne. Parmi ceux-là,
47 500 se trouvent dans des pays
francophone, soit 63,3 %.
A titre d’exemple, je cite la France qui
accueille 49.6% en France des étu-
diants tunisiens ayant émigré et le
Canada, pays au sein duquel résident
7% des étudiants tunisiens émigrés.
9
En ce qui concerne la coopération avec la
Suisse, il existe deux accords en matière de
migration. Le premier est un accord pour la
promotion des échanges des jeunes profes-
sionnels (150 par an). Le deuxième consiste
en la mise en place d’un programme d’aide
au retour volontaire, visant à donner la
possibilité à ceux qui le souhaitent de rentrer
volontairement en Tunisie et de bénéficier
d’une assistance leur permettant de dévelop-
per un projet de réintégration tout en sachant
que chaque retour est organisé en concerta-
tion avec les deux gouvernements nationaux.
Un autre exemple serait l’accord ratifié avec
l'Allemagne. Le ministère de la formation
professionnelle et de l’emploi (via l’ANETI-
L’Agence Nationale pour l’Emploi et le
Travail Indépendant–) a signé une conven-
tion avec la GIZ (la Deutsche Gesellschaft für
Internationale Zusammenarbeit est l'agence
de coopération internationale allemande
pour le développement). Pour faciliter le
recrutement des ingénieurs tunisiens en
Allemagne. Deux opérations pilotes ont été
effectuées, la première en 2013 pour le recru-
tement de 100 ingénieurs et la deuxième à la
fin de 2014 pour le recrutement de 150 ingé-
nieurs spécialisés en informatique, électro-
nique, électrotechnique, génie civil et génie
mécanique. Par ailleurs, il y a également l'ac-
cord de coopération bilatérale entre l’ANETI et
l'Agence fédérale de coopération allemande
qui a été signé en juillet 2013 afin de faciliter
le recrutement des spécialités paramédicales.
Enfin, je voudrais profiter de cette inter-
vention pour vous présenter les services
du Ministère de la Formation Profes-
sionnelle et de l’Emploi (MFPE) tunisien
ainsi que de l’ANETI, agissant pour la
promotion des migrations des compétences.
Le MFPE a via son agence l’ANETI
mis en œuvre un programme de
formation en ligne en langue an-
glaise et française au profit des de-
mandeurs d'emploi afin d’augmen-
ter leur employabilité à l’échelle
nationale et internationale. Ce pro-
gramme concerne 2000 diplômés
de l’enseignement supérieur par an,
1000 seront formés en langue fran-
çaise et 1000 en anglais. A la fin de
la formation, un diplôme reconnu
à l’échelle internationale est délivré
aux bénéficiaires, après le passage
d’un concours et le succès aux exa-
mens organisés en partenariat avec
notamment le British Council ou en-
core les services culturels français.
En outre, l’ANETI a créé un site web
en matière de migration permettant
le rapprochement entre offres et
demandes d’emploi à l’internatio-
nal, qui va doter les services d’em-
ploi d’une banque de données des
compétences tunisiennes candidats
à l’émigration et des offres d’emploi
à l’international et faciliter aux can-
didats à l’émigration de savoir les
procédures de recrutement à l’in-
ternational par pays de destination
tout en permettant aussi aux entre-
prises étrangères de déposer leurs
offres d’emploi et de bénéficier des
services de l’ANETI gratuitement.
Je tiens maintenant à vous présenter les
conventions bilatérales existantes en matière de
migration et qui participent à la mise en œuvre de
la stratégie de la Tunisie pour le développement de
l’offre des possibilités d'emploi aux compétences
tunisiennes.
Du côté de la promotion de la
migration tunisienne vers les pays
arabes, le MFPE a détaché un
conseiller d’emploi à Qatar et deux
conseillers en Libye afin explorer
les offres d’emploi et identifier les
besoins des institutions de ces deux
pays en termes de compétences.
Concernant la préparation et
l’aide au retour, des programmes
pour l'encouragement des com-
pétences tunisiennes à l’étranger
pour investir en Tunisie ont été mis
en place. En effet, La Tunisie a éla-
boré des mécanismes de prise en
charge des personnes à travers la
création des cellules d’accompa-
gnement aux tunisiens à l’étranger
porteurs de projets. Par ailleurs, et
concernant cette prise en charge,
les capacités institutionnelles des
porteurs de projet ont été dévelop-
pées, via notamment la réalisation
des bilans de compétences des
personnes ainsi qu'une formation
à la création d’entreprise (CEFE).
Je tiens maintenant à vous présenter les
conventions bilatérales existantes en matière
de migration et qui participent à la mise en
œuvre de la stratégie de la Tunisie pour le
développement de l’offre des possibilités
d’emploi aux compétences tunisiennes. Dans
ce contexte la Tunisie a conclu des accords bi-
latéraux avec plusieurs pays, dont la France,
la Suisse, l'Allemagne, le Qatar et la Libye.
Ainsil’accordtuniso-françaisenmatièredemi-
gration et de développement solidaire com-
porte des volets se rapportant à la migration
professionnelle (Jeunes professionnels, carte
compétence et talents, travail salarié et travail
saisonnier), aux projets de développement
solidaire y compris la formation profession-
nelle et aux programmes d’aides aux retours
volontaire y compris l’aide financière, la for-
mation et l’intégration dans un travail salarié.
Cet accompagnement passe aussi
par l'orientation des bénéficiaires
vers les projets rentables. Le suivi et
l'accompagnement du promoteur
durant un an afin de garantir la pé-
rennité économique du projet, en
réalisant des compléments de for-
mations techniques au promoteur.
Enfin, le ministère a également mis
en place l'accompagnement indi-
viduel avant, pendant et après la
phase initiale de création de projet,
pour déterminer des possibilités,
des zones et des secteurs d’inves-
tissement rentables. Des centres
ressources pour les migrants dans 3
gouvernorats en collaboration entre
l’OIM (Organisation internationale
pour les migrations), l’OTE (Office
des tunisiens à l’étranger) et l’ANETI
ont été créés et à titre d'exemple, le
nombre total de projets mis en place
par les migrants de retour de la
Suisse entre juillet 2012 et juin 2014
étaitde491projetspourunmontant
total de 2.743.000 CHF (soit l’équiva-
lent de 2 552 815 € et 5 601 386TND).
10
Les perspectives de l’intervention de l’Office des Tunisiens à
l’étranger (OTE) 
Lassaad LABIDI Directeur
Général de l’Office des
Tunisiens à l’Etranger
(OTE)
Les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) contribuent de
manière active au développement de la Tunisie, et notamment au
travers des transferts des fonds. Ainsi, sur les 10 dernières années
les transferts des TRE représentent des moyennes annuelles
supérieures à 5% du PIB et 20% de l’épargne nationale.
L'Office desTunisiens à l'Etranger (OTE) a été créé en juin 1988.
Il a pour mission générale de fournir au gouvernement tu-
nisien les éléments et les données lui permettant de mettre
en œuvre une politique d'encadrement et d'assistance aux
Tunisiens résidents à l’étranger.
À cet effet, nous assurons la promotion et l’exécution des
programmes d’encadrement des Tunisiens résidents à
l’étranger, définissons et mettons en œuvre un programme
d’assistance en faveur des Tunisiens à l’étranger, de leurs
familles dans le pays de résidence et en Tunisie et élaborons
puis exécutons tout programme culturel qui développe et
renforce l’attachement des enfants tunisiens à l’étranger à leur
patrie.
Par ailleurs, un autre aspect important de notre tra-
vail consiste à faciliter la réinsertion des Tunisiens émi-
grés de retour en Tunisie dans l’économie nationale et
à instituer un système d’information continu au profit
des Tunisiens résidents à l’étranger et veiller à son suivi.
Pour la mise en œuvre de ces missions, l’Office porte
un intérêt spécifique à de nombreux éléments tels
que la famille, la jeunesse, les milieux associatifs, en
outre un intérêt particulier est porté aux compétences
tunisiennes à l’étranger exerçant dans les domaines
scientifique, technologique, économique et artistique.
Tout d’abord, revenons-en à l’histoire de l’émigration tuni-
sienne. La grande vague de départ à l’étranger des Tunisiens
remonte aux années 60 (période de construction et de re-
construction de l’après deuxième guerre en Europe). Après,
entre 64 et 74 -la plus grande vague-, l’émigration tunisienne
a connu un changement typique : elle est passée d’une émi-
gration de main-d’œuvre en une émigration de type familial,
causée par le regroupement familial et le désir de s’installer
et maintenir les liens. Durant les trente dernières années, les
émigrés tunisiens ont diversifié leurs pays de destination en
s’orientant plus qu’avant vers les régions du Golfe (en parti-
culier Arabie Saoudite, Émirats Arabe Unis, et Qatar) et de
l’Amérique du Nord (en particulier le Canada et les Etats-Unis).
Les principales zones d’accueil des Tunisiens résidents à
l’étranger en 2012 étaient l’Europe en premier lieu avec un
total de 1 032 412 (84,4% des TRE). Le premier pays d’accueil
étant la France avec 54.7%, suivi de l’Italie avec 15.4% et
enfin l’Allemagne avec 7.1%. En deuxième position viennent
les pays du Maghreb avec 9.6%, en troisième position les Pays
arabes avec 4.9% et en dernière position Canada et les USA
avec 3%.
L'émergence des USA et du Canada en tant que nouvelles
destinations pour l'émigration tunisienne s’est faite à par-
tir de 1985, suite à une migration de jeunes plus instruits et
mieux formés ou d’étudiants à la recherche de meilleures
conditions de formation ou de travail. La migration vers
les pays du Golfe s’est faite dans le cadre de la coopération
technique.
Depuis la fin des années 1980, la structure sociodémogra-
phique de la diaspora a commencé à changer. Nous avons
constaté un rajeunissement de la population, une présence
de la famille et une féminisation, la présence des hommes
d’affaires, des investisseurs, des chercheurs, ainsi qu’une
multiplication d’artistes et de nouvelles compétences
dans différents domaines de la coopération technique.
11
Ainsi, sur les 10 dernières années les transferts des TRE
représentent des moyennes annuelles supérieures à 5% du
PIB et 20% de l’épargne nationale. Toutefois, il convient de
souligner qu’une partie importante des transferts de fonds
ne passe pas par les circuits formels (problème du coût des
transferts) limitant ainsi la mobilisation des fonds notamment
pour des projets de développement.
Les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) contribuent de manière active
au développement de la Tunisie, et notamment au travers des transferts des
fonds.
En 2013 les transferts des TRE représentaient 4.9% du
produit intérieur brut. Ils contribuaient à équilibrer la
balance des payements en absorbant 37% de son déficit
dûaudéficitdelabalancecommerciale.Enoutre,cestransferts
sont une grande source des devises, en 2013 ils représentaient
32% du disponible net des devises. Ensuite vient la contribu-
tion à la création des projets et le transfert des compétences.
Par ailleurs,
selon une enquête TIDO (Tunisian migrant Involved in dé-
velopment of the country of Origin) sur la contribution des
TRE au développement économique et social réalisée en
décembre 2011, la migration contribue aussi au développe-
ment du pays à travers le transfert des compétences. Ainsi,
selon cette étude 63% des TRE ont un niveau d’instruction
supérieur, 25.7% expriment leur intérêt pour participer à une
expérience de transferts de compétences et de savoir-faire
vers la Tunisie et 85,9 % souhaiteraient être impliqués dans le
développement de la Tunisie.
Au regard de ces éléments, permettez-moi de vous présenter
désormais les actions concrètes menées par l’Office pour im-
pliquer la diaspora au développement de la Tunisie :
1
2
3
4
5
L’information et l’orientation (bureaux d’accueil/
délégation régionales/ attachés sociaux)
Encadrement des associations : l’Office desTunisiens
à l’Etranger (OTE) détient un répertoire des associa-
tions de TRE qui va être actualisé.
L’organisation, des journées d’appui au
développement dans les régions en collaboration
avec les offices régionaux de développement et les
structures chargées de la promotion des investisse-
ments.
La mobilisation des compétences des TRE dans les
domaines stratégiques du développement,
notamment dans le domaine économique où l’OTE
dispose d’un répertoire des Compétences des
Tunisiens à l’étranger.
La Création d’un comité de liaison avec les compé-
tences TRE
Cependant, il convient de souligner que nous rencontrons de nombreuses limites pour encourager
l’implication de la diaspora dans le développement notamment au regard des difficultés existantes pour
l’identification des compétences et le manque de stratégie d’information. En effet, plusieurs compétences
ne sont pas inscrites, en outre, le manque de politique claire d’action de mobilisation des compétences et de
coordination avec les associations réduit les potentielles implications de la diaspora. Enfin, il apparaît que
lorsqu’elle a lieu, la culture de valorisation de la contribution économique de la diaspora se fait souvent au
détriment du développement social.
Quelles sont les perspectives de développement de
nos outils et instr uments pour la mobilisation de la
diaspora de la connaissance ?
Nous prévoyons la création d’un répertoire d’associations de
développement au niveau régional par les délégations régio-
nales de l’OTE ainsi que la mise en œuvre d’opérations de ju-
melage entre des associations des TRE et les associations de
développement local en Tunisie. En outre, nous comptons
faire des programmes d’intervention sociale et solidaire ciblés,
actualiser les données figurant dans le répertoire des associa-
tions et des compétences, valoriser et médiatiser les actions
solidaires et sociales ayant un impact sur le développement
local et organiser des forums pour les hommes d’affaires.
Nous travaillons à l’élaboration d’une académie de l’investisse-
ment ainsi qu’à l’établissement d’un programme de valorisa-
tion des réussites au travail de la délivrance d’un prix pour les
grandes compétences et les hommes d’affaires qui se sont dis-
tingués. Enfin, nous misons sur la création d’une plate-forme
pourlescompétencestunisiennesetleshommesd’affairesTRE
De toute évidence la diaspora Tunisienne constitue au-
jourd’hui, avec d’autres acteurs, un levier de développement
et de croissance pour le pays. Elle est un réel potentiel de
savoir-faire, de solidarités, de ressources humaines et donc
elle peut bien contribuer à améliorer les indicateurs de dé-
veloppement économique et de développement humain.
« Nous espérons qu’après la phase de transition
le contexte sera bien favorable pour mobiliser
davantage la diaspora tunisienne pour qu’elle puisse
jouer pleinement son rôle dans le développement
de la Tunisie. »
12
L’ATCT est chargée depuis 1972
du placement des compétences
tunisiennes à l’international et de
la coopération sud-sud ou triangu-
laire, en partenariat avec les
bailleurs de fonds et les pays
bénéficiaires.  Ainsi, L’ATCT a
réussi pendant plus de 42 années
d’existence à placer plus de 50 000
coopérants et experts auprès de
divers pays notamment arabes et
africains.
Salhi Borni, Directeur général
de l’Agence de coopération
technique (ATCT), Ministère du
Développement, de l’Investis-
sement et de la Coopération
Internationale.
Les activités de l’ATCT :
Gestion de la banque de candidature et inscription des dossiers des candidats
intéressés par le travail dans le cadre de la coopération technique dans les pays ou
organismes étrangers.
Placement des compétences tunisiennes auprès d’institutions étrangères pu-
bliques et privées, régionales et internationales et d’organismes étrangers implan-
tés en Tunisie.
Gestion et suivi des affaires administratives des coopérants et experts exerçant à
l’étranger auprès de leurs établissements d’origine et des caisses sociales
Envoi d’experts et consultants tunisiens pour des missions d’assistance technique
ou de formation décentralisée…
Organisation en Tunisie des sessions de formations et perfectionnement et des
voyages d’études au profit de cadres arabes et africains et ce en collaboration avec
des centres d’excellences tunisiens tout en veillant au bon déroulement et à la
qualité de la formation fournie.
Lespartenairesétrangersdel’ATCT
L’ATCT met les compétences tuni-
siennes inscrites à sa banque de can-
didatures à la disposition de tous les
employeurs étrangers, qui souhaitent
placer ces compétences. l’ATCT traite
les requêtes reçues de ces employeurs
par la pré sélection des CV de candidats
appropriés, en puisant dans sa banque
de candidatures et organise les entre-
tiens avec les délégations étrangères
tout en veillant au bon déroulement.
En outre, l’Agence met à la disposition
des organismes étrangers publics ou
privés des experts et des consultants
tunisiens pour effectuer des missions
d’appui, de conseil, de formation,
d’animation d’atelier de travail ou des
séminaires…
L’ATCT contribue au développement
des compétences des pays bénéficiaires
dans différents domaines techniques
et ce par l’organisation, en Tunisie ou
à l’étranger, de formations adaptées
aux besoins des cadres des institutions
des pays demandeurs, et ce, en colla-
boration avec des experts spécialisés
des centres de formation tunisiens.
Des sessions de formation sont or-
ganisées, des projets de développe-
ment réalisés au profit des pays arabes
et africains avec l’appui financier de
divers partenaires tels que la JICA
(Agence Japonaise de Coopération In-
ternationale), la BADEA (Arabe Bank
for Economic development in Africa),
la BID (Banque interaméricaine de dé-
veloppement) ou encore l’Organisa-
tion Internationale de la Francophonie.
En 2014, l’ATCT a organisé 14 sessions
de formation au profit de 209 cadres
arabes et africains dans différents
thèmes techniques notamment la re-
cherche scientifique et la santé, l’agri-
culture, l’environnement, l'Energie
et des Mines et la formation profes-
sionnelle et l’édition du livre scolaire.
Pour une meilleure visibilité sur les
marchés étrangers l’ATCT s’appuie
sur ses bureaux de représentations à
l’étranger qui sont au nombre de 7.
Ces bureaux sont supervisés par des
conseillers de coopération technique
qui sont chargés de la promotion des
activités de l’ATCT et de la prospection
des besoins en matière de placement de
cadres tunisiens, de formation et d’ex-
pertise tunisienne. Les représentations
sont réparties dans les pays suivants :
L’Arabie Saoudite (Ryadh et Jeddah),
le Koweit, le Sultanat d’Oman, les
Emirats Arabes Unis, le Qatar avec
couverture du Bahrein, la Mauritanie
avec couverture des pays d’Afrique de
l’ouest.
En 2014, L’Agence a pu assurer le recrutement de près de 3380
coopérants dont 45 primo demandeurs d’emploi.
13
Barbara Dätwyler, Directrice
de Coopération, Ambassade de
Suisse
Le nombre des coopérants (terme utilisé pour désigner les cadres des secteurs public et privé qui sont placés à l’inter-
national par le biais de l’ATCT) s’élève à 16229 dont 2235 dans l’espace francophone  : 45% travaillent en Europe et prin-
cipalement en France (747), en Belgique (184) et en Suisse (80), 41.5% sont au Canada et le reste en Afrique soit 13.5%.
Le nombre des coopérants travaillant au Canada a atteint 928 en 2014. Les principaux secteurs sont l’enseignement et
le sport (338), l’administration (192), la santé (164), l’électricité et la mécanique (100) et (134) dans diverses spécialités
Le placement au Canada a enregistré une hausse considé-
rable jusqu’au mois de Septembre 2014, date à laquelle le
gouvernement fédéral a supprimé le programme Avan-
tage Significatif Francophone (FSB) qui a été remplacé par
le programme Entrée Express entré en vigueur en Janvier
2015. Dans le cadre de la promotion de la coopération
technique pour le placement des compétences
tunisiennes au Canada, l’ATCT a participé à l’événe-
ment Destination Canada qui a eu lieu du 17 au 19
Novembre 2014 à Paris, ce programme vise à pro-
mouvoir le Canada en tant que pays d’accueil.
En tant que correspondant national de l’Organisation In-
ternational de la Francophonie, en Tunisie et acteur
dans l’espace francophone  l’ATCT participe régulière-
ment aux forums que l’OIF organise pour, comme ce fut
le cas à Dakar  , échanger et dégager des recommanda-
tions sur les perspectives de rapprochement des acteurs
économiques dans l’espace économique francophone  .
Pour de plus amples informations sur l’ATCT :
http://www.tunisie-competences.nat.tn/
Le retour des migrants du savoir :
Quelles dynamiques de réinsertion dans l’économie nationale ?
En ce qui concerne les
migrants du savoir, nous
nous sommes investis à fond
dans ce qu’on appelle
« migration et
développement »,
c’est-à-dire des initiatives qui
soutiennent la contribution
des migrants de la diaspora et
des étrangers pour le
développement en Tunisie.
Tout d’abord, permettez-moi de partager deux réflexions d’ordre général:
La première :
Le retour des migrants du savoir est un
sujet évoqué dans des contextes tran-
sitionnels, notamment lorsque dans la
période précédente, un pays a perdu
une grande partie de sa main d’oeuvre
qualifiée, nécessaire à la reconstruc-
tion du pays. Je pense surtout à des
contextes fragiles comme en Libye, au
Sud-Soudan et au Libéria.
Par rapport à la Tunisie, la situation se
présente différemment, dans le sens où
malgré la mauvaise conjoncture, le pays
dispose à la base d’une administration
fonctionnelle et d’une économie aux
fondations solides, où l’avance de sa-
voir d’un migrant qui rentre est moindre
que dans les pays précités. Ainsi, l’écart
de compétences entre les personnes re-
tournées et celles restées au pays n’est
pas aussi importante que dans des pays
qui ne disposent presque pas de struc-
tures. Nous ne devons pas surestimer
la contribution d’un retourné ou d’une
En outre, en ce qui concerne la Suisse,
une grande partie des personnes ren-
trées pendant les trois dernières années
de la Suisse en Tunisie n’étaient pas des
personnes ayant acquis des ressources,
des compétences ou des connaissances
durant leur séjour en Suisse. Il s’agissait
plutôt d’hommes, majoritairement sans
le bac, qui ont traversé la Méditerranée
en 2011 pour demander l’asile en Suisse
et qui se sont souvent trouvés dans
une situation difficile lors de leur séjour
en Suisse. Leur réintégration comme
membres productifs et non stigmatisés
dans leurs communautés est un défi et
nécessite un minimum de motivation
de la part de ces hommes, une certaine
capacité d’influence positive de la part
des familles, et un accompagnement
personnalisé.
retournée, même si on ne peut pas nier
l’effet formateur des années d’expé-
rience à l’étranger.
14
La seconde réflexion:
Le sujet du retour me paraît assez restrictif, du moins si on
considère la place de l’économie tunisienne vis-à-vis de
l’Europe, où la majorité des Tunisiens Résidant à l’Etranger se
trouvent, ainsi que les technologies modernes de commu-
nication. Je connais un nombre important de personnes qui
font la navette entre les deux pays. Un vol Genève-Tunis en
classe économique me coûte TND 500 et ne dure que deux
heures, alors que le train Genève-Zurich nécessite trois heures
et me coûte TND 350, et ceci en deuxième classe. Nous avons
mandaté une étude sur lesTunisiens Résidant en Suisse, étude
qui a confirmé les statistiques de l’administration tunisienne
selon lesquelles cette communauté dispose d’un contingent
important de diplômés du supérieur, le taux le plus élevé
des TRE en Europe. L’étude a relevé également que la ma-
jorité de ces membres disposent d’un bon standard de vie
et ne pensent pas à rentrer, ce qui n’est guère surprenant.
Ainsi, nous voyons des Tunisiens Résidant en Suisse désireux
de garder leur domicile en Suisse. Ceux qui ont des affaires en
Tunisie font généralement des allers-retours mais gardent leur
base en Suisse. Néanmoins, l’étude a clairement confirmé
qu’un nombre important de Tunisiens Résidant en Suisse
voulait contribuer au développement de la Tunisie.
Pour moi, la discussion ne devrait pas se focaliser sur le retour mais plutôt sur la manière dont les
Tunisiens Résidant à l’Etranger peuvent être incités à contribuer au développement de la Tunisie,
quelle qu’en soit la modalité.
Nous avons donc réfléchi sur la façon de structurer notre coopération en matière de migration. D’un côté, nous
avons visé à faciliter le retour en dignité de migrants qui n’avaient pas de séjour régulier en Suisse et, d’autre part, de
faciliter la contribution des Tunisiens – et particulièrement des Tunisiens Résidant en Suisse – pour le développement.
En juin 2012, nous avons conclu avec la Tunisie un partenariat migratoire. Il s’agit d’une approche compréhensive et novatrice
permettant de tenir compte non seulement des défis, mais également des opportunités que les migrations présentent.
Permettez-moi d’illustrer cette approche compréhensive
et novatrice de notre partenariat migratoire avec trois
exemples concrets :
1
Pour le retour volontaire de personnes en séjour irrégu-
lier en Suisse, nous avons mis en place, notamment avec
l’OTE et l’OIM, le plus grand programme d’aide au retour
volontaire et à la réintégration suisse depuis dix ans.
Ce programme, mis en oeuvre par l’OIM, a vu la création
de plus de 850 emplois à travers plus de 500 microprojets
approuvés. Durant la phase de réintégration, les parti-
cipants bénéficient d’une assistance dans l’élaboration
de leur plan d’affaires et d’un accompagnement tout au
long du processus de mise en oeuvre du microprojet. Ils
peuvent choisir des projets individuels ou impliquer des
membres de leur communauté. Idéalement, ces micropro-
jets peuvent bénéficier également aux familles des mi-
grants ainsi qu’à leur communauté.
Je suis satisfait de pouvoir me rendre utile et de pouvoir sub-
venir à mes besoins ainsi qu’à ceux de mes deux associés : l’un
est membre de ma famille et l’autre est issu de ma communau-
té. Ils m’aident à vendre mes produits et à nettoyer mon local.
Ce projet m’a permis de créer par conséquent deux emplois et
j’aimerais bien sur le long terme agrandir mon local et recruter
du personnel supplémentaire.
Nabil, un grossiste en produits alimentaires de retour en
Tunisie depuis 2012, et bénéficiaire du programme m’a confié:
En ce qui concerne les migrants du savoir, nous
nous sommes investis à fond dans ce qu’on appelle
« migration et développement », c’est-à-dire des initiatives
qui soutiennent la contribution des migrants de la dias-
pora et des étrangers pour le développement en Tunisie.
2
Le deuxième exemple concerne le projet Communauté
Tunisienne Résidente en Suisse pour le développement
(CTRS) que notre bureau met en oeuvre en partenariat
avec l’OTE, et qui durera jusqu’à fin 2018. Ce projet est en soi
assez novateur puisqu’il s’agit du premier projet de diaspora
compréhensif au monde, mis en oeuvre par la Coopération
suisse avec une équipe en Tunisie.
L’idée de ce projet est partie du constat de la présence de
nombreux Tunisiens Résidant en Suisse hautement qua-
lifiés et attachés à la fois à la Suisse et à la Tunisie. Cette
diaspora est, débordante d’idées et de volonté pour faire
valoir son expérience, ses ressources, ses compétences et
ses connaissances au profit du développement socio-éco-
nomique de la Tunisie. Ce projet a pour objectif d’amélio-
rer la contribution des Tunisiennes et des Tunisiens qui
vivent en Suisse au profit du développement socio-écono-
mique de la Tunisie, notamment à travers le renforcement
de l’accompagnement desTRE de la part de l’OTE principa-
lement. Le projet CTRS prévoit également le soutien à des
microprojets de développement initiés par des associa-
tions de Tunisiens en Suisse. Nous sommes actuellement
en cours de signature de deux microprojets de dévelop-
pement de qualité de la part d’associations de Tunisiens
Résidant en Suisse.
Nous avons aussi conclu des partenariats avec la Chambre
de Commerce et d’Industrie Tuniso-Suisse, avec des insti-
tutions tunisiennes et l’agence ACIM pour inciter des en-
trepreneurs tunisiens résidant en Europe à investir en Tuni-
sie. Je parle ici des dispositifs CTRS Invest et Twensa Invest.
Par rapport à Twensa Invest, sept projets d’entreprenariat
ont été sélectionnés pour être soutenus par le conseil tech-
nique. Au-delà, le projet prévoit des missions de trans-
fert de compétences tunisiennes de Suisse vers la Tunisie.
Cette étude est accessible sur le site www.ctrs.ch.
15
Pour conclure, j’aimerais certes partager l’importance
du retour des migrants du savoir. En même temps,
j’espère aussi que notre discussion tienne compte des
différences entre les Tunisiens Résidant à l’Etranger
dans différents pays pour atteindre l’objectif ultime :
le développement économique de la Tunisie et,
particulièrement, des régions défavorisées. Une promotion
3
Le troisième exemple est l’Accord relatif à l’échange de jeunes professionnels que nous avons conclu avec la Tunisie et
entré en vigueur en août 2014. Cet Accord tient compte des opportunités potentielles qu’un pays francophone comme
la Suisse peut offrir à des jeunes diplômés tunisiens pour être plus compétitifs sans aboutir à une fuite de cerveaux. A tra-
vers l’Accord, jusqu’à 150 jeunes professionnels tunisiens peuvent effectuer un stage de perfectionnement rémunéré en Suisse,
qui peut durer jusqu’à 18 mois et qui leur permettra de retourner en Tunisie avec plus de compétence et de contribuer, à leur
manière, au développement économique de la Tunisie. Nous sommes activement en train de promouvoir l’Accord.
Je suis convaincue de la pertinence de notre
coopération avec les Tunisiens Résidant en
Suisse, qui tient compte de leur intérêt pour
contribuer au développement de la Tuni-
sie sans toutefois nécessiter un retour comme
précondition.
Kais Mabrouk, membre de
l’ATUGE1
(Association des Tuni-
siens des Grandes Ecoles)
1
L’ATUGE est une association à but non lucratif indépendante et apolitique créée en 1990. L’association, représentée à Tunis, à Paris et à Londres, anime un réseau de 4 500
membres issus des grandes écoles d’ingénieurs et de commerce.
Le but de l’ATUGE: faciliter l’accueil en France des élèves Tunisiens dans les classes préparatoires et grandes écoles ; favoriser l’insertion professionnelle et le développement des
carrières de ses membres en Tunisie et en France ; promouvoir esprit d’initiative et d’entrepreneuriat ; promouvoir les échanges et les partenariats économiques entre la Tunisie,
la France et l’espace européen. www.atuge.org
Le mot migration du savoir n’a plus lieu d’être. Je parlerais plutôt de
flux d’intelligence…Aujourd’hui une question se pose : Qu’en est-il de
cette intelligence tunisienne qui existe partout dans le monde ?
Je souhaitais juste, dans un contexte où l’on parle de
mondialisation, revenir sur le mot migration du sa-
voir qui, je pense, n’a plus lieu d’être parce que dans
une globalisation on peut être aujourd’hui en Tunisie et
demain en France. On peut être également en Tunisie
tout en ayant ses intérêts ailleurs. Je parlerais plutôt de
flux d’intelligence et pour créer des flux, les conserver et
les maîtriser, il faut créer des différences de potentiels.
J’ai entendu dire tout à l’heure que le salaire en Tunisie
n’était pas très attirant par rapport à une élite qui vit à
l’étranger. Oui, c’est vrai, mais ce n’est pas seulement en se
basant sur la partie pécuniaire que l’on pense à rentrer, il y a
aussi la vision qui est très importante. Quand on est Tunisien
et que l’on vit à l’étranger, et que l’on sait qu’en Tunisie il y a
une réelle vision, une volonté d’aller à un endroit précis, cela
fait partie des éléments qui nous donnent envie de rentrer et
nous attire.
Je fais partie des jeunes boursiers qui sont partis étudier
à l’étranger. Je suis revenu en Tunisie il y a un an, de ma
propre initiative. Bien que je sois boursier du gouverne-
ment tunisien, bien que j’aie signé une convention par la-
quelle je m’engageais à rentrer une fois mes études termi-
nées ou à rembourser ma bourse dans le cas contraire, en
aucun cas je n’ai été  contacté un jour par l’État ou autres
pour les rembourser. Je suis rentré de mon plein gré, parce
que j’avais envie de rentrer, et la seule structure qui m’a
accompagné, c’est l’ATUGE qui m’a aidé à connaître des
gens, à faire des contacts dans les entreprises en Tunisie.
du retour est opportune pour les migrants du savoir qui disposent de meilleures perspectives en Tunisie. L’offre de stages
de perfectionnement pour des jeunes tunisiens s’inscrit également dans la dynamique de meilleures perspectives en Tunisie
pour le retour.
16
Jusqu’à 1991, les Tunisiens qui faisaient des grandes écoles à l’étranger ont été très sollicités par le gouvernement pour
rentrer, pour les postes de hauts fonctionnaires, et ensuite cela s’est interrompu. Il y a eu une autre politique qui consistait à
encourager les jeunes à s’insérer à l’étranger pour drainer des coopérations et nouer des partenariats. Aujourd’hui c’est une
question qui se pose :
Qu’en est-il de cette intelligence tunisienne qui existe partout dans le monde ?
Je viens de découvrir récemment par hasard qu’un Tunisien travaille à la NASA et est sur le point de lancer un satellite. Je l’ai
découvert accidentellement alors qu’on est censés avoir une base de données des compétences tunisiennes qui nous permet
de savoir ceci.
Alors y a-t-il une base de données qui recense les compétences entrepreneuriales ou scientifiques des Tunisiens dans
le monde ?
Compte rendu de discussion :
Il y a un problème de connaissance du capital humain tunisien à l’étranger.
Il y a, pour les ingénieurs et les docteurs, une opportunité en Tunisie pour travailler.
La question a été posée de savoir s’il était propice pour leTunisien qui travaille à la NASA, de rentrer enTunisie aujourd’hui.
Je dirais non, effectivement. J’appelle cependant à maitriser les flux de migrations, à avoir une connaissance des compé-
tences qui se trouvent à l’étranger et, en fonction des besoins de la politique gouvernementale, à encourager ces cibles.
Je prends un exemple :
Nous avons principalement besoin d’entrepreneurs pour qu’ils puissent stimuler, créer des emplois. Je vais peut-être vous
étonner : savez-vous qu’à Paris, intramuros, il y a 3 500 chefs d’entreprises tunisiens ?
Intramuros, je ne parle pas de la grande ceinture. Et jusqu’à présent, nous ne sommes pas capables de déterminer qui
sont ces entrepreneurs. On a travaillé pendant deux ans avec une association dont je fais partie qui s’appelle le Groupe
des Entrepreneurs et des Investisseurs Tunisiens à l’étranger, et on a encore du mal à atteindre je dirais 50 ou 60% de
cette base de données. Donc il y a un problème de connaissance du capital humain tunisien. Et une fois qu’on aura une
connaissance approfondie de ce capital, on saura à quel moment il est propice d’encourager ce monsieur-là à revenir en
Tunisie.
Ai-je été sollicité quand j’étais à l’étranger pour rentrer en Tunisie ? Oui, j’ai été sollicité par le biais de l’ATUGE par le
groupe Bouebdelli, pour un de leurs établissements, et également par Orange pour un poste proposé à l’époque. Mais je
suis entrepreneur, donc ça ne m’intéressait pas. Cependant, j’avais l’opportunité de revenir dans d’autres circonstances :
vous savez que le Ministère de l’Enseignement Supérieur recrute constamment des maîtres de conférence, et croyez-moi,
des docteurs disponibles en Tunisie, c’est difficile à trouver. J’ai moi-même essayé d’en recruter un l’an dernier, c’est diffi-
cile. Je parle des personnes qui ont le diplôme de doctorat et qui sont à la recherche d’un emploi en Tunisie, il y en a peu.
Alors oui, il y a des opportunités en Tunisie pour travailler. Pour les ingénieurs et les docteurs, il y a une opportunité, mais
est-elle suffisamment attractive aujourd’hui ? Ça, c’est une autre question…
17
Un espace universitaire monidalisé :
Une chance pour la Tunisie ?
La mobilité étudiante Sud-Nord et Sud-Sud depuis le Maghreb :
Quelles évolutions, quels enjeux ?
Sylvie Mazella,
Directrice du laboratoire
méditerranéen de Sociolo-
gie(LAMES), Aix Marseille
Université, CNRS, LAMES
UMR 7305
Les grandes écoles françaises d’ingénieurs jouaient déjà le rôle
de production et de reproduction des élites, avant les Indépen-
dances ; elles le jouent encore aujourd’hui pour une partie des
élites marocaines et tunisiennes( …)le système public continue
à être performant dans le domaine des sciences dures et à pro-
duire des étudiants de haut niveau dont une part, à l’instigation
des autorités nationales, va poursuivre ou parfaire ses études à
l’étranger.
Dans le cadre de la table ronde «  Un
espace universitaire mondialisé  : une
chance pour la Tunisie ? » organisée par
France Terre d’asile et la Maison du droit et
des migrations à Tunis. Je reviendrai briè-
vement sur l’évolution de la politique
d’accueild’étudiantsétrangersenFrance
durant ces dernières décennies, et la re-
placerai dans un contexte mondialisé de
migration sélective et concurrentielle.
Dans un second temps, j’insisterai sur l’importance de déplacer le regard vers les
pays du Maghreb. Regarder ce qui se passe dans les pays du Maghreb, permet de
mieux comprendre l’évolution les politiques de gestion des pays d’accueil qui se
sont diversifiés et se sont renforcés depuis les pays d’origine. Regarder ce qui se
passe au Maghreb permet de comprendre les réponses politiques que ces pays ap-
portent à l’injonction mondialisée de transformation universitaire, et de mieux situer
ces réponses dans l’histoire nationale universitaire de ces pays. Cela permet aussi de
comprendre les mobilités étudiantes Sud-Sud à l’échelle de l’Afrique et du monde
arabe, qui sont moins dominantes et beaucoup moins connues, alors qu’elles sont
pourtant existantes depuis longtemps, et qu’elles prennent dans le contexte actuel
une tournure nouvelle1
.
Une mobilité étudiante maghrébine tournée historiquement vers la France
Le flux des étudiants maghrébins va majoritairement du Sud vers le Nord, vers l’Europe, et en particulier vers la France qui
reste de loin le premier pays d’accueil des étudiants maghrébins, même si ces dernières années des enquêtes ont montré une
diversification des parcours , vers l’Allemagne, les pays de l’Est, vers l’Espagne, le Royaume uni et vers le Canada. La France
continue à recevoir 67 % des étudiants de cette région.
Sur les 260 000 étudiants étrangers en France (ce qui représente plus de 11 % de la population étudiante), la moitié des effectifs
des étudiants étrangers vient de l’Afrique, dont près de 30 % du Maghreb.
1
Cette communication s’appuie sur des recherches empiriques menées individuellement et collectivement depuis 2005, en France, et dans trois pays du Maghreb Algérie, Tuni-
sie, Maroc. Je m’appuierai en particulier sur les résultats d’une enquête collective que j’ai dirigée durant 4 ans entre 2005 et 2009. Cette recherche a regroupé une vingtaine de
chercheurs algériens, marocains, tunisiens et français. Elle a abouti à la publication d’un ouvrage  La mondialisation étudiante. Le Maghreb entre le Nord et le Sud, Karthala/IRMC.
18
Les politiques françaises font et défont en bonne partie la mobilité pour études et l’orientent dans le sens soit d’une mobilité
provisoire soit d’une immigration plus pérenne selon les époques, privilégiant tantôt la fermeture tantôt l’ouverture.
Historiquement, la demande étran-
gère de formation en France re-
monte au lendemain de l’indépendance.
La France a favorisé cette demande. Elle
voyait dans la formation de cette jeu-
nesse post indépendance l’occasion
maintenir son rayonnement culturel
dans les cursus universitaires des étu-
diants du Sud. Pour s’inscrire à l’univer-
sité, il suffisait de fournir une attestation
d’équivalence du diplôme ou une attes-
tation des autorités du pays d’origine
certifiant que le diplôme permettait de
s’inscrire dans les facultés du pays d’ac-
cueil. Cette inscription donnait droit à
une carte de séjour temporaire renou-
velable.
Les années 1970, marquent un premier
tournant :
la vieille logique de rayonnement cultu-
relle de la francophonie et de politique
d’aide au développement est intégrée
à une politique de « maîtrise » voire de
réduction drastique de l’immigration.
On introduit l’idée d’une réciprocité des
avantages. Un certain nombre de rap-
ports et de circulaire vont dans le sens
d’un durcissement des procédures
d’accueil, afin de limiter un « risque mi-
gratoire »
Ala fin des années 1990, cette poli-
tique d’accueil se modifie à la faveur
de la constitution d’un marché mondial
de la formation, où il s’agit désormais de
conquérir des parts de marchés. Nombre
de rapport dans cette période cherche à
analyser comment la France et son sys-
tème d’enseignement supérieur doivent
se positionner par rapport au marché
mondial de la formation, et interroge
la finalité de la politique d’accueil des
étudiants en France. De 1998 à 2003,
On assiste à une politique d’ouverture
et d’accueil des étudiants étrangers  ;
il s’agit d’atteindre quantitativement
un seuil situant la France au palmarès
des premiers pays d’accueil d’étudiants
étrangers le monde.
Apartir de 2003, le seuil d’étudiant étrangers ayant été atteints, l’objectif est désormais est de favoriser la venue des meilleurs
et de contribuer par les allers et retours au co-developpement du pays d’origine et du pays d’accueil. La notion d’immigra-
tion choisie est employée, notamment dans le discours du premier ministre Dominique De Villepin en 2006 « aujourd’hui
nous ouvrons la voie d’une immigration choisie » (allocution du premier ministre du 9 .02 .2006 au comité interministériel de
contrôle de l’immigration).
Au-delà de la politique française, tous
les analystes s’accordent à dire que le
paysage de l’enseignement supérieur
s’est profondément modifié depuis la fin
1990.
l’Organisation mondiale du commerce décline pour la première fois en 1998 la liste
des barrières qui entravent le libre échange des services d'éducation dans le monde
parmi lesquelles : le monopole d'Etat, la limitation à la circulation, le contrôle des
changes et le refus d'assistance financière aux établissements privés.
Toute une lexicologie est
présente dans les déclarations,
les rapports, les médias :
On parle désormais de "marché
du service de l'ES", "d'économie
du savoir", "de gouvernance
autonome de l'université", de
démarche qualité de l'université
dans le sens mieux adaptée
aux besoins du
marché de l’emploi.
Quatre grandes phases depuis les indépendances se dégagent :
1998 : une date charnière dans la réforme de l’enseignement supérieur
La déclaration de la Sorbonne marquera en Europe la première étape d'un long
processus communément appelé le processus de Bologne (LMD) : adoption d’un
système de diplôme facile et comparable la promotion de la libre circulation des
étudiants et des enseignants ; promotion à l’échelle européenne de l’évolution de la
qualité de l’enseignement (classements, palmarès des universités…).
Depuis la fin des années 1990, l’enseignement supérieur connaît ainsi partout
dans le monde, de profonds bouleversements : le marché de la formation se diver-
sifie avec la densification des échanges universitaires, la mise en place de nouvelles
modalités de coopération scientifique, l’insertion de l'enseignement supérieur dans
la réorganisation du commerce mondial (Accord Général sur le Commerce des Ser-
vices), et avec l’ouverture vers le privé et l’utilisation de nouveaux critère de gestion
et d’évaluation des établissements universitaires.
De nouveaux modes de certification et de nouveau outils d'évaluation se créent :
depuis 2003, on assiste à l’établissement d’un classement annuel des meilleures
universités dans le monde par l'université de Shangaï et à la multiplication de clas-
sements nationaux via la création de centres de développement de l'enseigne-
ment supérieur (comme en Allemagne) ou de cabinets de conseils d'orientation (en
France le cabinet SMBG) qui élaborent un classement national des meilleures uni-
versités largement diffusé par de puissants organismes de presse.
19
Dans ce contexte de réformes, quelle est la position et la réponse du Maghreb ?
Les pays du Maghreb cherchent à répondre à deux difficulté : se positionner dans un contexte de mondialisation de
l’économie de la connaissance dont ils ne veulent pas être les exclus ; et sortir de la crise des systèmes universitaires
nationaux qui ne participent plus de l’ascenseur social et constituent même un des viviers du chômage.
Depuis la fin des années 1980, les diplômés vivent une période de crise de débouchés due à la poussée démographique du
système universitaire maghrébin et à une saturation de la Fonction publique et qui ne peut plus assurer comme par le passé
un poste de cadre à ces diplômés (dans les années 1960 et 1970).Ce sont les jeunes diplômés qui sont le plus touchés par le
chômage parmi l’ensemble des jeunes. Les taux de chômeurs diplômés parmi les chômeurs avoisinant les 20%.
Ces pays tentent de trouver des solutions de différentes
manières :
- à travers l’adoption du LMD dans leur système universitaire ;
- en envoyant leurs meilleurs étudiants se former à l’étranger ;
- à travers l’utilisation et la multiplication du double diplôme
en lien avec une université étrangère ;
- à travers la création de filière professionnelle dans le public
et la création d’un secteur privé de l’enseignement supérieur
dans les années 2000.
Les Etats du Maghreb sont depuis longtemps des lieux de formation où circulent les étudiants maghrébins, et ils sont
de plus en plus aujourd’hui pays d’accueil et “ producteurs ” d’une migration subsaharienne diplômée. Les étudiants
qui partent pour des destinations maghrébines cherchent souvent à contourner les orientations autoritaires de systèmes na-
tionaux d’orientation rigides qui autorisent ou barrent certaines filières en fonction des résultats obtenus dans le secondaire.
Malgré une crise universitaire et plus
largement économique, ces pays continuent de
proposer des formations de
qualité, surtout en Tunisie et au Maroc.
Nos études montrent qu’il existe une véritable
offre universitaire de proximité à l’échelle
intra-maghrébine et intra-africaine.
Une offre universitaire à l’échelle intra-maghrébine et intra-africaine :
Une autre enquête a pu mettre en
évidence un profil d’étudiants (et d’étu-
diantes), issus des milieux très aisés de
haut responsables politiques mauri-
taniens ou des chefs d’entreprise, qui
viennent se former en Tunisie dans des
filières d’économie et de gestion néces-
saires à la bonne reprise d’une entre-
prise familiale à leur retour.
Les enquêtes menées dans le cadre d’une recherche collective soulignent qu’au
point de départ des étudiants maghrébins ou arabes optant pour une destination
maghrébine, il y aurait le projet collectif : celui d’une famille ayant un capital éco-
nomico-professionnel à transmettre. Sans pour autant viser à tout prix l’excellence
scolaire, ces familles aisées ont besoin que leurs enfants obtiennent les diplômes
nécessaires, valorisés et reconnus, qui leur permettront de reprendre et de faire fruc-
tifier le capital familial. Une étude sur les étudiants marocains en Tunisie dans la
filière des sciences médicales montre des jeunes gens (fils et filles de médecins ou
dentistes pour la plupart) qui ont bien intégré cette stratégie familiale et qui se pro-
jettent d’ores et déjà dans le mode de vie d’une classe économiquement dominante
dans leur pays.
Ces étudiants étrangers souhaitent rentrer chez eux au terme de leur cursus ; les entretiens font explicitement état d’un
découplageentreprojetd’étudeetprojetmigratoire.D’unepart,parcequelesconditionssocio-économiques(etlalégis-
lationdumarchédel’emploidanslespaysduMaghreb)neleurpermettentpasd’envisageruneinstallationdéfinitivesur
place;d’autrepart,parcequeleretoursembleêtreunepartieintégranted’unprojetprofessionnelélaboréparlafamille.
On n’est pas dans le cas d’une fuite des cerveaux.
Les étudiants subsahariens au Maghreb sont en augmentation depuis une quinzaine d’années dans les établissements supé-
rieurs privés. Dans certains de ces établissements, les étudiants étrangers représentent près du tiers, voire pour certains établis-
sement près de la moitié de leur effectif total, et 80% d’entre eux viennent des pays de l’Afrique subsaharienne (parmi eux des
Gabonais, Ivoirien, Camerounais, Maliens).
Il ressort des enquêtes de terrain que la Tunisie est vu par ces étudiants subsahariens
comme une alternative à l’Europe : une terre de formation aux filières diversifiées dans le
public et dans le privé, où on y trouve des établissements qui ont adopté les normes du sys-
tème éducatif européen LMD, et enfin une terre de formation où les Etat encourage l’accueil
des étudiants subsahariens, dès le premier cycle.
On constate que des familles de cadres supérieurs des pays africains, et même une frange de la classe moyenne supérieure
de ces pays, choisissent la voie de la formation privée payante au Maghreb. Cette voie permet à leurs enfants l’accès à une
formation supérieure plus diversifiée qui était difficile jusqu’alors, en dehors du quota de bourses délivré par les ministères de
l’Enseignement supérieur public, mais qui se fait au prix d’un fort investissement financier pour les non boursiers de ces pays
(endettement des étudiants et de leurs parents)
L’enjeu est de jouer au Maghreb, à l’échelle
Sud-Sud au niveau de l’Afrique, le transfert de
compétences qui se joue aujourd’hui
au niveau Sud-Nord à l’échelle du monde.
Mais cette volonté d’attraction ne se
réalisera pas pas sans la mise en œuvre au
Maghreb d’une réforme d’une politique
d’immigration plus souple et moins
suspicieuse envers les étudiants
subsahariens
Parmi les établissements supérieurs privés nationaux, on
trouve ceux issus de la formation professionnelle privée dont
l’actionnaire majoritaire est familial.
Leurs directeurs défendent une logique quantitative de
développement commercial et de rentabilité. Ce sont ces
établissements qui accueillent le plus d’étudiants étran-
gers. Leurs directeurs cherchent à détourner à leur profit
le marché de formation que représente l’augmentation
de la demande sociale des étudiants subsahariens. Ils ont
multiplié, durant les dix dernières années, les formes d’ac-
cord avec les établissements privés et publics des pays de
l’Afrique francophone.
Création de différents types d’établissements supérieurs privés au Maghreb
Un deuxième type d’établissements revendique la continuité
d’une mission publique dans le privé. Les actionnaires de ces
établissements privés sont constitués d’entreprises privées,
et d’un regroupement d’enseignants et d’experts issus de la
diaspora scientifique maghrébine qui cherche à garantir l’ex-
cellence de ces établissements par sa notoriété et son réseau.
On y retrouve les figures emblématiques de ces hommes et
femmes qui ont défendu activement la création de filières
d’excellence scientifiques et techniques du secteur public des
années 1990.
La création d’établissements supérieurs privés peut prendre
une forme encore plus politique (engageant un partenariat
entre les hautes instances des pays concernés), avec la créa-
tion d’établissements privés (ou semi-publics) de droit tuni-
sien, autofinancés par les frais d’inscription et délivrant des
diplômes français et nationaux dans le cadre d’une double
diplomation. C’est ce type de création d’établissements qui se
rapproche le plus de ce qui appelé Campus offshore dans les
analyses de l’OCDE. Dans ce cas, l’université étrangère associés
n’est pas actionnaires majoritaires du foncier (établissement
et logements étudiants, terrain), et les diplômes délivrés sont
nationaux et étrangers avec le plus souvent la mise en place
d’un enseignement en binôme entre enseignants natio-
naux et étrangers. Les projets les plus avancés au Maghreb,
lancés en 2009, sont liés à la France, soit sous la forme d’un
consortium d’établissements transnational2
soit sous la forme
d’importation d’un label d’établissement français.
Ainsi, le projet Institut Tunis Dauphine (ITD) ouvert en
2009 - cas inédit en Afrique de délocalisation universitaire
étrangère - a été encouragé par les autorités tunisiennes
et françaises.
Les établissements supérieurs privés qui se sont développés ces quinze dernières années, en particulier en Tunisie et au Maroc,
s’appuient sur la demande sociale des étudiants subsahariens pour revendiquer leur développement et leur rayonnement à
l’échelle de l’Afrique.
2
C’est le cas de l'Université Internationale de Rabat créée sous la forme d’un consortium académique, et qui a été soutenu par l’ambassadeur du Maroc en France et le PDG de
Vivendi. La construction de ce vaste campus de 20 hectares dans la future Technopolis de Rabat figure parmi les premiers projets soutenus par l’Union pour la Méditerranée
(UPM).La France a par ailleurs favorisé ce type d’initiative au Caire, à Abou Dahbi, au Vietnam.
Conclusion
Deux configurations principales semblent se dégager dans les
mobilités Sud-Sud à l'échelle de l'Afrique. Celle déterminée par
le mouvement intra-maghrébin, horizontale et homogène, qui
dessine une offre universitaire diversifiée de proximité ; et celle
du mouvement Sud-Nord intra-africain, verticale et hiérarchisée
qui semble suivre le modèle international Sud-Nord du transfert
de compétences, au niveau de l’Afrique.
Reste que cette libéralisation claire de l’enseignement supé-
rieur qui va dans le sens de la pression des grands bailleurs de
fonds internationaux (FMI, Banque mondiale, Agence française
de développement)  est un peu particulière. Elle ne s’est pas
faite ces dix dernières années au Maghreb sans le contrôle de
l’État. Les États maghrébins ne souhaitent pas lâcher la bride par
laquelle ils contrôlent le système national de formation. On ne
se trouve pas en Tunisie dans le cas d’une logique de décharge
de l’Etat.
On reste dans un régime qui contrôle, à travers l’autorisation
d’agréments pour l’ouverture ou non d’établissement privé, à
travers la délivrance ou non des accréditations en licence et
en master. On assiste plutôt à une imbrication de logiques
publiques et privées dans le fonctionnement de ces établisse-
ments. Des logiques marchandes et de gestion entrepreneuriale
nationales et internationales s’imbriquent à des logiques d’ins-
titutions publiques et de service public, voire d’esprit civique et
citoyen dans un contexte post révolutionnaire. D’un autre côté,
l’État en Tunisie (et au Maroc) cherche à renforcer via le privé le
nouveau dessein que ces pays se donnent : celui d’être des pays
producteur de diplômés pour le reste de l’Afrique.
La présence de ces étudiants subsahariens a des retom-
bées dans la société d’accueil maghrébine, non seule-
ment culturelles et économiques mais aussi politiques.
Elle n’est pas sans effet sur certaines orientations des
politiques publiques d’enseignement supérieur et d’im-
migration. Le Maghreb, à l’instar des pays européens,
applique à sa mesure une politique d’immigration choisie.
En même temps que les pays de cette région s’ouvrent «
au bon » étudiant, boursier d’État ou économiquement
solvable, ils réprimandent sévèrement celui qui devient
«  clandestin  » à la suite par exemple d’échecs dans sa
trajectoire d’études ou de retard dans le paiement
trimestriel de ses frais d’inscription dans un établissement
privé.
21
Quels effets de l’internationalisation du savoir sur les mobilités au
sein de l’espace francophone – essentiellement Afrique et Maghreb ?
Kaies Samet, Maître-as-
sistant de l’enseignement
supérieur en sciences
économiques, ISG Gabès,
Unité de recherche en
économie du développe-
ment (URED), FSEG Sfax
Résumé de l’intervention
Le nombre de compétences tunisiennes, notamment les enseignants et chercheurs des deux sexes, qui fuit vers l’étranger est
de plus en plus important. La Tunisie a pu en tirer profit (option retour et option diaspora) avant la révolution, montrant ainsi
que la fuite de cerveaux ne devait pas toujours être considérée comme un fléau.
Dans une période post-révolutionnaire, la Tunisie, en tant que pays d’origine, pourrait bénéficier de tous ses cadres sur le plan
économique et ce quel que soit leur pays hôte, dans le moyen et surtout dans le long terme. Sur le court terme, c’est-à-dire
en 2012, l’évolution du nombre de compétences tunisiennes à l’étranger, bien qu’il n’ait pas été très important, prouve que la
période transitoire qu’a connue la Tunisie, avec un climat caractérisé surtout par l’insécurité et l’instabilité politique, n’était
pas encore favorable à une rétention des cadres tunisiens. Ce même climat n’était pas non plus stimulant pour le « gain » de
cerveaux.
Il faut attendre le long terme et l’amélioration probable de la situation politique et économique en Tunisie (stabilité politique,
absence de corruption, environnement concurrentiel, transparence, etc.) c'est-à-dire un nouvel environnement démocratique,
pour envisager le « gain » de cerveaux comme un véritable canal de transfert de technologie du Nord vers laTunisie et, pourquoi
pas, comme un véritable substitut aux canaux de transfert international de technologie traditionnellement reconnus, à savoir le
commerce international, le commerce intra-branche et les investissements directs étrangers.
Sadok Ben Hadj Hassine ,
Expert de l’Union générale
tunisienne du travail, dé-
partement arabe, Interna-
tional et Migrations
Il y a une sélectivité
exagérée qui est pratiquée
par les pays du Nord quant
aux étudiants qui sont
formés, une sélectivité
orientée vers certaines
spécialités d'ingénierie,
scientifiques, de recherche
aux dépens d'autres.
Votre séminaire coïncide avec une conférence de presse que nous venons de tenir
ce matin. Nous avons protesté et nous avons exprimé nos préoccupations quant à
l'absence d'intégration des questions migratoires dans la stratégie du gouverne-
ment, et également quant à l'absence de structure gouvernementale qui s'occupe
de cette question multidimensionnelle qui concerne les Tunisiens, les Africains, les
Libyens, les Maghrébins. J'ose espérer que nos préoccupations seront écoutées dans
le cadre du programme du gouvernement et des structures gouvernementales.
Maintenant, on m'a demandé de vous mettre au courant de l'impact et des
modalités de la migration. Comment peut-on parler de l’impact et des modalités
de la migration des Tunisiens, des cadres tunisiens vers l’espace francophone
en Tunisie, si l’on n’a pas de stratégie de migration.
22
Néanmoins, nous avons des moda-
lités. Nous nous sommes ce matin en-
tretenu du cadre des modalités d'or-
ganisation d'immigration, des accords
bilatéraux, des accords multilatéraux.
Je voudrais maintenant faire une petite
référence à l'accord de partenariat pour
la mobilité entre la Tunisie et l'Union
Européenne. Cet accord a été signé par
le gouvernement tunisien sans consul-
tation de la société civile, ce que nous
avons dénoncé. Et, actuellement, des
négociations sont en cours pour voir
les modalités d'association de la socié-
té civile pour la mise en œuvre de ce
partenariat de mobilité entre la Tuni-
sie et l'Union Européenne. Nous avons
également des accords entre les uni-
versités, de coopération, de placement
et d’échange. On a aussi des accords
avec certains pays pour le placement
des cadres, dans le cadre d'une coopé-
ration triangulaire, il s’agit d'accords
bilatéraux, multilatéraux et d'accords
entre les institutions existantes. Je vou-
drais préciser que ces accords devraient
faire l'objet de révision et d'actualisa-
tion, bien que certains aient été actua-
lisés, par exemple en 2014, celui entre
l'OFII (Office français de l’Immigration
et de l’Intégration) et l'ANETI (Agence
Nationale pour l’Emploi et le Travail In-
dépendant). Les accords universitaires
devraient également faire l'objet d'une
révision. Nous avons des acteurs aussi,
le marché, l'environnement est animé
par des acteurs qui gèrent cette ques-
tion des migrations et je ne peux pas
parler de mobilité. Parce que si on parle
de mobilité, c'est plus flexible, mais une
migration dans un cadre de respect des
droits est beaucoup plus cohérente et
coïncide avec nos objectifs. Nous, Tuni-
siens, nous avons des institutions, oui il
y a l'ANETI, l'ATCT (AgenceTunisienne de
Coopération Technique), le ministère de
l'emploi, les agences privées de place-
ment de cadres aussi, suite à la révision
de la loi 1975 concernant le placement
des cadres que l'UGTT (Union générale
tunisienne du travail) a dénoncé.
Aussi, nous constatons que ces agences dévient de leurs missions :
nous avons des entreprises multinationales et des investisseurs étrangers
des pays européens qui, bien que nous disposions de cadres similaires,
recrutent des experts et des cadres étrangers pour gérer ces investisse-
ments. Normalement, les pays du Nord devraient être plus solidaires avec
nous pour accepter, encourager et promouvoir l'emploi des compétences
tunisiennes dans le cas de ces projets d'investissements. Nous avons des
bureaux d'études, pourtant nous sommes envahis aussi par des bureaux
du Nord qui font tout, du brain-drain, de l'investissement, et qui sont sou-
vent, je ne dis pas hors la loi, je ne parle pas non plus de la traite, mais on
constate des déviations par rapport aux droits humains.
Il y a également une société civile qui est très
active et un programme de volontariat qui mo-
bilise également les cadres et qui anime cette
mobilité ou cette immigration classée, avec le
système de placement des universités et les par-
rainages. Mais là, en plus des accords et des insti-
tutions et des modalités, nous avons également
un système de production de connaissances
et de compétences qui favorise l'inadéquation
entre ce qui produit et les besoins du marché du
travail que ce soit national ou international.
Pour ceux qui posent la grande question de la rentabilité du système de formation et du système d'éducation et d'enseigne-
ment supérieur par rapport à l'investissement qui est fait au niveau national ou au niveau de la famille, je rappelle que nous
avons à peu près 250 000 chômeurs diplômés. Avec une porte de sortie annuelle de 70.000 à 80.000 ceux avec un taux de
placement des cadres qui ne dépasse pas par an depuis la révolution, les 30.000 en plus des recrutements qui sont faits par la
fonction publique.
Nous avons besoin d'une grande réforme de l'enseignement supérieur pour faire en sorte que notre système, qui fait par-
tie de l'ancienne machine, puisse reprendre son rayonnement, sa reconnaissance à l'étranger et son efficacité. Nous vivons
également dans un système où il y a beaucoup de restrictions. Il y a une crise économique au Nord, il y a des restrictions
à l'immigration et on parle maintenant de visites de courtes durées, d'échanges scientifiques, d'échanges de boursiers,
et des restrictions même aux petits placements. Mais il y a également des restrictions quant aux étudiants qui sont for-
més, et une sélectivité exagérée qui est pratiquée par les pays du Nord, une sélectivité orientée vers certaines spécialités
d'ingénierie, scientifiques, de recherches aux dépens d'autres. Alors que les autres sont obligés, à la fin du diplôme, de quitter le
pays : vous avez terminé vos études, vous partez chez vous, on peut vous aider à monter un projet mais vous partez chez vous,
nous n'avons pas besoin de X personnes.
La Tunisie est devenue maintenant une plate-forme de transit et une plate-forme d'information.
Nous en sommes fiers, et à l'UGTT nous défendons les droits de nos frères africains, le droit à l'em-
ploi, le droit à une vie digne et le droit à l'intégration, aussi, le droit au retour, s'ils veulent rentrer
chez eux et nous avons besoin de voir une législation dans ce sens.
Actuellement, nous sommes en période de gestation de réforme de l'enseignement supérieur, de réforme de l'éducation, en
phase d'une préparation d'une stratégie de l'emploi, de réforme du marché du travail, on n'a pas non plus de cadre législatif du
droit d'asile, ni une législation avancée respectueuse des droits en matière d'emploi des étrangers.
Donc comment peut-on parler de stratégie dans ce contexte ?
23
Quelle place occupe laTunisie dans la compétition ou dans
cette mobilité et cette immigration ?
La Tunisie occupe une place limitée. Il y a des ténors main-
tenant qui dominent le marché des compétences et des
connaissances, si je peux appeler marché, le monde des
connaissances. Les pays comme l'Inde, la Chine et en géné-
ral l'Asie, ont développé des plateformes très puissantes et
qui jouent des rôles très importants dans cette compétition
et dans le placement des compétences. Pour la Tunisie, il
y a une polarisation, nous avons une politique qui n'est pas
diversifiée, qui est polarisée vers la France et les pays arabes,
c'est une politique qui est axée sur l'élément masculin.
90% des compétences sont de sexe masculin, donc il y a
une absence à la participation de la femme, les qualifi-
cations également sont de placement à l'étranger, sur-
tout concentrées au niveau de l'enseignement et des
compétences d'enseignement, l'ingénierie, la recherche
et la médecine.
Nous constatons une augmentation des flux :
en 2003, 20 000 compétences à l'étranger et en 2007, ce
chiffre a grimpé à 53 000. Mais ne vous en faites pas, depuis
la révolution et avant, depuis 2007, ce flux a complètement
baissé. Nous sommes en train de vivre maintenant, à cause
des politiques de restrictions et de fermeture, une stabilisation
de cet effectif. Donc le contexte actuellement, un contexte
international, n'est pas favorable à la prospection, à la promo-
tion du placement de l'immigration des compétences alors
qu’il y a des propositions pour dynamiser ce processus. On
va venir à ça, il y a également des propositions pour accroître
cette mobilité ou développer le processus d'immigration de
compétence dans le cadre d'un échange gagnant-gagnant,
nous devons agir dans les deux sens, du côté tunisien et
également du côté des pays francophones.
Je rappelle que pourcentage de placement en Afrique ne
dépasse pas les 10% de nos compétences.
Discussion :
Améliorer un système inégalitaire :
Je pense qu'il faudrait s'inscrire sur une piste de révision des
cahiers de charges de l'établissement de l'enseignement
supérieur pour voir ce que l’on choisit, l'intérêt général,
l'enseignement, la promotion de la recherche scientifique et
technologique ou si l’on choisit le capital et le gain.
Il y a des choses qu'il faut clarifier. Le ministère doit s'ins-
crire dans une démarche de normalisation et dans une
démarche de qualité. C'est nécessaire pour la renommée de
notre système d'enseignement supérieur.
Certes, nous avons des écoles prestigieuses qui forment des
candidats pour le concours des grandes écoles, nous avons
certaines filières technologiques qui sont également presti-
gieuses, mais il y a beaucoup à faire dans le secteur privé. Et
là je précise en partenariat avec nos amis du Nord parce qu'ils
sont impliqués dans ce système.
Un diplômé tunisien est confronté, une fois qu'il est sur
place à plusieurs problèmes :
problème de normalisation, problème de
reconnaissance, problème d'intégration, d'examen
et de test.
Prenons l'exemple des médecins, il y a un problème de
salaire. Un médecin diplômé, qui est docteur en Tunisie,
débarque en France. On lui dit non, vous devez refaire un
certain nombre de tests et d'examens. S’il veut accéder
directement à un emploi, il est affecté à des filières où il sera
moins bien rémunéré que son collègue français. Il y a une
disparité de salaire selon l’origine de votre diplôme, français
ou tunisien. Si vous prenez deux Tunisiens, un diplômé en
France et l’autre venu tardivement en France avec un diplôme
tunisien, et bien le premier à moins de chance - surtout pour
certaines spécialités- de tomber dans le chômage.
Les études le montrent, le Tunisien qui a fait ses
études de licence et master en Tunisie et qui
est allé parfaire sa formation ou suivre un stage a
beaucoup de difficulté pour s'intégrer dans le cadre du
marché du travail en France ou dans d'autres pays.
Et il est soumis à un
certain nombre de réglementations et de
conditionnalités.
En ce qui concerne les difficultés qui ont été mentionnées
pour les étudiants étrangers, moi personnellement, je vous
conseille de vous organiser et de construire des partenariats
avec les organisations estudiantines tunisiennes. Il faudrait
également que les ministères représentés par certains d’entre
vous dans le cadre de ce colloque, se mettent d'accord.
Il faudrait que les ministères concernés aussi soient à l'écoute
de ces conditions. Nous trouvons que c'est regrettable de voir
que nos frères africains vivent dans des conditions que nous
condamnons ailleurs, au Nord, donc il faudrait qu'on tienne
le même langage en défendant nos ressortissants en Europe.
Nous vous défendons également, en ce qui concerne les
accords de migration circulaire, ces accords concernant
les étudiants tunisiens qui sont ici. Et pour ce qui est de la
question d'employabilité, elle s'est posée auparavant, en
effet, avec le directeur général de la main-d’œuvre étrangère
et lors d'un séminaire où on a eu un petit échange concer-
nant l'emploi de nos frères africains en Tunisie, d'une façon
surtoutirrégulièreetillégale,etdel'absencedesdroitspourles
travailleurs qui sont employés dans pas mal d'entreprise.
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Les actes de tunis : les migrations de la connaissance dans l'espace francophone

  • 1.
  • 2. 2 Sommaire Introduction La participation des ressortissants tunisiens à l’expansion de l’économie de la connaissance au sein de l’espace francophone - Ahmed Messaoudi, Responsable, Bureau de l’émigration et de la main d’œuvre étrangère, ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi - Lasaad Labidi, Directeur de l’Office des Tunisiens de l’étranger, ministère des Affaires sociales - Borni Salhi, Directeur général de l’Agence tunisienne de Coopération Technique - Barbara Dätwyler Scheuer, Directrice de coopération, Ambassade de Suisse en Tunisie - Kais Mabrouk, Membre de l’association des Tunisiens des Grandes école, Directeur général de First TV - Sylvie Mazella, Directrice du laboratoire méditerranéen de Sociologie (LAMES, AMU, CNRS) - Kaies Samet, Maître-assistant de l’enseignement supérieur en sciences économiques, ISG Gabès, Unité de recherche en économie du développement (URED), FSEG Sfax - Sadok Ben Hadj Hassine, Expert de l’Union générale tunisienne du travail, département arabe, International et Migrations - Chiheb Bouden, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique - Modibo Dagnon, Président du Haut Conseil des Maliens de Tunisie et ancien président de l’Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie Le retour des migrants de savoir : Quelles dynamiques de réinsertion dans l’économie nationale ? Un espace universitaire mondialisé : une chance pour la Tunisie ? Quels effets de l’internationalisation du savoir sur les mobilités au sein de l’espace francophone – essentiellement Afrique et Maghreb ? Quelles politiques universitaires en Tunisie pour encadrer la mondialisation du savoir ? Quels outils pour promouvoir les migrations de la connaissance au sein de l’espace francophone à partir de la Tunisie ? Modalités et impact de l’émigration de savoir tunisienne au sein de l’espace francophone - Malek Kochlef, Directeur de la coopération bilatérale et avec l'Union Européenne, ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique, des Technologies de l’information et de la Communication - Mona Laroussi, Directrice exécutive, Institut de la Francophonie pour l’ingénierie de la connaissance et la formation à distance - Essaied Laatar, Directeur Général de l’Université Méditerranéenne Libre de Tunisie - Jacques Attali, Economiste, écrivain, conseiller d’état honoraire, auteur du rapport « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable ». - Pouria Amirshahi, Député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, auteur du rapport de la mission d’information parlementaire « pour une ambition francophone ». - Etienne Alingue, Directeur de la francophonie économique, au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) Le débat continue avec : - Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile - François Gouyette, Ambassadeur de France en Tunisie - Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile 3 - 7 8 -16 17-28 28-34 34-38 38 -39Conclusion ......................................................................................................................................................................... ............................................................................................................................ ................................................................ ......................................................................................................................................... ........................................................................................................................................ ...........................................................................................................................................................................
  • 3. 3 Introduction François Gouyette, Ambassadeur de France C’est là l’originalité et la spécificité de l’expérience tunisienne en matière d’éducation depuis l’indépendance : un ancrage dans la langue arabe d’un côté et, de l’autre, une ouverture sur les langues et les civilisations étrangères qui, j’en suis convaincu, donne de nombreux atouts à la Tunisie pour s’insérer dans l’économie mondiale. En effet, dans un avenir proche, avec 750 millions de locu- teurs, l’espace francophone est amené à devenir le 4ème espace géolinguistique après l’anglais, le chinois et l’hindi. L’importance croissante de l’économie de la connaissance, de la diffusion et de l’utilisation des savoirs dans le processus de développement économique n’est plus à démontrer. Quels sont les contours de l’économie de la connaissance, un concept désormais largement utilisé, mais qui n’est pas facile à cerner ? Quels sont le potentiel et la place de l’espace francophone, notamment des pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb  dans cette nouvelle façon d’appréhender l’économie et le développement ? Quels sont les mécanismes de production, d’utilisation et surtout de diffusion du savoir dans les pays concernés ? Quels rôles les migrations jouent-elles dans l’évolution et le progrès de cette économie de la connaissance ? Autant de questions qui seront abordées lors de vos échanges. Le choix de la Tunisie pour tenir ce colloque n’est pas un hasard : La Tunisie est en effet un pays qui, de longue date, a misé sur l’éducation et la diffusion des savoirs pour porter son déve- loppement national – nous avons tous en tête la priorité don- née à l’éducation par Habib Bourguiba qui y voyait la clé de l’émancipation individuelle et de la modernisation sociale et économique. Faut-il également rappeler que la Zitouna, fondée au 8ème siècle, est sans doute la plus ancienne institution d’enseignement du monde arabe, et invoquer les mânes d’Ibn Khaldoun qui, dès le 14ème siècle, a développé une pensée profondément moderne qui en fait un précurseur de la sociologie et de la science historique d’aujourd’hui ? La Tunisie est aussi un pays qui, au centre la Méditerranée, est à la croisée géographique de plusieurs mondes, Europe, Afrique, Monde arabe, et se trouve au cœur des probléma- tiques liées aux migrations. C’est enfin un pays qui a, dès l’indépendance, choisi de faire fructifier l’héritage francophone parallèlement à un ancrage fort dans son identité arabe et arabophone, montrant la voie de l’avenir, qui, je crois, ne peut être que plurilingue et fondé sur une conversation à mener de manière sereine entre les héritages, identités et savoirs véhiculés en plusieurs langues. La Tunisie appartient ainsi, depuis sa fondation, à l’organisa- tion de la francophonie, conçue comme un espace politique humaniste. C’est, en effet, son premier président, Habib Bour- guiba qui fut, au lendemain de l’indépendance, l’un des trois chefs de file africains à avoir fondé l’Organisation des États francophones, à côté du Président Léopold Sédar Senghor. la création d'une communauté de langue française [...] exprime le besoin de notre époque, où l'homme, menacé par le progrès scienti- fique dont il est l'auteur, veut construire un nouvel humanisme qui soit, en même temps, à sa propre mesure et à celle du cosmos. Première conférence de Niamey 1969
  • 4. 4 Pour conclure, je tiens à vous assurer de tout l’intérêt personnel que je porte à la promotion des migrations de la connaissance, et vous souhaite des échanges fructueux sur ce sujet d’avenir, et essentiel pour répondre à nombre de défis qui nous sont communs. Ainsi, la France est la première destination des étudiants tuni- siens qui souhaitent effectuer une partie de leur cursus à l’étran- ger etle premier partenaire scientifique de la Tunisie : Aujourd’hui plus de 15 000 étudiants tunisiens poursuivent leur formation en France, dont près de 4 000 nouveaux étudiants chaque année. Le besoin d’un nouvel humanisme, res- pectueux des spécificités des peuples et les rassemblant autour de valeurs uni- verselles communes, a été réaffirmé par la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014, qui stipule, dans son article 39 : « L'État veille (…) à ancrer, à soute- nir et à généraliser l’utilisation de la langue arabe, ainsi que l’ouver- ture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme ». C’est là l’originalité et la spécificité de l’expérience tunisienne en matière d’éducation depuis l’indépendance : un ancrage dans la langue arabe d’un côté et, de l’autre, une ouverture sur les lan- gues et les civilisations étrangères qui, j’en suis convaincu, donne de nombreux atouts à la Tunisie pour s’insérer dans l’économie mondiale. En effet, dans un avenir proche, avec 750 millions de locu- teurs, l’espace francophone est amené à devenir le 4ème espace géolinguistique après l’anglais, le chinois et l’hindi. Cette nouvelle configuration donne à la francophonie un potentiel qui la projette comme une composante majeure de la scène mondiale. Cette francophonie vivante et active constitue un instrument de la coopération entre la France et les pays francophones de l’Afrique subsaharenne et du Maghreb, notamment s’agissant des questions universitaires, qui seront largement discutées dans le cadre de ce colloque et qui dépassent naturellement la seule question linguistique. Les échanges universitaires et scientifiques sont en effet l’exemple même des migrations et mobilités comme phénomènes bénéfiques et positifs, facteur d’un développement économique plus équitable, et qu’il faut encourager, qu’il s’agisse des diplômés, des étudiants de haut niveau mais aussi des jeunes en formation professionnelle, des chercheurs ou des entrepre- neurs. Pour prendre l’exemple de la Tunisie, le partenariat universitaire et scientifique  franco-tunisien, extrêmement dynamique, constitue un pilier de notre relation bilatérale. Il se construit à travers des flux et des échanges humains et intellectuels perma- nents, source d’enrichissement et de développement mutuel des savoirs, et d’une diffusion des compétences nécessaires au développement économique. Le fait que la formation supérieure en Tunisie soit à plus de 80% réalisée en français facilite également fortement cette mobilité tempo- raire des étudiants et des chercheurs. Des par- cours universitaires, similaires dans nos deux pays, facilitent ainsi grandement les échanges universitaires et la construction de nouveaux parcours mixtes entre laTunisie et la France, et ainsi, la migration des idées. Il existe déjà de très nombreux cursus universitaires mixtes entre les formations supérieures fran- çaises et tunisiennes, permettant aux étudiants tunisiens d’obtenir à la fois leur diplôme d’étude tunisien et un diplôme français de nouveau équivalent. Les programmes de mobilités temporaires et encadrées, soutenues par la France, constituent un élément essentiel de notre coopération.Au-delà, et en complément des échanges universitaires et de formation en amont, nous portons aujourd’hui également une attention particulière en aval à notre collaboration avec les services de l’emploi. En Tunisie, je pense notamment aux dis- positifs de migrations professionnelles qualifiantes et d’aide à la réinstallation de jeunes diplômés, mis en œuvre par l’OFII en partenariat avec les autorités tunisiennes. Les mobilités de la connais- sance sont donc clairement à encoura- ger, mais il faut aussi apprendre à mieux en comprendre les dynamiques afin de les organiser et les orienter au mieux, au bénéfice d’un développement plus équitable de part et d’autre de la Mé- diterranée et sur le continent africain, espace sur lequel la Tunisie peut s’ap- puyer pour se positionner dans la com- pétition économique mondiale. Vos travaux devront ainsi s’inscrire dans le cadre de la construction d’un espace euro-méditerranéen, et au-delà réfléchir au rôle que le Maghreb, entre Europe et Afrique, peut jouer dans la création d’un large espace universitaire euro-africain. C’est pourquoi vous êtes aujourd’hui réunis à l’initiative de France Terre d’Asile et de la Maison du Droit des Migrations, et avec le soutien du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France, pour réfléchir aux enjeux et aux opportunités de ces migrations de la connaissance. Vous vous pencherez sur de nombreuses questions, passionnantes, mais difficiles. Ainsi, comment relever le défi, pour le système universitaire français, d’être présent au Maghreb tout en contri- buant à des formes d'autonomisation des structures académiques maghré- bines ? Comment favoriser le réinvestisse- ment des connaissances acquises à travers des mobilités au profit des pays d’origine ?
  • 5. 5 Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile Les mobilités sont une chance à saisir autant pour la prospérité des pays du Nord que pour le dévelop- pement des pays du Sud. Une chance, à condition de les organiser, une chance à condition de savoir convaincre et de savoir vaincre les frilosités des états et celle des opinions pour en tirer profit. Où cette chance peut-elle le mieux prospérer, sinon dans les pays qui partagent une même langue ? C’est en effet là, dans cet espace linguistique commun que les mobilités, les échanges, les migrations circulaires peuvent se développer, en toute harmonie, et pour le bénéfice de tous. Voilà trois ans que la maison du droit et des migrations est installée à Tunis. Trois ans qu’avec modestie et persévérance nous travaillons aux côtés des institutions tunisiennes et de la société civile à une meilleure connaissance du phénomène migratoire, qu’il s’agisse des migrations forcées, des migra- tions économiques, ou des migrations clandestines et à tenter de poser et de résoudre quelques questions. La question des migrations forme à elle seule un enjeu de civilisation. Elle est en effet un enjeu économique, culturel. Elle ques- tionne la nature du développement, elle porte en elle une question stratégique qui touche à la paix ou à la guerre, à la souveraineté des États. Voilà pourquoi nous ne devons céder à aucune facilité, à aucun raccourci de la pensée sur cette thématique, et voilà pourquoi nous vous proposons de travailler sur la place particulière qu’occupe la Tunisie dans les migrations de la connaissance à l’intérieur de l’espace franco- phone. Tout le monde sait ici que de nombreux facteurs, l’apparition de nouvelles technologies, celle de l’information et de la com- munication - les TIC-, l’essor des secteurs Recherche/Dévelop- pement et Innovation au sein des entreprises internationales, la valorisation du capital humain avec le développement de l’éducation et de la formation, une compétition mondialisée, bref tout le monde sait à quel point la combinaison de ces éléments alimente le moteur de la croissance économique. Ce que personne n’ignore non plus, c’est que pour faire mar- cher le moteur, il faut de la matière grise, et que pour dis- poser de la meilleure matière, les entreprises prospectent le marché international. Voilà ce qui explique pourquoi le nombre de migrants qualifiés dans les pays de l’OCDE a progressé de 50% depuis les années quatre-vingt-dix. La question des mobilités se pose donc aujourd’hui plus que jamais, et s’il est plus facile pour les plus diplômés de profiter de programmes transnationaux ou des réseaux universitaires pour migrer, il reste beaucoup de matière grise gâchée, de cerveaux qui pourraient alimenter le mo- teur de la croissance, mais qui, faute de mobilité ou faute de projets, faute de mobilité de projets, ne permettent pas d’augmenter la puissance du moteur. Les très nombreux jeunes diplômés Tunisiens, qui sont sans travail, sont les premiers à le savoir. C’est pour proposer des solutions que nous avons inscrit cette réflexion au menu de ce colloque, et que nous avons choisi d’orienter les mobilités vers un espace, un espace élargi par la langue et à la fois contenu par elle, je veux parler de l’espace francophone. Cette donne linguistique, culturelle, est rarement prise en compte dans le domaine des migrations. Elle nous semble pourtant fondamen- tale, et c’est pourquoi nous avons choisi de la convoquer Nos arguments tracent toujours le même sillon : les mobilités sont une chance à saisir autant pour la pros- périté des pays du nord que pour le développement des pays du sud. Une chance, à condition de les organiser, une chance à condition de savoir convaincre et de savoir vaincre les frilosités des états et celle des opinions pour en tirer profit. Où cette chance peut-elle le mieux prospérer, sinon dans les pays qui partagent une même langue ? C’est en effet là, dans cet espace linguistique commun que les mobilités, les échanges, les migrations circulaires peuvent se développer, en toute harmonie, et pour le bénéfice de tous. Avec des circulations facilitées, les personnes qui vont et viennent au pays transfèrent leurs compétences et leurs revenus améliorent ainsi le système d’éducation et le niveau de vie local notamment dans les pays à revenus intermédiaire ce qui est le cas de la Tunisie.. Et pour faciliter les premiers pas, pourquoi ne pas se tourner vers un espace constitué de pays cousins ? La situation de la Tunisie, à la croisée des chemins de la famille du nord et du sud francophone, devrait être la première bénéficiaire de cette option. Prendre le parti de la francophonie devrait être une évidence ici, au pays d’Habib Bourguiba, l’un des trois pères fonda- teurs de la francophonie -avec ces deux compères, Léopold Sedar Senghor, le Sénégalais, et le Nigérien Hamani Diori. Ils avaient bien compris que la langue n’était pas qu’un ou- til, qu’elle portait des valeurs, d’universalité, de liberté, de solidarité. Qu’elle était un ciment prometteur. Et si l’on en juge la vision qu’en avait Bourguiba, je pense qu’il aurait été, au- jourd’hui avec nous, un ardent défenseur des migrations de la connaissance au sein de l’espace francophone :
  • 6. 6 Le français, disait-il voilà plus de 50 ans (en 68 au Canada), représente un étonnant moyen de communi- cation et de rencontre. Sans la conscience du fait francophone et de son étendue, sans la mise en œuvre de la francophonie dans une perspective d’harmonie et de cohésion, Afrique blanche et Afrique noire risqueraient fort de s’enfermer dans une indifférence ou dans une ignorance mutuelle…Loin de porter au repliement, le fait francophone favorise l’insertion dans le monde lui-même, projeté à la pointe avancée du progrès technique, économique, social. S’inscrivant dans une conscience commune et dans une large communauté, permettant un élargissement des relations extérieures, loin de porter à l’autosuffisance, il favorisera l’épanouissement de chaque pays et son accomplissement dans le concert des nations. Il constituera ainsi, une base solide aux échanges générateurs de développement. Il sera l’un des fondements de la paix et de la coopération. L’espoir que Bourguiba plaçait dans le fait francophone garde la même pertinence aujourd’hui, et il est temps d’accélérer la réalisation de ses vœux. Il est temps que les enjeux de progrès portés par la francophonie soient mieux convoqués, et de manière plus concrète, afin de servir et de soutenir le dévelop- pement. L’un des chemins tout désigné pour y arriver doit emprunter les routes d’une francophonie de l’intelligence, d’une francophonie de la connaissance, cette matière première immatérielle que l’on dit sans limite et qui serait, forte de son infinité, capable de procurer des crois- sances sans plafonds ! Ne fantasmons cependant pas sur les doubles chiffres promis par certains, mais soyons sûrs que l’économie de la connaissance est, au-delà d’un concept à la mode, le dé- terminant clé d’une vision politique am- bitieuse. De quoi s’agit-il ? De tout mettre en œuvre pour armer et développer les fondamentaux de cette économie dont la base, avant tout hu- maine, repose sur l’éducation, la forma- tion, et qui, pour exister, doit arracher sa place au sein d’une économie monde, hautement concurrentielle. Vaste chan- tier, déjà en œuvre en Tunisie, et que nous souhaitons aider à prospérer en suggérant ici des pistes d’actions, de réflexions. La première c’est bien sûr d’envisager les moyens de faciliter la circulation des intelligences et des hommes, d’envisager les modalités de telles mobilités. La Tunisie accueille environ trois mille entreprises étrangères, près de 13 000 jeunes tunisiens poursuivent leurs études en France, et quelques milliers d’étudiants subsahariens (6 000 ) viennent se former ici. Ces chiffres ne suffisent pourtant pas à cacher la forêt des échanges qui n’existent pas -pas encore - et qui pourraient compter pour mieux arrimer la Tunisie au sein d’une économie mondialisée et dont elle doit pouvoir mieux tirer profit. Comment favoriser l’installation, le développement de l’entreprise internationale et favoriser l’emploi ici mais aussi favoriser la mobilité au sein des groupes internationaux ? Les mobilités sont bien sûr celle des hommes : il faut envisager le développement des migrations circulaires et penser, à terme, la création d’un visa francophone. Mais les mobilités sont aussi celles des projets, et ce n’est pas faute de les avoir énoncés entre les deux rives de la Méditerranée, et à de nombreuses reprises –exploitation des ressources halieutiques – du solaire – des transports- de l’énergie- mais cent fois sur le métier... Pourtant, si les mobilités doivent concerner des secteurs à haute teneur en savoir, avec des projets en mesure de soutenir les infrastructures nécessaires à la circula- tion de l’information, à la recherche et à l’innovation, il faut avoir conscience que la connaissance ce n’est pas seulement le savoir des universitaires, des chercheurs, des penseurs, des ingénieurs de Google ou d’Apple. La connaissance touche aussi à tout une quantité de savoir faire, de compétences particulières, pouvant être transmis par l’apprentissage. Pourdémontrertoutesleurspertinences, les mobilités de projets doivent aussi tenir compte de cette connaissance-là, qui naît des rencontres, des partages, des formations « professionalisantes ». Pour celles-ci aussi, qui intéressent notre jeunesse, il faut favoriser les al- lers retours. Sans échanges, toute forme d’échange, il est plus difficile de se frayer une place de choix dans la compétition internationale.Or c’est bien ce défi-là qui attend la Tunisie. La Tunisie mais aussi le Maghreb, l’Europe du sud. Comment travailler à des échanges plus équitables avec la francophonie du nord, porter un autre regard, plus vif et plus confiant vers celle du sud ? Comment substituer à la vampirisation des cerveaux un meilleur partage des connaissances et les mettre au service de projets à mener en commun, comment trouver des partenaires et des arguments pour fortifier les volontés politiques ? Autant de questions qui, je le souhaite, trouveront des éléments de réponse au cours de ce colloque. Et je l’espère d’autant plus qu’une nouvelle donne sécuritaire, liée au terrorisme, risque de venir entraver toutes les mobilités déjà restreintes par la crise économique et son corollaire la peur de l’invasion.
  • 7. 7 Lorsque l’on admet au Nord que les jeunes générations doivent vivre avec le terrorisme et le fait sécuritaire, je crains pour le futur que nos nations empruntent la voie la plus facile, celle de la fermeture. Or la fermeture engendre toujours à terme la peur, laquelle génère le conflit, la confrontation. Voilà pourquoi notre obsession pour le futur doit être le maintien, l’organisation, le développement des voies de migrations au sein d’espaces régionaux cohérents. À nous alors d’imaginer de nouvelles voies de circulation. Celles qui empruntent les chemins de la francophonie, gagneraient à être déblayées. La Tunisie pourrait alors y trouver une place centrale, au cœur même du dispositif. De quoi fortifier, grâce à une croissance confortée, une jeune démocratie pleine d’avenir. L’Europe hésite sur la voie à suivre et en Afrique, du Nord au sud, les menaces aux frontières limitent les déplacements et augmentent une suspicion qui rétrécit le monde et le droit à circuler. Au risque de freiner les mobilités de la connaissance et avec elles, les perspectives de développement.
  • 8. 8 La participation des ressortissants tunisiens à l’expansion de l’économie de la connaissance au sein de l’espace francophone Modalités et impact de l’émigration de savoir tunisienne au sein de l’espace francophone Ahmed Messaoudi, Responsable du Bureau de l’émigration et de la main d’œuvre étrangère, Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi (MFPE) Des échanges des jeunes professionnels sont conclus avec la Suisse. Une convention a été signée avec l’Allemagne pour faciliter le recrutement des ingénieurs tunisiens. Concernant la préparation et l’aide au retour, des programmes pour l'encouragement des compétences tunisiennes à l’étranger pour investir en Tunisie ont été mis en place... Aujourd'hui, nous avons noté près de 1.201.929 tunisiens résidant à l’étran- ger dont 122.486 sont des compétences (diplômés du supérieur, experts, cadres et hommes d’affaires) soit 10.2% de la diaspora. Et pendant l'année 2012, on a constaté un flux d'émigrés de 47.2% qui ont le niveau de l'enseignement secondaire et seulement 16.5% de diplômés de l'enseignement supérieur. Toujours en ce qui concerne l’année 2012, nous avons également mesuré la migration estudiantine à 75.000 étudiants et 157.121 élèves tunisiens, soient respectivement 6.2% et 13.1% de la diaspora dont 98.000 dans les pays francophones. Par ailleurs, 53.1% des migrants de com- pétence tunisiens sont instal- lés dans des pays francophones. Il sosnt répartis de la manière suivante : 44.1% de cette migration se trouve en France avec 54 033 personnes ; 1.9% en Belgique, soit 2 306 ; 0.9% en Suisse qui représente 1 111 personne ; 2.7% au Canada soit 3 238 per- sonnes ; 1.3% en Algérie soit 1 542 personnes et enfin 1.3% au Maroc soit 1 621 personnes. Les 46.9% de la migration de compétence restants sont sur l’ensemble des autres pays d’accueil (non francophones). En se référant aux grandes régions, on constate que les compétences se concentrent davantage en Europe, puisque en effet 62.8% des migrants de la connaissance tunisiens sont ré- sidents dans les pays de l’Union euro- péenne, ce qui correspond à un total de 76.920 personnes. Au second rang des régions d’accueil des migrants de com- pétence, nous avons les différents pays Arabes dans lesquels résident 30.1% des migrants. 5.8% soit 7 153 personnes sont en Amérique du Nord et enfin 1 800 compétences tunisiennes, soit 1 800 personnes ont émigré vers l’Afrique, soit 1.5%. En Europe, c’est la France qui est le pays accueillant le plus de compétences tunisiennes : 54 033 personnes sur un total de 76 920. En Amérique du Nord, la répartition est plutôt équilibrée : 3 238 compétences au Canada et 3 872 aux USA. Enfin, au sein des pays Arabes et contrairement à ce que l’on pourrait penser, sur un total de 36 879 compétences, 1 542 sont en Algérie et 1621 au Maroc. En ce qui concerne la migration des étudiants tunisiens vers l’étran- ger, leur nombre total est de 75 000, représentant ainsi 6.2% de la diaspora tunisienne. Parmi ceux-là, 47 500 se trouvent dans des pays francophone, soit 63,3 %. A titre d’exemple, je cite la France qui accueille 49.6% en France des étu- diants tunisiens ayant émigré et le Canada, pays au sein duquel résident 7% des étudiants tunisiens émigrés.
  • 9. 9 En ce qui concerne la coopération avec la Suisse, il existe deux accords en matière de migration. Le premier est un accord pour la promotion des échanges des jeunes profes- sionnels (150 par an). Le deuxième consiste en la mise en place d’un programme d’aide au retour volontaire, visant à donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de rentrer volontairement en Tunisie et de bénéficier d’une assistance leur permettant de dévelop- per un projet de réintégration tout en sachant que chaque retour est organisé en concerta- tion avec les deux gouvernements nationaux. Un autre exemple serait l’accord ratifié avec l'Allemagne. Le ministère de la formation professionnelle et de l’emploi (via l’ANETI- L’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant–) a signé une conven- tion avec la GIZ (la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit est l'agence de coopération internationale allemande pour le développement). Pour faciliter le recrutement des ingénieurs tunisiens en Allemagne. Deux opérations pilotes ont été effectuées, la première en 2013 pour le recru- tement de 100 ingénieurs et la deuxième à la fin de 2014 pour le recrutement de 150 ingé- nieurs spécialisés en informatique, électro- nique, électrotechnique, génie civil et génie mécanique. Par ailleurs, il y a également l'ac- cord de coopération bilatérale entre l’ANETI et l'Agence fédérale de coopération allemande qui a été signé en juillet 2013 afin de faciliter le recrutement des spécialités paramédicales. Enfin, je voudrais profiter de cette inter- vention pour vous présenter les services du Ministère de la Formation Profes- sionnelle et de l’Emploi (MFPE) tunisien ainsi que de l’ANETI, agissant pour la promotion des migrations des compétences. Le MFPE a via son agence l’ANETI mis en œuvre un programme de formation en ligne en langue an- glaise et française au profit des de- mandeurs d'emploi afin d’augmen- ter leur employabilité à l’échelle nationale et internationale. Ce pro- gramme concerne 2000 diplômés de l’enseignement supérieur par an, 1000 seront formés en langue fran- çaise et 1000 en anglais. A la fin de la formation, un diplôme reconnu à l’échelle internationale est délivré aux bénéficiaires, après le passage d’un concours et le succès aux exa- mens organisés en partenariat avec notamment le British Council ou en- core les services culturels français. En outre, l’ANETI a créé un site web en matière de migration permettant le rapprochement entre offres et demandes d’emploi à l’internatio- nal, qui va doter les services d’em- ploi d’une banque de données des compétences tunisiennes candidats à l’émigration et des offres d’emploi à l’international et faciliter aux can- didats à l’émigration de savoir les procédures de recrutement à l’in- ternational par pays de destination tout en permettant aussi aux entre- prises étrangères de déposer leurs offres d’emploi et de bénéficier des services de l’ANETI gratuitement. Je tiens maintenant à vous présenter les conventions bilatérales existantes en matière de migration et qui participent à la mise en œuvre de la stratégie de la Tunisie pour le développement de l’offre des possibilités d'emploi aux compétences tunisiennes. Du côté de la promotion de la migration tunisienne vers les pays arabes, le MFPE a détaché un conseiller d’emploi à Qatar et deux conseillers en Libye afin explorer les offres d’emploi et identifier les besoins des institutions de ces deux pays en termes de compétences. Concernant la préparation et l’aide au retour, des programmes pour l'encouragement des com- pétences tunisiennes à l’étranger pour investir en Tunisie ont été mis en place. En effet, La Tunisie a éla- boré des mécanismes de prise en charge des personnes à travers la création des cellules d’accompa- gnement aux tunisiens à l’étranger porteurs de projets. Par ailleurs, et concernant cette prise en charge, les capacités institutionnelles des porteurs de projet ont été dévelop- pées, via notamment la réalisation des bilans de compétences des personnes ainsi qu'une formation à la création d’entreprise (CEFE). Je tiens maintenant à vous présenter les conventions bilatérales existantes en matière de migration et qui participent à la mise en œuvre de la stratégie de la Tunisie pour le développement de l’offre des possibilités d’emploi aux compétences tunisiennes. Dans ce contexte la Tunisie a conclu des accords bi- latéraux avec plusieurs pays, dont la France, la Suisse, l'Allemagne, le Qatar et la Libye. Ainsil’accordtuniso-françaisenmatièredemi- gration et de développement solidaire com- porte des volets se rapportant à la migration professionnelle (Jeunes professionnels, carte compétence et talents, travail salarié et travail saisonnier), aux projets de développement solidaire y compris la formation profession- nelle et aux programmes d’aides aux retours volontaire y compris l’aide financière, la for- mation et l’intégration dans un travail salarié. Cet accompagnement passe aussi par l'orientation des bénéficiaires vers les projets rentables. Le suivi et l'accompagnement du promoteur durant un an afin de garantir la pé- rennité économique du projet, en réalisant des compléments de for- mations techniques au promoteur. Enfin, le ministère a également mis en place l'accompagnement indi- viduel avant, pendant et après la phase initiale de création de projet, pour déterminer des possibilités, des zones et des secteurs d’inves- tissement rentables. Des centres ressources pour les migrants dans 3 gouvernorats en collaboration entre l’OIM (Organisation internationale pour les migrations), l’OTE (Office des tunisiens à l’étranger) et l’ANETI ont été créés et à titre d'exemple, le nombre total de projets mis en place par les migrants de retour de la Suisse entre juillet 2012 et juin 2014 étaitde491projetspourunmontant total de 2.743.000 CHF (soit l’équiva- lent de 2 552 815 € et 5 601 386TND).
  • 10. 10 Les perspectives de l’intervention de l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE)  Lassaad LABIDI Directeur Général de l’Office des Tunisiens à l’Etranger (OTE) Les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) contribuent de manière active au développement de la Tunisie, et notamment au travers des transferts des fonds. Ainsi, sur les 10 dernières années les transferts des TRE représentent des moyennes annuelles supérieures à 5% du PIB et 20% de l’épargne nationale. L'Office desTunisiens à l'Etranger (OTE) a été créé en juin 1988. Il a pour mission générale de fournir au gouvernement tu- nisien les éléments et les données lui permettant de mettre en œuvre une politique d'encadrement et d'assistance aux Tunisiens résidents à l’étranger. À cet effet, nous assurons la promotion et l’exécution des programmes d’encadrement des Tunisiens résidents à l’étranger, définissons et mettons en œuvre un programme d’assistance en faveur des Tunisiens à l’étranger, de leurs familles dans le pays de résidence et en Tunisie et élaborons puis exécutons tout programme culturel qui développe et renforce l’attachement des enfants tunisiens à l’étranger à leur patrie. Par ailleurs, un autre aspect important de notre tra- vail consiste à faciliter la réinsertion des Tunisiens émi- grés de retour en Tunisie dans l’économie nationale et à instituer un système d’information continu au profit des Tunisiens résidents à l’étranger et veiller à son suivi. Pour la mise en œuvre de ces missions, l’Office porte un intérêt spécifique à de nombreux éléments tels que la famille, la jeunesse, les milieux associatifs, en outre un intérêt particulier est porté aux compétences tunisiennes à l’étranger exerçant dans les domaines scientifique, technologique, économique et artistique. Tout d’abord, revenons-en à l’histoire de l’émigration tuni- sienne. La grande vague de départ à l’étranger des Tunisiens remonte aux années 60 (période de construction et de re- construction de l’après deuxième guerre en Europe). Après, entre 64 et 74 -la plus grande vague-, l’émigration tunisienne a connu un changement typique : elle est passée d’une émi- gration de main-d’œuvre en une émigration de type familial, causée par le regroupement familial et le désir de s’installer et maintenir les liens. Durant les trente dernières années, les émigrés tunisiens ont diversifié leurs pays de destination en s’orientant plus qu’avant vers les régions du Golfe (en parti- culier Arabie Saoudite, Émirats Arabe Unis, et Qatar) et de l’Amérique du Nord (en particulier le Canada et les Etats-Unis). Les principales zones d’accueil des Tunisiens résidents à l’étranger en 2012 étaient l’Europe en premier lieu avec un total de 1 032 412 (84,4% des TRE). Le premier pays d’accueil étant la France avec 54.7%, suivi de l’Italie avec 15.4% et enfin l’Allemagne avec 7.1%. En deuxième position viennent les pays du Maghreb avec 9.6%, en troisième position les Pays arabes avec 4.9% et en dernière position Canada et les USA avec 3%. L'émergence des USA et du Canada en tant que nouvelles destinations pour l'émigration tunisienne s’est faite à par- tir de 1985, suite à une migration de jeunes plus instruits et mieux formés ou d’étudiants à la recherche de meilleures conditions de formation ou de travail. La migration vers les pays du Golfe s’est faite dans le cadre de la coopération technique. Depuis la fin des années 1980, la structure sociodémogra- phique de la diaspora a commencé à changer. Nous avons constaté un rajeunissement de la population, une présence de la famille et une féminisation, la présence des hommes d’affaires, des investisseurs, des chercheurs, ainsi qu’une multiplication d’artistes et de nouvelles compétences dans différents domaines de la coopération technique.
  • 11. 11 Ainsi, sur les 10 dernières années les transferts des TRE représentent des moyennes annuelles supérieures à 5% du PIB et 20% de l’épargne nationale. Toutefois, il convient de souligner qu’une partie importante des transferts de fonds ne passe pas par les circuits formels (problème du coût des transferts) limitant ainsi la mobilisation des fonds notamment pour des projets de développement. Les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) contribuent de manière active au développement de la Tunisie, et notamment au travers des transferts des fonds. En 2013 les transferts des TRE représentaient 4.9% du produit intérieur brut. Ils contribuaient à équilibrer la balance des payements en absorbant 37% de son déficit dûaudéficitdelabalancecommerciale.Enoutre,cestransferts sont une grande source des devises, en 2013 ils représentaient 32% du disponible net des devises. Ensuite vient la contribu- tion à la création des projets et le transfert des compétences. Par ailleurs, selon une enquête TIDO (Tunisian migrant Involved in dé- velopment of the country of Origin) sur la contribution des TRE au développement économique et social réalisée en décembre 2011, la migration contribue aussi au développe- ment du pays à travers le transfert des compétences. Ainsi, selon cette étude 63% des TRE ont un niveau d’instruction supérieur, 25.7% expriment leur intérêt pour participer à une expérience de transferts de compétences et de savoir-faire vers la Tunisie et 85,9 % souhaiteraient être impliqués dans le développement de la Tunisie. Au regard de ces éléments, permettez-moi de vous présenter désormais les actions concrètes menées par l’Office pour im- pliquer la diaspora au développement de la Tunisie : 1 2 3 4 5 L’information et l’orientation (bureaux d’accueil/ délégation régionales/ attachés sociaux) Encadrement des associations : l’Office desTunisiens à l’Etranger (OTE) détient un répertoire des associa- tions de TRE qui va être actualisé. L’organisation, des journées d’appui au développement dans les régions en collaboration avec les offices régionaux de développement et les structures chargées de la promotion des investisse- ments. La mobilisation des compétences des TRE dans les domaines stratégiques du développement, notamment dans le domaine économique où l’OTE dispose d’un répertoire des Compétences des Tunisiens à l’étranger. La Création d’un comité de liaison avec les compé- tences TRE Cependant, il convient de souligner que nous rencontrons de nombreuses limites pour encourager l’implication de la diaspora dans le développement notamment au regard des difficultés existantes pour l’identification des compétences et le manque de stratégie d’information. En effet, plusieurs compétences ne sont pas inscrites, en outre, le manque de politique claire d’action de mobilisation des compétences et de coordination avec les associations réduit les potentielles implications de la diaspora. Enfin, il apparaît que lorsqu’elle a lieu, la culture de valorisation de la contribution économique de la diaspora se fait souvent au détriment du développement social. Quelles sont les perspectives de développement de nos outils et instr uments pour la mobilisation de la diaspora de la connaissance ? Nous prévoyons la création d’un répertoire d’associations de développement au niveau régional par les délégations régio- nales de l’OTE ainsi que la mise en œuvre d’opérations de ju- melage entre des associations des TRE et les associations de développement local en Tunisie. En outre, nous comptons faire des programmes d’intervention sociale et solidaire ciblés, actualiser les données figurant dans le répertoire des associa- tions et des compétences, valoriser et médiatiser les actions solidaires et sociales ayant un impact sur le développement local et organiser des forums pour les hommes d’affaires. Nous travaillons à l’élaboration d’une académie de l’investisse- ment ainsi qu’à l’établissement d’un programme de valorisa- tion des réussites au travail de la délivrance d’un prix pour les grandes compétences et les hommes d’affaires qui se sont dis- tingués. Enfin, nous misons sur la création d’une plate-forme pourlescompétencestunisiennesetleshommesd’affairesTRE De toute évidence la diaspora Tunisienne constitue au- jourd’hui, avec d’autres acteurs, un levier de développement et de croissance pour le pays. Elle est un réel potentiel de savoir-faire, de solidarités, de ressources humaines et donc elle peut bien contribuer à améliorer les indicateurs de dé- veloppement économique et de développement humain. « Nous espérons qu’après la phase de transition le contexte sera bien favorable pour mobiliser davantage la diaspora tunisienne pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle dans le développement de la Tunisie. »
  • 12. 12 L’ATCT est chargée depuis 1972 du placement des compétences tunisiennes à l’international et de la coopération sud-sud ou triangu- laire, en partenariat avec les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires.  Ainsi, L’ATCT a réussi pendant plus de 42 années d’existence à placer plus de 50 000 coopérants et experts auprès de divers pays notamment arabes et africains. Salhi Borni, Directeur général de l’Agence de coopération technique (ATCT), Ministère du Développement, de l’Investis- sement et de la Coopération Internationale. Les activités de l’ATCT : Gestion de la banque de candidature et inscription des dossiers des candidats intéressés par le travail dans le cadre de la coopération technique dans les pays ou organismes étrangers. Placement des compétences tunisiennes auprès d’institutions étrangères pu- bliques et privées, régionales et internationales et d’organismes étrangers implan- tés en Tunisie. Gestion et suivi des affaires administratives des coopérants et experts exerçant à l’étranger auprès de leurs établissements d’origine et des caisses sociales Envoi d’experts et consultants tunisiens pour des missions d’assistance technique ou de formation décentralisée… Organisation en Tunisie des sessions de formations et perfectionnement et des voyages d’études au profit de cadres arabes et africains et ce en collaboration avec des centres d’excellences tunisiens tout en veillant au bon déroulement et à la qualité de la formation fournie. Lespartenairesétrangersdel’ATCT L’ATCT met les compétences tuni- siennes inscrites à sa banque de can- didatures à la disposition de tous les employeurs étrangers, qui souhaitent placer ces compétences. l’ATCT traite les requêtes reçues de ces employeurs par la pré sélection des CV de candidats appropriés, en puisant dans sa banque de candidatures et organise les entre- tiens avec les délégations étrangères tout en veillant au bon déroulement. En outre, l’Agence met à la disposition des organismes étrangers publics ou privés des experts et des consultants tunisiens pour effectuer des missions d’appui, de conseil, de formation, d’animation d’atelier de travail ou des séminaires… L’ATCT contribue au développement des compétences des pays bénéficiaires dans différents domaines techniques et ce par l’organisation, en Tunisie ou à l’étranger, de formations adaptées aux besoins des cadres des institutions des pays demandeurs, et ce, en colla- boration avec des experts spécialisés des centres de formation tunisiens. Des sessions de formation sont or- ganisées, des projets de développe- ment réalisés au profit des pays arabes et africains avec l’appui financier de divers partenaires tels que la JICA (Agence Japonaise de Coopération In- ternationale), la BADEA (Arabe Bank for Economic development in Africa), la BID (Banque interaméricaine de dé- veloppement) ou encore l’Organisa- tion Internationale de la Francophonie. En 2014, l’ATCT a organisé 14 sessions de formation au profit de 209 cadres arabes et africains dans différents thèmes techniques notamment la re- cherche scientifique et la santé, l’agri- culture, l’environnement, l'Energie et des Mines et la formation profes- sionnelle et l’édition du livre scolaire. Pour une meilleure visibilité sur les marchés étrangers l’ATCT s’appuie sur ses bureaux de représentations à l’étranger qui sont au nombre de 7. Ces bureaux sont supervisés par des conseillers de coopération technique qui sont chargés de la promotion des activités de l’ATCT et de la prospection des besoins en matière de placement de cadres tunisiens, de formation et d’ex- pertise tunisienne. Les représentations sont réparties dans les pays suivants : L’Arabie Saoudite (Ryadh et Jeddah), le Koweit, le Sultanat d’Oman, les Emirats Arabes Unis, le Qatar avec couverture du Bahrein, la Mauritanie avec couverture des pays d’Afrique de l’ouest. En 2014, L’Agence a pu assurer le recrutement de près de 3380 coopérants dont 45 primo demandeurs d’emploi.
  • 13. 13 Barbara Dätwyler, Directrice de Coopération, Ambassade de Suisse Le nombre des coopérants (terme utilisé pour désigner les cadres des secteurs public et privé qui sont placés à l’inter- national par le biais de l’ATCT) s’élève à 16229 dont 2235 dans l’espace francophone  : 45% travaillent en Europe et prin- cipalement en France (747), en Belgique (184) et en Suisse (80), 41.5% sont au Canada et le reste en Afrique soit 13.5%. Le nombre des coopérants travaillant au Canada a atteint 928 en 2014. Les principaux secteurs sont l’enseignement et le sport (338), l’administration (192), la santé (164), l’électricité et la mécanique (100) et (134) dans diverses spécialités Le placement au Canada a enregistré une hausse considé- rable jusqu’au mois de Septembre 2014, date à laquelle le gouvernement fédéral a supprimé le programme Avan- tage Significatif Francophone (FSB) qui a été remplacé par le programme Entrée Express entré en vigueur en Janvier 2015. Dans le cadre de la promotion de la coopération technique pour le placement des compétences tunisiennes au Canada, l’ATCT a participé à l’événe- ment Destination Canada qui a eu lieu du 17 au 19 Novembre 2014 à Paris, ce programme vise à pro- mouvoir le Canada en tant que pays d’accueil. En tant que correspondant national de l’Organisation In- ternational de la Francophonie, en Tunisie et acteur dans l’espace francophone  l’ATCT participe régulière- ment aux forums que l’OIF organise pour, comme ce fut le cas à Dakar  , échanger et dégager des recommanda- tions sur les perspectives de rapprochement des acteurs économiques dans l’espace économique francophone  . Pour de plus amples informations sur l’ATCT : http://www.tunisie-competences.nat.tn/ Le retour des migrants du savoir : Quelles dynamiques de réinsertion dans l’économie nationale ? En ce qui concerne les migrants du savoir, nous nous sommes investis à fond dans ce qu’on appelle « migration et développement », c’est-à-dire des initiatives qui soutiennent la contribution des migrants de la diaspora et des étrangers pour le développement en Tunisie. Tout d’abord, permettez-moi de partager deux réflexions d’ordre général: La première : Le retour des migrants du savoir est un sujet évoqué dans des contextes tran- sitionnels, notamment lorsque dans la période précédente, un pays a perdu une grande partie de sa main d’oeuvre qualifiée, nécessaire à la reconstruc- tion du pays. Je pense surtout à des contextes fragiles comme en Libye, au Sud-Soudan et au Libéria. Par rapport à la Tunisie, la situation se présente différemment, dans le sens où malgré la mauvaise conjoncture, le pays dispose à la base d’une administration fonctionnelle et d’une économie aux fondations solides, où l’avance de sa- voir d’un migrant qui rentre est moindre que dans les pays précités. Ainsi, l’écart de compétences entre les personnes re- tournées et celles restées au pays n’est pas aussi importante que dans des pays qui ne disposent presque pas de struc- tures. Nous ne devons pas surestimer la contribution d’un retourné ou d’une En outre, en ce qui concerne la Suisse, une grande partie des personnes ren- trées pendant les trois dernières années de la Suisse en Tunisie n’étaient pas des personnes ayant acquis des ressources, des compétences ou des connaissances durant leur séjour en Suisse. Il s’agissait plutôt d’hommes, majoritairement sans le bac, qui ont traversé la Méditerranée en 2011 pour demander l’asile en Suisse et qui se sont souvent trouvés dans une situation difficile lors de leur séjour en Suisse. Leur réintégration comme membres productifs et non stigmatisés dans leurs communautés est un défi et nécessite un minimum de motivation de la part de ces hommes, une certaine capacité d’influence positive de la part des familles, et un accompagnement personnalisé. retournée, même si on ne peut pas nier l’effet formateur des années d’expé- rience à l’étranger.
  • 14. 14 La seconde réflexion: Le sujet du retour me paraît assez restrictif, du moins si on considère la place de l’économie tunisienne vis-à-vis de l’Europe, où la majorité des Tunisiens Résidant à l’Etranger se trouvent, ainsi que les technologies modernes de commu- nication. Je connais un nombre important de personnes qui font la navette entre les deux pays. Un vol Genève-Tunis en classe économique me coûte TND 500 et ne dure que deux heures, alors que le train Genève-Zurich nécessite trois heures et me coûte TND 350, et ceci en deuxième classe. Nous avons mandaté une étude sur lesTunisiens Résidant en Suisse, étude qui a confirmé les statistiques de l’administration tunisienne selon lesquelles cette communauté dispose d’un contingent important de diplômés du supérieur, le taux le plus élevé des TRE en Europe. L’étude a relevé également que la ma- jorité de ces membres disposent d’un bon standard de vie et ne pensent pas à rentrer, ce qui n’est guère surprenant. Ainsi, nous voyons des Tunisiens Résidant en Suisse désireux de garder leur domicile en Suisse. Ceux qui ont des affaires en Tunisie font généralement des allers-retours mais gardent leur base en Suisse. Néanmoins, l’étude a clairement confirmé qu’un nombre important de Tunisiens Résidant en Suisse voulait contribuer au développement de la Tunisie. Pour moi, la discussion ne devrait pas se focaliser sur le retour mais plutôt sur la manière dont les Tunisiens Résidant à l’Etranger peuvent être incités à contribuer au développement de la Tunisie, quelle qu’en soit la modalité. Nous avons donc réfléchi sur la façon de structurer notre coopération en matière de migration. D’un côté, nous avons visé à faciliter le retour en dignité de migrants qui n’avaient pas de séjour régulier en Suisse et, d’autre part, de faciliter la contribution des Tunisiens – et particulièrement des Tunisiens Résidant en Suisse – pour le développement. En juin 2012, nous avons conclu avec la Tunisie un partenariat migratoire. Il s’agit d’une approche compréhensive et novatrice permettant de tenir compte non seulement des défis, mais également des opportunités que les migrations présentent. Permettez-moi d’illustrer cette approche compréhensive et novatrice de notre partenariat migratoire avec trois exemples concrets : 1 Pour le retour volontaire de personnes en séjour irrégu- lier en Suisse, nous avons mis en place, notamment avec l’OTE et l’OIM, le plus grand programme d’aide au retour volontaire et à la réintégration suisse depuis dix ans. Ce programme, mis en oeuvre par l’OIM, a vu la création de plus de 850 emplois à travers plus de 500 microprojets approuvés. Durant la phase de réintégration, les parti- cipants bénéficient d’une assistance dans l’élaboration de leur plan d’affaires et d’un accompagnement tout au long du processus de mise en oeuvre du microprojet. Ils peuvent choisir des projets individuels ou impliquer des membres de leur communauté. Idéalement, ces micropro- jets peuvent bénéficier également aux familles des mi- grants ainsi qu’à leur communauté. Je suis satisfait de pouvoir me rendre utile et de pouvoir sub- venir à mes besoins ainsi qu’à ceux de mes deux associés : l’un est membre de ma famille et l’autre est issu de ma communau- té. Ils m’aident à vendre mes produits et à nettoyer mon local. Ce projet m’a permis de créer par conséquent deux emplois et j’aimerais bien sur le long terme agrandir mon local et recruter du personnel supplémentaire. Nabil, un grossiste en produits alimentaires de retour en Tunisie depuis 2012, et bénéficiaire du programme m’a confié: En ce qui concerne les migrants du savoir, nous nous sommes investis à fond dans ce qu’on appelle « migration et développement », c’est-à-dire des initiatives qui soutiennent la contribution des migrants de la dias- pora et des étrangers pour le développement en Tunisie. 2 Le deuxième exemple concerne le projet Communauté Tunisienne Résidente en Suisse pour le développement (CTRS) que notre bureau met en oeuvre en partenariat avec l’OTE, et qui durera jusqu’à fin 2018. Ce projet est en soi assez novateur puisqu’il s’agit du premier projet de diaspora compréhensif au monde, mis en oeuvre par la Coopération suisse avec une équipe en Tunisie. L’idée de ce projet est partie du constat de la présence de nombreux Tunisiens Résidant en Suisse hautement qua- lifiés et attachés à la fois à la Suisse et à la Tunisie. Cette diaspora est, débordante d’idées et de volonté pour faire valoir son expérience, ses ressources, ses compétences et ses connaissances au profit du développement socio-éco- nomique de la Tunisie. Ce projet a pour objectif d’amélio- rer la contribution des Tunisiennes et des Tunisiens qui vivent en Suisse au profit du développement socio-écono- mique de la Tunisie, notamment à travers le renforcement de l’accompagnement desTRE de la part de l’OTE principa- lement. Le projet CTRS prévoit également le soutien à des microprojets de développement initiés par des associa- tions de Tunisiens en Suisse. Nous sommes actuellement en cours de signature de deux microprojets de dévelop- pement de qualité de la part d’associations de Tunisiens Résidant en Suisse. Nous avons aussi conclu des partenariats avec la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Suisse, avec des insti- tutions tunisiennes et l’agence ACIM pour inciter des en- trepreneurs tunisiens résidant en Europe à investir en Tuni- sie. Je parle ici des dispositifs CTRS Invest et Twensa Invest. Par rapport à Twensa Invest, sept projets d’entreprenariat ont été sélectionnés pour être soutenus par le conseil tech- nique. Au-delà, le projet prévoit des missions de trans- fert de compétences tunisiennes de Suisse vers la Tunisie. Cette étude est accessible sur le site www.ctrs.ch.
  • 15. 15 Pour conclure, j’aimerais certes partager l’importance du retour des migrants du savoir. En même temps, j’espère aussi que notre discussion tienne compte des différences entre les Tunisiens Résidant à l’Etranger dans différents pays pour atteindre l’objectif ultime : le développement économique de la Tunisie et, particulièrement, des régions défavorisées. Une promotion 3 Le troisième exemple est l’Accord relatif à l’échange de jeunes professionnels que nous avons conclu avec la Tunisie et entré en vigueur en août 2014. Cet Accord tient compte des opportunités potentielles qu’un pays francophone comme la Suisse peut offrir à des jeunes diplômés tunisiens pour être plus compétitifs sans aboutir à une fuite de cerveaux. A tra- vers l’Accord, jusqu’à 150 jeunes professionnels tunisiens peuvent effectuer un stage de perfectionnement rémunéré en Suisse, qui peut durer jusqu’à 18 mois et qui leur permettra de retourner en Tunisie avec plus de compétence et de contribuer, à leur manière, au développement économique de la Tunisie. Nous sommes activement en train de promouvoir l’Accord. Je suis convaincue de la pertinence de notre coopération avec les Tunisiens Résidant en Suisse, qui tient compte de leur intérêt pour contribuer au développement de la Tuni- sie sans toutefois nécessiter un retour comme précondition. Kais Mabrouk, membre de l’ATUGE1 (Association des Tuni- siens des Grandes Ecoles) 1 L’ATUGE est une association à but non lucratif indépendante et apolitique créée en 1990. L’association, représentée à Tunis, à Paris et à Londres, anime un réseau de 4 500 membres issus des grandes écoles d’ingénieurs et de commerce. Le but de l’ATUGE: faciliter l’accueil en France des élèves Tunisiens dans les classes préparatoires et grandes écoles ; favoriser l’insertion professionnelle et le développement des carrières de ses membres en Tunisie et en France ; promouvoir esprit d’initiative et d’entrepreneuriat ; promouvoir les échanges et les partenariats économiques entre la Tunisie, la France et l’espace européen. www.atuge.org Le mot migration du savoir n’a plus lieu d’être. Je parlerais plutôt de flux d’intelligence…Aujourd’hui une question se pose : Qu’en est-il de cette intelligence tunisienne qui existe partout dans le monde ? Je souhaitais juste, dans un contexte où l’on parle de mondialisation, revenir sur le mot migration du sa- voir qui, je pense, n’a plus lieu d’être parce que dans une globalisation on peut être aujourd’hui en Tunisie et demain en France. On peut être également en Tunisie tout en ayant ses intérêts ailleurs. Je parlerais plutôt de flux d’intelligence et pour créer des flux, les conserver et les maîtriser, il faut créer des différences de potentiels. J’ai entendu dire tout à l’heure que le salaire en Tunisie n’était pas très attirant par rapport à une élite qui vit à l’étranger. Oui, c’est vrai, mais ce n’est pas seulement en se basant sur la partie pécuniaire que l’on pense à rentrer, il y a aussi la vision qui est très importante. Quand on est Tunisien et que l’on vit à l’étranger, et que l’on sait qu’en Tunisie il y a une réelle vision, une volonté d’aller à un endroit précis, cela fait partie des éléments qui nous donnent envie de rentrer et nous attire. Je fais partie des jeunes boursiers qui sont partis étudier à l’étranger. Je suis revenu en Tunisie il y a un an, de ma propre initiative. Bien que je sois boursier du gouverne- ment tunisien, bien que j’aie signé une convention par la- quelle je m’engageais à rentrer une fois mes études termi- nées ou à rembourser ma bourse dans le cas contraire, en aucun cas je n’ai été  contacté un jour par l’État ou autres pour les rembourser. Je suis rentré de mon plein gré, parce que j’avais envie de rentrer, et la seule structure qui m’a accompagné, c’est l’ATUGE qui m’a aidé à connaître des gens, à faire des contacts dans les entreprises en Tunisie. du retour est opportune pour les migrants du savoir qui disposent de meilleures perspectives en Tunisie. L’offre de stages de perfectionnement pour des jeunes tunisiens s’inscrit également dans la dynamique de meilleures perspectives en Tunisie pour le retour.
  • 16. 16 Jusqu’à 1991, les Tunisiens qui faisaient des grandes écoles à l’étranger ont été très sollicités par le gouvernement pour rentrer, pour les postes de hauts fonctionnaires, et ensuite cela s’est interrompu. Il y a eu une autre politique qui consistait à encourager les jeunes à s’insérer à l’étranger pour drainer des coopérations et nouer des partenariats. Aujourd’hui c’est une question qui se pose : Qu’en est-il de cette intelligence tunisienne qui existe partout dans le monde ? Je viens de découvrir récemment par hasard qu’un Tunisien travaille à la NASA et est sur le point de lancer un satellite. Je l’ai découvert accidentellement alors qu’on est censés avoir une base de données des compétences tunisiennes qui nous permet de savoir ceci. Alors y a-t-il une base de données qui recense les compétences entrepreneuriales ou scientifiques des Tunisiens dans le monde ? Compte rendu de discussion : Il y a un problème de connaissance du capital humain tunisien à l’étranger. Il y a, pour les ingénieurs et les docteurs, une opportunité en Tunisie pour travailler. La question a été posée de savoir s’il était propice pour leTunisien qui travaille à la NASA, de rentrer enTunisie aujourd’hui. Je dirais non, effectivement. J’appelle cependant à maitriser les flux de migrations, à avoir une connaissance des compé- tences qui se trouvent à l’étranger et, en fonction des besoins de la politique gouvernementale, à encourager ces cibles. Je prends un exemple : Nous avons principalement besoin d’entrepreneurs pour qu’ils puissent stimuler, créer des emplois. Je vais peut-être vous étonner : savez-vous qu’à Paris, intramuros, il y a 3 500 chefs d’entreprises tunisiens ? Intramuros, je ne parle pas de la grande ceinture. Et jusqu’à présent, nous ne sommes pas capables de déterminer qui sont ces entrepreneurs. On a travaillé pendant deux ans avec une association dont je fais partie qui s’appelle le Groupe des Entrepreneurs et des Investisseurs Tunisiens à l’étranger, et on a encore du mal à atteindre je dirais 50 ou 60% de cette base de données. Donc il y a un problème de connaissance du capital humain tunisien. Et une fois qu’on aura une connaissance approfondie de ce capital, on saura à quel moment il est propice d’encourager ce monsieur-là à revenir en Tunisie. Ai-je été sollicité quand j’étais à l’étranger pour rentrer en Tunisie ? Oui, j’ai été sollicité par le biais de l’ATUGE par le groupe Bouebdelli, pour un de leurs établissements, et également par Orange pour un poste proposé à l’époque. Mais je suis entrepreneur, donc ça ne m’intéressait pas. Cependant, j’avais l’opportunité de revenir dans d’autres circonstances : vous savez que le Ministère de l’Enseignement Supérieur recrute constamment des maîtres de conférence, et croyez-moi, des docteurs disponibles en Tunisie, c’est difficile à trouver. J’ai moi-même essayé d’en recruter un l’an dernier, c’est diffi- cile. Je parle des personnes qui ont le diplôme de doctorat et qui sont à la recherche d’un emploi en Tunisie, il y en a peu. Alors oui, il y a des opportunités en Tunisie pour travailler. Pour les ingénieurs et les docteurs, il y a une opportunité, mais est-elle suffisamment attractive aujourd’hui ? Ça, c’est une autre question…
  • 17. 17 Un espace universitaire monidalisé : Une chance pour la Tunisie ? La mobilité étudiante Sud-Nord et Sud-Sud depuis le Maghreb : Quelles évolutions, quels enjeux ? Sylvie Mazella, Directrice du laboratoire méditerranéen de Sociolo- gie(LAMES), Aix Marseille Université, CNRS, LAMES UMR 7305 Les grandes écoles françaises d’ingénieurs jouaient déjà le rôle de production et de reproduction des élites, avant les Indépen- dances ; elles le jouent encore aujourd’hui pour une partie des élites marocaines et tunisiennes( …)le système public continue à être performant dans le domaine des sciences dures et à pro- duire des étudiants de haut niveau dont une part, à l’instigation des autorités nationales, va poursuivre ou parfaire ses études à l’étranger. Dans le cadre de la table ronde «  Un espace universitaire mondialisé  : une chance pour la Tunisie ? » organisée par France Terre d’asile et la Maison du droit et des migrations à Tunis. Je reviendrai briè- vement sur l’évolution de la politique d’accueild’étudiantsétrangersenFrance durant ces dernières décennies, et la re- placerai dans un contexte mondialisé de migration sélective et concurrentielle. Dans un second temps, j’insisterai sur l’importance de déplacer le regard vers les pays du Maghreb. Regarder ce qui se passe dans les pays du Maghreb, permet de mieux comprendre l’évolution les politiques de gestion des pays d’accueil qui se sont diversifiés et se sont renforcés depuis les pays d’origine. Regarder ce qui se passe au Maghreb permet de comprendre les réponses politiques que ces pays ap- portent à l’injonction mondialisée de transformation universitaire, et de mieux situer ces réponses dans l’histoire nationale universitaire de ces pays. Cela permet aussi de comprendre les mobilités étudiantes Sud-Sud à l’échelle de l’Afrique et du monde arabe, qui sont moins dominantes et beaucoup moins connues, alors qu’elles sont pourtant existantes depuis longtemps, et qu’elles prennent dans le contexte actuel une tournure nouvelle1 . Une mobilité étudiante maghrébine tournée historiquement vers la France Le flux des étudiants maghrébins va majoritairement du Sud vers le Nord, vers l’Europe, et en particulier vers la France qui reste de loin le premier pays d’accueil des étudiants maghrébins, même si ces dernières années des enquêtes ont montré une diversification des parcours , vers l’Allemagne, les pays de l’Est, vers l’Espagne, le Royaume uni et vers le Canada. La France continue à recevoir 67 % des étudiants de cette région. Sur les 260 000 étudiants étrangers en France (ce qui représente plus de 11 % de la population étudiante), la moitié des effectifs des étudiants étrangers vient de l’Afrique, dont près de 30 % du Maghreb. 1 Cette communication s’appuie sur des recherches empiriques menées individuellement et collectivement depuis 2005, en France, et dans trois pays du Maghreb Algérie, Tuni- sie, Maroc. Je m’appuierai en particulier sur les résultats d’une enquête collective que j’ai dirigée durant 4 ans entre 2005 et 2009. Cette recherche a regroupé une vingtaine de chercheurs algériens, marocains, tunisiens et français. Elle a abouti à la publication d’un ouvrage  La mondialisation étudiante. Le Maghreb entre le Nord et le Sud, Karthala/IRMC.
  • 18. 18 Les politiques françaises font et défont en bonne partie la mobilité pour études et l’orientent dans le sens soit d’une mobilité provisoire soit d’une immigration plus pérenne selon les époques, privilégiant tantôt la fermeture tantôt l’ouverture. Historiquement, la demande étran- gère de formation en France re- monte au lendemain de l’indépendance. La France a favorisé cette demande. Elle voyait dans la formation de cette jeu- nesse post indépendance l’occasion maintenir son rayonnement culturel dans les cursus universitaires des étu- diants du Sud. Pour s’inscrire à l’univer- sité, il suffisait de fournir une attestation d’équivalence du diplôme ou une attes- tation des autorités du pays d’origine certifiant que le diplôme permettait de s’inscrire dans les facultés du pays d’ac- cueil. Cette inscription donnait droit à une carte de séjour temporaire renou- velable. Les années 1970, marquent un premier tournant : la vieille logique de rayonnement cultu- relle de la francophonie et de politique d’aide au développement est intégrée à une politique de « maîtrise » voire de réduction drastique de l’immigration. On introduit l’idée d’une réciprocité des avantages. Un certain nombre de rap- ports et de circulaire vont dans le sens d’un durcissement des procédures d’accueil, afin de limiter un « risque mi- gratoire » Ala fin des années 1990, cette poli- tique d’accueil se modifie à la faveur de la constitution d’un marché mondial de la formation, où il s’agit désormais de conquérir des parts de marchés. Nombre de rapport dans cette période cherche à analyser comment la France et son sys- tème d’enseignement supérieur doivent se positionner par rapport au marché mondial de la formation, et interroge la finalité de la politique d’accueil des étudiants en France. De 1998 à 2003, On assiste à une politique d’ouverture et d’accueil des étudiants étrangers  ; il s’agit d’atteindre quantitativement un seuil situant la France au palmarès des premiers pays d’accueil d’étudiants étrangers le monde. Apartir de 2003, le seuil d’étudiant étrangers ayant été atteints, l’objectif est désormais est de favoriser la venue des meilleurs et de contribuer par les allers et retours au co-developpement du pays d’origine et du pays d’accueil. La notion d’immigra- tion choisie est employée, notamment dans le discours du premier ministre Dominique De Villepin en 2006 « aujourd’hui nous ouvrons la voie d’une immigration choisie » (allocution du premier ministre du 9 .02 .2006 au comité interministériel de contrôle de l’immigration). Au-delà de la politique française, tous les analystes s’accordent à dire que le paysage de l’enseignement supérieur s’est profondément modifié depuis la fin 1990. l’Organisation mondiale du commerce décline pour la première fois en 1998 la liste des barrières qui entravent le libre échange des services d'éducation dans le monde parmi lesquelles : le monopole d'Etat, la limitation à la circulation, le contrôle des changes et le refus d'assistance financière aux établissements privés. Toute une lexicologie est présente dans les déclarations, les rapports, les médias : On parle désormais de "marché du service de l'ES", "d'économie du savoir", "de gouvernance autonome de l'université", de démarche qualité de l'université dans le sens mieux adaptée aux besoins du marché de l’emploi. Quatre grandes phases depuis les indépendances se dégagent : 1998 : une date charnière dans la réforme de l’enseignement supérieur La déclaration de la Sorbonne marquera en Europe la première étape d'un long processus communément appelé le processus de Bologne (LMD) : adoption d’un système de diplôme facile et comparable la promotion de la libre circulation des étudiants et des enseignants ; promotion à l’échelle européenne de l’évolution de la qualité de l’enseignement (classements, palmarès des universités…). Depuis la fin des années 1990, l’enseignement supérieur connaît ainsi partout dans le monde, de profonds bouleversements : le marché de la formation se diver- sifie avec la densification des échanges universitaires, la mise en place de nouvelles modalités de coopération scientifique, l’insertion de l'enseignement supérieur dans la réorganisation du commerce mondial (Accord Général sur le Commerce des Ser- vices), et avec l’ouverture vers le privé et l’utilisation de nouveaux critère de gestion et d’évaluation des établissements universitaires. De nouveaux modes de certification et de nouveau outils d'évaluation se créent : depuis 2003, on assiste à l’établissement d’un classement annuel des meilleures universités dans le monde par l'université de Shangaï et à la multiplication de clas- sements nationaux via la création de centres de développement de l'enseigne- ment supérieur (comme en Allemagne) ou de cabinets de conseils d'orientation (en France le cabinet SMBG) qui élaborent un classement national des meilleures uni- versités largement diffusé par de puissants organismes de presse.
  • 19. 19 Dans ce contexte de réformes, quelle est la position et la réponse du Maghreb ? Les pays du Maghreb cherchent à répondre à deux difficulté : se positionner dans un contexte de mondialisation de l’économie de la connaissance dont ils ne veulent pas être les exclus ; et sortir de la crise des systèmes universitaires nationaux qui ne participent plus de l’ascenseur social et constituent même un des viviers du chômage. Depuis la fin des années 1980, les diplômés vivent une période de crise de débouchés due à la poussée démographique du système universitaire maghrébin et à une saturation de la Fonction publique et qui ne peut plus assurer comme par le passé un poste de cadre à ces diplômés (dans les années 1960 et 1970).Ce sont les jeunes diplômés qui sont le plus touchés par le chômage parmi l’ensemble des jeunes. Les taux de chômeurs diplômés parmi les chômeurs avoisinant les 20%. Ces pays tentent de trouver des solutions de différentes manières : - à travers l’adoption du LMD dans leur système universitaire ; - en envoyant leurs meilleurs étudiants se former à l’étranger ; - à travers l’utilisation et la multiplication du double diplôme en lien avec une université étrangère ; - à travers la création de filière professionnelle dans le public et la création d’un secteur privé de l’enseignement supérieur dans les années 2000. Les Etats du Maghreb sont depuis longtemps des lieux de formation où circulent les étudiants maghrébins, et ils sont de plus en plus aujourd’hui pays d’accueil et “ producteurs ” d’une migration subsaharienne diplômée. Les étudiants qui partent pour des destinations maghrébines cherchent souvent à contourner les orientations autoritaires de systèmes na- tionaux d’orientation rigides qui autorisent ou barrent certaines filières en fonction des résultats obtenus dans le secondaire. Malgré une crise universitaire et plus largement économique, ces pays continuent de proposer des formations de qualité, surtout en Tunisie et au Maroc. Nos études montrent qu’il existe une véritable offre universitaire de proximité à l’échelle intra-maghrébine et intra-africaine. Une offre universitaire à l’échelle intra-maghrébine et intra-africaine : Une autre enquête a pu mettre en évidence un profil d’étudiants (et d’étu- diantes), issus des milieux très aisés de haut responsables politiques mauri- taniens ou des chefs d’entreprise, qui viennent se former en Tunisie dans des filières d’économie et de gestion néces- saires à la bonne reprise d’une entre- prise familiale à leur retour. Les enquêtes menées dans le cadre d’une recherche collective soulignent qu’au point de départ des étudiants maghrébins ou arabes optant pour une destination maghrébine, il y aurait le projet collectif : celui d’une famille ayant un capital éco- nomico-professionnel à transmettre. Sans pour autant viser à tout prix l’excellence scolaire, ces familles aisées ont besoin que leurs enfants obtiennent les diplômes nécessaires, valorisés et reconnus, qui leur permettront de reprendre et de faire fruc- tifier le capital familial. Une étude sur les étudiants marocains en Tunisie dans la filière des sciences médicales montre des jeunes gens (fils et filles de médecins ou dentistes pour la plupart) qui ont bien intégré cette stratégie familiale et qui se pro- jettent d’ores et déjà dans le mode de vie d’une classe économiquement dominante dans leur pays. Ces étudiants étrangers souhaitent rentrer chez eux au terme de leur cursus ; les entretiens font explicitement état d’un découplageentreprojetd’étudeetprojetmigratoire.D’unepart,parcequelesconditionssocio-économiques(etlalégis- lationdumarchédel’emploidanslespaysduMaghreb)neleurpermettentpasd’envisageruneinstallationdéfinitivesur place;d’autrepart,parcequeleretoursembleêtreunepartieintégranted’unprojetprofessionnelélaboréparlafamille. On n’est pas dans le cas d’une fuite des cerveaux. Les étudiants subsahariens au Maghreb sont en augmentation depuis une quinzaine d’années dans les établissements supé- rieurs privés. Dans certains de ces établissements, les étudiants étrangers représentent près du tiers, voire pour certains établis- sement près de la moitié de leur effectif total, et 80% d’entre eux viennent des pays de l’Afrique subsaharienne (parmi eux des Gabonais, Ivoirien, Camerounais, Maliens). Il ressort des enquêtes de terrain que la Tunisie est vu par ces étudiants subsahariens comme une alternative à l’Europe : une terre de formation aux filières diversifiées dans le public et dans le privé, où on y trouve des établissements qui ont adopté les normes du sys- tème éducatif européen LMD, et enfin une terre de formation où les Etat encourage l’accueil des étudiants subsahariens, dès le premier cycle. On constate que des familles de cadres supérieurs des pays africains, et même une frange de la classe moyenne supérieure de ces pays, choisissent la voie de la formation privée payante au Maghreb. Cette voie permet à leurs enfants l’accès à une formation supérieure plus diversifiée qui était difficile jusqu’alors, en dehors du quota de bourses délivré par les ministères de l’Enseignement supérieur public, mais qui se fait au prix d’un fort investissement financier pour les non boursiers de ces pays (endettement des étudiants et de leurs parents)
  • 20. L’enjeu est de jouer au Maghreb, à l’échelle Sud-Sud au niveau de l’Afrique, le transfert de compétences qui se joue aujourd’hui au niveau Sud-Nord à l’échelle du monde. Mais cette volonté d’attraction ne se réalisera pas pas sans la mise en œuvre au Maghreb d’une réforme d’une politique d’immigration plus souple et moins suspicieuse envers les étudiants subsahariens Parmi les établissements supérieurs privés nationaux, on trouve ceux issus de la formation professionnelle privée dont l’actionnaire majoritaire est familial. Leurs directeurs défendent une logique quantitative de développement commercial et de rentabilité. Ce sont ces établissements qui accueillent le plus d’étudiants étran- gers. Leurs directeurs cherchent à détourner à leur profit le marché de formation que représente l’augmentation de la demande sociale des étudiants subsahariens. Ils ont multiplié, durant les dix dernières années, les formes d’ac- cord avec les établissements privés et publics des pays de l’Afrique francophone. Création de différents types d’établissements supérieurs privés au Maghreb Un deuxième type d’établissements revendique la continuité d’une mission publique dans le privé. Les actionnaires de ces établissements privés sont constitués d’entreprises privées, et d’un regroupement d’enseignants et d’experts issus de la diaspora scientifique maghrébine qui cherche à garantir l’ex- cellence de ces établissements par sa notoriété et son réseau. On y retrouve les figures emblématiques de ces hommes et femmes qui ont défendu activement la création de filières d’excellence scientifiques et techniques du secteur public des années 1990. La création d’établissements supérieurs privés peut prendre une forme encore plus politique (engageant un partenariat entre les hautes instances des pays concernés), avec la créa- tion d’établissements privés (ou semi-publics) de droit tuni- sien, autofinancés par les frais d’inscription et délivrant des diplômes français et nationaux dans le cadre d’une double diplomation. C’est ce type de création d’établissements qui se rapproche le plus de ce qui appelé Campus offshore dans les analyses de l’OCDE. Dans ce cas, l’université étrangère associés n’est pas actionnaires majoritaires du foncier (établissement et logements étudiants, terrain), et les diplômes délivrés sont nationaux et étrangers avec le plus souvent la mise en place d’un enseignement en binôme entre enseignants natio- naux et étrangers. Les projets les plus avancés au Maghreb, lancés en 2009, sont liés à la France, soit sous la forme d’un consortium d’établissements transnational2 soit sous la forme d’importation d’un label d’établissement français. Ainsi, le projet Institut Tunis Dauphine (ITD) ouvert en 2009 - cas inédit en Afrique de délocalisation universitaire étrangère - a été encouragé par les autorités tunisiennes et françaises. Les établissements supérieurs privés qui se sont développés ces quinze dernières années, en particulier en Tunisie et au Maroc, s’appuient sur la demande sociale des étudiants subsahariens pour revendiquer leur développement et leur rayonnement à l’échelle de l’Afrique. 2 C’est le cas de l'Université Internationale de Rabat créée sous la forme d’un consortium académique, et qui a été soutenu par l’ambassadeur du Maroc en France et le PDG de Vivendi. La construction de ce vaste campus de 20 hectares dans la future Technopolis de Rabat figure parmi les premiers projets soutenus par l’Union pour la Méditerranée (UPM).La France a par ailleurs favorisé ce type d’initiative au Caire, à Abou Dahbi, au Vietnam. Conclusion Deux configurations principales semblent se dégager dans les mobilités Sud-Sud à l'échelle de l'Afrique. Celle déterminée par le mouvement intra-maghrébin, horizontale et homogène, qui dessine une offre universitaire diversifiée de proximité ; et celle du mouvement Sud-Nord intra-africain, verticale et hiérarchisée qui semble suivre le modèle international Sud-Nord du transfert de compétences, au niveau de l’Afrique. Reste que cette libéralisation claire de l’enseignement supé- rieur qui va dans le sens de la pression des grands bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque mondiale, Agence française de développement)  est un peu particulière. Elle ne s’est pas faite ces dix dernières années au Maghreb sans le contrôle de l’État. Les États maghrébins ne souhaitent pas lâcher la bride par laquelle ils contrôlent le système national de formation. On ne se trouve pas en Tunisie dans le cas d’une logique de décharge de l’Etat. On reste dans un régime qui contrôle, à travers l’autorisation d’agréments pour l’ouverture ou non d’établissement privé, à travers la délivrance ou non des accréditations en licence et en master. On assiste plutôt à une imbrication de logiques publiques et privées dans le fonctionnement de ces établisse- ments. Des logiques marchandes et de gestion entrepreneuriale nationales et internationales s’imbriquent à des logiques d’ins- titutions publiques et de service public, voire d’esprit civique et citoyen dans un contexte post révolutionnaire. D’un autre côté, l’État en Tunisie (et au Maroc) cherche à renforcer via le privé le nouveau dessein que ces pays se donnent : celui d’être des pays producteur de diplômés pour le reste de l’Afrique. La présence de ces étudiants subsahariens a des retom- bées dans la société d’accueil maghrébine, non seule- ment culturelles et économiques mais aussi politiques. Elle n’est pas sans effet sur certaines orientations des politiques publiques d’enseignement supérieur et d’im- migration. Le Maghreb, à l’instar des pays européens, applique à sa mesure une politique d’immigration choisie. En même temps que les pays de cette région s’ouvrent « au bon » étudiant, boursier d’État ou économiquement solvable, ils réprimandent sévèrement celui qui devient «  clandestin  » à la suite par exemple d’échecs dans sa trajectoire d’études ou de retard dans le paiement trimestriel de ses frais d’inscription dans un établissement privé.
  • 21. 21 Quels effets de l’internationalisation du savoir sur les mobilités au sein de l’espace francophone – essentiellement Afrique et Maghreb ? Kaies Samet, Maître-as- sistant de l’enseignement supérieur en sciences économiques, ISG Gabès, Unité de recherche en économie du développe- ment (URED), FSEG Sfax Résumé de l’intervention Le nombre de compétences tunisiennes, notamment les enseignants et chercheurs des deux sexes, qui fuit vers l’étranger est de plus en plus important. La Tunisie a pu en tirer profit (option retour et option diaspora) avant la révolution, montrant ainsi que la fuite de cerveaux ne devait pas toujours être considérée comme un fléau. Dans une période post-révolutionnaire, la Tunisie, en tant que pays d’origine, pourrait bénéficier de tous ses cadres sur le plan économique et ce quel que soit leur pays hôte, dans le moyen et surtout dans le long terme. Sur le court terme, c’est-à-dire en 2012, l’évolution du nombre de compétences tunisiennes à l’étranger, bien qu’il n’ait pas été très important, prouve que la période transitoire qu’a connue la Tunisie, avec un climat caractérisé surtout par l’insécurité et l’instabilité politique, n’était pas encore favorable à une rétention des cadres tunisiens. Ce même climat n’était pas non plus stimulant pour le « gain » de cerveaux. Il faut attendre le long terme et l’amélioration probable de la situation politique et économique en Tunisie (stabilité politique, absence de corruption, environnement concurrentiel, transparence, etc.) c'est-à-dire un nouvel environnement démocratique, pour envisager le « gain » de cerveaux comme un véritable canal de transfert de technologie du Nord vers laTunisie et, pourquoi pas, comme un véritable substitut aux canaux de transfert international de technologie traditionnellement reconnus, à savoir le commerce international, le commerce intra-branche et les investissements directs étrangers. Sadok Ben Hadj Hassine , Expert de l’Union générale tunisienne du travail, dé- partement arabe, Interna- tional et Migrations Il y a une sélectivité exagérée qui est pratiquée par les pays du Nord quant aux étudiants qui sont formés, une sélectivité orientée vers certaines spécialités d'ingénierie, scientifiques, de recherche aux dépens d'autres. Votre séminaire coïncide avec une conférence de presse que nous venons de tenir ce matin. Nous avons protesté et nous avons exprimé nos préoccupations quant à l'absence d'intégration des questions migratoires dans la stratégie du gouverne- ment, et également quant à l'absence de structure gouvernementale qui s'occupe de cette question multidimensionnelle qui concerne les Tunisiens, les Africains, les Libyens, les Maghrébins. J'ose espérer que nos préoccupations seront écoutées dans le cadre du programme du gouvernement et des structures gouvernementales. Maintenant, on m'a demandé de vous mettre au courant de l'impact et des modalités de la migration. Comment peut-on parler de l’impact et des modalités de la migration des Tunisiens, des cadres tunisiens vers l’espace francophone en Tunisie, si l’on n’a pas de stratégie de migration.
  • 22. 22 Néanmoins, nous avons des moda- lités. Nous nous sommes ce matin en- tretenu du cadre des modalités d'or- ganisation d'immigration, des accords bilatéraux, des accords multilatéraux. Je voudrais maintenant faire une petite référence à l'accord de partenariat pour la mobilité entre la Tunisie et l'Union Européenne. Cet accord a été signé par le gouvernement tunisien sans consul- tation de la société civile, ce que nous avons dénoncé. Et, actuellement, des négociations sont en cours pour voir les modalités d'association de la socié- té civile pour la mise en œuvre de ce partenariat de mobilité entre la Tuni- sie et l'Union Européenne. Nous avons également des accords entre les uni- versités, de coopération, de placement et d’échange. On a aussi des accords avec certains pays pour le placement des cadres, dans le cadre d'une coopé- ration triangulaire, il s’agit d'accords bilatéraux, multilatéraux et d'accords entre les institutions existantes. Je vou- drais préciser que ces accords devraient faire l'objet de révision et d'actualisa- tion, bien que certains aient été actua- lisés, par exemple en 2014, celui entre l'OFII (Office français de l’Immigration et de l’Intégration) et l'ANETI (Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail In- dépendant). Les accords universitaires devraient également faire l'objet d'une révision. Nous avons des acteurs aussi, le marché, l'environnement est animé par des acteurs qui gèrent cette ques- tion des migrations et je ne peux pas parler de mobilité. Parce que si on parle de mobilité, c'est plus flexible, mais une migration dans un cadre de respect des droits est beaucoup plus cohérente et coïncide avec nos objectifs. Nous, Tuni- siens, nous avons des institutions, oui il y a l'ANETI, l'ATCT (AgenceTunisienne de Coopération Technique), le ministère de l'emploi, les agences privées de place- ment de cadres aussi, suite à la révision de la loi 1975 concernant le placement des cadres que l'UGTT (Union générale tunisienne du travail) a dénoncé. Aussi, nous constatons que ces agences dévient de leurs missions : nous avons des entreprises multinationales et des investisseurs étrangers des pays européens qui, bien que nous disposions de cadres similaires, recrutent des experts et des cadres étrangers pour gérer ces investisse- ments. Normalement, les pays du Nord devraient être plus solidaires avec nous pour accepter, encourager et promouvoir l'emploi des compétences tunisiennes dans le cas de ces projets d'investissements. Nous avons des bureaux d'études, pourtant nous sommes envahis aussi par des bureaux du Nord qui font tout, du brain-drain, de l'investissement, et qui sont sou- vent, je ne dis pas hors la loi, je ne parle pas non plus de la traite, mais on constate des déviations par rapport aux droits humains. Il y a également une société civile qui est très active et un programme de volontariat qui mo- bilise également les cadres et qui anime cette mobilité ou cette immigration classée, avec le système de placement des universités et les par- rainages. Mais là, en plus des accords et des insti- tutions et des modalités, nous avons également un système de production de connaissances et de compétences qui favorise l'inadéquation entre ce qui produit et les besoins du marché du travail que ce soit national ou international. Pour ceux qui posent la grande question de la rentabilité du système de formation et du système d'éducation et d'enseigne- ment supérieur par rapport à l'investissement qui est fait au niveau national ou au niveau de la famille, je rappelle que nous avons à peu près 250 000 chômeurs diplômés. Avec une porte de sortie annuelle de 70.000 à 80.000 ceux avec un taux de placement des cadres qui ne dépasse pas par an depuis la révolution, les 30.000 en plus des recrutements qui sont faits par la fonction publique. Nous avons besoin d'une grande réforme de l'enseignement supérieur pour faire en sorte que notre système, qui fait par- tie de l'ancienne machine, puisse reprendre son rayonnement, sa reconnaissance à l'étranger et son efficacité. Nous vivons également dans un système où il y a beaucoup de restrictions. Il y a une crise économique au Nord, il y a des restrictions à l'immigration et on parle maintenant de visites de courtes durées, d'échanges scientifiques, d'échanges de boursiers, et des restrictions même aux petits placements. Mais il y a également des restrictions quant aux étudiants qui sont for- més, et une sélectivité exagérée qui est pratiquée par les pays du Nord, une sélectivité orientée vers certaines spécialités d'ingénierie, scientifiques, de recherches aux dépens d'autres. Alors que les autres sont obligés, à la fin du diplôme, de quitter le pays : vous avez terminé vos études, vous partez chez vous, on peut vous aider à monter un projet mais vous partez chez vous, nous n'avons pas besoin de X personnes. La Tunisie est devenue maintenant une plate-forme de transit et une plate-forme d'information. Nous en sommes fiers, et à l'UGTT nous défendons les droits de nos frères africains, le droit à l'em- ploi, le droit à une vie digne et le droit à l'intégration, aussi, le droit au retour, s'ils veulent rentrer chez eux et nous avons besoin de voir une législation dans ce sens. Actuellement, nous sommes en période de gestation de réforme de l'enseignement supérieur, de réforme de l'éducation, en phase d'une préparation d'une stratégie de l'emploi, de réforme du marché du travail, on n'a pas non plus de cadre législatif du droit d'asile, ni une législation avancée respectueuse des droits en matière d'emploi des étrangers. Donc comment peut-on parler de stratégie dans ce contexte ?
  • 23. 23 Quelle place occupe laTunisie dans la compétition ou dans cette mobilité et cette immigration ? La Tunisie occupe une place limitée. Il y a des ténors main- tenant qui dominent le marché des compétences et des connaissances, si je peux appeler marché, le monde des connaissances. Les pays comme l'Inde, la Chine et en géné- ral l'Asie, ont développé des plateformes très puissantes et qui jouent des rôles très importants dans cette compétition et dans le placement des compétences. Pour la Tunisie, il y a une polarisation, nous avons une politique qui n'est pas diversifiée, qui est polarisée vers la France et les pays arabes, c'est une politique qui est axée sur l'élément masculin. 90% des compétences sont de sexe masculin, donc il y a une absence à la participation de la femme, les qualifi- cations également sont de placement à l'étranger, sur- tout concentrées au niveau de l'enseignement et des compétences d'enseignement, l'ingénierie, la recherche et la médecine. Nous constatons une augmentation des flux : en 2003, 20 000 compétences à l'étranger et en 2007, ce chiffre a grimpé à 53 000. Mais ne vous en faites pas, depuis la révolution et avant, depuis 2007, ce flux a complètement baissé. Nous sommes en train de vivre maintenant, à cause des politiques de restrictions et de fermeture, une stabilisation de cet effectif. Donc le contexte actuellement, un contexte international, n'est pas favorable à la prospection, à la promo- tion du placement de l'immigration des compétences alors qu’il y a des propositions pour dynamiser ce processus. On va venir à ça, il y a également des propositions pour accroître cette mobilité ou développer le processus d'immigration de compétence dans le cadre d'un échange gagnant-gagnant, nous devons agir dans les deux sens, du côté tunisien et également du côté des pays francophones. Je rappelle que pourcentage de placement en Afrique ne dépasse pas les 10% de nos compétences. Discussion : Améliorer un système inégalitaire : Je pense qu'il faudrait s'inscrire sur une piste de révision des cahiers de charges de l'établissement de l'enseignement supérieur pour voir ce que l’on choisit, l'intérêt général, l'enseignement, la promotion de la recherche scientifique et technologique ou si l’on choisit le capital et le gain. Il y a des choses qu'il faut clarifier. Le ministère doit s'ins- crire dans une démarche de normalisation et dans une démarche de qualité. C'est nécessaire pour la renommée de notre système d'enseignement supérieur. Certes, nous avons des écoles prestigieuses qui forment des candidats pour le concours des grandes écoles, nous avons certaines filières technologiques qui sont également presti- gieuses, mais il y a beaucoup à faire dans le secteur privé. Et là je précise en partenariat avec nos amis du Nord parce qu'ils sont impliqués dans ce système. Un diplômé tunisien est confronté, une fois qu'il est sur place à plusieurs problèmes : problème de normalisation, problème de reconnaissance, problème d'intégration, d'examen et de test. Prenons l'exemple des médecins, il y a un problème de salaire. Un médecin diplômé, qui est docteur en Tunisie, débarque en France. On lui dit non, vous devez refaire un certain nombre de tests et d'examens. S’il veut accéder directement à un emploi, il est affecté à des filières où il sera moins bien rémunéré que son collègue français. Il y a une disparité de salaire selon l’origine de votre diplôme, français ou tunisien. Si vous prenez deux Tunisiens, un diplômé en France et l’autre venu tardivement en France avec un diplôme tunisien, et bien le premier à moins de chance - surtout pour certaines spécialités- de tomber dans le chômage. Les études le montrent, le Tunisien qui a fait ses études de licence et master en Tunisie et qui est allé parfaire sa formation ou suivre un stage a beaucoup de difficulté pour s'intégrer dans le cadre du marché du travail en France ou dans d'autres pays. Et il est soumis à un certain nombre de réglementations et de conditionnalités. En ce qui concerne les difficultés qui ont été mentionnées pour les étudiants étrangers, moi personnellement, je vous conseille de vous organiser et de construire des partenariats avec les organisations estudiantines tunisiennes. Il faudrait également que les ministères représentés par certains d’entre vous dans le cadre de ce colloque, se mettent d'accord. Il faudrait que les ministères concernés aussi soient à l'écoute de ces conditions. Nous trouvons que c'est regrettable de voir que nos frères africains vivent dans des conditions que nous condamnons ailleurs, au Nord, donc il faudrait qu'on tienne le même langage en défendant nos ressortissants en Europe. Nous vous défendons également, en ce qui concerne les accords de migration circulaire, ces accords concernant les étudiants tunisiens qui sont ici. Et pour ce qui est de la question d'employabilité, elle s'est posée auparavant, en effet, avec le directeur général de la main-d’œuvre étrangère et lors d'un séminaire où on a eu un petit échange concer- nant l'emploi de nos frères africains en Tunisie, d'une façon surtoutirrégulièreetillégale,etdel'absencedesdroitspourles travailleurs qui sont employés dans pas mal d'entreprise.