2. 33-016-A-40 Traumatismes du tube digestif Radiodiagnostic
Tableau I. – Lésions digestives lors des traumatismes abdominaux fermés : épidémiologie, mécanismes, lésions anatomocliniques et lésions
associées.
Siège Fréquence Mécanisme Lésions antomiques Lésions associées
lors d’un traumatisme abdominal fermé [16]. Ce sont surtout les
deuxième et troisième portions du duodénum qui sont touchées. Ces
lésions sont associées dans 26 % des cas à une atteinte pancréatique
(bloc duodénopancréatique), dans 30 à 35 % des cas à des lésions
vasculaires [9] mais aussi hépatiques et digestives autres.
Les lésions de l’intestin grêle sont les plus fréquentes, représentant
près de 50 % environ des lésions digestives d’origine traumatique [15,
36], le jéjunum étant plus souvent atteint que l’iléon [13]. Les ruptures
surviennent essentiellement au niveau des points de fixation
anatomiques du mésentère : angle duodénojéjunal (ligament de
Treitz) et valvule iléocæcale. Chez l’enfant, ces lésions sont très
souvent associées à des traumatismes du rachis lombaire (fracture
de Chance dans 25 % des cas), à des lésions des organes pleins (28 %
des cas), à des fractures pelviennes et à des ruptures
intrapéritonéales de la vessie [9, 13, 29].
Les lésions coliques sont peu fréquentes, représentant moins de 5 %
des lésions traumatiques digestives [31]. Les ruptures coliques sont le
plus souvent intrapéritonéales, atteignant préférentiellement le
transverse puis le cæcum et le sigmoïde [26]. Dans les formes graves,
avec avulsion du méso et section colique, les côlons droit et gauche
sont les plus touchés [21, 30]. Elles se retrouvent souvent lors
d’importants traumatismes délabrants du bassin (et notamment lors
des traumatismes pénétrants du périnée) où s’additionnent lésions
génito-urinaires, lésions artérioveineuses et lésions cæcales et du
rectosigmoïde [29].
Les traumatismes du mésentère représentent 2 à 3% de l’ensemble
des lésions viscérales abdominales et sont secondaires à des lésions
des branches de l’artère mésentérique qui entraînent un petit
hématome dû à la rupture du vaisseau avec dévitalisation
immédiate ou secondaire du segment intestinal correspondant. Des
lésions du pancréas et du lobe gauche du foie sont fréquemment
associées aux atteintes du grêle ou du mésentère [20].
Mécanismes physiopathologiques
(tableau I)
Deux mécanismes expliquent les lésions du tube digestif et du
mésentère lors des traumatismes abdominaux fermés :
– un choc direct :
– la compression directe des anses grêles sur un plan osseux, tel
que le rachis, peut être à l’origine d’hématomes du mésentère ou
de la paroi du grêle, ceux-ci siégeant préférentiellement sur le
bord mésentérique ;
Estomac - < 1 % des lésions traumatiques abdo-minales
- compression par choc direct (volant)
sur estomac en réplétion
- enfant : grande courbure - rate
- adulte : paroi antérieure et petite
courbure
- rein gauche
- côtes basithoraciques gauches
Duodénum - 4 % des lésions traumatiques abdo-minales
- compression (augmentation de la
pression intraluminale digestive et
écrasement contre le rachis)
- essentiellement D2 et D3 - pancréas (26 % des cas)
- 20 % des lésions digestives chez
l’enfant
- hématome intramural - lésions vasculaires (30 à 35 % des cas)
- rupture - foie
- tube digestif autre
Intestin grêle - 5 % des lésions traumatiques abdo-minales
- compression - lésions allant de l’ecchymose sous-séreuse
jusqu’à la perforation et la
rupture
- « syndrome de la ceinture de sécu-rité
» chez l’enfant associant :
- 24 à 50 % des lésions digestives trau-matiques
- ecchymoses périombilicales (64%)
- décélération - rupture au niveau des points de fixa-tion
anatomique : angle duodénojé-junal
et valvule iléocæcale
- fracture de Chance (25 %)
- lésions des organes pleins (28 %)
- fractures pelviennes
- rupture de la vessie
- lésions mésentériques
Côlon - < 1 % des lésions traumatiques abdo-minales
- compression par choc direct - hématome intramural - lésions génito-uninaires
- < 5 % des lésions digestives trauma-tiques
- décélération - lacération mésocolique - lésions artérioveineuses
- traumatismes délabrants du bassin - lacération colique (déchirure séro-musculeuse,
déchirure complète, sec-
- traumatismes pénétrants du périnée tion complète)
Mésentère - 2 à 3 % des lésions traumatiques
abdominales
- décélération - lacération, désinsertion - pancréas
- risque d’ischémie digestive secon-daire
- lobe gauche hépatique
1 Traumatisme fermé de l’abdomen par choc direct au ni-veau
épigastrique. Angioscanner à j0.
A. Volumineux pneumopéritoine antérieur dont l’abon-dance
associée à l’anamnèse doit faire suspecter une per-foration
gastrique en premier lieu : hypothèse confirmée
lors de la laparotomie.
B. Fracture de l’isthme pancréatique avec infiltration de
la graisse rétropéritonéale : association lésionnelle fré-quente.
*A *B
2
3. Radiodiagnostic Traumatismes du tube digestif 33-016-A-40
– l’élévation brutale de la pression intraluminale peut être à
l’origine d’une rupture ou d’une perforation intestinale dont la
localisation préférentielle est le bord antémésentérique ;
– une décélération brutale : les lésions de décélération sont causées
par une immobilisation brutale du corps alors que les viscères et les
vaisseaux (dont l’énergie cinétique est proportionnelle au carré de
leur vitesse) poursuivent leur mouvement. Ces forces opposées
s’exercent entre les viscères et les vaisseaux et leurs points d’attache.
Ainsi, des lésions d’étirement et de déchirure apparaissent aux
points fixes à savoir pour l’intestin grêle et le mésentère, l’angle de
Treitz et la région iléocæcale.
Ces différents mécanismes rendent compte également des
associations lésionnelles les plus fréquentes avec notamment chez
l’enfant le classique seat belt sign concernant l’utilisation des
ceintures de sécurité uniquement abdominales (situées en position
centrale à l’arrière des véhicules) : la présence d’ecchymoses
périombilicales doit faire suspecter l’existence associée de lésions
rachidiennes (type fracture de Chance), de lésions viscérales
abdominales (organes pleins, intestin grêle et/ou mésentère) et de
lésions pelviennes.
Lors des plaies abdominales, les lésions sont limitées au trajet de
l’agent vulnérant (lame ou projectile).
Lésions anatomocliniques (tableau I)
LÉSIONS PARIÉTALES DU TUBE DIGESTIF
¦ Généralités
Les lésions interstitielles correspondent à des ecchymoses sous-séreuses
banales passant le plus souvent inaperçues.
Les hématomes intramuraux ont des conséquences obstructives
retardées de quelques jours par rapport au traumatisme. Ils peuvent
se rompre secondairement par sphacélisation, mais leur évolution
est le plus souvent favorable en 3 semaines. Le traitement est
généralement conservateur.
Les perforations et ruptures peuvent être circonférentielles ou
longitudinales, intra- ou rétropéritonéales quand elles touchent les
portions accolées du tube digestif.
¦ Particularités des lésions suivant leur localisation
Les lésions duodénales sont représentées par l’hématome intramural
et les ruptures. L’hématome intramural entraîne une obstruction du
duodénum et parfois du cholédoque et du canal de Wirsung. Les
ruptures du duodénum peuvent être incomplètes respectant la sous-muqueuse,
complètes partielles sous la forme d’une perforation
facilement suturable, ou complètes totales. Ce dernier type de
rupture est en général sous-mésocolique, parfois associé à une
désinsertion papillaire. Les ruptures rétropéritonéales sont
trompeuses par constitution d’un épanchement aéro-bilio-digestif
infiltrant la racine des mésos.
Les lésions du grêle se situent le plus souvent aux extrémités fixées
jéjunale et iléale.
Au niveau colique, trois types de lésions peuvent être constatés [2] :
– la lacération mésocolique, qui entraîne une lésion vasculaire avec
hématome du méso et ischémie colique ;
– l’hématome intramural, qui peut être asymptomatique ou à
l’origine d’un syndrome occlusif. Cet hématome intramural évolue
soit vers la guérison spontanée, soit vers la perforation ou encore
vers la sténose ;
– la lacération colique dont on distingue trois types, la déchirure
séromusculeuse, la déchirure complète et la section complète.
LÉSIONS DU MÉSENTÈRE ET DES MÉSOS
L’étirement ou la désinsertion des mésos peut s’accompagner de
lésions artérielles ou veineuses avec constitution d’un hématome et
dévitalisation immédiate ou secondaire du segment intestinal
correspondant. Si la rupture vasculaire intéresse les vaisseaux
distaux, l’évolution peut se faire dans un délai de quelques semaines
vers la sténose ischémique d’une anse. En cas d’avulsion complète
de l’artère ou de la veine, le tableau précoce est dominé par un
hémopéritoine et une ischémie mésentérique.
Le grand épiploon peut également être le siège d’un hématome sans
conséquence sur la vitalité du tube digestif.
Signes cliniques et biologiques
SIGNES CLINIQUES
Le diagnostic de lésions traumatiques du tube digestif est
cliniquement difficile, ne permettant pas, la plupart du temps, de
différencier les lésions qui justifient une simple surveillance de celles
qui imposent une intervention chirurgicale urgente [24].
La triade clinique classique qui associe douleur abdominale, défense
et disparition des bruits hydroaériques intestinaux n’est retrouvée
que dans un tiers des cas [26]. Les signes de perforation intestinale
sont souvent masqués par les autres lésions traumatiques
abdominales et extra-abdominales, car, rappelons-le, ces malades
sont souvent des polytraumatisés présentant des lésions
abdominales extradigestives mais aussi osseuses, thoraciques ou
cérébrales.
De plus, suivant la localisation de la perforation digestive, les signes
cliniques de péritonite peuvent être plus ou moins différés [9] :
d’apparition relativement rapide en cas d’atteinte colique, ils
peuvent n’apparaître que 12 heures après le traumatisme en cas
d’atteinte grêle (le liquide intestinal ayant une teneur enzymatique
et bactérienne faible et un pH neutre).
Dans tous les cas, la survenue d’une fièvre, de douleurs abdominales
ou d’une défense dans les 12 heures suivant le traumatisme
abdominal doit alerter sur la présence d’une lésion traumatique
digestive.
SIGNES BIOLOGIQUES
Les dosages biologiques, biochimiques et hématologiques sont de
peu d’intérêt à la phase initiale d’un traumatisme. Seule une
hyperleucocytose d’apparition progressive, dans les 24 premières
heures après le traumatisme, aurait une sensibilité élevée (85 %)
pour la détection d’une lésion digestive isolée [15].
PONCTION-LAVAGE DU PÉRITOINE
La ponction-lavage péritonéale n’est plus réalisée avant le scanner
ou l’échographie car elle fausse leur interprétation. Elle connaît de
nombreux faux négatifs (1 à 50 %) et méconnaît notamment les
lésions rétropéritonéales. Elle ne donne aucune indication sur le site
d’un saignement ou la gravité des lésions et peut conduire à des
interventions inutiles [11, 24, 26]. Pour certaines équipes, elle garde
encore des indications en préopératoire pour vérifier la nature d’un
épanchement liquidien et suspecter une perforation intestinale sur
la présence de germes digestifs et sur l’élévation combinée de
l’amylase (= 20 UI/L) et des phosphatases alcalines (= 3 UI/L) [27].
Techniques d’imagerie
ABDOMEN SANS PRÉPARATION (ASP)
Dans ce contexte, le seul intérêt de l’ASP est de diagnostiquer un
pneumopéritoine ou un rétropneumopéritoine, ce qui nécessite la
réalisation d’un cliché debout ou semi-assis, souvent impossible chez
un patient traumatisé. La sémiologie du cliché de face couché et du
cliché de profil rayon horizontal reste d’interprétation difficile. De
plus, même dans les meilleures conditions, l’ASP est largement
inférieur au scanner pour dépister un pneumopéritoine de petite
abondance [34]. Aussi, l’ASP n’est plus justifié dans le bilan d’un
traumatisme.
3
4. 33-016-A-40 Traumatismes du tube digestif Radiodiagnostic
Tableau II. – Technique de la tomodensitométrie hélicoïdale dans les
traumatismes de l’abdomen.
- Coupes sans injection 7/7/10 à la recherche d’un saignement récent
- Injection 2 mL/kg à 2mL/s
- Délai début d’injection - début des coupes abdominales : 70 secondes (intervalle de
temps pendant lequel des coupes thoraciques peuvent être réalisées à la recherche
de lésion aortique)
- Éventuellement remplissage oral par la sonde nasogastrique en utilisant un produit
de contraste hydrosoluble dilué à un cinquième (1 volume de produit de contraste
pour 5 volumes d’eau)
- Clampage de la sonde urinaire
- Visualisation de l’examen en fenêtre pulmonaire à la recherche d’un pneumopéri-toine
ÉCHOGRAPHIE
L’échographie a pour principal objectif de détecter un épanchement
péritonéal, permettant de dépister des épanchements de très petite
abondance de l’ordre de 100 mL, localisés au début dans le cul-de-sac
de Douglas et dans les gouttières pariétocoliques, le remplissage
de l’espace de Morison étant plus tardif. En revanche, ses
performances pour le diagnostic d’un hématome rétropéritonéal et
en termes de détection de lésion du tube digestif sont beaucoup plus
limitées [37], en raison notamment de l’important iléus intestinal qui
suit tout traumatisme abdominal. Ainsi, malgré un certain nombre
d’avantages : facilité de réalisation, performance dans le diagnostic
et la surveillance d’un épanchement péritonéal, son rôle essentiel
reste celui de sélectionner les indications des examens
tomodensitométriques et la surveillance des contusions ou
hématomes de la paroi digestive dans les jours qui suivent le
traumatisme [35].
TOMODENSITOMÉTRIE
Le scanner est l’examen essentiel dans le bilan d’un traumatisme
abdominal. La qualité de sa réalisation conditionne la qualité de
l’interprétation. La technique à utiliser dépend de l’accès à un
scanner hélicoïdal et de la capacité du tube : à titre d’exemple, le
tableau II résume la technique utilisée avec un scanner hélicoïdal. Il
est certain que l’utilisation des scanners multibarrettes permettra la
réalisation de coupes plus fines (3 mm). La tomodensitométrie
permet le diagnostic d’une hémorragie intra- ou rétropéritonéale,
d’une lésion d’organes (plein ou creux) et détecte un saignement
artériel actif en visualisant une extravasation de produit de contraste
injecté par voie intraveineuse ou une perforation digestive en
authentifiant une fuite extraluminale de produit de contraste ingéré.
Elle permet donc le diagnostic rapide d’une lésion chirurgicale, la
décision d’une éventuelle embolisation devant un saignement actif
et surtout la diminution des laparotomies exploratrices dont la
morbidité est importante chez des patients pouvant être traités de
manière conservatrice.
DOPPLER COULEUR, ARTÉRIOGRAPHIE ET IMAGERIE
PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
Ces examens n’ont pas d’intérêt actuellement en traumatologie pour
le diagnostic de lésion digestive.
Sémiologie radiologique (tableau III)
PNEUMOPÉRITOINE ET/OU RÉTROPNEUMOPÉRITOINE
[3, 5, 6, 11, 14, 15, 16, 22, 24, 26, 29, 32]
La présence d’un pneumopéritoine ou d’air extraluminal est très
évocatrice de perforation digestive. Celui-ci peut être de grande
abondance et bien visible à la surface antérieure du péritoine ou
dans la région périhépatique et périsplénique. À l’inverse, il peut
être de très faible abondance, visible sous la forme de bulles d’air
extraluminales entre les anses ou entre les réflexions mésentériques.
Le siège de ces petites bulles d’air oriente souvent sur la localisation
de la perforation digestive. Ainsi, une perforation gastrique se
traduit généralement par un très abondant pneumopéritoine
antérieur (fig 1A). La présence de bulles d’air dans l’espace
pararénal antérieur droit (rétropneumopéritoine) est évocatrice
d’une rupture de la paroi postérieure (accolée) du duodénum
(fig 2A). En cas de perforation grêle, il faut rechercher des petites
bulles d’air dans le mésentère et en interanses (fig 3). Enfin, une
rupture rectale est responsable de la présence d’air en situation sous-péritonéale,
cet air pouvant diffuser secondairement aux espaces
rétropéritonéaux, voire au médiastin.
Il faut savoir cependant qu’un pneumopéritoine ou un
rétropneumopéritoine manque dans plus de 50 % des perforations
digestives (fig 4). Aussi, en cas de discordance entre l’absence d’air
extradigestif et une suspicion de perforation digestive, un scanner
de contrôle doit être réalisé 8 heures après la première exploration
tomodensitométrique.
À l’opposé, la présence d’air peut être secondaire à un traumatisme
ouvert abdominal sans lésion digestive associée, à un
pneumomédiastin ou un pneumothorax d’autant plus que le patient
est sous ventilation assistée, à une rupture vésicale intrapéritonéale
chez un patient sondé (fig 5) ou à une ponction-lavage péritonéale.
2 Rupture traumatique du duodénum associée à une contu-sion
hépatique. Angioscanner à j0.
A. Contusions hépatiques avec lame d’hémopéritoine au
contact de la pointe du foie droit. Rehaussement impor-tant
de la paroi de D2 associé à une collection hydroaéri-que
rétropéritonéale au contact.
B. Après opacification digestive par voie haute, pas de
fuite extradigestive du produit de contraste ingéré (signe
pathognomonique mais peu sensible).
*A *B
ou d’un rétropneumopéritoine
- Si suspicion de lésion vésicale (hématurie, fracture du bassin), remplissage de la
sonde urinaire par 300 mL de produit de contraste dilué à un cinquième
- Si suspicion de lésion des voies excrétrices (hématurie, fracture du bassin, lésion
rénale), coupes tardives plus de 15 minutes après le début de l’injection
- Si suspicion de lésion colique, opacification rétrograde par sonde rectale de petit
calibre à l’aide de produit de contraste hydrosoluble dilué à un cinquième dans une
perfusion
Tableau III. – Valeur des différents signes tomodensitométriques
(TDM) dans le diagnostic de perforation intestinale d’origine
traumatique [32].
Signes TDM Sensibilité Spécificité Efficacité
diagnostique
Pneumopéritoine 46 % 99 % 85 %
Épaississement pariétal localisé 35 % 99 % 50 %
Distension digestive 15 % 98 % 22 %
Densification mésentérique 4 % 99 % 3 %
Épanchement intrapéritonéal
inexpliqué
73 % 96 % 34 %
Extravasation de produit de
contraste ingéré
19 % 100 % 100 %
4
5. Radiodiagnostic Traumatismes du tube digestif 33-016-A-40
4 Perforation jéjunale d’origine traumatique. Le seul signe tomodensitométrique sur
l’ensemble de l’examen consiste en une infiltration localisée et suspendue du mésentère
au contact de l’anse lésée avec un petit épanchement intrapéritonéal localisé. Pas de
pneumopéritoine.
EXTRAVASATION DE PRODUIT DE CONTRASTE INGÉRÉ
OU ADMINISTRÉ PAR VOIE RECTALE [3, 4, 6, 13, 22, 26, 29, 32, 33].
C’est le seul signe pathognomonique de perforation digestive bien
que très peu sensible (fig 2B). En effet, l’opacification digestive n’a
d’efficacité que pour le diagnostic des traumatismes haut situés au
niveau du tube digestif (estomac ou duodénum) car pour les lésions
plus distales, le temps de passage est trop long et la concentration
du produit trop faible pour mettre en évidence, de façon fiable, une
extravasation. Il en va de même pour les opacifications rétrogrades
à partir du rectum.
MODIFICATIONS LOCALISÉES DE LA PAROI
DIGESTIVE [3, 5, 6, 13, 15, 17, 22, 24, 26, 29, 32]
Différentes modifications de la paroi digestive peuvent suggérer une
lésion intestinale :
– une solution de continuité sur toute ou partie de la circonférence
luminale signant une transsection pariétale ;
– un épaississement pariétal localisé (fig 3). Significatif s’il est
supérieur à 3 mm au niveau du grêle et 5 mm au niveau du côlon, il
peut traduire l’existence d’un hématome intramural (épaississement
circonférentiel ou excentré spontanément hyperdense avant
injection), d’une contusion digestive, d’une perforation digestive ou
d’une dévitalisation digestive segmentaire par atteinte des vaisseaux
mésentériques distaux. Il faut souligner que ce signe n’a de valeur
que localisé. En effet, un épaississement pariétal grélique
circonférentiel diffus associé à un rehaussement important et
persistant de la paroi digestive est le plus souvent en rapport avec
un « intestin de choc » lié à une ischémie intestinale secondaire à
une hypotension ou à une hypoperfusion au décours d’un
traumatisme abdominal [24] (on note parallèlement un important
rehaussement de l’ensemble des vaisseaux abdominorénaux associé
à une aorte et une veine cave inférieure de petit calibre et à un faible
rehaussement du pancréas et de la rate en rapport avec une
vasoconstriction majeure) (fig 6A) ;
– un rehaussement pariétal localisé intense pouvant signer
l’existence d’une plaie ou contusion digestive (fig 2A). Lorsqu’il est
diffus, il peut s’agir d’un signe de péritonite ;
– une absence de rehaussement pariétal en rapport avec une
ischémie digestive.
MODIFICATIONS DU MÉSENTÈRE ET DES MÉSOS
[3, 5, 6, 13, 17]
Ces signes ont peu de spécificité. Ils peuvent être secondaires à des
atteintes graves ou minimes du mésentère et du tube digestif. Par
ordre de gravité croissante, les anomalies sont de quatre types :
3 Perforation traumatique du jéjunum. Épaississement localisé d’une anse grêle
avec épanchement intrapéritonéal libre et petite bulle d’air extradigestive au niveau du
péritoine pariétal antérieur.
5 Polytraumatisme chez un patient ceinturé. Angioscanner
à j0 et radiographie standard du petit bassin 1 heure après le
scanner.
A. Épanchement intra- et rétropéritonéal à prédominance
périduodénale associé à une petite bulle d’air extradiges-tive
en regard du péritoine pariétal antérieur gauche pou-vant
témoigner d’une perforation digestive.
B. Volumineux hématome sous-péritonéal refoulant la
vessie vers la droite.
C. Présence d’une sonde vésicale en place.
D. Fuite extra-urinaire de produit de contraste. Interven-tion
chirurgicale : rupture sous- et intrapéritonéale du
dôme vésical. Pas de lésion digestive associée. Le pneumo-péritoine
s’explique par le sondage vésical.
*A
*B
*C *D
5
6. 33-016-A-40 Traumatismes du tube digestif Radiodiagnostic
*A *B
*A *B
– Infiltration localisée du mésentère ou des mésos : densification
localisée de la graisse mésentérique en scanner (fig 7B).
– E´ panchement liquidien entre les feuillets du mésentère : collection
interanses de densité = 20 UH, souvent triangulaire et suspendue
(fig 4, 7A).
– Hématome sentinelle au contact d’une anse digestive (sentinel
clot) : petite collection hétérogène et spontanément hyperdense
(60 UH) située dans le mésentère, à proximité des anses grêles lésées.
– Extravasation de produit de contraste injecté qui traduit une plaie
vasculaire responsable d’une hémorragie active avec un risque
majeur d’ischémie des anses sous-jacentes (fig 6).
ÉPANCHEMENT LIQUIDIEN INTRAPÉRITONÉAL
C’est un signe très sensible mais peu spécifique de traumatisme du
tube digestif qui n’a de valeur qu’en l’absence de lésions d’organes
pleins ou s’il est localisé entre les anses digestives [10, 15, 18, 23]
(fig 3, 4).
Limites des explorations radiologiques
Au vu de ce qui précède, la tomodensitométrie hélicoïdale apparaît
actuellement comme l’examen de référence à réaliser devant tout
traumatisme abdominal permettant de déceler les signes de lésion
digestive dans la plus grande majorité des cas et ce d’autant plus si
le scanner est réalisé plus de 4 heures après le traumatisme [3, 28].
Cependant, malgré les progrès techniques du matériel et des
protocoles d’exploration et malgré l’accroissement de l’expertise des
radiologues, il n’existe pas de corrélation radiochirurgicale
authentifiée entre les signes tomodensitométriques de lésion
digestive et les différents grades lésionnels à l’échelle viscérale [19]
(tableau IV).
On n’oublie pas non plus, comme possible facteur limitatif, les
contraintes techniques imposées par les conditions d’urgence
traumatique et l’état hémodynamique chez des patients souvent
polytraumatisés.
6 Arrachement mésentérique avec signes de choc. An-gioscanner
à j0.
A. Aorte et veine cave inférieure de petite taille associées
à une néphrographie de mauvaise qualité. Hémopéritoine
abondant avec fuite active de produit de contraste.
B. Extravasation de produit de contraste au contact de
l’artère mésentérique signant l’origine de l’hémorragie.
Patient décédé malgré la laparotomie en urgence avec, à
l’intervention, ischémie grélocolique diffuse.
7 Perforation digestive au cours d’un traumatisme abdomi-nal
fermé. Angioscanner à j1.
A. Pneumopéritoine antérieur de moyenne abondance as-socié
à un épanchement triangulaire suspendu au contact
d’une anse grêle.
B. Infiltration localisée de la graisse mésentérique au
contact des vaisseaux. Laparotomie : perforation puncti-forme
d’une anse grêle avec contusion mésentérique.
Tableau IV. – Classification des lésions traumatiques intestinales à
partir d’une échelle lésionnelle viscérale [24].
Grade Lésions
I - Contusion ou hématome sans dévascularisation
- Épaississement pariétal localisé sans perforation
II - Épaississement pariétal sur moins de 50 % du diamètre
III - Épaississement pariétal sur plus de 50 % du diamètre sans transsection
IV - Transsection intestinale
V - Transsection avec dévascularisation ou perte de substance
Si les lésions sont multiples, le grade est augmenté de I.
Impact diagnostique et thérapeutique
Le diagnostic de rupture digestive ou vasculaire impose une prise
en charge chirurgicale précoce. Les hématomes pariétaux digestifs
simples sont surveillés, en particulier par échographie, et se
résolvent spontanément dans la majorité des cas. Devant une
infiltration isolée du mésentère ou un épaississement digestif,
l’attitude dépend du contexte clinique : en cas de forte présomption
clinique (signes péritonéaux, fièvre inexpliquée, tachycardie), une
chirurgie est recommandée. Dans le cas contraire, une surveillance
clinique, la réalisation d’une ponction-lavage du péritoine ou la
répétition d’examens tomodensitométriques sont préconisées. De la
même façon, devant un épanchement péritonéal isolé, sans étiologie
évidente, en cas de forte suspicion clinique de lésions du tube
digestif, une chirurgie exploratrice est recommandée.
Si la sémiologie radiologique des lésions élémentaires engendrées
par un traumatisme ouvert est la même que celle des lésions dues à
un traumatisme fermé, le dogme « toute plaie pénétrante
abdominopérinéale justifie une laparotomie exploratrice » reste la
règle pour les plaies par arme à feu, du fait de la fréquence des
6
7. Radiodiagnostic Traumatismes du tube digestif 33-016-A-40
plaies digestives. En revanche, pour les plaies par arme blanche, les
indications de laparotomie en urgence sont le choc hémorragique, la
suspicion de péritonite ou l’éviscération (fig 8).
Malgré la difficulté d’un diagnostic précoce, celui-ci reste primordial
car la morbidité et la mortalité sont élevées, déterminées par
l’importance des lésions associées (notamment cranioencéphaliques
8 Plaie par arme blanche au niveau du flanc gauche.
A. Hématome du mésentère avec saignement actif. Pas de
pneumopéritoine.
B. Éviscération partielle du côlon gauche associée à un
épaississement du grêle localisé. Laparotomie : plaies du
mésentère et du mésocôlon gauche associées à une perfo-ration
iléale.
dans le cadre des polytraumatisés) et augmentées par le délai de
prise en charge thérapeutique. Ainsi, un délai supérieur à 24 heures
dans le cas de perforation duodénale fait passer la mortalité de 5 à
65 % [8, 30] ; les complications les plus fréquentes des lésions
traumatiques digestives méconnues étant infectieuses (péritonite,
abcès, septicémie) et occlusives [38].
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