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Ouverture de la session
Christian Salenson
Dominique Santelli
I- Présentation
Marseille
Nous sommes heureux de vous accueillir dans la cité phocéenne, cette ville qui dans sa
fondation porte en elle le signe de la rencontre des cultures, qui est cette année 2013 capitale
européenne de la culture. Cette ville, souvent mal comprise de l’extérieur, est une mosaïque
de peuples, de religions, de cultures différentes. Elle est tournée vers les autres rives de la
Méditerranée.
L’ICM/ISTR
Vous êtes accueillis à l’institut catholique de la Méditerranée, institut associé aux
universités catholiques de Lyon et plus particulièrement dans l’Institut de Sciences et
Théologie des Religions. Cet institut vient de fêter ses vingt ans. Dans la pochette qui vous a
été remise, vous trouverez une présentation de l’ISTR. L’ISTR développe trois départements.
Un département d’études interreligieuses, un département de pastorale et de spiritualité qui
veut penser la pastorale et la spiritualité sur l’horizon de la pluralité religieuse, un
département des religions à l’Ecole. Ce département est organisateur de cette session.
La collaboration avec l’EC de la Région
Depuis de longues années une collaboration régionale s’est instaurée particulièrement
entre les directions diocésaines de la région et l’ISTR. L’Institut apporte ses compétences
spécifiques en matière de connaissance des religions et de théologie chrétienne …
La session « pluralité religieuse et citoyenneté, une éducation à la paix.
L’organisation de cette session nationale nous a été proposée par le Secrétariat général
de l’EC et le délégué à la mission enseignement et religion (MER). Nous avons répondu
favorablement.
L’enseignement du fait religieux
Cette session est sur l’enseignement du fait religieux. Rappelons brièvement ce que
recouvre cette expression. Ces distinctions sont toujours à rappeler. Ce n’est pas la catéchèse
ni un enseignement confessant de la foi, ni de la culture chrétienne. L’enseignement du fait
religieux est demandé par l’Education nationale pour tous les établissements publics ou privés.
L’approche de cet enseignement relève de l’anthropologie religieuse et donc
essentiellement des sciences des religions. En cela il se distingue d’une approche confessante.
Nul n’est besoin d’être chrétien, ni croyant pour enseigner le fait religieux. Et son
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enseignement est bénéfique aux chrétiens et aux croyants qui apprennent ainsi à parler de la
chose religieuse avec le seul usage de la raison.
Cet enseignement n’a pas à être utilisé à d’autres fins. Il n’est pas le cheval de Troie de
la catéchèse ou de quelque forme de prosélytisme que ce soit. Que serait d’ailleurs une
annonce de la foi construite sur de la malhonnêteté intellectuelle, de la ruse ou du
mensonge… Cet enseignement du FR est essentiellement dispensé à travers les disciplines.
Certains établissements ont aussi des cours propres. C’est aussi une possibilité.
II- But de cette session
Pourquoi avoir accepté d’organiser une session et ajouter ainsi une charge de travail
supplémentaire ? Nous pensons nécessaire de mieux définir cet enseignement, ses évolutions,
ses enjeux et les possibilités nouvelles et inexplorées qu’il offre… Après des années de
réflexion, après les réformes des programmes quelles mutations que cet enseignement a
subi…
Redéfinir
Nous voudrions contribuer à redéfinir l’enseignement du fait religieux : Quand nous
disons : enseigner le fait religieux que disons-nous ? Qu’est l’enseignement du fait religieux ?
Comment le vivre dans toute sa richesse sans tomber dans des travers que nous aurons
l’occasion de dénoncer ? Suffit-il de dispenser un savoir ?
Souvent l’enseignement du fait religieux croise l’histoire des arts. Mais comment se
fait cette rencontre sans instrumentaliser l’un ou l’autre ?
Cette redéfinition passe par une prise de conscience plus large de tous les domaines de
la culture dans laquelle la religion se donne à voir. Matrices de culture, les portes d’entée sont
multiples : l’histoire, la littérature, le cinéma, la BD, la politique, les arts, le sport etc.
Les enjeux
Cette question en appelle une autre : avons-nous conscience des enjeux de cet
enseignement en général et de chacune de ses approches ? N’aurions-nous pas une vue encore
trop partielle de ses enjeux éducatifs, sociaux, culturels.
En France, à cause de notre histoire, nous sommes privés d’une compréhension
culturelle de la religion. Nous faisons figure d’exception puisque, en France, cet enseignement
est exclu de l’université. Quelques universitaires, quelques penseurs, qui échappent à une
idéologie laïque d’incompétence, pour parler comme Régis Debray, en mesurent le caractère
très dommageable pour la compréhension de la société, des autres cultures, de notre histoire
etc… Les religions sont constitutives des cultures, y compris des cultures sécularisées et leur
connaissance est nécessaire pour comprendre le monde.
Nous devons donc nous réinterroger sur les enjeux de l’enseignement du fait
religieux ? Quels en sont les enjeux personnels, culturels, sociaux, ou en terme de
construction des savoirs, de construction de l’intelligence symbolique, de la construction de
sujets. Nous avons besoin de dire quels sont les enjeux de l’enseignement du FR point par
point à partir de toutes les ouvertures qu’offrent les programmes. Une meilleure conscience
des enjeux permet en outre de développer des capacités et des initiatives éducatives.
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La question de la paix
Parmi les enjeux, nous pensons que l’enseignement du fait religieux a à voir avec
l’éducation à la paix. Nous voulions d’ailleurs appeler cette session : éduquer à la paix…
Aujourd’hui on parle beaucoup d’éducation à la citoyenneté. Nous ne négligeons pas la
nécessité de former des citoyens, mais que recouvre ce terme ? Nous sommes convaincus que
l’on ne forme des citoyens qu’en formant d’abord des hommes et des femmes capables de
capacité critique, y compris vis-à-vis des idéologies dominantes, et aptes à donner du sens à
leur action et à leur existence. L’éducation à la citoyenneté est une éducation à l’altérité
culturelle, sexuelle, religieuse, qui permet à une personne de conjuguer ensemble égalité et
différence et de ne penser son identité de manière relationnelle.
III- Le contexte
Cette session s’inscrit dans un contexte plus large. Nous pouvons en retenir deux
aspects : d’une part la refondation de l’école et d’autre part la situation religieuse du temps
présent.
La refondation de l’école
La refondation de l’école est à l’ordre du jour. Indépendamment des opinions
politiques elle est nécessaire. De quelle nécessité s’agit-il ? Au-delà de quelques
modifications de programme ou des nécessaires aménagements de rythmes scolaires, il est
urgent de donner aux générations futures d’avoir prise sur la situation, en leur donnant les
moyens dont ils ont besoin pour la transformer. Cela passe par un autre regard sur
l’enseignement, un apprentissage à l’Ecole de la vie démocratique, une sortie de l’utilitarisme
immédiat qui ne cherche qu’à promouvoir des apprentissages professionnels, une remise en
cause de la mathématisation de la société où tout est comptable, une capacité à vivre la
différence, une équité homme / femme, une place reconnue aux minorités, un autre rapport à
l’environnement etc. C’est dans ce contexte que prend place cette session nationale.
Le religieux dans les sociétés postmodernes.
Quelle est la place des religions dans les sociétés postmodernes ? La réponse ne peut
être ni une relégation dans le domaine privé, ce qui serait contre nature et qu’elles ne peuvent
accepter, ni une sorte de tolérance condescendante. La question que se posent des philosophes
aujourd’hui porte sur leur place nécessaire dans les démocraties.
Les démocraties sont fragilisées sous la pression de l’économie et du secteur bancaire
qui échappent à tout contrôle démocratique et à cause de l’idéologie sécuritaire florissante
depuis le 11 septembre. Dans des sociétés plurielles, les démocraties ne disposent que du droit
pour fonder le contrat social alors que se multiplient les diverses appartenances culturelles,
religieuses, idéologiques. Les religions sont une ressource probablement nécessaire. Elles
peuvent offrir à des sociétés démocratiques qui contrôlent leur place dans la société un
supplément d’âme, de sens, de symboles, de traditions etc.
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Les religions doivent participer aux débats démocratiques. Si cette place continue à
leur être refusée, les religions s’inviteront et pas forcément de la meilleure manière. Elles
peuvent enrichir la vie démocratique, à condition toutefois que ce soit sous le couvert du droit
afin de les dissuader de toute tentation d’hégémonie politique. C’est d’ailleurs aussi leur
intérêt et celui de leurs adeptes, pour une plus grande fidélité à leur mission propre.
Conclusion
Notre participation à tous ces enjeux est forcément modeste. Mais il convenait en ce
début de session de dresser le cadre dans lequel s’inscrit cette session. Nous n’avons pas
d’autre ambition que d’apporter notre pierre à la construction de personnes et d’une vie en
société dans laquelle l’homme reste le bien ultime.